LA PERSÉCUTION DES CHRÉTIENS SOUS NÉRON — ÉTUDE HISTORIQUE

 

VIII — LA PHRASE DE SUÉTONE.

 

 

Nous avons maintenant à nous occuper du texte de Suétone dont nous avions ajourné l’examen.

Le passage de la Vie de Néron.

Nous lisons dans la Vie de Néron (XVI) : Nombre d’abus furent sévèrement réprimés, et des règlements furent établis pour les prévenir ; on réduisit les festins publics à de simples distributions de vivres ; on défendit de vendre dans les cabarets des mets cuits, tandis qu’on y servait auparavant toutes sortes de plats.

Puis nous passons subitement à une affaire de haute gravité : ON LIVRA AUX SUPPLICES LES CHRÉTIENS, SORTE D’HOMMES D’UNE RELIGION NOUVELLE ET FUNESTE, afflicti supplicias christiani, genus hominum superstitionis novæ ac maleficæ.

Et aussitôt après, l’énumération des mesures de simple police recommence : On mit fin aux excès des cochers de char qui, profitant d’une ancienne tolérance, se faisaient un jeu de voler et de tromper en courant de tous côtés, etc.

Nous remarquons d’abord que le motif donné à la persécution est tout autre que celui que nous avions trouvé exprimé dans les Annales. Il n’est nullement question ici d’incendie, de rumeurs contre Néron, d’accusations qu’on aurait voulu faire retomber sur les chrétiens, de supplices atroces qu’on leur aurait infligés ; ils auraient été frappés par mesure d’ordre public, à cause de leurs croyances religieuses ou des pratiques de leur culte.

Si donc on admettait pour exact ce que nous lisons dans la Vie de Néron, il faudrait reconnaître que Suétone n’a pas connu les événements rapportés par Tacite, et s’ils avaient eu lieu il les aurait d’autant mieux connus qu’il avait été l’ami de Pline et de l’auteur des Annales. Nous trouverions encore dans ce fait une preuve que le chapitre attribué à Tacite n’a pu être qu’une interpolation.

Mais le texte de Suétone est-il plus authentique que celui de Tacite ?

Du crime de superstition à Rome.

Examinons d’abord le fait rapporté en lui-même, abstraction faite de toute autre considération.

Est-il possible, est-il probable que les chrétiens aient été alors cruellement mis à mort parce qu’ils auraient été adonnés à une religion nouvelle et funeste ?

Depuis que le monde romain s’étendait de l’Océan à l’Euphrate, du Rhin et du Danube aux sables de l’Afrique, qui aurait pu compter les cultes et les superstitions qu’il avait englobés dans son sein !

Le gouvernement n’intervenait dans les questions religieuses que pour supprimer des coutumes barbares, pour châtier exemplairement les prêtres gaulois ou africains qui immolaient encore des victimes humaines à leurs lugubres divinités. C’est ainsi que Tibère aurait fait pendre aux arbres qui entouraient leur temple, des prêtres de Saturne (ou de Baal) qui sacrifiaient de malheureux enfants sur leur autel[1].

Mais à part la répression des rites contraires à la morale publique, la tolérance religieuse devint au milieu de tant de cultes divers une nécessité, un principe d’État. Voici ce que dit M. Mommsen[2].

Aux yeux de César la capitale du nouvel empire universel romano-hellénique, Rome, point central ente l’Orient et l’Occident, ne pouvait plus demeurer une ville italique ; elle devait se dénationaliser, devenir la capitale de toutes les nations. Il toléra donc qu’à côté du Pater Jovis s’élevât le culte nouveau des divinités de l’Égypte et dans les murs de la cité reine il laissa aux Juifs la libre pratique de leurs rites exclusifs et étranges. Au mélange souvent repoussant des foules parasites, Orientaux, Hellènes et autres affluant dans Rome, il n’opposa aucune digue ; et, trait caractéristique, dans les jours de fêtes populaires il laissa parler au théâtre toutes les langues, le phénicien, l’hébreu, le syrien, l’espagnol.

Cette politique, imposée d’ailleurs par la force des choses, demeura traditionnelle sous les successeurs de César et d’Auguste[3].

