ESSAI SUR LE RÈGNE DE L’EMPEREUR AURÉLIEN (270-275)

 

QUATRIÈME PARTIE. — LA RÉORGANISATION MILITAIRE DE L’EMPIRE. L’ENCEINTE DE ROME.

CHAPITRE II. — L’ENCEINTE DE ROME (suite).

Texte numérisé par Marc Szwajcer

 

 

TROISIÈME PARTIE — LA CONSTRUCTION.

La disposition de la muraille n’est pas uniforme ; elle varie selon la configuration du terrain et les nécessités de la défense. Il faut distinguer tout d’abord, dans l’œuvre d’Aurélien, deux parties essentielles.

I. La mise en état de défense des édifices antérieurs.

II. La fortification, construite en 271, avec ses différents types.

I. Mise en état de défense des édifices antérieurs. — Ces édifices étaient de forme variable :

a) Les uns, construits à un niveau supérieur ou situés sur le flanc d’un escarpement, ne présentaient sur la ligne du mur que leurs substructions. Ces substructions jouaient le rôle de mur de soutènement.

b) Les autres, construits en plaine ou sur le plateau, comme les Castra Prætoria, les Aqueducs, l’Amphithéâtre Castrense, durent être artificiellement renforcés.

a) Parmi les édifices du premier genre se trouvaient les arcades du Pincio et les substructions de la Domus Lateranorum. — Le mur de soutènement du Pincio, qui formait, à l’extrémité Nord-Est de la colline, un saillant très prononcé, ne fut pas modifié : le sommet de ce mur domine la vallée de 20 mètres en moyenne, l’escarpement est à pic ; il n’était pas nécessaire de renforcer cette partie de l’enceinte par une ligne de défenses accessoires. Les tours, destinées à un rôle de flanquement, étaient inutiles sur un point où l’escalade du mur était à peu près impossible. Il suffit de protéger les tireurs et les soldats chargés de manœuvrer les lithoboles placés sur la crête du mur, en élevant un parapet, percé d’embrasures.

Les substructions de la Domus Lateranorum, hautes de 14 à 16 mètres et à pic, furent également laissées intactes : Aurélien n’y construisit pas de tours de flanquement. La configuration du terrain était la même qu’au Pincio : le mode de défense fut analogue.

b) Les principaux édifices du second genre étaient les Castra Prætoria, les Aqueducs (de la porte Tiburtina au saillant Sud-Est), l’Amphithéâtre Castrense et le Mausolée d’Hadrien.

Castra Prætoria. — Jusqu’en 271, le Camp Prétorien, caserne dos Cohortes Prétoriennes, était une forteresse autonome, dirigée surtout contre la ville. Les murs était assez bas (hauteur maxima, visible sur le flanc Nord, 5m,31). Quatre portes s’ouvraient sur les côtés du quadrilatère. Le Camp Prétorien, sous sa forme primitive, pouvait tenir tête à une émeute. En 238, sous Pupien et Balbin, le peuple de Rome, en lutte avec les Prétoriens, ne put le forcer. Après 271, il ne devait plus répondre aux besoins de la défense. Aurélien voulait que Rome fût capable de résister à une invasion barbare ; il était indispensable d’augmenter la valeur défensive du Camp Prétorien. Aurélien prit une triple mesure à cet égard.

a) Le Camp Prétorien devint partie intégrante de la nouvelle enceinte. — Vers le Nord, la courtine vint se lier à l’angle Nord-Ouest du camp ; au Sud, la liaison n’a pas lieu exactement à l’angle, mais environ 110 mètres plus à l’Est, non loin de la porte latérale. On a cherché, au Nord connue au Sud, à économiser le travail et à restreindre le front vulnérable en donnant à l’enceinte le moindre développement possible.

b) Aurélien fît augmenter la hauteur du mur, dans toutes les parties qui pouvaient être exposées à une attaque. — Le mur primitif mesurait 5m,61 ; Aurélien l’éleva de 2m,50 à 3 mètres en moyenne. On distingue parfaitement, le long du flanc Nord, les parties originales et les parties ajoutées en 271. La partie ancienne, construite en briques rougeâtres, avec quelques insertions de briques jaunes, est d’un travail très régulier : les briques ont une épaisseur moyenne de 0,031 à 0,0443 et les joints, une hauteur de 0,0065 à 0,0130. Le couronnement primitif du mur, avec ses créneaux, est encore visible, noyé dans la construction d’Aurélien. Cette dernière est d’un travail bien inférieur ; l’épaisseur des briques reste à peu près la même 0,030 à 0,043, mais la hauteur des joints s’exagère et tend à égaler l’épaisseur même des briques : 0,030 à 0,037. — En même temps, la porte qui s’ouvrait vers la campagne, au milieu du front Est, fut entièrement murée.

c) Enfin Aurélien accrut encore la valeur défensive du mur, en abaissant le niveau du terrain. — On mit à nu, sur 2m,30 de hauteur, une partie des fondations construites en blocage avec insertion de nombreux blocs de péperin. Ces fondations sont nettement visibles sur le flanc Nord. On aurait pu croire que cette dénivellation n’était pas l’œuvre d’Aurélien, mais celle d’Honorius, qui, en 403, répara l’enceinte d’Aurélien. Mais une découverte, survenue en 1888[1], prouve que cette supposition n’est pas fondée ; on a trouvé, près de l’angle Nord-Est du Camp une maison, construite à l’époque de Dioclétien (fin du IIIe — début du IVe siècle), dont le sol est au même niveau que le pied de la fortification actuelle. — L’abaissement du sol, en avant de l’enceinte, ne peut donc être que l’œuvre d’Aurélien.

Ces deux dernières mesures, exhaussement du mur, abaissement du sol, ne s’appliquèrent certainement pas au mur occidental tourné vers la ville ; sur ce point, elles auraient été absolument inutiles. Toute vérification du fait est d’ailleurs impossible, ce mur ayant été détruit en 312, lorsque Constantin licencia les Prétoriens et démantela leur camp.

Les Aqueducs. — De la porte Tiburtina au saillant Sud-Est, le tracé du mur a été déterminé, nous l’avons vu, par la présence d’une longue ligne d’aqueducs : triple aqueduc de la Marcia-Tepula-Julia, au Nord de la porte Prænestina, aqueduc de l’Aqua Claudia et de l’Anio Novus, au Sud.

Aurélien ferma les arches des aqueducs en construisant un mur de masque du côté de la campagne. La disposition de ce mur n’est pas uniforme.

a) De la porte Tiburtina à la première tour au Nord de la porte Prænestina (point où le triple aqueduc de la Marcia-Tepula-Julia se lie à l’enceinte), et, au Sud de la porte Prænestina, du point où la muraille change de direction au saillant Sud-Est, le mur extérieur est ininterrompu (épaisseur moyenne, 1m,30) ; les piliers, absolument invisibles du dehors, servent de contreforts et de pieds droits ; ils donnent à l’ensemble de la construction la solidité nécessaire[2].

b) De part et d’autre de la porte Prænestina, et dans les limites fixées ci-dessus, on a employé un autre système. Le mur extérieur relie simplement les piliers entre eux ; ces piliers constituent une partie de front et sont visibles du dehors ; la saillie vers l’intérieur est, en moyenne, de 1m,55 à 1m,70.

La construction a été complétée par l’érection de tours quadrangulaires flanquant les courtines et la partie supérieure des aqueducs a été renforcée par l’adjonction d’un parapet crénelé, destiné à protéger les tireurs. Vue de l’extérieur avec son mur de masque, ses tours et sa ligne continue de courtines, cette fraction de l’enceinte présente le même aspect que les parties construites de toutes pièces, en 271, dont il sera question plus loin.

L’Amphithéâtre Castrense. — Les fenêtres des deux otages furent murées et les courtines vinrent se raccorder aux deux longs côtés de l’ellipse[3].

Le Mausolée à Hadrien. — Ce monument, qui repose sur un soubassement carré (large de 90 mètres, haut de 31), présentait déjà, par sa masse, une grande force de résistance : Aurélien le rattacha par un double mur de courtine au pont Ælius et à la fortification de la rive gauche ; il éleva 6 tours, dont 4 aux angles du soubassement carré et 2 en bordure du fleuve ; enfin, il ménagea, sur les flancs du soubassement et sur les deux murs de raccordement, une ligne continue de propugnacula et de créneaux[4].

Il faut ajouter enfin que sur certains points, Aurélien, pour accroître la valeur défensive de l’enceinte, exhaussa artificiellement le sol, vers l’intérieur de la ville en y accumulant les déblais ; l’exemple le plus caractéristique de ce procédé se trouve dans la région transtibérine entre la porte Septimiana et le fleuve, à l’emplacement des anciennes Cellæ Vinariæ, dont il a été question plus haut : sur ce point, la banquette artificielle qui sert de support au mur d’enceinte est haute de 1m,62[5]. La communication entre les deux niveaux, extérieur et intérieur, fut assurée par un escalier de travertin (largeur des marches, 1m,94, hauteur, 0m,20), placé à l’intérieur de I’avant-dernière tour de l’enceinte vers le Tibre[6].

II. La fortification construite en 271. — Dans les intervalles compris entre les monuments conservés, le mur a été construit de toutes pièces, sous Aurélien et Probus. Le type, comme nous le verrons plus loin, n’est pas uniforme ; il varie selon la configuration du terrain.

Les fondations. — Les fondations sont en général cachées, le sol s’étant considérablement exhaussé depuis l’époque d’Aurélien. Déjà, au temps d’Honorius, l’amas des décombres était toi qu’il diminuait beaucoup la valeur défensive du mur. Néanmoins, ces fondations ont été dégagées sur plusieurs points, où, en raison de divers travaux, la base des murs a été mise à nu, notamment :

a) Entre les substructions des Acilii et le rentrant, situé au Nord-Est de la Trinité des Monts, sous la terrasse de la villa Médicis ;

b) Entre la deuxième et la troisième tours, au Sud-Ouest de la porte Pinciana ;

c) Entre la porto Pinciana et les Castra Prætoria (nivellement du Corso d’Italia) ;

a) Entre les portes Tiburtina et Prænestina (via delle Mura). — Sur ce point l’abaissement du sol est l’œuvre d’Honorius : le seuil de la poterne, située entre les sixième et septième tours, au Sud de la porte Tiburtina, se trouve aujourd’hui à 3 mètres au-dessus de la via delle Mura[7].

e) Entre le saillant, situé au Sud-Est de la porte Prænestina et la porte San Giovanni (travaux de nivellement, exécutés en 1889, via delle Mura)[8].

f) Entre les portes Metrovia et Appia.

