WALA ET LOUIS LE DÉBONNAIRE

 

CHAPITRE DEUXIÈME.

 

 

Avènement de Louis. - Chute de Wala. - Gouvernement des favoris de Louis.

 

Pour la première fois depuis un siècle, l’avènement du nouveau prince se fit pacifiquement, au grand étonnement des contemporains[1], sans en excepter le nouvel empereur lui-même. On savait l’antipathie de Wala à l’égard du roi d’Aquitaine, on savait ses intrigues pour combattre l’association de Louis, on craignait qu’il ne fît appel aux armes contre la décision du placite[2]. Louis, que la nouvelle de la mort de son père vint trouver à Doué en Poitou[3], n’osa pas, sous le coup de ces craintes, se mettre immédiatement en route pour la capitale ; il rallia auparavant autour de lui autant de partisans armés qu’il put[4]. De leur côté, la plupart des leu- des francs, de peur de se compromettre, se tenaient dans une prudente expectative et attendaient, pour porter leurs hommages au nouveau monarque, que Wala leur en eût donné l’exemple. Toutes ces appréhensions étaient chimériques cependant, et le ministre tout-puissant de Charlemagne décidé à se soumettre. Il vint à la rencontre de Louis, et, se prosternant humblement à ses pieds, il se déclara son homme et son vassal[5]. Son exemple entraîna l’aristocratie tout entière ; les grands, à partir de ce moment, se présentèrent par troupes[6] ; leudes, évêques, peuple, obstruaient, malgré l’hiver, la route où devait passer le cortège royal ; à Orléans, ceux qui ne trouvèrent pas de bateaux, passèrent le fleuve à la nage, pour se prosterner un peu plus tôt aux pieds de Louis[7].

Pendant ce voyage déjà, Louis montra ce qu’on devait attendre de l’austérité de ses mœurs. Tandis que lui-même s’arrêtait à Paris pour adorer les reliques qu’on y conservait[8], il envoya devant lui à Aix des messagers de sa sévérité[9]. Dans les derniers temps du règne de Charlemagne, le palais impérial avait été le théâtre de bien des scandales[10] ; non-seulement le vieil empereur s'adonnait lui-même encore avec fureur aux plaisirs de l'amour[11], mais six filles survivantes[12], auxquelles il n'avait pas permis le mariage, parce qu'il se pouvait se passer de leur société habituelle, menaient à son su la vie la plus déréglée[13]. Depuis longtemps le chaste Louis était indigné de ces excès, et dès qu'il eut été reconnu empereur par les leudes, il en envoya quatre parmi les plus marquants, Watt et Ingobert, Warnaire et Lambert, pour inviter et garder jusqu'à son arrivée, comme criminels de lèse-majesté, les seigneurs que ses sœurs avaient choisis pour amants[14]. Wala et Ingobert, qui sentaient tout ce qu'une pareille mission avait d'odieux, pour eux surtout qui avaient été les amis et les ministres de l'empereur défunt, ne se hâtèrent pas pour l’accomplir. Warnaire et Lambert furent plus zélés : ce fut à leur propre détriment. L’un des leudes désignés par la rumeur publique, le farouche Hodoïn, mandé en leur présence, dédaigna de se défendre ; mais, tirant son épée, il tua Warnaire, blessa à la cuisse Lambert, son neveu, et ne cessa de frapper que lorsqu’on l’eut assommé lui-même. Cet acte d’insolente rébellion exaspéra Louis au point qu’il ne voulut entendre parler de miséricorde pour aucun des coupables et retira même le pardon déjà accordé à Tullius, l’un d’entre eux[15]. Tels furent les funestes auspices sous lesquelles le nouveau monarque fit son entrée solennelle à Aix, où l’attendait un peuple innombrable, venu de près et de loin, pour le proclamer une seconde fois empereur[16].

