LA SAINTE FAMILLE

 

QUATRIÈME PARTIE. — APPARITION DU VAURIEN DE L'ÉTRANGER

III. — AUTRE VAURIEN DE L'ÉTRANGER.

 

 

PREMIÈRE PARTIE

I. — LE VAURIEN DEVANT LES CONTEMPORAINS DE IEHOUDDA BAR-ABBA.

(La scène est à Bethléhem)

Le Mahazeh que nous publions ici n'était déjà plus, au dix-septième siècle (Wagenseil le reconnaît), en tout point semblable à celui que frère Martin résume sur la fin du treizième. On y relève des interpolations des suppressions, des additions[1]. Wagenseil attribue le tout aux, Juifs. Les Juifs ont vraiment un dos à humilier Atlas !

Ce Mahazeh est établi sur le même plan que le précédent. Là encore, Ieschou ha nozri va se heurter à Iehoudda, indigné de ce qu'on a fait de lui depuis sa mort.

a. — Présentation de Joseph Pandera

L'an six-cent-soixante et onze du Quatrième millénaire[2], aux jours du roi Iannaos, également appelé Alexandre, il arriva un grand malheur aux amis d'Israël[3]. Un mauvais sujet parut, vaurien sorti d'une souche épuisée de la tribu de Juda, et dont le nom était Joseph[4] Pandera. Il était de haute stature, de mains vigoureuses, et d'une beauté remarquable. Il avait passé la majeure partie de son existence dans les adultères et les dérèglements, comme dans les rapines et les violences.

Ce dernier point est exact du papas Iehoudda. Joseph hérite de cette fâcheuse renommée, et il y ajoute de mauvaises mœurs.

Il était domicilié à Bethléhem de Juda.

Dans le Mahazeh précédent, il est Naziréen, et de passage à Jérusalem. Mais dans celui-ci on le prend tel qu'il est donné dans le Toledoth de Mathieu, encore plus compromettant que celui de Luc, et beaucoup plus faux.

b. — Myriam, fiancée de Iochanan, et sa mère

Et il avait pour voisine une veuve, dont la fille avait nom Myriam. Et c'est cette fameuse Myriam, arrangeuse de cheveux de femme, dont il est quelquefois fait mention dans le Talmud.

La mère de Myriam n'était pas veuve ; et c'est pourquoi, en épousant Hérode, elle fut qualifiée de Sota par sa propre file.

Myriam étant en âge, sa mère la fiança à un jeune homme nommé Iochanan, grandement modeste, doux, et craignant Dieu.

Le nom de ce fiancé, qui d'ailleurs ne consommera pas le mariage, provient du Talmud[5].

Il arriva qu'un jour, passant devant chez Myriam, Joseph la regarda. Alors s'alluma en lui une libidineuse ardeur, et telle qu'il passait et repassait là constamment. La mère lui demanda donc : Pourquoi es-tu si défait ? Il répondit : Je meurs à l'idée que Myriam va être à un autre.

Alors la mère : Ne te mets pas en peine de cela ! Avise à la posséder et fais d'elle ce qu'il te conviendra.

e. — Myriam déflorée par Joseph Pandira

L'auteur sait parfaitement que, fût-elle distincte de Salomé, Myriam n'a pas été adultère.

Le Mahazeh précédent combat l'interprétation que donne l'Église à la Nativité dans Nazireth (l'Aïn Gamel de Luc), laquelle est topographiquement vraie. Celui-ci s'empare de la situation scabreuse que fait à Myriam la Nativité dans Bethléhem, topographiquement fausse. Myriam peut encore être Sotada (fille de femme adultère), et l'immoralité de sa mère le donne à penser. Mais elle n'est pas Sota (adultère) elle-même, puisqu'elle n'est pas mariée quand elle cède à Joseph. Elle est victime de sa mère, qui parait redouter le caractère violent de Panthora.

Joseph Pandera suivit ce conseil, et il allait souvent à la porte de la maison de Myriam. Mais il ne trouva point d'heure commode, sinon enfin la veille du sabbat, qu'il trouva Myriam assise devant sa porte. Et étant entré avec elle dans la maison et dans la chambre près de la porte, ils montèrent sur le lit ensemble. Car elle-même pensait avoir affaire à Iochanan, son fiancé. Alors elle lui dit : Ne me touche pas, j'ai mes règles !

