I. — LA DERNIÈRE PARTIE DES ACTES DES APÔTRES.
Fidèle à notre plan, nous avons fait passer l'histoire, du
moins le peu que l'Église nous en a laissé, avant la dernière partie des Actes
des Apôtres. Même mutilée, avons-nous dit, la Vérité
conserve encore assez de force pour anéantir le Mensonge triomphant.
Trois grandes intentions se dessinent dans les Actes. Tandis que Shehimon, au lieu
d'être crucifié sous Tibère Alexandre en 802, s'évade sous Agrippa Ier pour
aller fonder l'Église de Jésus-Christ à Rome
sous le nom de Pierre, Jacob, au lieu d'être crucifié avec Shehimon, demeure
à Jérusalem où il gouverne l'Église sous le nom de Jacques, et Saül, au lieu
de persécuter ces deux messieurs comme il a persécuté tous leurs frères,
évangélise les nations sous le nom de Paul et fonde toutes les Églises non
latines. Mais tout cet édifice croule si en 819 Saül guerroye encore contre
Ménahem, dernier frère du crucifié de Pilatus. Il y avait un moyen, c'était
de faire pour l'aventure de Saül avec Ménahem comme on avait fait pour la
crucifixion de Bar-Jehoudda : l'envelopper d'une confusion inextricable, la
placer sept ans en arrière, livrer Paul aux Romains dans Jérusalem même sous Félix,
le retenir en prison à Césarée jusqu'à l'arrivée de Festus, successeur de
celui-ci, et l'expédier à Néron avant l'arrivée d'Albinus, prédécesseur de
Florus.
L'Église a deux raisons et majeures pour qu'il en soit
ainsi : la première, c'est qu'elle veut en avoir fini avec les six frères de
Bar-Jehoudda avant le chrisme (sacre) de Ménahem sous Florus, dernier
procurateur de Judée ; la seconde, c'est qu'elle entend que, sous le nom de
Paul, Saül soit à Rome en 817, première date qu'elle ait adoptée pour le
martyre de Pierre sur le Janicule ou sur le Vatican au choix. Or, envoyé à
Corinthe après son aventure avec Ménahem et la mort de Gessius Florus, qui
sont des événements de 819, pour demander secours à Néron contre les
christiens qui achevaient de perdre leur patrie, Saül n'a pu arriver en
Italie avant la fin de cette année-là. Le prince Saül était allé libre à Rome
; Paul ira à Rome, prisonnier. Saül avait vécu dans le palais d'Agrippa,
peut-être même dans celui de l'empereur ; Paul, sans précisément vivre chez
Néron, aura une petite chambre en ville et fréquentera le personnel de la
maison de César avec lequel il aura des relations jehouddolâtriques. Saül
était allé de Césarée en Achaïe, d'Achaïe en Illyrie, et d'Illyrie à Rome ;
Paul ira de Césarée à Malte, de Malte en Campanie et de Campanie à Rome. Le
dernier voyage de Saül à Corinthe était postérieur au règne de Ménahem ; les
trois voyages de Paul à Corinthe seront antérieurs non seulement au règne de
Ménahem, mais même à la procurature de Félix. Cette mainmise de
l'Esprit-Saint sur Saül est préparée par les Actes dès le lendemain des troubles
d'Éphèse sous Claude : ces choses accomplies (les livres de magie brûlés en public) Paul se proposa en son esprit d'aller, après avoir traversé
la Macédoine
et l'Achaïe, à Jérusalem, disant : Après que j'aurai été là (Macédoine, Achaïe, Jérusalem), il faut aussi que j'aille à Rome[1].
Tel est le plan des faussaires et il rentre dans celui des
Lettres aux Corinthiens. Actes et
Lettres, tout est combiné pour que Paul quitte à jamais Corinthe avant que
Saül y retourne pour la troisième fois, de manière qu'à ceux qui auraient
percé cette imposture spéciale on répondit : Il se
peut que Saül ait été à Corinthe sous Néron et après la mort de Florus, mais
c'est sous Claude que Paul y est allé pour la dernière fois, et il y était
presque en même temps qu'Apollos, c'est-à-dire avant la procurature de Félix.
La preuve c'est qu'il y a rencontré Aquila et Priscilla qui venaient d'être
expulsés de Rome par Claude avec tous les Juifs qui habitaient la ville[2].
II. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XX.
Imposture n° 91. — LA
COLLECTE DE PAUL.
Ceci bien établi, revenons à cette inépuisable canal
d'impostures des Actes, auprès duquel le tonneau des Danaïdes n'est qu'un
tube de calibre inferieur. Nous avons laissé Paul jehouddolâtrisant Éphèse
chez le maître d'école Tyrannus, après l'émeute de 802 réprimée par Saül,
Démétrius et Tibère Alexandre.
Tandis que Saül retourne en Syrie avec Alexandre et
Démétrius, Paul, adoptant l'itinéraire indiqué par le Saint-Esprit[3], se dirige vers la Macédoine et
l'Achaïe d'où il s'embarquera pour la Syrie. Mais comme Saül a laissé le plus
déplorable souvenir parmi les christiens de Corinthe, Paul, pour éviter les
représailles qui menacent Saül par le chemin le plus court, va en Syrie par
le chemin le plus long et le plus contraire à sa destination ; il prend par la Macédoine et
par les côtes d'Asie.
1. Après que le tumulte eut
cessé, Paul ayant appelé les disciples et leur ayant fait une exhortation,
leur dit adieu, et partit pour aller en Macédoine.
2. Lorsqu'il eut parcouru ces
contrées et fait beaucoup d'exhortations, il vint en Grèce[4] ;
3. Où, après avoir séjourné
trois mois[5],
il résolut de s'en retourner par la Macédoine, les Juifs lui ayant dressé une
embuscade sur le chemin qu'il devait prendre pour se rendre par mer en Syrie.
4. Sopater, fils de Pyrrhus, de
Bérée, l'accompagna, de même qu'Aristarque et Secondus, Thessaloniciens ;
Gaïus, de Derbé, et Timothée ; Tychicus et Trophime, tous deux d'Asie[6].
Il est accompagné de sept païens convertis par l'Esprit :
on n'a pas trouvé un seul juif pour endosser ce faux témoignage sabbatique.
Parmi ces compagnons, le très excellent Théophile retrouve Gaïus et Aristarque,
rendus à la liberté par Saül, leur non-participation au tumulte d'Éphèse
ayant été démontrée par leur inexistence même.
Saül étant allé à Rome et ayant fini ses jours Espagne, on
a préparé l'hégire de Paul vers ces contrées occidentales par diverses
manœuvres, entre lesquelles brille la Lettre aux Romains dont l'auteur
se montre étonnamment zélé pour la cause de l'Église. On aurait pu se
dispenser de reconnaître dans ce faux que le christianisme était une chose
déjà vieille pour les Juifs de Rome au temps de Claude, une chose qui
remontait au père de Bar-Jehoudda, et qui depuis 772 avait ses martyrs dont
la foi était célèbre dans le monde. De mystérieux fourriers ont autrefois
précédé Paul avec des instructions et des lettres. Il se sent gênant et gêné
en Macédoine et en Achaïe : il n'a, dit-on, plus de place en ces contrées. On résume avec une brièveté
prudente la carrière qu'il a accomplie. Il a prêché le christ depuis
Jérusalem et la Judée
jusqu'en Illyrie où Saül est passé, allant à Rome, prenant
soin de ne point évangéliser là où le christ avait été proclamé (le Jourdain et la Bathanée) pour ne point bâtir sur la fondation d'autrui. Il
ira porter la jehouddolâtrie chez les Juifs de Rome, et de là, par leur
secours, il passera en Espagne. Quoique toute la race de David se soit
éteinte ou sur la croix au premier siècle ou dans la révolte de Bar-Kocheba
sous Hadrien, la promesse de Dieu ne fauldra point aux Juifs. S'ils n'ont pas
le Royaume tel que Bar-Jehoudda l'avait rêvé pour eux, ils l'auront tel
qu'ils peuvent l'édifier sur son cadavre.
Pour le moment — n'est-ce point une perspective qui met à
la bouche une eau plus suave encore que celle du baptême ? — Paul est obligé
d'aller en Judée porter la collecte qu'il a faite en Asie, en Macédoine et en
Grèce pour les Saints de Jérusalem : l'abondante
collecte, dit-on d'un air content du résultat. On conjure ses frères
romains de combattre avec lui et pour lui dans leurs
prières, afin qu'il soit sauvé des incrédules qui sont en Judée et que
l'argent dont il est chargé pour Jérusalem soit bien accueilli. Mais
il prend un chemin qui montre à quel point il aurait eu peur pour lui et pour
son argent, s'il avait fait une collecte en Asie, en Macédoine et en Achaïe.
En s'embarquant à Kenkhrées, il peut tomber sous les coups des ennemis de Saül
; en naviguant vers la Syrie,
c'est-à-dire vers Antioche, il peut succomber aux embûches des partisans de
Shehimon devant qui il n'était pas bon de passer avec de l'argent dans ses
poches. Évitant donc et Kenkhrées et Antioche, remonte vers la Macédoine pour
s'embarquer à Philippes, tournant ainsi le dos à sa destination. En effet, au
lieu d'aller de Grèce en Syrie et de Syrie en Judée, il va de Macédoine en
Troade, et n'arrive à Jérusalem qu'après avoir longé péniblement les côtes
d'Asie.
Imposture n° 92. — CÉLÉBRATION D'UNE CÈNE DE NUIT À TROAS LE DIMANCHE.
Cette imposture parait empruntée aux Voyages de Saülas,
car, outre les sept compagnons nommés plus haut, l'ancienne équipe de témoins
parmi lesquels se range l'auteur de ces Voyages reste un instant en Macédoine
et ne rejoint la nouvelle qu'en Troade. Titus Annœus Gallion, proconsul
d'Achaïe, et Barnabé faisaient partie de l'ancienne équipe au temps où fut fabriquée
la Lettre
aux Galates[7],
On les a cassés aux gages et remplacés par les sept païens susnommés :
5. Ceux-ci étant allés devant,
nous attendirent à Troas ;
6. Pour nous[8], après les jours
des azymes[9],
nous nous embarquâmes à Philippes, et en cinq jours nous les rejoignîmes à
Troas, où nous demeurâmes sept jours.
7. Le premier jour de la semaine[10], les disciples
étant assemblés pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain,
les entretenait, et il prolongea son discours jusqu'au milieu de la nuit.
8. Or il y avait beaucoup de
lampes dans le cénacle[11] où nous étions
rassemblés.
9. Et un jeune bomme du nom
d'Eutychus, qui était assis sur la fenêtre, était enseveli dans un profond
sommeil, car Paul parlait depuis longtemps, et entraîné par le sommeil, tomba
du troisième étage en bas, et fut relevé mort.
10. Paul étant descendu où il
était, s'étendit sur lui, et, l'ayant embrassé, dit : Ne vous troublez point, car son âme est en lui.
11. Puis étant remonté et ayant
rompu le pain et mangé, il leur parla encore beaucoup jusqu'au jour, et il
partit ainsi.
12. Or on ramena le jeune homme
vivant, et ils en furent grandement consolés.
C'est une résurrection due à la célébration de la Cène. Le miracle
a lieu non après trois jours comme la résurrection de Bar-Jehoudda, mais après
trois stages. Ce n'est pas sans raison que le ressuscite s'appelle Eutychus
et ne tombe ni du premier ni du second, Eutychus veut dire Fortune, appelé
ailleurs Fortunat, Au premier abord l'épisode de Troas a l'air de ne
consister qu'en ce miracle. Mais quand on observe les chiffres employés, on
voit que Paul a célébré la
Cène jehouddolâtrique le dimanche, comme si du temps de Saül
elle s'était déjà substitute a la pâque juive ; c'est le corps de
Bar-Jehoudda crucifié qui en est l'agneau. Or nous avons la preuve, et nous
la fournissons plus loin d'après les Actes eux-mêmes, que les
jehouddolâtres du second siècle célébraient ce repas le 14 nisan, veille de
la pâque juive, et non le premier jour de la semaine
ou dimanche qui tomba trois jours après la Pâque en l'année où Bar-Jehoudda mourut sur la
croix. Ce n'est donc pas après les jours des Azymes, autrement dits le
premier et le second de la semaine pascale (15
et 16 nisan), que Paul part de Philippes, c'est le 2.
Cinq jours s'écoulent qui sont employés à la traversée de
Philippes à Troas, nous voilà le 7. S'il en était autrement, et que Paul fut
parti de Philippes après les Azymes,
c'est à Philippes et non à Troas qu'il aurait célébré la Cène. Puisqu'il
la célébré à Troas, c’est qu'il a quitté Philippes avant les Azymes, et non après,
comme on le dit actuellement. Nous sommes matériellement sûr qu'on a touché
au texte primitif, car arrivé à Troas le 7, Paul attend encore sept grands
jours avant de rompre le pain dans les termes de la pâque angélique : Et Jésus prit le pain et le rompit. C'est donc bien
la nuit du 14 que Paul rompait le pain dans l'ancien texte, mais comme c’était
l'aveu formel que Bar-Jehoudda était en croix lorsque Jésus célèbre la pâque (le 15, par conséquent) dans les Evangiles
Synoptisés, comme cet aveu corroborait d'irréfragable façon ce fait irréfragablement
établi déjà dans le Quatrième Évangile et dans les Actes
eux-mêmes, on a remplace la malencontreuse date du mercredi 14 avant la pâque
par celle du dimanche 18 à laquelle s'attache l'idée commerciale de la résurrection,
Les lampes qu'on allume ici ne sont plus ni celles que Bar-Jehoudda et les
siens allumaient le 15 nisan pour la
Gene juive, ni même celles que les christiens d'Asie
allumaient le 14 pour honorer le roi-prophète en qui était l'espoir de la Revanche, ce sont
celles qui aux yeux de l'Église romaine ne pouvaient manquer d'éclairer la
chambre où étaient les onze Ap6tres lorsque, sous les espèces de Jésus,
Bar-Jehoudda leur apparait ressuscite.
La Gene
de Troas est une imposture décisive au point de vue chronologique de la
fabrication des Actes. Car, admit-on que les documents rapportés par
les Histoires de l'Église soient authentiques (et
elles sont d'une fausseté réjouissante), ces documents avouent que la
question de la date a laquelle il convenait de célébrer la pâque était encore
pendante a la fin du deuxième siècle : tous les christiens d'Asie tenaient
pour la date du 15 nisan qui est dans les Synoptisés parce qu'elle est
dans l'Apocalypse et par conséquent dans la Loi. Jusqu'à
la chute de Jérusalem en 823 tous les christiens Juifs ont fait la pâque le
15 nisan, non seulement parce qu'il en était ainsi, mais parce qu'il n'y
avait pas moyen de faire autrement. Quand après Hadrien, le Temple remplace
et la patrie perdue, ils en appelèrent de leur malheureuse destinée au prophète
de l'Eden millénaire, c'est le 14 nisan de chaque année qu'ils nourrissaient sous les espèces du pain rompu et
partage l'espérance de voir un jour la Grande pâque de la victoire et de revoir a
l'honneur, sous le harnois du Fils de l'homme, Roi des Rois et Maître de la
terre, celui qui avait été à la peine, la veille de l'échéance. Commémoratif
de la Pâque
manquée, ce repas marqua en même temps leur appel a Dieu et leur foi dans la
promesse. C'est le 14 nisan que Paul l'eût célébré à Troas et qu'il le célébrera
en mer dans la suite des Actes[12]. La Cène n'a pu être
placée le dimanche qu'après rupture complète avec la Loi telle que la
pratiquaient Jehoudda, fondateur de la secte christienne, et ses sept
Naziréens. La Cène
célébrée le dimanche après la pâque, c'est une chose dont aucun juif n'a pu
être témoin ou complice au temps de Saül et c'est bien pour cela qu'on n'a
mis autour de Paul que les païens convertis par l'Église au troisième siècle.
Les premiers jehouddolâtres ne s'entendirent pas tout
d'abord sur le jour où il convenait de se réunir pour commémorer le prophète.
Avant de choisir définitivement le premier jour de la semaine ou dimanche,
présenté par les fables comme étant celui où il ressuscite, beaucoup avaient
adopte le quatrième, comme étant celui où il avait été livre aux Romains[13], ce qui fixe une
fois de plus sa crucifixion au mercredi veille de la pâque, et ces réunions,
ils les tenaient soit après le coucher du soleil soit au lever de l'aurore,
dans une double intention à la fois commémorative et apocalyptique qui a échappé
aux exégètes.
Imposture n° 93. — LE DISCOURS DE PAUL À MILET.
13. Pour nous, montant sur le
vaisseau, nous naviguâmes vers Asson, où nous devions reprendre Paul, car il
l'avait ainsi dispose, devant lui-même aller par terre.
14. Lors donc qu'il nous eut
rejoint à Asson, nous le reprîmes, et nous vînmes à Mytilène.
15. Et de là, naviguant, nous arrivâmes
le jour suivant devant Chio ; le lendemain nous abordâmes à Samos, elle jour
d'après nous vînmes à Milet ;
16. Car Paul s'était propose de
passer Ephèse sans y prendre terre, de peur d'éprouver quelque retard en
Asie. Car il se hâtait, afin d'être, s'il lui eût été possible, le jour de la Pentecôte à Jérusalem.
Pour commémorer la venue du Saint-Esprit dont Paul a
maintenant sa grande part, l'Église substitue la fête du Saint-Esprit à la Pentecôte juive
dont elle respecte la date, et elle n'est pas fâchée de laisser croire au très
excellent Théophile qu'elle se célébrait déjà dans l'Église de Jérusalem. Il
est d'ailleurs possible que la présence de Saül à Jérusalem pendant la Pentecôte de
819 ait été marquée par quelque aventure avec les christiens de Ménahem (Ménahem s'est fait roi quelques semaines après
cette fête). Saül n'étant jamais revenu dans Éphèse après 802, le
faussaire n'a pas eu l'idée d'y ramener Paul, et c'est une maladresse, car
Paul n'a que les raisons pour entrer dans cette ville d'où il est parti quand
il lui a plu, après trois ans d'un séjour dans lequel, au milieu des pires émeutes,
il n'a trouvé que la douce hospitalité de Tyrannus et le ferme appui des
asiarques[14].
C'est donc à Éphèse qu'il devrait prononcer le discours de Milet, mais il ne
s'appartient pas, est au pouvoir de l'Esprit, il est même lie d'un lien que
nous ne voyons pas.
17. Or, de Milet envoyant à
Éphèse, il appela les anciens de l'Église.
18. Et lorsqu'ils furent venus près
de lui, et qu'ils étaient ensembles, il leur dit : Vous
savez comment, dès le premier jour où je suis entré en Asie, j'ai été en tout
temps avec vous,
19. Servant
le Seigneur en toute humilité, au milieu des mers et des épreuves qui me sont
survenues par les trames des Juifs ;
20. Comment
je ne vous ai célé aucune des choses utiles, que rien ne m'a empêché de vous
les annoncer, et de vous enseigner publiquement et dans les maisons,
21. Prêchant
aux Juifs et aux Gentils la pénitence envers Dieu et la foi en Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
22. Et
maintenant voilà que, lié par l'Esprit, je m'en vais à Jérusalem, ignorant ce
qui doit m'y arriver[15] :
23. Si ce n'est que, dans toutes les villes, l'Esprit-Saint m'atteste que des
chaînes et des tribulations m'attendent à Jérusalem.
24. Mais
je ne crains rien de ces choses, et je ne regarde pas ma vie comme plus précieuse
que moi, pourvu que j'accomplisse ma course et le ministère que j'ai reçu du
Seigneur Jésus, de rendre témoignage à l'Evangile de la grâce de Dieu.
25. Et
maintenant, voilà, je sais que vous ne verrez plus mon visage, vous tous au
milieu desquels j'ai passé, annonçant le Royaume de Dieu.
26. C'est pourquoi je vous prends aujourd'hui à témoins que je
suis pur du sang de vous tous.
27. Car
je ne me suis point refusé à vous annoncer tous les desseins de Dieu.
Le faussaire répète ce qu'il a dit de Paul à Corinthe,
qu'il est pur du sang verse par Saül. En même temps, lie par le Saint-Esprit,
— avant cela il n'était encore que mû[16], — il prépare le
très excellent Théophile a la fantastique imposture des emprisonnements de
Paul.
28. Soyez
donc attentifs et à vous et à tout le troupeau sur lequel Dieu vous a établis
évêques, pour gouverner l'Église de Dieu qu'il a acquise par son sang.
29. Car
moi je sais qu'après mon départ s'introduiront parmi vous des loups
ravissants, qui n'épargneront point le troupeau[17] :
30. Et
que, d'au milieu de vous-mêmes, s'élèveront des hommes qui enseigneront des
choses perverses, afin d'attirer les disciples après eux[18].
31. C'est pourquoi, veillez, retenant en votre mémoire que pendant
trois ans[19] je n'ai cessé d'avertir avec larmes chacun de vous.
32. Et maintenant, je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce, à celui qui
est puissant pour édifier, et pour donner un héritage parmi tous les
sanctifiés[20].
33. Je
n'ai convoité ni l'or, ni l'argent, ni le vêtement de personne[21], comme
34. Vous
le savez vous-même ; parce que, à l'égard des choses dont moi et ceux qui
sont avec moi avions besoin, ces mains y ont pourvu.