Ces fondations se composent de blocs de pépérin superposés, sans revêtement.

La fortification. — L’ensemble de la fortification est construit en blocage à revêtement de briques. Les brèches, pratiquées à diverses époques dans les parties originales de l’enceinte (percement d’une poterne, via Piemonte, entre les portes Pinciana et Salaria ; percement du Viale del Campo Santo, au Sud de la porte Tiburtina, en 1884[9] ; percement de la porte San Giovanni, en 1574) ont montré la constitution interne du mur. Le blocage, coulé dans de grandes caisses dont les traces sont encore visibles sous le revêtement de briques, contient surtout des morceaux de tuf, de forme irrégulière, des briques cassées et parfois aussi des fragments architecturaux ou sculpturaux de petites dimension s. C’est ainsi qu’une partie du mur, entre l’Amphithéâtre Castrense et la porte San Giovanni, tombée en 1893[10], contenait un fragment d’antéfixe en terre cuite, haut de 0m,10 et orné de deux génies en relief.

Les briques sont triangulaires ; les angles ont été généralement brisés avant la mise en place. Le travail est régulier, mais caractéristique de l’époque ; il marque bien la transition entre le temps des Sévères, où l’appareil est plus soigné et où les joints sont plus minces et le siècle de Dioclétien, qui emploie des briques irrégulières et exagère l’épaisseur des joints. Les briques, que j’ai mesurées dans diverses parties de l’enceinte qui appartiennent sans conteste à la construction primitive, ont les dimensions suivantes :

Le rapport entre les épaisseurs des briques et des joints, est en moyenne de 8/7.

Les briques, employées dans la construction des grands édifices, provenaient généralement des fabriques impériales. Les seuls points de l’enceinte, où l’on ait retrouvé des briques datées, sont les suivants :

1° Entre les portes Latina et Appia, en 1870, briques avec le timbre C. CVL. (?) DIA (dumeni ?) SVL (picianum) provenant des Figlinœ Sulpiciame (époque d’Hadrien)[11].

2° En démolissant (1889), une portion de courtine, à l’Ouest de la Pyramide de Cestius, briques avec les timbres[12].

a) OF. SOF DOM. DECEMB.[13]

b) SERVIANO III COS.

EX. FIG. VIL. AUG. SULPIC.[14]

c) C. NA. EV, palmette.

La première porte le nom de Domitia Lucilla Minor[15] (époque d’Antonin ou de Marc Aurèle) ; la seconde est datée de 134 après Jésus-Christ ; la date de la troisième ne peut être déterminée.

3° De la brèche ouverte en 1892 pour le passage de la via Montebello[16] (entre la porte Pia et les Castra Prætoria), proviennent les briques suivantes :

a) PAET. F.T. APR. COS.

EX. P. IVL. EVT. SAL.[17]

= Pætino et Aproniano Consulibus, ex prædis Juli Eulacti Salarese, de 123 après Jésus-Christ.

b) SAL. EX. PRÆ. TREB.

= Salarese ex prædiis Trebiciæ (Tertullæ). Ces briques proviennent des fabriques de Trebicia Tertulla, situées comme celles de Julius Eutactus, hors de la porte Salaria. Epoque : règne d’Hadrien.

En résumé, les briques datées, découvertes dans l’enceinte d’Aurélien, ont toutes été trouvées par séries : briques des figlinæ Sulpicianæ, entre les portes Latina et Appia ; briques des figlinæ Domitiæ Lucillæ, près de la Pyramide de Cestius : briques des figlinæ de Julius Eutactus et de Trebicia Tertulla, entre la porte Pia et les Castra Prætoria. Toutes ces briques, sans exception, appartiennent au IIe siècle. Deux exemplaires sont datés avec précision du double consulat de Pætinus et Apronianus en 123 et du IIIe consulat de Servianus en 134.

Ces briques du II" siècle proviennent d’édifices antérieurs, qui étaient situés sur la ligne de l’enceinte et qui ont dû être démolis en 271. Le fait est certain pour les briques trouvées à la brèche de la via Montebello. Il y avait là, une maison de l’époque d’Hadrien, dont une partie a été conservée à l’intérieur de la muraille. Les briques de la maison portent les mêmes timbres (3e : a et b) que les briques du mur.

Néanmoins, ces briques datées, antérieures au règne d’Aurélien, ne constituent qu’une exception. L’ensemble des briques de l’enceinte ne porte aucun timbre. Si toutes provenaient d’édifices antérieurs, les briques timbrées seraient nécessairement beaucoup plus nombreuses. Aurélien, quand l’occasion s’en présentait, a utilisé d’anciennes briques, mais la masse a été fabriquée à mesure des besoins. Les briques neuves n’ont pas reçu d’empreinte spéciale.

L’enceinte d’Aurélien, en laissant de côté les parties construites ou entièrement remaniées à une époque postérieure (mur du Transtevere, mur en retour le long du Tibre, au Sud de l’Emporium), comprend trois types distincts.

1° Le type à galerie et plate-forme supérieure ;

2° Le type mur de soutènement ;

3° Le mur de quai de la rive gauche, du ponte Sisto actuel à la hauteur de la porte Flaminia et le mur de quai du Transtevere.

Le type à galerie et plate-forme supérieure est le plus général. On le rencontre :

a) Du Tibre au rebord occidental du Pincio, sur 505 mètres.

b) De la sixième tour à l’Ouest de la porte Pinciana aux Castra Prætoria, sur 1km,160.

c) Des Castra Prætoria (flanc Sud) à la porte Tiburtina, sur 820 mètres.

d) De l’Amphithéâtre Castrense à la porte Asinaria, sur 480 mètres.

e) De la Domus Lateranorum au Tibre, sur 4km,500.

Soit, au total, 7 kilomètres, sur les 16 kilomètres d’enceinte de la rive droite.

Ce type n’est pas également bien conservé partout. L’enceinte a subi de nombreux remaniements : du Tibre au Pincio, sous Boniface IX (1389-1404), Nicolas V (1451), Alexandre VII (1662), Benoît XIV (1750) ; de la septième à la dixième tours, à l’Est de la porte Pinciana, sous Jules III (1549-1555). De la porte Salaria à la porte Nomentana, le mur a été abattu par les Goths en 5i6, réédifié par Bélisaire, modifié sous Pie IV (1564), lors de l’ouverture de la porta Pia, et refait en partie, à la suite du bombardement de 1870. Entre les Castra Prætoria et la porte Tiburtina, l’enceinte a été réparée par Bélisaire, Nicolas V (1451), Jules II (1503-1513) et Grégoire XIII (1572-1585). Entre l’Amphithéâtre Castrense et la porte Asinaria, les remaniements sont rares ; la quatrième tour à l’Ouest de l’amphithéâtre a été refaite au XVe siècle, la cinquième au XVIIe, la sixième aux Xe XIIe, XVe et XVIe siècles et une partie de la courtine suivante sous Jules III (1549-1555). Au contraire de la Domus Lateranorum au Tibre, les réfections sont fort nombreuses ; les principales remontent à Bélisaire, Nicolas V (1447-1455), Pie II (1458-1464), Alexandre VI (1492-1503), Paul III (1534-1550), qui fit abattre une partie de l’enceinte, à l’Est de la porte Ostiensis, et la remplaça par le bastion de Sangallo, Innocent X (en 1645), Alexandre VII (en 1668), Clément XI (en 1717) et Pie IX.

Les parties les mieux conservées sont celles qui s’étendent :

1* De la porte Pinciana à la porte Salaria ;

2° De la première tour à l’Ouest de l’Amphithéâtre Castrense à la porte San Giovanni.

Ce sont ces deux secteurs, surtout le premier, qu’il convient d’étudier particulièrement.

1° LA ZONE FORTIFIÉE.

La largeur de la bande de terrain, qui dut être expropriée pour la construction de la nouvelle enceinte, peut être évaluée à environ 19 mètres : 3m,85-4 mètres pour l’épaisseur du mur, 5 mètres et 10 mètres pour les deux chemins de ronde à l’intérieur et à l’extérieur de la ville : soit au total 358.000 mètres carrés. La dépense d’expropriation, qu’on ne peut évaluer même très approximativement, calculée d’après un minimum de 20 francs le mètre carré, aurait été supérieure à 7 millions de francs[18]. L’importance de ce chiffre montre bien quel intérêt il y avait pour le Trésor à utiliser, dans la plus large mesure possible, les monuments antérieurs et à choisir pour le tracé de l’enceinte, des terrains appartenant, soit au domaine public, soit au domaine privé des empereurs.

Le chemin de ronde situé vers l’intérieur de la ville, primitivement destiné à relier les diverses parties de l’enceinte, est actuellement intercepté, presque partout, par une série de propriétés privées.

Le chemin de ronde externe (via actuelle delle Mura, sur la rive gauche) occupait remplacement le plus souvent réservé au fossé dans les fortifications anciennes. A Rome, il est certain que l’enceinte construite par Aurélien en 271, n’avait pas de fossé. Un fait est caractéristique à cet égard. En IM2, lorsque Constantin marcha sur Rome, Maxence mit la ville en état de défense. Entre autres mesures, il fit creuser un fossé en avant des murs ; ce travail resta inachevé après la défaite et la mort de Maxence au pont Milvius[19]. Honorius, quand il répara le mur d’Aurélien, en 403, ne creusa pas de fossé : les inscriptions des portes Tiburtina, Prænestina et Portuensis, qui parlent de la restauration des tours, des murs et des portes, ne mentionnent aucun ouvrage de ce genre.

Le premier fossé, qui ait été creusé sur tout le périmètre de l’enceinte, fut l’œuvre de Bélisaire, en 536 : Τάφρον άμφί τό τέιχος βαθέιαν τε καί λόγου άξίαν πόλλου ώρυσσε[20]. Ce fossé, qui joua un rôle important lors du siège de la ville par Vitigès, notamment à la porte Salaria, fut comblé par la suite. Aujourd’hui il n’en reste plus de traces.

2° LE MUR D’ENCEINTE.

