1815

LIVRE I. — LA PREMIÈRE RESTAURATION

 

CHAPITRE II. — LE MINISTÈRE DU MARÉCHAL SOULT.

 

 

I

Le 30 novembre 1814, une représentation de gala devait avoir lieu à l'Odéon. Vers cinq heures du soir, le maréchal Marmont, qui était de service aux Tuileries avec sa compagnie de gardes du corps[1], apprit l'existence d'un effroyable complot : cent cinquante officiers à la demi-solde, embusqués sur le terre-plein du Pont-Neuf, allaient se ruer contre l'escorte, arrêter les voitures et jeter dans la Seine le roi et toute sa famille[2]. Beugnot, directeur général de la police, était informé par les rapports de ses agents que le parti militaire projetait un coup de main[3] ; mais comme il ne croyait pas à cette prétendue conspiration, qu'il traitait de fable extravagante, il n'avait pris aucune mesure particulière pour la sûreté de Louis XVIII.

Le duc de Raguse, lui, ne perdit pas cette occasion de faire parade de son zèle. Toujours fort glorieux du rôle de faiseur de roi qu'il avait rempli à Essonnes, il n'aurait pas été moins jaloux de celui de sauveur de roi. Le maréchal entra très agité chez Louis XVIII, lui révéla tout le complot et le supplia de ne point aller au théâtre. — Mon cher maréchal, répondit spirituellement le roi, votre affaire est de me garder ; la mienne est d'aller m'amuser à la comédie. Aussitôt Marmont fit appeler le général Maison, gouverneur de Paris, et le général Dessoles, commandant de la garde nationale. En une heure, toutes les troupes furent consignées, tous les postes doublés. Dix mille hommes s'échelonnèrent des Tuileries au Luxembourg. Marmont escorta à cheval la voiture royale, avec ses gardes du corps armés jusqu'aux dents. Quant aux conspirateurs, si conspirateurs il y avait, ils étaient restés chez eux. Aucun incident tragique ne vint troubler la représentation de la Petite ville, de Picard. Le lendemain, on rit un peu de la grande prise d'armes de Marmont, mais Beugnot, regardé comme peu vigilant, n'en dut pas moins quitter son poste[4].

Le roi donna à Beugnot le portefeuille de la marine, sans titulaire depuis la mort de Malouet, et, sur l'avis du comte d'Artois, il mit Dandré à la police. Ancien constituant, promoteur de la loi martiale, émigré en 92, Dandré était rentré clandestinement à Paris en 97, s'était mêlé aux conspirations de Clichy, puis avait été le conseil de Louis XVIII jusqu'en 1809.

En même temps qu'il déplaçait Beugnot, le roi remplaça Dupont. Avant son entrée dans le cabinet, Dupont était généralement méprisé par l'armée qui se souvenait de Baylen ; au ministère, il n'avait rien fait pour reconquérir son estime[5]. Il avait réduit les effectifs. mis dix mille officiers à la demi-solde, contresigné de scandaleuses nominations dans la Légion d'honneur ; il avait souffert la création des compagnies rouges l'intrusion dans les cadres de chouans et d'émigrés, la réorganisation aristocratique de l'Ecole militaire, le licenciement des invalides, la suppression des maisons de la Légion d'honneur[6] ; enfin il n'avait pas su obtenir l'exécution de l'ordonnance royale du 1er juillet relative au paiement des sommes dues aux officiers, sous-officiers et soldats pour leur solde arriérée. D'un autre côté, malgré son inlassable complaisance envers les protégés des Tuileries, Dupont était attaqué par les royalistes. Ils lui reprochaient de manquer de fermeté, l'accusaient de ne point vouloir sévir et le rendaient responsable du mauvais esprit de l'armée. Louis XVIII hésitait néanmoins à se séparer d'un ministre de la guerre d'un commerce si facile, toujours prêt à devancer ses désirs, lorsque le 13 octobre une pétition qui dénonçait Dupont pour avoir prévariqué dans l'adjudication de fournitures de vivres[7] fut portée à la Chambre. Les députés votèrent l'ordre du jour, mais un ministre de la guerre ne doit pas être soupçonné, surtout quand pèse sur lui le souvenir d'une capitulation en rase campagne, signée, a-t-on dit, pour sauver dans ses bagages personnels un million en or et en argent[8]. D'ailleurs, des nouvelles de Vienne, où se négociait une alliance entre la France, l'Autriche et l'Angleterre, faisaient prévoir, sinon la guerre, du moins la nécessité d'une mobilisation[9]. Il importait que le ministère fût en de meilleures mains. Dupont reçut comme dédommagement une pension de 40.000 francs et le gouvernement de la 22e division militaire.

Marmont espérait être appelé au ministère de la guerre. Il était bien en cour et très protégé par Vitrolles[10], mais il était encore plus décrié que Dupont. Les soldats disaient : Si le maréchal Judas ose prendre un commandement en temps de guerre, son affaire sera bientôt faite. Dans les salons comme dans les corps de garde, on contait que beaucoup de personnages déclinaient ses invitations à dîner, qu'à Châtillon des ouvriers avaient refusé de travailler pour lui, que la duchesse de Raguse, honteuse de porter un nom déshonoré, demandait le divorce[11]. Marmont étant impossible, Louis XVIII nomma un autre royaliste zélé, le maréchal Soult.

D'abord en disgrâce, Soult avait été relevé de son commandement et exclu de la Chambre des pairs. Ce n'était pas qu'il eût tardé à se retourner du côté du soleil levant, puisque le premier mai, à Toulouse, il proposa au duc d'Angoulême de marcher sur Paris, avec ses vieux soldats d'Espagne, pour jeter par les fenêtres les constituants trop libéraux du Sénat. Mais on l'accusait d'avoir fait verser inutilement le sang français en livrant la bataille de Toulouse, et on redoutait l'audacieuse ambition de ce capitaine qui avait rêvé la monarchie du Portugal et que les couronnes de ses camarades, Murat et Bernadotte, empêchaient de dormir[12]. Dans les derniers jours de juin, cependant, sur les instances du comte de Bruges, qui se porta garant de son dévouement, le maréchal fut nommé gouverneur de la 13e division militaire. A Rennes, il fit éclater son zèle pour la cause du roi et de la religion. Déjà en écoutant à Notre-Dame le panégyrique de Louis XVI, il avait été tellement touché que des larmes roulaient dans ses yeux[13]. Après avoir publié une ardente proclamation royaliste[14], il s'occupa de faire offrir à Louis XVIII par les populations bretonnes, en don de joyeux avènement, une grosse somme d'argent[15] ; puis il provoqua dans toute la France une souscription pour ériger un monument aux victimes de Quiberon. On blâma généralement ce projet, qui réveillait des souvenirs blessants pour tout le monde ; mais la cour en sut gré au duc de Dalmatie, et si grands que fussent ses talents militaires et administratifs, le monument. de Quiberon ne fut pas son moindre titre aux yeux du roi quand il fallut remplacer Dupont[16].

La nomination de Soult fut accueillie avec confiance dans les premiers jours. Quoi qu'il vînt de chouaner un peu en Bretagne, on attendait de lui plus de justice et d'ordre que de Dupont. Malheureusement, Soult n'avait pas seulement à bien servir les intérêts de l'armée, ce qui eût été cependant le meilleur moyen de bien servir le roi. Il était obligé de donner d'abord de nouveaux gages au parti qui l'avait fait ministre, et il ne suffisait pas pour cela de prendre un chapelain au ministère de la guerre, comme il s'en empressa[17]. Louis XVIII avait dit à Dupont, au cours de son audience de congé : — Nous avons été trop bons, vous et moi. Il fallait de la sévérité[18]. On voulait une main de fer, et l'on se flattait de l'avoir trouvée chez Soult qui s'était engagé vis-à-vis de son protecteur, le comte de Bruges, à rétablir promptement la discipline. Pour commencer, il résolut de bannir de Paris tous les officiers à la demi-solde, en assignant à chacun d'eux son lieu de naissance comme résidence[19]. Mais comprenant bien que cette mesure, vraiment révoltante, qui assimilait des officiers français aux forçats libérés, provoquerait la résistance, il s'avisa comme moyen d'intimidation de faire un exemple éclatant.

A la fin du mois de novembre, le docteur Andral, médecin de la cour de Naples, passant à Paris, le général Exelmans, ancien aide de camp de Murat, lui avait confié une lettre pour ce roi. Sur l'ordre de Beugnot, instruit qu'Andral avait toute une correspondance pour Naples[20], celui-ci fut arrêté à Nemours. On saisit dans ses papiers la lettre d'Exelmans, et bien qu'elle ne contint que des félicitations, des vœux et de vagues offres de service[21], on s'en émut aux Tuileries. Dupont, encore ministre, gronda amicalement Exelmans et l'engagea à se montrer plus circonspect à l'avenir[22]. L'affaire en était restée là lorsque le surlendemain de la nomination de Soult, Exelmans fut de nouveau mandé au ministère. Soult le réprimanda durement pour sa lettre, et lui reprocha en outre d'avoir propagé le bruit d'un complot royaliste contre la vie d'une vingtaine de généraux de l'empire. — J'ai correspondu non pas avec Napoléon, mais avec Murat, répondit Exelmans. Le roi de Naples est mon bienfaiteur, je ne puis être indifférent à ses succès ni à ses revers. Quant aux chouans que j'ai dénoncés, le fait est vrai ; mais je suis sur mes gardes. Puis, s'animant, il montra deux pistolets qu'il portait sous son uniforme et dit : — Je m'en servirai même dans votre antichambre si j'y suis forcé[23].

Trois jours plus tard, le 10 décembre, Exelmans fut relevé de ses fonctions d'inspecteur général de cavalerie et reçut une lettre de Soult, qui lui enjoignait de se rendre sur le champ à Bar-sur-Ornain, lieu de sa naissance, où il jouirait du traitement de demi-activité[24]. Exelmans était, en effet, né à Bar, mais il avait quitté cette ville depuis plus de vingt ans. Quand il ne faisait pas campagne, il habitait Paris ; il s'y était marié en 1808, ses enfants y étaient nés, et il y était locataire par bail d'une partie d'hôtel. Il écrivit au ministre, lui exposant ces raisons et l'assurant, d'ailleurs, qu'il s'empresserait d'obéir aux ordres du roi si l'état de grossesse avancée de madame Exelmans ne le retenait temporairement à Paris. Mais, averti par Maison que Soult ne voulait lui accorder aucun délai, il consulta ses amis, entre autres Macdonald, qui décida qu'Exelmans étant en non-activité et ayant son domicile à Paris, le ministre n'avait aucun droit de le reléguer à Bar-sur-Ornain[25]. Soult en jugeait autrement. Le 14 décembre, un officier et deux gendarmes se présentèrent chez Exelmans et lui signifièrent qu'ils étaient chargés de le garder à vue dans son logement jusqu'à nouvel ordre. Le général, exaspéré, écrivit de nouveau à Soult pour protester contre cette violence. Il termina sa lettre par cette phrase ironique, qui marquait sa résolution de rester à Paris : Votre intention a été que je me rendisse chez moi ; je crois vous obéir en y restant[26].

On apprit bientôt la séquestration d'Exelmans. Il devint le héros du jour, non seulement pour les officiers de tout grade, qui craignaient eux-mêmes un pareil traitement, mais aussi pour les constitutionnels. Si ennemis qu'ils fussent des sabreurs les libéraux se déclarèrent ouvertement pour Exelmans puisque la liberté individuelle était menacée en lui. Madame de Staël écrivit au général un chaleureux billet, Lanjuinais fit prendre de ses nouvelles deux fois chaque jour, La Fayette lui offrit comme asile son château de Lagrange, Comte demanda à être son avocat si on le déférait au conseil de guerre. Visites, lettres, cartes se multiplièrent chez le prisonnier pour l'encourager à la résistance Toute une semaine, Paris se passionna pour cette lutte entre le droit et l'arbitraire[27]. Mais Soult avait la raison du plus fort.

Dawa la nuit du 19 au 20 décembre, un piquet de troupes vient occuper les abords de l'hôtel. Le matin, le lieutenant Dayglen, accompagné de six gendarmes, pénètre dans la chambre d'Exelmans.