35. Je
vous ai montre en tout que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les
faibles[22]
et se souvenir de la Parole du Seigneur Jésus
; car c'est lui-même qui a dit : il est plus heureux de donner que de recevoir[23].
36. Lorsqu'il eut dit ces choses,
il se mit à genoux, et pris avec eux tous.
37. Et il y eut de grands pleurs parmi eux tous, et se Jetant au cou de
Paul, ils le baisaient,
38. Affligés surtout de la
parole qu'il avait dite, qu'ils ne devaient plus revoir son visage. Et ils le
conduisirent jusqu'au vaisseau.
Saül n'est donc plus retourne en Asie[24] et Paul n'est
pas responsable du sang que le persécuteur a versé dans Éphèse. De plus, si
l'on s'étonne qu'après la prédication de Paul les Églises d'Asie se soient
toutes trouvées nicolaïtes ou millénaristes au second siècle, c'est qu'elles
se seront perverties. Mais il appert bien de ce discours que dès le premier siècle,
elles avaient reçu l'enseignement spirituel, qu'elles n'attendaient plus le
Royaume des Juifs et s'en tenaient à la résurrection de Bar-Jehoudda comme
unique gage de salut. Voilà le but poursuivi par l'auteur des Actes a cet
endroit.
III. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XXI.
Imposture n° 94. — DISSIMULATION DE LA MISSION DE SAUL À
ANTIOCHE.
1. Or il arriva qu'ayant fait
voile, après nous être arrachés d'eux, nous vînmes droit à Cos, et le jour
suivant à Rhodes, et de là à Patare.
2. Et ayant rencontré un vaisseau
qui allait en Phénicie, nous y montâmes, et mîmes a la voile.
3. Quand nous fumes en vue de
Chypre, la laissant à gauche, nous naviguâmes vers la Syrie et vînmes à Tyr, car
c'est là que le vaisseau devait déposer sa charge.
4. Or, y ayant trouve les
disciples, nous y demeurâmes sept jours : et les disciples disaient, par l'Esprit-Saint,
à Paul de ne point monter a Jérusalem.
Oui, très excellent Théophile, il est bien vrai qu'après
les événements d'Ephèse, Saül est venu à Tyr, mais remarque-le bien par l'itinéraire
de Paul, il ne s'est point arrêté à Antioche, et il ne s'y arrêtera plus. On
te montrera certaine Lettre aux Galates dans laquelle Saül déclare
être venu à Antioche en 802 quatorze ans après son expédition de Damas, et y
avoir trouve Pierre mangeant avec les païens, ce qui a été cause d'une grande
dispute entre l'apôtre de la circoncision et celui des Gentils, mais
n'attache aucune importance à ce document qui n'a pas été revu et corrige en
temps utile par le Saint-Esprit, chasse-le de ta mémoire et garde-toi de le
soumettre aux règles ordinaires de la critique !
5. Et ces jours écoulés, nous partîmes,
et ils vinrent tous, avec leurs femmes et leurs enfants, nous conduire jusque
vers de la ville ; et nous étant agenouillés sur le rivage, nous priâmes.
6. Et après nous être dit adieu
les uns aux autres, nous montâmes sur le vaisseau, et ils s'en retournèrent
chez eux.
7. Pour nous, terminant notre
navigation de Tyr, nous descendîmes à Ptolémaïs, et les frères salues, nous
demeurâmes un jour avec eux.
Vois, très excellent Théophile, combien Paul était aimé dans
ces villes de Tyr et de Ptolémaïs ! Comment veut-on que Saül ait persécuté
Shehimon, Jacob et Ménahem dans ces villes ou les disciples, leurs femmes et
leurs enfants, ne pouvaient s'arracher à la douce étreinte de Paul ?
Imposture n° 95. — PAUL CHEZ PHILIPPE L'ÉVANGÉLISTE.
8. Le lendemain, étant partis,
nous vînmes à Césarée ; et, entrant dans la maison de Philippe l'Evangéliste,
qui était un des Sept[25], nous demeurâmes
chez lui.
9. Il avait quatre filles
vierges qui prophétisaient.
Des sept fils de Jehoudda, des sept démons de Maria Magdaléenne
il n'y avait que Philippe avec qui l'Esprit Saint n'eut pas réconcilié Saül
avant son départ pour l'Italie. On l'avait réconcilié avec l'aîné, le Joannès,
dans la Lettre
aux Galates[26],
mais c'était un regrettable excès de zèle, puisque dans le dispositif des Actes
Joannès, sous le nom de Jésus, est au ciel depuis le consulat des deux
Geminus. On l'avait réconcilié avec Shehimon[27], avec Jacob
senior[28], avec Jehoudda Toâmin[29], avec Ménahem[30], mais on avait
totalement oublie de le présenter à Philippe, surnomme l'Evangéliste pour
avoir transmis les Paroles du Rabbi. Or Philippe était le plus
important des sept au point de vue de la tradition dogmatique et il était
mort, on ne sait ni quand ni comment, à Hiérapolis de Phrygie, dit-on, après
avoir marié ses filles à des Juifs qui peut-être ont produit Papias[31]. On pouvait
donc, puisque Saül était mort aussi, lui présenter à Césarée un nomme Paul
qui venait de célébrer la messe à Troas le dimanche, deux cents ans avant l'invention
de l'Eucharistie. Philippe, à supposer qu'il vécut encore, n'habitait certainement
pas Césarée de la mer, siège de la procurature romaine sous Pilatus, qui
avait crucifié Bar-Jehoudda, sous Fadus, lui avait décapité Theudas, sous
Tibère Alexandre, qui av ait crucifie Shehimon et Jacob, et sous Félix, qui
avait nourri des projets non moins homicides contre Philippe, Jehoudda Toâmin
et Ménahem.
Saül ne venait pas précisément de chez Philippe, lorsqu'il
se trouva dans Jérusalem expose aux représailles des jehouddistes et des apolloniens.
Nous aimons croire que, s'il était passé la veille par Césarée, Paul, citoyen
romain, au lieu de descendre chez un des frères de Bar-Jehoudda, serait au
moins descendu chez Corpus, le centurion qui, baptisé par Pierre depuis
longtemps, détenait dans Césarée le record de l'Esprit-Saint. D'autant plus
qu'on a quelque chose de très important à lui demander dans cette demeure
hospitalière : on désire savoir pourquoi dans la Lettre aux Galates,
Paul reproche à Pierre de violer pour la première fois en 802 le traité par
lequel il s'est engage à pas évangéliser hors de la circoncision, alors que,
quatorze ans auparavant, Pierre a couché, mangé, baptisé chez Cornelius dans
Césarée[32].
On peut être également certain par l'insistance des Actes
à les déclarer vierges, que les quatre filles de Philippe, à ne lui supposer
que ces enfants, ont été mariées et qu'elles ont fait souche d'évangélistes,
non de ceux qui comme Philippe, Toâmin et Mathias-bar-Toâmin ont transmis les
Paroles du Rabbi, mais de ces scribes mystérieux dont personne ne
percera plus l'anonymat et qui ont bâti les premières fables
jehouddolâtriques. Ce n'est pas sans raison que la tradition fait mourir
Philippe à Hiérapolis de Phrygie au milieu de ses enfants, et qu'un siècle après,
Papias, un arrière-petit-fils sans doute, chef des millénaristes du lieu, commente
l'Apocalypse de son ancêtre.
Imposture n° 96. — LA
CEINTURE DU PROPHÈTE AGABUS.
10. Et comme nous y demeurâmes
quelques jours, il arriva de Judée un prophète nommé Agabus.
11. Or, étant venu nous voir, il
prit la ceinture de Paul, et, se liant les pieds et les mains, il dit : Voici
ce que dit l'Esprit-Saint : L'homme à qui est cette
ceinture, les Juifs le lieront ainsi[33] a Jérusalem et ils le livreront entre les mains des
Gentils.
12. Ce qu'ayant entendu, nous
conjurions Paul, nous et ceux qui étaient en cet endroit, de ne point monter
à Jérusalem.
13. Alors Paul répondit et dit :
Que faites-vous, pleurant et affligeant mon cœur ?
Car moi, je suis prêt, non-seulement à être lié, mais à mourir à Jérusalem
pour le nom du Seigneur Jésus.
14. Mais ne pouvant le
persuader, nous nous tînmes en repos, disant : Que
la volonté du Seigneur soit faite.
Eh ! bien oui, si l'Esprit-Saint le commandait, Paul n'hésiterait
pas à être martyr dans Jérusalem, mais l'Esprit-Saint en a dispose autrement,
non certes à cause de l'histoire (il est
incapable de cette faiblesse), mais à cause de la Lettre de Paul
aux Romains. Saül est allé à Rome, il faut que Paul y aille aussi. La
seule différence est que, mû depuis
Éphèse, lié depuis Milet, Saül est au
pouvoir de l'Esprit menteur. Il semble au premier abord qu'Agabus ait eu tort
de se déranger ; les quatre prophétesses vierges, issues de Philippe,
devraient amplement suffire à renseigner Paul sur le sort qui l'attend. Mais
l'Église ayant décidé de prolonger jusqu'en 817 les jours de Jacques, comme
elle a prolongé ceux de Pierre jusqu'en 819, c'est Agabus qui possède l'Esprit
dans lequel Paul doit aller à Jérusalem.
Qu'est-ce donc que cet Agabus dont nous avons apprécié
déjà le pouvoir prophétique à l'occasion de la famine de Judée[34] ? Jacques
lui-même, Jacobus devenu le rempart de la foi à Jérusalem, où il meurt pape
des Circoncis sous Albinus[35]. Mais comment négocier
la rentrée en grâce de Saül avec ce personnage peu abordable ? Par la collecte.
On n'a pas trouvé d'autre moyen, et celui-là était excellent, car il
contenait un exemple. Dans une religion où tout se vend, particulièrement le
salut, le moyen paraîtra tout naturel. Jacques va donc au devant de Saül jusqu'à
Césarée où, pénétrant chez son frère Philippe qu'on a posté là tout exprès,
il use sur le prince hérodien du pouvoir d'exorcisme qui appartient en propre
à son corps davidique[36]. Car tu ne dois
point l'oublier, très excellent Théophile, Jacques sans être l'aîné, ni même
le cadet, vient immédiatement après Pierre dans l'ordre des fils de Jehoudda.
Par son père et par sa mère, il est prince du sang de David. Cela ne va point
sans quelque privilège attache a sa chair. Son corps est tout aussi adorable
que celui de Pierre, devant qui tu as vu le centurion Cornelius prosterne le
front dans la poussière. On ne peut montrer Saül s'acquittant de cette
adoration, parce que Jacques se présente ici sous le nom anodin d'Agabus,
mais cela n'enlève rien à la divine essence de Jacques, il est consubstantiel
au Père dans toute la mesure laissée libre par son frère aîné et les cinq
autres. Son corps a donc le pouvoir de lier et délier.
Vous avez vu ce qu'a fait Agabus. Il a pris la zoné, la ceinture de Saül, — car c’est bien Saül
qu'on a en vue, — il s'en est lie les mains et les pieds, et il la lui a
rendue ; Saül l'a remise et dès ce moment le voilà enzôné par Jacques[37]. C'est pis que
de l'envoutement, c’est de l'enzônement. Désormais Paul ne fera plus rien que
par la vertu de la ceinture qui, en touchant le corps de Jacques, s'est imprégnée
de celui de Bar-Jehoudda. La chair et le sang hérodien de Saül sont sous l'action
de la chair et du sang davidiques. En revanche il exerce le même empire sur
ceux à qui il va avoir affaire. Je vous en prie, mettez-vous bien cet enzônement
dans la tête, car tout dépend maintenant de la ceinture du frère Jacques. Elle
a rendu Saül méconnaissable dans Paul.
Imposture n° 97. — PAUL CHEZ MNASON LE CHYPRIOTE.
Une fois dans la ceinture du frère Jacques, Paul a pris
les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de la prophétie d'Agabus, il
s'est déclaré prêt à mourir pour Bar-Jehoudda. Cela signifie qu'il est
certain d'échapper !
Une telle soif du martyre l'honore extrêmement, quoi qu'elle
contraste avec sa prudence dans Éphèse. Philippe ne songe pas à partager ses périls,
mais il juge bon de le faire accompagner par des disciples de Césarée qui ont
des connaissances à Jérusalem. Ils le conduisent chez un certain Mnason,
chypriote, disciple ancien, dans la maison de qui tous logeront, car il n'est
pas convenable que, la ceinture du frère Jacques tour des reins, Paul habite
avec le fils, le frère et la belle-sœur de Saül, dans le palais d'Hérode
Agrippa, deuxième du nom. Le très excellent Théophile n'apprécierait pas
cette combinaison.
15. Après ces jours, ayant fait
nos préparatifs, nous partîmes pour Jérusalem.
16.
Or avec nous vinrent aussi
quelques disciples de Césarée, amenant avec eux un certain Mnason, de
Chypre, ancien disciple, chez qui nous devions loger.
17. Quand nous fumes arrives a
Jérusalem, les frères nous reçurent avec joie.
Cependant Jacques, prompt à se formaliser, ne devait pas
être content, car Paul était descendu chez Pierre en 789 et il avait vu
Jacques, il y avait même vu le Joannès, en 802[38]. Mais loger chez
Mnason quand on peut loger chez Jacques et qu'à Césarée on a loge chez
Philippe ! C'est vouloir sortir de la famille du Juif consubstantiel au Père
!
Si Jacob n'est pas mort, d'ou vient que, muri par
l'apostolat, glorifie par les épreuves, enrichi par sa collecte et tout chaud
encore de l'hospitalité reçue chez Philippe a Césarée, Paul ne descend pas
chez lui, puisque Jacques est cher de 1'Église a la place de Pierre ? D'ou
vient qu'il descend chez un simple presbytre, le chypriote Mnason que ce nom
seul rend suspect d'hellénisme ? D'ou vient aussi qu'il élut domicile chez
cet étranger, alors que, de l'aveu même des Actes, Saül a de la
famille dans Jérusalem, une sœur, un beau-frère, un neveu ? C'est que Mnason
est de la véritable famille de Paul ; il est inexistant lui aussi. Dans ces
conditions quel peut être le danger qui menace Paul ? On n'en voit aucun, il
est accompagne de gens qui ne craignent rien pour eux mêmes, a qui il n'arrivera
rien et qui prennent logement chez un homme à qui il n'arrivera rien non
plus.
Imposture n° 98. — LE REVENANT DE SAÜL DEVANT LE REVENANT DE JACOB SÉNIOR.
Paul répand la joie parmi les frères : donc il a l'argent
de la collecte ! Sinon la tristesse et la déception se seraient lues sur tous
les visages. Le lendemain, il se rend chez Jacques, le chef de l'Église ; il
a encore l'argent, sinon il ne se serait même pas présenté. Il est accueilli
comme une puissance, et en effet, c’est une puissance. C'est même une
puissance de grand chemin, on le reçoit comme une diligence. Il a des bagages
tout pleins des drachmes de Corinthe et de Kenkhrées, des mines de Thessalonique
et de Bérée, des talents d'Ephèse et de Galatie. Il a de l'or, de l'argent,
peu de cuivre, le montant entier de la grande collecte qui dure depuis trois
ans, tout le budget du salut et de la vie éternelle levé sur les fideles et
remboursable au centuple le jour du jugement.
18. Le jour suivant,
Paul entrait avec nous chez Jacques, et tous les anciens s'assemblèrent,
19. Après les avoir salués, il
racontait en détail ce que avait fait pour les Gentils par son ministère.
20. Or eux, l'ayant entendu, glorifiaient
Dieu ; et ils lui dirent : Tu vois, mon frère,
combien de milliers de Juifs ont cru ; cependant tous sont Zélateurs de la
Loi[39].
Aucune défection parmi les Kannaïtes et les Sicaires, le
faussaire est obligé de le constater. Shehimon et Jacob senior n'ont tenu
aucun concile, ils n'ont rédigé aucun canon. Shehimon n'est point allé chez
Cornelius, aucun Paul ne l'a vu manger dans Antioche avec les païens, et
pourtant nous sommes en 812, il s'est écoulé dix années depuis la Lettre aux
Galates ! Paul comparait devant Jacob, frère puiné du Nazir, et devant
les anciens du naziréat, tous consacrés à la Loi. Le faussaire fait
croire tout ce qu'il veut au très excellent Théophile, l'un et l'autre sont
des aigrefins de Rome ; mais il y a là-bas, en Terre Sainte, des gens qui protesteront
si on ne les ménage, ce sont les disciples de Jehoudda et de ses fils restés
sous la Loi après
823. Puisque nous ne sommes encore qu'en 812, ils tiennent que la
circoncision est le péage du salut. Ils observent scrupuleusement le sabbat,
les fêtes et les sacrifices sanglants, juifs de mœurs, juifs de rites et
encore plus d'idées, à supposer qu'ils aient des idées. Je ne crains rien
pour les compagnons de Paul, qui, n'étant pas liés, s'échapperont, mais je
crains beaucoup pour le revenant de Saül, car plus il se rapproche du Temple et
plus il rentre dans la peau qu'il avait avant que Jésus ne lui remit
l'oreille droite. Je n'augure rien de bon de sa présence au milieu des
Naziréens et des Sicaires.
Car enfin le voilà devant le revenant de Jacques qui n'est
pas encore lapide et ne le sera que sous Albinus, mais qui, crucifie en 802,
git au fond de quelque Guol-golta ou de quelque Machéron, et Jacques est le frère
de celui que Saül a lapide en 787 ! II est impossible que tout cela finisse bien.
Cependant, corn me la première chose que Jacques aperçoive sur le corps de
Paul, c’est sa ceinture, il feindra de ne pas reconnaître Saül, qui de son
côté feindra d'avoir été bien avec Jacob.
Ce Jacques chez qui se tient le synode, était, dit le Saint-Siège, Jacques
le Mineur, frère de Saint-Jean l'Evangéliste et évêque de Jérusalem. Hélas
! non, Jacob junior est déjà mort trois fois, une fois dans l'Evangile de Luc
où d'ailleurs il ressuscite[40], et deux fois dans
les Actes, la première lapide par Saül, sous le nom de Stéphanos, la
seconde décapité par Agrippa Ier. Ce Jacques était frère
de Joannès disent les Actes eux-mêmes, mais puisque le Saint-Siège
ici fait ce Joannès auteur du Quatrième Evangile et fils de Zibdéos,
nous sommes en droit de lui demander quel est le Jacques qui a été jadis décapité
par Agrippa Ier ? C'est Jacques le Majeur,
dit le Saint-Siège. Alors qui est Jacques le Majeur ? Le frère du Seigneur, répond la Lettre aux Galates.
Le frère de Joannès, disent les Actes.
Donc Joannès et le Seigneur sont un seul et même homme. Dans un instant
Jacques lui-même va nous dire qu'il est le Majeur. Que pense le Saint-Siège
de tout ceci ? Que Jacques le Majeur est seulement le cousin du Seigneur. Mais alors pourquoi la Lettre aux
Corinthiens dit-elle de lui qu'il est son frère ?[41]
Paul est donc bien devant Jacques le Majeur, et même je
lui reproche d'être si peu ému en sa présence qu'il oublie de se jeter a ses
pieds pour l'adorer, comme doit faire un romain devant un juif et comme
Cornelius fait a Pierre. Mais insensible a ce manque d'égards Jacques
s'attend a tout depuis qu'il a lu les Lettres de Paul, et continuant :
21. Or ils ont ouï dire de toi
que tu enseignes aux Juifs, qui sont parmi les Gentils, d'abandonner Moïse,
disant qu'ils ne doivent point circoncire leurs fils, ni marcher selon les
coutumes.
C'est, en effet, la thèse des Lettres de Paul, de la Lettre aux
Galates surtout, elles n'ont été faites que pour cela. On ne se rappelle
plus la circoncision pénale de Timothée, et on oublie que Paul, s'il
existait, pourrait répondre : Qu'est-ce vous me
chantez la ? Est-ce que nous ne sommes pas d'accord depuis le dernier Concile
? Est-ce qu'on ne peut pas être sauve sans être circoncis ? Je viens de célébrer
la messe à Troas, deux cents ans avant l'institution de cette cérémonie sacrée,
et vous n'êtes pas encore contents ? Mais lié par l'Esprit et la
ceinture, il ne bronche pas. Il bronche d'autant moins que Jacques l'accuse
non plus d'avoir conseillé aux Gentils de ne pas se faire circoncire, mais
aux Juifs de renoncer à la circoncision. Jacques pourrait ajouter : Tu les menaces
même de la mort éternelle s'ils passent
outre[42].
C'est un crime d'un nouveau genre, et comment l'en laver ? A Jacques de
trouver l'expédient ; c'est sa ceinture qui le lui dicte.
Imposture n° 99. — PAUL CONFONDU AVEC LES NAZIRÉENS.
22. Que faire donc ? Certainement la multitude devra s'assembler, car
ils apprendront que tu es arrivé[43].
23. Fais donc ce que nous te
disons : Nous avons ici quatre hommes qui sont liés
par un vœu[44],
24. Prends-les
avec toi, purifie-toi avec eux, et paie pour eux afin qu'ils se rasent la tête,
et tous sauront que ce qu'ils 0nt entendu dire de toi est faux ; mais que toi
aussi lu Marches observant la
Loi.
25. Quant
à ceux qui ont cru d'entre les Gentils, nous avons écrit qu'ils devaient
s'abstenir de ce qui a été immolé aux idoles, du sang des animaux étouffés et
de la fornication.
