CHAPITRE XII. — DES ÉDITIONS ECCLÉSIASTIQUES (suite). L'ÂNE DE JUDA.
Nous sommes ici en pleine logophanie, et dirigée contre
les faits. Bar-Jehoudda est entré à Jérusalem par l'Occident et prisonnier ;
Jésus n'y peut entrer que par l'Orient, et libre, jusqu'à ce que son jour
d'être arrêté équinoxialement soit venu. Mais comme l'histoire mentionnait un
sacre célébré, et le titre de roi des Juifs usurpé par Bar-Jehoudda, il
fallait les expliquer en les transfigurant, ou pour mieux dire en les
défigurant. Ce qui suit est le récit de l'Entrée qui n'a pas eu lieu, une
Entrée au pis-aller, où l'on ne retrouve rien de ce qu'eût été celte de
Bar-Jehoudda dans sa gloire de feu. C'est comme nous l'avons dit celle de
Ménahem[1] sous les Ânes de 819, et rabattue sur les événements
advenus sous les Poissons de 788.
12. Le lendemain, une foule
nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à
Jérusalem,
13. Prit des rameaux de
palmiers, et alla au-devant de lui, criant : Hosanna,
béni celui qui vient au nom du Seigneur, comme roi d'Israël !
14. Et Jésus trouva un ânon, et
s'assit dessus, comme il est écrit :
15. Ne
craignez point, filles de Sion ; voici votre roi qui vient, assis sur le
petit d'une ânesse.
16. Ses disciples ne comprirent
point ceci d'abord ; mais quand Jésus fut entré dans sa gloire, alors ils se
souvinrent que ces choses étaient écrites de lui, et qu'ils les lui avaient appliquées.
Le scribe ne cache point son procédé ; on a fait entrer
Bar-Jehoudda dans la gloire en le ressuscitant, on. a cherché dans les
Écritures les passages qui pouvaient s'appliquer tant bien que mal aux Anes,
sans nommer la prophétie de Jacob à Juda, on en a trouvé quelques-uns
auxquels personne en son temps n'avait songé, ni son père, ni sa mère, ni
lui-même, et on lui en a fait l'application, à la fois pour calmer
l'impatience des millénaristes et pour se jouer de la crédulité des goym.
Cérinthe, si c'est lui qui parle, n'a pas voulu asseoir le
Verbe sur les deux Ânes ; Jésus ne les
envoie pas chercher par les disciples comme dans certains Synoptisés, il ne
trouve qu'un ânon, — le demi-signe, — que le Père lui a envoyé sans fournir
d'explication, ce qui est préférable, les explications menant trop loin.
Maintenant pour quelle raison les gens de Jérusalem acclament-ils
un homme qui dans l'allégorie de la Prorogation du monde s'est enfui sur le Tabor
pour éviter d'être fait roi, et qui, dans la réalité, s'est enfui du Sôrtaba
pour éviter la mort sur le champ de bataille ? Voici :
17. [Or c'est ainsi que rendait
témoignage la multitude lui était avec lui, lorsqu'il appela Lazare du
tombeau et le ressuscita d'entre les morts][2].
18. C'est pour cela aussi
que la foule vint au-devant de lui, parce qu'ils avaient appris qu'il avait
fourni ce signe[3].
19. Les pharisiens se dirent
donc entre eux : Voyez-vous que nous ne gagnons
rien ? voilà que tout le monde court après lui.
Comment n'aurait-il pas de succès ? Il fournit sous les
Poissons le signe de gloire promis à la Ville de David et que Bar-Jehoudda, s'il y fût
entré vainqueur, n'aurait pu fournir que trois mois après ! Mais hélas !
c'est encore une simple similitude.
APPEL À LA BOURSE DES
GOYM.
Jusqu'ici, tout s'est passé entre Juifs qui ne s'entendent
pas sur l'efficacité du baptême. Or le baptême, c'est l'article à vendre.