A. — Type à galerie et plate-forme supérieure. — Le Socle. — La partie inférieure de la courtine est constituée, dans le type à galerie, par un socle massif, bâti en blocage à revêtement de briques. L’épaisseur de ce socle est de 3m,85 à 4 mètres. Ce chiffre n’a pas été arbitrairement choisi. On doit donner au mur, écrit Philon[21] de Byzance, au moins 10 coudées (= 4m,436) d’épaisseur. — Cf. l’auteur des Stratégiques[22] (époque de Justinien) : Il faut que les remparts aient au moins cinq coudées d’épaisseur (= 2m,218), afin qu’ils ne soient pas ébranlés par le choc des béliers et des pierres lancées par les lithoboles... L’épaisseur, donnée au socle de la courtine, à Rome, correspond à peu près au chiffre de Philon.

La hauteur du socle, au-dessus du terrain intérieur, est généralement de 3m,95. Quant à la hauteur, au-dessus du terrain extérieur, deux cas se présentent :

a) Tantôt le niveau du terrain est le même à l’extérieur et à l’intérieur : ainsi, entre la porte Pinciana et la porte Nomentana, entre la porte Ostiensis et le Tibre. La hauteur du socle est alors la même sur les deux flancs de la muraille.

b) Tantôt le niveau extérieur est considérablement plus bas que le niveau intérieur ; ce qui s’explique, au moins en partie, par l’établissement d’une banquette artificielle, au pied du mur, vers l’intérieur de la ville ; ainsi, de la porte Nomentana aux Castra Prætoria (différence de niveau, 3m,20 à la brèche de la via Montebello), des Castra Prætoria à la porte Tiburtina (différence de niveau, 4m,08 entre les septième et huitième tours au Sud de la porte Chiusa), de l’Amphithéâtre Castrense à la porte Asinaria (différence de niveau, 4m,77, troisième courtine à l’Ouest de l’Amphithéâtre, Castrense), de la Domus Lateranorum à la porte Ostiensis. — Dans ce cas, la hauteur du mur est beaucoup plus considérable vers l’extérieur. L’escalade devient alors plus difficile, et, en outre, la force défensive du mur se trouve augmentée de toute l’épaisseur du terrain situé en arrière : Il n’y a rien, écrit Vitruve[23], qui rende les remparts si solides que, lorsque les murs des courtines et des tours sont soutenus par une couche de terre ; car alors, ni les béliers, ni les mines, ni les lithoboles ne peuvent les ébranler.

Ce socle joue dans la défense un rôle purement passif : il est destiné à amortir les coups du bélier ou des lithoboles et il protéger là partie supérieure du mur. Il n’est percé d’aucune ouverture : tout évidement de la paroi affaiblirait sa force de résistance. — Cette partie de la muraille est généralement la mieux conservée. On la retrouve sans interruption, du Tibre au Pincio, de la porte Pinciana aux Castra Prætoria, des Castra Prætoria à la porte Tiburtina, de l’Amphithéâtre Castrense au Tibre. La plus longue brèche se trouve entre les portes Salaria et Nomentana (partie refaite à la suite des événements de 1870), sur une longueur de 265 mètres.

Partie médiane de la courtine. — Au-dessus du socle, tout en conservant la même épaisseur (3m,85 à 4 mètres), la fortification se dédouble et, pour ainsi dire, s’articule. Elle comprend deux éléments : un mur extérieur percé de meurtrières ; une série de chambres s’ouvrant vers la ville et communiquant entre elles par un passage continu.

Vue du dehors, et abstraction faite des meurtrières dont il sera question plus loin, la partie médiane de la courtine présente le même aspect que le socle de base. La construction (blocage revêtu de briques) est la même. L’épaisseur moyenne du mur extérieur est de 1m,11, soit moins de 1/3 de l’épaisseur totale.

Vers l’intérieur de la ville, l’enceinte présente une série de chambres voûtées en plein cintre, perpendiculaires au mur extérieur et séparées les unes des autres par des pieds droits.

Longueur des chambres (perpendiculairement à la muraille) : 2m,67-2m,77.

soit plus des 2/3 de l’épaisseur totale ;

Largeur des chambres (parallèlement à l’axe de l’enceinte) : 3m,12-3m,20.

Hauteur des chambres (du sol au sommet de la voûte) : 6m,40-6m,60.

Dimensions des pieds droits (perpendiculairement à l’axe de l’enceinte) : 1m,00-1m,04.

Dimension des pieds droits (parallèlement à l’axe de l’enceinte)            : 1m16-1m,21.

Dans les pieds droits, parallèlement au mur extérieur, est percé un passage, également voûté, qui assure les communications entre les diverses chambres.

Largeur du passage : 1m,42-1m,46.

Hauteur : 3m,925.

Enfin, dans le mur extérieur, au fond de chaque chambre, s’ouvre une meurtrière verticale, de forme rectangulaire.

Hauteur au-dessus du sol des chambres : 0m,97 à 1m.

Hauteur de la meurtrière : 0m,56.

La largeur se rétrécit de l’intérieur vers l’extérieur.

Largeur à l’intérieur : 0m,22.

Largeur à l’extérieur : 0m,12.

La meurtrière est placée au milieu d’une niche demi-circulaire, large de 0m,85 au niveau du sol et munie d’une banquette, qui est destinée à servir de point d’appui au tireur.

Chaque courtine comprend 6 chambres et, par conséquent, 6 meurtrières ; la longueur des courtines entre les portes Pinciana et Salaria varie généralement entre 28m,50 et, 29m,50 (soit 97 à 100 pieds) ; le chiffre de 100 pieds est un chiffre maximum, qui n’est dépassé que dans les quatrième (32m,17), douzième (29m,88) et treizième (29m,65) courtines à l’Est de la porte Pinciana[24].

La plate-forme supérieure et le parapet crénelé. — Au-dessus des chambres s’étend une plate-forme découverte, qui fait communiquer entre elles les tours et les diverses parties des courtines. Cette plate-forme occupe la largeur totale du mur (3m,85-4 mètres). Elle était primitivement garnie vers l’extérieur d’un parapet crénelé[25]. — La hauteur totale du mur, jusqu’au niveau de la plate-forme supérieure, est de 10m,70, entre les portes Salaria et Pinciana, — partie où le niveau du sol est le même à l’intérieur[26] et à l’extérieur ; cette hauteur de la muraille s’accroît nécessairement sur tous les points, où le sol extérieur se trouve à un niveau plus bas que le sol intérieur. Première courtine à l’Est de la porte Salaria : 18m,75. — Brèche de la via Montebello : 14m,15 (en tenant compte du couronnement aujourd’hui disparu). — Huitième tour au Sud de la porte Chiusa : 13m,40. — Troisième courtine à l’Ouest de l’Amphithéâtre Castrense : 16m,52.

Cette disposition de la courtine avec sa galerie inférieure, sa plate-forme et son parapet crénelé n’est point isolée dans l’antiquité. Elle se trouve déjà recommandée dans le traité de Philon (IIe siècle av. J.-C). D’autres courtines, dit Philon[27], comme à Rhodes, sont formées d’une série de voûtes. Les chemins de ronde ont alors une largeur de sept coudées (= 3m,10) ; au dessous sont des corps de garde de sept κλίναι (70 coudées carrées = 30m, 80 de superficie). Les pieds droits auront dix coudées (= 1m,40) en longueur et en Largeur ; les murs transversaux, la même longueur et trois coudées (= 1m,32) d’épaisseur. Ce mode de construction des murs est économique. D’ailleurs, les parties qui ont dix coudées d’épaisseur, n’ont rien à craindre des coups des lithoboles et, si les projectiles endommagent celles qui n’ont que trois coudées, on aura bientôt fait de réparer le corps de garde qui aura souffert. — Cf. paragraphe VIII, 7, sur le mode de construction de ces φυλακτήρια.

Ce type de fortification, au jugement même des théoriciens de l’antiquité, présente un certain nombre d’avantages :

a) Les pieds droits des chambres voûtées servent de contreforts destinés à soutenir le mur extérieur et à amortir les oscillations dues au choc des projectiles, lancés par les lithoboles. On pouvait, grâce à cette disposition, diminuer l’épaisseur du mur extérieur et rendre la défense plus facile.

b) Les chambres ainsi ménagées dans l’épaisseur de la muraille servent d’abris à la garnison, de corps de garde (φυλακτήρια). Chacune d’elles possède sa défense autonome et, si l’une d’elles vient à être endommagée, la défense des autres n’est pas compromise.

c) Grâce à la présence de ces chambres il devient possible de ménager un long couloir dans l’épaisseur du mur. A Rome, les chambres n’étant pas de plain-pied avec l’intérieur de la ville, — ce qui était le cas à Rhodes, par exemple, — mais étant supportées par un socle massif haut de 3m,95, il était nécessaire d’établir une communication directe entre elles. — Les défenseurs de chaque chambre peuvent se porter mutuellement secours.

Les troupes, qui se rendent d’une partie de l’enceinte à l’autre, peuvent ainsi défiler, à l’abri des projectiles ennemis. Le passage doit être assez large, dit Vitruve[28], pour que 2 hommes armés, venant à la rencontre l’un de l’autre, puissent passer aisément et sans s’incommoder. Ce principe est respecté à Rome, où la largeur du passage est de 1m,42 à 1m,46.

d) Enfin, au jugement de Philon[29], ce mode de construction est économique. Il permet de réduire le travail, sans rien sacrifier de la solidité totale.

Ces derniers avantages, surtout le dernier, expliquent pourquoi nous trouvons cette disposition employée dans l’antiquité, surtout pour les enceintes d’un périmètre considérable. Il est intéressant, à ce point de vue, de rapprocher les mesures de quelques enceintes antiques, de la théorie donnée par Philon et de l’enceinte d’Aurélien.

Carthage. — L’enceinte punique de Carthage[30] est décrite par Appien[31]. Vers le Sud, il y avait une triple enceinte : chacune d’elle avait 30 coudées (= 13m,30) de haut, sans compter les créneaux et les tours, et 30 pieds (= 8m,70) de large. Les murs étaient creux et comprenaient deux étages de chambres ; dans les chambres de l’étage inférieur se trouvaient les éléphants au nombre de 300 et les magasins contenant le fourrage. Au dessus étaient 4.000 chevaux, avec les magasins à fourrage et 24.000 soldats. — La largeur totale du mur étant de 30 pieds — (8m,70), et le mur extérieur devant compter, selon les prescriptions de Philon, pour 1m,32 environ, il reste pour les chambres du rez-de-chaussée une largeur de 7m,38, supérieure de plus du double aux dimensions des chambres du mur d’Aurélien.

Lépréon (Grèce). — Cette enceinte, construite au IVe siècle avant Jésus-Christ, se compose de deux murs épais de 0m,60 et distants de 3m,60. L’intérieur est divisé en une série de petites chambres par des murs transversaux de 0m,60 d’épaisseur, distants de 3m,10. Ces chambres servaient d’abri à la garnison[32].