A peine installé dans le palais impérial, Louis, fidèle à ses scrupules religieux et à ses antipathies politiques, songea à éloigner de sa présence tout l’entourage de Charlemagne. Ce fut la cour qui fut frappée d'abord. La conscience timorée de Louis voyait avec horreur le grand nombre de femmes qui remplissaient le palais de Charlemagne ; il se hâta de les en bannir, en ne faisant exception que pour quelques femmes indispensables au service de la cour[17]. Ses sœurs elles- mêmes ne furent pas exceptées de cette proscription générale : toutes elles reçurent l’ordre de se rendre immédiatement dans les monastères qu’il leur avait assignés[18]. Auparavant cependant, il régla avec elles le partage de la succession paternelle. Charlemagne avait fait, trois ans auparavant, un testament signé de ses principaux conseillers, et par lequel il disposait de sa fortune mobilière[19] ; au moment de mourir, il avait voulu y ajouter un codicille pour assurer une part du domaine royal à ses filles et à ses enfants illégitimes ; mais la mort l’avait surpris avant qu’il eût pu le signer[20]. C’eût été peine perdue, du reste ; car Louis ne respecta pas même le testament solennel que garantissaient les signatures de quinze prélats et de quinze comtes[21]. Il n’agit pas ainsi par avidité, pour augmenter sa part dans la succession paternelle, puisque, hormis une table précieuse qu’il paya de ses deniers, il ne garda rien pour soi-même de tous les trésors paternels, et distribua tout ce qui lui revenait aux pauvres et aux églises[22] ; mais il agit ainsi par principe et par conviction. Arrivé au trône en vertu de sa légitimité, il ne voulut laisser valoir que les droits de la légitimité. C’est pourquoi il n’admit au partage que ses sœurs légitimes, et en exclut complètement ses ennemis instinctifs les bâtards[23]. Tout ce qu’il consentit à faire pour eux, ce fut d’assigner des monastères à ses sœurs illégitimes[24], et de garder dans son palais ses trois frères bâtards, Drogon, Hugues et Thierry, trop jeunes encore tous les trois pour qu’ils pussent inspirer la moindre crainte[25]. Quant à son neveu illégitime Bernard, il n’aurait sans doute pas mieux demandé que de lui appliquer aussi toute la sévérité de ses principes chrétiens en fait de légitimité ; mais le Placite franc avait garanti l’Italie à Bernard. Pour le moment, il ne put donc faire autrement que de le confirmer dans sa dignité royale quand il vint prêter serment de fidélité au Placite tenu à Aix pendant l’été de 814[26].

Après avoir purgé le palais des compagnons des plaisirs de Charlemagne, il ne restait qu’à en chasser les compagnons de ses travaux pour achever l’œuvre de rénovation méditée depuis longtemps par les conselliers de Louis. Cette seconde révolution suivit de près la première : le premier Placite tenu sous le nouveau règne ayant offert une occasion favorable pour renverser Wala, on s’en saisit avec avidité. Wala et Adalhard s’étaient naturellement fait un grand nombre d’ennemis pendant la longue durée de leur pouvoir[27]. Aussi, comme on savait que c’était flatter le nouvel empereur que de les attaquer, il s’éleva contre eux un grand nombre d’accusateurs parmi les leudes réunis à Aix. Chacun n’avait à raconter sur le compte de l’administration de Charlemagne que des actes iniques, des condamnations arbitraires, des spoliations odieuses[28]. Il y avait du vrai, sans doute, dans quelques-unes de ces accusations, qui portaient sur des faits, inévitables au milieu du désordre de la société du neuvième siècle ; mais les haines particulières contre les anciens ministres de Charlemagne, rendues plus acharnées encore par l’espoir de les supplanter, exagéraient singulièrement la portée de leurs torts.

Wala comprit qu’il ne pouvait résister à ce déchaînement presque général des passions contre lui, et pensa qu’il était plus digne de quitter volontairement le pouvoir que de se le voir arraché de vive force. Il annonça, par conséquent, la résolution d’abandonner tout à la fois la cour et le monde, et de se retirer dans un monastère. En vain ses amis rengagèrent-ils à choisir une retraite moins absolue ; Wala sentait la nécessité de se retremper loin du contact des affaires, et il savait d’ailleurs, ne fut-ce que par l’exemple de son frère, que les portes d’un couvent n’étaient pas une barrière infranchissable entre un cénobite et la direction suprême de l’empire. Il persista donc et alla se faire moine au monastère de Corbie[29].

