LA SAINTE FAMILLE

 

DEUXIÈME PARTIE. — APOLLONIUS DE TYANE OU LA JUSTICE POURSUIVANT BARABBAS ET LA VÉRITÉ DÉMASQUANT JÉSUS

VII. — TRANSFORMATION D'APOLLONIUS EN ÊTRE HISTORIQUE.

 

 

I. — LE CORPS D'APOLLONIUS.

a. — Nécessité pour l'Église de prêter un corps au mythe de Philostrate

S'il avait paru un homme qui eût fait ou dit le quart de ce que Philostrate fait faire et dire par Apollonius, tout son siècle, et Philostrate lui-même dans ses autres ouvrages, seraient pleins de lui, de sa sagesse, de ses vertus, de ses voyages, de ses miracles, de ses images et de ses monuments. Et il eût été impossible à un tel homme de mourir sans qu'il manquât quelque chose à la terre.

L'Église a donc fabriqué un certain nombre de faux pour faire croire que ce n'était pas un personnage de pure imagination, incarnant la Justice, prévenant le Mensonge, et lancé à la poursuite de Barabbas échappé de Judée, mais un être de chair et d'os[1], vil plagiaire de Jésus ressuscité et enlevé au ciel quarante jours après sa mort.

 

II. — EFFORTS FAITS DANS LE TEXTE ACTUEL.

a. — Historiographes d'Apollonius avant sa rencontre avec Dagis

Il fallait d'abord que Dagis le Ninivite ne fût pas le seul historiographe d'Apollonius, et que Philostrate lui-même parût avoir emprunté à d'autres, car le seul témoin de cette existence miraculeuse était Dagis, autrement dit le Poisson-homme. Or, Apollonius ne le rencontre qu'à cinquante ans, en 789, quelques jours avant sa résurrection.

Qui l'aurait connu avant Dagis ? L'Église lui prête deux historiographes, à qui elle donne les noms de Méragène et Maxime d'Égée, et dont Philostrate se serait servi ensuite pour la rédaction de la Vie d'Apollonius.

b. — Une preuve de l'existence d'Apollonius : rupture de son vœu de célibat

Il n'était pas bon qu'Apollonius eût observé son vœu de célibat au point de reléguer le Juif de rapport à l'arrière-plan. On glissa dans sa Vie qu'en dépit de la solennité de ce vœu, il était suspect d'avoir entretenu des relations avec une femme de Scythie.

Encore faudrait-il que Philostrate l'envoyât en Scythie.

c. — Portraits d'Apollonius et écrits sur sa vieillesse

Son corps, bien que vieilli, était robuste, et plus agréable que la jeunesse des autres. En effet, les rides elles-mêmes ont leur beauté, et cette beauté florissait surtout chez lui, comme le prouvent les portraits qui restent de lui dans le temple de Tyane, et les écrits dans lesquels on célèbre la vieillesse d'Apollonius, comme supérieure à la jeunesse d'Alcibiade.

d. — Lettres et ouvrages d'Apollonius

Et d'ailleurs, pourquoi cet homme, qui paraissait si savant en toutes choses, n'aurait-il point écrit des ouvrages, des Lettres, par exemple ?

De ces Lettres, qui constituent aujourd'hui un recueil, on introduisit quelques fragments dans l'Anthologie de Stobée, moine grec du ive siècle, comme si elles eussent été déjà connues au temps de cet auteur, pour avoir été conservées (comme celles de Paul !) dans diverses parties du monde par des lecteurs enthousiastes. L'Église fit dire ensuite par Philostrate qu'Apollonius avait composé divers ouvrages, entre lesquels une Instruction sur le culte et les sacrifices, dénotant une ignorance remarquable des pâques infanticides dédiées au Juif de rapport avant l'invention de Jésus l'Eucharistique ; et un Traité des Oracles, dont il est dit :

Le livre qu'Apollonius rapporta de l'antre de Trophomius est déposé à Antium, où il est l'objet d'une grande curiosité : Antium est une ville maritime d'Italie. Je dois dire que tout ce que je viens de rapporter, je le tiens des habitants de Lébadée. Quant au livre, je crois qu'il fut plus tard porté à l'empereur Adrien[2], avec quelques-unes des Lettres d'Apollonius (et non pas toutes), et que ce prince le laissa dans son palais d'Antium, l'un de ses palais d'Italie qui lui étaient le plus agréables.

On lui attribue également une Vie de Pythagore, qui nous fait cruellement défaut.

e. — Mort d'Apollonius devant témoins

Aujourd'hui que c'est un être réel, l'Église le fait mourir à Éphèse devant témoins[3]. Dans le dispositif de Philostrate, il disparaît soit à Linde[4] soit en Crète, où sa disparition prend la forme ascensionnelle, comme celle de Barabbas mué en Jésus.

f. — Apollonius en posture de magicien et de voleur, tel Barabbas avant sa divinisation

Il y avait un grand avantage pour l'Église à faire d'Apollonius un plagiaire de Jésus. Mais il y avait un inconvénient aussi : l'impeccable honnêteté du gréco-romain, son éloignement du vol et son mépris de l'argent. L'Église a donc rejeté sur lui quelques traits de la réputation du Juif de rapport. Elle a trouvé bon de le représenter en posture de magicien et de voleur avant de lui faire quitter la terre. Il ne lui manque que d'avoir été assassin pour être une contrefaçon de Barabbas.

Et ce qui complète la ressemblance, c'est que cela ne l'empêche pas d'être jugé digne d'ascension par ses thuriféraires.

Les Crétois racontent ce fait d'une manière encore plus merveilleuse que les habitants de Linde. Selon eux, Apollonius résidait en Crète, entouré de plus d'hommages qu'il n'en avait jamais eus. Il entra dans le temple de Dictynne[5], à nuit close[6]. Les richesses de ce temple sont gardées par des chiens qui, au dire des Crétois, ne le cèdent en rien en férocité aux ours ni aux autres bêtes sauvages : ces chiens, au lieu d'aboyer à son approche, vinrent le caresser, comme ils ne faisaient pas même pour les hommes qui leur étaient le mieux connus[7]. Les gardiens du temple arrêtèrent Apollonius comme magicien et comme voleur[8], prétendant qu'il avait jeté aux chiens quelque friandise, et ils le chargèrent de chaînes : Apollonius se dégagea pendant la nuit, et appelant les gardiens pour qu'ils n'en ignorassent, il courut aux portes du temple, qui s'ouvrirent[9], et qui, aussitôt qu'il les eut franchies, se refermèrent. On entendit alors des voix de jeunes filles qui chantaient : Quittez la terre, allez au ciel, allez, comme pour l'engager à s'élever de la terre dans les régions supérieures[10].

g. — L'existence d'Apollonius prouvée par une Apparition

Pour preuve de son existence charnelle, Apollonius apparaît, dix mois après sa mort, dans un groupe de jeunes Tyanéens.

h. — Prouvée en outre par un temple portant son nom à Tyane

Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu un tombeau d'Apollonius[11], ni aucun monument de ce genre, élevé en son honneur, quoique j'aie parcouru la plus grande partie de la terre ; niais partout j'ai recueilli sur lui des récits merveilleux. La ville de Tyane possède un temple d'Apollonius élevé aux frais des empereurs ; car les empereurs ne Pont pas jugé indigne des honneurs qui leur sont décernés à eux-mêmes.

