CHAPITRE VI. — SÉMÉIOLOGIE CONNUE SOUS LE NOM DE MULTIPLICATION DES PAINS.Grâce à notre connaissance de l'écrit apocalyptique auquel
Cérinthe emprunte ses allégories, nous savons qu'il y a des lacunes entre le
second sèmeion de Kana et le chapitre
qui suit. Ce chapitre succédait à une ou plusieurs scènes qui se passaient
sur la rive orientale du lac de Génézareth appelé ici Tibériade. Après quoi Jésus
opérait 1. Après cela Jésus s'en alla de l'autre côté de la mer de Galilée, c'est-à-dire de Tibériade ; 2. Et une grande multitude le suivait, parce qu'ils voyaient les signes qu'il faisait sur ceux qui étaient malades. 3. Jésus monta donc sur Cette montagne, c'est le Tabor, comme nous le montrerons tout à l'heure. Jésus est donc revenu sur la rive occidentale. 4. Cependant approchait 5. Jésus donc, avant levé les yeux et vu qu'une très grande multitude était venue à lui, dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains, pour que ceux-ci mangent ? 6. Or il disait cela pour l'éprouver ; car pour lui il savait ce qu'il devait faire. 7. Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pain ne leur suffiraient pas pour que chacun deux en eût même un petit morceau. 8. Un de ses disciples, André, frère de Simon-Pierre, lui dit : 9. Il y a ici un petit enfant qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ? 10. Jésus dit donc : Faites asseoir ces hommes. Or il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. Ces hommes s'assirent donc au nombre d'environ cinq mille. 11. Alors Jésus prit les pains, et quand il eut rendu grâces, il les distribua à ceux qui étaient assis ; et de même des poissons, autant qu'ils en voulaient. 12. Lorsqu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Amassez les morceaux qui sont restés, pour qu'ils ne se perdent pas. 13. Ils les amassèrent donc, et remplirent douze paniers de morceaux des cinq pains d'orge qui restèrent à ceux qui avaient mangé. 14. Or ces hommes, ayant vu le sèmeion que Jésus avait fait, disaient : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde. Vous n'avez pas compris ? C'est votre faute. Pourquoi avez-vous du génie ? Pour comprendre, il suffit de n'avoir pas de génie. Toutefois le sèmeion dit Multiplication des pains est une allégorie fort difficile à saisir même pour des esprits subtils. Considéré dans ses chiffres, c'est le plus gros miracle de Jésus, celui qui même le plus par les proportions et par les circonstances, le seul aussi dans lequel on ne puisse flairer ni imposture, ni magie, ni tour d'adresse. Il donne vraiment l'impression de la surhumaine puissance. Il y a deux sortes de Multiplications de pains dans les Évangiles. Les uns font la leur avec cinq pains, les autres avec sept. C'est une même séméiologie, avec des chiffres variés. Dans le premier cas, celui de Cérinthe, cinq mille personnes sont nourries jusqu'au rassasiement avec cinq pains et deux petits poissons. Dans l'autre, quatre mille, sans compter les femmes et les enfants, avec sept pains. Voilà des miracles comme jamais l'intendance militaire n'en opéra tant en campagne qu'en paix. Ces chiffres de cinq mille et de quatre mille ne sont pas jetés là au hasard. Pourquoi cinq mille ? Pourquoi quatre mille ? Croyez-vous que cinq mille personnes un jour, et quatre mille un autre, aient, pressées parla faim, suivi quelqu'un sur une haute montagne dans l'espoir d'être rassasiées avec cinq ou sept pains et deux poissons ? J'ai trop foi dans votre intelligence pour m'imaginer cela. Mais, direz-vous, voilà des siècles qu'on interprète ainsi ces miracles. Des milliers de théologiens s'y sont escrimés (je sens que vous allez me parler de Bossuet). Laissez, laissez, et, comme disait feu Bar-Jehoudda, que celui qui a des oreilles entende ! Les quatre mille personnes qui suivent Jésus sont à jeun depuis trois jours : Il y trois jours qu'ils ne me quittent point, dit Jésus, ils n'ont rien à manger et je ne veux pas les renvoyer qu'ils n'aient mangé, de peur que les forces ne leur manquent en chemin[1]. Tout est