Mais il ne l'écouta pas, et quand il eut satisfait son désir, il se retira chez lui.

Vers le milieu de la nuit, le désir mauvais se ralluma en lui. Et s'étant réveillé, il se dirigea vers la maison de Myriam, se glissa dans la chambre et répéta son acte.

La jeune fille en eut horreur et lui dit : Que me veut le Seigneur pour que tu m'aies possédée deux fois dans la même nuit ? Depuis le temps (trois mois) où tu m'as choisie pour femme, tu m'avais respectée ! Mais se faisant petit devant elle, il ne prononça pas une seule parole. Myriam alors : Jusqu'où pousses-tu le crime ajouté au péché ? Ne t'ai-je pas dit d'abord que j'avais mes règles ? Mais il ne faisait pas attention à ses paroles, et son désir satisfait, il retourna chez lui.

Trois mois après on annonça à Iochanan : Voici que ta fiancée porte dans le ventre !

d. — Jochanan, pour n'être point accusé de la grossesse de Myriam, s'enfuit à Babylone où il disparaît

Atterré, Iochanan alla trouver son précepteur Siméon ben Schetach[6], et après lui avoir tout raconté, lui demanda : Qu'y-a-t-il à faire ? Le précepteur répondit : Soupçonnes-tu quelqu'un ? Alors Jochanan : Je ne soupçonne que Joseph Pandera, qui est un grand débauché et qui est son plus proche voisin. Son précepteur lui dit : Mon fils, suis mon conseil, tais-toi ! S'il a usé d'elle une fois, il ne peut se faire qu'il ne recommence pas ! Assure-toi de la chose, convoque des témoins, et défère-le au grand Sanhédrin !

Le jeune homme s'en retourna, plein de tourments, pour avoir appris que Myriam était enceinte. Et il pensait en lui-même : Les hommes diront que c'est moi qui suis l'auteur de sa grossesse. Aussi, par excès de pudeur et pour fuir le scandale, il quitta la Judée pour aller à Babylone, où il se fixa.

Ce Iochanan est bien effacé. Il est visible que personne ne l'a connu. C'est un fiancé qui ne donne pas suite ; il n'y a rien en lui du papas Iehoudda, que l'autre Mahazeh donne à Myriam pour époux légal.

e. — Accouchement de Myriam, et confusion du texte actuel entre le premier-né et le cadet de ses fils

Ensuite Myriam enfanta un fils[7], qu'elle appela Ieschou, du nom de son oncle... ou de son frère du côté maternel.

Ce n'est pas que ce nouveau-né s'appelât Ieschou, mais il fut appelé Iehoudda du nom de son père, et celui-ci était l'oncle de Myriam, avant de devenir son époux ; le Mahazeh ne s'égare pas trop. Quant au frère de Myriam du côté maternel, il s'appelait Siméon. C'est ce que reconnaît le Mahazeh précédent, qui appelle ce frère Siméon Hakkalph (lisez Cléopas). Quant au bar-Iehoudda qui fut circoncis sous le nom de Siméon, c'est le cadet, celui qu'on appelle aujourd'hui Pierre.

 

II. — IEHOUDDA EL KANATHORA.

a. — L'éducation de Ieschou par son père selon la Loi

Comme l'enfant croissait, elle lui donna pour maître El Kana, sous qui il fit des progrès, car il était d'une intelligence apte à comprendre les choses.

El Kana (que de fois ne l'avons-nous pas dit !), c'est le surnom de Iehoudda, le papas de l'enfant et de la secte. Et Kana, le Zèle (sous-entendu : thora, Loi), c'est celui qui de Kanthora est devenu Panthora, puis Pandera ou Pandira, et même Panthère, quand il a plu au vicaire de Jésus-Christ sur la terre, de le muer en soldat romain.

b. Mépris de lesehou pour les membres du sanhédrin contraires à ses vues

Il arriva qu'un jour il rencontra des membres du Sanhédrin de Jérusalem. Or la coutume était, lorsqu'on rencontrait un de ces sénateurs, de lui rendre honneur en se cachant la tête, en inclinant le corps et en fléchissant le genou. Mais cet enfant, lorsqu'il passa devant eux, se découvrit la tête avec arrogance, ne faisant le geste d'honneur qu'a son seul maître.