 

III. — EFFORTS FAITS DANS D'AUTRES OUVRAGES DE PHILOSTRATE.

a. — Une preuve de l'existence d'Apollonius : un enfant

Les amours d'Apollonius avec la femme de Scythie prouvaient bien qu'il avait rompu son vœu de célibat, mais ne valait-il pas mieux qu'il eût un enfant d'une femme mariée ? Philostrate déclara bien haut[12] qu'Apollonius avait reconnu l'enfant :

Le sophiste Alexandre, né à Séleucie, avait pour père un homme très exercé dans le genre judiciaire, et pour mère une femme d'une beauté remarquable, comme l'attestent ses portraits : elle ressemblait à l'Hélène d'Eumélus, peinture si remarquable, qu'elle a été jugée digne d'être placée dans le forum des Romains. Elle eut, dit-on, plusieurs adorateurs, entre autres Apollonius de Tyane, qui n'en fit pas mystère ; et elle renonça aux autres amants pour prendre Apollonius, afin d'avoir du plus divin des hommes un enfant d'un naturel élevé. Le fait est invraisemblable, pour bien des raisons que nous avons développées dans la Vie d'Apollonius.

Cependant, observe l'Église avec sa pénétration ordinaire, c'est la preuve que Philostrate n'a pas dit dans la Vie d'Apollonius tout ce qu'il aurait pu dire ! Hélas ! il ne dit même plus ce qu'il y avait dit d'abord !

Celui qui avance la calomnie, la retire du même geste : il lui suffit de faire croire que, pour Philostrate lui-même, Apollonius a existé au point d'avoir pu laisser un fils. Pour ce qui est d'un Alexandre dont la femme aurait été d'une beauté presque divine, le faussaire a trouvé le modèle de cette nouvelle Hélène dans la femme d'Alexandre d'Abonotichos, cet imposteur qui balança la gloire de Barabbas et de Péréghérinos.

b. — Les lettres d'Apollonius authentiquées par une phrase des lettres de Philostrate

Il fallait qu'en dehors des faux introduits dans sa Vie d'Apollonius, Philostrate eût l'air d'avoir cru lui-même à l'existence de son héros. Eh ! bien ! il y a cru au point de lui attribuer les Lettres d'Apollonius !

Apollonius de Tyane et Dion sont, après les anciens, ceux qui ont le mieux observé le caractère du style épistolaire[13].

Après Paul cependant !

 

IV. — GARANTS DE L'EXISTENCE D'APOLLONIUS AVANT SON INVENTION.

Philostrate n'avait inventé son Apollonius qu'au troisième siècle de l'E. C. Mais comme il le faisait vivre pendant tout le Ter, il fallait absolument que des écrivains de ce siècle en parlassent comme d'un être réel.

Cette partie du travail a été très mal faite. On ne produit que trois ou quatre faux témoins, et tous du second siècle : Lucien et Apulée pour les goym, Saint-Justin, auteur supposé, pour les barabbalâtres.

§ 1. Le nom d'Apollonius glissé dans Apulée

Apulée ayant conté l'état de la barabbalâtrie sous Hadrien dans Ane d'or, l'Église, en falsifiant l'Apologie où il exécute si magistralement le Juif de rapport, lui fait nommer Apollonius parmi les magiciens qui appartiennent à l'histoire.

On y parle d'Apollonius comme d'un imposteur si connu par ses prestiges, que le nommer, c'est tout dire !

§ 2. Insinuation de mœurs honteuses glissée dans Lucien contre Apollonius

Il n'était pas mauvais non plus que Lucien, ennemi capital des imposteurs comme Barabbas, eût connu Apollonius.

Tout en se servant de l'Alexandre de Lucien pour calomnier Apollonius comme adultère, l'Église en a profité pour faire soupçonner le Tyanéen de mœurs contre nature, dans le texte actuel de Lucien. Après avoir accusé de ces vices Alexandre lui-même, et son maître, un magicien anonyme, elle a ajouté :

Ce maître, en même temps son amoureux, était originaire de Tyane. Il se disait l'ami du fameux Apollonius, et connaissait toutes les aventures de ce personnage extraordinaire. Tu vois déjà à quelle école a étudié Alexandre !

§ 3. Comparaison dans Saint-Justin entre Apollonius et le Juif de rapport

Quant à Saint-Justin, présenté comme martyr et apologiste de la religion chrétienne, voici ce qu'on lui fait dire dans les Questions et réponses aux Orthodoxes :

Si Dieu est le créateur et le maître de tout ce qui existe, comment laisse-t-il agir si puissamment sur ses ouvrages le pouvoir miraculeux d'Apollonius ? Car nous le voyons arrêter la fureur des flots, la violence des vents, l'incursion des animaux nuisibles et des bêtes féroces !

D'un autre côté, si les miracles opérés par le Sauveur n'ont existé que dans son Histoire[14], et que ceux d'Apollonius soient réels, comment celui-ci, avec ses prodiges, ne trompera-t-il pas les personnes qui en seront témoins ? Si Dieu permet qu'elles soient trompées, Dieu, alors, ne peut-il pas être accusé de conduire lui-même les Grecs à la superstition ?

Si ce n'est pas lui, tout cela n'est-il pas l'ouvrage des démons ?

S'il paraît l'approuver comme bon, et le favoriser, pourquoi les prophètes et les apôtres n'ont-ils rien fait de semblable ?[15] S'il le désapprouve, pourquoi n'a-t-il pas arrêté le mal dans sa source, ou ne l'a-t-il pas réparé peu après ? Et comment le laisse-t-il se perpétuer pendant des siècles ?[16]

A toutes ces questions, dans lesquelles on met Dieu directement en cause, que répond Dieu ? Rien du tout. Mais le pseudo-Justin répond pour lui, c'est plus sûr :

Apollonius connaissait les forcis actives de la nature, ses lois de sympathie et d'antipathie ; et c'est avec cette science, et non par la puissance divine, qu'il a fait ces prodiges. Voilà pourquoi il lui a fallu, dans tous, une matière propre à les exécuter ; tandis que notre Christ, qui opérait les siens en qualité de Dieu, n'avait pas besoin de matière[17]. Il commandait aux choses ! Et il commande encore, comme il le veut et l'annonce !

Ces opérations miraculeuses d'Apollonius étant faites pour l'avantage des hommes et par la connaissance des forces actives de la nature, Dieu n'en a point empêché l'effet. Mais quand le Démon anima une statue du Tyanéen[18], et lui fit rendre des oracles, afin que les peuples séduits l'adorassent comme un Dieu, alors le Dieu véritable[19] lui ferma la bouche et arrêta ses divinations ! Il en fut de même des autres démons qui étaient honorés chez les Grecs sous le nom de dieux.

Il leur ôta leur puissance, comme nous le voyons aujourd'hui. Ainsi donc, ces faits nous prouvent évidemment le pouvoir divin du Christ, et c'est un crime de dire que ses miracles n'ont existé que dans son Histoire.