combiné pour que le ravitaillement de cette foule soit impossible en fait. Elle tourne le dos aux greniers d'abondance qui sont en Galilée, elle fuit le blé, les olives, le vin et le bétail pour suivre Jésus elle ne sait où. Dans Cérinthe les cinq mille s'embarquent sur le lac de Génésareth, à qui l'Evangéliste, tourmenté par un esprit païen, donne le nom de Tibériade qui lui eût valu un fort coup de sique dans l'abdomen s'il se fût avisé de l'employer devant les christiens de l'Apocalypse. Voilà cinq mille personnes lancées sur le lac ; la barque, séméiologique elle aussi, n'eût évidemment pas suffi pour le transport. Mathieu et Marc ont vu l'invraisemblance ; les foules, — si Jésus multiplie le pain, les scribes peuvent bien multiplier la foule, — suivent à pied par les bords du lac. De même dans Luc, à ce qu'il semble. L'endroit où Jésus les mène est désert, la montagne est haute, les ventres sont vides, les dents longues, l'heure est avancée. Aller dans les bourgades et par les champs chercher sa nourriture, il n'y faut pas songer. Jésus est ému de compassion, voyant qu'ils sont comme les brebis sans berger et sans herbe. Il ne faut qu'un peu de bon sens pour voir qu'étant impossible en tant que phénomène alimentaire, on doit chercher l'explication du miracle hors de la condition humaine. Car dans les Synoptisés les deux Multiplications comprennent neuf mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Combien voulez-vous que nous comptions de ces derniers ? Il y avait peu de célibataires parmi les Juifs et tous sont prolifiques. Mettons onze mille, pour ne pas exagérer l'effectif. Voilà vingt mille bouches, et affamées. Donnons-leur à chacune une livre de pain, afin de rester au plus bas. Pour transporter au haut d'une montagne peu accessible une aussi lourde provision, il eût fallu plus que la foi ; cela demandait plusieurs voitures traînées par des ânes ou des mulets, ou, ce qui rendait le mystère impossible, par les disciples eux-mêmes qui se fussent trouvés dans la contée et n'eussent pu être dupes de Jésus, puisqu'ils auraient été ses compères. Quant aux poissons, ils étaient sans doute de la même taille que celui de Jonas, puisque, Jésus les ayant rompus, chacune des vingt mille personnes présentes en a un morceau. De plus il a fallu les faire cuire quelque part, car il n'est point admissible que Jésus les distribue crus. Ce sont là des préparatifs considérables, pour lesquels Bar-Jehoudda et ses frères auraient été obligés d'emprunter du matériel à Hérode Antipas, et à Pontius Pilatus quelques-uns de ses traginarii. Il ne s'agit donc ni d'événements naturels, ni d'un prodige truqué de complicité avec les apôtres. Les vingt mille affamés auraient vu les pains, les poissons, les chariots, les mulets elles ânes, C'est donc bien d'une chose surnaturelle qu'il s'agit, et, comme en matière de nourriture il n'y a rien de métaphysique, il ne reste plus de possible que la similitude, le faux semblant. Et puis il n'y a pas Multiplication de pains. Ne nous représentons pas Jésus multipliant des pains par un moyen qui rappelle trop les expériences de physique amusante dont Robert Houdin berça notre douzième année. C'est un enfantillage substitué par l'Église à la mystérieuse leçon que la séméiologie déguise à peine. LE PETIT ENFANT AUX SIGNES.Laissant de côté la version des Synoptisés, suivons Cérinthe. Pour mener à bien le miracle il faut à Jésus un compère millénariste. Nul ne convient mieux que Philippe, jadis secrétaire du christ et confident de tous ses rêves. En nommant Philippe, Cérinthe a désigné la source à laquelle il emprunte : les Paroles du Rabbi. Devant les cinq mille affamés, Philippe ne cherche pas à dissimuler son embarras. Cet embarras Jésus le souligne encore en disant : Où achèterons-nous des pains pour que tous ceux-ci mangent ? Mais c'est pour rire, il sait parfaitement ce qu'il a à faire. Vous vous rappelez sa mère selon le monde, aux Noces de Kana : Laissez-le faire, dit-elle. Philippe assistait au repas, il a entendu ; mais ce n'est pas à lui de dire que tous ces sèmeia proviennent de l'Apocalypse de son frère. Appuyant le jeu de Jésus en bon valet de comédie : Deux cents deniers de pain, dit-il, ne leur suffiraient pas pour que chacun en ait un. Pourquoi cela, Philippe ? Il est très possible, au contraire, qu'avec deux cents deniers[2] on puisse acheter assez de pain pour nourrir cinq mille personnes, cela dépend du prix du pain. Ce n'est donc pas de deux cents deniers-monnaie qu'il s'agit ; mais de deux cents dixniers (décans, dizaines) d'un pain unique en son genre. 