Cilurnum (Grande-Bretagne). — Certaines parties du mur d’Hadrien, construit entre le golfe de Solway et l’embouchure de la Tyne, présentent une disposition analogue à celle du mur d’Aurélien, notamment aux environs de Cilurnum (Chesters), la sixième station de la ligne fortifiée. La muraille se compose d’un mur extérieur, tourné face au Nord, le long duquel sont ménagées vers le Sud, une série de chambres communiquant entre elles par un long passage voûté[33].

Antioche[34]. — Les murailles d’Antioche, rasées par le roi de Perse Chosroês, ont été relevées par Justinien. Le travail fut rapidement exécuté. Cette rapidité d’exécution et aussi la grandeur de la ville à couvrir (périmètre de l’enceinte : 10 kilomètres) rappellent assez la construction de l’enceinte d’Aurélien ; le type adopté est assez semblable à celui qui a été généralement employé à Rome, mais il est moins perfectionné. — La courtine a une épaisseur moyenne de 1m,60 à 1m,80 :elle est renforcée en arrière par une ligne de contreforts, distants de 3m,50 à 4 mètres, épais de 1 mètre, reliés les uns aux autres par des voûtes en plein cintre. Mais la saillie de ces pieds droits ne dépasse pas 0m,85 à 0m,95 si bien que les chambres n’existent pas à proprement parler. De même il n’y a pas de passage intérieur. La fortification d’Antioche, dont le plan a été déterminé par les mêmes considérations : remplacement d’un mur massif par un mur de masque appuyé en arrière sur une série de contreforts, économie de dépense et rapidité du travail, est donc beaucoup moins compliquée et, au point de vue de la défense, beaucoup moins forte que l’enceinte d’Aurélien à Rome.

Ammædera (Haïdra, Tunisie). — Ce même plan se retrouve, simplifié, comme à Antioche, dans un certain nombre de forteresses byzantines, construites en Afrique par le gouverneur Solomon (VIe siècle), notamment à Ammædera[35]. Ici comme à Antioche, le mur île courtine s’appuie sur une ligne de contreforts carrés. Vers l’extérieur, le mur est percé de meurtrières. Au dessus s’étendait le chemin de ronde, garni d’un parapet crénelé, qui a presque entièrement disparu.

En comparant les dimensions des divers éléments qui composent l’enceinte de Rome avec les chiffres donnés par Philon, on voit :

1° Que l’épaisseur du mur extérieur est sensiblement la même (Philon[36], 1m,32 ; Rome, 1m,11) ;

2° Que les chambres, ménagées dans l’enceinte d’Aurélien sont plus petites que celles de Philon (dimensions dans Philon, 4m,40 x 4m,40 = 19mq,360 ; à Rome, 3m,15 x 2m,70 = 8mq,505). La différence est de plus de moitié ;

3° Que la largeur de la galerie supérieure à Rome est supérieure de près de ¼, au chiffre de Philon (Philon, 3m,09 ; Rome, 3m,85-4 mètres) ;

4° Que les dimensions des pieds droits, qui séparent, les chambres, sont fort différentes (Philon[37] : 4m,40 x 4m,40 ; Rome, 1m x 1m,16). Dans le système de Philon, les dimensions des pieds-droits et des chambres sont les mêmes ; par suite, il y a dans la muraille, alternance régulière et complète de creux et de pleins. A Rome, au contraire, la masse du pied-droit ne représente que 2/5 de la superficie des chambres.

L’enceinte de Rome est donc beaucoup moins massive et beaucoup plus articulée que celle de Philon. — La diminution de l’épaisseur des pieds-droits permet de multiplier le nombre des chambres et, par suite, celui des meurtrières dans une proportion de 20 % ; dans le système de Philon, le front susceptible de recevoir des meurtrières, est de 50 % ; dans l’enceinte d’Aurélien, la proportion se trouve portée à 70 %. La largeur de la plate-forme supérieure permet de communiquer plus facilement entre les courtines et les tours. Enfin, il y a à Rome une innovation importante : c’est le chemin de ronde, ménagé dans l’épaisseur du mur dont il n’est question ni dans Philon, ni dans aucune des enceintes similaires, sauf à Cilurnum.

Les tours. — Les tours de l’enceinte d’Aurélien sont toutes quadrangulaires ; les tours rondes qui flanquent actuellement quelques-unes des portes (portes Pinciana, Asinaria, Appia, Ostiensis) sont de construction postérieure[38].

Dans le secteur porte Pinciana, — porte Salaria, deux tours de l’enceinte originale sont particulièrement bien conservées : la quatrième tour à l’Est de la poterne de la via Piemonte, où le toit seul est moderne, la septième tour à l’Est de la porte Pinciana, où le couronnement n’existe plus. — Nous avons fait entièrement dresser le plan de ces deux tours : c’est à elles que sont empruntées les mesures qui suivent. Pour simplifier, nous désignerons par la lettre A, la quatrième tour à l’Est de la via Piemonte, et par la lettre B, la septième tour à l’Est de la porte Pinciana.

Les tours, comme les courtines, reposent sur un socle massif, construit en blocage à revêtement de briques. — La largeur moyenne de la tour, à la base, est de 26 pieds (A : 7m,53 ; B : 7m,70). La saillie en avant de l’enceinte est généralement de 12 pieds (A : 3m,07 ; B : 3m,57). La hauteur du socle de base, mesurée du niveau extérieur au sol du rez-de-chaussée de la tour varie de 4 mètres (B), à 6m.81 (A).

La tour proprement dite comprend un rez-de-chaussée et un premier étage :

a) Rez-de-chaussée. — Le rez-de-chaussée se compose d’une pièce voûtée, rectangulaire, qui mesure de 3m,80 (A) à 3m,83 (B), parallèlement au front de la tour, et de 2m,18 (B) à 2m,23 (A), perpendiculairement. On accède à cette pièce par le chemin de ronde interne des courtines, qui se poursuit sans interruption au travers de la tour. Dans la tour B, le passage est rectiligne ; dans la tour A, il se replie à angle droit.

La pièce du rez-de-chaussée présente 4 ouvertures : 2 vers la ville (hauteur, 1m,93 ; largeur, 1m,94 (B), 1m,10-1m,27 (A) ; hauteur au-dessus du sol, 1m,15) qui n’ont d’autre objet que d’éclairer la salle, 2 meurtrières, tournées vers la campagne et percées, l’une sur le front de la tour, l’autre sur le flanc gauche. Largeur : à l’intérieur, 0m,90 (B), 0m,95 (A) ; à l’extérieur, 0m,16 (B), 0m,40 (A). La première de ces deux meurtrières s’ouvre au fond d’une niche, haute de 2m,60, large de 1m,90 (A) à 1m,95 (B) et profonde de 1m,30 (A) à 1m,37 (B).

Un escalier, large de 0m,90 (B), 0m,92 (A), mène du rez-de-chaussée au premier étage. Il se replie deux fois à angle droit ; à chaque angle, se trouve une meurtrière dont les dimensions sont analogues à celles de la meurtrière latérale du rez-de-chaussée.

b) Premier étage. — Le premier étage ne comprend qu’une seule pièce (dimensions : parallèlement au front de la tour 5m, 64 (A), 5m,72 (B) ; perpendiculairement, 5m,05 (B), 5m,13 (A). Epaisseur des murs : 0m,97 (A), 0n,,99 (B). — La hauteur, du sol à la naissance des arcs, qui soutenaient le plafond, est de 3m,60 (A), 3ra,81 (B) ; du sol au sommet des arcs, de 4m,61 (A), 4m,88 (B).

La pièce contient 7 ouvertures : latéralement, deux passages (hauts de 2m,76, larges de 1m,28 (A) à 1m,36 (B), d’où l’on descend par un escalier de trois marches à la plate-forme supérieure des courtines, et deux meurtrières, une sur chacun des flancs, hautes de 1m,65, larges de 0m,93 (A) à 0m,98 (B) et situées à 1m,12 au-dessus du sol de la pièce ; sur le front, trois meurtrières de mêmes dimensions ; vers la ville, deux ouvertures, hautes de 1m,60, larges de 0m,95 (A) à 0m99 (B) et distantes de 1m,05 (A), 1m,56 (B).

Le plafond, qui existe encore dans la tour A, est plat. La toiture antique — aujourd’hui remplacée par un toit moderne — était soutenue par une série de corbeaux en travertin, visibles du dehors.

La hauteur des différents étages est donnée par le tableau suivant :

Philon[39] et Vitruve[40] recommandent de ne pas relier les courtines aux tours : Il est mauvais, dit Philon, de relier les courtines aux tours, car, par suite de l’inégalité des tassements, les parties des tours et des courtines construites en briques n’ont point entre elles la même cohésion que les fondations. Cela étant, il se produira des lézardes dans les remparts et, si quelqu’une des courtines vient à s’écrouler, elle entraînera les murs des tours dans sa chute. — Cf. Vitruve : Il faut qu’à la droite des tours le mur soit coupé et que les chemins ainsi interrompus ne se continuent qu’à l’aide de solives..., afin que, si l’ennemi se rend maître de quelque partie du mur, les assiégés puissent enlever ce pont de bois. S’ils le font promptement, l’assiégeant ne pourra passer du mur qu’il a occupé aux autres parues du mur ou aux tours... — Contrairement à ce principe, dans l’enceinte d’Aurélien, les courtines sont étroitement reliées aux tours. Il y a corrélation entre la défense des unes et «les autres. Les divers éléments défensifs de la courtine se retrouvent dans les tours : la ligne des meurtrières est ininterrompue. Le chemin de ronde inférieur des courtines donne accès au rez-de-chaussée des tours ; le premier étage des tours n’est qu’une prolongation de la plate-forme crénelée, qui constitue la défense supérieure des courtines[41].

B. —Type-Mur de soutènement. —Ce type de fortification se rencontre sur 700 mètres, entre le point où se terminent les substructions du Pincio[42] et la quatrième tour qui suit le rentrant situé au Nord-Est de la Trinité des Monts (= la sixième à l’Ouest de la porte Pinciana) et sur 250 mètres, entre la porte Asinaria et les substructions de la Domus Lateranorum. Le long de la villa Médicis. le terrain intérieur domine le sol extérieur de 6m,83 (niveau de la terrasse supérieure de la villa), à 13m,16 (niveau de la terrasse supérieure). Dans cette partie de l’enceinte, en raison de l’escarpement, le travail de construction a pu être considérablement simplifié. Le mur extérieur, en forme de mur de soutènement, s’adosse directement à l’escarpement ; il est surmonté d’un parapet, autrefois crénelé, construit au niveau du terrain intérieur. Il n’y a ni chambres intérieures, ni meurtrières. Les tours, sur toute la hauteur du mur de soutènement, ne sont que des redans massifs, larges de 6m,70 (première tour à l’Est des substructions du Pincio), à 10m,85 (troisième tour) ; la saillie, en avant du mur, est de 3m,43 à 3m,90 en moyenne. La partie supérieure des tours, garnie de fenêtres et de meurtrières comme dans le type précédemment étudié, a généralement disparu.