Certains n'en veulent point, parce qu'ils sont renseignés sur ses origines,
et que celui qui avait le plus besoin de rémission, c'est le pécheur[4] qui l'avait
inventée. Mais les goym sont crédules, et bayent aux Ecritures juives. La
plupart ignorent que sous Jésus il y a Joannès, et sous Joannès cet exécrable
Bar-Jehoudda dont l'Apocalypse les voue tous à la destruction. Jésus a
bien pris soin de ne rien dire publiquement contre eux, si ce n'est dans des
paraboles très voilées, comme celle de la bergerie où est entré le fils de la Louve. Il n'a pas
défendu à ses disciples d'aller chez les goym, comme il le fait dans d'autres
Évangiles, il n'a pas menacé des peines éternelles les Juifs qui
pactisent avec eux, il leur a ménagé Une entrée payante dans la bergerie christienne.
Le tout est de faire accepter cela par les scribes qui ont transmis
renseignement, les Paroles du Rabbi. Ils sont irréductibles sur le
chapitre des nations, et au seul mot de goym vous avez vu tous les Naziréens,
disciples authentiques de Jehoudda, se ruer sur Paul comme sur un maudit,
pour le mettre en pièces[5]. Il convient de
montrer, par un exemple personnel, que Bar-Jehoudda ne professait point ces
idées d'excommunication, et par une démarche collective, que les goym
eux-mêmes penchaient secrètement vers lui. Toutefois, on n'ose pas les mettre
en présence du christ lui-même. Ce serait d'ailleurs difficile, puisqu'il est
sur la route de Lydda où Is-Kérioth est en train de lui mettre la main au
collet. On fait revenir Philippe pour leur servir de truchement, et comme il
n'est pas mauvais d'établir en passant que ce n'est pas André qui dans les Actes
est lapidé sous le nom de Stéphanos, on fait revenir également André pour
servir de témoin deutéronomique à Philippe. A la condition que les goym
reconnaissent sa supériorité originelle en l'appelant Seigneur, comme fait
Cornélius parlant à Pierre, Philippe daignera peut-être s'interposer entre son
frère et eux ; il a été son secrétaire. On pourrait aussi faire revenir
Jehoudda Toâmin dans le même but, mais Philippe a le pas sur lui, il est
l'aîné. Quant à Mathias Bar-Toâmin, il n'est point encore en âge de figurer
dans ces négociations. Il en est ainsi de Jehoudda, surnommé Joannès-Marcos
dans les Actes, fils de Shehimon dit la Pierre. Certes
ils ne tètent plus, mais ils n'écrivent pas encore.
20. Or, il y avait quelques
gentils, de ceux qui étaient venus adorer à la fête.
21. Ceux-ci s'approchèrent de
Philippe, qui était de Bethsaïda en Galilée[6], et ils le
priaient, disant : Seigneur, nous voudrions
voir Jésus.
22. Philippe vint, et le dit à
André ; puis André et Philippe le dirent à Jésus.
RÉPONSE DES JUIFS PAR LA
BOUCHE DE JÉSUS.
La réponse de Jésus est sibylline, mais d'une diplomatie
raffinée. Il ne s'étonne pas que les goym présents à la pâque de 789 aient
voulu faire la connaissance de Bar-Jehoudda avant son plongeon du Guol-golta.
Rien de plus naturel, au contraire ! On n'a pas tous les jours l'occasion
d'être présenté à un criminel juif qui a été déclaré consubstantiel au Père.
Mais ce Juif n'est devenu criminel qu'à raison des résistances injustifiables
qu'il a rencontrées autour de lui. Il était le Prince du monde, entendez-vous
! Son Royaume, c'était le monde ! Les nations sont passées à côté de ce
bonheur divin ; être sous le talon des Juifs !
23. Et Jésus leur répondit,
disant : L'heure est venue que le fils de l'homme[7] doit être glorifié.
24. En
vérité, en vérité je vous le dis, si le grain de froment, tombant sur la
terre, ne meurt pas,
25. Il
reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits. Celui qui aime son
âme[8]
la perdra ; et celui qui hait son âme en ce monde,
la conserve pour la vie éternelle.
26. Si
quelqu'un me sert, qu'il me suive ; et où je suis[9], là sera aussi mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera.
27. Maintenant
mon âme est troublée. Et que dirai-je ? Mon Père, délivrez-moi de cette
heure. Mais c'est pour cela que je suis venu en cette heure.
28. Mon
Père, glorifiez votre nom. Vint donc une voix du ciel : Et je l'ai glorifié, et je le glorifierai encore[10].
29. Or, la foule qui était là,
et qui avait entendu, disait : C'est le
tonnerre[11].
D'autres disaient : Un ange lui a parlé[12].