200 * 10 = 2.000. Il est clair qu'avec deux mille pains on pourrait rassasier cinq mille hommes. Cela dépend de la grosseur des pains. Mais, s'il n'est pas question de deniers, il n'est pas davantage question de pain au sens terrestre. Ce pain n'a jamais été du pain que dans l'imagination grossière des charlatans ecclésiastiques. Jésus lui-même dira aux apôtres dans les Synoptisés : N'avez-vous pas compris qu'il ne s'agissait pas de pain ? Ce que recherchent avidement les cinq mille, c'est un pain d'autre sorte, un pain qui ne se fractionne pas, le pain Un et éternel pour chacun d'eux. Où trouver sur terre, sinon la représentation, du moins l'annonciation d'un tel pain ? Quelqu'un, en un temps qu'on ne dit pas, a précédé les
cinq mille sur A l'époque où la scène est censée se passer, les Juifs
sont toujours dans le Cycle du Verseau,
les sept fils de Jehoudda attendent toujours Vous devinez donc ce que sont les cinq Pains d'orge. Ce sont les cinq Pains de temps, les cinq paquets de mille ans représentés par les cinq mille : Premier pain : Second pain : Le Scorpion. Troisième pain : Le Sagittaire. Quatrième pain : Le Capricorne. Cinquième pain : Le Zachû[7]. Cela ne nous dit pas qui est le petit enfant dont la main, outre les cinq pains, tient les deux poissons ; mais comme sur le Zodiaque le Zib est fils du Zachû, peut-être en est-il de même ici. Pourquoi les théologiens négligent-ils ce petit enfant ? N'ont-ils pas vu que sans lui Jésus ne peut rien ? Cela saute aux yeux pourtant. Nous ne sommes pas dupes des simagrées de Philippe et d'André. Ils savent bien que dans le Thème du monde c'est leur père, le Zibdéos, qui a mis les Poissons entre les mains de son fils aîné, lequel devait les manger comme l'Agneau les mange sur la sphère. Le petit enfant, c'est celui que nous avons déjà vu dans l'Apocalypse et qui, parvenu au 15 nisan 789, devait consommer les Poissons pendant mille ans ; c'est Bar-Jehoudda lui-même, c'est le pêcheur d'hommes avec les attributs du baptême, c'est le christ mis en croix par Pilatus le 14 nisan 788. Il n'est petit enfant que relativement à l'âge de Jésus qui va vers sa douze millième année. C'est un de ces jeunes enfants qui approchent de la cinquantaine. Mais qu'est-ce que cela en présence de pains qui ont chacun mille ans ? Non seulement il est bien jeune, mais encore il est bien petit en face de Jésus dont le dernier des anges a soixante-douze mètres de haut ![8] Cérinthe l'a pris tel qu'il est dans l'Apocalypse,
quand il sort du sein de Mais malgré sa jeunesse et sa petitesse il n'en est pas
moins celui en qui le Père a mis son bon plaisir, il n'en est pas moins l'oint,
le christ, le médiateur entre les Juifs et Iahvé. C'est lui que l'Église
égale à Dieu. On ne conçoit donc pas le dédain des exégètes pour le petit
enfant, sans lequel le miracle est irréalisable, car s'il n'était pas né,
s'il s'en allait remportant ses cinq pains et ses deux poissons, savez-vous
bien que Jésus serait obligé d'abandonner la partie et que les cinq mille
disciples mourraient de faim sur Rien de mieux établi que cette identité de l'enfant et du christ. Il n'y a qu'un enfant en état de présenter les cinq Cycles en cours et le signe comestible dont il entend faire sa nourriture millénaire, c'est l'enfant de l'Apocalypse, celui que les Mages viennent adorer dans Mathieu, et en qui son père dans Luc salue le Libérateur d'Israël. Quand Dieu[11] est-il venu sur la terre pour sauver les hommes ?