C. — Le mur de quai de la rive gauche en bordure du Champ de Mars et le mur de quai du Transtevere. — La partie de l’enceinte d’Aurélien, qui s’étendait sur la rive gauche du Tibre, du Ponte Sisto actuel à la hauteur de la porte Flaminia, existait encore au VIe siècle. Procope la décrit de la manière suivante : Sur une certaine longueur, le Tibre borde la muraille : cet endroit est en plaine et facilement attaquable[43]. — La partie des murs[44], située au bord du Tibre, était facilement attaquable, car les Romains d’autrefois, confiants dans la défense présentée par le fleuve, avaient construit le mur avec négligence ; il était bas et dépourvu de tours. Il ne faut pas prendre cette dernière expression à la lettre ; la Description des Murs, du temps d’Honorius, indique pour la partie de l’enceinte comprise entre le ponte Sisto et la porte Flaminia, 25 tours et 1.271 propugnacula. — Le mur était bas et massif, surmonté d’une plateforme à parapet crénelé ; il n’y avait sans doute pas de chambres intérieures. Les meurtrières étaient peu nombreuses (la Description des Murs, du temps d’Honorius, ne mentionne que 128 fenestræ majores et 73 fenestræ minores) et les tours, très espacées (en moyenne, une tous les 115 mètres).

Ce mur disparut de bonne heure[45]. Il entravait les communications entre la ville et le fleuve, qui étaient assurées uniquement par d’étroites poternes, et, de plus, il devint inutile après la construction du mur de la Cité Léonine, en 848. La ville se trouva désormais beaucoup mieux couverte par la nouvelle enceinte de la rive droite, qu’elle ne l’était auparavant par le mur de quai.

Le mur de quai du Transtevere, vis-à-vis du ponte Sisto, a également disparu de bonne heure ; mais on en a retrouvé quelques restes en 1880, lors des travaux effectués pour la rectification du lit du Tibre[46]. Sur ce point, l’enceinte consistait en un mur de maçonnerie, épais de 4 mètres à la base, de 3m,70 à la partie supérieure. Cette découverte est importante ; elle montre que l’enceinte ne se terminait pas sur la berge, immédiatement à l’Est du tombeau de Sulpicius Platorinus, mais qu’elle se repliait à angle droit vers le Sud, jusqu’à l’emplacement du ponte Sisto actuel.

La défense du Tibre. —Le Tibre coupait l’enceinte d’Aurélien en deux parties. Il fallait interdire aux envahisseurs l’accès du fleuve. Le système employé ne fut pas le même au Nord et au Sud.

a) Au Nord. — Le mur, à l’Est du tombeau de Platorinus, se repliait vers le Sud jusqu’au pont Aurelius (à l’emplacement du ponte Sisto actuel}. Au sommet de l’angle, se trouvait une tour carrée, dont les restes ont été détruits lors des travaux de 1880. Le pont Aurelius était étroitement relié aux remparts de la ville : Le Tibre, écrit Procope, coule sur une certaine longueur au pied de la muraille. Cette partie de l’enceinte est en plaine et facilement attaquable. De l’autre côté du fleuve, se trouve une colline élevée où furent autrefois construits tous les moulins de la ville... Les Romains d’autrefois entourèrent d’un mur la colline et la rive du fleuve, de ce côté, afin que les ennemis ne pussent s’emparer des moulins, passer le fleuve et attaquer les murs de la ville. Ils jetèrent un pont sur le fleuve en cet endroit, résolurent de l’unir aux remparts et construisirent de nombreuses maisons sur la rive opposée, si bien que le Tibre coula désormais au centre de la cité. Cette défense était renforcée, probablement dès l’époque d’Aurélien, par l’adjonction de chaînes de fer fixées en amont du pont : Bélisaire, dit encore Procope, attacha au pont de longues chaînes de fer, sur toute la largeur du fleuve, et il le fît, non seulement à cause des moulins... (moulins à eau disposés en aval), mais surtout pour empêcher que les ennemis ne pussent passer sous le pont avec des barques et pénétrer dans la cité.

b) Au Sud. — Au Sud, il n’y avait pas de pont qui reliât la défense du Transtevere à celle de la rive gauche. Aurélien construisit une tour sur chaque rive, au point où se terminait l’enceinte, et les deux tours purent être unies entre elles, en cas de danger, par une forte chaîne de fer. — La tour située en bordure du fleuve, du côté du Transtevere, fut réparée en 818, par Léon IV, comme l’atteste un passage du Liber Pontificalis : Ipsam igitur terrem non solum lapidibus, verum etiam ferro munire curavit, quatenus si necessitas fuerit, per cumdem locum nulla valeat navis transire. Le Liber ajoute : Per hunc locum non solum naves, verum etiam homines ante facilius ingrediebantur... La voie fluviale était la plus accessible de toutes ; il est vraisemblable que la fortification construite en 271 comportait déjà l’existence d’une chaîne tendue en travers du fleuve.

La tour orientale, vers l’Aventin, a été refaite au Moyen Age. Les deux tours sont représentées, au début du XVIIIe siècle sur une esquisse de Van den Aa[47]. Les restes de la tour orientale, visibles encore en 1876, ont disparu lors des travaux du Lungo Tevere Testaccio[48]. Elle dominait le fleuve et se reliait à la fortification de la rive gauche par un tronçon de courtine reconstruit au Moyen Age.

Outre un certain nombre de points faibles, en particulier les deux secteurs du Tibre au Pincio, au Nord, de l’extrémité orientale du Pincio aux Castra Prætoria, à l’Est[49], l’enceinte d’Aurélien prise dans son ensemble, présentait quelques défauts très graves. Procope, qui écrivait au VIe siècle, les indique avec précision : Les Romains, écrit-il (Guerre Goth., I, 14), s’étonnaient de voir Bélisaire rester à Rome, quoiqu’il s’attendit à y être assiégé. La ville en effet ne peut résister longtemps :

a) Parce qu’elle ne peut se ravitailler librement, n’étant pas située au bord de la mer ;

b) Parce que ses murs sont trop étendus ;

c) Parce qu’elle est située en plaine et qu’elle offre un accès facile aux envahisseurs.

De ces trois défauts, le second surtout est grave. Procope y revient souvent : Les Goths pensaient enlever facilement la ville étant donnée son étendue (Id., I, 19). — Totila (id., IV, 33) pensant que les Goths, réduits à un petit nombre, ne seraient pas en état de surveiller toute l’enceinte de Rome, entoura d’un mur bas une petite partie de la cité, près du Mausolée d’Hadrien, et en fit une sorte de château fort. Les Goths, avant déposé en cet endroit tout ce qu’ils avaient de précieux, gardaient ce point avec soin, négligeant les autres parties de l’enceinte... Lorsque Narsès s’avança vers Rome, les Goths réoccupèrent toute l’enceinte pour repousser l’assaut ; mais l’étendue de l’enceinte est telle, que les Romains ne pouvaient l’investir entièrement, ni les Goths la défendre... Narsès donna l’assaut sur trois points ; tandis que les Goths s’efforçaient de repousser les assaillants, une partie de l’armée byzantine se déroba et pénétra sans résistance, par un point non défendu.

Là était le véritable danger ; pour garder les murs de Rome, il fallait une armée entière. Lorsque Aurélien construisit son enceinte, il ne pensait pas que la garnison de Rome : Cohortes Prétoriennes et Urbaines, Vigiles, Peregrini, Frumentarii, en tout 25.000 hommes au maximum, fût à elle seule capable de la défendre. Il voulait simplement mettre la ville à l’abri d’une attaque imprévue et lui donner les moyens d’attendre que l’année vînt à son secours.

Avec le règne d’Aurélien, Rome redevient une place forte, ce qu’elle avait cessé d’être depuis la création de la ville aux XIV régions sous Auguste. Certaines parties habitées, non seulement les faubourgs (continentia), mais même quelques portions excentriques des régions (régions VII, V, I, XIV), restent en dehors. En cas d’invasion, la défense se reporte en arrière sur le périmètre de la nouvelle enceinte. Au Moyen Age et dans les temps modernes, c’est la fortification d’Aurélien qui a servi de rempart à la ville contre les envahisseurs ; aujourd’hui encore, du moins sur la rive gauche, elle subsiste dans son ensemble.

L’enceinte d’Aurélien présente deux des caractères essentiels des enceintes urbaines construites à la fin du IIIe et au début du IVe siècles :

1° Le périmètre de la ville est réduit. — Certaines parties des régions VII, V, I et XIV, restent en dehors de l’enceinte. C’est, en règle générale, ce qui s’est passé pour les enceintes urbaines de la fin du IIIe ou du début du IVe siècle[50]. — La réduction est assez faible : 200 à 300 mètres environ pour la Ve et la VIIe régions, 600 à 700 pour la Ire. Elle est beaucoup plus considérable pour la région transtibérine dont le périmètre a été réduit de moitié : 1.800 mètres environ vers le Nord, 1.130 vers le Sud[51]. Les édifices, situés en dehors (cirque d’Elagabal (?), Ve région ; arcs de Verus et temple de Mars Ire région ; cirque de Caligula (Gaianum), sanctuaire de la Grande-Mère (Frigianum), temple de Fors Fortuna. Hercules Cubans, XIVe région, ont été conservés (cf. les amphithéâtres de Bordeaux, situé à plus de 1.000 mètres des remparts, de Vérone, de Saintes, le temple de Tutela à Bordeaux, etc.[52]).

2° Il y a eu utilisation d’édifices antérieurs. — Les uns (mur de soutènement du Pincio, aqueducs de la Marcia, Tepula, Julia, amphithéâtre Castrense, porte du Ier siècle, au voisinage de la porte Ardeatina) ont été intégralement conservés. L’Amphithéâtre Castrense a été rattaché à l’enceinte dans les mêmes conditions que les amphithéâtres de Trêves[53], de Tours et de Périgueux[54]. D’autres ont été tronqués et utilisés en partie (Domus Lateranorum), comme en Gaule, les thermes de Lillebonne[55].