Telle est la renommée des disciples de Jacob à Jérusalem
que, s'il se trouve des témoins qui aient vu Paul avec quatre Naziréens
authentiques, Saül pourra passer pour être devenu un de leurs chefs sur ses
vieux jours. C'est à quoi l'Esprit va procéder.
On voit où tendent ici les Actes. Ce n'est plus après
avoir accompli un vœu de naziréat hérodien avec Bérénice à la Pentecôte de
819 que Saül a failli être victime des Sicaires, c'est pour en avoir accompli
un sur l'ordre de Jacob, frère du christ. De la a dire ensuite qu'il était de
la même secte que les Naziréens, Ebionites ou Jesséens, il n'y a qu'un pas et
on est résolu à le franchir. Le scribe va dire tout à l'heure qu'après cet
acte Paul a passe pour être chef de la secte des Naziréens. Inversement, Jacques,
ressuscite pour la circonstance, au lieu d'attaquer Saül dans le Temple et
dans le palais d'Hérode par la main de Ménahem, vit paisible et honore dans
Jérusalem où il ne s'occupe que des matières de la religion judaïque,
circoncision, viandes immolées aux idoles, sang verse, bêtes étouffées et
paillardise, comme il l'a montré dans les canons du précédent Concile. Car
c'est bien le même Jacques qui est censé parler, et il donne lui-même la
preuve de cette identité, en rappelant le mandement qu'il a envoyé à l'Église
d'Antioche touchant l'observation des coutumes. Le Saint-Esprit lui conseille
de ne pas rappeler que l'Apôtre Paul est avec Saülas un des porteurs de ce
mandement[45].
Et d'ailleurs il ménage à Paul un tour de sa façon, puisqu'il est sous le nom
de Jacques l'exécuteur de la prophétie qu'il lui a faite sous celui d'Agabus.
On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Au point de docilité posthume où il en est dans le milieu
du troisième siècle, Saül consent à tout ce que la ceinture du frère Jacques
exige de Paul. Il se prépare à la cérémonie et se consacre avec les quatre
Naziréens Jacobites qui, de leur côté, en raison de circonstances aussi peu
gênantes pour leurs mânes, consentent à se montrer dans le Temple avec un
prince hérodien, pupille de Rome, persécuteur de leur secte et bourreau de
leurs apôtres. C'est que sur son corps enzôné ils ont reconnu la ceinture de
leur maître, et par là ils se trouvent liés, eux aussi !
Imposture n° 100. — LE COUP DU FRÈRE JACQUES.
26. Alors Paul ayant pris ces
hommes, et s'étant le lendemain purifié avec eux, entra dans le Temple, indiquant
les jours où s'accomplirait la purification, et quand l'offrande serait
présentée pour chacun d'eux.
27. Mais comme les sept jours
s'écoulaient, les Juifs d'Asie l'ayant vu dans le Temple émurent tout le
peuple, et mirent la main sur lui, criant :
28. Hommes
d'Israël, au secours ! Voici l'homme qui enseigne partout contre le peuple,
contre la Loi,
et contre ce lieu ; et qui de plus a introduit des Gentils dans le Temple, et
a ainsi violé le saint lieu.
29. Ils avaient vu, en effet,
Trophime, d'Ephèse, dans la ville avec Paul, et ils pensèrent que Paul
l'avait introduit dans le Temple.
Si nous n'entendions pas rire le très excellent Théophile,
nous serions fort inquiets pour Paul, contre qui les Zélateurs de la Loi relèvent ici le même
grief que contre Saül, celui d'avoir introduit des païens dans le sanctuaire.
Et nous accuserions Jacques de la plus ignoble trahison, car il n'envoie Paul
au Temple que pour le faire arrêter par les Juifs d'Asie qui, sous le masque
de Trophime, ont reconnu Tyrannus, préteur d'Éphèse au temps ou Saül opérait
dans cette ville contre Shehimon et Jacob senior[46]. Mais par
bonheur pour Saül Jacques n'est que le revenant de Jacob et en même temps
qu'il fait arrêter Paul, il lot garantit la vie sauve, car il l'inscrit au
milieu de quatre Naziréens disposes en croix et qui le gardent aux quatre
points cardinaux, comme les quatre escouades de quatre hommes gardent Pierre
dans sa prison de la tour Antonia[47]. Ces Naziréens
ont eux-mêmes la croix tatouée sur leur bras droit comme feu Bar-Jehoudda.
En outre le revenant de Saül est sous la puissance du chiffre
sabbatique assigne a sa purification, et contre la coutume, car en cas de
naziréat ordinaire il ne fallait pas prier moins de trente jours avant de
pouvoir offrir le sacrifice libératoire ![48] Mais ici il y a
sept jours d'offrande, partant d'expiation, et vous connaissez assez l'Esprit-Saint
contenu dans la ceinture du frère Jacques pour savoir qu'ayant à expier les
crimes de Saül envers la progéniture mâle de Jehoudda, Paul ne peut rien
faire à moins de sept sacrifices, un pour Jacob junior lapidé en 787, un pour
Jehoudda senior, le roi-christ de 788, deux pour Shehimon et Jacob, crucifiés
en 802, deux pour Philippe et pour Jehoudda Toâmin Évangélistes, un pour
Ménahem, le roi-christ de 819. Rien pour Apollos, ce vil intrigant qui
n'appartenait pas à la famille de David. Et puis Apollos ferait un huitième échelon
qui dérangerait tout le calcul, car il n'y eut que sept démons dans les entrailles
de Maria Magdaléenne, et il n'y a lue sept ans pour aller de 812, date a laquelle
l'Esprit a reporté ces évènements, jusqu'a S19, date à laquelle ils se sont
passés. Ce sont des riens, mais ils amusent le très excellent Théophile.
L'Esprit ne veut pas la mort de Paul, puisqu'après ses
aventures avec les christiens Saül est allé à Rome, il veut simplement qu'il
soit lié, matériellement lié selon la prophétie d'Agabus. Ici il n'est encore
qu'arrêté, grâce à la complicité des quatre Naziréens de Jacques, mais tout
permet de croire qu'il portera bientôt des chaînes, car tous ceux qui
pourraient le défendre, tous ses compagnons, y compris Trophime l'éphésien,
cause innocente du malentendu, et tous les anciens de l'Église, y compris
Jacques, disparaissent, enlevés par l'Esprit comme fut Philippe sur la route
de Gaza lorsqu'il eut baptisé l'eunuque de la reine d'Éthiopie[49]. Car l'Esprit
crée, l'Esprit tue, l'Esprit ressuscite, l'Esprit lie, l'Esprit délie,
l'Esprit enlève, il fait à point nommé ce qui concerne son état. Cependant il
commet ici une prudence inexplicable en envoyant Paul, qui naguère célébrait
la messe à Troas, offrir des sacrifices animaux dans le Temple pendant sept
jours, après s'être fait couper les cheveux dans la salle du Naziréat, à
l'angle de la cour d'entrée, le tout sur l'ordre de Jacques le Majeur, frère
du christ, et devant quatre de ses disciples désignés pour lui faire leur
rapport. Ce rapport, nous l'avons dans la Loi même, nous savons que Paul n'a pu expier pour
Saül que par sept sacrifices animaux. Nous savons par l'Evangile que Jehoudda
et sa femme n'en eussent point admis d'autres[50].
Grands dieux, nous périssons ! Jacques le Majeur n'adorait
donc pas le corps de son frère aîné sous les espèces du pain et du vin ?
Bar-Jehoudda n'avait donc pas institue l'Eucharistie, remplace les sacrifices
par l'oblation de son corps consubstantiel à celui du Père ? Mais c’est affreux
! Trente ans après sa mort au compte de l'Église de Rome ou Pierre était pape
depuis dix-huit ans, l'Église de Jérusalem, conduite par Jacques le Majeur, frère
du christ et évêque des évêques, offrait donc encore le sacrifice d'Aaron
conformément à la Loi
de ses ancêtres ? Paul a observé la
Loi, nous n'en pouvons douter, c’est pour cela que Jacques
Fa entoure de quatre disciples ; il ne l'a pas seulement observée en un
sacrifice isole que Jacques lui aurait conseillé par inadvertance, il l'a
observée par la répétition de ce sacrifice pendant sept jours, prenant même
soin d'en indiquer l'heure, afin de le rendre aussi public que possible. Jacques
reconnaissait donc aux lévites du Temple le pouvoir de remettre les péchés
par le moyen d'animaux, pourvu que ces animaux fussent sacrifiés selon les
rites ? Il n'a donc pas été témoin et acteur dans une reforme religieuse ou
le divin Maître a supprime le sabbat et l'agneau ? En un mot, il est donc
bien mort sous la Loi,
comme son frère aîné, comma ses autres frères, comme son père et comme sa
mère dont le surnom seul de Maria Magdaléenne indique assez l'inflexible fanatisme
? Nous nous en doutions bien un peu, mais était-ce à l'Esprit-Saint de nous
le dire lui-même ?
Imposture n° 101. — LA
CONFUSION DE LA XILOPHORIE.
Pendant un instant nous avons devant nous Saül lui-même,
et l'affaire de la
Xilophorie, mais reportée sous Félix, antidatée de sept ans
et mise sur le compte des Zélotes d'Asie. A la vue de cet hérodien maudit,
plus ancien que Tibère Alexandre dans le reniement et dans la persécution, et
qui, pupille de Rome, laissait entrer en l'enceinte sacrée des Néapolitanus
et des Tyrannus, les christiens de Ménahem et autres Naziréens de marque se
ruent sur lui, appelant à l'aide les Kannaïtes de tout pays. Ils ne sont
d'Asie que juste le temps qu'il faut pour reconnaître l'éphésien Trophime
dans la rue, et pour supposer que Paul se préparait a l'introduire dans le Temple,
en un mot pour fournir un prétexte d'arrêter Paul. Car, une fois dans le
Temple où ils ont surpris Paul en plein sacrifice, ils ont pu voir que
Trophime n'y était pas. Sitôt Paul arrêté, ils passent la main aux gens de
Ménahem avec lesquels ils sont assez liés
pour leur dénoncer la présence de Saül dans le Temple avec Néapolitanus et
autres officiers romains. Cette fois, voilà des Naziréens qui ne sont point
une création de l'Esprit, et la preuve de leur authenticité, c'est que leur
vœu est d'assassiner Saül, fut-ce devant l'autel, comme ils ont fait au
grand-prêtre Jonathas et à cent autres sous Félix. Or c'est sous Félix que
les Actes ont place la scène. Voilà bien des gens qui ont assassiné Ananias
et Zaphira sous la conduite du vénérable Shehimon, voilà bien les descendants
et les disciples de Jehoudda, la garde du corps du Verbe juif, l'armée
terrestre du Fils de l'homme ! Une poussée, tumultueuse jette Saül hors du
Temple dont les portes sont aussitôt fermées pour résister à un assaut venant
du dehors ; s'ils l'eussent empoigné, ils l'eussent égorgé sur place comme
feu Is-Kérioth, Dans l'affaire de la Xilophorie ce n'est pas Paul qui s'est joint
aux quatre Naziréens de Jacques, ce sont les Naziréens de Ménahem qui, mêlés
aux gens de Saül, comme jadis a ceux de Jonathas[51], ont joint ce
maudit et se sont jetés dessus. A Corinthe, à Éphèse, il avait trouvé un
appui dans les synagogues hellénisantes et dans la haine que portait le
peuple aux fanatiques juifs ; mais là, dans la Ville Sainte, dans
l'ombre du Temple, avec Trophime dans la rue pour tout soutien, c'est ce
jour-là qu'il eut du mourir, écartelé par les apolloniens et par ceux des
jehouddistes qu'il avait jadis poursuivis et fustigés. Il coalisait toutes
les rancunes et toutes les animadversions en sa personne, et s'il eût été l'homme
de la collecte, il eut syndiqué toutes les convoitises en son argent ; il eut
été mieux que la victime : la proie !
30. Aussitôt toute la ville s'émut,
et il se fit un grand concours de peuple. S'étant donc saisis de Paul ils
l'entraînèrent hors du Temple : et aussitôt les portes furent fermées.
31. Comme ils cherchaient à le
tuer, on vint dire au tribun de la cohorte : Tout
Jérusalem est en confusion.
32. Celui-ci ayant pris,
sur-le-champ, des soldats et des centurions, courut à eux. Des qu'ils virent
le tribun et des soldats, ils cessèrent de frapper Paul.
33. Alors s'approchant, le
tribun le prit, et le fit lier de deux chaînes (Enfin
!) ; et il demandait qui il était, et ce qu'il avait fait.
34. Mais, dans la foule, l'un
criait une chose, l'autre une autre. Ne pouvant rien savoir de certain à
cause du tumulte, il le fit conduire au camp.
Même procédé de narration que pour la confusion d'Éphèse à la fin de laquelle on arrive
sans qu'il soit possible aux plaignants, aux accuses, au ministère public,
aux avocats et aux témoins de pouvoir dire de quoi il s'agit[52]. Grâce à la
ceinture du frère Jacques, voilà Paul lié
de deux chaînes pour les péchés de Saül, Ce qui est évidemment l'idéal en
matière de confusion.
Imposture n° 102. — LE JEU DE NOMS PAULOS-APOLLOS.
Comme ce n'est ni pour avoir accompli un vœu dans le
Temple, ce qui était fort naturel et fort commun, ni pour avoir introduit
Trophime — celui-ci est resté en ville — que le tribun de la cohorte fait
lier Paul et l'emmène dans le camp, il va falloir justifier cette arrestation
par une confusion qui ne soit pas celle de tout a l'heure, mais la confusion
de deux personnes dont l'une est susceptible d'être arrêtée, si elle vient à
tomber au pouvoir de Rome. Le faussaire des Actes connaît la loi d'après
laquelle nul ne peut arrêter ni retenir sans cause un citoyen, et il l'a
invoquée dans un précédent chapitre. Le tribun n'a donc arrêté Paulos (nous lui rendons pour un instant son nom grec)
que parce qu'il l'a pris pour un autre. Quel autre ?
35. Lorsque Paulos fut arrivé
sur les degrés, les soldats le portèrent, à cause de la violence du peuple.
36. Car une multitude de peuple
le suivait, criant : Ôte-le du monde !
37. Comme il allait entrer dans
le camp, Paul demanda au tribun : M'est-il permis de
vous dire quelque chose ? Le tribun lui répondit : Tu sais le grec ?
38. N'es-tu
pas cet Egyptien qui a excité, il y a quelques jours, une sédition, et qui a
conduit au désert quatre mille sicaires ?
39. Et Paul lui répondit : Je vous assure que je suis
Juif, de Tarse en Cilicie, et citoyen de cette ville qui n'est pas inconnue.
Permettez-moi, je vous prie, de parler au peuple.
Ainsi, dans le vif dialogue qui s'est établi entre le
tribun et Paulos, celui-ci s'est servi de la langue grecque, il lui a donne
son nom : Paulos ; et le tribun en a conclu qu'il avait fait la capture...
d'Apollos[53],
qui, quelques jours auparavant s'est présenté devant Jérusalem avec sa bande,
qui s'est enfui et qu'on recherche. Le nom de Paulos l'a donc confirme dans
ses soupçons, il a fait un coup magnifique ! Mais comme il a l'Esprit, il
garde le secret de l'allitération qui lui permet de garder Paulos dans les
chaînes, car Paulos, c’est Apollos jusqu'a ce que soit démontré le contraire.
Sans nous donner le nom grec de l'Égyptien qu'il recherche, il feint
d'ignorer son nom de circoncision qui à l'époque de la rédaction des Actes
était encore dans Josèphe. De cette façon le très excellent Théophile, s'il est
dupe de la fumisterie, ignorera toujours qu'Apollos est le roi-christ anti-davidiste
que les Actes ont converti plus haut en jehouddolâtre ; mais, s'il est
complice, il ne perdra pas cette nouvelle occasion de s'égayer aux dépens des
goym.
De son côté, lié par l'Esprit de deux chaînes apparentes,
sans compter celles qu'on ne voit pas et qui sont les plus fortes, Paulos fournit
au tribun les renseignements capables de l'égarer le plus et sur la personne d'Apollos
qui cesse d'être juif pour n'être qu'égyptien, et sur celle de Saül qui cesse
d'être pupille de Rome pour n'être que Juif de Tarse. Bref, grâce a l'Esprit-Saint,
nous n'en savons pas plus sur Paulos qu'auparavant et nous en savons encore
moins sur Apollos, car ce n'est pas du tout pour avoir emmené quatre mille sicaires au désert qu'Apollos
appartient à l'histoire, c'est pour les avoir amenés sur le Mont des
Oliviers, là où Bar-Jehoudda aurait tant aimé conduire les siens, et pour les
avoir baptisés et endoctrinés en son propre nom[54].
Les exégètes sont donc à la merci du faussaire qui va rédiger
le discours suivant, a moins que le tribun n'interdise à Paulos de le prononcer,
cas auquel cet officier n'aurait pas l'Esprit-Saint. Mais il l'a au plus haut
point, puisqu'il a pris le préfet de la police du Temple pour un chef de brigands
et confondu ces deux hommes dans le nom de Paulos. A la faveur de cette
confusion il peut bien mêler deux affaires, séparées par un intervalle de
sept ans. Les Evangiles ont fait bien mieux, quand ils ont tire deux
personnes du même individu ! Que devient la religion s'il n'est plus permis à
un honnête scribe ecclésiastique de foudre deux personnes en une seule ?
D'ailleurs, c’est calomnier Apollos que de confondre
volontairement sa bande (armée, il est vrai),
avec les Sicaires qui avaient l'habitude d'opérer dans le Temple, qui
viennent de manquer Saül et qui attendent un moment plus favorable. Un chiffre
est là pourtant qui était dans Josèphe, le nombre des hommes que le roi des
Juifs de 812 avait enchaînés à sa fortune. Ces Sicaires,
dit le Saint-Siège, étaient des assassins alors répandus
dans la Judée,
et ainsi nommes parce qu'ils portaient, sous leurs habits, un petit poignard,
en latin sica. Josèphe donne trente mille hommes à cet Egyptien : mais
rien n'empêche que ce nombre n'ait été d'abord que de quatre mille. Puis
Josèphe ne dit pas que tous ces trente mille brigands fussent sicaires.
Ajoutons qu'il ne s'accorde guère avec lui-même au sujet de cet événement.
Le fait est qu'il ne s'accorde plus du tout, c'est que le Saint-Esprit n'a
opéré que dans la Guerre
des Juifs où il a remplace quatre mille par trente mille, négligeant les Antiquités
judaïques où il a laissé les quatre mille dont il est question dans les Actes.
Imposture n° 103. — LA
CONVERSION DE SAÜL NARRÉE PAR PAUL.
Paul s'étant expliqué en grec avec le tribun, les Juifs
n'ont pu comprendre et rectifier ce qu'il lui a dit. Afin que le tribun ne
puisse comprendre et rectifier ce qu'il va dire aux Juifs, il leur parle en
araméen. Depuis qu'il a le Saint-Esprit il peut mentir en quinze langues[55]. Il lui suffit
ici de mentir en deux, puisque l'auditoire de langue araméenne n'a pu
entendre ce qu'il a dit à son confident de langue grecque.
40. Le tribun l'ayant permis,
Paul se tenant debout sur les degrés, fit signe de la main au peuple, et un
grand silence s'étant fait, il leur parla en langue hébraïque, disant :
IV. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XXII.
1. Hommes,
mes frères et mes pères[56], écoutez ma défense que je vais entreprendre devant vous.
2. Quand ils entendirent qu'il
leur parlait en langue hébraïque, il se fit encore un plus grand silence.
3. Il dit donc : Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie, élevé dans cette ville
aux pieds de Gamaliel, instruit selon la vérité de la Loi de nos pères, Zélateur
de cette loi, comme vous l'êtes vous tous aujourd'hui :
4. C'est moi qui ai poursuivi jusqu'à la mort ceux de cette
voie[57], les chargeant de liens, hommes et femmes, et les jetant
en prison.
5. Comme
le prince des prêtres m'en est témoin[58], ainsi que tous les anciens[59] ; et même, ayant reçu d'eux des lettres pour nos frères de
Damas, j'y allais pour les amener enchaînés à Jérusalem, afin qu'ils fussent
punis.
6. Or
il arriva que, lorsque j'étais en chemin et que j'approchais de Damas au
milieu du jour, soudain brilla du ciel autour de moi une abondante lumière.
7. Et
tombant par terre, j'entendis une voix qui me disait : Saül, Saül,
pourquoi me persécutes-tu ?
8. Et
moi, je répondis : Qui êtes-vous, Seigneur ? Et il me dit : Je suis
Jésus de Nazareth, que tu persécutes.
9. Et
ceux qui étaient avec moi virent la lumière, mais ils n'entendirent pas la
voix de celui qui me parlait,
10. Alors
je demandai : Que ferai-je, Seigneur ? Et le Seigneur me répondit : Lève-toi,
va à Damas : et là on te dira tout ce qu'il faut que tu fasses.
11. Et
comme je ne voyais point à cause de l'éclat de cette lumière, conduit par la
main de mes compagnons, je vins à Damas.
12. Or
un certain Ananias, homme selon la loi, ayant le témoignage de tous les Juifs
qui habitaient dans cette ville,
13. Venant
à moi, et s'approchant, me dit : Saül, mon frère, regarde. Et moi, au même instant, je
le regardai.