Celui-ci s'exalte et découvrant sa poitrine : — Je sais que vous venez pour m'assassiner. Finissons-en ! je suis prêt. Peu d'instants après, Grundler, commandant la place de Paris, étant entré à son tour, un autre accès reprend Exelmans. Il saisit un pistolet pour se brûler la cervelle, Grundler lui arrache l'arme des mains. Pendant ce temps, l'adjudant-commandant Laborde et une nuée d'agents de police fouillent les tiroirs, bouleversent les papiers, décachètent même une lettre adressée par madame Exelmans à son frère. La comtesse Exelmans, à qui l'on persuade que la désobéissance de son mari l'expose à une condamnation capitale, s'évanouit cinq fois. Impuissant à vaincre la résistance du général, qui persiste dans son refus de suivre les gendarmes, Grundler se retire en ordonnant qu'Exelmans soit mis au secret. La consigne fut si rigoureusement observée, qu'aucun des domestiques ni des autres locataires de l'hôtel ne put en sortir et que l'on refusa même d'y laisser entrer le médecin de la comtesse Exelmans. La nuit suivante, Exelmans s'évada par les jardins, laissant sur la table une lettre pour le roi et une pétition adressée à la Chambre[28]. Cette pétition fut lue dans la séance du 21 décembre, ainsi qu'une autre pétition de madame Exelmans dénonçant les mêmes faits. Après une violente discussion, qui retentit dans tout le pays, la Chambre vota renvoi au gouvernement de la pétition de la comtesse Exelmans et l'ordre du jour sur celle du général, un conseil de guerre étant saisi de l'affaire[29]. En effet, Exelmans, traduit devant le conseil de guerre de la 16e division militaire sous la quintuple accusation de correspondance avec l'ennemi, d'espionnage, d'offense au roi, de désobéissance et de violation de serment[30], allait bientôt se constituer prisonnier à la citadelle de Lille.

Tandis que cette affaire agitait Paris, des scènes tumultueuses se passaient dans les départements du Nord-Ouest. Le nouveau ministre de la guerre avait sinon peut-être suggéré, du moins adopté d'enthousiasme, l'idée de donner des pensions aux officiers et soldats des armées royales de l'Ouest, blessés pour la défense du trône[31]. Dès la fin de décembre, des commissaires se rendirent sur les lieux afin de voir les intéressés et de dresser les listes de propositions. Dans la Vendée, pays de vraie guerre plutôt que de chouannerie, les opérations s'effectuèrent avec assez de calme[32]. Mais en Normandie et en Bretagne, les anciens soldats des bandes royalistes furent reçus par la foule ameutée aux cris de : Mort aux chouans[33] ! Il paraît, d'ailleurs, que ces survivants des guerres civiles ne payaient pas de mine. Les hommes que j'ai vus, écrivait le vicomte de Ricé, préfet de l'Orne, ressemblent plus à des brigands qu'à des serviteurs dignes des bienfaits du roi. Leurs excès et leurs cruautés ont laissé les plus exécrables souvenirs dans le pays. Les grades et pensions que l'on accorde à ces individus portent une atteinte funeste à l'opinion publique[34].

A Rennes, Soult avait désigné, comme commissaires de roi, Picquet Du Boisguy, Desol de Grisolles et Joseph Cadoudal, — la, fleur de la chouannerie. Entre tous les chefs de bandes, Du Boisguy avait laissé un exécrable renom. Outre les massacres de bleus désarmés, les pillages de voitures publiques, les incendies de chaumières, les extorsions d'argent en chauffant plus que de raison les pieds des récalcitrants, on lui attribuait certaines gentillesses d'un goût autrement relevé. Il avait, disait-on, fait enterrer vifs le même jour une centaine de soldats républicains, et il avait violé deux de ses cousines, sus pestes de tiédeur royaliste, après quoi il les avait livrées à ses hommes pour les violer à leur tour et les égorger ensuite. Et c'était ce personnage dont Soult contresignait la nomination au grade de maréchal-de-camp et qu'il choisissait comme représentant du roi ! Le jour de leur arrivée à Rennes, les commissaires, impatients de montrer leurs uniformes tout battant neufs, se rendirent au théâtre en grande tenue. A leur vue, les cris : A bas les assassins ! à la porte les assassins ! éclatent si violemment qu'ils sont contraints de quitter la salle. Les jours suivants, l'agitation s'accroît dans la ville et gagne les campagnes. Non seulement l'exaltation est grande dans la population, écrit à Soult le préfet d'Ille-et-Vilaine, mais elle existe aussi chez les prêtres et chez les nobles qui sont indignés de la présence de Du Boisguy[35].

Le 10 janvier, jour indiqué pour la première séance de la commission, la foule se masse devant la préfecture. Les plus exaltés sont les étudiants en droit, les officiers à la demi-solde, enfin les paysans des environs, armés de bâtons, de faucilles, de vieux pistolets, et venus, disent-ils, pour tuer Du Boisguy. On crie : A bas les chouans ! à mort les assassins ! Nous aurons la tête de Du Boisguy ! Les anciens volontaires royaux, qui se rendent à la convocation, sont hués, insultés, frappés à coups de poing et à coups de bâton. Le neveu de l'ordonnateur général passe en voiture ; on le prend pour Du Boisguy, on arrête les chevaux. Le malheureux jeune homme est précipité sur le pavé, foulé aux pieds, grièvement blessé ; on va l'achever, lorsqu'il parvient à se faire reconnaître. Un bataillon du 11e léger, rangé devant la préfecture, assiste impassible à ces violences. Ne crie-t-on pas aux soldats qu'on veut leur enlever la solde d'un mois pour la donner aux chouans ? Vainement le préfet, le général Bigarré, commandant la subdivision, le colonel du 11e léger tentent de parlementer et disent que les commissaires ne font que remplir les instructions du roi. La foule répond que c'est outrager le roi de supposer qu'il songe à récompenser des brigands et des assassins, et les clameurs menaçantes reprennent avec plus de force. Du Boisguy veut que l'on tire sur les émeutiers, mais Bigarré s'y oppose. Il sait que la troupe est travaillée par les mécontents, il craint qu'un ordre rigoureux ne la provoque à faire cause commune avec le peuple. Les attroupements se dispersent seulement vers huit heures du soir, à la nouvelle que Du Boisguy a quitté Rennes. Le commissaire du roi avait réussi à s'échapper furtivement, et il galopait déjà sur la route de Paris, escorté par des dragons[36].

 

 

II

Louis XVIII avait proclamé l'oubli, il s'était donné comme le père de tous ses sujets, il rêvait une France réconciliée et unie sous son sceptre, et lui et ses ministres semblaient prendre constamment à tâche d'évoquer un passé sanglant, de réveiller les rancunes, de rallumer les colères, de faire deux Frances de la France et de les armer l'une contre l'autre. Etait-ce toujours faiblesse pour les anciens défenseurs de la royauté ? N'était-ce pas aussi inconscience des choses et aveuglement ? C'était bien souvent fatalité de la situation. Même les décisions que le roi n'aurait pu ne pas prendre sans manquer au devoir étaient regardées par toute une classe de citoyens comme blessantes et provocatrices. Il fut arrêté que le 21 janvier les cendres de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de madame Elisabeth seraient solennellement portées à Saint-Denis, et que l'on poserait la première pierre de deux monuments à la mémoire du roi-martyr, l'un place Louis XV, l'autre au ci-devant cimetière de la Madeleine. Des services funèbres devaient être le même jour célébrés à Notre-Dame et dans toutes les églises du royaume ; il y aurait vacance dans les cours et tribunaux, relâche dans les théâtres. Frère et successeur de Louis XVI, Louis XVIII ne pouvait pas laisser les ossements du roi pour ainsi dire sans sépulture. Il ne pouvait pas non plus les faire porter clandestinement à Saint-Denis dans un fourgon des pompes funèbres. Les services dans les églises, l'appareil du cortège, la magnificence du catafalque étaient conformes au cérémonial. Enfin, qu'un roi de la maison de Bourbon eût la pensée d'ériger un monument à la mémoire de Louis XVI, cela n'avait rien que d'assez naturel. Malheureusement, comme le service célébré pour Cadoudal, comme la souscription de Quiberon, comme les pensions données aux chouans, comme la ligne droite imaginée par Ferrand, comme tait d'autres mesures et paroles réparatrices, ces cérémonies dites expiatoires prenaient un caractère offensant et même menaçant pour tous les Français qui avaient fait ou servi la Révolution et pour tous ceux qui en avaient profité[37]. C'étaient ces autels à la vengeance dont a parlé Tacite.

Un bruit sinistre se répandit dans Paris à l'annonce de la cérémonie du 21 janvier. Les royalistes, disait-on, comptaient célébrer cet anniversaire par le massacre de tous les hommes de sang. La nuit, des troupes d'assassins soldés, des bandes de chouans fanatiques, qu'on allait faire venir de Bretagne, se porteraient chez les anciens terroristes et les égorgeraient. Le coup serait attribué à l'indignation du bon peuple de Paris, provoqué par une fausse émeute que la police organiserait dans la journée au passage du cortège funèbre. Depuis un mois, on dressait des listes de proscription et l'on s'occupait du recrutement des bandes de meurtriers. MM. de Vergennes, le comte d'Escars étaient dans le secret, et c'était pour concerter cette tuerie que tous les chefs vendéens s'étaient réunis à Paris au milieu de décembre. On ajoutait même que le projet avait été soumis au roi qui, malgré les ardentes sollicitations des princes et surtout de la duchesse d'Angoulême, particulièrement exaltée, l'avait repoussé avec horreur. Mais on agirait sans lui. Le 7 janvier, la nouvelle que le roi allait passer trois semaines à Trianon, le 8 janvier, l'annonce du départ de presque toute la garnison de Paris, accréditèrent ces rumeurs. On disait que les chefs du complot avaient réussi à éloigner le roi et les troupes afin de rester les maitres. L'alarme devint grande, principalement parmi les citoyens que leur rôle dans la révolution semblait désigner comme premières victimes. Plusieurs quittèrent Paris, d'autres prirent des dispositions pour se défendre, chez eux[38].

Dans le parti royaliste, l'approche du 21 janvier troublait les esprits. Les ultras parlaient de faire venir les régicides à Saint-Denis, nu-pieds et torches en main. Ils s'indignaient que Wellington donnât un bal le 18 janvier et demandaient qu'un deuil public fût imposé quatre jours avant et quatre jours après la cérémonie[39]. Leurs journaux célébraient à l'envi le grand acte d'expiation qui allait s'accomplir et déclamaient contre les régicides. Le Journal royal posait cette question : Une loi a défendu de rechercher ou d'inquiéter qui que ce soit pour des votes, des opinions ou même des faits relatifs à la Révolution. Mais la Charte ne parle que de faits et d'opinions et non de crimes. On demande donc si un coupable peut se prévaloir, pour éluder le jugement de ses crimes, d'une amnistie générale pour des faits ?[40]

On était dans l'attente anxieuse du jour anniversaire, lorsque survint un incident qui exaspéra l'opinion déjà très excitée. Le 15 janvier, Mlle Raucourt mourut presque subitement. Cette tragédienne fameuse avait mené dans sa jeunesse une existence fort peu édifiante, mais en vieillissant elle s'était donnée à Dieu. Elle quêtait à Saint-Roch, y offrait le pain bénit, et sa bourse s'ouvrait souvent pour les pauvres de la paroisse comme pour les frais du culte. Le curé de Saint-Roch, l'abbé Marduel, touché de sa conversion, ne dédaignait point, paraît-il, de la visiter et même de dîner chez elle. Ce fut seulement quand elle entra en agonie qu'il se souvint qu'elle était comédienne. Il refusa, dit-on, de lui envoyer un prêtre, et il opposa à la demande d'un service à l'église la défense du chapitre métropolitain d'accorder les prières ecclésiastiques à une excommuniée. Les camarades et les amis de la Raucourt se résignèrent à conduire le corps directement au cimetière.

Mais la chose s'était ébruitée. Le 17 janvier, à l'heure fixée pour le départ de la maison mortuaire, la rue du Helder se trouve pleine de monde. La foule, où les invités sont en très petit nombre, profère des menaces contre les prêtres et déclare qu'il faut forcer le curé à célébrer le service funèbre. Au débouché de la rue, comme le char tourne à gauche afin de suivre les boulevards, une vingtaine d'individus se jettent à la tête des chevaux et leur font prendre le chemin de Saint-Roch. Les portes de l'église sont fermées. Quelques personnes entrent par la petite porte de la rue Saint-Roch, pénètrent dans la sacristie et conjurent l'abbé Marduel de céder au vœu populaire. Le prêtre demeure inébranlable. Au dehors, la foule toujours grossissante — il y a maintenant cinq ou six mille hommes massés dans la rue Saint-Honoré et les rues adjacentes — s'apprête à enfoncer la porte. Une escouade de gendarmerie, envoyée par la préfecture de police, se retire sans faire de résistance. Inquiets des suites de ce tumulte, les comédiens donnent secrètement aux voitures l'ordre de gagner le cimetière. Mais au premier mouvement, on arrête le char et on croupe les traits des chevaux. On crie : Les prêtres à la lanterne ! A mort Marduel ! Quelqu'un dit : — Puisque nous ne pouvons entrer à Saint-Roch, portons le corps dans la chapelle des Tuileries. Cependant, la porte cède sous une suprême poussée. On envahit l'église, le cercueil est porté en triomphe par mille bras jusque dans le chœur dont les grilles sont tordues et renversées. Si l'on n'a pas l'officiant, on a du moins le sanctuaire. On allume les cierges et les lustres. L'église, sans prêtre et bruyante comme un club, resplendit ainsi qu'au jour de Pâques. Enfin, un commissaire de police sort de la sacristie et annonce qu'il a requis le clergé de Saint-Roch de rendre à mademoiselle Raucourt les honneurs du service divin. Quand les piquets de troupes, envoyés un peu tardivement par Maison pour contenir le peuple, arrivèrent devant l'église, le service était commencé et l'ordre rétabli[41].