Mais l’enceinte d’Aurélien se distingue des autres à deux égards :

1° Par ses dimensions. — La longueur totale est de 18.837m,50. Le périmètre des enceintes réduites, en Gaule, varie généralement de 900 à 2.000 mètres seulement ; les plus grandes mesuraient de 2.000 à 2.500 mètres[56].

2° Par le mode de construction. — Les enceintes urbaines, construites à la fin du IIIe siècle ou au début du IV, présentent toutes un caractère commun : la base du mur est constituée par un amoncellement de débris architecturaux ou sculpturaux, provenant d’édifices antérieurs, superposés avec soin, sans mortier et recouverts, sur les deux faces, d’un double revêtement[57]. A Rome, il n’y a rien de semblable. La partie de l’enceinte, qui a été élevée en 271, est, de la base au sommet, tout entière construite en blocage à revêtement de briques ; on n’y trouve pas, à la base, de débris de monuments antérieurs.

Les enceintes des villes provinciales sont généralement formées d’un simple mur massif, épais de 4 à 5 mètres[58] ; l’épaisseur du socle de base est la même dans l’enceinte d’Aurélien, mais l’ensemble de la fortification, avec ses chambres intérieures, son chemin de ronde, sa plate-forme supérieure et ses tours, est beaucoup plus savant et plus complexe.

La construction de l’enceinte d’Aurélien se rattache aux mêmes causes qui ont déterminé les empereurs à fortifier les villes provinciales ; mais, à Rome, qui était la capitale de l’Empire, le travail a été exécuté dans des conditions toutes particulières et avec beaucoup plus de soin.

La construction du mur d’Aurélien ne changea rien à l’étendue de la ville administrative : officiellement, l’Urbs resta la ville aux XIV régions d’Auguste, mais la ville pomériale, telle qu’elle existait en 271, reçut une extension nouvelle. Il faut examiner successivement ces deux points.

I. Persistance de l’Urbs XIV Regionum. — Les parties des régions périphériques, laissées en dehors de l’enceinte, continuèrent à être comprises dans la ville. A cet égard, la construction de l’enceinte d’Aurélien n’amena aucun changement.

Les Régionnaires, composés à l’époque de Constantin et de Constance, c’est-à-dire cinquante ans environ après l’érection du mur, ne mentionnent pas la nouvelle enceinte. Aucune des portes n’est nommée. C’est que la construction de l’enceinte n’a modifié en rien l’organisation régionale et administrative préexistante et que les Régionnaires se préoccupent uniquement de cette dernière.

Les Régionnaires décrivent les diverses régions, en y comprenant les parties extramurales, au même titre que les parties enfermées dans l’enceinte.

Regio I : Ædes Marris, Flumen Almo, Arcus Veri[59], tous trois restés en dehors de l’enceinte d’Aurélien ;

Regio XIV : Gaianum et Frigianum, Horti Domities, Herculem sub terra medium cubantem, Templum Fortis Fortunæ, Horti Getes[60], situés : le Gaianum, le Frigianum, les Horti Domitæ, dans la région du Vatican ; les Horti Getæ, sur le versant oriental du Janicule, au Nord de l’enceinte, l’Hercules Cubans et le Templum Fortis Fortunæ, au Sud de la porte Portuensis, le long du Tibre.

Les périmètres régionaux, indiqués par les Régionnaires, correspondent aux régions prises dans toute leur étendue. L’exemple le plus net est celui de la XIVe région :

Regio XIV : Transtiberim. Continct pedes XXXIII (Curiosum) = 11. 379 mètres ; pedes triginta milia quadringentos octoginta octo (Notitia) = 10.513 mètres[61] ; donc, d’après le témoignage concordant des deux Régionnaires, le périmètre de la XIV° région dépassait 10 kilomètres. Or la partie, enfermée dans l’enceinte, mesure tout au plus 15.600 pieds (= 5.310 mètres), soit la moitié seulement du périmètre total.

En 271, l’étendue de la ville fut restreinte, en vertu de considérations militaires et défensives ; mais, au point de vue administratif, la ville conserva toute son extension antérieure.

II. Extension de la Ville Pomériale. — La construction de l’enceinte n’entraîna pas, ipso facto, l’extension du Pomerium. Le texte de la Vita Aureliani (21, 9-10) est formel sur ce point : Nec tamen pomerio addidit eo tempore, sed postea. L’extension de la zone pomériale n’eut donc pas lieu en 271, mais, après les campagnes d’Orient et de Gaule, en 274, pendant le séjour d’Aurélien à Rome. En quoi consista cette extension ? Les textes ne le disent pas d’une manière explicite, mais il ne peut y avoir aucun doute à cet égard. Aurélien a fait coïncider la limite pomériale avec le tracé de la nouvelle enceinte. Comme il s’agissait d’une limite nettement déterminée sur le terrain, Aurélien n’a probablement pas placé de cippes, comme l’avaient fait Claude, Vespasien et Trajan, lors des précédentes extensions du Pomerium.

Tandis qu’il laissait subsister, sans la modifier, l’ancienne division régionale d’Auguste, Aurélien étendit la zone pomériale jusqu’à la nouvelle enceinte. Jusqu’en 274, il y avait à Rome trois limites concentriques :

1° L’enceinte de Servius ;

2° La ligne pomériale ;

3° La limite des régions.

Désormais il n’y en eut plus que deux : la nouvelle enceinte, qui limitait en même temps la zone pomériale[62], la limite périphérique des régions qui coïncidait avec la ligne précédente sur une grande partie de son tracé, mais la débordait considérablement, sur certains points, notamment au Sud de l’Aventin et au Transtevere.

L’extension du Pomerium jusqu’à la nouvelle enceinte constituait donc une simplification importante : ce devait être, au point de vue de l’administration urbaine, la dernière des grandes réformes impériales.

Il faut ajouter que la construction de la nouvelle enceinte ne fut pas seulement une entreprise considérable au point de vue matériel ; elle eut aussi une importance politique et morale de premier ordre. Fortifier Rome, c’était reconnaître que la frontière n’était pas invulnérable et que la capitale de l’Empire n’était pas à l’abri des invasions. Cette date décisive de 271 doit être rapprochée d’une autre, celle de 330 : en 271, Aurélien construit l’enceinte de Rome ; en 330, Constantin consacre la nouvelle ville de Constantinople appelée à remplacer désormais l’ancienne capitale. La juxtaposition de ces deux dates et de ces deux faits n’est pas chose fortuite : Aurélien avait cru mettre Rome à l’abri de toute attaque ; Constantin jugea que cette défense était insuffisante, et que la capitale de l’Empire devait être déplacée. L’entreprise d’Aurélien n’a donc, modifié en rien le cours des événements ; moins de soixante ans après la construction de la nouvelle enceinte, Rome avait cessé d’être capitale, et, quatre-vingts ans après la fondation de Constantinople, elle était prise par les Goths d’Alaric.

 

 

 



[1] Notiz. d. Scav., 1888, pp. 733 sqq.

[2] R. LANCIANI, I Comentarii di Frontino, loc. cit., pp. 302-303.

[3] Le même procédé a. été employé en Gaule pour les amphithéâtres de Trêves (F. HETTNER, Korresp. Blatt, 1892, pp. 40-50), de Périgueux et de Tours (H. SCHUERMANS, Remparts d’Arlon et de Tongres, 1888, loc. cit., pp. 40-41, 66).

[4] Descriptio Murorum, du temps d’Honorius pour le nombre des tours, des meurtrières et des créneaux — PROCOPE, Guerre Goth., I. 22 — M. BORGATTI, Castel Sant Angelo, Rome, 1880 — Notiz. d. Scav., 1802, pp. 411-428 — R. LANCIANI, Bull. Archeol. Com., 1893, pp. 14, 26 — A. DE BOCHAS, les Tombeaux-Forteresses (Bulletin Statist. de l’Isère, IIIe série, t. II, 1871, p. 438).

[5] Notiz. d. Scav., 1880, pp. 128-129, 141, tav. IV — R. LANCIANI, le Mura di Aureliano e di Probo, loc. cit.. p. 110.

[6] Notiz. d. Scav., 1880, p. 141, tav. IV, n° 12.

[7] Cf. R. LANCIANI, le Mura di Aureliano e di Probo, loc. cit., p. 111.

[8] Bull. Archeol. Com., 1896, p. 289 ; 1897, p. 57.

[9] Notiz. d. Scav., 1884, p. 392 — Bull. Archeol. Com., 1886, 309, 347, 418 ; 1889, 17 sqq. ; 1892, 104-105.

[10] Bull. Archeol. Com., 1893, p. 114 ; 1894, p. 372 — Cf. BARTOLI, Memorie, 93 : Nell’Anno 1682, circa il dicembre, cadde un tratto delle Mura fra S. Giovanni et Porta Latina, lungo circa 20 m., nel guale si vidde murata una statua... di un Esculapio, orrero Giore. Si vidde que vi era una tigre d’alabastro... Vi se conosvevano altri frammenti di belle cose. — Cf. aussi quelques fragments d’inscriptions, trouvés à l’intérieur du mur, lors des travaux d’élargissement de la porte San Paolo (anc. Ostiensis) (Bull. Archeol. Com., 1888, p. 389).

[11] C. I. L., XV, 385.

[12] Notiz. degl. Scav., 1889, p. 17. — Cf. Ch. HIUELSEN, IIe Jahresber. über die Top. Rom., Röm. Mitth., VI, 1891, p. 297.

[13] C. I. L., XV, 1788a.

[14] C. I. L., XV, 562, 1315c.

[15] C. I. L., XV, p. 46.

[16] Bull. Archeol. Com., 1892, pp. 42, 62, 88, 103.

[17] C. I. L., XV, 321-325, 487.

[18] Ces chiffres sont ceux de R. LANCIANI, le Mura di Aureliano e di Probo, loc. cit., pp. 88-90 ; — Id., The Ruins and Excavations of Ancient Rome, p. 68. — Quant au prix des matériaux, R. LANCIANI, [le Mura di Aureliano, (loc. cit., p. 90)], — à raison de 843 mètres cubes par tour et 1.883 par courtine — l’évalue à environ 26 millions de francs, prix auquel il faudrait ajouter celui de la main-d’œuvre. — Il est indispensable de faire remarquer que toutes ces évaluations sont nécessairement fort approximatives.

