I. — IMPOSTURE N° 35. - PAUL TREIZIÈME APÔTRE AVEC LA CONTREMARQUE DE
SAÜL.
La plus difficile n'était pas de convertir Saül, c'était
de le rattacher aux douze apôtres de la fable. On n'aurait jamais pu y
parvenir dans la fable même, à cause de son oreille qui passait. On ne
pouvait y réussir que dans des pièces à côté, les Actes notamment où
l'on présentait les Douze comme constitués à Jérusalem sept ans avant la mort
de Bar-Jehoudda. Pierre et les onze constitutionnels prenant, la tête du
défilé, Paul, avec la contremarque de Saül, pouvait marcher immédiatement
après, un peu confus d'abord, puis panache au vent.
Tout, d'abord on n'avait pas osé le mettre en contact avec
les frères de ses victimes. On s'était borné à l'éloigner de Jérusalem après
la lapidation de Jacob, date à laquelle le Seigneur lui avait dit : Va-t'en, car je t'enverrai loin d'ici vers les Gentils[1]. Tout à Damas
s'était passé en révélation. Révélation aussi ce qui s'était passé à son
retour auprès de Kaïaphas, car on ne niait, point qu'il ne fût revenu à
Jérusalem[2]. C'est en priant
dans le Temple, et à la suite d'un ravissement d'esprit que le Rabbi lui
était apparu, disant: Hâte-toi et sors vite de
Jérusalem, car ils (ils, c'est toute la
génération de Saül) ne recevront pas le témoignage
que tu rends de moi[3]. Saül était donc
revenu après sa seconde mission à Damas, il avait rendu compte de son échec,
puis, après la déposition d'Antipas comme tétrarque de Galilée, il était
revenu à Tarse. Mais personne ne l'avait vu dans le personnage de Paulos. J'étais, lui fait-on dire dans la Lettre aux
Galates, inconnu de visage aux églises du christ
qui sont dans la Judée
; on y avait appris seulement cette nouvelle : Celui
qui autrefois (sous Tibère, sous
Caligula, sous Claude et sous Néron) nous
persécutait, prêche maintenant (au
troisième siècle, sous le pseudonyme de Paulos) la foi que jadis il détruisait ; et c'est par une
conversion de cet autrefois que les Actes
disent aujourd'hui : Tous ceux qui l'écoutaient à
Damas étaient étonnés, disant : N'est-ce
pas celui qui poursuivait dans Jérusalem ceux qui invoquaient ce nom et qui
est venu ici pour les conduire, chargés de liens, aux princes des prêtres[4].
Si nous nous plaçons dans la situation des frères
survivants de Bar-Jehoudda en face du Temple en nisan 789, nous voyons qu'à
les supposer revenus dans Jérusalem cinquante jours après l'enlèvement, ils
n'auraient pu y faire montre de cette quiétude canonicale. En effet, si tel
était le mandat de Saül contre les christiens, comment expliquer la liberté
parfaite dont la famille de Bar-Jehoudda, sa mère, ses sœurs et ses disciples
jouissent à Jérusalem ? Comment se fait-il que la justice du grand-prêtre,
servie par la rage de Saül, aille tomber à Damas, sur des gens en fuite, des
femmes même, alors qu'elle a sous la main les auteurs responsables de tous
les troubles ? Pourquoi envoyer Saül à Damas avec ses hommes quand il n'a
qu'à traverser la rue pour mettre les menottes à Pierre ?
D'autre part il suffit de se placer dans la situation de
Saül à son départ de Jérusalem pour voir qu'il n'aurait pu, même s'il l'eût
voulu, se joindre aux frères de Bar-Jehoudda. Car, soit par trahison soit par
force, Saül a manqué sa mission. Si c'est par force, il doit une explication
à Kaïaphas, et cette explication ne peut être que celle-ci : Attaqué par les Arabes, je n'ai dû mon salut qu'à la fuite
; et en ce cas il est resté le serviteur du Temple contre les christiens, il
a même un argument de plus contre ceux qu'il poursuivait. Si c'est par
trahison, si, converti et baptisé par eux, il a abandonné le parti hérodien,
il est devenu leur complice, c'est un véritable sicaire. Il ne pourra pas se
présenter au Temple sans tomber sous la patte du sanhédrin, car on a dit à
Kaïaphas : Saül est passé, avec armes et bagages, à
ceux qu'il allait arrêter par votre ordre. Or la première fois que
nous l'y retrouverons dans Josèphe, c'est vingt-huit ans après, faisant la
police du lieu pour le compte d'Agrippa II. La seconde fois, c'est deux ans
après, et il sera attaqué en plein Temple par les sicaires de Ménahem,
dernier frère de Bar-Jehoudda. Nous sommes donc bien sûrs qu'il n'est pas
passé de leur côté quand il était à Damas.