Sur l'injonction de la police, aucun journal ne parla du tumulte de Saint-Roch, mais tout Paris s'en occupa. Tandis que les royalistes ultras criaient au scandale, les neuf dixièmes des Parisiens s'indignaient contre l'intolérance des prêtres, disaient que depuis le retour des Bourbons le clergé s'imaginait pouvoir faire rétrograder la France de deux siècles, et qu'il amènerait ainsi une nouvelle révolution. Pendant plusieurs jours on cria : A bas les calotins ! au passage des ecclésiastiques. Quelques-uns furent assaillis à coups de boules de neige. D'abord le peuple avait su gré à Louis XVIII de sa conduite dans l'affaire Raucourt ; il y avait même eu des Vive le roi ! à Saint-Roch quand le commissaire de police était venu annoncer la célébration du service. On croyait que l'ordre émanait des Tuileries. Cette bonne opinion ne dura pas. Le bruit se répandit que le refus de la cérémonie religieuse avait été concerté par le roi, son grand-aumônier et l'abbé Marduel, et que le monarque n'avait cédé qu'à la crainte d'une émeute[42]. Tout cela était faux[43], mais dans la lutte des passions et des intérêts politiques, il n'y a pas de vérité. C'est ce qui se dit qui est vrai.

Les Parisiens se trouvaient donc assez mal disposés à prendre le deuil le 21 janvier. Ils manifestèrent leurs sentiments par une attitude peu recueillie au passage du cortège. Sur le boulevard des Italiens, un des chevaux s'étant abattu, la foule se prit à rire. Le duc d'Orléans, qui mit alors la tête à la portière de sa voiture, fut hué par un groupe de royalistes en souvenir de son père, le régicide Philippe-Egalité. Rue du faubourg Saint-Denis, une draperie du char, qui était fort élevé, s'engagea dans un réverbère. On cria : A la lanterne ! Les troupes qui faisaient la haie ne paraissaient pas plus émues. Quelques soldats fredonnaient : Bon voyage, monsieur Dumollet[44] ! A Saint-Denis, l'abbé de Boulogne, évêque de Troyes, prononça l'oraison funèbre. Il avait pris pour texte les paroles de David : Gardez-vous de le tuer, car qui pourra porter la main sur l'oint du Seigneur et être sauvé ? (On voit dans quel esprit d'apaisement était conçu le sermon.) La chaire évangélique retentit d'anathèmes et d'appels à la vengeance, si bien qu'au sortir de l'église, le maréchal Oudinot, qui avait tenu un des cordons du poêle, dit tout haut : — Il va falloir maintenant, par expiation, nous couper tous le cou les uns aux autres[45].

La nuit se passa sans événements. Rien ne vint confirmer les appréhensions d'une nouvelle Saint-Barthélemy, qui couraient dans Paris depuis trois semaines. Naturellement, il se trouva des gens pour déclarer que c'était l'attitude menaçante du peuple aux obsèques de la Raucourt qui avait intimidé les royalistes[46].

A vrai dire, il est impossible de croire qu'un pareil projet ait jamais été sérieusement discuté, que l'on ait arrêté le plan d'un massacre qu'on en ait fixé la date. Mais peut-on affirmer que des rêves de vengeance ne hantaient pas certains fanatiques, que ceux-ci ne se communiquaient pas leurs idées, que des propositions dans ce sens ne furent pas soumises aux princes, qui les repoussèrent sans trop s'indigner ? Peut-on affirmer, enfin, que quelques chenapans, pareils à Maubreuil, ne s'occupèrent pas de recruter des hommes prêts à toutes les besognes pour le jour où se présenterait l'occasion de les employer ? Dans le Mémoire de Blacas, dans une lettre d'Alexandre au comte de Grimoard, il est question de projets sanguinaires agités aux Tuileries[47]. L'affaire du colonel Stévenot, accusé d'enrôlements clandestins, et dont l'arrestation fit tant de bruit au mois de février, fut étouffée de crainte de révélations compromettantes[48]. On dressa des guets-apens contre le duc de Bassano et contre Savary. Des gardes du corps assaillirent à coups de sabre, en plein jardin du Palais-Royal, le capitaine de gendarmerie Plersdorff parce qu'il avait coopéré, étant maréchal-des-logis, l'arrestation du duc d'Enghien[49]. Exelmans dénonça à Soult un complot de royalistes que Wellington avait, de son côté, mentionné dans une lettre à lord Castlereagh[50]. Enfin Carnot — Carnot qui n'était pas apparemment homme à s'effrayer pour rien — resta debout et armé toute la nuit du 21 au 22 janvier. Ransonnet, l'avocat Descoutures et une dizaine d'officiers supérieurs en retraite ou à la demi-solde, qui s'étaient donné rendez-vous dans la maison de la rue Saint-Louis, dont l'escalier fut barricadé, veillèrent avec lui, disposés à une défense énergique[51]. Tant d'indices et de témoignages prouvent que si ces craintes d'assassinats, propagées avec une persistance singulière par la rumeur publique, étaient fort exagérées pour la nuit même du 21 janvier, elles n'étaient point, d'une façon générale, tout à fait imaginaires.

 

III

Les tumultueuses obsèques de mademoiselle Raucourt et l'émotion provoquée par l'anniversaire du 21 janvier n'avaient pas fait oublier l'affaire d'Exelmans. Un mémoire justificatif, rédigé par Comte en forme de réquisitoire contre Soult, venait de paraître dans le Censeur, dont un tirage à part se distribuait gratuitement chez le portier du général[52]. Le 25 janvier, on apprit qu'Exelmans avait été acquitté à l'unanimité par le conseil de guerre, et qu'à la sortie de l'audience le peuple de Lille, qui passait cependant pour très royaliste, l'avait porté en triomphe[53]. Cette nouvelle fit une grande sensation dans Paris et dans la France entière. L'opposition représenta l'arrêt du conseil de guerre comme une victoire d'avant-poste. Le Censeur, le seul des journaux qui donna les plaidoiries, fut lu avec avidité. Les lettres de félicitations parvinrent par centaines à Exelmans et à Comte, son vigoureux défenseur. La duchesse de Raguse, qui ne manquait aucune occasion d'afficher son bonapartisme, se fit présenter le général Fressinet, autre conseil d'Exelmans, et l'embrassa en plein salon[54]. Pour les royalistes, qui espéraient une condamnation sévère — le duc de Berry avait demandé au roi qu'il s'engageât à ne point faire grâce[55] —, ils dissimulèrent leur confusion en faisant célébrer dans les journaux l'indépendance de la justice sous le descendant de saint Louis. Au temps de Buonaparte, dit le Journal des Débats, les choses eussent tourné d'une autre façon. Mais la cour avait beau paraître triompher de cette défaite, elle n'en voulait pas moins au maréchal Soult, qui offrit sa démission. On lui reprochait son zèle maladroit. Il n'aurait pas dû traduire Exelmans devant un conseil de guerre s'il n'était pas sûr des généraux[56] !

Sûr des généraux, on n'avait pu jamais l'être au point d'attendre d'eux un arrêt inique. Mais il était vrai de dire que l'enthousiasme pour les Bourbons qu'ils avaient manifesté aux premiers jours de la restauration s'était refroidi. Tous les officiers généraux qui possédaient des dotations en pays étranger les avaient perdues. Un grand nombre d'entre eux avaient été mis à la demi-solde. Plusieurs, comme Exelmans, avaient été maltraités, outragés. La croix de Saint-Louis, conférée au général Milhaud, lui fut enlevée parce qu'il était régicide[57]. — On aurait pu se rappeler son vote à la Convention avant de le décorer. Davout, injurieusement accusé d'avoir enlevé les fonds de la Banque de Hambourg, fut relevé de son commandement, exclu de la Chambre des pairs, relégué à Savigny-sur-Orge. Il demandait à passer devant un conseil d'enquête ; on lui refusa ce moyen de se justifier comme si l'on voulût laisser courir la calomnie[58]. Vandamme subit un affront aux Tuileries. Comme il se présentait avec des officiers de son grade l'audience publique du roi, un huissier l'invita tout haut à se retirer. Le surlendemain, il reçut l'ordre de Dupont de s'éloigner de Paris dans les vingt-quatre heures et de se rendre dans ses propriétés de Cassel[59]. Le duc de Berry brutalisa des officiers[60]. Pour une question de préséance, le duc de la Force traita comme un tambour le général Laplane[61]. La solidarité militaire faisait ressentir à tous les injustices et les outrages subis par quelques-uns. — Je détestais Bonaparte, disait le général Chouart, mais les Bourbons me le font aimer[62].

Même les officiers généraux qui étaient le plus en faveur, qui avaient un commandement, la pairie, leurs entrées au Château, qui voyaient toutes leurs vanités satisfaites, souffraient dans leur fierté. D'abord ils s'étaient trouvés très flattés d'approcher le roi, d'être reçus dans une vraie cour, de frayer avec de vrais princes, de troquer leurs titres de maréchaux d'empire et de généraux de division contre ceux de maréchaux de France et de lieutenants-généraux des armées du roi. Sens qu'ils se l'avouassent, car on sent ces choses-là mais on ne se les avoue pas, il leur semblait être désencanaillés. Marmont nous apprend que Louis XVIII avait plus de majesté que Napoléon. D'autres maréchaux pensaient vraisemblablement comme Marmont, et ils étaient tout fiers de servir un homme si majestueux. Mais cette première heure d'éblouissement avait été courte. Les chefs de l'armée ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'aux Tuileries ils n'étaient plus chez eux. Leur présence était seulement tolérée. On plaisantait la Légion d'honneur, les ducs et les comtes jadis va-nu-pieds, les généraux dont les pères avaient tanné du cuir ou cerclé des tonneaux. Les journaux rappelaient en raillant que Murat — ils avaient pour mot d'ordre de ne pas l'appeler le roi de Naples — était fils d'un aubergiste. A la cour, le dédain perçait sous la politesse affectée des grands seigneurs. On daignait les considérer comme des héros, ces soldats illustres, mais cela n'empêchait pas de les regarder comme des parvenus. Ils avaient gagné des batailles, mais ils n'étaient pas nés, et s'ils avaient versé leur sang ; ce n'était pas du sang bleu. Plusieurs étaient pairs de France, mais les nobles ne tenaient pas ces anoblis pour leurs égaux. — Quel dommage, disait amicalement un vieux duc à un maréchal de France, quel dommage que vous n'ayez pas, comme un  de nous, ce qui ne se donne pas ![63]

Les femmes des dignitaires de l'empire qui, Lien qu'elles ne fussent pas toutes d'ex-vivandières comme la maréchale duchesse de Dantzig, avaient pour la plupart une modeste origine souffraient plus encore que leurs maris de ces blessures d'amour-propre. La duchesse d'Angoulême ne les appelait que par leur nom patronymique : — Vous êtes madame Junot ? dit-elle à la duchesse d'Abrantès. Le cercle féminin de la cour les mettait dans une quarantaine à peine dissimulée. Elles entendaient ces propos. — Quelle est donc cette dame ?Je ne connais pas ces femmes-là, c'est une maréchale. La maréchale Ney était fille de madame Auguié, cette femme de chambre de Marie-Antoinette qui devint folle en apprenant le supplice de la Reine et se suicida. La duchesse d'Angoulême lui témoignait donc beaucoup de sympathie, mais de cette sympathie un peu hautaine et très familière que l'on reporte d'un vieux serviteur sur son enfant. Elle affectait d'oublier public comme en privé que la petite Auguié était devenue duchesse d'Elchingen et princesse de la Moskowa. Rien n'était plus pénible à la maréchale que de paraître à ces Tuileries où elle avait été reçue naguère avec tant d'honneur et d'où elle ne sortait plus maintenant que la rougeur au front et des larmes dans les yeux. Ney, qui aimait passionnément sa femme, était exaspéré. — Vous êtes bien heureux, dit-il un jour à Lavallette, de vous être mis à l'écart. Vous n'avez à subir ni insultes ni injustices. Puis, s'emportant, comme il lui arrivait trop souvent : — Ces gens-ci ne connaissent rien. Ils ne savent pas ce que c'est que Ney. Faudra-t-il le leur apprendre ![64]

 

IV

Tandis que le mécontentement gagnait un grand nombre d'officiers généraux, il augmentait parmi les cadres et surtout chez les officiers à la demi-solde. On détestait Soult plus qu'on n'avait jamais détesté Dupont. Soult s'est vendu aux Bourbons était le cri de l'armée[65]. Sans doute, si des influences et des préoccupations extramilitaires ne l'avaient dominé, le duc de Dalmatie eût été un bon ministre. Il s'en faut que tout fût, à blâmer dans son administration. Il pressa le rappel des soldats en congé, opération assez mal mise en train par son prédécesseur ; il s'occupa de l'approvisionnement des places fortes, de l'instruction des troupes, qui était fort négligée, de la liquidation de la solde arriérée, d'un plan de concentration. Enfin, il demanda à plusieurs reprises la suppression des compagnies rouges, et, afin d'arrêter les scandaleuses nominations de légionnaires, il obtint du roi une ordonnance réglant les conditions d'admissibilité et d'avancement dans la Légion d'honneur[66]. Mais on était moins reconnaissant à Soult de ces mesures qu'on ne lui en voulait pour son arbitraire, sa courtisanerie et ses défis au sentiment national. Il avait interdit le séjour de Paris aux officiers sans emploi, traité odieusement Exelmans, donné des pensions aux Vendéens, mis à la demi-solde sept cents officiers de plus[67], fait une promotion de généraux entièrement composée d'émigrés et de chouans[68]. Il avait osé dire au général Travot : — Je ne vous emploierai qu'après que vous aurez rendu vos biens d'émigrés[69]. Il venait enfin de porter l'irritation au comble en provoquant dans les régiments une souscription à peu près obligatoire pour ériger un monument à Louis XVI[70] et en faisant nommer grand-chancelier de la Légion d'honneur le comte de Pruges, qui n'avait jamais commandé qu'un régiment noir à la solde de l'Angleterre. Puis, malgré les promesses et les circulaires du duc de Dalmatie, la solde arriérée restait impayée. Chaque jour d'audience publique, les officiers à la demi-solde, qui s'autorisaient de l'acquittement d'Exelmans pour rester à Paris en dépit de l'ordre du 17 décembre, arrivaient en foute rue Saint-Dominique. Un jeudi de février, ils étaient plusieurs milliers. Leurs femmes braillaient : Les gens qui ne manquent de rien veulent nous faire crier : Vive le roi ! Nous crierons : Vive celui qui nous fera vivre et meurent tous ceux qui nous font crever de faim ! Soult apostropha des officiers qui portaient encore des boutons à l'aigle : — Quand le gouvernement nous aura payé ce qu'il nous doit, répliqua l'un d'eux, nous serons assez riches pour faire changer nos boutons. Jusque là nous les garderons, car ils nous rappellent notre ancienne prospérité[71].

