CHAPITRE IV. — LES CINQ MARIS DE LA SAMARITAINE.
Nous avons déjà vu les pharisiens associés par
l'Esprit-Saint aux témoignages de Joannès sur Jésus et de Jésus sur Joannès ;
ils continuent. En voici qui ont appris — toutefois ils ne l'ont point vu —
que Jésus baptisait plus de monde que Joannès !
1. Jésus avant donc su que les
pharisiens avaient appris qu'il faisait plus de disciples et qu'il baptisait
plus de personnes que Joannès.
2. Quoique Jésus ne baptisât pas
lui-même, mais ses disciples[1].
3. Il quitta la Judée[2], et s'en alla de
nouveau en Galilée.
4. Or il fallait qu'il passât
par la Samarie.
5. Il vint donc dans une ville
de Samarie, nommée Sichar, près de l'héritage que Jacob donna à Joseph son
fils[3].
6. Là était le puits de Jacob.
Ainsi Jésus, fatigué de la route, s'assit sur le bord du puits. Il était
environ la sixième heure.
Soit environ midi.
7. Or une femme de Samarie vint
puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donnez-moi à boire.
8. (Car ses disciples étaient
allés à la ville acheter de quoi manger.)
Jésus n'a besoin de rien. Cependant vu sa constitution
ignée, c'est lui qui boit l'eau de la terre. Il n'a jamais plus soif qu'à
midi, et c'est pourquoi il a choisi cette heure pour s'arrêter au puits de
Jacob, auteur de l'horoscope qui concerne les douze tribus, notamment celui
des Ânes dont excipait Bar-Jehoudda, lorsqu'il est présenté aux Samaritains
de 785.
9. Cette femme samaritaine lui répondit
donc : Comment toi, qui es Juif[4] me demandes-tu à boire, à moi, qui suis une femme
samaritaine ? (car les Juifs n'ont
point de commerce avec les Samaritains.)
10. Jésus lui répondit et
dit : Si vous saviez le don de Dieu, et qui est
celui qui vous dit : Donnez-moi à boire, peut-être lui en eussiez-vous
demandé vous-même, et il aurait donné d'une eau vive.
C'est bien dit. Il aurait même pu la changer en vin, mais
il ne semble pas qu'il soit aussi bien disposé qu'à Kana. En effet, il vous
souvient qu'en 788 la
Samarie n'a pas voulu donner à boire à Bar-Jehoudda.
11. La femme lui répartit :
Seigneur, tu n'as pas même avec quoi puiser, et le
puits est profond ; d'où aurais-tu donc l'eau vive ?
12. Es-tu
plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu,
lui, ses enfants et ses troupeaux ?
13. Jésus répliqua et lui dit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; nu
contraire, qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif ;
14. Mais
l'eau que je lui donnerai deviendra une fontaine d'eau jaillissante jusque
dans la vie éternelle.
A cet étrange propos la Samaritaine ne
bronche pas. Jésus est le maître de la fontaine vivifiante dont la Genèse constate
l'existence dans l'Eden perdu, et d'où coule le fleuve vers lequel se dirige
le lama de Rudyard Kipling[5], à travers les
plaines brûlées de l'Inde.
15. La femme lui dit : Seigneur, donne-moi de cette eau, afin que je n'aie plus
soif, et que je ne vienne point puiser ici.
C'est peut-être ce qui serait arrivé en 789, si la Samaritaine avait
donné à boire au roi-christ.
La mariée de Kana, la femme veuve de Kapharnahum[6], la femme
adultère de Samarie, c'est toujours la même femme, c'est la Judée alternativement
représentée dans trois états de sa misère.
A toutes il manque l'Epoux définitif ou l'Epoux légitime
qui est le Christ d'Israël. Mais la Samarie est tombée plus bas que les autres.
Elle a accepté le joug de Rome, elle vit publiquement avec les païens. Jadis
le prophète Osée l'avait prise pour femme afin de donner d'elle au Seigneur
des enfants légitimes. Allez prendre pour votre femme
une prostituée, avait dit le Seigneur, et
ayez d'elle des enfants nés d'une prostituée[7]. Et Osée avait
épousé la Samarie. Allez, lui avait dit une seconde
fois le Seigneur, et aimez encore une femme adultère
et qui est aimée d'un autre que son mari[8]. Et Osée avait
épousé la Judée.