dit le faux Origène dans son Dialogue contre les Marcionites — Sous le règne de Tibère et le gouvernement de Pilatus,
répond le Marcionite. — Tu vois donc bien qu'il est
venu six mille ans après la création d'Adam ![12] Ouvrez Mais sa situation vis à vis de Jésus n'est pas sans offrir quelque embarras en cette année 787. Il a grandi : dans un an et un mois Jésus doit moissonner la terre et dissiper le dernier des cinq pains d'orge. Il tient son van à la main, disait le christ, et il nettoiera entièrement son aire ; il amassera son froment dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu inextinguible[13]. Le christ et ses frères comptaient être le froment, mais Iahvé a changé d'idée, il a résolu de ne point envoyer son Verbe faire la moisson annoncée dans l'Apocalypse[14]. Le christ a été crucifié avant la pâque de 789, le Cycle du Zib a commencé sans que le Royaume des Juifs soit venu, le Temps ne s'est pas arrêté[15], les disciples et les descendants de Jehoudda continuent à manger de l'orge. Comment se tirer de là ? Faites asseoir les hommes sur l'herbe, dit Jésus. Et voici que les cinq mille se rangent devant lui en groupes de cent et de cinquante[16]. Et, ce faisant, ils observent le même ordre que les troupeaux consacrés au Soleil dans l'île de Sicile et dont Circé dit, parlant à Ulysse : Il y a sept troupeaux de bœufs, sept de moutons, chacun composé de cinquante bêtes qui ne meurent point ; si vous y touchez, vous périrez et le Soleil ne voudra plus éclairer que les morts[17]. Chaque troupeau de cinquante multiplié par sept, ce sont les trois cent cinquante jours de l'année héliaque en Sicile. Les disciples rangés par cinquante et cent représentent autant de siècles et de demi-siècles, c'est-à-dire de jubilés cinquantenaires et de jubilés centenaires. Ils ne sont pas moins immortels que les bœufs et les moutons de Circé, puisqu'ils sont circoncis. Qu'aucun Ulysse n'y touche, s'appelât-il Septime-Sévère, car ils sont de la bonne bergerie, la bergerie juive où il n'y a point de bêtes païennes ! Une fois les groupes assis sur la terre, Jésus prend les cinq pains et les deux poissons aux mains du petit enfant, il met devant lui les cinq pains qui sont la figure des Cinq cycles qu'il a éclairés depuis le Second monde. Prenant en outre — et surtout — les deux Poissons qui quelques jours plus tard se changeront en Agneau pascal, il rend grâces, regarde le ciel, et les distribue aux cinq mille avec les Cinq Pains. Et voici qu'ils en eurent tous autant qu'ils en voulurent, jusqu'au rassasiement complet. L'ART D'ACCOMMODER LE PASSIF D'UNE FAILLITE.Ramassez les restes des cinq Pains d'orge, dit Jésus, afin que rien ne soit perdu. Ces restes, c'est bien peu de chose, puisqu'en 739, date de la naissance de Bar-Jehoudda, il n'y avait plus que cinquante ans à faire pour en voir la fin. Mais ce sont de précieux restes, si l'on considère que la
famille du christ et le christ lui-même en font partie depuis le Jehoudda du
Recensement jusqu'à Ménahem. Ce sont les restes du Cycle du Verseau. Fidèlement ramassés, ils vont rejoindre
dans douze corbeilles l'Agneau, le Taureau, les Gémeaux,
les Ânes, le Lion et Ainsi le Renouvellement des Pains d'orge est une spéculation
sur la faillite de l'Apocalypse. Jésus demeure le Seigneur devant qui
on met chaque année les douze corbeilles ou pains de proposition qui
représentent les douze étapes annuelles de son éternelle course et les Douze
Cycles par où se consomme la destinée des Juifs[18]. Il est le pain
