CHAPITRE VIII. — JÉSUS DANS LA COUR DES FEMMES.
Où va Jésus pendant que les habitants de Jérusalem
rentrent dans leurs maisons ? Dans la sienne, dans sa maison d'Occident ; il
les oblige à allumer leurs lampes, jusqu'à ce qu'il revienne, comme il a
obligé les gens de Kapharnahum à traverser le lac de Tibériade dans leurs
barques jusqu'à ce qu'il remonte le lendemain dans la sienne. Comme il n'a
pas besoin de barque pour se trouver le matin au Mont des Oliviers, il y est
dès la pointe du jour, et il pénètre dans le Temple sans attendre l'ouverture
des portes. Il est le seul qui entre dans le Temple par les fenêtres. Il a
passé la nuit tout seul, les douze l'ont abandonné comme ils le feront un
jour dans les trois Synoptisés.
1. Mais Jésus s'en alla à la
montagne des Oliviers ;
2. Et dès le point du jour il
revint dans le Temple, et tout le peuple vint a lui ; et, s'étant assis, il
les enseignait.
Le prince Saül et les magistrats de Jérusalem ne cherchent
pas à l'arrêter pour le faire mourir, comme ils ont Tait mourir Jacob junior
; on n'arrête pas Jésus. Au contraire, on est trop heureux quand il s'arrête
un peu lui-même, et on s'assemble autour de lui, car c'est de lui que vient
toute lumière. Cérinthe vous Ta dit assez dans son prologue.
Jésus enseignait ainsi, parlant dans le Trésor[1], lequel était
dans la Cour
des femmes où treize troncs, semblables à des pavillons de trompes, tendaient
une gueule avide à l'argent des fidèles. On se tient certainement devant la
chambre du Naziréat[2] où tous les fils
de Jehoudda étaient en quelque sorte chez eux. Quant a lui, il est chez lui,
il se tient devant le septième tronc lui, vu son caractère sabbatique, était
consacré au sanctuaire.
C'est une chose remarquable que Jésus n'enseigne jamais
dans le sanctuaire. Le sanctuaire, c'est le lieu de ses pieds, comme disent
les Écritures. Les évangélistes, dans leurs inventions les plus extraordinaires,
ne vont jamais contre certains principes. Si Jésus avait parlé dans le
sanctuaire même, c'est qu'il serait venu a u jour dit par l'Apocalypse,
et en ce cas il ne serait rien resté du Temple qui n'eût été purifié par le
feu et remplacé par le Temple céleste. Même dans ses plus grands sèmeia il est toujours le Jésus qui n'est pas
veau, qui n'existe que sous les espèces corporelles de son prophète. Aux
initiés de comprendre. A eux aussi de comprendre pour quelles raisons le
Grand-juge qu'il est choisit la
Cour des femmes pour y dresser son tribunal. Car c'est en
qualité de Juge des morts qu'il siège dans cette Cour. On a une espèce fort
délicate à lui faire trancher, un point de droit qui pèse lourdement sur la
mémoire du roi des Juifs.
BEN-SOTADA ET SON AÏEULE.
Pour l'intelligence de cette scène il est indispensable de
rappeler que Bar-Jehoudda descendait de David par l'adultère de Bethsabée,
femme d'Uri, ainsi qu'il appert de sa Généalogie[3]. C'est pour cette
raison, vous vous en souvenez, que le Talmud l'appelle à bon droit
Ben-Sotada, fils de l'adultère ancestral[4].
3. Cependant les Scribes et les
pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, el la placèrent au
milieu.
4. Puis ils dirent à Jésus : Maître, cette femme vient d'être surprise en adultère.
5. Or
Moïse, dans la loi[5], nous a ordonné de lapider de telles femmes. Toi donc,
que dis-tu ?
6. Or ils disaient cela, le
tentant, afin de pouvoir l'accuser...