Non, rusé coquin, ce n'est pas un crime ! Ce qui est un crime, et combien n'en as-tu pas commis ? c'est d'entasser faux sur faux pour tromper les hommes, et bûcher sur bûcher pour exterminer ceux qui te démasquent, toi et tes pareils !

 

V. — FAUX INTRODUITS DANS LES AUTEURS DU TROISIÈME SIÈCLE.

a. — La participation morale d'Apollonius à l'assassinat de Domitien authentiquée dans Dion Cassius

Lorsqu'il a détruit le récit de l'assassinat de Domitien dans Dion Cassius, le moine Xiphilin a cru devoir y reporter[20] l'histoire de la prédiction que fait Apollonius à Éphèse dans le texte actuel de Philostrate. On voit bien que le père de Flavius Clémens est devenu apôtre, compagnon de Paul en Macédoine et successeur de Pierre sur le trône pontifical !

Apollonios de Tyane, comme on l'a su dans la suite par ceux qui se trouvaient dans les deux endroits (par conséquent à Rome et à Éphèse), au même jour et à la même heure qu'on tuait Domitien, monta, soit à Éphèse soit ailleurs, sur une pierre élevée, et ayant assemblé beaucoup de monde, il s'écria : Fort bien, Stéphanos ! Stéphanos, courage ! Frappe ce meurtrier (Domitien, meurtrier de Clémens). Tu l'as frappé, tu l'as blessé, tu l'as tué ! Quoique bien des gens trouvent la chose incroyable, cependant c'est un fait.

La preuve que ce n'est pas un fait, c'est que (Xiphilin a tort de l'avouer) personne n'en a parlé sur le moment ; et la preuve qu'il n'était pas dans la Vie d'Apollonius primitive, c'est que le prétendu Dion Cassius ne cite pas Philostrate. Enfin, que penser des habitants de Rome qui, le jour de l'assassinat, entendent Apollonius exciter Clémens contre Domitien à Éphèse, et révèlent dans la suite que son exclamation s'adressait à Stéphanos ?[21]

b. — Un monument élevé à Apollonius par Caracalla (dans Dion Cassius)

En outre, le même Xiphilin, qui s'est surtout occupé de falsifier Dion Cassius, y inséra ceci :

Caracalla aimait tant les magiciens et faiseurs de prestiges qu'il honora et loua Apollonios de Cappadoce (on n'a pas osé mettre de Tyane), qui avait fleuri sous Domitien (sous Domitien seulement ?), et qui avait été faiseur de prestiges et magicien subtil, et lui fit dresser un monument comme à un héros[22].

On aurait bien fait de dire où se trouvait ce monument. Mais à quoi bon ? il y en avait tant, au dire du même faussaire ! Car partout, ajoute-t-il, on regarde Apollonius comme une divinité bienfaisante.

c. — Origène, garant de l'existence d'Apollonius en même temps que de celle de Jésus

Dans Origène, ce grand homme que l'Église a converti post mortem, Comme tant d'autres, Apollonius a existé certes, et plutôt deux fois qu'une, car c'était un magicien et un philosophe.

d. — Portraits d'Apollonius et de Barabbas chez Alexandre Sévère (dans Lampride)

Outre ce monument, il fallait qu'il y eût des portraits, des statues d'Apollonius. Immédiatement, Alexandre Sévère eut dans son palais le portrait d'Apollonius, qu'avec une impartialité remarquable il plaça près de celui de Jésus, fait par Pilatus au prétoire[23].

Lampride, historien, fut chargé d'enregistrer ce fait dans la Vie d'Alexandre Sévère :

Il avait dans son palais une chapelle domestique, où tous les matins il venait, en se levant, faire sa prière, quand il n'avait pas couché avec l'impératrice ! Là, parmi les images de ses ancêtres, il avait placé celles des meilleurs empereurs, des gens de bien les plus célèbres, des personnages qui avaient laissé une réputation de sainteté ; et dans ce nombre étaient les portraits d'Apollonius, de Jésus-Christ, d'Abraham[24], d'Orphée et autres, qu'il révérait comme des Dieux.

e. — L'apparition d'Apollonius à Aurélien (dans Vopiscus)

L'interpolation de Vopiscus, un des auteurs de l'Histoire Auguste[25], est célèbre en quelque sorte. Qui l'a faite ? Un ministre du Juif de rapport. Il connaissait à fond la Vie d'Apollonius, et l'allégorie d'Éphèse dans laquelle Apollonius tourne Barabbas en chien mort, par une métempsycose régressive.

La vie militaire d'Aurélien l'a, paraît-il, amené devant Tyane, qui ne lui résista certainement pas. Le falsificateur de Vopiscus, prenant la plume à ce moment, écrit :

Arrivé devant Tyane, et trouvant les portes fermées, on raconte qu'il dit dans sa colère : Je n'y laisserai pas un chien. Bientôt, grâce à l'ardeur des soldats excités par l'espoir du butin, grâce à la trahison d'un habitant, nommé Héraclamon[26], qui craignait d'être enveloppé dans le massacre général, la ville fut emportée.

Notez que cet habitant tire son nom d'Héraclès, à qui le peuple d'Éphèse élève une statue après la conversion du vieux mendiant en charogne de chien enragé.

Aurélien prit aussitôt deux mesures importantes, dont l'une montre la sévérité de ]'empereur, et l'autre, sa clémence.

En sage vainqueur, il fit mettre à mort Héraclamon, comme traître à sa patrie ; puis, comme ses soldats, comptant sur la promesse de ne pas laisser un chien dans Tyane, réclamaient le sac de la ville : Il est vrai, dit-il, que j'ai juré que je n'y laisserais pas un chien : eh bien ! tuez-les tous !

Noble parole d'Aurélien ! Mais ce qu'il y a de plus beau encore, c'est le bon esprit de l'armée : tous les soldats reçurent cet arrêt, qui les privait d'un butin attendu et sauvait une ville conquise, comme si on les eût comblés de dépouilles !

Il faut donc admettre, ou que les soldats ont tué tous les chiens, ou qu'en facilitant l'entrée d'Aurélien dans la ville, Héraclamon a sauvé tous les habitants du massacre. Aurélien est donc parfaitement fou ; lorsqu'il fait tuer ce brave homme. C'est un tel acte d'insanité que le falsificateur ecclésiastique a éprouvé le besoin de l'appuyer d'une pièce spéciale :

Voici, dit-il, la lettre au sujet d'Héraclamon :

Aurélien Auguste à Mallius Chilon. J'ai laissé tuer celui à qui je dois, pour ainsi dire, la prise de Tyane[27].

C'est que jamais je n'ai pu souffrir un traître ; aussi n'ai-je point empêché les soldats de le mettre à mort. Quelle fidélité, d'ailleurs, pouvais-je attendre d'un homme qui n'a pas épargné sa patrie ? Du reste, il est le seul de tous les assiégés qui ait péri[28]. Il était riche, j'en conviens ; mais j'ai rendu tous ses biens à sa famille[29], afin qu'on ne pût m'accuser d'avoir fait périr un homme riche dans un but intéressé.