Les nouvelles du congrès de Vienne avaient déterminé Louis XVIII à rappeler 60.000 hommes sous les drapeaux. Ce fut parmi les nombreux déserteurs des classes 1814 et antérieures, portés comme rentrés dans leurs foyers sans permission, que l'on résolut de lever ce contingent[72]. Ces hommes, il fallait, s'y attendre, ne se prêtèrent pas de bon gré à leur réincorporation. Seuls, les individus qui avaient quelque motif de réforme à faire valoir se présentèrent aux revues d'appel. Ceux que l'autorité militaire retenait comme bous pour le service s'insurgeaient et bousculaient les gendarmes aux cris de : Vive l'empereur ![73] Les recrues de la Gironde disaient : Avec la paix nous aimons mieux le roi, mais pour faire la guerre nous voulons Napoléon, qui marchera à notre tête. A Avesnes, les rappelés allumèrent une sorte de bûcher et y placèrent le buste de Louis XVIII. A Trévoux, à Bellay, à Sancerre, ils parcoururent les rues, battant la caisse, criant : Vive l'empereur ! et maltraitant les passants qui portaient la cocarde blanche. A Saint-Florent, ils insultèrent une procession par des chansons obscènes, des blasphèmes et des bordées d'injures contre le curé et le roi. Dans l'Isère, les maires aidaient les insoumis à se cacher. Un grand nombre d'anciens soldats désertaient en route. Le 76e reçut 15 hommes au lieu de 160, le 15e, 116 au lieu de 535[74]. A la fin de février, sur les 60.000 rappelés 35.000 à peine avaient rejoint les corps[75].

Cet appel alarma la population en venant confirmer les bruits de guerre. Or, la France rebelle à la guerre en 1814, quand il s'agissait de défendre les frontières mêmes de la patrie, voulait encore moins prendre les armes en 1815 pour conserver une province au roi de Saxe et pour rendre Naples au roi des Deux-Siciles. La croyance à un conflit était générale : déjà l'on s'en apercevait à la stagnation des affaires, au ralentissement des commandes, à l'arrêt des travaux[76]. Mais le fisc n'y perdait rien. Malgré l'atroce misère du pays, résultat de l'invasion et d'une mauvaise récolte, les amendes, les saisies, les ventes, les garnisaires se multipliaient. Le commerce est tourmenté, écrivait le comte d'Hauterive à Talleyrand, les manufactures sont paralysées, les propriétaires sont chargés d'impôts que l'on exige avec une barbare rigidité, même dans les pays où les Alliés n'ont laissé que la misère. Les droits réunis et le monopole sur les tabacs s'exercent comme sous Bonaparte, et même avec un peu plus de rigueur[77].

Aux craintes de guerre, au chômage, aux exécutions brutales des agents du fisc s'ajoutaient les provocations et les menaces des nobles de province. Loin d'être satisfaits par la restitution de leurs biens restés à l'État, ils semblaient plus ardents à recouvrer leurs biens vendus. Les journaux royalistes annoncèrent mensongèrement que le maréchal Berthier, ne voulant point conserver un bien mal acquis, avait remis au roi les titres de propriété de son château de Grosbois. Un habitant de Rennes, acquéreur pendant la révolution d'une maison estimée 25.000 francs, offrit à l'ancien propriétaire 5.000 francs pour ratifier la vente. Celui-ci s'indigna, prétendant que bientôt la maison lui serait rendue sans bourse déliée. Des émigrés disaient qu'ils ne donneraient pas désormais à moitié prix la propriété de leurs biens confisqués. Inquiets d'avoir à payer leur fermage aux anciens possesseurs, certains paysans se précautionnaient en refusant à le payer aux propriétaires. Dans la Creuse, un officier de dragons, en congé de semestre, se trouvant à la chasse avec le maire de la commune, acquéreur de ses biens, le provoqua en duel. A Salon (Bouches-du-Rhône) le comte de D.... entre avec quelques bons compagnons chez un individu qui a acheté sa ferme et l'en chasse à coups de bâton. Dans l'Isère, un émigré vient chez un paysan et l'accuse de lui avoir volé sa maison et ses terres. Le paysan réplique qu'il les a bel et bien payées ; l'émigré le frappe avec sa canne, l'autre saisit une serpe et l'abat à ses pieds. Le parquet refusa de poursuivre, considérant que tous les torts étaient à l'ancien possesseur. Mais les biens nationaux n'en demeuraient pas moins frappés de discrédit. Si quelque ferme ou quelque maison ayant cette tache originelle était mise en vente, les enchères atteignaient à peine à la moitié ou au tiers de sa valeur. A Paris même, ces immeubles ne trouvaient parfois acquéreur à aucun prix[78].

Le clergé provincial n'était pas moins aveuglé que la noblesse. Les prêtres deviennent insupportables, écrivait le 22 février le préfet de la Nièvre[79]. En Auvergne, on réimprima l'ancien catéchisme de Clermont avec l'article relatif à la dîme[80]. En Alsace, le clergé se montrait si intolérant que les protestants avaient des craintes pour le libre exercice de leur culte[81]. Dans tout l'Ouest, les prêtres tonnaient en chaire contre les acquéreurs, les menaçant de la damnation éternelle. Il faut rendre les biens volés, disaient-ils. Les ordonnances du roi de France qui reconnaissent la légitimité de ces ventes sont nulles aux yeux du roi des rois... Ceux qui ne restitueront pas les biens des émigrés auront le sort de Jézabel : ils seront dévorés par les chiens. Au confessionnal, au chevet des moribonds, ils proféraient les mêmes menaces et les mêmes anathèmes. Ils refusaient les derniers sacrements aux acquéreurs et, parfois, ils réussissaient, en évoquant le tableau des flammes de l'enfer, à extorquer des restitutions in-extremis. Ces gens-là, écrivait, le 3 février, le lieutenant de gendarmerie de Saint-Pol de Léon, feraient douter de la bonté du roi[82].

Tout cela ne popularisait pas le gouvernement de Louis XVIII. En février, le Paris des boulevards fronde, le Paris des faubourgs gronde. Dans les salons, on lit le Nain jaune ; dans les rues, on chante la Marseillaise[83]. En province, où l'on a hué les députés ministériels et porté en triomphe les députés de l'opposition, les opinions sont plus surexcitées. La noblesse est ultra royaliste. La bourgeoisie est libérale. Elle regarde la Charte comme une chose sacrée, jalouse les nobles, déblatère contre les prêtres. Un notaire d'Evaux (Creuse) dit publiquement : — Il faudra bien que Louis XVIII fasse comme nous voudrons, sinon nous le traiterons comme Louis XVI. Quant au peuple, la plupart des préfets signalent chez lui la persistance de l'esprit de 89 et des souvenirs bonapartistes. L'Ouest est ardemment divisé. Pour la garde nationale, écrit le 12 janvier à Montesquiou le comte de Beaumont, préfet de la Vendée, les maires royalistes ne veulent y inscrire que ceux qui ont chouané, les maires patriotes ne veulent y enrôler aucun brigand (sic). A Hericy, près Melun, le premier jeudi de mars, on promène avec des rires et des huées deux mannequins représentant le roi et un curé. Dans vingt départements, on profère des cris séditieux, on outrage les images de Louis XVIII, on enlève les drapeaux blancs des clochers et les armes royales des enseignes des boutiques. Et le colonel Tholozé écrit à Soult : On ne saurait mettre trop de douceur dans la répression sous peine de malheur. Sur les routes du Mans à Angers, d'Orléans à Bourges, de Montpellier à Rodez, de Guéret à Aurillac, les réfractaires unis aux contribuables en fuite arrêtent les diligences, pillent les caisses publiques, détroussent les voyageurs, fusillent avec les gendarmes. Dans les environs de Sade, il y a 2.000 paysans en armes[84].

Mais aux Tuileries, on ne s'inquiète pas. Si le roi lit chaque jour les rapports de police et les lettres ouvertes par le Cabinet noir[85], c'est pour y chercher son amusement et non pour en faire son profit. Au reste, il sait que personnellement il est plutôt populaire, du moins à Paris, et que l'on attribue à ses bons parents et à ses ministres tous les abus et toutes les injustices[86]. Il a bien quelque désir de voir Napoléon déporté aux Açores par les puissances[87], mais la pensée de son terrible prédécesseur ne l'effraye pas plus que ne l'inquiètent les murmures du peuple, les imprudences de la noblesse et le mécontentement de la bourgeoisie. Il ne tiendrait qu'à moi de ne pas avoir un instant de repos, écrit-il à Talleyrand, et cependant mon sommeil est aussi paisible que dans ma jeunesse... Je sais qu'il existe de la fermentation, mais je ne m'en inquiète point. Un peu plus tôt ou un peu plus tard, je verrai se dissiper ces nuages[88].

Pour les princes, ils n'ignoraient pas ce que la France pensait et disait d'eux, mais ils bravaient l'impopularité, et peut-être même le comte d'Artois s'en faisait-il gloire. Vers la fin de février, on intriguait beaucoup au pavillon (le Marsan. On cherchait à ruiner l'influence de Blacas qui, plutôt par prudence que par sentiment, soutenait la politique modérée, et l'on espérait mettre bientôt à la raison tous les frondeurs et tous les mécontents en formant un ministère de vrais royalistes où le comte de Bruges aurait la guerre et Hyde de Neuville la police[89]. Selon d'autres témoignages plus ou moins véridiques, on pensait même à contraindre le roi à révoquer la Charte et à rappeler les Parlements ; s'il s'y refusait, on devait l'enfermer comme un simple mérovingien et l'obliger à abdiquer en faveur de son frère[90]. En attendant, on obtenait de Louis XVIII l'élimination de la cour de cassation et de l'Institut des ex-conventionnels et autres personnes rial pensantes. Le premier président Muraire, le procureur général Merlin et dix conseillers furent exclus par l'ordonnance du 17 février, et peu de temps après les journaux annoncèrent, comme la chose la plus naturelle du monde, que le roi avait pourvu au remplacement des académiciens Monge, Carnot, Napoléon Bonaparte, Guiton-Morveau, Cambacérès, Merlin, Rœderer, Lucien Bonaparte, Maury, Sieyès, Joseph Bonaparte, Grégoire, Garat et Lakanal[91]. Tandis que Montesquiou recommandait dans les conseils du roi et s'efforçait d'appliquer dans son administration la politique d'assoupissement, Louis XVIII, cédant aux prières et aux objurgations de sa famille, irritait sans cesse l'opinion par des futilités de ce genre. Qu'importait donc à la solidité du trône que Lakanal et Monge fussent de l'Institut et que Napoléon figurât dans l'Almanach royal comme membre de la section de mécanique ?