30. Jésus répondit et dit : Ce n'est pas pour moi que cette voix est venue, mais pour
vous.
31. C'est maintenant le Jugement du monde, maintenant le Prince
de ce monde sera jeté dehors[13].
32. Et
moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tout à moi.
33. (Or, il disait cela, pour
marquer de quelle mort il devait mourir.)
Voilà donc comment a jugé le monde en 788 ! Mais la façon
dont il a jugé, le juge lui-même ! En rejetant son prince, il s'est condamné
! Car ce n'est pas seulement leur prince que les nations représentées par
Rome ont crucifié, c'est leur juge. Voyez, goym qui priez Philippe
d'intervenir auprès de lui, dans quelle situation vos pères vous ont mis ! Unis
aux Juifs, ils ont tué le Fils de Dieu ! Ô déplorable aveuglement ! Et
comment l'expierez-vous jamais ? Seule l'Église, héritière du droit de juger
que possédait Bar-Jehoudda, peut vous remettre ce péché qui est comme une récidive
du péché originel. Mais à supposer qu'il ait été condamné par le Sanhédrin,
composé de soixante-dix membres siégeant au criminel, est-ce que sa seule
qualité de Juif n'aurait pas dû montrer à Pilatus qu'il était né pour le
jugement des nations ? Sur ce, gogoym, vile semence de bétail, rentrez dans
vos maisons et supputez vos ressources en numéraire, car ce n'est point par
de vaines larmes qu'on se lave d'un déicide !
On rencontre, il est vrai, des Juifs qui contredisent à la
résurrection et à l'ascension de Bar-Jehoudda, mais Jésus va leur river leur
clou avec un de ceux qui ont servi à la crucifixion.
34. Le peuple lui répondit : Nous avons appris par la loi[14] que le christ demeure éternellement ; et comment dis-tu,
toi : Il faut que le fils de l'homme soit élevé ? Qui est ce fils de
l'homme ?
35. Jésus leur dit donc : C'est pour un peu de temps encore que la lumière est au
milieu de vous. Marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les
ténèbres ne vous surprennent ; celui qui marche dans les ténèbres ne sait où
il va[15].
36. Pendant
que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des
enfants de lumière. Jésus dit ces choses ; puis il s'en alla, et se
cacha d'eux.
Il se cache d'eux au moment où ils mil le plus besoin de
lumière ! Excusez-le, il n'en a lui-même que pour douze heures au jour, et
sous les espèces humaines il est esclave de la nuit. Cérinthe fait jouer au
Verbe un rôle en opposition avec sa nature. Mais Jésus aime mieux se cacher
que de répondre au désir exprimé par 'es honnêtes païens venus pour adorer le
dieu des Juifs, adoration qui d'ailleurs leur était interdite à ce point Par
les disciples de Jehoudda, qu'il fallut leur tirer Saül des mains en 819,
lorsqu'il introduisit Tyrannus et Néapolitanus dans la Cour du Temple[16].
Au fond, tout est changé, tout le programme de l'Apocalypse
est renversé. Le Prince du monde, ce Satan qui devait être précipité du ciel
le 15 nisan 789 pour livrer passage au Fils de l'homme, et être enchaîné pour
mille ans, c'est-à-dire pendant tout le règne personnel de Bar-Jehoudda ; le
Jugement qui devait anéantir les païens par le feu et glorifier par la transfiguration
les Zélateurs de la Loi,
qu'est-ce que cela ici ? Qu'est-ce désormais que la défaite de Satan ? Et le
Jugement ? La résurrection du Juif sur le papier, voilà toute la condamnation
de Satan et tout le Jugement. Plus d'Éden, plus de Millenium ; le Royaume
d'Israël, c'est Bar-Jehoudda montant au ciel derrière Jésus et attirant à
lui, dans la lumière du Royaume qui n'est pas de ce monde, les victimes et
les dupes de sa Révélation. Nous ne reconnaissons plus le millénariste
Cérinthe, noua sommes en pleine Écriture valentinienne.
37. Mais quoiqu'il eût fait de
si grands sémeia devant eux, ils ne
croyaient pas en lui ;
38. Afin que fut accomplie la
parole que le prophète Isaïe, a dite : Seigneur, qui
a cru à ce qu'il a entendu de nous ? Et le bras du Seigneur, à qui a-t-il été
révélé.