L’archevêque de Lyon Leidrade, le principal Mis- sus de Charlemagne, imita son exemple et alla revêtir dans un couvent de Soissons l’habit de religieux[30]. Le vieil Adalbard seul refusa de céder volontairement à l’orage, et demanda hautement des juges pour se laver devant eux des accusations dont on le poursuivait. Mais cette satisfaction lui fut refusée, et sa résistance ne servit qu’à attirer sur lui des châtiments plus sévères. Condamné, sans avoir été admis à se défendre, à la perte de ses biens et dignités[31], il fut envoyé en exil à l’île de Noirmoutiers[32], et remplacé, sur l’ordre exprès de Louis, comme abbé de Corbie[33]. Gondrade, qui, du vivant de Charlemagne, avait été l’appui politique de ses frères, n’échappa pas à leur disgrâce : elle fut envoyée au monastère de Sainte-Radegonde[34]. Et ainsi se trouva désorganisée toute l’administration supérieure du règne précédent. Cette révolution ministérielle, du reste, se fit, il faut le dire, sans aucune difficulté : la longueur du règne de Wala avait lassé ses amis et exaspéré ses ennemis. La haute aristocratie militaire et religieuse, dont il était le représentant naturel, ne fit rien pour le défendre contre les rancunes personnelles et politiques de ses adversaires ; tout au plus elle hasarda quelques plaintes et quelques stériles reproches[35].

L’ancienne administration bouleversée, il s’agissait de la remplacer ou au moins de combler les lacunes capitales qu’y avait laissées la retraite des principaux, ministres du règne précédent. Des anciens conseillers impériaux, il ne resta en faveur qu’Eginhard[36], qui fut chargé d’initier Lothaire, fds aîné de l’empereur, à la vie politique[37]. A coté de lui se produisirent ceux qui, en Aquitaine déjà, avaient dirigé la faiblesse de Louis. Le talent de plaire de Bigo et la ferveur monastique de saint Benoît d’Aniane étaient de bien faibles dédommagements aux grands talents et à la longue expérience de ceux qu’ils remplaçaient : ils n’en devinrent pas moins les arbitres suprêmes de l’empire, saint Benoît surtout, qui fut l’oracle de la cour nouvelle. Louis, qui ne voulait s’en séparer à aucun prix, lui fit construire, à proximité de la résidence d’Aix, le magnifique monastère d’Inde[38], pour pouvoir à toute heure chercher ses conseils et verser dans son sein les chagrins et les soucis que lui causait un pouvoir pour lequel il n’était pas fait[39].

Les nouveaux conseillers de l’empire, forts de leur inexpérience, voulurent inaugurer leur administration en défaisant, sous prétexte de rendre heureux tout le monde, tout ce que leurs prédécesseurs avaient fait. Ils ouvrirent les prisons, rappelèrent les exilés, et envoyèrent des Missi à travers tout l’empire avec ordre de punir les oppresseurs et de soulager les opprimés[40]. C’était là un beau programme et bien de nature à faire contraster la justice de Louis avec la tyrannie de Wala ; mais je me permets de douter, malgré le témoignage d’un panégyriste de Louis[41], que toutes les injustices furent punies, tous les actes iniques détruits, toutes les usurpations rendues impossibles pour l’avenir. Comtes et vicomtes étaient trop intéressés à se soumettre les hommes libres et à usurper leurs biens, pour que je puisse admettre qu’ils aient interrompu pour longtemps le cours de leurs acquisitions illégales[42].

Parmi ces actes de joyeux avènement, destinés à guérir les plaies plus ou moins exagérées dont l’administration précédente avait frappé les peuples de l’empire franc, il en est un qui a passé presque inaperçu[43], et qui n’en eut pas moins les conséquences politiques les plus graves : je veux parler de l’amnistie accordée par Louis aux Saxons et aux Frisons l’année même de son avènement, en même temps qu’il leur rendait l’usage de leurs anciennes lois, abolies par Charlemagne[44]. Ses conseillers croyaient probablement ne faire là qu’un acte de clémence, peut-être aussi un acte d’opposition, puisque les anciens amis de Charlemagne blâmaient une mesure diamétralement opposée à la politique du vieil empereur[45] ; mais il se trouva qu’ils avaient fait un acte de haute politique. Les Saxons gardèrent à Louis une reconnaissance profonde de ce qu’il les avait réintégrés dans leurs droits comme nation ; ils firent de ses intérêts les leurs, et furent toute sa vie durant les défenseurs les plus fidèles de sa personne contre ses fils et contre l’aristocratie franque[46].