Les mensonges des Actes ont tous une raison d'être
impérieuse, ce sont des mensonges d'État. Il était indispensable que Paul eût
connu les Douze, car à la tête des Douze il y avait Pierre, parmi eux il y
avait Jacques, et dans la Lettre
aux Galates Saül voyait Pierre et Jacques après sa seconde mission à
Damas. Dût l'auteur de la
Lettres aux Galates en souffrir un peu dans son
amour-propre d'inventeur, on put placer Paul sous la dépendance de Pierre
beaucoup plus tôt par cette conversion à laquelle le jumeau de Bar-Jehoudda
avait libéralement prêté les mains. On y gagnait un treizième apôtre, un
treizième témoin de la résurrection, témoin par reflet, témoin par ouï-dire,
mais d'autant plus croyable qu'il était ennemi la veille. Après cela on ne
viendrait pas dire que la résurrection était une imposture tardivement
imaginée par les petits-neveux de l'intéressé.
Il est vrai que par cette soudure Paul allait passer au
premier plan hors de Judée. Mais c'est la situation que la Lettre aux
Galates lui avait déjà faite. Autant la lui Conserver que de livrer au
public les secrets de fabrication de l'usine ecclésiastique. On n'était pas
encore protégé par les brevets ! Paul serait toujours grand, il serait
toujours le premier parmi les nations, mais il ne serait que le second en
Judée ; Pierre tenant toujours la grande ligne, Paul le rejoint par les
chemins de traverse, comme est la route de Damas. Tous les chemins mènent à
Jérusalem, d'où ensuite ils mèneront tous à Rome. Commencé à Damas par les
Actes, l'apostolat de Paul ne pouvait se continuer ailleurs sans qu'il en coûtât
à la suprématie de Pierre. Mais grâce au Saint-Esprit Pierre régnait déjà
depuis plusieurs années lorsque Saül a persécuté les sept faux diacres[5] et lapidé
Stéphanos qui cesse d'être Jacob junior par la même raison que Pierre a cessé
d'être son frère Shehimon. De plus, et c'est à quoi se marque encore la
puissance de l'Esprit-Saint, c'est pour avoir prêché la résurrection... de
Jésus, comme leurs frères galiléens, que pendant sept ans, de 782 à 789, tous
ces diacres avaient été persécutés.
Le très excellent Théophile apprendra donc qu'avec la
contremarque de Saül dans la Lettre
aux Galates, Paul est revenu, à Jérusalem pour se jeter aux pieds des
apôtres Pierre et Jacques que toutefois les Actes ne nomment pas. On
n'ose pas non plus le loger chez Pierre[6], c'est trop gros
; il est possible d'ailleurs que cette imposture soit plus moderne : Paul est
descendu chez Barnabé qui, déjà visé par la Lettre, est désigné pour lui servir de
truchement.
26. Lorsqu'il fut venu à
Jérusalem, il cherchait à se Joindre aux disciples ; mais tous le
craignaient, ne croyant pas qu'il fût disciple.
S'il y avait quoique ce soit du fondé dans sa vocation (Lettre aux Galates) ou dans sa
conversion (Actes), loin d'être
accueilli avec méfiance par les apôtres de Jérusalem, dans l'hypothèse où ils
auraient eux-mêmes été présents, Paul eût été reçu avec les élans de la
confiance la plus absolue. En effet il résulte de la Lettre aux Galates et des
Actes que, soit en Arabie soit à Damas, il aurait prêché le ressuscité
pendant trois ans avant de retourner à Jérusalem.
27. Alors Barnabé, l'ayant pris
avec lui, le conduisit aux apôtres, et leur raconta comment
il avait vu le Rabbi dans le chemin, que le Rabbi lui avait parlé, et
comment, à Damas, il avait agi avec assurance au nom de Jésus.
En un mot Barnabé résume tout ce qu'il a lu sur la
conversion de Saül dans le chapitre précédent auquel il ajoute ce qu'il a lu
dans les Lettres postérieures à la
Lettre aux Galates : N'ai-je
pas vu le Seigneur ? etc.