Sénèque, qui n’était pas seulement philosophe, mais aussi un homme d’État influent, écrit[4] : Que parle-t-on de préceptes sur les cultes à rendre aux dieux ? On peut défendre d’allumer des lampes le jour du sabbat, et parce que la divinité n’a pas besoin de lumière et que les hommes n’aiment pas la fumée ; on peut empêcher la foule d’aller chaque matin s’asseoir aux portes des temples, offrir leurs salutations aux dieux, parce que ce sont de vains hommages dont ils n’ont nul souci : on peut défendre d’apporter des serviettes et des strigiles à Jupiter, des miroirs à Junon, parce qu’ils n’ont que faire de ces objets de toilette ; mais à quoi serviraient de telles ordonnances si l’on n’a pas vulgarisé l’idée d’un Dieu maître de tout et qui répand ses bienfaits gratuitement sur tous les hommes ?

Les hommes politiques savaient que tous les mystères de l’antiquité (et le christianisme ne prétendit être qu’un mystère)[5] avaient un but principal et commun, celui de procurer aux initiés un état intérieur de paix et de bonheur soit par des cérémonies expiatoires qui calmaient le souvenir du passé, soit par les espérances d’un avenir de bonheur en face de la mort. C’était moins la différence de doctrine et de morale qui constituait leur caractère particulier que celle de leurs rites et de leur origine.

Aussi de Hammer[6] dit-il avec raison : D’après la tolérance que le gouvernement de Rome exerçait envers les cultes de toutes les nations et la facilité avec laquelle il adoptait les dieux étrangers, il n’est guère besoin de rechercher d’autre cause de l’introduction du culte de Mithra dans l’empire romain que les relations multipliées de Rome avec l’Asie depuis la guerre de Mithridate et des Pirates.

Et cependant, quel zèle infatigable animait ces sectaires ! Quelle guerre incessante faisaient au paganisme gréco-romain ceux dont les pères avaient jadis, sous Xerxès, tenté de détruire toutes les statues des divinités de l’Olympe ! Sous l’étendard de leur Dieu invincible dont le soleil était l’emblème, Deo soli invicto Mithræ, ces soldats, milites, comme ils s’appelaient, se donnaient pour mission de combattre sans relâche Ahriman et les partisans de cet ennemi du ciel, principe du mal, auteur de la mort. Or ils avaient obtenu d’établir sous le Capitole même leur caverne mystérieuse où se faisaient les initiations, où s’effectuaient leurs cérémonies.

Le culte des Juifs était assimilé à tous ceux qui se pratiquaient à Rome, et ils pouvaient librement célébrer le sabbat ou le jour d’Hérode[7], on les avait autorisés à avoir un lieu de réunion, une synagogue[8].

Les Romains, déclare encore Josèphe à ses compatriotes, ont un tel sentiment religieux qu’ils respectent même parmi leurs ennemis les choses que ceux-ci considèrent comme sacrées. Il ajoute que les empereurs envoyaient des dons et des offrandes au temple de Jérusalem[9].

Si donc l’autorité romaine était sur le qui-vive en Judée et prête à réprimer toute tentative d’insurrection ; si elle avait expulsé les Juifs de Rome sur les plaintes d’escroqueries portées contre eux, elle ne les avait jamais inquiétés pour leurs croyances ou leurs pratiques religieuses. Les témoignages de Perse, de Juvénal, de Sénèque, de Josèphe, sont unanimes à ce sujet.

L’autorité romaine agissait-elle autrement à l’égard des chrétiens ou Nazaréens ? Pour qu’il en fût ainsi, il eut fallu qu’elle eût des motifs de déployer contre eux des rigueurs spéciales. Or pouvait-on au point de vite de l’intérêt de l’Empire trouver leurs croyances et leur conduite politique plus dangereuses que celles des autres Juifs ? Évidemment non.

L’apothéose des empereurs ou (pour nous servir d’une expression étrangère à la curie antique, mais qui rend mieux ce qu’il faut entendre par là) leur canonisation décrétée par le Sénat n’avait pas eu encore pour conséquence d’établir un culte officiel et général pour l’empire.