14. Et lui
reprit : Le Dieu de nos pères t'a prédestiné pour reconnaître sa volonté,
voir le Juste[60], et entendre la voix de sa bouche[61] ;
15. Parce
que tu lui seras témoin, devant tous les hommes, de ce que tu as vu et
entendu.
16. Et
maintenant, que tardes-tu ! Lève-toi, reçois le baptême et lave les péchés en
invoquant son nom.
Jusqu'ici, Paul a plaidé coupable, il a parle pour Saül
que tous ses contemporains ont vu émigrer a Rome dans les sentiments qu'il
avait déjà lors de son départ pour Damas. Le faussaire n'a pu établir la
conversion de Saül que par les impostures accumulées dans son propre ouvrage.
Il ne nous apprend rien de nouveau, sinon que Saül serait né à Tarse[62], qu'élevé dans
Jérusalem, il a été instruit dans la
Loi par Gamaliel, et qu'il était midi quand la voix de
Bar-Jehoudda retentit dans un éclair aux portes de Damas. Le tribun n'a pas
protesté contre la conversion de Saül, il n'entend que le grec. Voyons
maintenant comment l'Esprit va se tirer du retour de Paul à Jérusalem avec la
contremarque de Saül, dans un discours qui est censé avoir été prononcé devant
des Zélotes de 812, sectateurs de Jehoudda et de ses fils.
Le faussaire a devant lui la Lettre aux
Galates dans laquelle il est dit que Paul a passe quinze jours k
Jérusalem chez Pierre et Jacques en 789, et plus de temps encore en 802, sous
les yeux mêmes du Joannès survivant ; il a devant lui son propre ouvrage dans
lequel il est dit que Paul a été présenté aux apôtres par Barnabé dans Jérusalem
même et qu'il est revenu près d'eux pour une collecte et pour un concile. Voilà
le moment ou jamais pour Paul de faire valoir ces recommandations, puisque l'auditoire
n'est compose que de Zélotes et de Sicaires qui suivent la voie du Joannès, de Pierre, de Jacques et de
Barnabé. Osera-t-il ?
Imposture n° 104. — LE RETOUR À JÉRUSALEM APRÈS DAMAS.
17. Et
il arriva qu'étant de retour à Jérusalem, et priant dans le Temple, je tombai
dans un ravissement d'esprit.
18. Et
je vis le Seigneur[63] qui me disait : Hâte-toi, et sors vite de Jérusalem ;
car ils[64] ne recevront pas le témoignage que tu rends de moi.
19. Et
moi je répondis : Seigneur, ils savent eux-mêmes que c'est moi qui
enfermais en prison et déchirais de coups dans les synagogues ceux qui
croyaient en vous ;
20. Et
que, lorsqu'on versait le sang de Stéphanos[65] votre témoin, j'étais là, et j'y consentais, et je gardais
les vêtements de ses meurtriers[66].
21. Et
il me dit : Va, parce que je t'enverrai
bien loin vers les nations.
Eh bien ! le faussaire n'a pas osé ! Devant les christiens
de langue araméenne, il a du renoncer à invoquer le témoignage de Jacob. Sous
le masque ecclésiastique, tous ont reconnu Saül, le prince hérodien, le
pupille de Rome, le persécuteur impénitent de la secte de Jehoudda. Qu'à Rome
les grands faiseurs et les grands collecteurs de l'Eglise spéculent sur
l'imposture de Saül converti pour tondre les goym, c'est peut-être de bonne
guerre ! Mais lorsque les disciples authentiques du Nazir entendent dire que
l'ombre de leur maître a commandé à l'ombre de Saül d'aller parmi les
nations, lui qui dans les Evangiles dont ils se servent, défend expressément
cette souillure, une huée formidable s'élève, faite de risée et d'indignation.
Les nations ! Le mot seul a suffi pour déchaîner la haine.
Imposture n° 105. — LA
QUESTION DE DROIT.
22. Ils l'avaient écouté jusqu'à
ce mot ; mais alors ils élevèrent leur voix, disant : Ôte de la terre un pareil homme, car ce serait un crime de le laisser
vivre !
23. Eux donc, poussant de grands
cris, jetant leurs vêtements, et lançant de la poussière en l'air.
24. Le tribun ordonna de le
conduire dans le camp, de le déchirer de verges, et de le mettre à la
question, afin de savoir pourquoi ils criaient ainsi contre lui.
25. Mais lorsqu'ils l'eurent lié
avec des courroies, Paul dit au centurion qui était près de lui : Vous est-il permis de flageller un citoyen romain non condamné
?
Comme à Philippes, le faussaire se rappelle que la loi
romaine fait obstacle à cette invention[67]. Mais, de même qu'à
Philippes Paul attend qu'il soit élargi pour protester contre son
emprisonnement sans cause, de même ici il attend qu'il soit lié avec des
courroies pour protester contre sa fustigation éventuelle. Grâce à la
question de droit qui va s'engager, l'Esprit-Saint élude complètement la
question de fait qui livre Paul aux mains du centurion. Celui-ci ne lui
appliquant pas la fustigation qui, parait-il, est le seul moyen de savoir des
Juifs pourquoi ils crient contre Paul, personne ne devine pourquoi, déjà
chargé de deux chaînes, Paul est lié de courroies et menace de peines
corporelles. C'est qu'il a mission d'exécuter le coup
du frère Agabus. Agabus en le ceignant de sa ceinture n'a point parle
de chaînes, mais de courroies. Ce détail se perd au milieu du tapage.
Pour des raisons différentes, mais génératrices de la même
obscurité, le très excellent Théophile est dans la même situation que Tibère
Alexandre à Éphèse[68] : voyant il ne
voit point et entendant il n'entend point. C'est le triomphe de l'Esprit
annoncé par Isaïe.
Imposture n° 106. — LE CENTURION LÉGISTE.
Heureusement le centurion possède du droit et de l'histoire
une connaissance moins superficielle que le tribun son supérieur. Il ne prend
pas Paulos pour Apollos, lui ! Il n'a pas l'Esprit-Saint depuis 789
comme son vieux camarade Cornélius de Césarée ! Il a été de garde à la tour
Antonia sous Gessius Florus et il n'est pas enzôné comme semble l'être son
chef, il sait que le prince Saül est né citoyen romain et qu'il n'est point
homme à se laisser fouetter sous Félix, fut-ce dans les liens où Paul est
attaché par Jacques.
26. Ce qu'ayant entendu, le
centurion se rendit auprès du tribun, et l'avertit, disant : Qu'allez-vous faire ? car cet homme est citoyen romain.
27. Et le tribun venant à lui,
demanda : Dis-moi, es-tu Romain ? Et Paul répondit
: Oui.
28. Le tribun répartit : C'est avec beaucoup d"argent que j'ai acquis ce droit
de cité. Et Paul répliqua : Moi, je suis né
citoyen.
C'est une scène fort curieuse à cause de la situation légale
des parties. Le tribun est officier dans l'armée romaine, mais c'est un juif
comme il y en eut dans les troupes commandées par Tibère Alexandre, juif lui-même
avant d'être chevalier, procurateur de Judée, gouverneur d'Egypte et général
sous Vespasien. Paulos qui, il n'y a qu'un instant, était l'Egyptien Apollos
pour le tribun, parce que le Saint-Esprit en avait dispose ainsi, redevient
ce qu'il est réellement, Saül, prince hérodien, pupille de Rome, parent du
procurateur Félix. On remporte les verges, et pour avoir fait enchaîner
d'abord, puis lier sans savoir pourquoi, un cousin de son chef et du roi
Agrippa, le tribun a grand'peur pour son avancement. Néanmoins, lié lui-même
par l'Esprit-Saint, il ne le délie ni ne le relâche. Agabus avant tout ! Au
dessus du tribun, de Paul et de Félix, il y a celui qui lie et qui délie, tu
ne l'ignores pas, très excellent Théophile, et Jacques est un de ses frères, suppléant
de Pierre en Judée, car Pierre a qui est passé le pouvoir de lier et de délier,
pouvoir davidique par excellence, est en ce moment à Rome où il exerce la
mystérieuse profession de pape. Tu le sais bien, voyons, très excellent
Théophile !
Nous ne pouvons nous ranger à l'opinion du Saint Siège
lorsqu'il conclut du nom de Lysias que le tribun était grec[69], car Hérode, tétrarque
d'Abilène, fils de Cléopâtre et partant demi-frère du juif consubstantiel au Père[70], s'appelait
Lysias ou Lysanias et il n'était pas grec. Mais nous nous rangeons à son
opinion lorsqu'il conclut du nom de Claudius que le tribun tenait son droit
de cité de l'empereur Claude, c'est pour la même raison qu'Alexandre avait
pris le nom de Tibère, et Josèphe celui de Flavius qui était avant tout celui
de Vespasien. L'intention du scribe est très claire, c'est bien à un juif
latinisant qu'il en a, et il a beau faire risette aux Romains dans l'espoir
de les dépouiller plus à l'aise, il les déteste comme on déteste des ennemis,
il les méprise comme on méprise des dupes, et il maudit les Juifs qui, en
violation de la loi prêchée par celui d'entre eux qui était consubstantiel au
Père, ont accepté l'image et porté le nom de la Bête.
29. Aussitôt donc s'éloignèrent
de lui ceux qui devaient lui donner la question ; le tribun lui-même eut
peur, après qu'il eut appris qu'il était citoyen romain, parce qu'il l'avait
fait lier.
30. Le lendemain, voulant savoir plus exactement de quoi il était
accusé par les Juifs, il lui ôta ses liens, et ordonna aux prêtres, et à tout
le conseil de s'assembler, puis il amena Paul, et le plaça au milieu
d'eux.
Evidemment il aurait pu consulter les membres du Sanhédrin
la veille, avant de lier Paul avec les courroies et de le condamner au fouet
sous le prétexte qu'il pourrait bien être Apollos, mais en ce cas il saurait
pourquoi les Zélotes et les Sicaires crient contre Saül, il le dirait
peut-être, et ce faisant il ne suivrait plus les voies impénétrables du
Saint-Esprit. Paul n'a plus besoin de ses liens, puis que le coup du frère
Jacques a réussi ; le tribun les lui ôte, ou pour mieux dire Jacques les reprend,
ce sont des liens juifs : mais, remarquez-le bien, il lui laisse ses chaînes,
car elles sont romaines, et il faut que Paul aille à Rome.
Au lieu de s'adresser aux Juifs de la rue, à ceux d'Asie
qui ont manifesté contre Saül en leur qualité de Zélotes et de Sicaires, le
tribun pour se renseigner amène Paul aux Juifs du sanhédrin qui naturellement
n'ont jamais entendu parler de lui. Il prend donc toutes les mesures nécessaires
pour ne rien apprendre de nouveau, et comme il ne savait rien la veille, il
en sera de même le lendemain.
Imposture n° 107. — DEVANT LE REVENANT DU GRAND-PRÊTRE ANANIAS.
Un simple tribun de cohorte fait assembler les prêtres et
tout le Conseil pour juger un citoyen romain, sans même savoir de quoi on l'accuse.
Si Paul ressortit à la loi romaine, pourquoi les magistrats juifs ? Si c’est
à la loi juive, pourquoi le tribun et de quoi s'occupe-t-il ? Comme fourberie
et duplicité, la scène devant le sanhédrin est d'une magnificence
incomparable : pendant la nuit, Saül, ce persécuteur contre qui les Sicaires poussaient
hier des cris de mort, est redevenu à la fois Paulos et Apollos, tous deux
coupables aux yeux du Sanhédrin, l'un pour avoir donne son nom aux Lettres
que l'on sait, l'autre pour s'être dit roi-christ en 812. Alors que Saül eut
été reçu avec enthousiasme par le Conseil dont il avait si souvent exécuté
les ordres ou inspire les délibérations, c'est Paulos le jehouddolâtre qui se
présente. On le laissera d'autant moins parler qu'il comparait devant le
revenant d'Ananias, le grand-prêtre assassiné par Ménahem, dernier frère de
celui qu'il prêche dans ses Lettres comme étant ressuscite et fils de
Dieu.
V. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XXIII.
1. Paul, regardant fixement le
Conseil, dit : Hommes, mes frères, jusqu'à ce jour je
me suis conduit devant Dieu en toute bonne conscience.
2. Mais le prince des prêtres,
Ananias, ordonna à ceux qui étaient près de lui de le frapper au visage.
3. Alors Paul lui dit : Dieu te frappera, muraille blanchie. Tu sièges pour me
juger selon la loi, et, contre la loi, tu ordonnes de me frapper !
4. Ceux qui étaient présents dirent
: Tu maudis le grand Prêtre de Dieu ?
5. Et Paul répondit : J'ignorais, mes frères, que ce fut le prince des prêtres,
car il est écrit : Tu ne maudiras point le Prince de ton peuple.
Vous voyez comment Paul a été reçu !
A peine a-t-il ouvert la bouche qu'Ananias la lui a fermée
à coups de poing, d'abord parce que, s'il avait parlé, le tribun aurait peut-être
appris quelque chose, ensuite parce qu'il n'aurait pu prendre la parole que
pour plaider la résurrection et la divinité de Bar-Jehoudda, ce qui eut étonné
le tribun qui est un tribun du temps de Claude. Mais Ananias ne lui laisse
pas le temps de prononcer le nom de circoncision du juif consubstantiel au Père
; on a tout l'Esprit-Saint qu'on peut avoir, car le très excellent Théophile écoute
aux portes et il ne faut pas qu'il entende.
Paul reçoit sur la gueule
comme on dit dans le langage des Halles de Jérusalem auxquelles cette scène
semble empruntée, mais en revanche il traite Ananias de mur recrépi ce qui, sans valoir vieux fourneau, rappelle agréablement sépulcre blanchi dont les Evangiles font un usage
assez fréquent pour que le faussaire le leur emprunte à son tour.
A la vérité Ananias, assassiné dans les égouts par les gens
de Ménahem, avait trouve là un tombeau aussi mal blanchi que celui du Nazir
au Guol-Golta, mais il se portait encore assez bien lors du guet-apens
organisé par ces mêmes gens contre Saül le jour de la Xilophorie.
Malheureusement il figurait dans Josèphe parmi les premières
victimes du christ à tête d'âne.
Il fallait donc que le Saint-Esprit trouvât de cette
vengeance une cause qui ne fut ni Bar-Jehoudda, ni aucun de ses frères. Il a
trouvé Paul. C'est Paul qui dans le personnage d'un Naziréen, — car il est Naziréen,
il n'y a pas à dire, le très excellent Théophile l'a vu dans le Temple avec
quatre disciples de Jacques, — a reçu le premier coup porté à la secte par
Ananias, et c’est pourquoi Ananias a été frappé à son tour, mais ailleurs que
sur sa bouche. Dieu te frappera, muraille blanchie.
Tu sièges pour me juger selon la loi, et contre la loi, comme a fait Kaïaphas
ton père au roi légitime des Juifs, tu ordonnes de me frapper !... Dieu te frappera ! Paul qui dans un instant passera
chef de la secte des Naziréens voue donc Ananias à la vengeance céleste avec
d'autant plus de certitude que cette vengeance est inscrite dans l'histoire
parmi les gheoullas de Ménahem parvenu au pouvoir suprême. Quoi ! lui dit-on, tu
maudis le Grand-Prêtre de Dieu ? (Amère
ironie : il n'y avait qu'un seul grand prêtre de Dieu, c’était Bar-Jehoudda.)
Et Paul, avec plus d'amertume encore : J'ignorais
que ce fut le prince des prêtres (remarquez
la différence) car il est écrit : Vous ne
maudirez point le Prince du peuple[71]. Or qu'a fait
autrefois Kaïaphas ? Il a maudit le Prince du peuple (le vrai, à la fois Grand-Prêtre et Roi), en la personne de
Bar-Jehoudda, fils de David ; un apôtre tel que le veulent les Actes
et qui a lu ses Evangiles ne reconnaît pas de telles gens pour être
princes des prêtres, ils sont indignes de cette fonction, il est permis de les
tuer. Qu'on ne s'étonne donc pas qu'Ananias ait été frappé ! Celui qui a frappe de l'épée sera frappé de l'épée,
avait dit le Joannès en son Apocalypse. Et mieux encore Jésus : Amenez-les moi et tuez-les en ma présence pour m'avoir
empêche de régner. Le séjour de Paul au berceau de Socrate lui a donné
le secret de l'ironie, et il refuse de reconnaître un grand-prêtre au sens de
la Loi dans cet
Ananias qui conduit l'interrogatoire a coups de poing sur la bouche du prévenu.
Cependant, comme ce prévenu est citoyen romain, cette façon de faire n'eût
pas déplu à Bar-Jehoudda, si la
Grande pâque se fut réalisée. Elle ne déplait qu'appliquée
au chef de la secte des Naziréens. Mais d'où vient que Paul refuse de
reconnaître physiquement Ananias ? Considérant que le Saint-Siège est le dépositaire
du Saint-Esprit, nous ferons passer son explication avant la nôtre qui ne
saurait prétendre au caractère sacré : Saint Paul,
dit-il, a pu aisément ne pas connaître le grand-prêtre,
attendu qu'alors le pontificat était une dignité variable selon le caprice ou
la politique des Romains. Josèphe dit qu'il y eut trois grands-prêtres la
même année, et que l'un deux ne conserva sa dignité qu'un seul jour. Ainsi
saint Paul a pu facilement être dans l'ignorance sur ce point. Ajoutons que
le grand-prêtre n'avait pas alors ses vêtements de pontife ; ils étaient
renfermés dans la tour Antonia, d'où on ne les tirait qu'aux jours solennels.
Enfin, en supposant que dans le lieu où se tenait le sanhédrin, il y avait
une place affectée pour le grand-prêtre, il ne s'en trouva assurément point
de telle chez le tribun où se tint le conseil devant lequel comparut saint
Paul.
Que Paul ait été incapable de reconnaître Ananias, cela se
conçoit dans l'état où ils sont l'un et l'autre, mais ce n'est pas pour les
raisons qu'invoque le Saint-Siège, la dernière surtout, car il est clair que
la réunion n'a pas lieu chez le tribun ; elle se tient dans la salle du
Sanhédrin, le Hanoth, où Bar-Jehoudda, ses frères et ses autres parents ont
été successivement juges et où dans les Actes mêmes Saül en 787 se
saisit de Jacob junior pour le ramener au lieu de la lapidation[72]. Paul qui a tout
lu, Evangiles, Actes, Antiquités judaïques de Josèphe et
Talmud de Tibériade, Paul n'ignore rien de tout cela. Et comme il est
toujours dans les liens du frère Jacques, il a reconnu tout de suite Ananias.
Ananias est de ceux qui ont maudit le prince du
peuple juif non seulement dans Bar-Jehoudda, roi-christ en 788, mais
dans Ménahem, roi-christ en 819, il est de la famille d'Hanan et de Kaïaphas.
Si Paul feint de ne pas le connaître, Saül, élève de Gamaliel et stratège du
Temple, l'a parfaitement connu, c'est I'Ananias que Ménahem, dernier frère du
roi-christ et roi-christ lui-même, a fait assassiner dans les égouts en 819,
pour avoir maudit le prince de son peuple.
L'Église prétend, par l'organe de la Sacrée Congrégation
de l'Index, que cet Ananias était fils de Nébédaios et le même que celui qui,
grand-prêtre sous Claude, fut envoyé à Rome au moment de la guerre de 803 entre
les Galiléens et les Samaritains. Voici la note de l'édition des Actes
approuvée par le Saint-Siège : Ananias, fils de
Zébédée, avait reçu le souverain pontificat d'Hérode, roi de Chalcis, l'an 48
de notre ère (l'erreur christienne) à la place de Joseph, fils de Camithas. Le procurateur
romain Cumanus l'envoya à Rome en 52 pour répondre aux accusations portées contre
lui par les Samaritains. Ananias fut acquitté et conserva sa dignité jusqu'en
59, où il dut la céder à Ismaël, fils de Phabi. Cet Ananias n'a rien
de commun avec celui qui nous occupe. Ce n'est point par Cumanus qu'il fut
envoyé à Rome, c’est par Quadratus, et prisonnier ; Cumanus lui-même fut
envoyé avec lui pour se disculper. Il parait bien qu'il n'arriva rien à
Ananias de pis que la prison, mais on ne voit pas qu'il eut repris ses
fonctions jusqu'en 59 (812) ! Ce n'est
point à Ananias qu'a succédé Ismaël, fils de Phabi, c’est à Jonathas,
assassiné par les Sicaires. Enfin ni dans les Actes ni dans Josèphe, à
l'endroit où il est question de lui[73], l'Ananias visé
par les Actes et seul grand-prêtre de ce nom sous Néron n'est fils de Nébédaios.
Le nom de son père a été enlevé dans Josèphe. Mais voici où nous sommes pleinement
d'accord avec le Saint-Siège. L'Ananias dont parlent les Actes périt de la main des Sicaires qui lui firent expier ainsi
ses relations avec les Romains. Ajoutons que celui-la n'était
nullement fils de Nébédaios et que les Actes sous-entendent assez clairement
qu'il était fils de Kaïaphas. Le gendre de Hanan n'est pas mort sans enfants,
et faute d'avoir pu l'atteindre personnellement, c’est sur eux qu'on s'est
venge, comme l'ordonne la Loi
selon Jehoudda et ses fils et selon Jésus aussi dont nous avons toujours
présentes à la mémoire les exquises paroles : Amenez
ceux qui m'ont empêché de régner et tuez-les en ma présence ! C'est
même parce que le dernier frère de Bar-Jehoudda a tenu compte au plus haut
point de cette disposition testamentaire envers Ananias, que l'Esprit-Saint a
placé l'affaire de la
Xilophorie sous Félix en 812, Ananias n'était pas encore
grand-prêtre cette année-la, mais il était encore vivant, et Paul avec les facultés
divinatoires qu'il tient de la ceinture du frère Jacques annonce a cette muraille
blanchie, à cet homme-sépulcre, le sort qui l'attend le jour où il tombera
entre les mains d'un goël-ha-dam du prince du peuple.