28. Saül demeurait donc avec eux
à Jérusalem, agissant avec assurance au nom du Rabbi.
29. Il parlait aussi aux
Gentils, et disputait avec les hellénistes ; or, ceux-ci cherchaient à le
tuer.
30. Ce que les frères ayant su,
ils le conduisirent à Césarée, et l'envoyèrent à Tarse.
Ces dispositions homicides des Juifs hellénistes
s'expliquent par ce fait que Saül se trouve avoir lapidé l'un d'eux sous le
nom de Stéphanos : ils lui veulent mal de mort. Au contraire les apôtres
constitutionnels n'ayant plus rien à lui reprocher depuis cette métamorphose
et conséquents avec l'attitude qu'ils ont prise à Damas, protègent la
nouvelle recrue dans toutes ses éprouves. Tu saisis, très excellent Théophile
?
Tu vois que, déjà sauvé des Juifs par les jehouddolâtres
de Damas, Paul l'est ici des Hellénistes par les apôtres eux-mêmes. C'est par
eux que, conduit à Césarée où réside déjà Philippe, il est envoyé à Tarse.
Pour nous, considérons, en dehors du très excellent Théophile, le rôle
prépondérant que joue en tout cela Césarée, capitale romaine de la Judée ; et
rapprochons de cette observation le fait qu'Eusèbe, le premier historien de
l'Église, fut évêque de cette ville au commencement du quatrième siècle, et
que sa collaboration aux impostures jehouddolâtriques lui a valu de la part
de l'empereur Julien le qualificatif cent fois mérité de misérable.
Imposture n° 36. LE PONTIFICAT DE PIERRE.
Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans les Actes, après
le mensonge constitutionnel, c'est la disparition totale des Douze, au moment
où Saül converti en Paulos se superpose par cela même à l'apostolat
millénariste. A partir de 789, on dehors des sept fils de Jehoudda, aucun des
apôtres cités dans l'Évangile n'apparaît dans les Actes. On ne songe
pas à faire jouer le moindre rôle par Mathias qu'on a subrepticement
introduit dans la liste. Quand le faussaire utilise quelqu'un pour le service
l'Eglise, c'est ou Jehoudda, fils de Shehimon, sous le nom de Joannès-Marcos,
ou Barnabas, son neveu, ou Philippe, son frère, ou Jehoudda junior, son autre
frère, qu'on surnomme Bar-Schabath pour ne pas le surnommer Toâmin comme dans
les premières Écritures. Cette substitution d'un seul homme à toute une secte
qui pourtant continue de plus belle jusqu'à Ménahem est la preuve irrécusable
du parti qui a été pris de faire le silence sur tous les descendants de
Jehoudda et de les réconcilier morts avec Saül mort également.
C'est qu'il ne s'agit pas seulement de réconcilier Saül
avec les fils de Jehoudda, il faut encore réconcilier tout ce monde avec Rome
où l'on travaille l'élément païen. On a cessé de pêcher au Jourdain, on
commence à pêcher dans le Tibre.
Les Actes ne sont pas terminés, ils ne finissaient
pas comme aujourd'hui. Ce qui reste, c'est la préface de la Passio Petri
et Pauli : Shehimon réconcilié avec Saül dans l'espacé et dans le temps,
le rejoignant à Rome où tous deux périssent de la façon qu'accuse le
Martyrologe romain.
Actes des Apôtres ! C'est un titre bien ambitieux
que celui-là. Ne croirait-on pas vraiment qu'il s'agit de procès-verbaux ou
d'annales embrassant toute la période apostolique jusqu'aux Pères ? La
matière est à la fois moins authentique et moins ample.
Le vrai titre serait : Actes
des faux Apôtres Pierre et Paul arrangés
par les scribes ecclésiastiques dans la désir de dissimuler les crimes de
l'un et les persécutions de l'autre, et dans le but de subordonner le second
au premier. Mais ce serait un titre peu canonique.
Substituer des certitudes à ces fables voulues, ce n'est
pas chose absolument impossible ; dénoncer les faux et les rendre palpables,
ce n'est pas au-dessus des forces humaines. Quand nous aurons éliminé tous
les faux, nous verrons ce qui reste, et dans ce reste, qui n'est pas gros, ce
qu'il peut y avoir de vrai et, faute de vrai, de vraisemblable.