La manière dont la ville fut prise a quelque chose d'étrange. Héraclamon avait indiqué une espèce de terrasse naturelle, par où l'empereur devait, sans être aperçu, monter sur le rempart. Il y monta donc ; puis, agitant une chlamyde de pourpre, il se fit voir en même temps, de l'intérieur et du dehors, aux habitants de la ville et à ses soldats. Ainsi la ville fut prise, comme si l'armée tout entière eût été sur les murailles.

La prise de Tyane par Aurélien n'a fait qu'une victime, et cependant l'historien connaît son nom : c'est Héraclamon.

Conclusion : si Aurélien est entré dans Tyane, c'est librement, et le siège de Tyane n'a qu'un but : ramener Apollonius dans la ville, comme s'il avait réellement existé.

Ici, je ne saurais passer sous silence un fait qui concerne un homme vénérable. On dit qu'Aurélien avait, en effet, conçu et exprimé l'intention de détruire Tyane ; mais un citoyen de cette ville, Apollonius, un sage dont le crédit et la renommée ont traversé les âges[30], un philosophe des anciens temps, le véritable ami des dieux, et qui méritait en quelque sorte les honneurs divins, lui apparut au moment où il se retirait dans sa tente, sous la forme où on le représente ordinairement, et, s'exprimant en latin, de manière à être compris d'un Pannonien : Aurélien, dit-il, si tu veux être vainqueur, garde-toi de sévir contre mes concitoyens ! Aurélien, si tu veux régner, épargne le sang innocent ! Aurélien, sois clément, si tu veux vivre ! L'empereur connaissait le visage du vertueux philosophe, pour avoir vu son image dans plusieurs temples.

Frappé d'étonnement, il lui promit aussitôt une image, des statues, un temple[31], et revint à des sentiments plus humains[32].

Voilà ce qui se serait passé environ vingt-cinq ans après l'An mille de Rome

Le faussaire sait bien qu'il ment, et qu'on ne trouverait de témoins ni parmi les habitants de Tyane, ni parmi les soldats qui y avaient été avec Aurélien, et dont beaucoup étaient des généraux célèbres au temps de Vopiscus.

Que dit-il alors ? Que Vopiscus avait lu la chose dans les manuscrits de la bibliothèque... Ulpienne, où elle serait resté à jamais ensevelie, si cet auteur ne l'eût sauvée d'un injuste oubli. Et qu'est-ce que la bibliothèque Ulpienne ? Celle du grand légiste Ulpien, préfet du prétoire sous Alexandre Sévère, et qui, ennemi des barabbalâtres, parce qu'il l'était de l'imposture et du crime, avait réuni en un corps toutes les Ordonnances rendues contre eux par des prédécesseurs d'Alexandre :

Je tiens ce fait des hommes les plus graves, je l'ai même lu depuis dans la bibliothèque Ulpienne ; et, d'après la renommée d'Apollonius, je n'ai pas de peine à le croire.

En effet, a-t-on jamais vu parmi les hommes un personnage plus respectable, plus auguste, plus divin ? Il a rendu la vie aux morts : ses actions, ses paroles sont au-dessus de l'humanité. Pour les connaître, on n'a qu'à consulter les livres grecs où sa Vie est racontée.

f. — Où le pseudo-Vopiscus déclare vouloir composer une Vie d'Apollonius

En parlant de ces livres grecs, ce n'est pas à Philostrate que pense le faussaire, c'est à Maxime d'Egée et à Méragène, dont Philostrate n'aurait fait que résumer l'œuvre, peut-être même avec une piété insuffisante pour un héros comme Apollonius !

Ah ! si les dieux m'en laissent le temps, et que ce soit toujours la volonté de non protecteur, moi aussi j'essaierai de retracer les actions immortelles d'un si grand homme : non qu'une vie pareille ait besoin du secours de ma faible éloquence, mais pour que des faits si dignes de l'admiration des hommes soient célébrés par tout l'univers !

g. — Apollonius prince des démons magiciens (dans Arnobe)

Arnobe, écrivain supposé, inventé pour servir de maître à Lactance, autre écrivain supposé, n'hésite pas à voir dans Apollonius un magicien inspiré du Démon évidemment : Il n'est pas seulement parmi les plus grands, il tient le principat dans ces sortes de prestiges.

 

VI. — AUTEURS DES QUATRIÈME ET CINQUIÈME SIÈCLES.

a. — Comparaison entre Apollonius et le Juif de rapport dans Lactance

Dans son Philalèthès (L'Ami de la vérité), le préteur de Bithynie (que ce soit Hiéroclès ou non, il n'importe), après avoir dit qui était en Jésus et ce qu'avait été l'homme, montrait combien le mythe grec d'Apollonius était honorable et moral, en comparaison de ce Jésus qui dépense toute son énergie à tenir hermétiquement le masque sur la face d'un criminel.

L'Église commença par supprimer le Philalèthès, puis elle fabriqua diverses Répliques à Hiéroclès, l'une sommaire, sous le nom de Lactance, l'autre assez étendue, sous le nom d'Eusèbe.

Dans Lactance[33], écrivain entièrement supposé, elle attaque l'ouvrage d'Hiéroclès ; étant donné, dit-elle, qu'Apollonius a indubitablement existé, c'est lui, et non le Juif de rapport, qu'il faut regarder comme un magicien.

Si Jésus-Christ a été un enchanteur, assurément il fut un enchanteur moins habile qu'Apollonius, puisque, s'étant laissé prendre, il expira sur une croix, tandis que l'autre, près d'être puni par Domitien, disparut, selon vous, tout-à-coup... Ayant été évidemment et homme et magicien, Apollonius n'a pu, après sa mort, être regardé comme Dieu. Mais le nôtre a pu être cru Dieu, parce qu'il n'avait pas de magie ! Et il a été cru tel, parce qu'il l'était réellement !

D'ailleurs ce n'est point pour avoir opéré des miracles[34], mais pour avoir été prédit et annoncé par les prophètes, que les chrétiens croient à la divinité de Jésus. Sans ces prophètes, qui d'avance ont appris tout ce qu'il devait faire, nous le réputerions magicien ; et c'est l'avantage qu'il a sur Apollonius, et sur les autres semblables à celui-ci.

b. — Même comparaison (dans Eusèbe)

Dans la Réplique présentée sous le nom d'Eusèbe, Hiéroclès est censé avoir dit au sujet d'Apollonius : Ce mortel, qui fit tant de choses étonnantes, nous ne le regardons pas comme un dieu, mais comme un homme qui fut chéri d'eux ; et les chrétiens croient dieu leur Jésus, qui lit quelques petits miracles ! On trouve ici le moyen de faire dire par Hiéroclès qu'Apollonius et Jésus ont existé tous les deux : il n'y a entre eux que la différence des miracles, nombreux, très nombreux chez l'un, parce qu'il est grec et défendu par un grec, peu considérables chez l'autre, parce qu'il est juif et proposé comme dieu par la Sainte Église ! Mais comme Eusèbe le venge, ce grand calomnié ! Et comme il traite Apollonius, ce philosophe qu'on ose mettre en parallèle avec le Christ, et qui ne mérite même pas d'être classé parmi les gens d'une probité ordinaire et commune !