 

V

Cependant, les mécontents menaçaient de passer des paroles aux actes. Dans les divers partis, les meneurs s'agitaient. Un sous-préfet démissionnaire, Fleury de Chaboulon, partait pour l'île d'Elbe afin d'exposer à celui qu'il appelait toujours l'empereur la situation troublée du pays[92]. Rovigo disait à Jaucourt : — Nous reverrons Bonaparte, et ce sera bien la faute des Bourbons[93]. Et Barras disait au comte de Blacas : — Je vais m'occuper de réaliser quelques fonds qui me permettront de m'expatrier si le tyran de ma patrie réussit à la remettre sous le joug[94]. Plusieurs députés constitutionnels étaient revenus à Paris sous l'influence de l'exaltation de la province, déterminés à obtenir ou à conquérir des garanties sérieuses contre l'arbitraire des ministres et les revendications des émigrés. Le parti libéral se préparait à une lutte vigoureuse au cours de la prochaine session, et, s'il le fallait, à un nouveau 14 juillet[95]. Plus impatients et doutant un peu de l'énergie des constitutionnels, les bonapartistes et les jacobins voulaient au contraire profiter de l'absence des Chambres pour un coup de force. Le complot ourdi depuis plus de six mois, et que l'on avait tour à tour ajourné, abandonné, et enfin repris et modifié, se tramait à nouveau. Fouché en était le principal chef. Après avoir tenté ainsi que plusieurs autres sénateurs évincés d'entrer à la Chambre des pairs, après avoir offert vingt fois ses services et son dévouement aux Bourbons. après avoir eu des entrevues sans nombre avec Vitrolles, avec Blacas, avec Malouet, avec Beurnonville, avec le duc d'Havré[96], ce Scapin tragique pensait à renverser le roi puisque le roi tardait à le faire ministre.

Dès le mois de juillet 1814, Fouché avait conçu le projet de remplacer Louis XVIII par le duc d'Orléans, qui, fils d'un régicide et soldat de la Révolution en 92, aurait pour lui, pensait-il, les libéraux, les jacobins et même les bonapartistes. Il s'en ouvrit à Talleyrand, alors assez mécontent de la tournure des choses et du peu de cas que l'on faisait de ses conseils sur la politique intérieure[97]. Talleyrand parla discrètement au duc d'Orléans, mais celui-ci l'écouta avec froideur, et, sans nommer personne, il rapporta, dit-on, l'entretien au roi[98]. Le prince se dérobant, les deux compères revinrent à l'idée d'une régence, ce rêve qui les avait hantés pendant la dernière campagne de Napoléon. Un complot fut formé ou plutôt ébauché avec la connivence de plusieurs officiers généraux, d'anciens révolutionnaires et de meneurs du faubourg Saint-Antoine. Les moyens d'exécution consistaient en un mouvement sur les Tuileries d'une partie de la garnison de Paris, appuyée par les faubourgs en armes. Le but était la proclamation de Napoléon II, avec Marie-Louise régente et le prince Eugène, Talleyrand, Fouché et Davout membres du conseil de régence[99]. Avant d'agir, il fallait connaître les sentiments de Marie-Louise, du prince Eugène, de la cour de Vienne. Il fallait surtout que Napoléon fût éloigné de l'Europe, car on craignait qu'il n'eût pas assez d'abnégation pour ne point vouloir profiter personnellement de cette révolution. Marie-Louise se trouvait alors aux eaux d'Aix, en Savoie ; on lui dépêcha Corvisart et Isabey. Fouché écrivit à Eugène, et, le 16 septembre, Talleyrand, désigné par le roi comme son plénipotentiaire au congrès, partit pour Vienne[100]. Tout en y défendant les principes du droit des gens il allait travailler à faire déporter Napoléon dans quelque île de l'Océan[101]. Ce n'était point que le prince de Bénévent fût entièrement livré à Fouché et à ses complices, mais clans cette circonstance comme dans tant d'autres, cet homme à double face agissait à deux fins. En poursuivant l'enlèvement de Napoléon, il servait Louis XVIII, et il secondait en même temps, sans se compromettre, le parti qui se préparait à le renverser. Double intrigue, dit Barras, intrigue perpétuelle de Talleyrand comme de Fouché ![102]

Fouché, au demeurant, rêvait pour l'empereur un exil plus sûr. L'un de ses affidés fit proposer à Louis XVIII de donner son assentiment à l'assassinat de Bonaparte. L'assassin, parait-il, était trouvé, mais les conspirateurs voulaient pouvoir accuser plus tard de ce crime le gouvernement royal. Le roi, qui comptait sur les puissances pour le débarrasser de l'homme de l'île d'Elbe, s'indigna et repoussa le projet[103]. Fouché, d'ailleurs, n'avait pas cessé de correspondre avec Talleyrand ; il lui écrivait tantôt directement, tantôt sous le couvert de Dalberg qui avait été adjoint au prince comme second plénipotentiaire. Ce fut sur les instances de Dalberg que Metternich consentit à entrer en correspondance secrète avec Fouché[104]. Partisan déterminé des Bourbons et absolument hostile à l'idée d'une régence, Metternich était fort éloigné de prêter la main aux machinations de Fouché et de Talleyrand. Sans doute, la raison qui l'engagea à écrire au duc d'Otrante fut de se renseigner sur la véritable opinion des Français, dont on était assez préoccupé à Vienne[105].

En attendant que le congrès décidât du sort de Napoléon, Fouché s'était retiré dans son château de Ferrières, mais les révolutionnaires et les officiers qu'il avait facilement associés à ses projets ne cessaient pas leurs conciliabules. C'est ainsi qu'en octobre et en novembre, le bruit d'une conjuration militaire se répandit partout[106]. A la fin d'octobre, on arrêta une trentaine d'officiers à la demi-solde et quelques gardes du corps, soupçonnés à tort ou à raison de comploter l'assassinat du roi et des princes[107]. Ces rumeurs émurent les cabinets européens. Le czar questionna Talleyrand[108]. Lord Liverpool se montrait déterminé à rappeler Wellington, de peur que s'il restait à Paris les chefs de la conjuration ne le gardassent comme otage. Il n'est pas douteux, écrivait-il le 4 novembre, qu'un mouvement ne menace d'éclater à Paris. Dans cette prévision, le roi doit prendre des précautions. La principale serait que les membres de la famille royale ne restassent pas tous ensemble à Paris, car le but des conspirateurs étant d'en finir avec la dynastie, ils ne tenteront rien si les Bourbons sont dispersés. Le salut d'un seul sera la sauvegarde de tous[109].

L'alarme était grande aussi dans l'entourage du roi[110]. On a vu que le soir du 30 novembre Marmont mit toute la garnison de Paris sous les armes. Ce déploiement de forces parut excessif, mais les appréhensions de Marmont n'étaient pas tout à fait chimériques. Son erreur fut de croire que la date de l'exécution du complot était fixée, alors que les conjurés discutaient encore leur plan et leurs moyens d'action.

Deux mois plus tard, le procès d'Exelmans et le langage des royalistes le 21 janvier ayant avivé les colères, et l'émeute de Saint-Roch, dont quelques révolutionnaires regrettèrent de n'avoir pas profité[111], ayant montré que le peuple était facile à soulever, les conspirateurs résolurent de brusquer les choses, quitte à se passer de Fouché. Celui-ci, averti, revint en hâte à Paris. Il tint plusieurs conférences avec Thibaudeau, Davout, Merlin, Regnaud, Drouet d'Erlon, les frères Lallemand et autres. Bassano, Rovigo, Lavallette, Réal, Oudot, Thuriot, Garat, Grégoire, Sieyès, Prieur de la Marne, Gauthier, les généraux Lefebvre-Desnoëttes, Turreau, Chouart, Frégeville, Merlin (fils du régicide), César Delaville, Chastel, Berton connaissaient aussi le complot ; mais si les uns y étaient positivement affiliés, les autres le désapprouvaient et refusèrent de s'y associer[112]. Fouché aurait voulu enrôler Carnot dont le Mémoire au roi avait raffermi la popularité. Mais l'ancien membre du comité de Salut public avait trop de défiance contre les bonapartistes et de mépris pour le duc d'Otrante. Il se confina dans sa petite maison du Marais[113]. Au dernier moment, Davout déclara qu'il renonçait à prendre part à la conspiration[114]. On se résigna à agir sans lui. Il fut décidé que sur un mot envoyé de Paris, toutes les troupes stationnées dans la 16e division militaire, que pourrait entraîner Drouet d'Erlon, se mettraient en marche. Elles rallieraient, en route, les garnisons intermédiaires et, pénétrant dans Paris par différentes barrières, elles déboucheraient à l'improviste devant les Tuileries où les rejoindraient les officiers à la demi-solde et le peuple des faubourgs. On comptait que la garnison de Paris n'engagerait pas un combat pour le roi, et Fouché garantissait au moins la neutralité de la garde nationale. Il n'y aurait donc à vaincre, pensait-on, que la résistance peu redoutable des gardes du corps et des mousquetaires de service[115].

Le plus curieux, c'est que l'on avait arrêté ce beau plan avant de se mettre d'accord sur le but même de la conspiration. La régence, qui eût satisfait à peu près tout le monde, devenait impossible puisque François Ier et ses conseillers ne paraissaient nullement disposés à laisser sortir d'Autriche le petit roi de Home, et que, d'ailleurs, Napoléon était encore à l'île d'Elbe. Les bonapartistes proposaient donc de proclamer purement et simplement l'empereur et de l'envoyer chercher sur un aviso de l'Etat. Les patriotes, au nombre desquels on comptait Fouché, les régicides et plusieurs généraux repoussaient l'idée du rappel de l'empereur. Ils voulaient contraindre Louis XVIII, le sabre sur la gorge, à prendre son ministère parmi eux, et, s'il s'y refusait, forcer le duc d'Orléans à accepter le pouvoir. Quant au roi et aux princes, on les garderait comme otages, ou on les expédierait dans la mêlée, sauf à déplorer ensuite cet accident. Dans la difficulté de s'entendre et dans la nécessité d'agir, on passa outre aux discussions. Une haine commune réunissait ces hommes si profondément divisés. L'important pour eux était de renverser les Bourbons. On verrait après. Le général Chouart, ancien maréchal-des-logis aux cuirassiers, résumait le sentiment de tous en disant dans son langage de corps de garde : — Moi, tout ça m'est bien égal pourvu que le gros cochon s'en aille[116].

La noblesse aigrie contre Louis XVIII et attendant impatiemment que la Providence ouvrit ou fermât les yeux à ce roi jacobin, la bourgeoisie déçue, jalouse et frondeuse, encore plus inquiète de l'avenir que mécontente du présent, et disant en songeant à la santé précaire de Louis XVIII et aux principes absolutistes de son successeur désigné : Dieu conserve le roi ![117], le peuple alarmé et irrite, les casernes pleines de murmures et de menaces, les libéraux se préparant à une opposition vigoureuse, les bonapartistes et les jacobins ourdissant un vaste complot dont l'avortement presque certain allait fatalement amener une répression sanguinaire, courber le pays sous le régime de l'état de siège et des cours prévôtales et assurer le triomphe du parti des émigrés, telle était la situation à la fin de février 1815, quand Napoléon quitta l'île d'Elbe avec onze cents hommes et quatre pièces de canon pour conquérir la France.

 

 

 



[1] Les six compagnies de gardes du corps étaient de service aux Tuileries chacune pendant six semaines consécutives. La 6e compagnie (compagnie Raguse) avait pris son service le 16 novembre.

[2] Marmont, Mémoires, VII, 76. Wellington à Castlereagh, Paris, 5 déc. (Dispatchs, XII).

[3] Rapports de police, 27 nov. Cf. rapport du 1er déc. (Arch. nat., F. 7, 32004.) Rapports journaliers de Beugnot au roi, 24, 25 et 26 nov. (communiqués par M. le comte Beugnot).

[4] Ferrette au grand-duc de Bade, Paris, 3 déc. (Arch. Aff. étr., 675.) Wellington à Castlereagh, Paris, 5 déc. (Dispatchs, XII.) Jaucourt à Talleyrand, 3 déc. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 140, note.) Marmont, Mém., VII, 76-77.

[5] Blacas à Talleyrand, 4 déc. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 165.)

[6] Comme on l'a vu, ces ordonnances furent rapportées ou modifiées, grâce à la Chambre des députés, mais elles n'en avaient pas moins été publiées sans que Dupont y eût fait opposition.

[7] Moniteur, 14 octobre.

[8] Extrait de la Gazette de Madrid du 9 octobre 1808, et note de l'empereur jointe à l'extrait. (Arch. Guerre, Armées d'Espagne.) — L'article XI de la capitulation de Baylen stipulait en effet que les officiers généraux conserveraient une voiture et un fourgon, qui ne seraient soumis à aucun examen. Mais est-ce une raison suffisante pour accuser Dupont ?

[9] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 17 et 25 novembre. (Correspondance avec Louis XVIII.) Cf. Dupont à Kellermann, 17 nov. (Arch. Guerre.)

[10] Vitrolles, Mém., II, 206-207. Cf. Jaucourt à Talleyrand, 29 novembre et 9 décembre (Correspondance de Talleyrand avec Louis XVIII, 140.) — Marmont n'avoue pas dans ses Mémoires qu'il convoitât le ministère, mais l'amertume avec laquelle il parle de Dupont et de Soult (VII, 75-77, 71-72, 79) trahit assez sa jalousie.