sans levain de Le pain rompu, le klasma des agapes, cette eucharistie, car c'est tout un, s'entendait de la chair même du Messie attendu. Au moment où on rompait le pain, on prononçait la prière : Vienne ton Royaume, vienne ta royauté ! et cette prière on la retrouve à la fin de l'oraison dominicale dans Mathieu. A toi la royauté et la puissance et la gloire à jamais ! De même, disait-on, que ce pain rompu (le pain de lumière) a été répandu au loin sur les montagnes et rassemblé est devenu Un, de même fais que ton Église (ton peuple) soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton Royaume[19]. Si Jésus n'a point paru en 789, il peut venir et H viendra. Hadrien a pu supprimer l'agneau mangé à Jérusalem ; reste l'agneau mangé en famille, le pain azyme mangé en commun. Il faut attendre que le Cycle du Zib soit passé. Le Royaume est remis à mille ans, si d'ici-là le Rabbi disparu ne revient pas. En attendant le grenier où ils seront froment, les Juifs se contenteront d'être orge. Et quand on lit les Évangiles comme ils doivent être lus, je veux dire déchiffrés, il est clair comme Jésus eu plein midi que dans les premières églises pas un évangéliste ne s'est trouvé pour insinuer qu'un tel faiseur de miracles fût né en Judée sous Auguste. Pas un non plus, pour affirmer l'existence des douze apôtres-hommes, qui dénoncent à l'observateur le moins aigu leur origine zodiacale et sont là en représentation des Douze patriarches sidéraux, alias les Douze Cycles dont se compose le thème du monde. Cette séméiologie est, avec des matériaux différents,
instruite comme celle des Noces de Kana. Les Cinq mille affamés sont les Cinq
maris de Cérinthe spécule alternativement sur le chiffre douze et sur le chiffre onze : douze pour les mois de l'année, onze seulement pour les Cycles. Si les signes du Zodiaque sont toujours employés au nombre de douze, quand ils représentent l'année, ils ne sont plus qu'onze, quand ils représentent les douze Cycles. Le Renouvellement du monde par l'avènement du christ ne s'étant pas produit au douzième, on laisse toujours ce dernier en dehors des calculs : c'est le Millenium manqué. Il y a eu maldonne en 789, le coup est à recommencer, douze pains de proposition sont entiers après comme devant ; les douze corbeilles en sont pleines, ainsi que des Poissons qu'a laissés l'enfant de David (les morceaux en sont bons, pense Cérinthe), mais ces Poissons sont en cours de consommation, et — voici le miracle — ils suffisent. Les cinq mille disciples sont rassasiés les avec deux petits poissons. Le miracle est donc dans la puissance extraordinaire des deux Poissons une fois qu'ils sont entre les mains de Jésus. Grâce au baptême représenté par ce sèmeion, Jésus assure aux Juifs leur provision de vie dans le Royaume futur. Sur la date de cet avènement on n'est plus aussi affirmatif qu'autrefois, et Jésus avoue, par la plume des scribes, que cette date est à la merci du Père. On n'ose plus dire aux disciples, comme du temps de Bar-Jehoudda : C'est pour demain, vous ne mourrez pas que vous n'ayez vu le Verbe descendant du ciel sur vous ! On ne sait plus. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il faut avoir avec soi le signe des Poissons sous la forme du baptême pour être sauvé quand viendra le Grand jour. Car les Poissons, c'est le salut astrologiquement figuré. Les Poissons, c'est l'antichambre de l'Agneau. Par un enchaînement logique de l'allégorie, après que le Verseau a donné l'aliment aux Poissons baptismaux, les Poissons donnent la vie aux initiés. Perpétuel renouvellement par Iahvé de la traite que les Juifs ont tirée sur la bêtise humaine. Les cinq signes écoulés escomptent les six signes de la vie à venir, éternelle celle-là. Le Verseau escompte les Poissons, les Poissons escomptent l'Agneau, le baptême escompte le salut. Jésus a prorogé les jours et le 8 années, notifié le délai qu'il accorde à la terre en attendant l'immortalité que l'Église confère par le baptême. Et qu'advient-il à cette foule affamée de vie comme les convives de Kana sont altérés de