On chercherait vainement le nom d'Ananias, assassiné par
les gens de Ménahem dans la liste des grands-prêtres dressée par M. Stapfer.
C'est vainement aussi que nous y avons cherché celui de Jonathas, assassiné
sous la procurature de Félix. Nous avons cru devoir sauver de l'oubli ces
deux illustres victimes, sachant que le culte du Juif consubstantiel au Père n'en
serait point diminué.
Imposture n° 108. — LE SILENCE D'ANANIAS.
Au milieu de tout cela, le tribun ne sait toujours pas
pourquoi il a arrêté Paul, et Ananias n'a pas l'air disposé à le lui dire,
car apercevant la ceinture du frère Jacques sur le corps de Saül il est
frappé d'un hébétement sans rémission. Quant à Paul les coups qu'il reçoit
sur la bouche lui ont fait descendre la langue au plus profond de l'œsophage.
Il ne la recouvrera que pour guider le Sanhédrin dans la vote des discussions
les moins propres à édifier le très excellent Théophile sur l'identité du
grand-prêtre Ananias.
6. Or Paul sachant qu'une partie
étaient saducéens, et l'autre pharisiens, s'écria dans le Conseil : Hommes, mes frères, je suis pharisien, fils de pharisien ;
c'est à cause de l'Espérance[74] et de la Résurrection des morts[75] que je suis en jugement.
7. Lorsqu'il eut dit cela, il s'éleva
une discussion entre les pharisiens et les saducéens, et l'assemblée fut divisée.
8. Car les saducéens disent
qu'il n'y a ni résurrection, ni ange, ni esprit ; les pharisiens, au
contraire, confessent l'un et l'autre.
9. Il s'éleva donc une grande
clameur, Quelques-uns des pharisiens se levant, contestaient, disant : Nous ne trouvons rien de mal dans cet homme ; et si un
Esprit ou un Ange lui a parlé ?[76]
10. Et comme le tumulte
s'accroissait, le tribun, craignant que Paul ne fut mis en pièces par ces
gens-là, commanda aux soldats de descendre, de l'enlever d'au milieu d'eux,
et de le conduire dans le camp.
On voit que la séance n'a pas lieu chez le tribun, mais
qu'il faut au contraire descendre du camp dans la direction du Hanoth pour
enlever Paul a la fureur des saducéens, si toutefois les soldats arrivent a
temps, car les discussions sur la résurrection sont mortelles, surtout quand
on n'est soutenu que par les pharisiens. Paul montre beaucoup de courage en
soulevant celle-là, mais on aimerait savoir de quoi il est accusé par les
saducéens. C'est lui qui est obligé de leur apprendre qu'il passe en
jugement. Toutefois il semble bien que s'il était en jugement, ce ne pourrait
être que comme chef des Naziréens ou pour avoir fait semblant d'introduire
Trophime dans le Temple. Mais que serait-ce, ô Iahvé, s'il racontait qu'à
Troas il a supprimé la pâque juive et remplacé l'agneau par le corps de l'homme
condamné en 788 pour trahison et crimes de droit commun ? Mais le
Saint-Esprit n'a pas voulu qu'il en fut ainsi, et (choc en retour dont la foudre elle-même fournit peu d'exemples)
c’est Paul, frappé sur la bouche, qui parle d'abondance, tandis qu'Ananias,
dont l'organe est intact, observe un mutisme cadavérique. Ce n'est pas encore
cette fois-là que le tribun saura pourquoi il a arrêté Paul.
Lysias n'a toujours aucune raison pour le garder et il en
a une pour le relâcher, car Paul et après lui le centurion lui ont cité la
loi romaine. Au lieu de cela, il le tient chargé de deux chaînes et de
plusieurs courroies, l'enferme étroitement dans la citadelle et ne le dégage
un instant que pour le conduire au sanhédrin. Que va faire ce tribun de
cohorte au Conseil des Juifs ? Que lui importe l'opinion des saducéens et des
pharisiens sur la résurrection des corps et l'existence des anges, et quel
intérêt Mars, dieu de Lysias, peut-il avoir dans une discussion pareille ? Il
suffit de poser la question pour voir que la scène du Sanhédrin est de la
même farine que tout le reste. Lysias n'a rien à demander au Sanhédrin, et le
seul fait qu'il lui défère un citoyen romain aurait dû éveiller les soupçons
des exégètes qui ont une bonne teinture de droit.
Imposture n° 109. — RECONVERSION DE PAUL EN SAÜL.
Au sortir du Sanhédrin, Paul est toujours jehouddolâtre et
il le sera pendant toute la nuit, mais comme nous approchons de l'affaire où
Saül faillit laisser la vie entre les mains des gens de Ménahem, il rentre
pendant quelques heures dans le corps du prince hérodien. Rien ne lui est
plus facile à la condition de détacher la ceinture du frère Jacques, car si,
et les Actes nous l'ont dit, Saül est le même que Paul, la réciproque
est vraie : Paul peut redevenir momentanément Saül.
11. Mais, la nuit suivante, le
Seigneur[77]
se présentant à lui, dit : Aie bon courage ; car,
comme tu m'as rendu témoignage à Jérusalem, il faut aussi que tu me rendes témoignage
à Rome.
12. Le jour étant venu,
quelques-uns d'entre les Juifs s'assemblèrent, et se firent à eux-mêmes
anathème, disant qu'ils ne boiraient ni ne mangeraient qu'ils n'eussent tué
Paul.
13. Ils étaient plus de quarante
hommes qui avaient fait cette conjuration ;
14. Ils se rendirent auprès des
princes des prêtres et des anciens et dirent : Nous avons
fait le vœu, en appelant sur nous l'anathème, de ne goûter de rien, que nous
n'ayons tué Paul.
15. Maintenant
donc, vous avec le Conseil, faites avertir le tribun de l'amener devant vous,
comme pour savoir quelque chose de plus certain sur lui. Nous, de notre côté,
nous sommes prêts à le tuer avant qu'il arrive.
A la bonne heure, voilà des Naziréens comme il faut ! A
part cette franchise qui n'était pas dans leurs habitudes[78], ils sont tout à
fait ressemblants.
D'ou viendrait à des Juifs ordinaires cette soif de
vengeance qui leur coupe tout autre appétit ? Et que font dans ces tragiques
circonstances les milliers de Zélotes (on nous
a dit des milliers), que les Actes nous ont montrés autour de
Jacques ? Que font les fidèles de Césarée, descendus chez Mnason ? Que font
l'éphésien Trophime et les autres compagnons de Paul ? Aucun n'est apparu
pour témoigner en sa faveur, pour l'assister dans ses épreuves. Les Juifs qui
s'apprêtent à l'assassiner sont donc bien surs de n'être pas dérangés dans
cette opération éminemment naziréenne par les disciples de Philippe et de
Jacques. Pour n'être que quarante ils a en ont pas moins une assurance qui
n'appartient qu'aux majorités sûres d'elles-mêmes. Ainsi ils sont certains de
pouvoir tuer Saül avant que le tribun ne puisse apprendre de quoi Paul est
accusé. C'est l'essentiel.
Imposture n° 110. — L'AFFAIRE DU HAUT PALAIS DEVANT LE SAINT-ESPRIT.
Le Saint-Esprit a déjà fait beaucoup en mêlant les
partisans et les amis de Saül au complot ourdi contre Paul par les Naziréens.
Cela permet de les considérer comme des traîtres, et leur rôle est plus
ignoble encore que celui des gens de Ménahem ; c'est toujours autant de gagné,
n'est-ce pas, très excellent Théophile ?
16. Mais ayant ouï parler de cette
trahison, le fils de la sœur de Paul[79] vint, entra dans
le camp, et avertit Paul.
17. Alors Paul, appelant à lui
un des centurions, dit : Conduisez ce jeune homme au
tribun, car il a quelque chose a lui dire.
18. Et le centurion, le prenant
avec lui, le conduisit au tribun, et dit : Le
prisonnier Paul m'a prié de vous amener ce jeune homme qui a quelque chose à
vous dire.
19. Aussitôt le tribun, le prenant
par la main, se retira à part avec lui, et lui demanda : Qu'as-tu à me dire ?
20. Et le jeune homme répondit :
Les Juifs sont convenus de vous prier d'amener demain
Paul devant le Conseil, comme pour savoir quelque chose de plus certain sur
lui,
21. Mais
vous, ne les croyez pas ; car des embûches lui sont dressées par plus de
quarante hommes d'entre eux, qui ont fait vœu de ne manger ni de boire qu'ils
ne latent tue ; et maintenant ils sont prêts, attendant votre ordre.
22. Le tribun donc renvoya le
jeune homme, lui défendant de dire à personne qu'il lui eut donne cet avis.
C'est égal, Paul doit commencer à regretter de ne pas être
descendu chez la sœur de Saül ! Il n'a vraiment pas de chance depuis que
Philippe lui a conseillé de descendre chez Mnason et que Jacques lui a passé
sa ceinture pour lui permettre d'accomplir un vœu dans le Temple avec des Naziréens
authentiques !
Prisonnier de Rome et lié par Jacques, accable sous le
faix des chaînes et des courroies, menace de mort par les Naziréens, il ne
reste a Paul qu'un seul défenseur, le fils de la sœur de Saül, cet éphèbe qui
se révèle à nous sans aucune préparation dans la littérature paulienne et
dans les Actes, où nous ne lui avons vu jusqu'ici ni cette sœur ni ce jeune homme. Cette sœur
n'est autre que sa femme, car il n'est point dit que le fils qu'elle a soit
le neveu de Saül. Or nous connaissons les façons du Saint-Esprit lorsqu'il s'introduit
dans les ménages jehouddiques[80], et nous
craignons qu'il ne les étende aux ménages hérodiens après en avoir converti
les chefs a la jehouddolâtrie. Ce jeune homme, c'est Antipas, fils de Saül et
tué par Ménahem dans la prise du haut palais.
Les quarante Naziréens qui ont fait vœu, avec grands serments,
de ne manger ni boire qu'ils n'aient assassiné Saül dans les rues, ont fourbi
leurs siques avec zèle, ils sont prêts, archi-prêts depuis deux jours, mais il
est acquis que Saül a échappée. Lysias défend à Antipas de dire à personne,
pas même à Flavius Josèphe, qu'il a été l'une des victimes du complot, car
Lysias, s'il était de garde ce jour-là, a eu grand'peur que les gens de
Ménahem n'enlevassent le père et ne le tuassent comme ils avaient fait du
fils. Mais il n'a pas eu peur qu'après cela on ne
l'accusât d'avoir reçu d'eux de l'argent pour le leur livrer, car
ce genre de corruption n'était pas encore dans les mœurs de l'armée romaine
lors des évènements de 819.
L'auteur des Actes est tout plein de Mathieu où l'on
voit les soldats de Pilatus accepter de l'argent des prêtres pour faire ce
faux témoignage de déclarer que le corps du jésus a été enlève du Guol-Golta
la nuit par ses disciples. Lysias, au contraire, tient à ce que Paul ne soit enlevé
que par les Romains.
23. Puis, deux centurions
appelés, il leur dit : Tenez prêts, à la troisième heure
de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents lances,
pour aller jusqu'à Césarée.
24. Et préparez
des chevaux pour monter Paul, et le conduire sûrement au gouverneur Félix.
23. (Car il craignit que les
Juifs ne l'enlevassent et ne le tuassent, et qu'ensuite on ne l'accusât
d'avoir reçu de l'argent.)
L'argent est tout pour les misérables gagistes qui ont
forgé ces inepties. Ils révèlent à chaque instant leur préoccupation
maîtresse d'avoir de l'argent pour posséder et corrompre. Pourquoi font-ils
Bar-Jehoudda consubstantiel au Père ? Parce que le baptême, moyen d'avoir de
l'argent en trompant les goym, ne peut être que d'un dieu. L'argent est le
nerf de toute cette politique, le but aussi. Avec de l'argent on fait tout.
Dans les Evangiles Synoptisés vous voyez Kaïaphas donner de l'argent
aux soldats romains pour trahir Pilatus, Judas recevoir trente deniers pour
trahir Jésus ; il n'est question que d'intendants qui volent leurs maîtres,
et quand il n'y a pas de somme en jeu on se trahit pour le plaisir. Dans les Actes
nous avons déjà vu Blastus, chambellan d'Agrippa, acheté par les Tyriens pour
leur livrer le blé de ses compatriotes[81]. Jason acheter
les magistrats de Bérée pour obtenir l'élargissement de Paul[82]. Ici on trouve
plausible qu'un tribun a'origine juive puisse recevoir de l'argent pour
livrer son prisonnier aux sicaires de Ménahem. Quel est le but, le but unique
des Lettres de Paul ? L'argent des collectes. Que de faussaires on
pourra entretenir quand les coffres seront pleins ! Que de prétendus Paul,
que de prétendus Pierre, et que de prétendus papes Clément ! Vrais témoins
ceux-là ! Faux témoins ceux qui ont déposé contre Jacob junior[83] et contre
Bar-Jehoudda[84]
! Achètes, comme l'Église achète un scribe !
Imposture n° 111. — LA
LETTRE DE LYSIAS.
Mais Lysias est incorruptible, et, se rappelant qu'il est
sous l'œil de Flavius Josèphe, il agit comme un tribun de l'histoire en
fournissant à Saül l'escorte qui lui permit d'aller auprès de Cestius Gallus
à Césarée.
26. Il écrivit en même temps une
lettre conçue en ces termes :
Claude
Lysias a l'excellent gouverneur Félix, salut.
27. Les
Juifs avaient pris cet homme, et ils allaient le tuer, lorsque, arrivant avec
les soldats, je l'ai tiré de leurs mains, ayant appris qu'il était Romain :
28. Et
voulant savoir de quoi ils l'accusaient, je l'ai conduit dans leur Conseil.
29. J'ai
trouvé qu'il était accusé au sujet de questions qui concernent leur loi ;
mais qu'il n'avait commis aucun crime digne de mort ou de prison.
30. Et
comme j'ai été averti des embûches qu'ils lui avaient dressées, je vous l'ai
envoyé, déclarant aux accusateurs eux-mêmes qu'ils aient à s'expliquer devant
vous. Adieu.
31. Ainsi, selon l'ordre qu'ils
avaient, les soldats prirent Paul avec eux, et le conduisirent de nuit à
Antipatris.
32. Et le jour suivant, ayant
laissé les cavaliers aller avec lui, ils revinrent au camp.
Dans le rôle qu'il prend ici devant son chef, Lysias ne
peut reconnaître qu'il a arrêté Paul sans motif, le prenant pour Apollos,
jadis repoussé par Félix lui-même, qu'il l'a chargé de chaînes, puis de
courroies, qu'il a donné ordre de le déchirer de verges, qu'il l'a emprisonné,
qu'il a réuni un tribunal juif pour juger ce citoyen romain innocent de tout délit,
qu'il l'a conduit lui-même devant ce tribunal et maintenu en prison. Ces
faits sont de nature à nuire à son avancement. Il est obligé de se rapprocher
un peu de la vérité historique : ce sont les Romains qui ont tiré Saül des
mains de Ménahem, ils n'en ont pu tirer ni Antipas ni Ananias. Quant à Paul,
emballé dans les liens du frère Jacques, c'est à Félix de trouver le moyen de
ne pas le délier. La force sous la protection de laquelle Lysias envoie Saül
jusqu'à Antipatris montre qu'il n'a aucune foi dans les disciples de Jacques
pour défendre Paul contre les quarante sicaires. Cette force comprend deux
cents soldats, soixante-dix cavaliers, deux cents dexiolabes (gardes hérodiens) et les montures nécessaires
pour mener Saül sain et sauf à Félix, qui n'en avait pas tant quand il
revenait de Jérusalem à Césarée. En même temps Lysias écrit à Félix, parti
depuis sept ans et rem place successivement par trois autres procurateurs, Festus,
Albinus et Florus, une lettre dont la fausseté ne le cède en rien à celle des
Actes eux-mêmes, a moins que Lysias qui ne I'a jamais écrite et Félix qui ne l'a
jamais reçue n'en aient communiqué la minute aux scribes ecclésiastiques.
Toutefois, sur l'ordre et le sens des faits, Lysias s'accorde
avec l'histoire de Flavius Josèphe : les christiens s'étaient emparés de Saül
et ils allaient le tuer lorsque, survenant avec la troupe, il le leur a
arraché, parce qu'il était citoyen romain. Donc Lysias l'a enlevé aux
assaillants, comme dans Josèphe ; il ne l'a point arrêté le prenant pour
Apollos, comme dans les Actes, et s'il l'a conduit devant le sanhédrin,
pour une raison qu'il ignore lui-même, c’est uniquement par respect pour la
ceinture du frère Jacques. Saül n'a dû son salut qu'aux Romains, voilà la vérité.
Les soldats l'accompagnèrent jusqu'à Antipatris et revinrent an camp, tandis
que Saül avec son frère et la femme que les Actes lui donnent pour sœur
gagnaient Césarée en hâte. A Jérusalem comme a Corinthe, comme à Éphèse, ce
sont les chiens de païens, ce sont les petits de la Bête, les mangeurs
de chair consacrée aux idoles, les suppôts de l'infâme Babylone, ce sont les
soldats de César qui tirèrent Saül des griffes de ces fanatiques.
Imposture n° 112. — LE REVENANT DE SAÜL DEVANT CELUI DE FÉLIX.
33. Lorsque les cavaliers furent
arrivés à Césarée, et qu'ils eurent remis la lettre au gouverneur, ils lui
présentèrent aussi Paul.
34. Or, quand il eut reçu la
lettre, et demandé à Paul de quelle province il était, apprenant qu'il était de
Cilicie :
35. Je
t'entendrai, dit-il, quand tes accusateurs
seront venus. Et il ordonna de le garder dans le prétoire d'Hérode.
Lysias avait arrêté Paul comme Juif d'Egypte[85], le prenant pour
Apollos ; Félix, inspiré par l'Esprit qui ne délie pas, enferme comme Juif de
Cilicie un homme que Lysias lui a envoyé comme étant et citoyen romain et
innocent de tout crime méritant la prison ou la mort. Il y a toutefois un
détail que le faussaire des Actes ne peut dissimuler : c'est au prétoire
d'Hérode, dans le palais construit par Hérode et servant de résidence au procurateur
romain, que Saül descendait d'habitude et qu'il est descendu, venant de
Jérusalem, après avoir échappé à Ménahem, le goël-ha-dam christien. Paul est
à califourchon sur la situation de Saül : on ne peut pas dire qu'il soit
prisonnier, et pourtant il est dans le prétoire. Félix n'a aucune confiance
dans ce que lui écrit le tribun, il attendra les accusateurs de Paul, c'est-à-dire
le revenant d'Ananias et ses collègues. Car, lui aussi, la ceinture du frère
Jacques éblouit ses yeux et leur fait perdre la vue du monde, il n'a plus
devant lui qu'un juif de Cilicie prévenu de quelque chose de mystérieux et
qui n'est pas de sa compétence. Il est tellement enzôné qu'il ne reconnaît
pas le cousin Saül ! Aussi ne se demande-t-il pas pourquoi Lysias lui envoie,
chargé de deux chaînes et de nombreuses courroies, ce citoyen romain contre
lequel personne ne peut relever le moindre délit, pas même le grand-prêtre
Ananias qui en est réduit, pour tout réquisitoire, à causer avec lui des
anges et de la résurrection. Il ne se demande pas davantage pourquoi, si ce
Juif de Cilicie n'est coupable que vis-à-vis de la loi juive, Lysias ne l'a
pas laissé au Sanhédrin qui a seul qualité pour le juger.
II est donc permis de trouver le Saint-Siège un peu sévère
dans le portrait qu'il fait du cousin de Saül :
L'histoire profane le mentionne,
comme ayant gouverne la
Judée, sous le règne de Néron[86], immédiatement avant Festus. Tacite, Suétone et Josèphe nous
apprennent quelques particularités de sa vie. Il était frère de Pallade, et
comme lui, un affranchi de la maison de Claude. Suivant Tacite, il gardait
dans sa fortune les sentiments de sa première condition. Josèphe ajoute qu'il
vivait en adultère, et qu'il s'était rendu fameux par ses concussions. Une
fois déjà, les plaintes causées par sa rapacité l'avaient fait mander à Rome,
et c’est grâce au crédit de son frère qu'il avait été absous. Les Actes
confirment ce que l'histoire profane nous apprend de son avarice et de sa vie
licencieuse. Cet esclave débauche eut successivement pour femmes trois filles
de rois. La dernière était Drusille, fille d'Hérode Agrippa Ier, sœur de Bérénice
et d'Agrippa II. Félix, en effet, l'avait enlevée à Azize, roi d'Emèse, grâce
aux artifices d'un magicien juif, nomme Simon. Elle lui donna un fils, qui
périt avec sa mère, dans l'éruption du Vésuve, sous le règne de Titus. Il
fallait l'intrépidité de l'Apôtre pour oser parler de chasteté et de justice
devant un pareil juge, qui pouvait l'envoyer à la mort. Saint Paul fit plus.