Les Actes conservent une ombre de valeur en ce qui
touche certaines pratiques d'une Camorra gaulonite ayant fonctionné dans
Jérusalem non régulièrement, comme il est dit, mais épisodiquement, et dont
la parenté avec le Zélotisme, que dis-je ? avec le Sicariat lui-même, est
manifeste. Il y a là des faits qualifiés crimes dans tous les pays du monde,
même quand le fanatisme les inspire ; or ces faits sont absolument dans la
note de ceux que l'impartiale histoire a relevés contre les Sicaires et qui,
après avoir causé la crucifixion du jésus, ont conduit Shehimon et Jacob sous
la main du bourreau. Tous ces héros, comme ceux de Josèphe, ont régné par la
terreur : moyen contraire aux prescriptions de Jésus dans l'Évangile
rectifié.
Le Pierre des Actes n'a rien de Shehimon. C'est un
homme à qui le séjour de la
Transjordanie, où il eut ses intérêts et toute sa famille
jusqu'en 789, est interdit par une cause connue de la seule Église.
Impossible d'être moins pécheur de Kapharnahum. C'en est fait, de la petite
maison où hier encore sa mère le servait à table avec son grand frère. Pierre
n'y retourne plus jamais. Pour lui plus de terre natale, plus de Gamala, plus
de Jourdain, plus de Bethsaïda, plus rien.
Il a rompu même avec le souvenir. Sa barque pourrit sur la
grève du lac, ses filets sont rongés des bêtes.
Il n'y a plus personne en Galilée pour paître le troupeau
de David. Renfermé dans Jérusalem avec ses compagnons d'allégorie, Pierre
consent à en sortir pour aller jusqu'à Césarée banqueter chez le centurion Cornélius,
hier encore chargé d'opérer contre son frère et maintenant contre lui !
Jamais il ne daigne pousser jusqu'en Galilée. Il montre une indifférence
olympienne pour les neuf mille disciples qui l'année précédente voulaient
proclamer son frère roi, et pour ceux qui, moins nombreux mais plus réels,
l'avaient effectivement couronné dans Bathanea.
C'est que dans l'Eglise qui se développe en paix sous sa
conduite dès 789 Pierre n'a plus d'autres frères que des fidèles, imaginaires
comme sa présence à Jérusalem. Il n'est point homme à fomenter des révoltes
ou à avoir pris sa part de celle où périt Bar-Jehoudda. Cette révolte se
trouve complètement escamotée par la transposition chronologique de la mort
du roi-christ reportée en 782. Converti en Pierre, Shehimon répète le rôle de
pape qu'on se propose de lui faire jouer à Rome, et, chose qui indique bien
sa non-participation à la révolte de 788, il affectionne dans ses tournées
pastorales les lieux par où son frère s'est enfui du Sôrtaba. Il établit son
quartier général à Lydda même où ce paladin fut arrêté. Nous sommes en
l'année 789, la huitième depuis la promulgation de l'Apocalypse...
Mort depuis quelques jours, Bar-Jehoudda est censé ressuscité depuis sept ans.
Avis à ceux qui osent dire d'après Josèphe que la ressuscité de l'Évangile et
l'imposteur du Sôrtaba sont le même homme !
Par l'opération du Saint-Esprit, la fuite de Bar-Jehoudda
jusqu'à Lydda sa transforme en une tournée pontificale de Pierre. Loin de
conjurer la perte de Rome, Pierre, poussant plus loin vers la mer, baille le
salut à l'Occident en la personne du centurion Cornélius. Il n'est pas allé
chez Pilatus, parce que c'était un modeste ; mais il le pouvait, Pilatus
était encore là. De son côté, Rome ne voulait que du bien à l'Église de Pierre
; cette Eglise n'était inquiétée que par le Temple, jaloux de son succès, car
dans leur for intérieur les Juifs convenaient parfaitement que Bar-Jehoudda
fût ressuscité. Pendant que Saül est en Cilicie, où est Pierre ? Pierre
parcourt ses États pOntificaux. A-t-il l'air d'un homme qui vient d'enlever
le cadavre de son frère pour l'enterrer à Machéron ? Nullement. A-t-il même
l'air d'un homme qui est en Asie ? Pas davantage. Pierre, d'un front serein,
d'une jambe digne, s'avance vers Césarée de la Mer, résidence du procurateur romain.