Ce mystérieux El Kana est le seul homme devant lequel il s'inclinât, cela est acquis. La Loi juive, dans toute sa rigueur, dans toute sa xénophobie, voilà ce qu'il saluait en lui. Son père, c'était Dieu sur terre, le Mahazeh de Cérinthe l'a bien dit[8].

c. — Ieschou repoussé de l'assemblée d'Israël, à cause du faux état-civil que lui donne le Toledoth de Matthieu

Alors tous commencèrent à dire : Une telle impudence lui vient de ce que c'est sans doute un enfant bâtard. Mais l'un d'eux dit : Certainement c'est un bâtard, et conçu d'une femme en état de souillure.

Parmi eux, se trouve Siméon ben Schétach, celui-là même qui dans le targum du Talmud, porte la lettre de Salomé à son fils, et le lui ramène d'Alexandrie pour venger le papas tué au Recensement. Jamais il n'a porté de lettre à un Ieschou comme est celui de la Nativité selon Mathieu, il enrage.

Un instant après, Siméon ben Schétach dit aussi : Maintenant, je me rappelle qu'il y a plusieurs années, mon disciple Iochanan est venu à moi, se plaignant en ces termes : Malheur à moi pour le déshonneur et l'opprobre que j'encours ! Myriam, ma fiancée (la mère de ce garçon), est enceinte non pas de moi, mais d'un autre (et c'est de là qu'est issu ce garçon). Comme je lui demandais s'il soupçonnait quelqu'un, il me répondit : Joseph Pandera, qui habite près d'elle ! Comme sa grossesse s'accentuait, de honte Iochanan s'est immédiatement retiré à Babylone et il y demeure encore.

Alors tous dirent : S'il en est ainsi, ce garçon est vraiment un bâtard, et conçu d'une femme en état de souillure.

Et soufflant dans trois cents trompettes[9], ils divulguèrent que c'était un bâtard indigne d'être reçu dans l'assemblée du peuple saint. Et ils disaient que son nom était Ieschou[10], indiquant par là que son nom et sa mémoire étaient dignes de périr.

 

III. — LE SÉJOUR EN HAUTE ÉGYPTE.

a. — Remplacement du séjour en Égypte par un séjour en Galilée

L'auteur du Mahazeh suit la Nativité selon Matthieu, le seul Toledoth où on avoue le séjour en Egypte ; et il connaît le Talmud, où Ieschou revient d'Alexandrie avec Siméon ben Schétach. Par conséquent il se conformait à cette double indication, et il envoyait Ieschou en Egypte, en Haute-Egypte même. Il y avait dans le texte : ghelil ha Miçraïm éloyon. L'Église a remplacé le mot ghelil, par Galilée, laissé la conjonction ha, supprimé le mot Miçraïm, qui veut dire Egypte, et conservé le mot éloyon, de sorte que maintenant on lit : terre la supérieure, sans que le nom de celle-ci soit indiqué !

Ayant connu qu'il avait été déclaré indigne d'être reçu dans l'Assemblée, Ieschou, le cœur contrit, prit la fuite, et s'en alla dans la terre d'Égypte, où il vécut pendant beaucoup d'années.

 

IV. — L'ÉVEN-GUILAYON À JÉRUSALEM.

a. — La pierre de David dans le Temple

En ce temps était dans le Temple le Nom ineffable de Dieu, gravé sur l'Even schatot (Pierre de fondement, de firmament). Car, lorsqu'il creusa les fondations, le roi David y trouva cette Even de la parole de la cessation de la vie (fin du monde), sur laquelle le nom de Dieu se voyait gravé. Et l'enlevant de là, il la déposa dans le Saint des Saints.

b. La garde de l'Even-guilayon confiée au Lion de Lévi et au Lion de Juda

Or, craignant que les jeunes gens qui étudiaient apprissent ce Nom, et (Dieu empêche un tel présage !) causassent la ruine de l'univers[11], les docteurs firent avec incantations deux lions d'airain, qu'ils placèrent devant les portes du Saint des Saints, l'un à droite, l'autre à gauche. Et si quelqu'un y fût entré pour apprendre le Nom secret, les lions, rugissant à sa sortie, pouvaient, par la frayeur et la consternation qu'ils auraient causée, effacer de son esprit les lettres, et l'empêcher de se les rappeler.