L'accuser de quoi ? Est-ce lui qui introduit cette
adultère dans la Cour
des femmes ? Les coupables sont ceux qui introduisent une telle femme dans
une Cour interdite aux plus irréprochables quand elles sont affligées de leur
incommodité mensuelle. Au crime de la malheureuse ils ajoutent leur propre
sacrilège. Ce n'est pas Jésus qui va être accusé, ce sont eux au contraire
qui vont être condamnés. D'où vient donc l'embarras qui se lit sur sa figure
? Car il eût préféré, cela est évident, qu'on ne lui amenât point cette
adultère.
... Mais Jésus, se baissant,
écrivait du doigt sur la terre.
7. Et comme ils continuaient à
l'interroger, il se releva et leur dit : Que celui
de vous qui est sans péché jette le premier une pierre contre elle.
8. Et se baissant de nouveau, il
écrivait sur la terre.
9. Mais, entendant cela, ils
sortaient l'un après l'autre, à commencer parles vieillards Et Jésus demeura
seul avec la femme, qui était au milieu.
10. Alors Jésus, se relevant,
lui dit : Femme, où sont ceux qui vous
accusaient ? Personne ne vous a condamnée ?
11. Elle répondit : Personne, Seigneur. Et Jésus lui dit : Ni moi, je ne vous condamnerai pas ; allez, et ne péchez
plus.
Cette scène est l'une des plus fortes inventions de Cérinthe.
Savez-vous quelle femme on amène à Jésus Pour la juger ? Bethsabée elle-même,
avec laquelle David a consommé l'adultère dont est issu après mille ans
Bar-Jehoudda, et a cause de laquelle il a été dit Ben-Sotada. Mais ce n'est
pas à Bethsabée que Jésus, souverain Juge des vivants et des morts, remet son
péché, c'est à l'individu dont il est le revenant. Verbe d'où est venue la Loi, il ne peut condamner la Loi, elle est de lui ; mais
il est antérieur à la Loi,
et sans l'abroger, il en suspend l'application en l'espèce. En faisant grâce
à Bethsabée, il excuse Bar-Jehoudda d'avoir remis les péchés au nom du Verbe,
lui qui était, mais involontairement, sous le coup de la Loi. Inexpiable
dans la maison d'un Hérode, l'adultère est excusable dans celle d'un David,
Les fils d'Hérode n'avaient pas la grâce, ceux de Jehoudda lient et délient.
Du même coup, et c'est le véritable but de cette comparution ancestrale,
Jésus raye Ben-Sotada de l'histoire.
Le Rabbi intraitable sur la Loi, consacré à la Loi, kanaïte de la Loi, sicaire de la Loi, disparaît effacé par
Jésus. Son affaire est rayée du pôle. D'ailleurs il y a chose jugée à son
profit par les anciens. Ont-ils condamné Bethsabée ? Non. Alors de quel droit
les modernes lui feraient-ils son procès ? Elle a produit Salomon, et
Bar-Jehoudda descend de Salomon par son père. Il est vrai que par sa mère il
est un fruit de harem, car David eut beaucoup plus de femmes qu'Hérode, avec
cette indéniable supériorité qu'il les avait toutes à la fois ; mais toute
l'eau du Zibdéos [Verseau]
a passé sur ces choses. Les vieillards sont partis les premiers, puis les
hommes mûrs, puis les jeunes gens ; ils sont morts au fur et à mesure des
temps, et comme il ne plaît point à Jésus de les ressusciter (on ne ressuscite pas ses adversaires), ils
ne reviendront pas. Où sont ceux qui accusaient Bethsabée ? Et où est
Bethsabée elle-même ? Où sont David et Uri ? Il y a prescription millénaire.
OÙ JÉSUS DONNE SA DÉMISSION DE JUGE.
12. Jésus leur parla de nouveau,
disant : C'est moi qui suis la lumière du monde ;
qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la
vie.
13. Alors les pharisiens lui
dirent : C'est toi qui rends témoignage de toi-même
; ton témoignage n'est pas vrai.
14. Jésus répondit, et leur dit
: Bien que je rende témoignage de moi-même, mon
témoignage est vrai ; parce que je sais d'où je viens et où je vais, mais
vous, vous ne savez ni d'où je viens ni où je vais.