vin ? Elle est rassasiée, et jamais plus elle n'aura faim, car, par la vertu des Poissons, la voilà sortie des cinq Cycles où l'on n'a eu à manger que du pain d'orge, et elle verra l'Année éternelle où l'on aura le Pain de froment sans le levain terrestre, le pain Un, le pain des Anges. C'est sans doute en ce sens que les cinq mille disciples s'écrient d'une voix unanime : Celui-ci (non Jésus, mais l'inventeur du baptême), est véritablement le prophète qui doit venir au monde ! De toutes les Prorogations du monde dites Multiplications des pains, la formule de Cérinthe est incontestablement la plus ancienne. Il n'y a ni femmes ni enfants parmi les cinq mille. Tous sont du sexe masculin comme il convient à des sectaires formés par l'Apocalypse. Nous verrons par quels moyens l'Église a paré le coup dans les Synoptisés. Si ceux-ci nous avaient donné le chiffre des femmes adjointes aux cinq mille dans leur thème, nous saurions exactement à quelle distance de 789 ils ont composé les Prorogations qu'ils ont substituées à celle de Cérinthe. Car à partir de cette année-là les femmes rentraient dans les hommes, et il n'y avait plus de génération[20]. La formule de Cérinthe n'est pas seulement la plus ancienne,
elle est la plus claire et la plus franche, si on ose employer de telles
épithètes pour un pareil rébus. Dans cette Prorogation Jésus semble disposé à
mettre en doute l'Apocalypse qui instituait un troisième monde sur les
ruines du second détruit par tiers partir du 15 nisan 789. Il prépare
ouvertement le lecteur à cette vérité que le christ n'a pu célébrer Dans les Évangiles qu'elle a synoptisés l'Église a supprimé totalement le détenteur de pains et de poissons qui était si petit garçon à coté de Jésus. Là Jésus trouve les pains et les poissons entre les mains des disciples, et dans Luc il les confie aux douze apôtres pour les distribuer. Il fallut également introduire dans Mathieu et Marc une interprétation qui abolit le sens péjoratif du thème à cinq mille personnes et à cinq pains, thème que les synoptiseurs connaissaient et qu'ils visent expressément dans leur travail. Ah ! si les négociants en baptêmes n'avaient pas été
obligés de remplacer les signes
célestes par des similitudes, il n'y
aurait pas un seul miracle dans les Évangiles ! Jésus, devant les
disciples de Jehoudda, ne fait que des parodies de miracles. Si vous ne voyez des signes et des prodiges, dit-il
à l'officier de Kana, vous ne croyez point. —
Que voulez-vous ? eût pu répondre l'officier,
vos précurseurs ne nous annoncent que cela depuis
deux siècles ! Donc nulle réalité physique en Jésus, point de
miracles, point de tours de gobelets, mais des symboles partout et partout
des allégories. Les deux miracles de Kana, le paralytique de la piscine
guéri,
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[1] Mathieu, XIV, 13. Marc, VI, 33.
[2] Cela fait environ cent cinquante francs. Observons à ce sujet que la question d'argent n'embarrasse jamais le revenant du christ et ses frères selon le monde. Ils étaient d'une famille où l'argent affluait.
[3] Date où, lapidé par le prince Saül, il a revêtu la robe décrite dans l'Apocalypse.
[4] Paidarion, dit le texte grec.
[5] Cf. Le Roi des Juifs.
[6] Ne pas oublier que Jehoudda, le Joannès Ier de l'Évangile, avait appris à ses fils que le monde en cours avait été précédé d'un monde édénique.
[7] Nom chaldéen du Verseau. Autrement dit Zibdéos.
[8] Au témoignage de l'Apocalypse. Cf. Le Roi en Juifs.
[9] Cf. Le Charpentier.
[10] On trouvera ces témoignages dans le chapitre que nous consacrons aux Paroles du Rabbi et qui ne fait pas partie de ce volume.
[11] Quelle honte !
[12] L'auteur de cet écrit fait entrer dans ses calculs le Mille d'Adam que Cérinthe tient en dehors des siens.
[13] Mathieu, III, 12.