 

V. — IEHOVAPLASTIE.

a. — Le tatouage de Ieschou à la cuisse droite

Le bruit s'étant répandu partout qu'il était bâtard, Ieschou quitta la Haute-Égypte[12] pour venir clandestinement à Jérusalem. Et étant entré dans le temple, il y apprit les lettres sacrées (hiéroglyphes) et le Nom. Et ayant inscrit le Nom ineffable sur un parchemin, et l'ayant prononcé de manière à ne pas sentir la douleur, il entailla sa cuisse et y cacha le parchemin avec ses mystères. Bientôt, ayant proféré ce Nom de nouveau, il fit que sa chair fut invulnérable. Il faut que, par art magique et par la vertu des incantations, il ait pu pénétrer dans le Temple, comme si les très saints prêtres d'Aaron le lui eussent permis. Il est donc manifeste qu'il a fait toutes choses par la vertu de l'Esprit impur et par art magique. Et les chiens aboyèrent lorsqu'il sortit par la porte, afin qu'il oubliât le Nom.

Il sortit donc de la ville, et ayant de nouveau ouvert sa peau, il en tira l'écriture. Et comme il avait reproduit exactement les caractères, il tenait le Nom.

Dans l'exemplaire de Buxtorf, il y avait de tout autres choses sur la pierre, et des différences sur le reste :

En ce temps, était dans la Maison du Sanctuaire l'Even schattayah[13], qui est cette pierre que notre père Jacob oignit d'huile (Genèse, XXVIII, 18). Sur cette pierre étaient gravées les lettres du Nom tétragramme. Et ceux qui, les étudiant, apprenaient le Nom, ceux-là ruinaient le monde[14]. C'est pourquoi on fit défense à qui que ce soit de les apprendre, et on fit deux chiens de fer, qu'on plaça sur des colonnes de fer devant le sanctuaire. Quelqu'un venait-il à apprendre les lettres, lorsqu'il voulait sortir, les chiens aboyaient, et frappé de terreur il oubliait le Nom[15]. Ieschou vint donc, entra, apprit les lettres, les écrivit sur du parchemin, incisa la chair de sa cuisse, les y enferma, et, lorsqu'il eut prononcé le Nom, sa peau se reforma instantanément.

b. — Ieschou proteste auprès des Bethléhémites contre la Nativité que lui inflige le Toledoth de Matthieu

Ieschou n'accepte pas, et cela se comprend, les Nativités plus malpropres que mystérieuses, où sa mère est donnée comme l'ayant conçu avant d'avoir connu son mari.

Il alla ensuite à Bethléhem de Juda, sa ville natale, et se mit à crier à haute voix : Quels sont ces hommes qui me tiennent pour un bâtard et d'origine impure ? Ce sont eux qui sont des bâtards, et les plus impurs des hommes ! Ne suis-je pas né d'une vierge ? Et je suis entré en elle par le sommet de la tête ! Je suis le fils de Dieu, et c'est de moi qu'Esaïe a prophétisé, disant : Une vierge concevra, etc. Ne me suis-je pas formé moi-même ? Et le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'il y dans le monde, c'est moi qui l'ai créé !

c. — Les habitants lui demandent au moins un signe

Alors tous répondirent, disant : Donne-nous un signe, et montre-nous par un miracle que tu es dieu !

 

VI. — LES MIRACLES : LEUR PROCÉDÉ DE FABRICATION.

a. — La clef des résurrections dans les Toledoth canoniques : une leçon de choses

Répondant, il dit : Apportez ici un mort, et je le rendrai à la vie ! Le peuple se hâta, et ayant ouvert un tombeau, il n'y trouva rien que des os arides et dénudés. Comme ils annonçaient qu'ils n'avaient trouvé que des os, il dit : Apportez-les devant moi. Sitôt apportés, il les assembla entre eux, les recouvrit de peau, de chair, de nerfs. Et se dressant, ce qui avait été un cadavre se tint vivant sur ses pieds.