39. C'est pourquoi ils ne
pouvaient croire ; et parce que Isaïe a dit encore :
40. Il
a aveuglé leurs yeux et endurci leurs cœurs, pour qu'ils ne voient des yeux,
et ne comprennent du cœur, et qu'ils ne se convertissent, et que je ne les
guérisse.
41. Isaïe
a dit ces choses quand il a vu sa gloire et qu'il parlé de lui.
Ce n'est pas la première fois que les scribes avouent leur
procédé de composition. C'est longtemps après les circonstances et leur
dénaturation qu'ils y ont adapté les passages tirés soit d'Isaïe soit des
autres prophètes. La grosse affaire a été pour eux de faire semblant
d'ignorer l'Apocalypse. Nous l'avons déjà remarqué au sujet des Ânes. Ici voyez comment on opère avec Isaïe ;
on lui présente le ressuscité, il voit
sa gloire, et alors il parte de lui ; mais alors seulement. Auparavant il
n'en parlait pas. Nous aurons un exemple beaucoup plus éclatant de cette
méthode à propos de la résurrection de Bar-Jehoudda, quand on la présentera
comme une auto-résurrection ; il faudra la faire prédire par le revenant
lui-même !
RÉSISTANCE AUX CHRISTIENS PURS À JESUS NON-ROI ET NON-JUGE.
42. Cependant, même parmi les
chefs du peuple, beaucoup crurent en lui ; mais à cause des pharisiens, ils
ne le confessaient point, de peur d'être rejetés de la synagogue ;
43. Car ils aimèrent la gloire
des hommes plus que la gloire de Dieu.
Josèphe en effet constate que beaucoup parmi les grands
allèrent avec Jehoudda, ses fils, particulièrement Ménahem, et ceux de Jaïr,
particulièrement Éléazar. Ceux-là, comme le dit l'Évangéliste, ont préféré la
gloire des hommes à celle de Dieu. C'est qu'il n'était nullement question de
Dieu dans tout cela, mais d'hommes-dieux comme Bar-Jehoudda et ses frères,
lyres d'ambitions temporelles. Quand on a de ces ambitions-là, il faut être
Alexandre ou César. Encore Dieu y demeure-t-il toujours étranger. Ce sont les
descendants e ceux-là, les Jesséens surtout, qui refusèrent d'accepter le
Jésus jésuitique proposé par les Évangiles, le Jésus non-roi et non-juge
sur terre, en un mot, le Verbe juif déchu[17].
Impuissant à dissiper les illusions davidiques, Jésus e
prouve le besoin de regagner les hauteurs où il habite. Pour cela il lui faut
donner officiellement sa démission de juge, il serait obligé de condamner, et
qui ? Bar-Jehoudda, toute sa famille et tous leurs disciples. Il aime mieux
s'en aller que de prononcer la sentence devant les goym qui sont là,
conversant avec Philippe et André, car il lui faudrait indiquer ses motifs,
lesquels seraient, malgré tous ses détours, les mêmes que ceux du Sanhédrin.
44. Mais Jésus s'écria et dit : Qui croit en moi ne croit pas en moi, mais en celui qui
m'a envoyé.
45. Et
qui me voit, voit celui qui m'a envoyé.
46. Moi,
la lumière, je suis venu dans le monde ; afin que quiconque croit en moi, ne
demeure point dans les ténèbres.
47. Et
si quelqu'un entend mes paroles, et ne les garde point, je ne le juge pas,
moi ; car je ne suis pas venu pour juger le inonde, mais pour sauver le monde.
48. Celui
qui me méprise, et ne reçoit pas mes paroles, a qui le juge ; la parole que
j'ai annoncée sera elle-même son juge au dernier jour.
40. Parce
que je n'ai point parlé de moi-même ; mais mon Père, qui m'a envoyé lui-même,
m'a prescrit ce que je dois dire et ce dont je dois parler.
50. Et
je sais que son commandement est la vie éternelle. Ainsi ce que je dis, je te
dis comme mon Père me l'a ordonné.
Mais ce Jésus-là n'est pas sûr, il s'éloigne trop de
l'ancien type. On voudrait des garanties, et il n'en offre pas ; il est dans
les nuages, bien qu'il prétende être la lumière, et puis vraiment il ment
trop !
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