Il lui annonça hautement le Jugement dernier où les vertus auront leur récompense
et les vices leur châtiment. Si Félix ne se rendit pas, il ne put du moins se
défendre d'un sentiment de terreur. Voyons cela.
VI. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XXIV.
Cinq jours après, le prince des prêtres, Ananias,
descendit avec quelques anciens, et un certain Tertullus, orateur ; lesquels
comparurent contre Paul devant le gouverneur.
2. Or, Paul ayant été appelé,
Tertullus commença de l'accuser, disant : Jouissant
par vous d'une profonde paix[87], et beaucoup de choses étant redressées par votre prévoyance,
3. Toujours
et partout, excellent Félix, nous le reconnaissons avec toute sorte d'actions
de grâces.
4. Mais pour ne point vous retenir plus
longtemps, je vous prie de nous écouter un moment avec toute votre bonté.
5. Nous
avons trouvé que cet homme, vraie peste, excite le trouble parmi les Juifs
répandus dans le monde entier, et qu'il est chef de la secte séditieuse des
Nazaréens !
6. Il a
même tenté de profaner le Temple ! Et l'ayant saisi[88], nous avons voulu le juger suivant notre Loi.
7. Mais le tribun Lysias survenant, l'a arraché avec une grande violence de nos mains,
8. Ordonnant
que ses accusateurs vinssent vers vous ; c'est par lui que vous pourrez
vous-même, l'interrogeant, vous assurer des choses dont nous l'accusons.
9. Et les Juifs ajoutèrent que
cela était ainsi.
Voilà enfin l'accusation précisée par Tertullus. Tertullus
avance à Césarée des choses dont Lysias et le Sanhédrin n'ont eu aucune
connaissance à Jérusalem. D'une part, Paul, en tant que Juif de Cilicie est
chef de la secte naziréenne qui, depuis le Recensement de 760 jusqu'a
Ménahem, fomente la sédition et le sicariat ; d'autre part, en tant que citoyen
romain, il a tenté de profaner le Temple en y introduisant le païen Trophime.
Le Saint-Esprit ne relève aucune contradiction entre ces deux faits, puisqu'étant
faux de Paul, le premier est conforme à ses vues, et qu'étant vrai de Saül,
le second est conforme à l'histoire. Le Saint-Esprit ne trouve pas étonnant
qu'à Troas Paul ait célébré la messe en remplacement de la pâque juive et
qu'à Jérusalem il ait sacrifié des animaux selon la loi de naziréat. A Troas,
c'est Paul qui officie ; à Jérusalem, ce sont les lévites.
Toute cette imposture joue sur le mot Naziréen. De ce fait
qu'un acte de naziréat ordinaire a été le point de départ des troubles dont Bérénice
et Saül ont failli être victimes en 819, le faussaire par l'organe de
Tertullus en conclut que Paul qui a été trouve dans le Temple avec quatre disciples
de Jacques, est lui-même chef de la secte des Naziréens ou sectateurs du
Nazir et de ses frères ; à ce titre il est passible de la loi romaine et des
mêmes châtiments que Jacob senior[89] : du fait que
Saül a introduit Tyrannus et Néapolitanus dans le Temple, il est passible de
la loi dont le sanhédrin a la garde et dont les Naziréens poursuivaient
l'exécution à coups de sique. Félix ne pourra retenir le crime de sacrilège défini
par le Lévitique, mais il devra retenir le crime de conspiration et de
révolte habituelles défini par la loi Julia. Tertullus lui suggère donc le
moyen de garder Paul dans le prétoire sans le tuer, et c'est là ce qu'a
décidé le Saint-Esprit, une première fois dans le chapitre relatif aux événements
d'Éphèse, une seconde fois dans la prophétie d'Agabus[90], relative aux événements
de Jérusalem. Félix ne doit pas tuer Paul a Césarée, puisque Paul doit être
martyr a Rome avec Pierre. Mais dans l'accusation de naziréisme telle que
Tertullus la formule il y a de quoi garder un homme a vue jusqu'a la parfaite
instruction de son affaire, et Félix saisit cet expédient avec alacrité. J'espère
que tu comprends bien, très excellent Théophile ?
Paul en tout n'est pas reste plus de sept jours à Jérusalem,
et comme il n'était pas chef des Naziréens auparavant, c'est dans ces sept
jours que doivent se circonscrire les faits de rébellion que Tertullus lui
impute. Il est certain d'avance qu'il ne pourra rien établir de pareil. Félix
est un homme trop au courant, après ses onze ans de procurature, pour
confondre son cousin Saül, qui était encore stratège du Temple sous Gessius
Florus, avec ce Paul qui n'est pas resté plus de sept jours à Jérusalem
depuis le dernier concile[91]. Envahi
lentement mais sûrement par le Saint-Esprit, d se garde bien de protester
lorsque Paul faisant compte des jours qu'il a passés en Judée pendant sa procurature,
arrive à douze avec quelque difficulté. Et comme d'autre part on abandonne
l'accusation d'avoir voulu introduire Trophime dans le Temple, il est clair
qu'on ne pourra rien prouver contre Paul. Il restera simplement ceci qu'au témoignage
des Juifs présents à l'audience, le chef de la secte des Naziréens sous Félix,
au temps des assassinats dans le Temple, n'était ni Jehoudda Toâmin, ni
Philippe, ni Ménahem, ni même le revenant de Jacques ; c'était Paul.
L'accusateur lui-même, Tertullus, s'en remet sur ce point aux explications de
l'accusé, mais comme celui-ci n'aura pas de peine a se disculper, on se
demandera éternellement comment s'appelaient les chefs des Sicaires qui
assassinaient en plein Temple pendant la procurature de Félix. Or, si on ne
dit même pas comment on les appelait, pourra-t-on jamais les identifier avec
les frères survivants de Shehimon et de Jacob ?
Une fois certain que la ceinture de Jacques est passée
autour de toute l'assemblée, Félix fait signe à Paul de parler.
10. Mais Paul (le gouverneur lui ayant fait signe de parler)
répondit : Sachant que depuis plusieurs années, vous
êtes établi juge sur ce peuple, je me défendrai avec confiance.
11. Car
vous pouvez savoir qu'il n'y a pas plus de douze jours que je suis monté pour
adorer à Jérusalem[92] :
12. Et
ils ne m'ont trouvé disputant avec quelqu'un ou ameutant la foule, ni dans le
Temple, ni dans la synagogue.
13. Ni
dans la ville[93] : et ils ne sauraient vous prouver ce dont ils m'accusent
maintenant.
14. Mais
ce que je confesse devant vous, c’est que, suivant la secte qu'ils appellent hérésie[94], je sers mon Père et mon Dieu, croyant à tout ce qui est
écrit dans la loi et dans les prophètes[95] ;
15. Ayant
en Dieu l'espérance qu'il y aura une résurrection, qu'eux aussi attendent, de
justes et de méchants[96].
16. C'est pourquoi je m'efforce d'avoir toujours ma conscience
sans reproche devant Dieu et devant les hommes[97],
17. Mais
après plusieurs années, je suis venu pour faire des aumônes à ma nation[98], et à Dieu des offrandes et des vœux.
18. C'est dans ces exercices qu'ils m'ont trouvé dans le
Temple, sans concours ni tumulte.
19. Et ce
sont certains Juifs d'Asie, lesquels auraient du se présenter devant vous et
m'accuser, s'ils avaient quelque chose contre moi[99] ;
20. Ou
bien que ceux-ci[100] disent s'ils ont trouvé en moi quelque iniquité, quand
j'ai comparu devant le conseil ;
21. Si ce n'est à l'égard de cette seule parole
que j'ai prononcée hautement étant au milieu d'eux : C'est à cause de la résurrection des morts, que je suis aujourd'hui jugé par vous[101].
22. Mais Félix qui connaissait très
bien cette voie[102], les remit,
disant : Quand le tribun Lysias sera venu, je vous écouterai.
23. Et il commanda au centurion
de garder Paul, mais de lui laisser du repos, et de n'empêcher aucun des
siens de le servir.
Avez-vous remarqué le silence d'Ananias pendant les débats
? Ce silence s'explique par l'état de muraille blanchie qu'il exerce depuis
819 dans les égouts de Jérusalem. Le Saint-Esprit refuse de lui remettre la
langue comme il a remis l'oreille de Saül. C'est Tertullus qui parle pour lui,
sa feinte ignorance de la vérité lui en donne le droit. Tertullus, dit le Saint-Siège, c'est le diminutif de Tertius, et en effet c'est le
petit nom d'amitié que le Saint-Esprit donné à ce tiers, à cette personne
interposée. La ceinture de Jacques, Ananias la porte sur la bouche dans cette
mémorable séance. Ah ! tu as le sourire, très excellent Théophile, l'Église
fera quelque chose de toi !
Imposture n° 113. — EN ATTENDANT LYSIAS.
L'audience terminée, Tertullus se retire avec le revenant
d'Ananias. La ceinture du frère Jacques se desserre un peu, pas au point que Félix
relâche Paul, mais assez pour que Saül puisse être assiste des siens. Les
siens ici, c'est Félix lui-même et sa femme Drusille. Félix espère que bientôt
Lysias, descendant de Jérusalem, lui fera entendre les raisons pour lesquelles
il lui a envoyé Paul, mais ce n'est pas une raison pour que le cousin Saül
meure de faim dans le palais occupe par sa famille !
Saül avait aidé Félix dans les affaires qui éclatèrent à
Césarée entre les Juifs et les Grecs. C'est probablement dans la maison de Félix,
et nullement dans celle de Sergius Paullus à Chypre, qu'il a été en rapports
avec Simon le Magicien, rapports qui ont du être parfaits, le cousin de la Juive romanisée ne pouvant
que s'entendre avec le Mage latinisant. Il y a la toute une nichée de Juifs
et de Juives que l'intérêt a transformés en agents de l'Empire et de la procurature.
Si Ie Saint-Esprit laisse Paul en liberté, c'est le corps de Saül qu'on aura
v u dans les rues ; mais s'il est prisonnier dans le palais, comment veut-on
que ce soit le même ? Paul sera donc prisonnier pendant les deux dernières années
de Félix à Césarée. Libre, Saül l'apostat eut fait de l'impérialisme ; prisonnier,
l'apôtre Paul aura prêché Bar-Jehoudda ressuscité. Et pour que Rome ne soit
point trop odieuse, car on la ménage fort, le centurion va devenir un officieux,
presque un brosseur, comme tous les centurions que nous avons vus et que nous
sommes appelés à voir, y compris même celui qui a conduit le Roi des Juifs au
supplice.
La liberté conditionnelle qu'on laissé à Paul va devenir liberté
totale : sur le navire qui conduit Paul en Italie, c'est Paul qui commande.
Le centurion toutefois est l'égal de Paul en ceci qu'assistant au banquet de Cornélius
aux côtés de Pierre et de Jacques, il a le Saint-Esprit qu'il faut avoir : la
ceinture du frère Jacques ne permet pas à ce ceinturion
de laisser Paul sortir du palais sous les espèces de Saül. Je jugerai de ton affaire lorsque Lysias sera venu de
Jérusalem, dit Félix.
Lysias ne venant pas, Félix ne juge pas, et deux ans
après, lorsqu'il s'en va, cédant la place à Festus, Paul est toujours à la chaîne,
malgré la lettre où Lysias déclare ne l'avoir trouvé digne d'aucun
emprisonnement. Les lenteurs de la justice ! Tertullus est descendu de
Jérusalem pour soutenir l'accusation d'Ananias contre Paul ; Lysias n'en descend
pas pour expliquer dans quelles conditions, dans quelles circonstances il a
arrêté Paulos, le prenant pour Apollos. C'est cela pourtant qui serait
palpitant ! Mais on aurait un judéo-romain déposant contre Paul, et ce serait
le renversement complet de la situation. La ceinture du frère Jacques retient
Lysias à Jérusalem, il y mourra plutôt que de dire pourquoi il a chargé Paul
de deux chaînes et d'une quantité incommensurable de courroies. De son côté Félix
s'en ira de Judée plutôt que de dire pourquoi il n'a pas fait venir Lysias à
Césarée. Cependant, puisque Paul est citoyen romain et innocent comme le dit
la lettre de Lysias, puisque d'autre part il a vaincu la calomnie juive
embusquée dans les réquisitions de Tertullus, pourquoi Félix le garde-t-il en
prison ? Et Paul lui-même, puisqu'il sait à quoi conclut Lysias, pourquoi ne
sollicite-t-il pas ce témoignage libérateur ? Exégètes, versez-moi quelque lumière
!
Imposture n° 114. — ENZÔNEMENT DE LA COUSINE DRUSILLE.
Quel scandale si, au milieu de l'audience, Drusille allait
entrer et s'écrier : Tiens ! le cousin Saül !
Mais, mariée sous le régime de la communauté, Drusille a la moitie dans
l'enzônement de Félix, et quand elle aperçoit Paul dans la ceinture du frère
Jacques, elle ne le reconnaît pas.
24. Or, quelques jours après, Félix
venant avec Drusille, sa femme, qui était Juive, appela Paul, et l'entendit
sur ce qui touche la foi dans le christ-jésus[103].
25. Mais Paul, discourant sur la
justice, la chasteté et le jugement futur, Félix effrayé répondit : Quant à présent, retire-toi ; je te manderai en temps
opportun.
26. Il espérait en même temps
que Paul lui donnerait de l'argent ; c'est pourquoi, le faisant souvent
venir, il s'entretenait avec lui.
27. Deux années s'étant écoulées,
Félix eut pour successeur Portius Festus. Or Félix, voulant faire plaisir aux
Juifs, laissa Paul en prison.
Mais aussi pourquoi Paul n'a-t-il pas voulu donner d'argent
à Félix ? Si Félix avait eu de l'argent de Paul, il aurait immédiatement cru
à Jésus-Christ ! Oui, mais alors il aurait été oblige de relâcher Paul, ce
qui aurait contrarié les Juifs. Or c'était un homme si bizarre qu'il aimait mieux
désobliger un christien que d'être payé pour le devenir. De son côté Paul
aimait mieux rester en prison que de faire un christien parmi les goym avec
de l'argent destiné aux saints de Jérusalem. Point de conciliation possible
entre ces deux natures !
VII. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XXV.
Imposture n° 115. — FESTUS DANS LA CEINTURE DU FRÈRE JACQUES.
Après deux ans de ce régime, pendant lequel il ne se passa
rien, sinon que Paul ne convertit pas Félix et que Félix ne relâche pas Paul,
Portius Festus arrive, comme procurateur de Judée par Néron. Félix s'en va
donc, laissant là Paul et son argent. Car dans la système des Actes,
Paul a toujours en poche le produit de la collecte. Félix et Pallas étaient
riches des prodigalités de l'Empereur, mais Paul ne l'est pas moins de la
crédulité des dupes. Festus étant monte a Jérusalem — ce que Félix s'est bien
gardé de faire, il aurait rencontré Lysias qui l'aurait supplié d'élargir
Paul ! — les princes des prêtres et les anciens du Sanhédrin insistent pour
que le prisonnier soit amené dans la
Ville sainte, afin qu'ils puissent le tuer en route, Ils
montrent peu de foi dans leur cause, puisqu'ils trouvent plus expédient
d'assassiner l'inculpe que de le juger. Mais les quarante Naziréens, naguère
altérés de son sang, avaient renoncé à leur gheoullah ; n'ayant pu tuer Saül
entre le Hanoth et la forteresse Antonia, c’est a Festus, au sacerdoce et a
la magistrature de faire le nécessaire entre Jérusalem et Césarée, Noblesse
oblige.
Que va répondre Festus ? Festus,
dit le Saint-Siège, était un affranchi aussi bien
que son prédécesseur. Il vint en Judée en 59 (812 de Rome), la cinquième année de Néron, la seconde de la captivité
de saint Paul ou de la légation de Félix. Si désireux qu'il fut de plaire aux Juifs, Festus sut rappeler aux
ennemis de l'Apôtre ce qu'exigeaient le droit romain et l'équité naturelle :
que nul accuse ne fut condamne avant d'avoir été confronté avec ses
accusateurs et mis a même de s'expliquer sur leurs imputations. Vous voilà
fixés. Cependant quelques réserves s'imposent. La cinquième année de Néron
n'était pas la seconde année de la légation de Félix, puisqu'il avait été
envoyé en Judée sous Claude après Tibère Alexandre, lequel est parti en 803
au plus tard ; elle était la douzième, et la procurature de Félix est l'une
des plus longues qu'ait connues la Judée. L'histoire,
je le sais, ne compte pas pour le Saint-Siège, non plus que la chronologie,
mais ici nous avons le bonheur de pouvoir lui opposer le Saint-Esprit
lui-même, s'adressant à Félix par la bouche de Paul : Depuis plusieurs années vous êtes établi juge sur ce peuple[104], Tertullus n'en
disconvient pas : Jouissant par vous d'une profonde
paix, beaucoup de choses ont été redressées par votre prévoyance[105]. Nous avons vu
également que Paul avait été confronté avec ses accusateurs, représenté par
Tertullus, et qu'il n'était rien resté des misérables imputations portées
contre devant Félix. II est donc certain que Festus va se trouver dans
l'obligation de relâcher Paul, obligation à laquelle son prédécesseur semble
n'avoir pu se soustraire que par la fuite. Heureusement qu'il a commis l'imprudence,
trois jours après son débarquement, de monter dans la Ville où se noue autour
des procurateurs la ceinture enchantée du frère Jacques ! Depuis le quatrième
jour, il est sous sa puissance. Car pendant ces trois jours, Paul a jeûné
pour que Dieu ne le livre pas à l'ennemi. Festus aimerait mieux mourir
assassine de la main de Ménahem que de laisser aller Paul ou de le livrer à
quelqu'un qui n'aurait pas le Saint-Esprit ! Car la ceinture de Jacques et le
cercle vicieux, c’est tout un devant Dieu ; vous devez commencer à vous en
apercevoir puisque vous avez la bonne fortune de n'être point exégètes.
1. Festus donc, étant arrivé dans la province, monta, trois jours après,
de Césarée à Jérusalem.
2. Et les princes des prêtres et
les premiers d'entre les Juifs, vinrent vers lui pour accuser Paul, et ils le
priaient,
3. Demandant en grâce qu'il le
fit amener à Jérusalem, ayant préparé des embûches pour le tuer en chemin[106].
4. Mais Festus répondit que Paul
était gardé à Césarée, et que lui-même partirait bientôt.
5. Que
les principaux donc d'entre vous (dit-il) descendent ensemble, et, s'il y a quelque crime en cet
homme, qu'ils l'accusent !
Imposture n° 116. — NÉRON DANS LA CEINTURE DU FRÈRE JACQUES.
Il est à remarquer d'ailleurs que les Juifs de Jérusalem
n'ont pas offert d'argent a Festus, ce qui explique l'insuccès de leurs plans
pour assassiner Paul.
6. Or, après avoir passé huit ou
dix jours parmi eux, il descendit a Césarée, et le jour suivant, il s'assit
sur son tribunal, et ordonna d'amener Paul.
7. Lorsqu'on l'eut amène, les
Juifs qui étaient descendus de Jérusalem l'entourèrent, l'accusant de
beaucoup de crimes graves, qu'ils ne pouvaient prouver.
8. Paul se défendait ainsi : Je n'ai rien fait, ni contre la Loi des Juifs, ni contre le
Temple, ni contre César.
C'est l'évidence même, et il y a deux ans que cela dure !
Les Juifs n'offrant pas d'argent à Festus pour condamner
Paul, il va le relâcher avec des excuses et des dédommagements, mais le frère
Jacques est là qui serre sa ceinture d'un nouveau cran.
C'est en vain que les Juifs — en l'espèce il s'agit des Naziréens,
des Ebionites, des Jesséens, de tous les Gaulonites, Bathanéens, Galiléens et
Juifs de Judée restés fidèles aux doctrines de Jehoudda et de ses fils sur le
salut, propriété exclusive et incommunicable de circoncision — accusent Saül
d'une infinité de crimes graves, non de ces
petits crimes bénins qu'un souffle emporte, comme par exemple l'assassinat
d'Ananias, de Zaphira, de Jehoudda Is-Kérioth, des grands-prêtres Jonathas et
Ananias, mais de crimes d'une tout autre portée. La lapidation de Jacob
junior, la persécution dirigée contre Eléazar et Bar-Jehoudda, l'expédition
de Damas contre les restes de cette troupe infortunée, la persécution
méthodique de Theudas, de Shehimon et de Jacob, — on peut lui passer Apollos, c'était un hérétique — l'apostasie,
le brevet de cite romaine, le concours accordé aux tyrans, l'amitié d'Hérode
Antipas, des Agrippa, de Tibère Alexandre et de Félix, de Drusille et de
Simon le Magicien, une longue complicité saducéenne avec la famille de Hanan
et de Kaïaphas, ambassade à Néron pour lui dénoncer les entreprises pourtant
si légitimes, de Ménahem, voilà des crimes qui se tiennent, et on peut les
prouver contre Saül, prince hérodien, lieutenant d'Antipas et stratège du Temple
! Mais contre Paul apôtre et prisonnier ? Rien, ils ne
pouvaient rien prouver !