Ainsi, les résurrections qu'il fait dans le Mahazeh de Cérinthe et dans les Toledoth canoniques, n'ont point été pratiquées sur des morts encore en possession de leur chair, sur des morts du quatrième jour, comme Eléazar bar-Jaïr, mais sur des hommes et sur des femmes depuis longtemps réduits à l'état de squelette, comme lui-même, quand il a plu aux rabbins évangélistes de le ressusciter. Il s'est écoulé un siècle et davantage entre la mort réelle de ces gens et leur résurrection sur le papier. Ieschou le reconnaît dans cette leçon de choses.

b. — Même procédé pour les lépreux

Ceux qui voyaient, admiraient. Alors il dit : Vous admirez cela ? Amenez-moi un lépreux, et je le guérirai ! Ils le lui amenèrent, et il rendit, également par le Nom ineffable, ce lépreux à la santé. Voyant tout cela, ils se prosternèrent devant lui. Et ils l'adoraient, disant : Vraiment, tu es le fils de Dieu.

Il y avait une indication montrant que le Jour fixé pour les résurrections et les guérisons était le quatrième, celui des Ânes, en conformité de l'Even-guilayon.

Cette indication a disparu, mais elle est suffisamment rétablie par le passage suivant :

 

VII. — LES TITRES DE IESCHOU A L'ANE DE JUDA NON CONTESTÉS.

a. — Les Jérusalémites hostiles en partie à Ieschou, comme jadis à Iehoudda

Il arriva que, le cinquième jour, cette malheureuse nouvelle parvint à Jérusalem, la Ville très sainte, où l'on raconta tout ce qu'avait fait Ieschou. Les charlatans s'en réjouirent énormément, mais les anciens, les hommes pieux, l'assemblée des docteurs, le grand sanhédrin avec le petit, pleurèrent en abondance. Et tous décidèrent d'envoyer vers lui, disant en eux-mêmes : Peut-être que, le vainquant avec l'aide de Dieu, nous le mettrons en jugement et que, le condamnant, nous l'enverrons à la mort.

b. — Nom de deux membres du Sanhédrin qui se joignirent à lui

Ils lui envoyèrent donc Ananias et Achazias, membres les plus honorés du petit sanhédrin, lesquels, l'ayant trouvé et se prosternant devant lui, l'adorèrent, accroissant par là son iniquité. Car il estimait, de son côté, qu'ils avaient foi en lui. Les recevant donc avec un visage bienveillant, il les constitua l'avant-garde de son exécrable bande.

Eux commencèrent donc à lui parler ainsi : Voici que les plus pieux et les premiers des Jérusalémites nous ont envoyés vers toi pour que tu daignes venir à eux, car ils ont appris que tu étais le fils de Dieu.

c. — Les conditions jadis posées par lui aux Jérusalémites

Alors Ieschou : Ils ont appris ce qui est, et je suis prêt à faire tout ce que vous demandez, mais à la condition que tous les anciens du Grand Sanhédrin et du petit, et ceux qui ont incriminé ma naissance, viennent au-devant de moi ! Et s'ils m'adorent, m'accueillant comme des serviteurs leur Maître, j'irai vers eux !

Étant revenus à Jérusalem, les envoyés rapportèrent tout ce qu'il leur avait dit. A quoi les anciens et les hommes pieux de Jérusalem répondirent : Nous ferons tout ce qu'il demande. Ces hommes retournèrent donc vers Ieschou, et lui dirent : Ils feront ce que tu désires.

Alors Ieschou : Je fais route avec vous !

d. — Entrée de Ieschou à Jérusalem sur l'âne de Juda

Or il arriva qu'étant à Noba, dans le voisinage de Jérusalem, Ieschou leur dit : N'avez-vous point ici un bon et bel âne ? Et comme ils répondaient qu'ils en avaient un de cette sorte : Amenez-le-moi ! dit-il. Un âne merveilleux ayant été amené, il monta dessus et gagna Jérusalem. Et comme il y entrait, toute la ville se précipita au-devant de lui. Alors, élevant la voix, il dit : C'est de moi qu'a prédit Zacharie le prophète : Voici que ton roi viendra vers toi, juste, sauvé et pauvre, assis sur l'âne et sur l'ânon son fils !

Ce qu'ayant entendu, beaucoup pleurèrent et déchirèrent leurs vêtements.

 

VIII. — INCROYABLE ACCUMULATION D'ANACHRONISMES.

a. — La reine Hélène d'Adiabène mêlée indûment à l'histoire de Ieschou

Et ceux qui surpassaient les autres en piété allèrent trouver la reine, — cette reine était Hélène, femme du roi Iannaos, dont il a été parlé plus haut, laquelle gouverna après la mort de son mari. — Elle est appelée d'un autre nom : Oléine, et elle eut pour fils le roi Munbase, autrement dit Hyrcan, que son serviteur Hérode fit périr.