Imposture n° 37. - LE JOANNÈS DE LYDDA GUÉRI PAR PIERRE.
Que le très excellent Théophile ne s'y méprenne point !
Pierre n'avait aucune aversion pour les lieux funestes où avait été pris
Bar-Jehoudda fuyant la cavalerie de Pilatus. Au contraire, il les chérissait,
depuis qu'incorporé au Verbe Jésus dans la mystification évangélique son
frère était arrêté à dix ou douze lieues de là, au mont des Oliviers, dans la
direction inverse. La preuve, c'est qu'en 789, au lendemain de la crucifixion,
il établissait son quartier général à Lydda même où tous les habitants de
Saron venaient lui signifier leur conversion au ressuscité de 782. Comme les habitants
de Jérusalem, de Samarie et de Damas, ils avaient eu sept ans devant eux pour
apprendre la résurrection de celui qu'ils avaient vu partir pour Jérusalem
chargé de liens, la veille de la pâque, sous la conduite d'Is-Kérioth.
31. L'Eglise cependant
jouissait de la paix dans toute la Judée, la Galilée et le pays de la Samarie ; elle s'établissait
marchant dans la crainte du Seigneur, et elle était remplie de la consolation
du Saint-Esprit.
32. Or il arriva que Pierre, en
les visitant tous, vint voir les saints qui habitaient Lydda[7].
33. Et il trouva là un homme du
nom d'Oannès gisant depuis huit ans sur un grabat, étant paralytique.
34. Et Pierre lui dit : Oannès, le Seigneur Jésus-Christ te guérit ; lève-toi et
fais toi-même ton lit. Et aussitôt il se leva.
35. Et tous ceux qui habitaient
Lydda et Saron le virent, et ils se convertirent au Seigneur.
Ainsi le Joannès local, paralysé depuis huit ans[8], l’âge de l'Apocalypse
en 789, a
guéri par l'intervention de Pierre. C'est du grand Joannès lui-même,
ressuscité sous le nom de Jésus, que Pierre tient ce pouvoir de guérison.
Oannès, Io-annès, Annonciateur d'Iaô, personnifie Lydda, c'est Lydda qui est
guérie en lui. Je constate avec peine qu'on ne montre pas la maison du
Io-annès de Lydda. A-t-on eu peur de montrer en même temps celle où fut
arrêté le Joannès de Gamala ?[9] Je constate aussi
que loin de placer Lydda sous l'invocation du Juif consubstantiel au Père les
Romains et les Grecs l'ont appelée ensuite Diospolis, ce qui, sauf le respect
dû à Iahvé, signifie ville de Jupiter, et je ne puis m'empêcher de voir là
une preuve nouvelle de l'injustice humaine.
L'allégorie du Joannès de Lydda, complétée par celle de
Talitha dans Joppé, doit être antérieure à la rédaction des Actes.
Peut-être provient-elle de l'Évangile dit de Pierre, où
l'identité du Joannès et de Jésus ne s'affirmait pas moins que dans les Évangiles
actuels par la similitude de Jonas ressuscité après trois jours. Toutes ces
spéculations mythiques s'éclairent mutuellement pour qui connaît le point de
départ de la fable évangélique : l'assimilation du Joannés juif tiré du
Guol-golta, trois jours après son entrée en croix, au Jonas ninivite sortant
de son Poisson au bout de trois jours. Le rapprochement de nom et de délai
avait mis les scribes sur la voie de la similitude
de Jonas qu'ils ont exploitée dans leur fable. Un rapprochement d'autre
sorte inspire ici le scribe des Actes : c'est au port de Joppé que
s'était embarqué Jonas[10] lors du voyage
où il fut avalé par le Poisson : c'est
pour gagner le port de Joppé que le Joannès gaulonite avait fui dans la
direction de la mer. Joppé est près de Lydda, Pierre ne fera-t-il rien pour
cette ville où son frère eût trouvé le salut sous la forme de la barque de
Jonas, si la rude main d'Is-Kérioth ne s'était abattue sur son épaule ?
La réponse ne se fait pas attendre. Voici Joppé qui envoie une délégation à
Pierre.
Imposture n° 38. - LA
JEUNE FILLE DE JOPPÉ RESSUSCITÉE PAR PIERRE.