[19] CHRONOG. ANH. 354, p. 148 : Fossalum aperuit, sed non perfecit.

H. SCHUERMANS, Remparts Romains d’Arlon et de Tongres (IVe article, Bulletin des Commissions royales d’Art et d’Archéologie de Belgique, XXIX, 1890, pp. 77-92 — Cf. Jahrbuck des Kaiserl. Deutsch. Archäol. Instituts, XI, (1896, pp. 108-10), admet l’existence de trois enceintes de Rome : a) L’enceinte d’Aurélien, longue de 50 milles, comme le dit le texte de Vopiscus, aujourd’hui disparue ; — b) L’enceinte d’Honorius, qui est l’enceinte actuelle ; — c) Une troisième enceinte, construite par Dioclétien, dont le périmètre coïncidait à peu près avec celui de l’enceinte d’Honorius. — A cette enceinte de Dioclétien, H. SCHUERMANS attribue quelques restes de murailles, de basse époque, en particulier :

1° Un fragment de muraille, que l’auteur dit avoir été trouvé au-delà des remparts d’Honorius (A. NIBBY, Memor. di Antichita e B. Arti, III, p. 456 — Cf. Ann. Inst., 1851, p. 77). — Il y a là une confusion, car la découverte en question se rapporte, non à un mur situé en dehors de l’enceinte d’Honorius, mais au tombeau de Q. Haterius, qui est précisément encastré dans l’enceinte ;

2° Deux murs, construits avec des débris de monuments antérieurs et contenant, notamment, un grand nombre d’inscriptions relatives aux soldats des Cohortes Prétoriennes (C. I. L., VI, 2385 sqq. ; 2797-2860), découverts sur l’Esquilin dans le quadrilatère formé par les rues Princ. Umberto, Princ. Amadeo, Rattazzi et Alf. Capellini (Voir le plan, dans HENZEN, Bull. Archeol. Com., 1874, tav. V et VI ; — R. LANCIANI, Forma Urbis Romæ, f. 24). — La situation et la disposition de ces deux murs prouvent, sans aucun doute possible, qu’ils n’ont jamais fait partie d’une enceinte fortifiée ;

3° Un mur, contre lequel étaient adossés un certain nombre de piédestaux relatifs aux Equites Singulares, trouvé Via Tasso, sur l’Esquilin (R. LANCIANI, Bull. Archeol. Com., 1885, pp. 137-156). — Il s’agit de la caserne des Equites Singulares, et nullement d’un mur d’enceinte.

Par conséquent aucune des trois découvertes, sur lesquelles s’appuie H. SCHUERMANS, pour supposer l’existence d’une enceinte de Dioclétien, indépendante à la fois de l’enceinte d’Aurélien et de celle d’Honorius, ne peut être alléguée en faveur de cette opinion. Il est impossible de s’y rallier.

[20] PROCOPE, Guerre Goth., I, 14.

[21] Traduction DE ROCHAS et Ch. GRAUX (Revue de Philolog., III, 1879, pp. 109-151), III, 1.

[22] Trad. DE ROCHAS, XII, 1 (Principes de la fortification antique, p. 54).

[23] De Architect., I, 5, 11.

[24] Je donne ici les dimensions des courtines et des tours, pour tout ce secteur, d’après le relevé au 1/500 que j’en ai fait exécuter :

[25] Le crénelage primitif a partout disparu. Les parties de l’enceinte où il en subsiste quelques restes sont d’époque postérieure.

[26] La hauteur du mur, selon les théoriciens de l’antiquité, devait être déterminée par une double condition. (Cf. A. DE ROCHAS, Principes de la fortification antique, p. 12) :

a) Il faut qu’il ne puisse pas être escaladé, au moyen d’échelles portées à dos d’hommes. — Les murailles, écrit PHILON de Byzance (trad. De ROCHAS et Ch. GRAUX, loc. cit., III, 2) doivent avoir au moins 20 coudées (= 8m,86), pour être à l’abri de l’escalade. Cf. l’auteur des Stratégiques (trad. DE ROCHAS, XII, 1) : Il faut que les remparts aient au moins 20 coudées de hauteur, afin qu’on ne puisse pas facilement appliquer les échelles au mur et arriver sans danger, grâce à elles, dans l’intérieur de la place.

b) En aucune de ses parties, il ne doit être dominé par le terrain extérieur.

Cette double condition est partout réalisée dans l’enceinte de Rome.

[27] Trad. DE ROCHAS et Ch. GRAUX, III, 6-7.

[28] De Architect., I, 5, 6.

[29] Loc. cit., III, 7.

[30] Ch. GRAUX, Note sur les fortifications de Carthage à l’époque de la IIIe Guerre punique (Bibliothèque de l’École des Hautes Études, fasc. 35, pp. 192-193).

[31] Guerres Puniques, 95.

[32] Cf. A. DE ROCHAS, Principes de la fortification antique, pp. 78-79.

[33] J. C. BRUCE, The Roman Wall, an historical and topographical description of the Mural Barrier of the Northof England, Londres, 1851, pp. 144 sqq. — J. CLAYTON, Archæoloq. Journ., XIX, 1862, p. 359 ; — C. I. L., VII, p. 117.

[34] G. REY, Étude sur les monuments de l’Architecture militaire des Croisés en Syrie, Paris, 1871, p. 92, lig. 50-51.

[35] Ch. DIEHL, l’Afrique Byzantine, Paris, 1890, pp. 195-200.

[36] Loc. cit., III, 6.

[37] Loc. cit., III, 6-7.

[38] Le chiffre total des tours, donné par la Descriptio Murorum du temps d’Honorius, est de 383 tours (cf. BENED., 381 tours — Mirabil., 361 — POGG., De Variet. Fortun., IV, p. 23 : 379).

[39] Trad. DE ROCHAS et Ch. GRAUX, 9, 1-2.

[40] De Architect., I, 5, 9.

[41] La Descriptio Murorum du temps d’Honorius, outre le total des tours et de portes, donne celui des meurtrières, divisées en deux catégories (fenestræ majores et minores), et des abris du parapet crénelé (propugnacula). — Une étude détaillée sur la répartition dus meurtrières et des créneaux, qui ne peut être conçue indépendamment d’un travail d’ensemble sur l’enceinte de Rome telle qu’elle existe aujourd’hui, dépasserait considérablement les limites dans lesquelles nous devons nous renfermer ici ; il suffira donc de préciser quelques points, en prenant pour base le secteur de l’enceinte le mieux conservé, celui qui s’étend de la porte Pinciana à la porte Salaria.

La Descriptio Murorum donne, pour cette partie de l’enceinte, les chiffres suivants :

A Porta Pinciana clausa cum ipsa porta usque ad portam Salariant : Turres XXII. — Propugnacula CCXLVI. — Necessaria XVII. — Fenest(ræ) Majores Forins(ecus) CC. — Minores CLX. — D’après le relevé que j’ai fait exécuter, la longueur de ce secteur est de 827m,08 (en y comprenant, comme dans le passage correspondant de la Descriptio, la largeur de la porte Pinciana, et en excluant, au contraire, celle de la porte Salaria).

a) Les tours. — Le chiffre actuel des tours, 22 (y compris les deux tours de la porte Pinciana), correspond exactement au chiffre de la Descriptio.

b) Les propugnacula. — Le parapet crénelé ne se trouvait que sur les courtines et au-dessus des portes ; il n’existait pas au sommet des tours. — La longueur de ce crénelage, dans le secteur porte Pinciana-porte Salaria, était de 10m,64, pour la largeur de la porte Pinciana, et de 636m,86 pour les courtines : soit au total 647m,44. La Descriptio mentionne 246 propugnacula : ce qui donne 2m,631, pour la dimension d’un abri et de son créneau.

c) Les fenestræ. — 1° : Fenestræ des courtines.— A l’étage inférieur, chaque courtine compte une meurtrière par 4m,40 de front, en moyenne, soit au total, 144 meurtrières de courtine environ. Il faut ajouter quelques meurtrières au-dessus du passage de la porte Pinciana (actuellement 3). — 2° : Fenestræ des tours. — Chaque tour comprend (en ne tenant compte, comme le fait la Descriptio, que des ouvertures tournées vers le dehors, fenestræ forinsecus) : deux fenêtres à l’étage inférieur, deux fenêtres dans l’escalier, cinq fenêtres au premier étage : soit au total 9 par tour, et 198 pour l’ensemble des tours.

Le chiffre total des fenestræ actuellement existantes (147 + 198 = 345) correspond donc dans l’ensemble à celui de la Descriptio (360).

La Descriptio divise les fenestræ en deux catégories : majores, au nombre de 200, et minores, 160. — Les fenestræ des courtines sont toutes de dimensions égales ; il n’en est pas de même des fenestræ des tours. Celles du rez-de-chaussée (2) et celles du l’escalier (2) sont analogues aux fenestræ des courtines ; les fenêtres du premier étage (3 : 3 sur le front, 1 sur chaque flanc) au contraire, sont de dimensions plus considérables. En dépit des remaniements postérieurs qui ont pu se produire et amener la transformation de fenestræ majores en fenestræ minores, il faut admettre que l’ensemble des fenestræ minores est formé par les fenestræ des courtines (160 dans la Descriptio Murorum, 147 actuellement), et l’ensemble des fenestræ majores, par les fenêtres des tours.

[42] Je donne ici, comme pour le type A, les dimensions des courtines et des tours (4e — 11e tours au Sud des substructions des Acilii) d’après le relevé que j’ai fait exécuter au 1/500 :

[43] Guerre Goth., I, 19.

[44] Guerre Goth., II, 9.

[45] Les plus anciens plans de Rome (G. B. DE ROSSI, Piante icunografiche e prospettiche di Roma anteriori al secolo XVI), n’en font pas mention. — Sur les débris dont l’existence est attestée au Moyen Age, voir C. CORVISIERI, delle Posterule Tiberine (loc. cit., pp. 85-88-92, 118-121).

[46] Bull. Archeol. Com., 1884, p. 42.

[47] R. LANCIANI, The Ruins and Excavations of Ancient Rome, p. 80.

[48] H. JORDAN, die Topographie der Stadt Rom im Altertum. I, p. 371, not. 54 — Fr. FICORONI, Memor., Rome, 1730, 105 : Circa l’anno 1706 fu demolito un pezzo di Torrione che era sul Tevere sollo il Monte Aventino, corrispondente all’ altra che era di qua dalla parte del Trastevere, con cui terminavano le Mure di Roma etc. — Cf. E. MÜNTZ, les Monuments antiques de Rome à l’époque de la Renaissance (suite), Rev. Archéol., 18852, p. 40 : Depuis cette porte (la porte Portuensis), les vieux murs continuent jusques au bord du Tybre, où il y a une tour bastye par Léon IV jusques à laquelle la distance est de 100 pas que dure la muraille et icy fault passer la rivière par batteau : tellement que le Trastevere a d’un côté le Tybre pour closture, et au reste est cloz de murailles, et n’y a que troys portes.