16. Allez, lui répondit Jésus,
appelez votre mari et venez ici.
17. La femme répliqua et dit : Je n'ai point de mari. Jésus ajouta : Vous avez bien dit : Je n'ai point de mari.
18. Car vous avez eu Cinq maris,
et celui que vous avez maintenant n'est pas votre mari ; en cela vous avez
dit vrai.
Parfaitement vrai, et si la Samaritaine avait
connu les six cruches de Kana, les cinq portiques de la Piscine de Siloé et les
cinq pains du miracle dit de la Multiplication, elle se fût épargnée l'affront
que Jésus lui a fait en constatant qu'après avoir eu cinq maris elle vit
concubinage avec un sixième individu.
Son premier mari s'appelle le
Cycle de la Balance.
Son second mari, le Cycle du
Scorpion.
Son troisième mari, le Cycle du
Sagittaire.
Son quatrième mari, le Cycle du
Capricorne.
Son cinquième mari, le Cycle du
Verseau.
Quel aurait dû être le sixième, si la Samaritaine n'était
pas allée chercher Pilatus au mois de nisan 788 ? Le Cycle du Zib personnifié dans le fils du Zibdéos. Quel mari
a-t-elle à présent ? Un des successeurs de Tibère. Elle est donc adultère
envers la Loi.
CHANGEMENT DU PROGRAMME ANNONCÉ À LA SAMARIE PAR L'APOCALYPSE.
Honteuse de sa dégradation, la Samaritaine montre à
Jésus la montagne du Garizim sur laquelle le christ lui avait donné un
rendez-vous où elle n'a pas voulu venir, sous le prétexte qu'il voulait
établir le siège du Royaume des Juifs sur la montagne de Sion et non sur
celle-là.
19. La femme lui dit : Seigneur, je vois que vous êtes vraiment prophète.
20. Nos
pères ont adoré sur cette montagne, et vous dîtes, vous, que Jérusalem est le
lieu où il faut adorer.
C'est en effet ce que Bar-Jehoudda disait en son
Apocalypse et avait dit pendant toute sa campagne. C'est sur Sion que
descendait le Fils de l'homme avec la milice céleste, c'est sur Sion que
reposait la Ville
d'or et de pierreries, c'est là que Bar-Jehoudda régnait pendant mille ans,
puis éternellement, avec la
Samaritaine, si elle eût voulu ! Mais ce sont de vieux
souvenirs que Jésus ne veut pas évoquer, ils sont trop cruels pour la mémoire
du christ ! Le Royaume est devenu Esprit, il s'est volatilisé.
21. Jésus lui dit : Femme, croyez-moi, vient une heure où vous n'adorerez le
Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem.
22. [Vous
adorez, vous, ce que vous ne connaissez point ; nous, nous adorons ce que
nous connaissons, parce que le salut vient des Juifs.
23. Mais
vient une heure, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le
Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père
cherche.
24. Dieu
est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité.]
Nous sommes à mille lieues de l'ancien programme ! La Samaritaine y ramène
Jésus ; ce n'est pas ainsi que parlaient Bar-Jehoudda et ses frères ; ce
n'est même pas ainsi que parlait Cérinthe.
25. La femme lui dit : Je sais que le Messie (c'est-à-dire
le Christ) vient ; lors donc qu'il sera venu,
il nous apprendra toutes choses.
26. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui vous parle.
La
Samaritaine n'en croit rien, mais elle se taira pour air e
comme les autres.
LE PAIN DU MOISSONNEUR.
La scène qui suit est imaginée pour répondre à une
objection tirée des Évangiles synoptisés. On a vu les disciples,
c'est-à-dire le christ et ses six frères, entrer dans une ville de Samarie
contrairement aux ordonnances de Jésus dans les Synoptisés,
ordonnances fabriquées après les désastreux événements de 788 ; il faut expliquer
cela par la nécessite où ils se seraient trouvés de chercher le manger de
leur maître.
27. En même temps ses disciples
vinrent, et ils s'étonnaient de ce qu'il parlait avec une femme ; néanmoins
aucun ne dit : Que lui demandez-vous, ou pourquoi
parlez-vous avec elle ?[9]
28. La femme donc laissa là sa
cruche[10], s'en alla dans
la ville et dit aux habitants ;
29. Venez,
voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; n'est-ce point le Christ ?