Comme on avait enlevé au Joannès sa qualité de Nazir pour
en faire le nom du village qu'aurait habité jésus de Nazareth, il convenait,
pour authentiquer les résurrections mentionnées dans les Évangiles, que
Pierre pût lui aussi s'approcher d'un mort, comme si en son vivant le jésus
avait pu le faire sans manquer à son naziréat. La preuve, très excellent
Théophile, que sous le nom de Jésus Bar-Jehoudda a ressuscité des morts dont
il lui était défendu de s'approcher en qualité de nazir, c'est que Pierre l'a
fait à son exemple. Pierre va s'approcher d'une morte nommée Talitha ; et de
même que Joannès guéri dans Lydda, c'est Lydda personnifiée, de même Talitha
c'est Joppé tout entière. Ici comme ailleurs, mais peut-être avec plus
d'intention, l'auteur des Actes se moque de toi sans vergogne, très
excellent Théophile, à moins que vous ne soyez d'accord pour vous moquer,
tous les deux des goym, ce qui est vraisemblable.
36. Il y avait à Joppé, parmi
les disciples, une femme du nom de Tabitha, qui veut dire par interprétation
Dorcas. Elle était remplie de bonnes œuvres et elle faisait beaucoup
d'aumônes.
37. Or il arriva en ces jours-là
qu'étant tombée malade[11], elle mourut.
Après qu'on l'eut lavée, on l'eut mit dans une chambre haute.
38. Et comme Lydda était près de
Joppé, les disciples, ayant appris que Pierre y était, envoyèrent vers lui
deux hommes[12]
pour lui faire cette prière : Hâte-toi de venir
jusqu'à nous.
39. Or Pierre, se levant, vint à
eux. Et lorsqu'il fut arrivé, ils le conduisirent dans le cénacle, et toutes
les veuves l'entourèrent pleurant, et lui montrant des tuniques et des
vêtements que leur faisait Dorcas.
40. Alors, ayant fait sortir
tout le monde, Pierre, s'agenouillant, pria ; et, se tournant vers le corps,
il dit : Tabitha, lève-toi. Et elle ouvrit
les yeux, et ayant vu Pierre, elle se mit sur son séant.
41. Alors, lui donnant la main,
il la leva ; et quand il eut appelé les saints et les veuves, il la leur
rendit vivante.
42. Cela fut connu dans tout
Joppé ; et beaucoup crurent au Seigneur.
43. Or il arriva qu'il demeura
un grand nombre de jours à Joppé, chez un certain Simon, corroyeur.
Lorsque Jésus ressuscite la fille de Jaïr, une des
belles-sœurs de Bar-Jehoudda morte martyre, il la prend par la main et lui
dit en araméen : Talitha, houmi, ce qu'on interprète ainsi : Jeune fille, levez-vous[13]. Or le très
excellent Théophile pourrait croire qu'il en est à Lydda comme à Kapharnahum,
que Talitha est synonyme de jeune fille et,
que sa résurrection emprunte tout son sel à la présence de Pierre dans la
ville où la mort de son frère aîné a fait tant de veuves. Il ne faut pas que
le très excellent Théophile conçoive de pareilles idées : morte de la même
maladie dont Pierre a guéri le Joannès de Lydda, Talitha
ne veut pas dire Jeune fille comme dans Marc
; Talitha est devenue, par la changement d'une seule lettre, un nom de femme
; Tabitha, qui signifie en grec Dorcas, Gazelle. Sur cette joyeuse cascade,
l'auteur des Actes a dû dormir d'un sommeil agréable, comme il arrive
aux gens qui n'ont pas perdu leur journée. Toutefois a-t-il prévu qu'en ce
siècle on montrerait aux étrangers la maison de Simon le corroyeur et celle
de Tabitha, voire son tombeau ? J'en doute, car il y a des récompenses
au-dessus de toute attente.
Ces miracles, tous renouvelés de l'Évangile, n'ont qu'un
but : confirmer les pouvoirs de Pierre par des exemples et montrer ce que le
très excellent Théophile peut espérer de la foi nouvelle. La preuve que Pierre
après son frère aîné a bien reçu le pouvoir des miracles, ce sont les
histoires du Boiteux, du Joannès de Lydda et de la Tabitha de Joppé.