Car enfin sait-on bien tout sur lui ? Avec des instincts aussi bas, n'aurait-il pas été condamné quelque part pour vol et assassinat ? Tandis que le Juif de rapport, ah ! quel innocent, mes frères, quel innocent ! Et quel fils de Dieu ! quel dieu ! Quel surdieu !

c. — Dans Saint-Augustin

Augustin va vous le dire, lui, ce Saint, ce Père, aussi incapable de faux témoignage que le crucifié de crimes publics ! Oh ! quelle offense pour l'Église dans le parallèle que fait, qu'ose faire un Hiéroclès entre Apollonius et le Seigneur Jésus-Christ 1 La préférence donnée aux miracles du premier sur ceux du second ! Est-ce raisonnable ? Non, et Augustin s'en plaint dans sa XXXVIIe Épître ; davantage encore dans la CXXXIIe, où, changeant la tactique adoptée jusque là, l'Église déclare que les miracles d'Apollonius ne s'appuient sur le témoignage d'aucun auteur digne de foi, — on compte pour rien les témoins oculaires, on sait qu'il n'y en a point eu, — quoi qu'après tout les démons puissent opérer quelques prodiges qui, sans avoir la réalité de ceux des anges, leur ressemblent néanmoins en apparence. Un certain Volusien, tout aussi authentique que les miracles de Jésus, lui ayant présenté quelques objections à ce propos, Augustin les résout victorieusement dans sa CXXXVIIIe Épître, où il juge risibles, pour ne pas dire plus, les efforts impies, et d'ailleurs vains, que font les gens qui osent mettre un Apollonius et un Apulée au dessus du Christ !

Et cependant, il préfère voir le Juif de rapport comparé à ces magiciens qu'aux dieux : Car, il faut l'avouer, ajoute-t-il, Apollonius me semble bien autrement estimable que cet adultère, déshonoré par tant de débauches, qu'ils nomment Jupiter !

d. — Dans Saint-Jean Chrysostome

Dans Saint-Jean Chrysostome, l'Église, tout en affirmant l'existence d'Apollonius, regrette d'avoir déclaré, dans Justin et ailleurs, qu'il n'avait pu faire de miracles sans le secours de la matière. Elle prie instamment le public de ne voir dans ces miracles que des fictions. Son existence est réelle, mais il ne semble pas bon d'en laisser dire autant de ses miracles.

Rappelez-vous, dit le pseudo-Chrysostome (contre les Juifs), combien de novateurs parmi les Grecs, tels que Zénon, Platon, Socrate, Diagoras, Pythagore, et une infinité d'autres, ont entrepris d'établir des opinions nouvelles et d'autres manières de vivre ! Cependant ils ont si peu réussi, que beaucoup de gens connaissent à peine leur nom. Le Christ, au contraire, a non seulement prescrit une nouvelle forme de vie, mais il l'a établie par toute la terre. Combien de prodiges ne dit-on pas qu'a faits Apollonius ?

La vérité sur tout cela, c'est que ce sont des fictions, des mensonges, qui n'ont rien de réel. Tous sont finis, et l'on n'en parle plus !

e. — Dans Saint-Jérôme

Parmi les miracles d'Apollonius, il y en avait un plus gênant pour l'Église que tous les autres : c'est celui où, battant de plusieurs longueurs le Jésus qui comparaît devant Pilatus pour sauver Barabbas de la première mort, Apollonius disparaît devant Domitien pour faire connaître la seconde mort à ce même Barabbas.

Dans Jérôme[35], après avoir parlé de cette disparition, l'Église finit par dire qu'on ne doit point comparer ces prestiges au pouvoir du Sauveur. Elle ne dit point en quelle circonstance le Juif de rapport a manifesté la supériorité de son pouvoir. Mais pour ne point trop humilier les païens, elle rend ailleurs[36] justice au philosophe que fut Apollonius : Apollonius, c'est certain, est revenu de ses longs voyages, et plus savant et meilleur. Mais que de fatigues pour acquérir la science et la bonté que le Juif de rapport avait en naissant !

Ailleurs[37] ce Jérôme, qui en est bien à son millième faux, écrit sans sourciller : J'ai écrit sur Les hommes illustres depuis les Apôtres jusqu'à notre temps un livre où est imité le doux et grec Apollonius.

Non qu'Apollonius ait lui-même écrit des Vies d'hommes illustres ![38] Il s'agit de Vies apostoliques, conformes par leur douceur à celle d'Apollonius. On sait combien les Apôtres et leurs successeurs offrent d'analogie avec l'homme-dieu grec !

f. — Ammien Marcellin[39] certifie l'existence d'Apollonius

Pour le falsificateur d'Ammien Marcellin, Apollonius est, avec Pythagore, Socrate, Numa Pompilius et Plotin, un de ces hommes privilégiés qui vécurent assistés d'un démon familier.

g. — L'historien Eunape de même

Eunape, dans son Histoire comme dans ses Vies des sophistes, s'était montré fort sévère, c'est-à-dire fort juste, pour Jésus, afin d'éclairer les malheureux, pour la plupart méchants, qui adoraient Barabbas sur la foi de ses ministres. Quand l'Église a été la plus forte, elle a interpolé Eunape pour lui faire dire que son homme, celui qu'interprète des vils païens de son temps il opposait au Juif de rapport, c'était Apollonius :

Pour nous, dit le pseudo-Eunape, Apollonius ne doit plus être un philosophe, mais un être qui tient le milieu entre la nature divine et la nature humaine. Philostrate, qui a écrit son histoire, l'a intitulée Vie d'Apollonius, alors qu'il aurait dû dire avec plus de vérité : Venue d'un dieu sur la terre.

Epiphanie d'Apollon (sous les espèces du Tyanéen), il semble bien que ce soit là le véritable titre, et en même temps la clef, du livre de Philostrate. Car, dans un autre endroit d'Eunape, où il introduit Apollonius de nouveau, le faussaire le définit : un de ces hommes qu'on a honorés comme dieux, un de ces êtres divine qui passent pour mortels et qui n'ont d'humain que le corps, c'est-à-dire dont le corps est imaginaire.

h. — Pour prouver l'existence d'Apollonius, Sidoine Apollinaire lui fabrique deux biographes

Malgré tout, à la fin du cinquième siècle, on ne savait encore rien de suffisant sur la vie d'Apollonius. Il faut dire pourtant que Léon, conseiller du roi Euric ou Evarige, brûlait du désir, d'ailleurs bien naturel, de posséder une Vie d'Apollonius qui ne fût point de Philostrate ; et quant au roi Euric ou Evarige, il partageait indubitablement le désir de Léon.

Sous le nom de Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, l'Église produit une lettre où cet auteur, déjà célèbre par d'autres faux, déclare avoir composé une Vie d'Apollonius. Que de mal on s'est donné pour empêcher Vopiscus d'en écrire une sous Aurélien ! On a réussi, mais empêchera-t-on Sidoine Apollinaire d'en connaître deux que ne connut pas Vopiscus ? Non ! Et Aurélien était plus riche en Vies d'Apollonius qu'il ne le croyait, car nous apprenons qu'après Philostrate il y en avait eu encore d'autres, l'une de Nicomaque le vieux (nous avons aussi le vieux Paul !), l'autre de Victorianus. Vopiscus aurait-il pu les égaler, s'il eût donné suite à son projet ? Sidoine Apollinaire ne le pense pas, et voici ce qu'il mande à Léon, conseiller du roi Euric ou Évarige :

Vous m'avez demandé (d'urgence) une Vie du pythagoricien Apollonius ; je vous l'envoie, non comme Nicomaque le vieux en fit une d'après Philostrate, mais comme Tascius Victorianus l'a faite d'après Nicomaque... En suivant, dans votre lecture, notre Tyanéen sur le Caucase et dans l'Inde, chez les Gymnosophistes d'Ethiopie et les Brachmanes indiens, voyagez, en quelque sorte, avec lui !