La première ardeur de réformes satisfaite, Louis et ses conseillers revinrent naturellement au but constant de leurs pensées et de leurs affections, à savoir aux affaires religieuses. A leurs yeux, la protection de la religion était le premier devoir d’un souverain, et ils regardaient comme le plus noble but de son ambition la gloire de surpasser tous ses prédécesseurs en piété et en sainteté[47]. L’exaltation de l’Eglise de Dieu et de ses serviteurs primait, selon eux, même la paix et la justice[48], et les trois ordres de l’Etat avaient pour seul but la plus grande gloire de la religion, que les laïques devaient défendre par les armes, les moines chanter dans leurs louanges, et les évêques diriger par leur sagesse[49]. Les circonstances d’ailleurs étaient on ne peut plus favorables aux pieuses intentions du nouvel empereur. La paix la plus profonde régnait sur toutes les frontières de l’empire[50] ; pour la première fois depuis l’avènement de la maison d’Héristal, le renouvellement de règne n’avait pas été inauguré par des révoltes ou des incursions étrangères ; couvert du grand nom de Charlemagne comme d’une égide[51], Louis avait tous les loisirs nécessaires pour accomplir dans l’empire franc tout entier les réformes ecclésiastiques qui avaient presque exclusivement signalé son administration en Aquitaine, et pour mériter ainsi, sur une scène plus large, son beau surnom de Tuteur des églises et de Règle des moines[52].

La réforme ecclésiastique projetée par Louis devait s’appliquer à la fois au clergé séculier et régulier : saint Benoit, préposé depuis la mort de Charlemagne à tous les monastères de l’empire[53], se chargea plus spécialement de préparer, d’accord avec ses abbés, la réforme monastique ; l’organisation du clergé séculier fut confiée à une autre commission ecclésiastique, qui devait rédiger une règle générale pour les chanoines, et régulariser ainsi l’institution introduite en France soixante ans auparavant par l’évêque de Metz Chrodegang. La deuxième commission finit d’abord ses travaux, et le concile d’Aix de 816[54], déjà, put adopter comme règle générale des chanoines et des religieuses l’extrait des Pères et des Docteurs, fait à l’aide de la Bibliothèque palatine par le diacre Amalaire, et approuvé par elle[55] ; aussitôt la décision du concile prise, des Missi spéciaux portèrent la règle nouvelle à travers tout l’empire, en enjoignant sévèrement aux prélats de veiller à sa stricte exécution[56]. Quant à saint Benoît, il ne présenta sa révision de la règle bénédictine qu’au concile d’Aix de l’année suivante 817 ; elle aussi fut approuvée par l’empereur et les évêques, et promulguée sous le titre d’un capitulaire[57].

En même temps qu’on organisait ainsi d’une manière uniforme tout le clergé de l’empire, en le soumettant à la double règle ou des chanoines ou des bénédictins, on tachait, par d’autres mesures législatives ou administratives, d’empêcher Je retour des désordres qui trop souvent avaient troublé l’Eglise pendant les règnes précédents. On défendit aux évêques et aux clercs l’usage des vêtements précieux, des baudriers et des éperons, qu’on regardait, non sans raison, comme des indices de dissolution et de vice[58]. Pour familiariser le clergé avec la Bible, on mit entre ses mains des extraits des deux Testaments et des livres des Pères[59], qu’on alla même jusqu’à faire traduire en vers tudesques, pour les rendre accessibles au plus grand nombre[60]. Pour relever la position et la dignité des prêtres, on ordonna que tout ecclésiastique serait libre de droit[61], et on donna à chaque église un manoir qui lui permît de célébrer convenablement le culte[62]. Enfin, on tacha d’empêcher la sécularisation toujours croissante des monastères, en faisant un tableau officiel et détaillé des redevances dues à la couronne par chacune des communautés religieuses de l’empire[63].