Quelques casuistes ont regretté que Pierre eût ressuscité
Tabitha qui, disent-ils, était indubitablement morte sauvée, ayant emporté le
trésor de ses bonnes œuvres et de ses aumônes. En la ressuscitant Pierre l'a
exposée aux embûches de Satan. N'y aurait-elle pas succombé depuis ? Car on
ne nie plus qu'elle n'ait fini par mourir Une bonne fois et on ne sait pas si
ce fut en état de grâce. Cependant, font observer d'autres théologiens, il y
a quelque impiété à penser que, l'ayant ressuscitée par Pierre, — Pierre n'a
été qu'un instrument, ils l'accordent, — Dieu a pu ne pas la défendre contre
les périls d'une seconde vie. La question, n'est pas encore tranchée. Ils
ignorent également si Tabitha était mariée, veuve ou vierge. Tirons-les de
cette incertitude. Talitha était à la fois vierge, veuve et mariée. Vierge,
comme Salomé lorsqu'elle a épousé Jehoudda ; veuve du Joannès ; et mariée à
l'Époux céleste de toute juive de la
Loi, au Père des sept démons de Maria Magdaléenne.
II. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE X.
Imposture n° 39. - CORNÉLIUS, CENTURION DE CÉSARÉE, DEMANDE AU CIEL DE
LUI ENVOYER PIERRE.
Que le très excellent Théophile n'aille pas prêter
l'oreille à des rapports calomnieux ! Sous le nom de Shehimon, Pierre n'a
point été l'implacable xénophobe de l'histoire, Pierre n'était point fils de
Jehoudda, il n'était point frère du roi-christ, il était, comme le disent les
Évangiles en quatre endroits, fils d'un certain Joannès, personnage
inconnu qu'on chercherait en vain à identifier avec Joseph le charpentier. Si
son degré de culture était médiocre, sen cœur embrassait l'univers taillable
et corvéable. Nul parmi les Juifs de son temps n'a poussé plus loin
l'inclination naturelle des christiens pour Rome et les Romains. C'est au
point que, huit ans après la
Passion de son bon maître Jésus de Nazareth, advenue non
comme celle de Bar-Jehoudda avant la pâque de 789 mais après la pâque de 782
qu'il a célébrée avec ses douze apôtres, Pierre a consenti à venir et sous
quelle forme ! chez le centurion qui sûrement avait commandé l'escorte du
Guol-golta. Ce centurion, il est vrai, avait manifesté dans l'Evangile son
désir d'être converti à la jehouddolâtrie : évidemment c'était celui qui a
dit en parlant du dieu que les Juifs ignorants ont pris pour un criminel : Celui-là était vraiment le Fils de Dieu[14]. Il était donc
bien disposé et déjà il faisait beaucoup d'aumônes au peuple, le scribe juge
superflu d'ajouter par les mains de l'Église
: depuis, le châtiment d'Ananias, nous sommes fixés sur la manière dont
Shehimon entendait la répartition des dons soit partiels, soit totaux.
1. Il y avait à Césarée un
certain homme, du nom de Cornélius, centurion de la cohorte qui est appelée
Italique,
2. Religieux et, craignant Dieu,
avec toute sa maison, faisant beaucoup d'aumônes au peuple, et priant Dieu
sans cesse ;
3. Cet homme vit manifestement
en vision, vers la neuvième heure[15], un ange de Dieu
venant à lui, et lui disant : Cornélius !
Le Saint-Siège pense qu'il était trois heures de
l'après-midi ; il compte la journée à partir de six heures du matin. C'est
une erreur des plus graves. Il était trois heures du matin et l'on doit
compter, comme faisait Shehimon, à partir de six heures du soir. L'Esprit qui
inspire Cornélius ne lui permettait pas d'attendre trois heures de
l'après-midi pour prier, d'autant que sans le savoir il implorait
subconsciemment Shehimon lui-même dont les prières, lorsqu'il était de ce
monde, commençaient une heure après la troisième veille de nuit[16]. Cornélius est
en règle avec la loi de naziréat. Cornélius n'est point circoncis de fait,
mais il l'est d'inclination, puisque, s'il n'a pas contracté toutes les
habitudes des christiens comme de renverser les idoles et de refuser le salut
à l'image à Rome, au moins en a-t-il adopté les prières et les jeûnes. Il
n'est pas de ces centurions pilatiques qui dispersent les christiens autour
du Sôrtaba et qui, les accompagnent ensuite au Guol-golta. Il n'est pas non
plus de ceux qui sous Tibère Alexandre ont empoigné les Shehimon et les Jacob
pour les attacher à la croix. Non, non, c'est un sujet tout préparé. Du jeûne
à la vision il n'y a qu'un pas, et l'Esprit-Saint le lui a fait franchir.