15. Vous,
vous jugez selon la chair[6] ; moi je ne juge personne ;
16. Et
si je juge, mon jugement est vrai, parce que je ne suis pas seul ; mais moi
et mon Père qui m'a envoyé.
17. Or
dans votre loi il est écrit que le témoignage de deux hommes est vrai.
18. C'est moi qui rends témoignage de moi-même ; mais il rend
aussi témoignage de moi, mon Père qui m'a envoyé.
19. Ils lui disaient donc : Où est ton Père ? Jésus répondit : Vous ne connaissez ni moi, ni mon Père ; si vous me
connaissiez, vous connaîtriez sans doute aussi mon Père.
20. Jésus dit ces paroles,
enseignant dans le Temple, au lieu où est le Trésor ; et personne ne se
saisit de lui, parce que son heure n'était pas encore venue.
Sans doute, et il est bien entendu qu'Is-Kérioth n'empoignera
pas le roi-prophète avant le 13 nisan, mais cela ne doit pas nous empêcher de
trouver que la demande des Juifs est absolument légitime. Il n'apparaît point
que Dieu ait un Fils. Les Juifs aimeraient le lui entendre dire à lui-même.
Puisque Jésus invoque son témoignage, où est ce témoin ? Philippe ira plus
loin tout à l'heure : Montre-le nous et cela nous
suffit. Le beau, c'est que, grâce au tour de plume, les Juifs ont
l'air de ne pas connaître le Père, alors qu'au contraire ils nient le Fils
qui ne peut fournir la moindre preuve de son existence et ne se tire d'affaire
que par un misérable sophisme théologique. En outre, la façon dont il juge
l'adultère, selon que le crime a été commis par une reine ou par une femme du
peuple, ne les encourage guères à croire que ce Fils soit au courant des
principes du droit commun. De pareils juges sont révoqués par Dieu, ou
condamnés par les cours de justice quand elles font leur devoir. Jésus
s'évade en disant qu'il ne juge personne. Alors il est démissionnaire ? car
tout à l'heure il se disait investi parle Père du droit de juger ! Joannès ne
déclarait-il pas que le Verbe jugerait les vivants et les morts ?
Quel système commode que celui de Jésus ! Avant tout, je fais les volontés de mon Père. Il m'a
délégué le jugement, c'est vrai, mais s'il ne me commande pas de juger, je ne
juge pas. S'agit-il des Juifs et des païens qui ne croient pas à la
consubstantialité de Bar-Jehoudda avec mon Père ? Je les condamne d'avance.
S'agit-il de l'adultère de sa grande aïeule Bethsabée ? Je l'absous, et
d'ailleurs il y a prescription. Des crimes pour lesquels Bar-Jehoudda est
qualifié de pécheur par les hommes ? Je me récuse, mon Père ne me commande
pas déjuger !
21. Jésus leur dit encore : Je m'en vais et vous me chercherez, et vous mourrez dans
votre péché. Mais où je vais vous ne pouvez venir.
22. Les Juifs disaient donc : Se tuera-t-il lui-même, puisqu'il dit : Où je vais vous ne
pouvez venir ?
Le suicide dans un endroit mystérieux, c'est en effet le
seul moyen qu'aurait eu Bar-Jehoudda de s'en aller sans laisser de témoin de
sa déconfiture. Mais en fait il est parti de tout autre manière, et ceux-là
seuls ne l'ont pas vue qui ne sont pas allés au Guol-golta. Voilà pour lui.
Quant à Jésus, il est bien vrai que les Juifs ne peuvent pas le suivre là où
il va remonter tout à l'heure. Mais le christ et ses six frères sont dans le
même cas, Jésus ne craint pas de le leur dire à plusieurs reprises.
23. Il leur disait aussi : Vous, vous êtes d'en bas, moi je suis d'en haut. Vous êtes
de ce monde, moi je ne suis pas de ce monde.
24. Je
vous ai donc dit que vous mourriez dans vos péchés ; car si vous ne me croyez
pas ce que je suis, vous mourrez dans votre péché.