Au temps des Césars l’autorité impériale se dissimulait pour ainsi dire, afin de se faire accepter. Même à Rome on se bornait à demander à la bonne volonté des intrigants d’honorer le divin Auguste. C’est ainsi que Tibère l’entendait. Tacite nous apprend, en effet, que des flatteurs zélés avaient un jour dénoncé au Sénat la conduite sacrilège de Fanalius. Il était accusé d’avoir profané le nom d’Auguste par un faux serment, d’avoir introduit un histrion dans une confrérie augustale, d’avoir vendu avec son mobilier les statues du César-dieu. Tibère le sut. Aussitôt il écrit aux consuls[10] : On n’a point décrété l’apothéose de mon père pour que cet honneur causât la perte d’aucun citoyen. Aux dieux le soin de venger eux-mêmes leurs injures. Falanius fut acquitté.

Plus tard seulement, quand la centralisation aura pris plus de développement, quand la plupart des provinces auront acquis le droit de cité, le culte de la souveraineté impériale deviendra obligatoire comme le trait d’union, le lieu commun de toutes les parties de l’empire ; il n’impliquera aucune apostasie, aucun désaveu de ses croyances ; tout en sacrifiant au génie de l’empereur on pourra demeurer fidèle adorateur de Jupiter et de sa famille, d’Isis et d’Osiris, d’Ormuzd ou de Baal.

Croyant commettre un acte abominable d’idolâtrie en faisant brûler quelques grains d’encens devant la statue du Prince, les chrétiens, seuls, refuseront de se soumettre aux décrets. Ils seront alors considérés et poursuivis non pour leurs croyances religieuses elles-mêmes, mais comme rebelles et insoumis, comme désorganisateurs de l’unité de l’empire[11].

Rien de semblable n’existait encore au premier siècle, ni dans le première moitié du second.

On ne demandait à ceux qui attendaient le retour du Christ aucune profession de foi politique ou religieuse ; ils montraient, nous l’avons dit, la plus grande prudence dans leur conduite, et de leur côté ils déclaraient qu’il fallait obéir aux lois, considérer les magistrats comme revêtus par délégation de la puissance de Dieu[12]. Aussi les Actes nous font voir, presque à chaque page, que dans les provinces les chrétiens, loin de se plaindre des préteurs romains, vantaient leur équité et leur tolérance, se flattaient même d’être leurs clients et leurs protégés contre les haines et les vexations des autres Juifs.

Ils nous offrent encore le témoignage incontestable de la tolérance religieuse qui régnait dans la capitale sous Néron. Nous y lisons, en effet : Or Paul demeura à Rome deux ans entiers dans son logement privé, où il recevait tous ceux qui le venaient voir, prêchant le royaume de Dieu, enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus-Christ, avec toute liberté et sans aucune entrave[13].

Nous ne voulons pas affirmer que l’auteur nous entretient ici d’un fait réel ; mais évidemment l’opinion qu’il exprime au sujet de la liberté religieuse à Rome, ne pouvait que lui être commune avec ceux auxquels il s’adressait, puisqu’il en parle comme d’une chose toute naturelle.

Les motifs qui auraient déterminé la persécution des chrétiens ne sont donc pas admissibles. Le fait, par suite, demeure inexplicable, et l’on est naturellement conduit à le déclarer inexact. Les Actes des Apôtres, au surplus, s’inscriraient, si besoin était, en faux contre Suétone.

L’interpolation.

Est-ce bien Suétone qui a écrit que les chrétiens avaient été livrés aux supplices parce qu’ils étaient des gens d’une superstition nouvelle et funeste.

Si, à la suite de l’exposé que nous venons de faire de l’état de la question, le lecteur partage notre conviction qu’une persécution de chrétiens sous Néron ne pouvait avoir aucune raison d’être ; qu’aucun auteur romain, grec ou juif, n’en a soufflé mot ; que ce qu’en ont dit les écrivains ecclésiastiques rentre dans le domaine des fictions légendaires ; et que ce qu’on trouve exceptionnellement au sujet des chrétiens dans Pline le jeune et dans Tacite a été frauduleusement introduit dans leurs œuvres : en tel cas, il ne saurait manquer de penser que Suétone n’a pu parler de cette persécution, et en conséquence il conclura que la phrase qui lui est attribuée doit être considérée comme une interpolation, alors même que par une extrême habileté le faussaire serait arrivé à ne pas se trahir.

Mais en a-t-il bien été ainsi ?

En examinant avec soin les expressions dont se serait servi Suétone nous pouvons remarquer l’emploi du mot Christiani. Or ce terme seul suffirait à nos yeux pour démasquer l’interpolateur, puisqu’il n’existait pas au temps de Suétone pour désigner les disciples de Jésus.