Il y a là une terrible accumulation d'erreurs historiques et chronologiques. Elle s'explique par ce fait que deux autres fils du papas Iehoudda, Simon dit la Pierre et Jacob senior, ont été crucifiés, eux aussi au Guol-golta, pendant que la reine Hélène habitait Jérusalem, mais sous Claude, et non sous Tibère.

Si cependant on enlève de la phrase les rois Iannaos et Hyrcan, qui appartiennent à d'autres temps, il reste Hélène et Monobaze, qui sont contemporains de Iehoudda et de ses frères.

Les écrivains d'Église triomphent lorsqu'ils voient de tels anachronismes. Ils en profitent pour contester que les talmudistes aient voulu parler de l'individu connu aujourd'hui sous le nom de Jésus : Parce que, dit l'un d'eux[16], ce Jésus Nazarenus, en divers endroits du Talmud, est né d'une femme adultère et souillée, est idolâtre, magicien, subversif de la Loi, et enfin crucifié avec une grande ignominie, d'innombrables gens, victimes de leur ignorance de l'histoire, trompés aussi par la malhonnêteté des rabbins modernes, croient que toutes ces turpitudes sont dites de Jésus, notre glorieux Sauveur. Mais cette erreur est d'autant plus facile à démontrer que, comme il apparaît dans les histoires, même talmudiques, Hyrcan, ce Macchabée, sous qui a vécu ce Jésus Nazaréen, dont on rapporte toutes les infamies, a régné cent-dix ans environ avant Pontius Pilatus, sous qui Jésus-Christ a souffert !

b. — Hélène constituée protectrice de Ieschou

Dans la réduction de Mahazeh présentée par frère Raymond Martin, la reine Hélène conserve encore quelque air de vérité. A part un instant d'hésitation, elle est ennemie de Iehoudda, et de ceux de ses frères qui furent crucifiés au temps de la famine, en 803. Elle envoie même des soldats pour arrêter ce scélérat. Ici c'est une toute autre femme : elle est juive, du sang de David, et elle défend Ieschou avec opiniâtreté contre les docteurs[17]. Comme elle a changé d'un Mahazeh à l'autre !

Ils lui dirent : Cet homme est digne du dernier supplice, car il trompe les mortels. Donnez-nous-en la permission, et nous le prendrons par nos ruses ! Répondant, la reine dit : Amenez-le ici pour que je connaisse de cette affaire. — Elle pensait à le tirer de leurs mains, parce qu'elle lui était attachée par les liens du sang —. Mais les docteurs, s'apercevant de son projet, lui dirent : Maîtresse et reine, ne cherche pas à le favoriser de ta bienveillance, car par ses poisons il entraîne les hommes à la fraude et à l'erreur. Et en même temps, lui exposant toute l'affaire du Nom ineffable, ils ajoutèrent : Ton devoir est de le châtier, car il a mérité les dernières peines, étant fils d'une femme adultère et qui avait ses règles. Et à l'appui de leurs dires, ils racontaient l'histoire de Joseph Pandera[18]. La reine répondit : Si vous voulez que je vous exauce, amenez-le moi, afin que je l'entende, et que je voie ce qu'il fait, car tout le monde me parle des immenses prodiges qu'il accomplit. A quoi les docteurs répondirent : Nous ferons comme tu le demandes.

Ils envoyèrent donc chercher Ieschou, et celui-ci se tint devant la reine, laquelle lui dit : J'ai entendu dire que tu faisais d'insignes miracles. Va, fais devant moi quelque chose de ce genre ! Ieschou lui répondit : Tout ce que tu ordonneras, je le ferai. La seule chose que je te demande, c'est de ne pas me livrer aux mains de ces scélérats, qui me traitent de bâtard. La reine lui dit : Ne crains rien.

c. — Quelques miracles exécutés devant Hélène

Alors Ieschou : Amenez-moi un lépreux, et je le guérirai. Un lépreux ayant été amené, il lui imposa les mains, et ayant prononcé le Nom immense, il le rendit à la santé, de telle sorte que sa chair revêtit un aspect semblable à celle des enfants. Ieschou dit en outre : Apportez ici le corps d'un homme mort. Un cadavre ayant été apporté, aussitôt qu'il lui eut imposé les mains et qu'il eut prononcé le Nom immense, il revécut et se tint sur ses pieds. Alors Ieschou : C'est de moi qu'a prophétisé Isaïe, disant : Là le boiteux sautera comme le cerf, etc.