[14] Cf. Le Rois des Juifs.
[15] Cf. Le Roi des Juifs.
[16] Marc, VI, 30, et Luc, IX, 14.
[17] Odyssée, livre XII.
[18] Sur le sens millénariste des douze pains de proposition toujours présents sur l'autel dans le Temple, cf. Le Charpentier.
[19] Ceci dans le Didaché (l'Enseignement) qui, au deuxième siècle, ignore complètement l'eucharistie actuelle et le prétendu sacrifice volontaire du christ sur la croix.
[20] Sur cette théorie de Jehoudda voir Le Charpentier.
[21] Exode.
[22] Les vingt-quatre heures de lumière ininterrompue. Cf. Le Roi des Juifs.
[23] Les trente jours qui vont des Poissons à l'Agneau (15 adar-15 nisan).
[24] Plutarque, Vie des hommes illustres, et Rambosson, Les Astres, ch. I, § 1.
[25]
C'est sa définition dans
[26] Tout le monde sait que dans certaines parties du rivage de la mer Morte l'eau est à ce point chargée de bitume qu'elle repousse les corps malgré eux. La propriété de cette eau a été décrite par tous les voyageurs, et aujourd'hui encore on ne manque pas d'en faire l'expérience.
[27] Le coté Tabor d'où les cinq mille sont partis pour rentrer à Kapharnahum.
[28] On a ajouté le mot barque lorsqu'on eut décidé que Kapharnahum serait du même côté, au nord, que Tibériade. Ce mot rend incompréhensible topographiquement cette allégorie déjà si obscure. Car il n'y a aucun moyen d'aller en barque de Tibériade près du Tabor, qui domine le Haram Mégiddo, la plaine où, selon l'Apocalypse, le Fils de l'homme devait prononcer le premier Justement des vivants et des morts en 789.
[29] Mathieu, IX, 9.
[30] Luc, VII, 2.
[31] Le côté Capharnaüm où les cinq mille sont rentrés.
[32] Apocalypse, XI, 19.
[33] Paralipomènes, XXVIII, 2 ; Psaumes, XCVIII, 5, CXXXI, 7 ; Lamentations, II, 1.
[34] Genèse, IX, 12-17.
[35]
Qu'il ne faut pas confondre, nous l'avons dit déjà, avec les livres de
[36] Exode, XXV, 10-40.
[37] Voir les sept sceaux dans l'Apocalypse, mais ici il s'agit de la croix. Cf. Le Roi des Juifs.
[38] La chaleur et la lumière en qui est la vie du monde. Cf. la définition du Verbe.
[39]
C'est en effet la répétition de ce qui a été dit à
[40] Exode, XVI, 36. Ainsi que les deux tables du testament, Deutéronome, X, 2, et Rois III, VIII, 6.
[41] C'est-à-dire le Verbe, son Fils de toute éternité.
[42] Le propos, nettement anti-millénariste, ne saurait être de Cérinthe.
[43] En sa qualité de Verbe Jésus sait tout d'avance, surtout quand les hommes l'en instruisent. On lui apprend ici que les disciples de Jehoudda, Naziréens, Ébionites, Jesséens, ne veulent pas céder à l'imposture eucharistique et restent sur leurs positions millénaristes.
[44] Nous avons expliqué déjà, que rien n'eût désobligé davantage des gens qui, pour commencer, espéraient vivre mille ans avec le christ.
[45] Jehoudda Is-Kérioth était de ceux-là, par conséquent il n'était pas disciple de Jehoudda et ne croyait pas que le fils du Rabbi fut le christ. Il n'était pas le seul.
[46] Paradôsôn auton, le remettre aux mains de ceux qui l'ont ensuite livré aux Romains. C'est tromper les hommes que de traduire paradidômi par trahir.
[47] Le christ est une interpolation qu'explique la fourberie ecclésiastique dont Jésus est victime en tant que Verbe.
[48] Dans les Synoptisés, oui. Dans cet Évangile, non. Cérinthe vient de dire ; Is-Kérioth est un de ceux qui, depuis le commencement, ne croyait pas.
[49] Addition certaine. Cérinthe vient de dire qu'il n'était même pas disciple de Jehoudda.