Le mot maleficus doit également attirer notre attention. Une telle qualification ne saurait exprimer les sentiments d’un écrivain aussi éclairé que Suétone ; ce sont ceux des ignorants et dévots païens qui, selon les apologistes, accusaient les chrétiens d’attirer par leur impiété la colère des dieux sur l’empire.

L’épithète de nova est encore plus remarquable. Nous avons vu, en effet, que les disciples de Jésus se disaient Juifs, qu’ils entendaient être considérés comme tels. Ils n’avaient alors aucune doctrine, aucun rite essentiel qui différât sensiblement de ce qu’on voyait chez les Juifs. Ils pouvaient bien être pour ceux-ci une secte nouvelle ; mais pour des Romains ils n’étaient que des Juifs, et aucun historien, au temps de Trajan, n’aurait pu voir en eux des affiliés à un culte nouveau.

Ce qui nous frappe enfin, c’est la place qu’occupe la mention de la persécution des chrétiens. N’est-ce pas chose surprenante que la condamnation des chrétiens ait été intercalée parmi l’énumération de simples mesures de police ? S’il se fût agi d’expulsions, d’amendes, de fermeture de synagogues ou de lieux de réunion, de dispersion des confréries, nous l’eussions compris. Mais ce n’était pas chose ordinaire à Rome que la peine de mort ordonnée pour crime de superstition.

L’auteur devait au soin de sa réputation le souci de nous dire quelle était cette superstition qui nécessitait des mesures si terribles, si contraires à la tolérance dont jouissaient toutes les religions professées dans l’empire. Ces confréries constituaient-elles un danger pour l’État ou pour le prince ? avaient-elles des rites contraires à la morale publique ! Et il nous devait d’autant plus ces explications qu’il nous dit qu’il s’agit de superstition nouvelle. Quoiqu’il ne brille pas d’habitude par la méthode d’exposition, Suétone n’offre pas d’exemple d’une faute analogue dans la vie des Césars.

Ce silence trahit un faussaire. Nous ne voulons pas dire que ce personnage fût un niais ; car il faut convenir que si la place adoptée pour interpoler la mention du supplice des chrétiens n’est pas bonne, on n’en aurait pu choisir de meilleure. On ne trouverait pas dans la Vie de Néron un chapitre où il fût possible d’introduite moins mal à propos la phrase relative à la persécution. Un tel sujet eût demandé la composition d’un chapitre spécial ; et le danger de l’entreprise eût été peut-être plus grand.

Mais serait-ce la difficulté qui aurait arrêt, notre homme ? Nous ne le pensons pas. Nous sommes persuadés qu’il ne lui est pas venu à l’esprit l’idée que les lecteurs auxquels il s’adressait pussent avoir besoin d’explications. Il avait raison.

La seule chose nécessaire au faussaire, c’est d’acquérir la confiance ; et ce n’est pas chose si malaisée quand on sert les passions ou les convictions de ceux qui vous écoutent. Qui n’a pas remarqué combien était étrange cette place donnée par Suétone à la mention des supplices infligés aux chrétiens, entre un règlement de cabarets et la suppression de vols dont les marchands étaient victimes sous prétexte de plaisanteries ? Le doute cependant ne venait pas à l’esprit. Voyez, disait-on, comment Suétone parle cavalièrement de ces héros, de ces malheureux martyrs ; c’est bien la dureté de cœur du Romain ! Croyants ou savants, tous convaincus de la persécution de Néron, ne voyaient dans ce passage de la vie des Césars que la confirmation de ce qu’ils considéraient comme une vérité historique.

Encore une interpolation. Faut-il en voir partout ? nous dira-t-on peut-être ?

Ce ne serait pas là, il faut en convenir, faire une réfutation de nos critiques, donner des raisons valables d’admettre que ce passage doive être considéré comme l’œuvre de Suétone. Et pourquoi s’étonner que nous ayons à signaler plusieurs interpolations ?