25. Ils lui dirent donc : Qui es-tu ? Jésus leur dit : Le principe, moi-même qui vous parle.
C'est entendu, mon brave, tu plagies Cérinthe (In principio erat verbum),
lequel Cérinthe plagie le Joannès, lequel Joannès plagie Hermès. Tu n'es pas
de ce monde, ni ton Royaume non plus, mais il y a environ deux siècles tu
disais tout le contraire à ton prophète. C'est ce que les Juifs
t'objecteraient, s'ils n'étaient pas disciples de Bar-Jehoudda quant au
Royaume.
26. J'ai
beaucoup de choses à dire de vous, et à condamner en vous ; mais celui qui
m'a envoyé est vrai, et moi, ce que j'ai entendu de lui, je le dis au monde.
27. Et ils ne comprirent pas qu'il
disait que Dieu était son père.
28. Jésus leur dit donc : Quand vous aurez élevé le fils de l'homme, c'est alors que vous connaîtrez ce que je suis[7], et que je ne fais rien de moi-même, mais que je parle
comme mon Père m'a enseigné ;
29. Et
celui qui m'a envoyé est avec moi, et il ne m'a pas laissé seul, parce que
pour moi je fais toujours ce qui lui plaît.
30. Comme il disait ces choses,
beaucoup crurent en lui.
31. Jésus disait donc à ceux des
Juifs qui croyaient en lui : Pour vous, si vous
demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples ;
32. Et
vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres.
33. Ils lui répondirent : Nous sommes la race d'Abraham, et nous n'avons jamais été
esclaves de personne ; comment dis-tu, toi : Vous serez libres ?
Les Juifs osent tenir un pareil langage devant la lumière
du monde ! Quelle ignorance de leur histoire ! Depuis leur arrivée en
Palestine leur vie n'a été qu'un esclavage coupé de rares périodes
d'indépendance. Esclaves en Egypte, c'est pour rompre leurs chaînes qu'ils
ont passé la Mer
rouge. Esclaves à Babylone, c'est pour redevenir libres qu'ils ont imploré la
clémence de Cyrus. Esclaves de Pompée, esclaves de Varus, esclaves de
Vespasien, esclaves de Titus, esclaves d'Hadrien, ils œ sont célèbres que par
la succession de leurs servitudes. La Lettre aux Galates le leur
démontre avec cruauté. Ils ne l'ignorent pas, et celui auquel ils s'adressent
l'ignore encore moins, il a éclairé ce spectacle pendant des siècles ! Mais
le but de l'Evangéliste est d'amener la question sur un autre terrain que l'histoire,
car devant qu'Abraham fût, il était, comme il le dit très bien. Il était même
avant Adam, et c'est de la liberté d'avant Adam qu'il va parler.
34. Jésus leur repartit : En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le
péché est esclave du péché ;
35. Or
l'esclave ne demeure point toujours dans la maison[8] ; mais le fils y demeure toujours.
36. Si
donc le Fils vous met en liberté, vous serez vraiment libres.
37. Je
sais que vous êtes fils d'Abraham ; mais vous cherchez à me faire mourir,
parce que ma parole ne prend pas en vous.
38. Pour
moi, ce que j'ai vu en mon Père, je le dis ; et vous, ce que vous avez vu en
votre père[9]
vous le faites.
39. Ils répliquèrent et lui
dirent : Notre père est Abraham. Jésus
leur dit : Si vous êtes fils d'Abraham, faites
les œuvres d'Abraham.
40. Mais
loin de là, vous cherchez à me faire mourir, moi, homme qui vous ai dit la
vérité que j'ai entendu de Dieu[10] ; c'est ce qu'Abraham n'a pas fait.
41. Vous
faites les œuvres de votre père. Ils lui répliquèrent donc : Nous ne sommes pas nés de la fornication[11], nous n'avons qu'un Père, Dieu.