Pourquoi ? Parce que la ceinture du frère Jacques fonctionne
au spirituel encore mieux qu'au corporel. Corporellement elle lie Paul dans
les chaînes et dans les courroies, et elle vient des ateliers de Simon le
corroyeur, commandité par l'Église à Joppé et fournisseur ordinaire du
Saint-Esprit[107].
Spirituellement donc elle délie Saül, s'il plait à Jacob. Or, cela plait à
Jacob maintenant qu'il a sa place au ciel à côté de Pierre. Pour les choses
de Judée il a les mimes pouvoirs que Pierre pour les choses de Rome. Puisque
Pierre a délié Pilatus, Jacques délie Saül. Il y a religion, selon l'étymologie[108]. Je me nomme Légion, dit le Mensonge, et le très
excellent Théophile se tord comme un nœud de ceinture !
Puisque Félix a refusé pendant deux ans de faire venir
Lysias de Jérusalem ou d'aller a Jérusalem pour l'entendre, puisque Festus
revient de cette ville sans recourir au témoignage de ce tribun assez
influent dans la Ville
Sainte pour réunir le Sanhédrin, puisque Paul sait que son
innocence est proclamée dans la lettre de ce tribun dont il ne demande même
pas la comparution, qu'importe qu'il ait l'air d'être prisonnier ? Spirituellement
il est délie, cela lui suffit. Chaînes, courroies, procès, prison, tout est pour
rire. Festus, homme joyeux comme son nom l'indique, ne demande lui-même qu'à
s'amuser, et cet état d'esprit lui suggère encore un moyen de ne pas délivrer
Paul, car si Paul n'est plus dans la ceinture de Jacques, comment pourra-t-il
être témoin de Bar-Jehoudda dans la
Rome où Pierre est censé trôner corporellement ?
Festus, qui vient de refuser aux Juifs du Temple de juger
Paul ailleurs qu'à Césarée, lui propose de le conduire à Jérusalem et d'y
instruire son affaire. Personne, bien en entendu, ne lui suggère l'idée
d'appeler Lysias, puisqu'on ne l'a pas suggérée à Félix.
9. Mais Festus, qui voulait faire plaisir aux Juifs, répondant à Paul,
dit : Veux-tu monter à Jérusalem, et y être jugé sur
ces choses devant moi ?
Paul refuse énergiquement, et vous en feriez autant si vous
étiez dans la ceinture de Jacques. Si, alors que Paul est prisonnier à
Césarée sous Félix et sous Festus, on le rencontre à Jérusalem après leur
procurature, c'est qu'il est identique au Saül qu'on y trouve sous Albinus,
sous Gessius Florus et sous le roi Ménahem. Non, non, Paul est chargé de chaînes a Césarée, en 815, et Jacques
se prépare à l'embarquer pour l'Italie ; il ne serait pas digne de
l'Esprit-Saint qu'il fut à Jérusalem en 819. Il n'y aurait aucun moyen plus
tard de faire la chronologie des premiers papes ! Et puis il y a la question
de droit. C'est un axiome connu que le juge ne peut éluder la question,
citoyen romain, Paul est devant le juge. S'il ne peut pas être jugé — mon dieu
! que tous ces procurateurs sont donc loin de Perrin Dandin ! — eh bien !
il fera appel à Néron de cette forfaiture, car enfin il est dans la
succursale, presque dans l'anti-chambre du tribunal de l'Empereur. Bien mieux,
depuis 806, Claude, pour donner plus de force aux jugements de son procurateur,
a fait voter un sénatus-consulte qui les égale aux siens propres[109]. Peut-être
fut-ce à la demande des Pallas et des Félix. En tout cas, cette loi fonctionne
sous Néron, fermant tout appel à Paul au cas où il eut été justiciable de
Festus et condamné : mais il n'est même pas condamnable, et après plus de
deux ans de prison il ne sait pas encore de quoi il est accusé. Il en a assez
de la ceinture du frère Jacques !
10. Mais Paul répondit : C'est devant le tribunal de César que je suis ; c'est là
qu'il faut que je sois jugé. Je n'ai nui en rien aux Juifs, comme vous-même
le savez fort bien.
11. Car
si j'ai nui à quelqu'un ou si j'ai fait quelque chose qui mérite la mort, je
ne refuse point de mourir ; mais s'il n'en est rien des choses dont ils m'accusent,
personne ne peut me livrer à eux. J'en appelle à César !
12. Alors Festus, ayant conféré
avec le conseil, répondit : C'est à César que tu en
as appelé, c'est devant César que tu iras.
Saül est allé devant Néron, Paul ira devant Néron. Mû par
le Saint-Esprit, Festus accepte immédiatement le fait accompli. On ne peut
attendre de lui aucune objection. D'autant plus qu'un prisonnier qui ne
propose pas d'argent perd tout intérêt. Paul avait
le droit de faire appel à Néron, dit le Saint-Siège pour colorer d'une
ombre juridique cette enfantine mystification. Nullement. D'abord il avait
perdu ce droit par le sénatus-consulte de 806, et puis de quoi en
appelle-t-il ? Théoriquement on comprendrait qu'il fit appel d'un jugement
rendu par Festus, mais où est le jugement ? Paul, au contraire, se plaint de
n'être point jugé ; nous allons entendre Festus déclarer devant témoin qu'il
ne se considère même pas comme compétent.
Imposture n° 117. — CONFIDENCE DE FESTUS AUX PARENTS DE SAÜL SUR LE CAS
DE PAUL.
Vous avez pu remarquer que si Félix et Festus laissent
Paul en prison, ils ne se prononcent à aucun moment contre sa croyance. Sans
être convertis, ils sont ébranlés, et n'étaient les liens qui les attachent à
l'Empire ils semblent prêts à tomber dans ceux de Paul. Ils ne sont pas
éloignés de croire que Bar-Jehoudda soit Auteur de la vie et par conséquent
consubstantiel au Père. Du moins ne produisent-ils aucun argument plausible
contre cette théorie séduisante. Paul doit-il aller à Rome sans que les
parents de Saül, notamment Agrippa et Bérénice, qui y sont allés à leur tour,
n'éprouvent les effets de la demi-conversion dont les agents impériaux fournissent
les apparences au très excellent Théophile ? Non certes, et nous ne voyons
pas pourquoi le Saint-Siège montre tant de sévérité pour la famille de Saül.
Agrippa, dit-il, était alors roi de la Trachonite. Il était
fils d'Hérode surnommé Agrippa, roi de Judée, qui avait fait mourir saint
Jacques[110]. Fils du meurtrier de saint Jacques, Hérode Agrippa était
beau-frère de Félix par Drusille. C'était, d'après Josèphe, un Juif zélé pour
sa religion. Il porta le titre de roi, quoiqu'il n'ait pas succédé à son père
sur le trône de Judée. Il se retira à Rome en 66[111] et mourut en l'an 100 (853). Bérénice, sœur d'Agrippa,
plus âgée que Drusille, déjà veuve du vieil Hérode de Chalcis, son oncle, et
séparée de Polémon, roi de Cilicie, passait pour être la concubine de son frère.
Ces enfants déchus du grand Hérode viennent offrir leurs hommages à l'affranchi
Festus, devenu momentanément favori et grand officier de l'empereur. Tandis
qu'ils étalent leur faste, dans une ville où leur père est mort rongé des
vers pour son orgueil[112], le gouverneur romain, voulant les distraire, les inviter
à présider un interrogatoire qui pourra les intéresser, parce qu'il a trait à
leur religion.
Ainsi parlent les exégètes ordinaires du Saint-Siège.
N'était qu'Agrippa Ier n'a fait mourir aucun Jacques, qu'il n'est pas mort
ronge des vers pour son orgueil, et qu'Agrippa II n'a jamais interrogé Saül
sur la question de savoir si Bar-Jehoudda était ressuscité, il nous faut bien
avouer que la ceinture de Bérénice ne parait avoir eu la même solidité que
celle du frère Jacques. Il est à craindre — si toutefois Juvénal n'a pas médit
— qu'en un temps où ces sortes de licence se raréfiaient parmi les païens,
Agrippa n'ait abusé des prérogatives du peuple de Dieu en renouvelant sur sa
sœur l'expérience qu'Abraham pratiquait sur la sienne, à l'exemple de tant
d'autres honnêtes patriarches et législateurs hébreux. Mais ces écarts de morale
n'ayant point fait obstacle au salut d'Abraham, nous ne sommes pas certain
que le dieu d'Israël, le seul valable, ait condamne chez un moderne ce qu'il
a glorifié chez un ancien. Et puis, si nous blâmions Agrippa, il nous
faudrait vitupérer la famille Borgia, ce qui irait contre le dogme de l'infaillibilité
papale. Cette considération nous arrête, et nous croyons devoir rester dans
le cercle d'idées que trace autour de nous l'austère ceinture du frère
Jacques.
Loin de récuser Agrippa et Bérénice, nous les retenons
comme étant dans les conditions d'impartialité requises : ils n'ont jamais
entendu parler de Paul ! C'est Festus qui leur en apprend l'existence.
13. Quelques jours après, le roi
Agrippa et Bérénice descendirent à Césarée pour saluer Festus.
14. Et comme ils demeurèrent
plusieurs jours, Festus parla de Paul au roi, disant : Un certain homme a été laissé ici par Félix comme
prisonnier :
15. A son sujet, lorsque j'étais à Jérusalem, les princes es prêtres et les anciens des
Juifs sont venus vers moi, demandant une condamnation contre lui.
16 Je
leur ai répondu : Ce n'est pas la coutume
des Romains de condamner un homme avant que l'accusé ait ses accusateurs
présents, et qu'on lui ait donné lieu de se défendre pour se laver de
l'accusation[113].
17. Après donc qu'ils furent venus ici sans
aucun délai, le jour suivant, siégeant sur mon tribunal, j'ordonnai d'y
amener cet homme.
18. Ses
accusateurs, s'étant présenté, ne lui reprochaient aucun des crimes dont je
le soupçonnais coupable[114] :
19. Mais ils agitaient contre lui quelques
questions touchant leur superstition[115], et un certain Jésus,
mort, que Paul affirmait être vivant.
Il n'existe qu'un seul document dans lequel Paul affirme
que Bar-Jehoudda fût encore vivant, c'est la Lettre aux
Galates dont l'auteur, résumant l'état de la superstition qui avait cours
au sujet du Joannès, montre Paul à Jérusalem avec ce survivant en 802. Festus
a lu ce passage dans la Lettre.
On voit par là quel était la nature de la superstition
jehouddique au temps des Saül, des Festus, des Agrippa, des Bérénice, des
Drusille et des Félix : la famille du roi des Juifs continuait à soutenir
qu'il avait échappé aux exécutions de Pilatus, et qu'il était vivant ; la
seule chose qu'on ignorât, c'est l'endroit où elle l'avait enterré. Ce qu'il
faut que Paul montre pour faire la preuve de la survie, c'est le survivant
lui-même. Paul ici ne soutient nullement que Bar-Jehoudda soit ressuscité,
car il lui faudrait ou le produire ou prouver qu'il s'est enlevé devant témoins
sur le Mont des Oliviers, il plaide ce que les frères du crucifié plaidaient
au temps des Félix et des Festus, ce qu'il plaide d'après eux dans la Lettre aux
Galates : le Joannès est vivant, je l'ai vu,
c'est Simon de Cyrène qui a été crucifié a sa place. Dans ces
conditions Festus lui a tenu ce discours : Tu l'as
vu il y a douze ans, tu lui as parlé, tu as traité avec lui et avec Pierre et
Jacques, devant un païen, Gallion, proconsul d'Achaïe, lequel est encore en
fonction à Corinthe, et devant Barnabé, Juif de Chypre et cousin de Pierre,
tu ne peux pas le nier, voici ta lettre. Barnabé a le droit d'être mort,
puisqu'il n'est évêque nulle part. Mais Gallion, frère de Sénèque, est encore
en vie, c'est un homme véridique, nous allons envoyer rendre son témoignage à
Corinthe. Pierre est pape à Rome, c'est un peu loin pour l'envoyer chercher,
mais Jacques est évêque à Jérusalem ; puisqu'il ne sera lapidé que sous
Albinus dans la version ecclésiastique[116], nous allons le prier de descendre, il nous fera voir le Joannès.
En même temps, nous ferons venir Lysias, qui connaît ton innocence et tu
seras délivré.
Comment se fait-il que Festus ait perdu cette occasion,
tout en rendant bonne justice, de voir en face le Juif consubstantiel au Père
? Une hésitation inexplicable l'a privé de ce spectacle.
20. Pour moi, hésitant à l'égard
d'une question de cette sorte, je lui demandais s'il voulait aller à
Jérusalem pour être jugé sur ces choses.
21. Mais Paul en ayant appelé,
pour que sa cause fût réservée à la connaissance de l'Auguste, j'ai ordonné
qu'on gardât jusqu'à ce que je l'envoie à César.
22. Agrippa dit alors à Festus :
Je voulais, moi aussi, être cet homme. — Demain, répondit Festus, vous
l'entendrez.
Imposture n° 118. — PAUL DEVANT LES REVENANTS DU COUSIN AGRIPPA ET DE LA COUSINE BÉRÉNICE.
Quoique l'appel soit suspensif et que Saül n'ait plus
d'autre juge que Néron, il plait au Saint-Esprit que, soustrait par son appel
à la juridiction de Festus qui reconnaît son innocence, l'Apôtre des nations
se soumette au jugement d'Agrippa qui n'est pas compétent et qui ne l'accuse
de rien. Mais il importe que la conversion de Saül soit notifiée à sa famille.
En effet, il résultait de la Lettre
aux Galates que sa famille n'avait jamais été prévenue et qu'il était
passé à la jehouddolâtrie à l'insu de sa chair et de
son sang[117], dont il avait
négligé de prendre conseil. Par conséquent Antipas et Hérodiade sont passés
en Espagne sans connaître ce miraculeux évènement. Salomé, veuve de Philippe
le tétrarque, s'est remariée avec Aristobule sans l'avoir appris. Agrippa Ier
est mort[118],
l'ignorant à jamais, Drusille le sait par sa confrontation avec Paul devant
Félix, mais sa chair et son sang ne se
composent pas que d'elle. Les autres, Agrippa II, Bérénice, enfants lorsque
Saül est parti pour l'expédition de Damas en 789[119], sont censés ne
l'avoir jamais revu depuis. S'ils écoutent sans broncher le récit que Paul
leur fera de la conversion de Saül, en plagiant celui qu'en a fait précédemment
le faussaire des Actes, ce sera une chose sinon acceptée du moins
connue de la maison d'Hérode avant son départ pour l'Italie. Car il faut bien
réfléchir à la situation de Saül, de sa chair et de
son sang, en face des Ecritures ecclésiastiques : tout ce monde ignore
qu'Antipas ait décapité le Joannès baptiseur et que Saül soit revenu de Damas
converti au Joannès, crucifie sous le nom de Jésus dans les Évangiles.
Ils en sont restés à ce qui était de leur temps, c'est-à-dire à Saül persécutant
Bar-Jehoudda et ses frères jusqu'en 819. Ce n' est pas une situation !
23. Le lendemain donc, Agrippa et Eunice étant venus en grande pompe,
et étant entrées dans la salle des audiences avec les tribuns[120] et les principaux
de la ville, Paul fut amené par ordre de Festus.
24. Et Festus dit : Roi Agrippa, et vous tous qui êtes ici réunis avec nous,
vous voyez cet homme, an sujet de qui toute la multitude des Juifs m'a
interpelle a Jérusalem, représentant et criant qu'il ne devait pas vivre plus
longtemps[121].
23. Pour
moi, j'ai reconnu qu'il n'avait rien fait qui méritât la mort ; cependant
lui-même en ayant appelé à l'Auguste, j'ai décidé de lui envoyer.
24. Et
n'ayant rien de certain à écrire de lui à l'Empereur, je l'ai fait venir devant
vous tous, mais principalement devant vous, roi Agrippa, afin que, l'interrogation
faite, j'aie quelque chose à écrire.
25. Car
il me semble hors de raison d'envoyer un homme chargé de liens, et de ne pas
en faire connaître la cause !
Ce serait en effet l'acte d'un fou, et pour l'expliquer à
Néron qui pourtant se croyait grand artiste, — Qualis
artifex pereo ! — il aurait fallu révéler d'abord au très
excellent Théophile le truc de la ceinture du frère Jacques, ce qui n'entre
pas dans les vues du Saint-Esprit.
VIII. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XXVI.
Imposture n° 119. — NOTIFICATION DE LA CONVENTION DE SAÜL
À SA FAMILLE.
A peine Agrippa et Bérénice sont-ils en face de Paul qu'un
vent léger s'élève dans la salle d'audience et abolit chez eux le sens de la
mémoire. Leur état d'enzônement touchant à la perfection, ni l'un ni l'autre
ne reconnaît Saül. Paul lui-même est incapable de prononcer une parole que le
très excellent Théophile n'ait déjà lue dans les Actes. C'est la
ceinture qui opère !
1. Alors Agrippa dit à Paul : On te permet de parler pour te défendre. Paul
aussitôt, étendant la main[122], commença sa
justification.
2. Roi
Agrippa, je m'estime heureux d'avoir, sur toutes les choses dont les Juifs
m'accusent, à me défendre aujourd'hui devant vous,
3. Vous
surtout, qui connaissez toutes choses, et les coutumes et les questions qui
existent parmi les Juifs. C'est pourquoi je vous supplie de m'écouter avec
patience.
4. Et
d'abord ma vie qui, depuis le commencement, s'est passée au milieu de ma
nation à Jérusalem, tous les Juifs la connaissent,
5. Sachant d'avance (s'ils veulent rendre
témoignage),
que, dès le commencement, j'ai vécu pharisien, selon la secte la mieux fondée de notre religion.
6. Et
cependant me voici soumis à un jugement au sujet de l'Espérance en la
promesse qui a été faite par Dieu à nos Pères,
7. Et
dont nos douze tribus, servant Dieu nuit et jour, espèrent entrer en
possession[123]. Ainsi, c'est au sujet de cette Espérance, ô roi, que je
suis accusé par les Juifs[124].
8. Juge-t-on
incroyable parmi vous que Dieu ressuscité des morts ?
9. Pour
moi, j'avais pense que je devais par mille moyens agir centre le nom de Jésus
de Nazareth[125] ;
10. Et
c'est ce que j'ai fait a Jérusalem : j'ai jeté en prison un grand nombre de
saints[126], en ayant reçu le pouvoir des Princes des prêtres ; et,
lorsqu'on les faisait mourir, j'ai donné mon suffrage[127].
11. Et
parcourant souvent toutes les synagogues pour les tourmenter, je les forçais
de blasphémer[128] et, de plus en plus furieux contre eux, je les poursuivais
jusque dans les villes étrangères[129].
12. Comme
j'allais dans ces dispositions à Damas avec pouvoir et permission des princes
des prêtres,
13. Je
vis, ô roi, au milieu du jour, dans le chemin, qu'une lumière du ciel,
surpassant l'éclat du soleil, brillait autour de moi et de ceux qui étaient
avec moi.
14. Et,
étant tous tombés par terre[130], j'entendis une voix qui médisait en langue hébraïque : Saül,
Saül, pourquoi me persécutes-tu ? Il t'est dur de regimber contre l'aiguillon.
15. Et
moi, je demandai : Qui êtes-vous, Seigneur ? Et le Seigneur répondit :
Je suis Jésus que tu persécutes.
16. Mais
lève-toi et tiens-toi sur tes pieds ; car je ne t'ai apparu que pour
t'établir ministre et témoin des choses que tu as vues, et de celles pour
lesquelles je t'apparaîtrai encore,
17. Te
délivrant des mains du peuple et de celles des Gentils vers lesquels je
t'envoie maintenant,
18. Pour
ouvrir leurs yeux, afin qu'ils se convertissent des ténèbres à la lumière, et
de la puissance de Satan a Dieu, et qu'ils reçoivent la rémission des péchés,
et une part entre les saints, par la foi en moi[131].
19. Ainsi,
roi Agrippa, je ne fus pas incrédule à la vision céleste[132] ;
20. Mais
à ceux de Damas, d'abord, puis à Jérusalem, dans tout le pays de Judée[133], et aux Gentils, j'annonçais qu'ils fissent pénitence, et
qu'ils se convertissent a Dieu, faisant de dignes œuvres de pénitence[134].
21. Voilà
pourquoi les Juifs, s'étant saisis de moi lorsque j'étais dans le Temple,
cherchaient à me tuer[135].
22. Mais,
assisté du secours de Dieu, jusqu'à ce jour je suis demeuré ferme, rendant témoignage
aux petits et aux grands, ne disant rien que ce que les prophètes et Moïse[136] ont prédit devoir arriver,
23. Que
le Christ souffrirait, qu'il serait le premier dans la résurrection des morts[137], et qu'il devait annoncer la lumière à ce peuple et aux
Gentils.