[49] — 410 : Siège de Rome par Alaric (PROCOPE, Guerre Vandal., I, 2 — S. JERÔME, Ep. XVI, 25 (961) — SOZOMÈNE, Hist. Eccles., IX, 10). En 410, Alaric marche contre Rome par la via Salaria et met le siège devant la ville ; le 24 août, il pénètre dans Rome par la porte Salaria. Nous ne savons pas exactement dans quelles circonstances : PROCOPE parle de trahison. OROSE (Histor., VII, 30 : Adest Alaricus ; trepidum Romam obsidet, turbat, irrumpit. — Chroniq. PROSPER, ad ann. 410 (Chronic. Minor., éd. Th. Mommsen, I, p. 466), semble faire allusion à une attaque de vive force. En tout cas, un fait est certain : Alaric est entré par la porte Salaria, un des points les plus accessibles de l’enceinte.

453 : Sac de Rome par Genséric (Chronic. PROSPER, ad ann. 455 (loc. cit., p. 184) ; — Th. HODGKIN, Italy and her Invanders, Oxford, 1880, II, pp. 283-286). Il n’y eut pas de résistance et pas de prise d’assaut.

472 : Prise de Rome par Ricimer. — Ricimer et Olybrius marchent sur Rome par la via Salaria, campent près de l’Anio, au Ponte Salaro, et assiègent la ville. Après cinq mois de siège. Ricimer vainqueur au pont Ælius, entre dans la ville par le Champ de Mars. Nous avons vu plus haut que le mur, construit en bordure du Tibre, avait une valeur défensive très faible.

536-537 : Guerre gothique. — 536, première prise de Rome par Bélisaire (PROCOPE, Guerre Goth, I, 11). Bélisaire arrive par la via Latina : il entre à Rome par la porte Asinaria, tandis que les Goths s’enfuient par la porte Flaminia. Il n’y a pas de résistance.

En 536-537, siège de Rome par Vitigès (Id., I, 19 ; II, 11). — Vitigès, proclamé roi des Goths, vient mettre le siège devant la ville défendue par Bélisaire. La relation de ce siège a été écrite par Procope, qui y assistait et avait un commandement dans l’armée byzantine. — Vitigès divise son armée en sept corps (Id., I, 19. — Th. HOGGKIN, loc. cit., IV, p. 129) qui occupent chacun un camp retranché distinct ; ces camps sont assez rapprochés pour pouvoir se porter mutuellement secours.

L’armée gothique occupe un vaste demi-cercle, du Vatican à la via Prænestina : c’est la partie septentrionale de l’enceinte, la plus faible, qui est directement menacée.

Vitigès s’établit au Nord-Ouest de la porte Pinciana, à l’emplacement de la villa Borghèse. Bélisaire prend position en face de Vitigès. Il place son quartier général dans la Domus Pinciana (PROCOPE, Guerre Goth., I, 20 — Liber Pontificalis, éd. 1, Duchesne, I, p. 201) (anciens Horti Lucullani), d’où il surveille le secteur porte Pinciana — porte Salaria, particulièrement menacé. — Vitigès veut enlever la ville de vive force : pour point d’attaque, il choisit, comme l’avait fait Alaric en 410, la porte Salaria (Id., I, 26), tandis qu’un détachement de ses troupes menace le Vivarium (Id., I, 27), au Sud de la porte Prænestina. Il faut remarquer le choix des deux points d’attaque : ni la porte Flaminia, défendue par le flanquement du Pincio, ni le Pincio, ni les Castra Prætoria ne sont attaqués. L’assaut a lieu à la porte Prænestina et surtout, au centre de la ligne d’investissement, entre les portes Pinciana et Salaria. — L’assaut est repoussé sur les deux points. Bélisaire, pour harceler les Goths, fait des sorties. Sur cinq sorties, trois ont lieu par la porte Salaria (Id., I, 27, 30), une par la porte Pinciana, une par la porte Aurélia. Une nouvelle tentative de Vitigès sur la porte Pinciana est repoussée. — Vitigès alors change son point d’attaque ; se contentant de tenir Bélisaire en échec sur la rive gauche, il passe sur la rive droite et tente d’enlever le mur situé en bordure du Tibre, près du Mausolée d’Hadrien, une première fois de vive force, une seconde fois par trahison (Id., II, 9), mais ses deux tentatives restent infructueuses, et il est obligé de lever le siège.

Deux faits ressortent de ce récit de PROCOPE :

a) Certains secteurs de l’enceinte ne sont jamais menacés. Ce sont les secteurs du Sud, de la porte Prænestina au Tibre, et la partie de l’enceinte située au Transtevere. En ce qui concerne cette dernière, PHOCOPE (Id., I. 26) dit expressément : Les Goths ne purent rien faire, en raison des difficultés présentées par le sol, l’enceinte se trouvant sur un terrain escarpé et peu accessible.

b) Deux points sont particulièrement attaqués par les assiégeants : la porte Salaria, au Nord-Est, la porte Aurélia (Sancti Pétri) au Nord-Ouest ; — le premier déjà enlevé par Alaric en 410, le second par Ricimer en 412, tous deux comptant, comme nous l’avons vu plus haut, parmi les plus faibles de l’enceinte.

Les deux sièges de Rome par Totila, successeur de Vitigès, sont beaucoup moins intéressants. La ville est prise par ruse, une première fois, en 546 (Id., III, 24) : les Goths pénètrent sans résistance par la porte Asinaria, une seconde fois en 549 (Id., III, 38) : l’entrée a lieu par la porte Ostiensis.

552. Prise de Rome par Narsès (Id., IV, 33). — Vainqueur de Totila, Narsès à la tête de l’armée byzantine, se présente devant la ville, l’attaque sur trois points (PROCOPE ne dit pas lesquels) et l’enlève.

846. Les Sarrasins pillent la Basilique de Saint-Pierre, située en dehors de l’enceinte d’Aurélien, mais ne pénètrent pas dans la ville proprement dite.

1084. Robert Guiscard pénètre dans Rome par la porte Flaminia et dévaste effroyablement la ville.

1407. Les Colonna pénètrent dans Rome par la brèche, entre les portes Tiburtina et Prænestina.

1413. Ladislas, roi de Naples, pénètre dans la ville, en abattant une partie des murs entre l’Eglise Sainte-Croix de Jérusalem et la porte Asinaria.

1527. L’armée du connétable de Bourbon emporte d’assaut la muraille au voisinage de la porte Cavalleggeri (Cité Léonine) et livre la ville au pillage.

1849. L’armée française attaque la porte San Pancrazio (ancienne porte Aurelia), sur le Janicule. Bien que les murs fussent en partie ruinés, la position était si forte (Cf. PROCOPE, Guerre Goth., I, 26) que les assaillants furent repoussés. Il fallut ouvrir la tranchée et donner un nouvel assaut qui se termina par la prise de la ville. — Le point d’attaque avait été mal choisi.

1870. L’année italienne, en septembre 1870, pénétra dans la ville par la brèche entre les portes Pia et Salaria : c’est le même point d’attaque qu’avaient autrefois choisi Alaric et Vitigès.

[50] H. SCHUERMANS, Remparts d’Arlon et de Tongres (loc. cit., 1877, p. 408 ; 1888, pp. 40-41).

[51] Pour l’ensemble, il n’y a rien de comparable à la réduction des villes de Gaule ; à Bordeaux (C. JULLIAN, Histoire de Bordeaux, p. 120), la réduction est des deux tiers.

[52] H. SCHUERMANS, loc. cit., 1888, pp. 40-41 ; 1890, 68.

[53] F. HETTNER, loc. cit., pp. 40-50.

[54] H. SCHUERMANS, loc. cit., 1888, pp. 40-41, 66.

[55] De CAUMONT, Cours d’Antiquités monumentales, II, p. 349 — H. SCHUERMANS, loc. cit., 1888, p. 469.

[56] L’enceinte mesurait à Bordeaux 2.350 mètres de longueur (C. JULLIAN, Histoire de Bordeaux, p. 44) ; à Sens, 2.500 mètres ; à Poitiers, 2.600.

[57] H. SCHUERMANS, loc. cit., 1877, pp. 451-453 ; 1888, pp. 45-46. — Cf. Jahrbuch des Kaiserl. Deutsch. Archäol. Instit. (XI, 1896, pp. 108-110).

[58] H. SCHUERMANS, loc. cit., 1888, pp. 53-70 ; 2m,90 à 3 mètres à Andernach (H. LEHNER, Antunnacum, Bonn. Jahbücher, 1901, fasc. 107, p. 32) 3 mètres à Besançon et à Trêves (H. LEHNER, Korresp. III, 1893, pp. 16-22), 3 à 4 mètres à Périgueux, 3m,60 à Strasbourg, 4 mètres à Tours et à Saintes [cf. B. LEDAIN, Solive sur l’enceinte Romaine de Saintes (Congrès Archéolog. de France, LXIe session, p. 196)], 4 à 5 mètres à Bordeaux (C. JULLIAN, Hist. de Bordeaux, p. 45) et à Vérone (ORTI MANARA, Delle antiche Mura che cingeano la cilla di Verona a’ tempi Romani, Ann. Inst., 1S51, p. 80), 5 mètres à Dijon (GRÉG. TOURS, Hist. Franc., III, 19), etc.

[59] H. JORDAN, die Topographie der Stadt Rom im Altertum, II, p. 542.

[60] H. JORDAN, die Topographie der Stadt Rom im Altertum, II, p. 563.

[61] H. JORDAN, die Topographie der Stadt Rom im Altertum, II, p. 564.

[62] Au IVe siècle, l’enceinte d’Aurélien semble avoir formé la limite qu’il n’était pas permis dans certains cas aux esclaves de franchir. — Une plaque de bronze d’un certain Asellus, esclave du préfet de l’Annone [(LE BLANT, Revue Critiq., 1891, I, 59 — Ch. HUELSEN, Miscellanea Epigraphica, XIII, Bulta di un Servo fuggitivo (Röm. Mitth., VI, 1891, pp. 341-342)], porte Foras Muru(m) Exivi.