Lisez la Vie d'un homme qui, la religion mise à part, vous ressemble en beaucoup de choses ! un homme recherché des riches, et qui n'a point recherché les richesses ! qui aima la science et méprisa l'argent ! un homme frugal au milieu des festins, habillé de lin parmi des gens de pourpre, austère au centre des voluptés !... qui, prévenu par toutes les faveurs des rois, ne leur demanda que ce qu'il avait coutume de donner ![40] Enfin, pour vous parler franchement, peut-être un historien ne trouvera-t-il pas dans les temps anciens un philosophe dont la vie soit égale à la Vie de celui-ci.

II n'importe. Je laisse à penser la joie de Léon et celle d'Euric ou Evarige, lorsque leur parvint la Vie d'Apollonius par Sidoine Apollinaire. Savez-vous bien qu'avec Philostrate, Nicomaque le vieux, Tascius Victorianus et Sidoine Apollinaire, Apollonius a maintenant ses Quatre Toledoth, tout comme Jésus ?

i. — Apollonius dans Cassiodore

C'est sans doute cette hausse subite de documentation qui encouragea l'Église à insérer ceci dans la Chronique de Cassiodore :

Apollonius fut un insigne philosophe.

j. — Dans Isidore de Péluse

Elle produit également, sous le nom d'Isidore de Péluse, moine austère, une Lettre où est affirmée avec solennité l'existence d'Apollonius.

 

VII. — LE SAINT-SÉPULCRE D'APOLLONIUS.

a. — Pourquoi Apollonius, qui n'a pas de tombeau dans Philostrate[41], en a un dans Anastase

Au temps d'Anastase le Grand, patriarche d'Antioche[42], les livres de kabbale de Barabbas se voyaient encore dans bien des endroits de Syrie (voyez là-dessus Celse le platonicien), et d'Afrique (voyez là-dessus Augustin).

Et même il y avait encore des pèlerinages à Machéron, non plus sur son tombeau, puisqu'il avait été détruit par ordre du bon empereur Julien, mais au lieu où il avait été. Cédrénus, un aigrefin comme il y en a eu tant au service de l'Église, déclare que ces livres de magie étaient d'Apollonius, et que c'est le tombeau de cet imposteur qui servait de rendez-vous è des pèlerins possédés du démon. Et faisant parler Anastase, qui jamais n'avait été si éloquent, il dit :

Il existe, en certains lieux, des ouvrages talismaniques d'Apollonius, qui, à présent même, ont encore toute leur efficacité ! Les uns sont établis pour écarter des quadrupèdes ou des volatiles nuisibles ; les autres pour arrêter l'irruption des animaux féroces ; d'autres, enfin, pour conjurer les fléaux qui peuvent nuire aux hommes. Et ce n'est pas seulement pendant sa vie que les démons ont opéré par lui tant de choses si étonnantes ! Après sa mort, ils les ont continuées sur son tombeau[43], et ont fait, en son nom, des miracles, pour tromper les malheureux humains que le Diable séduit facilement par ces sortes de prestiges. Que sera-ce donc de ceux que fit, avec les mêmes moyens, Manéthon ? Cet imposteur était si habile qu'en public il se moquait d'Apollonius[44], comme d'un homme novice encore dans son art, et qui avait besoin de matière pour ses œuvres[45], tandis que lui n'employait que des paroles ! Au reste, tout ceci s'est fait par le pouvoir des démons, et Dieu l'a permis pour éprouver notre foi.

 

VIII. — FIGURES MAGIQUES ET TALISMANS DE BARABBAS ATTRIBUÉS À APOLLONIUS.

Sitôt qu'Apollonius eut été déclaré auteur de livres de magie, il eut auprès de l'Église la même renommée que Barabbas auprès des goym, celle d'avoir répandu partout des figures d'envoûtement et des talismans.

a. — Dans la Chronique d'Alexandrie

Il y est dit que, partout où il allait, dans les villes et dans les campagnes, Apollonius mettait de ces sortes de figures et de talismans.

b. — Dans les auteurs byzantins

L'imposteur Alexandre, dont l'Église connaît le précepteur pour avoir été le confident d'Apollonius, a eu pour compère un certain Cotonnas, maître de ballets à Byzance. L'usage qu'on a fait du nom d'Alexandre à propos d'Apollonius a sans doute donné l'idée de faire passer Apollonius lui-même par Byzance, où il laisse diverses traces de sa magie. Vous trouverez cela dans Tzetzès[46], dans Nicétas et dans Codin[47].

Il y est dit qu'à Constantinople on voyait encore au palais des portes d'airain chargées de caractères magiques par Apollonius, et qu'on les fit fondre, parce qu'elles étaient devenues, pour les chrétiens eux-mêmes, un sujet de superstition. On ajoute qu'il avait mis à Byzance trois cigognes de pierre, pour empêcher ces oiseaux d'y venir, des cousins de cuivre, des puces, des mouches[48], et d'autres petits animaux pour le même effet, que l'empereur Basile fit ôter, et plusieurs autres figures qui marquaient, disait-on, ce qui devait arriver à cette ville jusqu'à la fin du monde[49].

 

IX. — APOLLONIUS DANS LES AUTEURS MODERNES.

Parmi ceux qui ont cru à l'existence d'Apollonius, mais n ont pu échapper à l'ascendant moral du personnage, citons le chancelier Bacon, Naudé, Voltaire.

Tous les autres, Baronius, Casaubon, Lesueur, Bossuet, Godeau[50], Tillemont[51], Marolles[52], Colonia[53], Erasme, Vivès, Juste-Lipse, Joseph Scaliger, Ottius, Gérard Vossius, Coquceus, Gronovius, Kekerman, Ancillon, Deslandes[54], Fleury, Longueval, J. F. Pic de la Mirandole, Grotius, Marets, Huet, Rapin, Burigni, le P. Yves, Lloyd, l'ont jugé en hommes d'Eglise, et la plupart se sont couverts d'un ridicule épais.

Quoique le mythe, dans le texte actuel, ait perdu presque toute sa portée, Apollonius n'a jamais cessé d'être la condamnation de la barabbalâtrie et des procédés criminels par lesquels l'Église s'est fondée et affermie sur le cadavre du Juif de rapport. C'est Possevin qui l'a le mieux senti et le plus vigoureusement exprimé :

Apollonius, dit-il, affectant, à l'extérieur, la philosophie pythagoricienne, mais en effet magicien très habile, et substitué par Satan à l'enchanteur Simon pour détourner les hommes de reconnaître le Christ, donna occasion à Philostrate, son disciple, de publier sa Vie. Ce livre ne mérite que le feu.[55]

A la bonne heure, voilà de la critique !