Eh ! bien, tu le vois, très excellent Théophile, Agrippa n'a
pas bronché, il a reçu cette bordée de mensonges ineptes avec un sang-froid
qui lui eut valu un évêché et une place éminente dans le Martyrologe romain
s'il eut été possible de faire entrer un second prince hérodien dans la
grande famille ecclésiastique. Conteste-t-il la conversion de Saül sur le
chemin de Damas telle qu'elle est enregistrée par l'Esprit-Saint ? Non. Par
conséquent c'est un fait accepte, avec regret, si l'on veut, mais enfin
accepte par la chair et par le sang de Saül. Malgré tout, c'est à Césarée,
devant Félix et Drusille, ensuite devant Agrippa et Bérénice, que le scribe
des Actes ose le moins frauder. Il est retenu par un reste de pudeur
historique. Il enzône, il encercle, comme dit le précieux Guillaume II, imperator et rex, des personnages avec lesquels
Saül a vécu ; il y a des démentis qu'il veut éviter. Sauf le voyage d'Arabie
qu'il n'avoue pas[138], qu'il ne peut
avouer sans trahir ses impostures, il est obligé d'en revenir au premier état
de la conversion de Saül, telle qu'elle est définie dans la Lettre aux
Galates : une opération du Saint-Esprit, et qui n'a pas eu de témoins
parmi les hommes. Saül est revenu de Damas tel qua était parti de Jérusalem après
la crucifixion de Bar-Jehoudda. Si la figure de Paul fût inconnue des églises qui sont dans la Judée[139], celle de Saül
ne leur est que trop connue avant comme après Damas. C'est bien l'Amalécite[140] des évangélistes,
et Agrippa n'eu a pas connu d'autre. Mais, lien pour Paul, la ceinture du frère
Jacques est devenue baillon pour Agrippa.
Imposture n° 120. — DEMI-CONVERSION DE FESTUS ET D'AGRIPPA.
Festus lui-même est entraîne par ce silence qui devient un
aveu. Il pourrait contester le fait, car il connaît la parenté de Saül avec Félix,
il s'est servi de lui pour finir l'imposteur qui s'est levé pendant sa procurature
et dont Josèphe ne parlait peut-être pas aussi anonymement qu'aujourd'hui[141]. Mais le
conteste-t-il ? Nullement. Il se borne à traiter Paul de fou ; encore
attribue-t-il cette folie à un excès de savoir historique et chronologique,
authentiquant ainsi, dans la mesure de son enzônement, les Lettres de Paul
dont les principales au moins sont censées connues de l'assistance. On ne lui
demande pas de dire que Paul a raison de pousser un cadavre juif sur les
autels comme symbole de la vie éternelle ; mais enfin il peut bien, sans se
compromettre, laisser croire que les Lettres de Paul existaient de son temps
et que leur point de départ, la résurrection de Bar-Jehoudda, était acquise à
l'histoire. Il n'y a rien la qui engage la responsabilité d'un revenant.
24. Comme il parlait ainsi, exposant sa défense, Festus, d'une
voix forte, dit : Tu es fou, Paul ; ton trop de
lettres te fait perdre le sens.
25. Et Paul : Je ne suis point fou (dit-il), ô excellent Festus ; mais je dis des paroles de
sagesse et de vérité.
26. Et
il sait bien ces choses, le roi devant qui je parle avec tant d'assurance ;
car je pense qu'il n'ignore rien de cela, aucune de ces choses ne s'étant
passée dans un coin[142].
27. Croyez-vous
aux prophètes, roi Agrippa ? Je sais que vous y croyez.
28. Et Agrippa à Paul : Peu s'en faut que tu me persuades d'être christien.
29. Mais Paul : Plaise à Dieu qu'il ne s'en faille ni peu ni beaucoup ;
que non-seulement vous, mais encore tous ceux qui m'écoutent, deveniez
aujourd'hui tels que je suis moi-même,... à
l'exception de ces liens.
Et il montra ses chaînes,
dit le comte de Maistre. Après que dix-huit siècles
ont passe sur ces pages saintes, après cent lectures de cette belle réponse,
je crois la lire encore pour la première fois, tant elle me parait noble,
douce, ingénieuse, pénétrante. Je ne puis vous exprimer à quel point j'en
suis touché.
Ceci n'est que du Maistre, mais voici du de Ligny, jésuite
: Pourquoi excepter ces liens, dit le père de
Ligny, puisque Paul regardait comme un si grand bonheur
de les porter pour Jésus-Christ ? La réponse est de Jésus-Christ : Tous ne
comprennent pas cette parole. Et il ne fallait pas exposer cette perle
aux insultes de ces animaux immondes !
Allons ! La ceinture du frère Jacques n'a rien perdu de sa
vertu sur l'aristocratie ! Mais puisque nous n'appartenons pas à cette
classe de la société, si digne par ses lumières de conduire les destinées du
peuple, considérons qu'il n'y a qu'un instant le malheureux Festus se déclarait
incapable d'écrire quoi que ce soit a Néron, faute de renseignements sur
Paul, et qu'il le disait en ces termes à Agrippa : Je
l'ai fait comparaître devant vous avant de l'envoyer à César, afin qu'après
cet examen j'aie de quoi écrire. Or nous apprenons ici qu'Agrippa n'ignore rien de ce que cherche Festus et aussi de
ce que cherchait Félix. Il est au courant de tout cela depuis l'expédition de
Damas, c'est-à-dire depuis 789, il sait même des choses qui n'ont été décidés
qu'au troisième siècle, notamment que l'Apocalypse n'est plus le
testament de l'homme crucifié par Pilatus et qu'il faut s'armer d'autres
prophéties que celle dont Dieu a proclame la faillite au Guol-golta. D'où vient
donc que, seul, Agrippa se taise, laissant à Paul le soin d'éclairer Festus ?
N'est-ce pas vouloir que Paul innocent continue à porter les chaînes qui, après
dix-huit cents ans, ont le don d'émouvoir jusqu'aux larmes le comte de
Maistre ? D'autre part, Paul ne pouvant être sauvé que par les liens du frère
Jacques, ne serait-ce pas un crime de les lui enlever ? Que d'autres résolvent
ce cas de conscience ! En attendant, examinez bien ce que vient de faire
Agrippa, il a sauvé l'Église ! Or, qu'est-ce que l'Église fait pour lui ?
Rien, sinon l'accuser a avoir abuse de Bérénice ou d'être un animal immonde.
Agrippa méritait mieux, car il parait qu'au cas où Paul
n'eût pas été en état de prouver que Bar-Jehoudda était ressuscite, Festus
aurait été eu droit de le punir de mort. Un exégète catholique[143] trouve que ce
Festus manque un peu de la gravité avec laquelle il faut parler d'un fait
aussi solidement établi : Il juge Paul innocent à
cause du peu de cas qu'il fait du chef principal de l'accusation ; — selon
cet exégète, le chef principal c'est d'avoir soutenu que Bar-Jehoudda était
ressuscité[144]
—. En cela Festus se trompait ; l'affaire était
capitale, et s'il n'eût pas été vrai que Jésus était ressuscite, Paul aurait mérité
la mort comme perturbateur du repos public[145] et comme agresseur déclaré d'une religion (la juive) qui avait
Dieu pour auteur ; mais un païen comme Festus ne pouvait pas en savoir tant !
Imposture n° 121. — RUPTURE DE LA CEINTURE DU FRÈRE JACQUES.
30. Alors le roi, le gouverneur,
Bérénice, et tous ceux qui étaient assis avec eux se levèrent.
31. Et s'étant retirés à part,
ils se parlaient l'un à l'autre, disant : Cet homme
n'a rien fait qui mérite la mort ou les liens.
32. Aussi Agrippa dit a Festus :
Cet homme pourrait être renvoyé,... s'il n'en avait appelé à César.
Ainsi, après avoir tourne pendant plusieurs années dans le
cercle vicieux trace par Jacques, les voilà revenus a ce que tout le monde
sait depuis la lettre de Lysias : Paul n'a rien fait
qui mérite même la prison, et n'était son appel
comme d'innocence, on pourrait le relâcher. Oui, mais si on le relâche,
au lieu d'être envoyé à Néron par Festus, il rentrera dans le corps de Saül a
Jérusalem, il sera stratège du Temple sous Albinus et Florus, il habitera son
palais jusqu'en 819, il y subira l'assaut de Ménahem et il n'ira vers Néron
qu'après l'assassinat d'Ananias par le septième frère de ce Bar-Jehoudda dont
Paul vient de plaider la résurrection en quelque sorte publique — car enfin
cela ne s'est Pas fait dans un coin ! — devant deux procurateurs, une
princesse, un roi, une reine et de nombreux tribuns. Et en ce cas, non
seulement le très excellent Théophile pourra concevoir des doutes sur le
dogme, mais le non moins excellent comte de Maistre ne sera pas touche a un
point inexprimable.
La ceinture de Jacques ne se rompra donc que pour Festus,
Agrippa et Bérénice ; elle ne lie plus que deux hommes, Paul jusqu'a ce qu'il
soit mis sur le vaisseau qui doit l'emmener hors de Judée, et Néron qui
l'attend à l'autre bout de la mer. Car Néron est lie sans qu'il 8 en doute.
Le scribe prépare ici l'imposture de la Passion de Paul dans laquelle on
voit l'Apôtre des nations comparaitre devant Néron, lui prêcher la résurrection,
par conséquent la divinité de Bar-Jehoudda, et expier de sa tête ce crime de lèse-majesté
romaine.
Ce qu'il y a de remarquable dans ce vertigo général, c'est
est la foi de l'auteur dans l'imbécillité publique. Jamais il n'est honteux
du rôle qu'il y fait jouer à tout ce monde. On
pourrait relâcher Paul, dit Agrippa, dès que Paul a le dos tourné.
Sans doute. On avait qu'à prévenir Paul, il se fût désisté de son appel,
puisque était le seul obstacle à sa libération. N'insistons pas sur cette
comédie indigeste : c'est Festus ou le dessaisi par
persuasion, c'est Paul ou l'appelant
par innocence.
Les Discours de Paul à Césarée sont d'un scribe qui
feint de ne plus rien savoir du christ millénaire, de l'Apocalypse et du Royaume
de Dieu. Placés dans la bouche d'un prince hérodien, parent d'Agrippa et en
même temps pupille de Rome, ils sont dans le ton des Lettres, d'une
soumission si intéressée, d'une hypocrisie si ambitieuse, d'une tartuferie si
savante ! On s'est empare de Saül mort, on lui a rive aux pieds et aux mains
tes fers jehouddolâtriques, on a montre par des fables stupides qu'Agrippa et
Bérénice, Félix et Drusille, Festus et tout son entourage, Césarée, Jérusalem
et toute la Judée,
tous les hommes jusqu'a Gal-lion, toutes les villes jusqu'a Corinthe étaient
au courant du cas résurrectionnel expose dans l'Evangile, Paul servant pour
ainsi dire de truchement au personnage de Jésus et l'introduisant sous Néron
dans la haute société juive et romaine.
Qui pourra nier que Jésus ait existé et que Saül ait été
son apôtre, quand on aura vu le procurateur Festus, successeur de Félix,
lequel l'était des Pilatus et des Tibère Alexandre, dire à Agrippa : De ceux qui (Sicaires
de 819 et Naziréens du second siècle)
accusent Saül de persécution et d'apostasie, personne, pendant une
instruction qui a dure trois ans, n'a pu établir aucun des griefs sur
lesquels je comptais ; il n'y a de contestations qu'entre les Juifs du
Temple et lui, à l'endroit d'un certain Jésus, mort, qu'il affirmait être
vivant ? Comme nous sommes censés en 815 et que huit ans a peine
nous séparent de la chute de Jérusalem, comme de Tibère a Hadrien le mystère
le plu s pro fond n'a cesse d'entourer l'existence de Jésus, il est hon que
des le temps de Néron tous les grands et tout le peuple aient connu, par l'organe
de l'Apôtre des nations, le divin héros du roman évangélique, sa résurrection
et son ascension.
IX. — OÙ EST PASSE L'ARGENT DE LA COLLECTE ?
Le rôle des Romains et celui des Juifs sont encore assez
clairs, mais celui des frères, de ces bons frères qui ont accueilli Paul avec
tant de joie, qui lui ont conseillé d'aller se faire arrêter bien gentiment
dans le Temple, et qui, s'il n'a pas menti à toute l'Asie, à la Macédoine et à la Grèce, sont en
train de compter l'argent de la collecte, que deviennent-ils au milieu des
épreuves qui assaillent l'Apôtre des nations ? Ces bons apôtres de la Circoncision, — les
Actes n'osant plus parler
des Douze, — que font-ils pour soulager ou délivrer le prisonnier ? Où
sont ceux que Philippe dans Césarée lui a donnés pour escorte afin de le défendre
contre ses ennemis ? Où est Philippe lui-même ? Et Jehoudda dit Toâmin ? Et
Ménahem, le José de l'Évangile ? Où donc sont Agabus et Mnason le
Chypriote ? Et Trophime ? Où est Trophime ? Est-il déjà parti pour Arles ?
Mais la collecte ? Que devient la collecte pendant ce
temps ? Paul avait à peine écrémé ce trésor pour contribuer aux
sacrifices des quatre Naziréens de Jacques. Est-ce que ce coquin de Lysias s'en
serait emparé pour se couvrir des frais énormes qu'il a faits lorsqu'il a
acheté le droit de cité romaine ? Non, car l'auteur des Actes, c’est-à-dire
Dieu lui-même, reconnait spontanément que le tribun a repousse jusqu'a l'idée
de la plus légère indélicatesse. Paul a-t-il été tapé
par le sanhédrin ? Non, Ananias s'est borne a le frapper sur la bouche.
A-t-il été détroussé par les brigands ? Non, car les Actes le diraient
avec l'insistance qu'ils déploient dans les questions d'argent. Il n'y a
point de brigands à l'aller grâce a l'escorte fournie par le généreux Philippe,
et quant au retour, Lysias a pris contre eux de victorieuses précautions.
Paul a quêté pour les pauvres et pour les saints de
Jérusalem[146].
Ces saints, ces pauvres sont ou ceux du Temple ou ceux de la secte
christienne. Cet argent, Paul ne l'a remis ni aux Juifs du Temple qu'on nous
montre acharnes contre lui, ni a ceux de la secte, il l' a garde, et c'est un
pur escroc avec son ami Trophime, A moins qu'au contraire Trophime et ses
compagnons, Mnason et les envoyés de Philippe, n'aient volé l'Apôtre des
nations, ce qui expliquerait la disparition totale de ces personnages au
moment psychologique. Je ne trouve pas cela très gentil de la part de gens
dont plusieurs ont célèbre la messe à Troas avec lui. A-t-il été vole par
Jacques ou par ses quatre Naziréens, et la ceinture de ce frère ne
serait-elle qu'une de ces ceintures comme ou en portait jadis autour des
reins pour serrer l'or ? Je ne puis croire que le Saint-Esprit soit descendu
si bas dans les régions du corps humain.
La collecte a-t-elle été assumée au troisième ciel où elle
s'est assise a la droite du Père ? Non, les assomptions définitives sont spécialement
réservées aux membres de la famille de Jehoudda, et l'argent doit demeurer
sur terre comme gage et prémices de la félicité future.
Donc Paul l'a sur lui pendant les deux ans qu'il passe à
Césarée. Il le déclare à Félix, c'est pour adorer Dieu et distribuer des
aumônes à sa nation qu'il est venu à Jérusalem. Félix avait retenu ce dernier
point, et c est dans l'espoir de tirer à Paul un peu de cet argent qu'il
aimait à converser avec lui : Félix était suspect, à la différence de Lysias
qui, en sa qualité de juif de naissance, est insensible à l'argent. Lysias ne
veut pas même être effleuré par le soupçon ; Félix s'y expose, impudent comme
un goy. Mais s'il espère avoir un peu de la collecte destinée à l'Église, c'est
qu'il a conserve une naïveté qui ne se concilie pas avec la parfaite
connaissance qu'il a de la voie. Les illusions
que nourrit à cet endroit l'affranchi de Claude font douter de son expérience
des affaires. La vénalité, dit le Saint-Siège,
était une des plaies de l'administration romaine,
surtout dans les provinces éloignées du centre de l'empire.
C'est pour remédier à cet excès que les collectes ont été
inventées : leur but moral est d'enlever aux particuliers le moyen usuel de
corrompre les fonctionnaires romains, et aux fonctionnaires le moyen d'être
corrompus Par les particuliers. On peut titre certain qu'une fois aux mains
de l'Église, 1'argent n'en sortira pas pour r entrer dans le civil. Comme ce
serait encourager la vénalité que de donner de l'argent à Félix, Paul ne lui
en a pas donne. Et, puisqu'il ne l'a pas donne non plus aux ; saints de
Jérusalem, c'est bien lui qui est le voleur. Après avoir dépouillé les
nations pour la fraction du peuple de Dieu qu'il appelle les saints de
Jérusalem, il s'est applique la collecte, il a mange la grenouille. Et avec
une malice telle qu'à la fin d'un emprisonnement pendant lequel il s'est
contenté d'une nourriture spirituelle, il ne lui reste plus rien, rien, il écrit
aux Philippiens pour se recommander à leurs aumônes ![147]
Mais trêve de variations sur l'embarras ou l'Église a
plonge Paul. Paul n'est point le voleur, Paul n'est point le vole, Paul n'a
point d'argent. Et pourtant il y a eu collecte ! Mais dans le plan du
publicain ecclésiastique, elle est si bien destinée aux saints de Rome qu'il
oublie de la remettre a ceux de Judée. Ni chez Philippe a Césarée ni chez
Jacques a Jérusalem Paul ne songe un seul instant a leur en verser le
produit. Elle leur passe sous le nez. Rome, voilà ou est la caisse !
L'inventeur du denier de Pierre, c'est Paul.
Festus et Agrippa, qui savent où va l'argent, s'abstiennent
de demandes indiscrètes. On voit bien l'escroquerie, elle est criante, il n'y
a que le bénéficiaire qu'on ne voie pas. Or l'escroquerie est dans l'invention
même de cette collecte que les aigrefins de Rome proposent en exemple perpétuel
aux poires (de
bon christien) du quatrième siècle.
Si Saül a vraiment quêté par toutes les provinces d'Asie
et d'Achaïe où il y avait des Juifs, et cela n'a rien d'impossible, c'est
qu'il en avait mandat du Temple, et en ce cas ce fut pour organiser la résistance
contre les Juifs du dedans qui mettaient leur pays en danger, c’est-à-dire
les christiens.
X. — QUE FONT JACQUES ET PHILIPPE POUR L'APÔTRE DES
NATIONS ?
Une autre chose juge l'imposture de cet emprisonne-nient
dont personne, au bout de trois années, ne peut indiquer la raison ni parmi
les Romains ni parmi les Juifs.
C'est le magnifique isolement dans lequel Jacques et les frères
de Jérusalem, Philippe et les frères de Césarée, Aquila et les frères
d'Éphèse, Crispus et les frères de Corinthe, tous les apôtres et en un mot
tous les christiens de quelque école et en quelque pays qu'ils soient, laissent
le pauvre Paul enchainé. Pendant les deux grandes années de sa prétendue
lutte contre Ananias et le sanhédrin, pas une main naziréenne qui se tende
vers lui, pas une aide, pas une pensée de réconfort ni d'espérance qui lui
parvienne, pas même un de ces témoignages banaux qu'une âme bien née ne
refuse jamais à un ennemi injustement poursuivi. Tous sont apostoliquement
ignobles, comme les Douze au Mont es Oliviers, comme Pierre dans la cour de Kaïaphas.
Qu'on crache au visage du christ ou qu'on frappe sur a bouche de Paul, c'est
le même prix. Les serrures qui tombent toutes seules quand Pierre est en
prison semblent se consolider quand c'est Paul qui gémit dans les cachots.
Que dans la semaine agitée où l'on risque sa peau en mettant le nez dehors le
frère Jacques se cache dans sa toison, passe encore ! Mais qu'il ne daigne
même pas se montrer a Césarée pendant les deux procès portés par le
grand-prêtre devant Félix et devant Festus, alors que l'accuse n'est point
passible de l'emprisonnement au dire même des Romains, voilà qui renseigne
souverainement sur la somme de charité que le christianisme a fait jaillir de
l'âme humaine a la honte du paganisme agonisant !
Dira-t-on que Jacob était mort crucifie depuis 802 par les
soins de Saül et que cet accident le dispensait de venir au secours de Paul ?
Nous n'admettons pas cette raison, car ce serait mettre l'histoire au-dessus
du Saint-Esprit. Il existe une Lettre de Jacques et l'Église la date
de 59 de l'Erreur christienne, c’est-à-dire de 812. C'est l'année même ou
Paul est arrêté dans le Temple ; or il est entre dans cet édifice à
l'instigation de Jacques et il a paye cette confiance de plus de deux ans de
prison. En outre l'interpolation ecclésiastique de Josèphe sur Jacques place
en 63 de l'E. C, soit 816, la lapidation de ce frère du christ[148]. Il a donc vécu
à Jérusalem pendant les deux années que Paul a passées dans les fers, accable
par la calomnie juive. Césarée est-elle trop loin pour ses vieilles jambes ?
Ananias et les anciens du sanhédrin font bien deux fois le chemin pour
accuser Paul ! Jacques ne peut-il le faire une fois pour défendre l'innocent
et pour se défendre à son tour auprès de lui, car qui lui a tendu le
traquenard dans lequel il devait fatalement tomber ? Qui est la cause de ses
malheurs immérités ? Si Jacques est travaille par quelque rhumatisme
articulaire, Philippe, qui est à Césarée avec ses quatre filles, n'aurait-il
pas dû le représenter ? Il est donc impardonnable et il ne peut pas même
invoquer pour excuse qu'il était occupé à la rédaction de sa lettre, car ce
monument apostolique n'est point antérieur à la seconde dispersion des Juifs
sous Hadrien[149].
|