[11] Rapports de police, 6 juillet, 3 août, 31 oct., 15 nov., 24 janvier. (Arch. nat., F. 7, 3738 et 3739.) Alexandre au comte de Grimoard, 19 janv. (Arch. Aff. étr., 675.) Cf. Marmont, Mém., VII, 57-65.

[12] Villèle, Mém., I, 210, 247. Vitrolles, Mém., II, 34.

[13] Vitrolles, Mém., II, 34-35.

[14] Journal des Débats, 22 juillet.

[15] Soult à sa femme, Rennes, 17 juillet. (Arch. Aff. étr., 675.)

[16] Wellington à Castlereagh, 5 déc. (Dispatchs, XII.) Rapports de police, 24 nov., 5 déc. (Arch. nat., F. 3739.) Alexandre à Grimoard, 29 nov. (Arch. Aff. étr., 676.) Marmont., Mém., VII, 70-71. Lamarque, Mém., I, 11.

[17] Procès-verbaux du conseil des ministres, 2 janv. (Arch. nat., AF * V2.)

[18] Walterstoff à son gouvernement, Paris, 16 déc. (Arch. Aff. étr., 675.)

[19] L'ordre de Soult porte la date du 17 décembre, mais dès le 8, le bruit de la mesure projetée s'était répandes dans Paris. Rapport de police, 9 déc. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[20] Rapports de Beugnot au roi, 24, 25 et 26 nov. (communiqués par M. le comte Beugnot). — D'autres lettres pour Naples furent également saisies le 26 nov., à Villejuif, dans les papiers de lord Oxford. Cf. Wellington à Liverpool, 28 nov. (Dispatchs, XII).

A en croire une lettre de N. au prince de Laval, Paris, 13 déc. (Arch. Aff. étr., 675), la police aurait saisi en même temps une lettre de Mme de Staël à Murat, ainsi conçue : Je vous adore non parce que vous êtes roi, non parce que vous êtes un héros, mais parce que vous êtes un vrai ami de la liberté. Ajoutons, d'après un rapport de police du 26 déc. 1814 (Arch. nat. F. 7, 3739), que Dundré aurait rendu cette lettre à Mme de Staël en lui disant : — Madame, faites ce que vous voudrez, écrivez, sortez de France, restez-y. On met si peu d'importance à ce que vous faites, à ce que vous dites, à ce que vous écrivez, que le gouvernement ne veut pas s'en occuper. Voilà ce que je suis chargé de vous dire de la part de Sa Majesté.

[21] ... Je vous félicite de l'arrangement de l'affaire de Naples... L'Europe est forcée de vous reconnaître, excepté, cependant, ceux qui ne sont nullement dangereux pour un souverain tel que vous.... Mais si les choses n'avaient pas pris pour V. M. une tournure aussi favorable, un millier de braves officiers, instruits à l'école et sous les yeux de V. M., seraient accourus à sa voix pour lui offrir leurs bras. Exelmans à Murat, s. d. (20 nov. 1814) (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre). Exelmans avait écrit du même coup à Détrez, aide de camp de Murat, afin de lui réclamer sa solde arriérée. Pour des juges non prévenus, la lettre à Détrez n'était-elle pas le vrai motif de la correspondance d'Exelmans, et n'avait-il pas écrit à Murat uniquement parce qu'il écrivait à Détrez ?

[22] Exelmans à Louis XVIII, 20 déc. (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre) Pétition d'Exelmans à la Chambre (Moniteur, 25 déc.) Cf. Alfieri à Vallaise, Paris, 26 déc. (Arch. Aff. étr., 675.)

[23] Note sur Exelmans, s. d. (fin décembre) (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre). Cf. sur ce complot royaliste, Wellington à Castlereagh, Paris, 5 déc. (Dispatchs, XII.)

[24] Soult à Exelmans, 10 déc. (Moniteur, 25 déc.) — Le terme de demi-activité est impropre. Soult aurait dû écrire : de demi-solde, traitement accordé sous la restauration aux officiers mis en non-activité par suite de la réduction des cadres. Soult prétendit à tort qu'il y avait une distinction entre la demi-activité et la demi-solde et qu'Exelmans était en demi-activité. Exelmans avait été bel et bien mis en non-activité et à la demi-solde le 10 décembre 1814, ainsi que l'atteste la mention portée à cette date sur ses états de service. (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre.)

[25] Exelmans à Soult, 11 déc. (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre.) Cf. Le Censeur, IV, 267-269.

[26] Exelmans Soult, 14 déc. Exelmans au roi, 20 déc. (Dossier d'Exelmans.)

[27] Rapports de police, 17, 18, 27 et 28 déc. (Arch. nat., F. 7, 3735). Alfieri à Vallaise, Paris, 26 déc. Ferrette au grand-duc de Bade. Paris, 6 janv. 1815 (Arch. Aff. étr., 675). La Fayette, Mém., V, 332. Wellington à Castlereagh, Paris, 20 déc. (Castlereagh, Letters and Dispatchs, II.)

[28] Interrogatoire du lieutenant Dayglen, 21 déc. Exelmans au roi, 20 déc. Rapports de Soult au roi, 30 déc. (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre.) Pétitions d'Exelmans et de madame Exelmans (Moniteur, 25 déc.). Rapport de police, 23 déc. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Cf. Le Censeur, IV, 274-276.

[29] Moniteur, 25 déc. — Le fils de La Fayette, capitaine à la suite, fut si indigné de la décision de la Chambre que le 25 décembre il envoya sa démission à Soult. (La Fayette, Mém., V, 332.)

[30] Acte d'accusation (Dossier d'Exelmans, Arch. Guerre).

[31] Soult au général Rivaud, commandant à Nantes, 17 déc. (Arch. Guerre.) — D'après le Censeur, IV, 311, Soult aurait été le promoteur de cette me sure, mais il est vraisemblable que l'idée en existait déjà chez les familiers du comte d'Artois et même chez Louis XVIII.

Ces pensions devaient varier entre 3.400 fr. et 200 fr. pour les officiers et 600 et 50 fr. pour les soldats, selon la nature des services et des blessures. (Tarif des pensions. Arch. Guerre, à la date du 13 février 1815.)

[32] Sauf cependant à Challans, où des paysans et le piquet de hussards chargé de maintenir l'ordre assaillirent les Vendéens. Maire de Challans à préfet de la Vendée, 23 janv. Préfet de la Vendée à Soult, 25 janv. (Arch. Guerre.)

[33] Correspondance des Préfets, 11 janv., 25 févr., 11 mars. (Arch. nat., F. 7, 3752). N. au Comte de Girardin, 6 fév. (Arch. Aff. étr., 675.)

[34] Préfet de l'Orne à Montesquiou, 11 mars. (Arch. nat., F. 7, 3773.)

[35] Rapport du préfet d'Ille-et-Vilaine à Soult, 6 janvier 1815. (Arch. Guerre) Rapports de police, Rennes, 4 janv. (Arch. nat., F. 7, 3773.)

[36] Rapports à Soult de Bigarré, du préfet et du commissaire de police, Rennes, 11 janvier. Colonel de Pontbriand au même, Rennes, 12 janvier. Du Boisguy au même, Paris, 13 janv. Préfet à Dandré, Rennes, 17 janvier. Colonel Tholozé à Soult, Rennes, 17 janv. (Arch. Guerre.)

Des poursuites commencées à l'occasion des troubles de Rennes furent abandonnées au mois de février, • afin de ne pas affliger un grand nombre d'honorables familles •. Soult à Dandré, 25 janvier. Dambray à Soult, 25 fév. (Arch. Guerre.)

[37] On prêche sans cesse l'oubli et chaque jour on s'efforce de classer tes Français en amis et en ennemis. D'Hauterive à Talleyrand. (Correspondance de Talleyrand avec Louis XVIII, 463, note.) — Qui veut pardonner doit faire oublier. Or, on cherche à tout rappeler. Voilà ce qui inquiète pour t'avenir et fait croire qu'il y aura proscription contre une classe de citoyens. Rapports général sur l'esprit public, 14 janv. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[38] Rapports de police, 10, 12 déc., 6, 9, 10, 11, 13, 19 janv. (Arch. nat., F. 7, 32004, F. 7, 3739, F. 7, 368824.) Lettre de Descoutures, citée dans les Mém. sur Carnot, II, 398-399. Barère, Mém., III, 205. Cf. Thibaudeau, X, 158. Dossier de Stévenot (Arch. Guerre). Mémoire de Blacas (Arch. Aff. étr., 615.) Dufey (de l'Yonne), 41-42. Wellington à Castlereagh, 5 déc. (Dispatchs, XII.)

C'était en raison des nouvelles du congrès de Vienne et pour augmenter les forces aux frontières que Soult avait ordonné le départ, de dix régiments. D'ailleurs sur la réclamation de Maison, qui demanda à conserver des troupes pour assurer la sécurité de Paris, l'exécution de cet ordre fut ajournée. (Soult à Maison et Maison à Soult, 8, 9 et 11 janvier. Arch. Guerre.) De même, la nouvelle du départ du roi pour Trianon, donnée par les journaux officieux, fut démentie le surlendemain par les mêmes journaux. Mais l'alarme n'en avait pas moins été portée dans la population.

[39] Rapports de police, 9 et 11 janvier. (Arch. nat. F. 7, 3739.) N. à N., Paris. 23 janv. (Arch. Aff. étr., 675.)

[40] Journal royal, 15 janvier 1815.

[41] Rapport de Maison à Soult, 17 janvier (Arch. Guerre). Rapports de police, 18, 19, 20 janvier (Arch. nat., F., 7, 3739.) Le Censeur, IV, 286-293. Cf. Jaucourt à Talleyrand, 20 janvier. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 262-263, note.) Wellington à Castlereagh, Paris, 19 janvier. (Dispatchs, Supplément, IX.)

[42] Rapports de police, 18, 19, 20, 29 janvier. (Arch. nat. F. 7, 3739.)

[43] La vérité, c'est que le roi, consulte le 16, avait répondu qu'il ne trouvait nullement mauvais que Mlle Raucourt reçût les prières de l'Eglise, mais qu'il ne voulait pas donner d'ordres au clergé. La vérité aussi, c'est que, le 17, le roi ne fut même pas informé de ce qui se passait devant Saint-Roch, et que ce fut le commissaire de police qui, de sa propre autorité, requit le curé de faire célébrer le service (Jaucourt à Talleyrand, 20 janv. Correspondance de Talleyrand avec Louis XVIII, 262-263, note). Wellington à Castlereagh, 19 janv. (Dispatchs, Supplément, IX.)

[44] N. à N., Paris, 23 janvier (Arch. Aff. étr., 675). Rapports de police, 20 janv. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Cf. Rovigo, Mém., VII, 341.

[45] Rapport de police, 27 janv. (Arch. nat. N. 7, 3739.) — La prédication de l'abbé de Boulogne était d'une si grande violence que les journaux reçurent l'ordre de ne la point reproduire textuellement. L'analyse qu'en donne La Quotidienne du 22 janvier est déjà suffisamment caractéristique.

Dans nombre d'autres églises de Paris et des départements, on prononça en chaire des sermons non moins véhéments. Le curé de Saint-Germain-l'Auxerrois dit : < Jurez de poursuivre sans relâche les scélérats qui ont commis ce crime. Rapports de police, 23 janv. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[46] Rapports de police, 9 fév. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Barère, Mém., III, 205.

[47] Mémoire de Blacas. Alexandre à Grimoard, Paris 29 novembre 1814 (Arch. Aff. étr., 615 et 676).

[48] Stévenot, d'abord commissaire de section à Paris, fut condamné le 27 septembre 1792, pour spoliation d'effets, à 12 ans de fer avec exposition. Il s'évada deux ans plus tard du bagne de Brest, entra sous le nom de Richard dans l'armée vendéenne où il devint colonel et chevalier de Saint-Louis. Revenu à Paris en 1814, il reprit, on ne sait pourquoi, son nom de Stévenot, et en qualité d'ancien colonel, il sollicita le grade de maréchal-de-camp. (Son nom porté sur la liste des propositions ne fut radié qu'au mois de mars, après son arrestation.) En attendent, il s'occupa de recruter dans les cabarets des volontaires pour une légion royale, destinée, disait-il, à s'opposer aux machinations ourdies par les jacobins et les bonapartistes . Sans peut-être avoir consulté la cour, Dandre le fit arrêter le 25 février. Des journaux trop pressés annoncèrent cette arrestation dès le 26, ce qui produisit une grande agitation. On se trouva fort embarrassé de ce prévenu, qui prétendait n'avoir agi que d'après les ordres du comte d'Artois, du duc de Berry et de M. d'Escars. On pensait déjà à l'aider à s'échapper quand on découvrit que ce colonel était un forçat évadé. Il était facile de le réintégrer au bagne sans autre forme de procès. En attendant qu'il fût statué sur son sort, on l'écroua à la Force, puis, Louis XVIII se disposant à laisser Paris à Napoléon, on le mit en liberté le 19 mars. En décembre 1816, il fut question de l'arrêter de nouveau, mais le ministre de la police Decazes écrivit qu'il serait dangereux d'envoyer Stévenot devant les tribunaux, car il citerait le nom des princes. On décida donc a le gracier en 1817. Douze ans plus tard, sur la présentation de plusieurs pièces, entre autres d'une lettre du comte de la Fruglaye, ancien général vendéen, qui affirma que Stévenot n'avait agi, en 1814 et 1815, que d'après les ordres des princes, ce personnage fut solennellement réhabilité (arrêt de la tour du 14 juillet 1829) et, peu de jours après, il fut admis à la retraite comme maréchal-de-camp. (Dossier de Stévenot. Arch. Guerre. Rapports de police, 4 et 6 mars. Arch. nat., F. 7, 3739.)