Alors, se tournant vers les docteurs, la reine dit : Comment continuez-vous à prétendre que cet homme est un empoisonneur ? Ne l'ai-je pas vu accomplir sous mes yeux des miracles qui sont ceux du fils de Dieu ? Alors les docteurs, répondant, dirent : Que la reine ne s'emporte pas à parler ainsi ! C'est plus que certainement un sorcier. Mais la reine dit aux docteurs : Retirez-vous de ma présence, et n'apportez jamais devant moi de pareilles accusations !

Les docteurs se retirèrent donc de chez la reine, le cœur contrit ; et se parlant l'un à l'autre, chacun avisait au moyen le plus habile de se saisir de Ieschou. Mais l'un d'eux poursuivait les autres de ces paroles : Si cela vous convient, que l'un de nous apprenne aussi le Nom immense ! Il fera des miracles comme lui et peut-être le prendrons-nous ! Les docteurs approuvèrent ce conseil, disant : Quiconque aura appris le Nom immense et confondu ce bâtard, conçu par une femme en état de menstrues, à celui-là est réservée une double récompense dans la vie future !

 

 

 



[1] Il est probable que ce Mahazeh Ieschou ha Nozri était signé d'un nom autorisé, car l'anonymat enlève toujours de la force au document, quel qu'il soit. Les rabbins évangélistes l'ont bien senti. D'où la supercherie des attributions actuelles.

[2] Depuis la mort d'Adam, et le Cinquième depuis la création de l'homme au compte de l'Even-guilayon.

[3] Et non ennemis, comme on le lit aujourd'hui.

[4] Joseph non : Iehoudda, comme le ben Péréja désigné dans le targum du Talmud auquel on emprunte. Mais où est le soldat romain Panthère ?

[5] Joannès est un des noms qu'on donne au papas dans certains Mahazeh et Toledoth canoniques.

[6] Qui ramène Iehoudda bar-Abba d'Alexandrie dans le Targum relatif à Ieschoua ben Péréja. C'est évidemment un membre important de la Sainte-Famille.

[7] Le texte actuel du Mahazeh ne lui en donne pas d'autres.

[8] Le Mensonge chrétien, pet. édit, p. 491.

[9] Allusion aux trois cents deniers que vaut le vase du sacre dans le Mahazeh de Cérinthe et qui donnent la date de cette cérémonie. Cf. Le Mensonge Chrétien, pet. édit. p. 432.

[10] Dérivé de Ieschah : Ordure du corps, Honte.

[11] En prononçant le tétragramme I-e-o-a.

[12] Il y a Galilée supérieure bien entendu.

[13] La pierre double, c'est-à-dire, lisible des deux côtés, la pierre sur laquelle étaient écrites les destinées du monde.

[14] Pour le dévaliser. C'est ce que Tacite et Suétone ont très bien rendu par ut Judæi rerura potirentur.

[15] Cf. l'analogie de cette histoire avec celle d'Apollonius.

[16] Galatinus, De Arcanis Cath. verb., l. I, ch. VII, p. 25.

[17] Cette contradiction ne saurait être imputée à l'auteur de ce Mahazeh. Elle ne s'en explique pas moins, avec la plus grande clarté, par le r8le analogue que l'Église a écrit pour la reine Hélène, mère de Constantin, qu'elle a convertie post mortem à la barabbalâtrie, comme Constantin lui-même. Hélène d'Adiabène prépare ici Sainte Hélène. Mais elle eût été canonisée bien avant cette mégère (dont elle aurait rendu la conversion superflue), si elle eût professé pour le Juif de rapport le quart des sentiments qu'elle affiche ici. Ce sont ceux que l'Église prête à la mère de Constantin par un de ces camouflages, à la fois burlesques et macabres, dont elle a empli toute son histoire.

[18] Ceci est de l'inquisiteur. Ce qu'ils racontèrent en 803, c'est que, tel le bar de l'Abba, Siméon et Jacob s'était constitué le Tharthak pour signe de triomphe.