30. Ils sortirent donc de la
ville, et ils venaient à lui.
31. Cependant ses disciples le priaient, disant : Maître, mangez.
32. Mais il leur dit : Moi, j'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez
point.
33. Les disciples disaient alors
entre eus : Quelqu'un lui a-t-il apporté à
manger ?
34. Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a
envoyé, et d'accomplir son œuvre.
Jésus ne mange pas de pain terrestre, il est lui-même le
pain de la vie, comme il le montrera tout à l'heure. Et puis il n'a pas de
corps. Cela se trouve bien, cardans le cas contraire, il serait en opposition
flagrante avec ses ordonnances dans les Synoptisés, puisque non content
d'envoyer les disciples dans une ville samaritaine, il mangerait du pain de
Samarie.
C'est une réflexion qu'ils se font en eux-mêmes, mais
assez clairement pour que Jésus devine leur pensée. Ils en font une autre qui
touche de plus prés au fond de leur Apocalypse. Quatre ans séparent les sept
naziréés de la Grande
pâque où doit venir le Moissonneur de la terre, et cependant Jésus déclare à la Samaritaine qu'il ne
viendra pas à l'échéance. C'est dommage évidemment, parce qu'il ouvrait aux
christiens de magnifiques horizons. Sur la nuée,
dit le doux Bar-Jehoudda, était assis Quelqu'un
semblable à un fils d'homme ayant sur sa tête une couronne d'or et en sa main
une faux tranchante. Alors un ange lui cria d'une voix forte : Jette ta faux et moissonne ; car est venue l'heure de
moissonner, parce que la moisson de la terre est mûre[11].
35. Ne dites-vous pas
vous-mêmes : Il y a encore quatre mois et la moisson viendra.
Ici le mot mois est employé
dans le sens l'Agneau, conformément à
l'Apocalypse où nous avons trouvé plusieurs exemples de cette
équivalence[12].
Ce que Jésus veut dire, c'est qu'il y a encore quatre Agneaux, quatre
printemps, entre la pâque passée et la Grande Pâque :
Le mois de l'Agneau de 786,
Le mois de l'Agneau de 787,
Le mois de l'Agneau de 788,
Le mois de l'Agneau de 789.
On vient de voir que Bar-Jehoudda avait quarante-six ans à
la pâque de 785 et on sait qu'il en avait cinquante lorsqu'il a été crucifié.
Mais devenu Moissonneur financier, Jésus passe sans transition à ce nouveau
mode de récolte où Bar-Jehoudda et ses frères retrouvent tous les avantages
qui leur ont été enlevés par le Serpent-Chronos, auteur de la mort. Dans
l'ancienne révélation, quand le salut n'était qu'à eux, le blé de la moisson
n'était que pour eux. Aujourd'hui que le salut vient d'eux, le blé juif est à
vendre si le goy en offre un prix raisonnable.
... Mais
moi je vous dis maintenant : Levez les yeux et voyez les
champs, car ils blanchissent déjà pour la moisson.
38. Et
celui qui moissonne reçoit une récompense, et recueille du fruit pour la vie
éternelle, afin que celui qui sème se réjouisse aussi bien que celui qui
moissonne.
37. Car,
en ceci, ce qu'on dit est vrai : Autre est celui qui sème, et autre celui
qui moissonne.
38. Pour
moi, je vous ai envoyés moissonner où vous n'avez point travaillé ; d'autres
ont travaillé, et vous, vous êtes entrés dans leurs travaux.
C'est le cas. Bar-Jehoudda et les jehouddolâtres récoltent
ce qu'ils n'ont point semé, même ils récoltent dans le champ d'autrui. Mais
c'est justice, puisqu'ils sont de ces surjuifs qui échappent à la destinée
commune.
39. Or beaucoup de Samaritains
de cette ville crurent en lui, sur la parole de la femme qui avait rendu ce
témoignage : Il m'a dit tout ce que j'ai fait.
40. Lors donc que les
Samaritains furent venus à lui, ils le prièrent de demeurer en ce lieu, et il
y demeura deux jours.
41. Et beaucoup plus crurent en
lui, à cause de ses discours.