[49] Note de Bassano. (Ernouf, Maret, duc de Bassano, 343) Rovigo, Mém., VII, 321. Rapports de police, 13 juillet 1814 (Arch. nat., F. 7, 32004).

[50] Note sur Exelmans. (Dossier d'Exelmans. Arch. Guerre.) Wellington à Castlereagh, Paris, 5 déc. (Dispatchs, XII.) Cf. Maréchal Lefebvre à Davout, 25 mars (Cité par Martel, II, 195). Pendant dix mois on a vécu sous le poignard des chouans.

[51] Lettres de Descoutures à Sadi Carnot, s. d. (Mémoires sur Carnot, II 398).

[52] Rapports de police, 13 janv. (Arch. nat. F. 7, 3739.)

[53] Dossier d'Exelmans. (Arch. Guerre.) Préfet du Nord à Beugnot, 27 janv. (Arch. nat. F. 7, 3739.)

Exelmans comparut le 23 janvier devant le premier conseil de guerre permanent de la 16e division militaire, présidé par Drouet d'Erlon. Parmi les juges, il y avait les généraux Teste et Dubreton. Le rapporteur déclara qu'un seul des cinq chefs d'accusation, celui de désobéissance, lui paraissait digne de quelque attention ; encore conclut-il sur ce point, comme sur les quatre autres, à l'acquittement du général.

[54] Rapports de police, 23, 24, 30 janv., 3 et 6 fév. (Arch. nat. F. 7, 3739.)

[55] Procès-verbaux du conseil des ministres, 26 déc. (Arch. nat., AF * V2.)

Le roi qui était encore dans sa période débonnaire répondit très bien à l'ardent duc de Berry : — Mon neveu, n'allons pas plus vite que la justice.

[56] Rapports de police, 4 février. (Arch. nat. F. 7, 3739.) N. au comte de Girardin, Paris, 6 février (Arch. Aff. étr., 675.)

[57] Dossier de Milhaud. (Arch. Guerre.)

[58] Davout, Mém. au roi, 2, 3, et lettre de Dupont citée dans l'Appendice. Mme de Blocqueville, le Maréchal Davout, IV, 124 — Talleyrand avait souffert que la recherche et la restitution des fonds de la Banque de Hambourg fussent mentionnées par des articles spéciaux de la convention du 13 avril et du traité du 30 mai !

[59] Wellington à Castlereagh, Paris, 4 oct. (Dispatchs, Supplément, IX.) Vandamme à Marmont, 10 oct. (Arch. Guerre.)

En traitant ainsi un général français, le roi servait les haines allemandes que Vandamme avait provoquées dans ses divers commandements d'outre-Rhin par son excessive sévérité.

[60] Rapports de police, 23, 24, 29 oct., 24 nov., 13, 28 janvier. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Cf. Vitrolles, Mémoires, II, 135.

[61] Rapports à Soult, 8 fév. (Arch. Guerre.)

[62] Rapports de police, 2 déc. (Arch. nat. F. 7, 3739.)

[63] Rapports de police, 19 déc., 2, 6, 12 janv., 1er fév. (Arch. nat., F. 7, 3739.) La Fayette, Mémoires, V, 315. Lavallette, Mémoires, II, 130-131. Mollien, Mémoires, IV, 177.

[64] La Fayette, Mémoires, V, 315-316. Lavallette, Mémoires, II, 131-133. Duchesse d'Abrantès, Mémoires, XVIII, 300. Déposition de Bourmont. (Procès de Ney, II, 126.) — Dans l'intérêt de la défense, Berryer nia devant la Chambre des pairs les humiliations subies aux Tuileries par la maréchale Ney. (Procès de Ney, II, 300.) Mais le fait était en quelque sorte de notoriété publique. Thiers (XIX, 173) assure qu'un ancien colonel de la garde lui dit avoir lu ces mots dans une lettre écrite par Ney à sa femme après sa défection : Maintenant, tu ne pleureras plus en sortant des Tuileries.

[65] Rapports de police, 2, 24 janv. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[66] Circulaires et lettres de Soult du 6 décembre 1814 au 20 février 1815. (Arch. Guerre.) Rapports de police, 25 janv., 2, 3, 8, fév., 2 et 6 mars. (Arch. nat., F. 7, 3739.) Zappelin au roi de Wurtemberg, Paris, 10 décembre 1814. Depuis la nomination de Soult on travaille beaucoup au Ministère de la Guerre. (Arch. étr., 675.)

L'ordonnance royale du 17 février sur la Légion d'honneur est encore en vigueur aujourd'hui, sauf quelques modifications. Soult l'obtint du roi en lui montrant une liste de 200 nouveaux légionnaires et en lui disant : — Sire, que donneriez-vous donc le jour d'une bataille ? (Rapports de police, 14 janv.) (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[67] Ordonnance royale du 16 décembre, 1814 (Journal militaire). Cf. situations générales des 15 sept. 1814 et 15 janvier 1815. (Arch. Guerre.)

L'ordonnance du 16 déc., rendue sur la proposition de Soult et portant qu'à dater du 1er janvier 1815 les officiers généraux et officiers de tout grade qui ne seront pas employés ne pourront recevoir que le traitement de demi-solde, a trompé plusieurs historiens. Ils ont attribué à Soult la mise à la demi-solde de tous les officiers excédant le complet. Or, comme on l'a vu, cette mesure avait été prescrite par l'ordonnance royale du 12 mai et mise à exécution dès le mois de juillet. Seulement, un certain nombre d'officiers avaient été, par tolérance ou négligence, maintenus à la solde entière quoique sans emploi. C'est cet état de choses que fit cesser l'ordonnance du 16 décembre.

[68] Promotion du 30 décembre 1814 : Picquet Du Boisguy, de Frotté, de Malartic, d'Andigné, de La Prévallaye, Chatelain, dit Tranquille, de Rohan-Chabot, etc.

[69] Jaucourt à Talleyrand, 11 févr. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 482, note.)

[70] Soult au roi, 28 février. (Arch. Guerre.)

[71] Rapports de police, 3, 8 février, 3 mars. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[72] Ordonnance royale du 3 novembre. (Journal militaire.) Circulaire de Dupont, 3 nov. (Arch. Guerre.) — De peur d'inquiéter la population, on ne voulut pas rappeler les militaires que les régiments avaient envoyés en congé régulier au mois de juillet. Rapport de Davout à Napoléon, s. d. (du 25 au 27 mars 1815). (Arch. nat., AF. IV, 1936.)

[73] Correspondance des préfets, déc. 1814-janv. 1815. (Arch. nat., F. 3739, et F. 7, 3773.) Correspondance générale, déc. 1814-fév. 1815. (Arch. Guerre.)

[74] Correspondance des préfets, 6, 8, 22 et 26 déc., 11 janv. Rapports de police, 15 déc. (Arch. nat., F. 7, 3773. F. 7, 3739.) Soult à Durutte, 28 déc. Marchant à Soult, 22 déc. Moncey à Soult, 26 déc. Colonel du 76e à Bourmont, 13 déc. Colonel du 45e à Pinoteau, 14 fév. (Arch. Guerre.)

[75] Rapport de Davout à Napoléon, s. d. (du 25 au 27 mars 1815) (Arch. nat., AF, IV, 1936.)

[76] Rapport sur l'esprit public, 11 et 28 nov. 1814, 5 janv. 1815. Dumonceau à Soult, Mézières, 8 déc. Kellermann à Suchet, Strasbourg, 22 déc. (Arch. Guerre.) Correspondance des préfets, et rapports de police, janvier et février (Arch. nat. F. 7, 3739, et F. 7, 3773.) Alexandre à comte de Grimoard, Paris, 19 janv. (Arch. Aff. étr., 676.) — A la vérité, la rente montait. Après avoir atteint le cours de 79 fr. à la fin d'août et avoir oscillé d'octobre à janvier entre 72 et 74 francs, elle était en février à 78. Mais on accusait le baron Louis de faire la hausse de la rente par des moyens ruineux. (Rapports de police, 25 janvier. Arch. nat., F. 7, 3739.) Thiers (XVIII, 502-503) reconnait que Louis, cherchait à imposer à l'étranger par la hausse de la rente. De fait, les actions de la Banque n'avaient pas monté dans la même proportion. Elles étaient à 1.175 fr. à la fin d'août ; à 1.190 en décembre ; à 1.180 en février.

[77] D'Hauterive à Talleyrand, Paris, 18 octobre 1814. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 19, note.) Arrêté du préfet de l'Indre, 21 janv. Soult à Amey, 4 février. Baron Louis à Soult, 7 février. Amey à Soult, 13 fév., etc. (Arch. Guerre). Rapports généraux de police (13 janvier) : Les poursuites pour les droits réunis sont aussi rigoureuses que sous l'empire. (4 mars) : La rigueur excessive pour la rentrée des impôts, l'envoi de garnisaires, etc., mécontentent tous les départements... La satisfaction des rentiers pour la hausse à la Bourse ne compense pas le mécontentement des départements... Les instructions du baron Louis sont tellement impitoyables qu'il en sera question aux Chambres. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[78] Correspondance des préfets, 2 et 3 déc. 1814, 27 et 28 janv. 1815. Rapports de police, 18 mai. 12 déc. 1814. (Arch. nat., F. 7, 3773, F. 7, 3739, F. 7, 3147.) Correspondance de Talleyrand avec Louis XVIII, 482, note. Hobhouse, Lettres, I, 91-93. Dufey de l'Yonne, l'Empire et la France, 23-24. Des Bourbons, 38-39. Tholozé à Soult, Rennes, 18 janv. (Arch. Guerre.)

Ce fut pour combattre cet état de choses que Saint-Simon publia en février 1815 le prospectus d'un ouvrage périodique ayant pour titre : Le Défenseur des propriétaires des biens nationaux, ou recherches sur les causes du discrédit où sont tombées les propriétés nationales et sur les moyens d'élever ces propriétés à ta même valeur que les propriétés patrimoniales. — Un autre écrit intitulé : Avis aux propriétaires de biens nationaux, et qui avait aussi pour objet une ligue défensive des acquéreurs, circula en décembre 1814 dans les départements de l'Ouest. Rapports s. d. (Arch. nat., F. 7, 32004.)

[79] Fiévée, Correspondance, II, 33.

[80] Préfet du Puy-de-Dôme à Montesquiou, 20 mars. (Arch. nat. F. 7, 304 4a.)

[81] Suchet à Soult, Strasbourg, 15 février. (Arch. Guerre.)

[82] Correspondance des préfets, février et mars. (Arch. nat., F. 7, 3773. F. 7, 3044a, F. 7, 3147.) D'Erlon à Soult, Lille, 7 février. Teste à d'Erlon, Arras, 11 fév. Rapports du lieutenant de gendarmerie de Saint-Pol-de-Léon, 3 février. (Arch. Guerre.) Cf. Jaucourt à Talleyrand, 11 fév. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 481, note.) La Fayette, Mémoires, V, 316-317. Fiévée, Correspondance, II, 31-33. — L'abbé de Montesquiou, dit Hobhouse (Lettres, I, 93-95), a soustrait près de trois cents pétitions où des individus se plaignaient de ce que les prêtres leur avaient refusé l'absolution parce qu'ils étaient acquéreurs de biens nationaux.

[83] Rapports de police du 10 janv. au 4 mars. (Arch. nat., F. 7, 32004.)

[84] Correspondance des préfets, et rapports de police, du 25 décembre 1814 au 4 mars 1815. (Arch. nat., F. 7, 3773, F. 7, 3739, F. 7, 32004, F. 7, 3147.) Colonel Marmier à Rapp, Bourges, 31 déc. Lefebvre au comte de Lauberdière, Lons-le-Saulnier, 4 février. (Arch. Aff. étr., 675.) Rapport sur la situation politique et militaire du royaume, 24 déc. Rapport à Soult, Périgueux, 3 janvier. Roger de Damas à Soult, Lyon, 4 janv. Soult à Gazan, 8 janv. Colonel Tholozé à Soult, Rennes, 18 janv. Soult à Damas, 20 janv. Ney à Soult, 20 janvier. Commandant de gendarmerie de Vitré à Soult, 26 févr. (Arch. Guerre.)

[85] Aux Archives des Affaires étrangères le volume 675-676, qui contient 293 pièces, est exclusivement formé de copies de lettres décachetées par la police. Il y a là non seulement des lettres de Français, généraux, magistrats, préfets et personnages connus comme Mme de Staël, Alexandre, Brès, etc., mais même des lettres confidentielles que les ministres étrangers accrédités près la cour des Tuileries adressaient à leur souverain ou à leur département. Sous la restauration, les diplomates jouissaient de toutes les immunités, sauf du secret des lettres.