C’était une question fort importune à adresser à des docteurs de l’Église que de leur demander pourquoi la venue de l’Oint, du Fils de Dieu sur la terre, n’avait pas été considérée comme un événement remarquable, comment les historiens romains, grecs, ou même juifs n’en n’avaient point parlé ; c’était encore embarrassant pour eux d’expliquer pourquoi aucun auteur profane du Ier siècle ou de la première partie du second n’avait parlé des chrétiens, ni de leurs faits et gestes si miraculeux. Ils ne virent qu’un moyen, mais il était topique. Ce fut de remettre la plume aux mains des magistrats ou écrivains défunts pour leur faire réparer leur ignorance ou leur oubli. Ils ont, par ce procédé, obtenu de Pilate et de Pline des rapports administratifs ; des scribes du Sénat romain, la rédaction de procès-verbaux des déclarations de Tibère ; de Sénèque, des lettres à Paul ; de Tacite, un chapitre d’histoire, etc. Ils ne purent tolérer non plus que Flavius Josèphe, dans les Antiquités juives, ait gardé le silence au sujet de Jésus, et ils ont intercalé au IIIe ch. du XXVIIIIe liv. un paragraphe rectificatif[14].

Bien donc ne nous parait plus naturel que de voir figurer dans la vie des Césars, comme un fait historique affirmé par Suétone, la fable de la persécution des chrétiens sous Néron.

 

 

 



[1] Apologétique, IX.

[2] Mommsen, Hist. rom., liv. V, ch. II.

[3] Juvénal nous présente le tableau de ce mélange des populations et des superstitions étrangères à Rome. On lit dans la Consolation à Helvia, V : Adspice agedum hanc frequentiam cui vix urbis immensæ tecta sufficiunt :... ex tote denique orbe terrarum confluxerunt ;… Deinde ab hac civitate, discede, quæ velut communis patria potest dici. Voir encore Tertullien, Apologétique, XXIV.

[4] Lettre XCVe.

[5] Tertullien, Apologétique, VII.

[6] De Hammer, Mithriaca, ch. III.

[7] Perse, satire V.

[8] Guerre des Juifs, V, XXXVII.

[9] Guerre des Juifs, V, XXVI. Rien n’est plus vraisemblable, plus conforme à la politique romaine. Sur les murailles de la plupart des temples d’Égypte on voit des dessins qui représentent les Césars portant des offrandes aux divinités du sanctuaire.

[10] Tacite, Hist., I, 73. — Que ubi Tiberio notuere scriptit consulibus : Non ideo decretum patri suo cœlum ut in perniciem civium is honor verteretur... deorum injurias diis curæ. La loi de lèse-majesté ne sera appliquée qu’aux grands, à ceux qui peuvent conspirer, s’opposer à la domination du premier. Cette loi ne regardait pas le peuple à cette époque.

[11] Tertullien, Apologétique, XXIV à XXXII. Nous offensons les Romains ; ils ne nous regardent plus comme Romains... Mais l’empire ne peut être ébranlé sans que tous ses membres en souillent ; et nous que vous regarde : comme étrangers, nous serions enveloppés dans ses malheurs ... Nous avons donc, comme vous, intérêt au maintien de la puissance impériale... Nous aussi, nous prions pour sa conservation.

[12] Epître aux Romains, XIII, 1.

[13] Actes, XVIII, 30, 31.

[14] Rappelons ce paragraphe : En ce même temps, aurait dit Josèphe, vivait Jésus qui fut un sage, si toutefois on doit le considérer comme un homme tant ses œuvres étaient admirables. Il enseignait ceux qui voulaient être instruits de la vérité et il fut suivi non seulement par des Juifs, mais par des Gentils, c’était le Christ. Des principaux de notre nation l’accusèrent devant Pilate qui le fit crucifier. Ceux qui l’avaient aimé durant sa vie ne l’abandonnèrent pas après sa mort ; il leur apparut vivant et ressuscité le troisième jour comme les prophètes l’avaient prédit ; et c’est de lui que les chrétiens que nous voyons aujourd’hui, ont tiré leur nom.

Josèphe se trouvait mis dans une situation analogue à celle de Pilate, de Pline ou de tout autre païen dont on voulait produire le témoignage. On ne leur demandait pas, bien entendu, de contredire, mais de confirmer les traditions de l’Église. Par suite Pilate et Pline devaient reconnaître solennellement l’innocence de ceux qu’on amenait à leur tribunal ; Josèphe ne pouvait qu’affirmer le caractère évidemment divin et messianique de Jésus. Ceci obtenu, peu importait ensuite que Pilate et Pline aient prononcé des condamnations, que Josèphe soit demeuré juif ; on se préoccupait fort peu de la contradiction manifeste qui se produisait entre les déclarations et la conduite de ces personnages.