Malgré ces autorités, que le bon Legrand d'Aussy considère comme une preuve suffisante de l'existence d'Apollonius, Fleury, dans son Histoire ecclésiastique, fait une observation bien judicieuse.

Il remarque que ce grand éclat de réputation, dont Apollonius éblouit les peuples pendant sa vie, n'eut aucun effet solide, et que sa mémoire, encore honorée pendant quelque temps, s'évanouit bientôt avec les ténèbres de l'idolâtrie.

Dupin[56] s'exprime de la même manière :

Si sa réputation, dit-il, avait été aussi grande, et sa sagesse aussi parfaite que Philostrate veut le faire croire, il aurait, après sa mort, été fort célèbre, et aurait eu un grand nombre de disciples et de sectateurs.

Cependant, cet homme divin, connu de toute la terre, qui avait fait tant de miracles et tant enseigné de belles choses, n'est pas plutôt mort, qu'il est oublié de tout le monde. Il demeura pendant plus de cent ans presque inconnu, et il serait resté dans cette obscurité, si Philostrate n'eût composé le roman de sa vie.

Il est inutile de pousser plus avant dans les auteurs modernes : je n'en connais pas qui aient entrevu la vérité.

 

 

 



[1] Cette imposture devait fatalement aboutir à quelque monnaie portant l'image d'Apollonius. Il existe donc, et on peut le voir au Cabinet des médailles, un contorniate sur lequel est représenté Apollonius de Tyane, la tête couronnée, le corps revêtu de la tunique et du pallium. On s'accorde à vanter la noblesse de ses traits, et en même temps la haute antiquité de la médaille Cf. Visconti, Iconographie grecque, pl. XVII.

[2] Il y a analogie entre le songe de Télésinus, la mission d'Apollonius et l'Apocalypse d'Hadrien, voilà ce qui ressort de tout cela.

[3] D'après une tradition, Apollonius mourut à Éphèse, soigné par deux servantes : car déjà il avait vu mourir ses affranchis, dont nous avons parlé au début de cette histoire. Comme il avait affranchi une de ses deux servantes, et que l'autre lui reprochait de ne l'avoir pas jugée digne de la même faveur, Apollonius dit à celle-ci : Il est bon que vous soyez son esclave ; ce sera là le commencement de votre bonheur. En effet, après sa mort, cette femme fut l'esclave de son ancienne camarade, qui, pour un motif futile, la vendit à un marchand d'esclaves : quoiqu'elle ne fût pas une beauté, un homme riche s'éprit d'elle, l'acheta, en fit sa femme et eut d'elle des enfants légitimes.

[4] Linde est dans l'île de Rhodes, où Tibère, la Bête dont le nom est Mystère, avait connu Thrasylle, le devin grenouille.

[5] Surnom de Diane chasseresse, la Panthère d'Hadrien.

[6] Cf. dans les Actes des Apôtres, la scène de l'arrestation.

[7] Cf. plus loin, dans les Mahazeh Ieschou ha nozri (Apparition du Vaurien de l'étranger), l'histoire des chiens ou lions gardiens du Nom de Iehova dans le temple de Jérusalem, et qui laissent Barabbas enlever le Nom.

[8] Ce qui est arrivé trois fois à Barabbas, la dernière fois pour de bon.

[9] Cf. les Actes des Apôtres, auxquels est emprunté le détail.

[10] Imité des filles de Sion sur le passage du Juif de rapport, allant au supplice. Voir aussi l'épisode introduit par l'Église dans Flavius Josèphe, où une voix, parlant aux prêtres de Jérusalem, de la part de Barabbas assis à la droite de Dieu, leur dit : Quittez ces sièges, etc.

[11] On verra que l'Église a complètement oublié cette constatation.

[12] Vie des Sophistes, l. II, ch. V.

[13] Lettres de Philostrate, la Ire.

Il a paru bon aussi que nous connussions le nom d'un disciple d'Apollonius, et. il se trouve que ce disciple s'appelle Alexandre, sans toutefois être son fils ; mais c'est son pupille. D'où la lettre dans laquelle on fait écrire Aux Magistrats de Séleucie par Apollonius : Straton a quitté la terre... Je me charge du fils qu'il a eu de Séleucis, Alexandre, et je ferai de lui un de mes disciples. Déjà je lui ai donné quelque argent, je lui en aurais donné davantage, s'il avait été à propos qu'il en eût davantage.

[14] Là seulement, et non dans sa vie réelle. Malgré lui, la vérité échappe au faussaire.

[15] Quoi ! Alors tous les miracles de Pierre et de Paul dans les Actes des Apôtres sont faux ?

[16] Comment ! Pendant des siècles ? En quel temps ce Saint-Justin écrit-il donc tout cela ?

[17] C'est juste le contraire.

[18] Il s'agit, au contraire, du Barabbas à tête de porc, que le démon sorti du Corcyréen renverse, en retournant à celui qui l'avait mis en mouvement.

[19] Le pseudo-Justin désigne le Juif de rapport, alors que, dans Philostrate, c'est Apollonius qui l'exécute.

[20] Histoire romaine, extrait du l. LVII par Xiphilin. Xiphilin est du XIe siècle.

[21] N'est-ce point un commencement d'aveu d'identité ?

[22] Histoire romaine, l. LXXVII.

[23] Un chef-d'œuvre de ressemblance. Cf. Le Mensonge chrétien, pet édit. p. 709.

[24] Lequel avait épousé sa sœur, qu'il vendait, le cas échéant. On comprend qu'Alexandre Sévère ne voulût pas comparaître devant ce juste, quand il avait couché la veille avec une femme qui n'était pas sa sœur.

[25] Des plus suspectes au point de vue de l'authenticité.

[26] On aimerait à connaître le Toledoth de ce personnage !

[27] Il est encore plus ignoble que ci-devant, où il donne personnellement l'ordre de mise à mort.

[28] Alors il n'a pas seulement épargné sa patrie, il a sauvé tous ses compatriotes. Barabbas n'en pourrait pas dire autant !

[29] Encore une chose que Barabbas n'aurait jamais faite !

[30] En quel temps le faussaire écrit-il donc ?

[31] A Tyane même, la seule ville où, d'après le faussaire, il n'y eût pas de ces marques de reconnaissance.

[32] L'abbé Houtteville (La Religion prouvée par les faits) n'a point osé tenir compte du fait introduit dans Vopiscus : Il me restait un mot à dire de l'apparition prétendue d'Apollonius à l'empereur Aurélien. Mais comme on n'autorise ce fait d'aucune preuve' d'aucun témoignage, je ne sais par où le prendre, ni comment l'examiner. Philostrate est le seul qui nous raconte cette merveille.

L'abbé Houtteville confond. Ce n'est pas dans Philostrate, c'est dans Vopiscus, que s cette merveille s peut se lire aujourd'hui.

[33] Institutions divines.

[34] Comme cet aigrefin diffère de celui qui signe : Saint-Justin !

[35] Epistola ad Pammachium.

[36] Epistola ad Paulinum.

[37] Epistola Desiderio.