[86] De l'ensemble des rapports de police de juin 1814 à fin février 1815 (Arch. nat. F 7, 32004, F. 7, 3733, F. 7, 3739) il ressort que, d'une façon générale, mais avec de nombreuses exceptions, le roi était aimé à Paris, et sa personne exempte des critiques qu'on adressait au gouvernement. Sans doute, dans quelques quartiers excentriques et même, deux ou trois fois, dans le jardin des Tuileries, il fut hué, mais bien plus souvent il était acclamé. Au théâtre, par exemple. il était toujours accueilli par, des vivats, auxquels se mêlaient parfois quelques cris : à bas les calotins. Sans doute, aussi, on plaisantait son obésité, sa faiblesse, son indolence ; on le caricaturait ; mais cela n'empêchait pas de vanter sa bonté, réelle ou imaginaire. En province, il en allait tout autrement. (Nous parlons toujours d'une façon générale et sans tenir compte des exceptions.) Là comme on souffrait davantage des rigoureuses mesures du baron Louis, des vexations des nobles, des menées des prêtres, et comme on craignait la dime et l'invalidation des ventes nationales, on envoyait au diable les ministres, les princes et le bon roi.

[87] Louis XVIII à Talleyrand, 21 oct. et 10 déc. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII.)

[88] Louis XVIII à Talleyrand, 4 déc. 1814. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII.) — En février et même en mars 1815, le roi n'avait rien perdu de sa quiétude, témoin sa lettre du 9 mars dans la Correspondance précitée.

[89] Rapports de police, 4 février, 2, 4 et 6 mars. (Arch. nat., F. 7, 3739, F. 7, 32004.) Cf. Vitrolles, Mém., II, 242-355.

[90] Mémoires de Blacas. (Arch. Aff. étr., 615.) Dufey de l'Yonne, l'Europe et la France, 44-45.

[91] Journal des Débats, Gazette de France, Quotidienne, etc., 25 février, 8, 9, 10 mars. Cf. Jaucourt à Talleyrand, 4 mars. (Arch. Aff. étr., 680.) L'ordonnance fut signée le 5 mars, mais les événements qui survinrent engagèrent le gouvernement à en ajourner la publication dans le Moniteur. Elle y parut seulement un an plus tard, le 21 mars 1816, mais la liste se trouva augmentée de cinq personnes : le duc de Bassano, Arnault, Regnaud de Saint-Jean-d’Angély, Étienne et le grand peintre Louis David. Ce dernier, d'ailleurs, eût été certainement radié, dès 1814, par une ordonnance projetée sur la quatrième classe (Beaux-Arts) qui devait être distincte de l'Institut et reprendre son ancien nom d'Académie royale de peinture.

[92] Lavallette, Mémoires, II, 140-141. Ernouf, Maret, duc de Bassano, 644. Fleury de Chaboulon, Mémoires, I, 92-93.

[93] D'Hauterive à Talleyrand, 14 février. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 261.)

[94] Mémoires manuscrits de Barras (communiqués par M. Georges Duruy).

[95] La Fayette, Mémoires, V, 353-354. Rapport de police, 6 février, 4 mars. (Arch. nat. F. 7, 3739.) Cf. Lettre précitée d'Hauterive à Talleyrand. Jaucourt à Talleyrand, 25 janvier. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 263.) Jaucourt à Talleyrand, 4 mars : Il faut que vous soyez ici au moins quinze jours avant les Chambres. Ce sera bien peu, mais ce sera encore beaucoup. (Arch. des Aff. étr., 680.)

[96] Rapports de police, 19 et 26 juillet, 22 août 1814, 6 mars 1815. (Arch. nat., F. 7, 3738 ; F. 7, 32004.) Mém. de Fouché, II, 292, 293, 331. Pozzo di Borgo, Correspondance, I, 10, 21 Montholon, Récits, II, 202. Cf. Vitrolles, Mémoires, II, 3, 10-11.

[97] Rapports de police, 18, 26, 29 juillet, 6 août, 23 sept. 1814. (Arch. nat. F 7, 3738.) Mémoires manuscrits de Barras. Rovigo, Mém., VII, 321. La Fayette, Mém., V, 353. Cf. Pozzo, Correspondance, I, 10.

[98] Talleyrand avait donné à Louis XVIII de sages conseils qui n'avaient pas été écoutés. Voir sa lettre au roi du 21 août 1814. (Arch. Aff. étr., 646.)

[99] Journal de la reine Catherine de Wurtemberg, 7 août 1814. (Mém. du roi Jérôme, VI, 452-453.) Rapports de police, 7 et 12 août, 18 sept., 19 oct. et 17 nov. (Arch. nat. F. 7, 3739, et F. 7, 3200 4). Cf. Rovigo, Mémoires, VII, 321-323. Mémoires de Fouché, II, 300-301. Mémoires manuscrits de Barras. Chateaubriand, Mémoires, VI, 352. Guizot, Mémoires, I, 56-57. Hyde de Neuville, Mémoires, II, 45, 47. Rapport au ministre de la guerre (cité par Chénier, Hist. de Davout, 415). Dépositions de Capelle (Procès de Ney, II, 148), de Vaulchier et du maire de Dôle. (Dossier de Ney, Arch. Guerre.) — Sur les rapports constants de Talleyrand, avant son départ pour Vienne, et de Fouché, qui habitait le château de Ferrières, mais qui venait très souvent à Paris, voir le rapport de police du 13 août (Arch. nat. F. 7, 32004).

D'après le Journal de la reine Catherine, Laffitte, Carnot et Ney devaient faire partie aussi du conseil de régence, mais très vraisemblablement ces trois personnages n'avaient pas donne leur acquiescement à ce projet, et peut-être même l'ignoraient-ils. Mais on se proposait de les proclamer, une fois la révolution accomplie.

[100] Journal de la reine Catherine. Rovigo, Mémoires, VII, 321, 340-347. Chateaubriand, Mémoires, VI, 352. Mém., de Fouché, II, 300-301. Cf. Méneval, Souvenirs, II, 168, III, 391, Bausset, Mémoires, III, 47, et la note de police du 7 mars 1815 (Arch. nat. F.7, 32004).

[101] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne 21 oct., 25 nov. et 7 déc. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII.) Lavallette, Mémoires, II, 139. Rovigo, Mém., VII, 321, 332-333. Cf. Hyde de Neuville, Mémoires, II, 16, 18, 22.

[102] Mémoires manuscrits de Barras.

[103] Rovigo, Mémoires, VII, 321. Cf. VI, 364.

[104] Rovigo, VII, 334-336. Méneval, II, 220. Cf. Fouché à Talleyrand, Ferrières, 25 sept. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 138-139). — La lettre ou une des lettres de Metternich à Fouché lui posait ces trois questions : Qu'arriverait-il : 1° si l'empereur reparaissait en France ? 2° si le roi de Rome se présentait à la frontière appuyé d'un corps autrichien ? 3° si rien de tout cela n'arrivait, mais qu'une révolution se fit toute seule ? Fouché répondit : Dans le premier cas, tout dépendrait d'un régiment ; s'il passait du côté de Bonaparte, l'armée suivrait. Dans le second cas, toute la France se déclarerait pour le roi de Rome. Dans le troisième cas, la révolution se ferait en faveur du duc d'Orléans.

[105] Talleyrand à Louis XVIII, Vienne, 25 nov. (Correspondance avec Louis XVIII.)

[106] Rapports de police, 13, 16, 19, 23, 26 oct., 17, 21, 27 nov., 1er, 2, 7 déc. (Arch. nat., F. 7, 3739, 3773 et 32004). Ministre de Danemark à son gouvernement, 14 nov. (Arch. Aff. etr., 675). Rapports à Dupont, 23 nov. (Arch. Guerre.) Talleyrand à Louis XVIII, 25 nov. (Correspondance avec Louis XVIII.) Wellington à Castlereagh, 4 oct. Liverpool à Castlereagh, 2 nov. (Wellington, Dispatchs, Supplément, IX.)

[107] Wellington à Castlereagh, Paris, 3 nov. (Dispatchs, Supplément, IX.) Ministre de Danemark à son gouvernement, 14 nov. (Arch. Aff. étr., 675.)

[108] Lettre précitée de Talleyrand à Louis XVIII, 25 nov.

[109] Liverpool à Castlereagh, Londres, 2 nov. à Wellington, 4 nov. (Wellington, Dispatchs, Supplément, IX.)

[110] Jaucourt, à Talleyrand, Paris, 29 nov. (Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, 140.)

[111] Rapports de police, 20 janv. (Arch. nat., F. 7, 3739.)

[112] Cf. Lavallette, Mémoires, II, 135, 138-142. Rovigo, Mémoires, VII, 337-339, 347. La Fayette, Mémoires, V, 354. Hyde de Neuville, Mém., II, 45, 48. Thibaudeau, X, 206-210. Mém. de Fouché, II, 303-304. Note de Foudras, 10 février. Rapports de police, 12, 13 et 31 août, 23 sept., 26 oct., 23, 30 nov., 2, 16 déc. 1814, 26, 27 févr., 4, 6 mars 1815. (Arch. nat. F. 7, 32004, et F. 7, 3739.) Dossiers d'Exelmans, de Drouet d'Erlon et de Lefebvre-Desnoëttes (Arch. Guerre).

D'après certains indices nous pouvons avancer, sans prétendre cependant l'affirmer, que les généraux Lanusse, Flahaut, Corbineau, Girardin, Exelmans, Fressinet, Lacroix, Labriche, Sebastiani, Defrance, et, parmi les civils, le duc de Cadore, Gaillard, Lecomte, Villetard, Lamarque, Ginou de Fermon, Pous de Verdun, Lambrechts, Genevois, etc., connaissaient également le complot.

Le général Quesnel, selon une tradition rapportée dans le Supplément de la Biographie Michaud, fut aussi affilié à la conspiration. Soupçonné par ses complices de vouloir révéler leur secret, il aurait été jeté dans la Seine au sortir d'une des réunions. En effet, le 4 mars, on trouva le corps de Quesnel flottant sur la Seine entre Boulogne et Saint-Cloud, et cette mort mystérieuse causa une grande sensation dans Paris. (Rapports de police, 4 mars. Arch. nat., F. 7, 3739. Journal des Débats, 7 mars.) Mais ni au dossier de Quesnel, aux Archives de la Guerre, ni dans les rapports de police des Archives nationales, il n'existe aucune pièce de nature à faire la lumière sur les causes de ce suicide ou de cet assassinat.

[113] Mém. sur Carnot, II, 400. Thibaudeau, X, 209.

[114] Lavallette, Mémoires, II, 141-142. — Dans la Correspondance du maréchal Davout, les lettres s'armant au 6 nov. 1813 pour ne reprendre que le 31 mars 1815. Il ne faut donc chercher là aucun renseignement sur Davout pendant la première restauration. De même, Mme de Blocqueville (Le Maréchal Davout), E. Montegut (Le Maréchal Davout) et, sauf dans une note qui s'accorde avec l'assertion de Lavallette, Gab. de Chénier (Histoire de Davout) passent plus que rapidement sur cette période de la vie du maréchal. Il n'en est pas moins indéniable que le prince d'Eckmühl a été mêle aux conspirations de 1814-1815.

[115] Rovigo, Mémoires, VII, 337-339. Thibaudeau, X, 208. La Fayette, Mémoires, V, 354 355. Mémoires de Fouché, II, 303-304. Dossiers de Lallemand, de Lefebvre et de Drouet d'Erlon. (Arch. Guerre.)

[116] La Fayette, Mém., V, 354, 355. Thibaudeau, IX, 208-209. Rovigo, Mémoires, VII, 343, 347-348. Lavallette, Mémoires, 141-142. Hyde de Neuville, Mém., 45-46. Mém. de Fouché, II, 303-304. Montholon, Récits, II, 202. Rapports de police. 23 sept., 1er, 4 et 6 mars. (Arch. nat. F. 7, 3738, F. 7, 3739, et F. 7, 3200 4.) Cf. Ginguéné à La Harpe, 1er juin. (Arch. Aff. étr., 1802). Pasquier, III, 130.

[117] L'inquiétude et l'anxiété se glissent partout depuis que le roi (Louis XVIII souffrait alors d'une violente attaque de goutte) ne quitte plus ses appartements. On fait de sinistres prédictions. On dit que si le roi mourait, les princes impopulaires ne se soutiendraient pas huit jours. — Toutes les idées se portent sur le futur et sur le peu de stabilité d'un état de choses qui repose sur une mauvaise santé... Même les pairs, qui sont constitutionnels de bonne foi, sont tout à fait opposés à Monsieur, tant on redoute l'empire que le clergé prendrait sur lui et les revendications des émigrés... Monsieur devrait prendre à tâche de ramener l'opinion publique. — Dieu conserve le roi est le cri général. Rapports de police, 2, 4 et 6 mars. (Arch. nat., F. 7, 3739.)