La préoccupation extrême de Louis et de ses conseillers pour la réforme de l’Eglise, leur fermait les veux relativement à tout autre intérêt, et fut la cause principale d’une faute grave qu’ils commirent relativement aux rapports de l’empereur avec l’Eglise de Rome : en trop songeant à réédifier l’Eglise, ils battirent en brèche l’Empire. Charlemagne avait toujours vénéré et honoré le pape ; mais il avait toujours su défendre contre lui ses droits royaux et impériaux, tant en matière politique qu’en matière religieuse. Louis, au heu de suivre la même marche, consentit, dès les premières années de son règne, par faiblesse, je crois, plutôt que par conviction, à des empiétements de la part du Saint-Siège, qui, avec le temps, devaient devenir extrêmement funestes pour l’empire et pour lui- même.

A la mort de Léon III (juin 816)[64], dont le long pontificat n’avait été qu’une succession non interrompue de troubles, on avait nommé pape Etienne IV, qui, sans attendre la confirmation impériale, s’était fait consacrer eu toute hâte. C’était là une irrégularité grave et un précédent dangereux, qui menaçait d’annuler le plus précieux des droits impériaux à Rome. Mais ce n’était pas tout encore : sous prétexte de s’excuser auprès de l’empereur d’avoir outrepassé ses droits[65], Etienne préparait une usurpation plus flagrante encore : il lui fit savoir par deux ambassadeurs qu’il allait venir lui-même en France conférer avec lui et en même temps le couronner empereur (816)[66]. Louis, déjà couronné, n’avait pas besoin de cette nouvelle cérémonie, qui ne tendait à rien moins qu’à établir en principe que la couronne impériale ne pouvait être imposée que par la main du souverain pontife ; lui-même le sentait, et répugnait à consentir au désir du pape ; mais ses ministres ne surent trouver aucun prétexte pour empêcher une visite plus importune encore qu’inattendue, et Louis se résigna à se laisser conférer par le pape une dignité que jusqu’alors il ne tenait que de lui-même[67]. Il reçut le pape à Reims avec les démonstrations de la dévotion la plus profonde[68], et, dès le dimanche suivant, lui et sa femme Innengarde furent sacrés et couronnés par les mains du Saint-Père[69], qui, pour éviter tout retard, avait eu soin d’apporter lui-même une couronne d’or, précieuse par son travail et son antiquité[70]. Le consentement de Louis à l’acte du couronnement emportait de plein droit la confirmation du pape ; aussi n’en fut- il plus question, et le pape, qui avait pleinement atteint le but de son voyage, ne tarda-t-il pas à retourner à Rome, chargé de dons magnifiques. Il était muni en outre d’une charte, rédigée par l’archichancelier Hélisachar, et qui garantissait solennellement les droits et la primatie de l’Église de Rome[71].

Quant aux droits de l’empire, personne ne songea aies mettre à l’abri de toute contestation ; c’est que les conseillers de Louis ne comprenaient pas, comme l’avaient fait Charlemagne et Wala, que l’Église et l’État pouvaient être intimement unis, sans que l’Église dominât l’Etat. La tache de fixer les rapports des deux pouvoirs devait plus tard être heureusement remplie par Wala[72] ; mais pour lors, l’ancien confident de Charlemagne se tenait à l’écart de toutes les affaires et ne s’occupait que de dévotions et de fondations pieuses dans sa retraite de Corbie. Au moment même où Louis se laissait couronner une seconde fois, il veillait avec le jeune Adalhard, abbé intérimaire de Corbie, pendant l’exil d’Adalhard le vieux, aux progrès d’une abbaye, fille de Corbie, qu’il avait fait fonder en Saxe, en 815, et qui devait, avec le temps, devenir le centre de la culture intellectuelle de l’Allemagne : je veux parler de l’abbaye de Corvey[73].

 

 

 



[1] Thégan, c. 8. — Nithard, I, c. 2. — Ermold Nigelles, II, v. 121.

[2] Vita Ludovici, c. 21.