Nous retrouvons ici la théorie de Jehoudda sur la divinité
de la race juive : N'appelez personne sur la terre
votre père et votre Maître, car vous n'avez qu'un Père qui est au ciel et
vous êtes tous frères. Les Juifs se l'approprient, et cela flatte
Jésus, puisqu'il l'a révélée à Jehoudda et à son fils. Ils se disent
antérieurs à Abraham, quoi qu'ils l'appellent leur père, mais cet Abraham
n'est que leur père politique, leur père civil ; leur père originel, c'est
Dieu, père du Verbe. Abraham n'a pas révélé aux Juifs leur substance divine,
c'est une lacune dans son enseignement. Au contraire, les deux Joannès de la
famille de David, Jehoudda et Bar-Jehoudda, ont laissé l'Apocalypse
qui est la genèse prédavidique et par conséquent préabrahamique des Juifs ;
la parole de ces deux hommes est celle du Verbe lui-même, elle est donc
antérieure et supérieure à la promesse politique d'Abraham. Abraham ne leur a
promis que Canaan ; le prophète du Royaume d'Israël leur a promis la Terre. Voilà
pourquoi, malgré ses crimes, ils ont eu tort de le faire mourir, et comment,
malgré l'adultère de David et de Bethsabée, ils ont eu tort de le traiter de
Ben-Sotada. Comprenne qui pourra comment il se fait que pour Jésus tous les
Juifs aient Satan pour père, et que pour l'Église Bar-Jehoudda, fils
adultérin de Bethsabée, soit fils légitime de Dieu !
42. Mais Jésus leur repartit : Si Dieu était votre Père, certes vous m'aimeriez ; car
c'est de Dieu que je suis sorti et que je suis venu ; ainsi je ne suis point
venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé.
43. Pourquoi
ne connaissez-vous point mon langage ? Parce que vous ne pouvez pas écouter
ma parole.
44. Vous
avez le Diable pour père, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il
a été homicide dès le commencement, et il n'est pas demeuré dans la
vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui ; lorsqu'il parle mensonge, il
parle de son propre fonds, parce qu'il est Menteur et le Père du mensonge.
C'est la définition de l'Ancien Serpent, promoteur de la
génération, par opposition an. Verbe de la vérité. Et cette vérité, c'est la
non-œuvre de chair. Le Diable a été homicide dès le principe ; Adam et Eve
sont morts de lui, ils seraient encore dans i'Eden s'ils ne l'avaient pas
écouté !
45. Pour
moi, si je dis la vérité, vous ne me croyez point.
46. Qui
de vous me convaincra de péché ? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me
croyez-vous point ?
47. Celui
qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Et si vous ne les écoutez point,
c'est parce que vous n'êtes point de Dieu.
48. Mais les Juifs répondirent
et lui dirent : Ne disons-nous pas avec raison que
tu es un Samaritain, et qu'un démon est en toi ?
On se rappelle en effet que le prétendant était, comme sou
père surnommé Baal-Zib-Baal, accusé d'avoir le démon ; qu'il avait, après
avoir aidé les Arabes à envahir la Pérée, essayé de lancer les Samaritains contre
le Temple, et qu'il était dit le Samaritain pour avoir été battu en Samarie,
peut-être même parce qu'on savait qu'il y avait été enterré, — tombeau digne
de lui, pensaient les Juifs !
Mais ce démon, c'est Jésus qui l'avait mis en lui dés le
ventre de sa mère, et il en avait mis un autre dans chacun de ses six frères,
jusqu'à ce qu'ils composassent ce magnifique sabbat de démons dont Maria la Magdaléenne
est si fière dans Marc.
Qu'aux yeux de ses contemporains le fils de l'adultère se
soit conduit comme un Samaritain et qu'il ait eu le démon, c'est possible,
mais son Apocalypse était de Dieu. Il ne s'est trompé que quant à
l'échéance, Jésus l'affirme aux Juifs, christiens ou non.
Et quant au Jugement, il n'y aura pas de Jugement du Fils
eu attendant celui du Père, il n'y en aura qu'un où le Père siégera avec le
Fils. Ce sont là des modifications essentielles qu'il faut porter à la
connaissance des Naziréens eux-mêmes, mais ce n'est pas une raison pour
déshonorer devant les goym l'homme à qui on doit l'Apocalypse. Une
erreur de calcul n'infirme pas le principe.