[38] Comme l'a entendu Legrand d'Aussy.

[39] Livre XXI, ch. XIV.

[40] La sagesse et la justice.

Il semble toutefois que ce soient là propos de schismatique, en ce qui concerne tout au moins les mœurs d'Apollonius ! Car le divin Eusèbe nous a dit qu'elles n'étaient même pas d'une honnêteté ordinaire et commune.

[41] Le texte est formel.

[42] 561-599 de l'É. C.

[43] Anastase parle du tombeau d'Apollonius, alors que les écrivains ecclésiastiques eux-mêmes s'accordent, et pour cause, à dire que nulle part on n'a vu le tombeau de celui-ci. C'est celui de Barabbas qui était si fécond en miracles, (Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 775) jusqu'au jour où le bon empereur Julien fit brûler ce qui restait du corps sur la place de Sébaste. Cf. également plus loin, les extraits du Talmud et les Apparition du Vaurien de l'étranger.

[44] Manéthon était mort, lorsque parut Barabbas. C'est Apion dont veut parler Anastase. Il est vrai que Manéthon se moquait d'Osar-ziph. (Moïse), comme Apion de Barabbas. Cédrénus sait que Manéthon et Apion, supprimés par la main de l'Église, ne reparaîtront pas.

[45] Quoi ! l'even guilayon, le Tharthak à corne sur la tête, la terre cuite de la colombe lumineuse, l'argile des douze passereaux, les vases du Garizim, les baguettes, les pierres,  les figures d'envoûtement et d'enfouissement, etc., tout cela aurait passé par les mains d'Apollonius ?

[46] Chiliades, 1. Tsetzès, poète et grammairien du XIIe siècle, avait dit ailleurs : Apollonius est un homme très sage, qui savait tout par sa prescience. Je sais de lui (par Philostrate réduit à rien) une infinité de prédictions et de miracles qu'il serait trop long de rapporter.

Avant lui, au huitième siècle, Georges le Syncelle, moine, dans sa Chronographie avait dit : De tous les savants grecs et de tous les personnages illustres qui parurent sous Claude, le premier et le plus remarquable de tous, c'est Apollonius.

Voir aussi Photius, (Bibliothèque, ch. XLIV).

[47] De l'origine de Constantinople, c. 4.

[48] Cette abondance de mouches tient à l'interprétation que fait l'Église du mot Bel-zib-boulè des Toledoth canoniques, qu'elle orthographie maintenant Bel-Zeboul ce qui fait : Dieu-mouche.

[49] Fausse piste, créée pour entraîner l'esprit loin des portes de pierre du temple juif d'Héliopolis, sur lesquelles était gravée l'Apocalypse astrologique, l'even guilayon dont Barabbas avait fait une copie pour sa maison de Gamala.

[50] Voici ce que dit d'Apollonius l'évêque Godeau : L'Église n'avait point de plus grand ennemi que ce magicien. L'innocence apparente de sa vie, et ses illusions, qui paraissaient de vrais miracles, donnèrent sujet à Hiéroclès le philosophe, de composer un livre où il le comparait à Jésus-Christ, avec un dangereux artifice. Eusèbe le réfuta.

Les Gentils, le reconnaissant pour fourbe et pour magicien, crurent que le fils de Dieu en était un autre et que tous les chrétiens faisaient profession de la magie. Après avoir longtemps abusé le monde de ses prestiges, il mourut, sans que personne fût témoin de sa mort. Il voulait, sans doute, faire croire (son corps ne paraissant plus) qu'il était monté au ciel, et en cela se rendre semblable à Jésus-Christ, duquel il avait été le singe durant sa vie.

[51] Tillemont (Histoire ecclésiastique) en parle de même, comme d'un homme plus célèbre par ses illusions magiques que par tout le reste de son histoire, et que le Démon semblait vouloir opposer à Jésus-Christ.

Dans son Histoire des empereurs, il l'appelle l'instrument célèbre de la malice du Démon. Le Démon, dit-il ailleurs, semble l'avoir mis au monde, selon ses propres panégyristes, vers le même temps que Jésus-Christ voulut y paraître, ou pour balancer son autorité dans l'esprit de ceux qui prendraient les illusions de ce magicien pour de vrais miracles, ou afin que ceux qui le reconnaîtraient pour un vrai fourbe, fussent portés à douter aussi des merveilles de Jésus-Christ et de ses disciples.

Le Démon, que quelques Pères ont appelé le singe de Dieu, et qui veut bien que les hommes soient un peu plus réglés à l'extérieur, pourvu qu'ils soient impies en n'adorant point le Créateur, tâchait de faire, par son Apollonius, ce que Jésus-Christ faisait par ses Apôtres ; pour ruiner, s'il eût pu, l'éclat que la réformation des mœurs donnait à l'Évangile.

Le même Tillemont (Histoire des empereurs, t. II, p. 133) met le sceau à sa sottise par cette calomnie : Apollonius dit souvent qu'il voulait mourir sans qu'on le sût, afin de passer pour immortel comme Empédocle. Ainsi nous avons lieu de croire que sa mort a été tragique, selon ce que dit Lucien, qui appelle toute l'histoire d'Apollonius une tragédie. Pas un mot de cela dans Lucien, par la bonne raison que Lucien est mort avant l'invention d'Apollonius. C'est de Péréghérinos que Lucien parle ainsi, encore ne sait-on plus pourquoi.

[52] Histoire Auguste : Apollonius était le seul homme qu'eussent les Gentils pour faire des miracles apparents, afin de l'opposer à Jésus-Christ, qui en faisait, par ses disciples, une infinité de véritables.

[53] La Religion prouvée par le témoignage des païens : Les nouveaux platoniciens donnèrent à leur philosophie et à eux-mêmes un air de divinité, et ils choisirent surtout pour leur héros et leur idole un Apollonius de Tyane et un Pythagore, qu'ils firent reparaître sur la scène longtemps après leur mort, et dont ils firent des divinités.

[54] Apollonius, dit Deslandes (Histoire critique de la philosophie), fut un philosophe pythagoricien, distingué par la droiture et l'innocence de ses mœurs, toujours accompagné d'une foule de disciples qui l'aimaient sincèrement, célèbre encore longtemps après sa mort. Mais celui qu'a dépeint Philostrate est un personnage chimérique et indigne d'être compté au nombre des philosophes. Toute sa vie n'est qu'un tissu de prodiges et de miracles puérils, où même les convenances de l'histoire et de la géographie ne sont point gardées. Philostrate ignore absolument l'art de louer. Il donne à son héros un caractère faible, irrégulier, inquiet, téméraire, infiniment présomptueux. Il le décrédite lui-même et par toutes les fables qu'il en rapporte et par les voyages qu'il lui fait entreprendre sans aucune nécessité.

[55] Bibliotheca selecta.

Hoornebeck, au nom des protestants, ne l'a pas mieux traité : Il est vraisemblable, dit-il, (De conversione Indorum et Gentilium), que le Diable s'est caché sous le masque d'Apollonius, pour dénigrer la vie et les miracles de Jésus-Christ, et pour avoir quelqu'un à lui opposer chez les Gentils.

[56] Histoire d'Apollonius convaincue de fausseté et d'imposture.