[3] Vita Ludovici, c. 21 ; Ermold Nigelles, II, v, 89 ; Ann. Éginhard ad 814.

[4] Vita Ludovici, c. 21.

[5] Vita Ludovici, c. 21.

[6] Vita Ludovici, c. 21.

[7] Ermold. Nigelles, II, v. 121.

[8] Ermold. Nigelles, II, v. 143.

[9] Vita Ludovici, c. 21.

[10] Vita Adalbard., p. 321.

[11] Éginhard, Vita, c. 18. — De visiones et abatu H'ettini monachi angienses Lib. (Mab., IV. 8, p. 267), raconte les tourments endurés en enfer par Charlemagne, en punition de sa lubricité.

[12] Éginhard, Vita, c. 18 ; Paul. Diacon., de Episc. mett. — Aux six filles de Charlemagne, il faut sans doute ajouter aussi ses cinq petites-filles, sœurs de Bernard, qu'il faisait élever dans son palais (Éginhard, Vita, c. 19).

[13] Éginhard, Vita, c. 19.

[14] Vita Ludovici, c. 21.

[15] Vita Ludovici, c. 21.

[16] Vita Ludovici, c. 22 ; Ann. Éginhard ad 814 ; Nithard, I, c. 2.

[17] Vita Ludovici, c. 23.

[18] Nithard, I, c. 2 ; Vita Ludovici, c. 23.

[19] Cet acte est rapporté textuellement, Éginhard, Vita, c. 33, et en extrait, Vita Ludovici, c. 22.

[20] Éginhard, Vita, c. 33.

[21] Éginhard dit, il est vrai, Vita, c. 34 : Hæc omnia filius ejus Hluduicus... post obitum ejus, summa cum devotione adimplere curavit. Mais le témoignage formel de Nithard, I, c. 2, doit prévaloir en cette occasion, eu égard aux liens de parenté qui l’unissaient à Charlemagne.

[22] Thégan, c. 8. — Cllg. Chron. Moissac, ad Si3 ; Ermold. Nigelles, II, v. 159.

[23] Nithard, I, c. 2.

[24] Nithard, I, c. 2 ; Vita Ludovici, c. 23.

[25] Éginhard, Vita, c. 18. Nithard, I, c. 2.

[26] Thégan, c. 1 2 ; Éginhard, Ann. ad 814 ; Vita Ludovici, c. 23 ; Nithard, 1, c. 2.

[27] Vita Walæ, p. 459. — De transi. S. Viti, p. 529. — Vita Adalh., p. 319.

[28] Thégan, c. 13.

[29] Vita Walæ, p. 459. — Vita Adalh., p. 322.

[30] Adon. Archiep. Vienn. Chron. (Bouquet, VI, p. 190).

[31] Vita Adalh., p. 319.

[32] Vita Adalh., p. 320.

[33] De transi. S. Viti, p. 629.

[34] Vita Adalh., p. 322.

[35] Vita Adalh., p. 323.

[36] Éginhard, Epist. (Bouquet, VI, p. 369 sq.) passim.

[37] Éginhard, Ep. 34.

[38] Vita S. Bened., p. 210. — Cllg. Ermold Nigelles, II, v. 533.

[39] Ermold. Nigelles, II, v. 565.

[40] Ermold Nigelles, II, v. 169-196 ; Éginhard, Ann. ad 814 ; Vita Ludovici, c. 28 ; Thégan, c. 13 ; Chron. Moissac, ad 815.

[41] Thégan, c. 13.

[42] Thégan, c. 13.

[43] Les Annales d’Éginhard, quoique fort détaillées pour cette époque, n’en font pas mention. Cette omission peut être attribuée soit au peu d’importance qu’il y attachait, soit au dépit qu’il en ressentait.

[44] Vita Ludovici, c. 24.

[45] Vita Ludovici, c. 24.

[46] Vita Ludovici, c. 24.

[47] Ermold Nigelles, I, v. 1 ; II, v. 248.

[48] Capitul., ann. 823, c. 2 (Baluze, I, p. 633).

[49] Hist. transi. S. Hucberti ab Jonœ, Aurel. Episc. script. (Mab., IV, I, p. 293).