49. Jésus repartit : Il n'y a pas de démon en moi ; mais j'honore mon Père, et
vous, vous me déshonorez.
50. Pour
moi, je ne cherche point ma gloire, il est Quelqu'un qui la cherchera et qui
jugera[12].
51. En
vérité, en vérité je vous le dis : Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra
jamais la mort.
52. Mais les Juifs lui
dirent : Maintenant nous connaissons qu'il va
un démon en toi. Abraham est mort et les prophètes aussi[13], et tu dis : Si quelqu'un garde ma parole il ne
goûtera jamais de la mort.
53. Es-tu
plus grand que notre père Abraham qui est mort ? Et les prophètes sont morts
aussi. Qui prétends-tu être ?
54. Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est
mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu'il est voire Dieu.
55. Et
vous ne l'avez pas connu ; mais moi je le connais, et si je disais que je ne
le connais point, je serais semblable à vous, menteur. Mais je le connais et
je garde sa parole.
56. [Abraham,
votre père, a tressailli pourvoir mon jour ; il l'a vu, et il s'est réjoui][14].
L'ÂGE DE BAR-JEHOUDDA UN AN AVANT SA MORT.
57. Mais les Juifs lui répliquèrent :
Tu n'as pas encore cinquante ans, et tu as vu
Abraham ?
58. Jésus leur dit : En vérité, en vérité, avant qu'Abraham eût été fait, je le
suis.
59. Ils prirent donc des pierres
pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha, et sortit du Temple.
Dans le Temple ou hors du Temple, Jésus est invulnérable
avant que son heure soit venue d'être crucifié en effigie bar-jehouddique.
Tuer le prophète, voilà tout ce que les Juifs ont pu faire ! Mais tuer son
Verbe, voilà lui est au-dessus de leurs forces, et même contraire à leurs
intérêts, car ils sont faits pour régner par lui et ils régneront sous le nom
de christiens !
Le Saint-Siège néglige totalement le passage où Cérinthe
donne pour la troisième fois à Jésus l'âge successif de son prophète.
Pourquoi cette négligence ? Elle est impardonnable. Tout ce qui concerne
l'existence du Juif consubstantiel au Père devrait avoir le don d'émouvoir le
cœur des fidèles. Bar-Jehoudda touchait à sa cinquantième année
lorsqu'approchait l'heure du Royaume. Trente-huit ans en 777, quarante-six
ans en 784, près de cinquante en 787, il lui est bien difficile d'être mort,
ressuscité, et d'avoir été enlevé au ciel à trente-trois ans, comme le
Saint-Esprit l'a décidé ! Il en avait cinquante. Cérinthe, Papias, Irénée,
toute la tradition d'Asie le constatent, d'après l'autobiographie
apocalyptique de l'intéressé et les écrits de Philippe, de Toâmin et de
Mathias Bar-Toâmin. Le Saint-Siège lui retranche donc dix-sept ans de
consubstantialité avec le Père.
En revanche, et c'est ce qui montre l'utilité de l'Esprit-Saint,
il dirige la pieuse attention du lecteur sur le passage où Jésus affirme que
devant qu'Abraham fût fait, il l'était. La
traduction ordinaire : Avant qu'Abraham fût, est, selon la
remarque judicieuse de Bossuet, tout à fait inexacte, puisque l'être
d'Abraham et celui de Jésus-Christ n'étaient ni les mêmes en soi ni expliqués
par le même mot. Ajoutons que le grec, comme la Vulgate, emploie pour
Abraham le verbe être fait, et pour Jésus-Christ, être, exister.
Il est parfaitement exact que le Verbe était avant
Abraham, puisqu'il a fait Adam du limon de la terre. Les Juifs ne
contestaient pas cela, c'est dans leur Genèse.
Ce qu'ils contestaient, c'est que le Ben-Sotada condamné pour trahison et
autres crimes fût consubstantiel au Père. C'est mal à eux, je le sais, mais
le fait est là dans toute sa tristesse.
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