42. De sorte qu'ils disaient à
la femme : Maintenant ce n'est plus sur votre parole que nous croyons ;
nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui qui
est le sauveur du monde.
43. Ainsi après les deux jours
il partit de là et s'en alla en Galilée.
44. Car Jésus lui-même a rendu
ce témoignage qu'un prophète n'est point honoré dans sa patrie.
C'est en effet la leçon qui se dégage de l'aventure de
Bar-Jehoudda. Ce prophète n'a pas été apprécié à sa Juste valeur, ni ceux de
ses frères qui ont suivi le même chemin. L'Apocalypse les a conduits
au martyre, et ce qui est plus grave, elle y a conduit leur pays. On ne veut
pas dire que la Samarie
fût proprement la patrie de Bar Jehoudda. Sa patrie, ce n'est point Ephraïm,
c'est Juda d'où il vient être chassé.
UN CAS DE FIÈVRE QUARTE.
45. Quand il fut venu en
Galilée, les Galiléens l'accueillirent, parce qu'ils avaient vu tout ce qu'il
avait fait à Jérusalem pendant la fête[13], car ils étaient
venus, eux aussi, à la fête.
46. Il vint donc de nouveau à
Kana de Galilée, ou il avait ange l'eau en vin. Or il y avait un officier du roi dont le fils était malade à Capharnaüm.
Par un roi, on peut entendre deux personnes, soit celle
d'Hérode Antipas qui est appelé ainsi dans Mathieu, par exemple, soit celle
de l'Empereur. Nous n'avons d'autre roi que César,
diront tout à l'heure les Juifs de Jérusalem. Je pense toutefois qu'ici
l'Evangéliste veut parler d'Antipas et dissimule ainsi la haine dynastique
qui eût empêché Bar-Jehoudda d'entrer chez un Hérode autrement que pour le
tuer. Cette haine perce dans les Synoptisés où l'on coupe la tête du
Joannès par ordre d'Hérodiade ; elle sert à préparer cette décollation
artificielle. Mais Cérinthe ne décapite pas Joannès, il le crucifie comme
dans l'histoire, il ne fait aucune allusion à la carrière politique dont le
Guol-golta marque la fin.
47. Lorsque cet officier eut
appris que Jésus venait de Judée en Galilée, il alla vers lui, et le pria de
venir guérir son fils qui se mourait.
48. Jésus lui dit donc : Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne
croyez point.
49. L'officier lui dit : Seigneur, venez avant que mon fils meure.
50. Jésus lui répondit : Va, ton fils vit. Cet homme crut à la parole que
lui dit Jésus, et s'en alla.
51. Or, comme il s'en
retournait, ses serviteurs vinrent a sa rencontre, et lui annoncèrent que son
fils vivait.
52. Et il leur demandait à
quelle heure il s'était trouve mieux. Et ils lui dirent : Hier, à la septième heure, la fièvre l'a quitté.
53. Le père reconnut alors que
c'était l'heure à laquelle Jésus lui avait dit : Ton
fils vit, et il crut, lui et toute sa maison.
54. Ce fut là le second sèmeion que fit encore Jésus quand il fut
revenu de Judée en Galilée.
L'heure est tout dans ce sèmeion
miraculeux. Jésus qui a passé deux jours chez les Samaritains a passé le troisième
à Kana. A six heures du soir le quatrième a commencé. Or le soleil ayant été
créé ce jour-là, le Verbe fait une application presque immédiate de son pouvoir
curatif en versant un peu de fraîcheur nocturne au malade de Kapharnahum dont
la fièvre disparaît. Jésus a parlé à la première heure du quatrième jour[14] : à l'heure
correspondante le malade était guéri, sa fièvre était quartaine. Jésus la lui coupe dès la première
heure, il guérit au jour dît, non par ses soins, mais par sa parole.
Créateur, il est le médecin de ce qu'il a créé, si par la faute de la terre
ou du corps sa créature est en péril. Il est aussi le résurrecteur, il
n'attend qu'une occasion de le prouver, pourvu que le mort soit de sa famille
selon le monde. Eléazar la lui fournira. Que ce sémeion,
si faible en comparaison du premier, fût dans Cérinthe ou non, il est ancien
relativement à la version qu'on en donne dans Mathieu où le père du malade
est un centurion. Ici c'est simplement un serviteur du roi.
|