[50] Ermold Nigelles, II, v. 499 sq.

[51] Mon. Sangall., II, c. 29.

[52] Ermold Nigelles, Eleg., II, v. 193.

[53] Vita S. Bened., p. 211.

[54] M. Pertz veut que ce soit le concile d’Aix de 817 (III, p. 197).

[55] Adem. Chabann. ad Éginhard Ann. ann. 816 ; Vita Ludovici, c. 28 ; Vet. Franc. Ann. ad 816 (Bouquet, VI, p. 170).

[56] Epp. ad Magnum, archiepisc. senonens., et Sicharium, archiepisc. burdigal., quibus mittit exemplum regulæ canonicæ decrelœ in conc. Aquisgr. an. 816 (Baluze, I, p. 553, 557).

[57] Adem. Chabann. ad Éginhard Ann. an. 817 ; Vita Ludovici, c. 28 ; Vita S. Benedicti, p. 211. — Cllg. Capit. Aquisgr. de Vita et Conversatione Monachnrum, an. 817, mense julio (Baluze, I, p. 579).

[58] Vita Ludovici, c. 28.

[59] Epist. Jonœ, Aurel. Episcad Carol. Calv. [Bouquet, VI, p. 78, n.).

[60] De transi. Divin, libr. in theudiscatn linguam, Prœf. in libr. antiq. lingua saxonica script. (Bouquet, VI, p. 256.)

[61] Vita Ludovici, c. 28. — Cllg. Form. Ingenuitatis (Bouquet, VI, p. 446).

[62] Vita Ludovici, c. 28.

[63] Vita S. Bened., p. 214. — Cllg. Notit. de rnonasteriis quœ regi militiam, dona vel solas orationes debent, script, in conventu Aquisgr. ann. 817 (Baluze, 1, p. 589).

[64] Éginhard, Ann. ad 816 ; Vita Ludovici, c. 26 ; Thégan, c. 16.

[65] Éginhard, Ann. ad 816. Cllg. Vita Ludovici, c. 26.

[66] Toutes les sources (Éginhard, Ann. ad 816 ; Chron. Moissac, ad 816 ; Vita Ludovici, c. 26 ; Thégan, c. 16) sont d’accord pour constater qu’Étienne vint en France sans y être appelé. Le seul Ermold Nigelles paraît indiquer le contraire par ce vers (II, v. 197) ; mais il se réfute lui-même quelques lignes plus bas (II, v. 237).

[67] Louis le Débonnaire ne consentit cependant jamais à regarder son second couronnement comme le seul légitime. Il continua à dater son règne, comme empereur, de l’année de son couronnement à Aix-la-Chapelle.

[68] Vita Ludovici, c. 26 ; Thégan, c. 1 6 ; Ermold Nigelles, II, v. 207.

[69] Éginhard, Ann. ad 816 ; Vita Ludovici, c. 26 ; Thégan, c. 17 ; Ermold Nigelles, II, v. 427.

[70] Chron. Moissac, ad 816 ; Thégan, c. 17 ; Ermold Nigelles, II, v. 425. On prétend qu’elle avait été portée par Constantin le Grand.

[71] Ermold Nigelles, II, v. 389. Il y a loin de cette charte à la fameuse donation en vertu de laquelle Louis le Débonnaire aurait, en 817, concédé au pape Pascal toute l’Italie méridionale, la Sardaigne et la Sicile. Malgré les arguments que, dans ces derniers temps encore, Marino Marini a voulu faire valoir en faveur de l’acte en question, je le regarde comme parfaitement incompatible avec ce que nous savons de l’histoire de la papauté au commencement du neuvième siècle. Voyez d’ailleurs Pertz, IV, p. 2, p. 6.

[72] Voyez le chapitre suivant.

[73] L’abbaye de la Nouvelle-Corbie ou de Corvey, fondée en 815 par Adalhard le jeune et Wala, fut, en 822, transportée par Wala et Adalhard le vieux dans un endroit plus favorable. Voyez De transi. S. Viti in Saxon., Lib. (Mab., IV, 1, p. 523) ; Adalh. Vita, p. 331 ; Chron. Saxon, ad 822.