4. Et lui, le regardant, tout
saisi de crainte, dit : Qu'est-ce, Seigneur ?[17] Et l'ange lui
répondit : Tes prières et tes aumônes sont montées
en souvenir devant Dieu.
5. Et
maintenant envoie des hommes à Joppé, et, fais venir Simon, qui est surnommé
Pierre ;
6. Il
loge chez un certain Simon, corroyeur, dont la maison est près de la mer ;
c'est lui qui te dira ce qu'il faut faire.
7. Lorsque l'ange qui lui
parlait se fut retiré, il appela deux de ses serviteurs, et un soldat
craignant Dieu, de ceux qui lui étaient subordonné.
8. Quand il leur eut tout
raconté, il les envoya à Joppé.
Vous connaissez trop les procédés employés par les scribes
pour ne pas avoir deviné tout de suite que l'ange apparu à Cornélius, c'est
Shehimon lui-même, dans son double
céleste, car il y a beau temps que sous le nom de Pierre il habite la Chambre haute ornée du
tapis allégorique. C'est pour cela qu'en priant à trois heures du matin,
heure du lever de l'Étoile, heure davidique par excellence, Cornélius a été
bien inspiré par l'Esprit : montée en souvenir devant Dieu, sa prière a été
entendue par le fils de David.
Pierre est vêtu de blanc lorsqu'il se présente à Cornélius[18]. C'est sa
toilette d'assumé. Nous la lui avons déjà vue au Mont des Oliviers lors du
départ de son frère aîné pour les cieux[19].
Imposture n° 40. - LA
VISION DE PIERRE AVANT D'ALLER CORNÉLIUS.
Le très excellent Théophile pourrait-il croire encore,
étant donné les avances de Cornélius à Pierre, que Shehimon est toujours
homme à s'enfermer dans la Loi,
à refuser de voir un centurion, comme font les Juifs qui conduisirent son
frère au prétoire[20], de loger chez
lui au besoin, et par réciprocité de loger ses émissaires, parmi lesquels un
soldat de la cohorte italique ? Ce serait bien mal connaître le temps et les
circonstances, car non seulement il a logé un légionnaire et logé chez un
centurion, mais encore il est absolument décidé à manger du porc avec eux si
on lui on sert. Foin du Deutéronome, de Moïse et d'Aaron, de Maria Magdaléenne
leur sœur, de David, de Jehoudda et de Salomé, du Nazir, et de Shehimon
lui-même ! Le très excellent Théophile assiste à une conversion posthume
obtenue par les mêmes moyens que celle de Saül : une double vision. C'est le
dernier adieu de Pierre à Shehimon. Si là-bas, au fond de la Judée, quelque
Naziréen, disciple de Jehoudda, se lève pour protester, on lui répondra qu'à
la vérité Shehimon sous son nom de circoncision, c'est-à-dire, dans la vie,
n'a rien fait de ce qu'on lui prête ici, mais que sous le nom ecclésiastique
de Pierre il a abjuré la Loi
devant des témoins, un soldat et deux serviteurs à gages, dont l'autorité
pourrait être récusée si Dieu lui-même ne la couvrait de la sienne. C'est
pourquoi, dès le début et à trois reprises[21], l'auteur des Actes
a pris soin de dire qu'il s'agit dans ces visions du personnage assumé que,
sous le nom de Pierre, l'Église a tiré de Shehimon. Celui que les Naziréens
réclament, c'est le nommé Shehimon ; celui que l'Église s'adjuge, c'est le
surnommé Pierre. Toutefois, si ces Juifs sont, raisonnables, au lieu de
s'entêter dans une stérile opposition à la divinité du Nazir, ils laisseront
faire et pourront aspirer au partage des profits. Pour cela il faut que Pierre
reçoive les envoyés de Cornélius. Or, il y a toute apparence qu'il le voudra
bien, car Cornélius a reconnu sa divine extraction en l'appelant : Seigneur, dignité que Tibère avait refusée pour
lui-même.
9. Or, le jour suivant, eux
étant en chemin et approchant de la ville, Pierre monta sur le haut de la maison,
vers la sixième heure[22], pour prier.
10 Et comme il eut faim, il
voulut prendre quelque nourriture pendant qu'on lui en apprêtait[23], il lui survint
un ravissement d'esprit :
11. Il vit le ciel ouvert, et
comme une grande nappe suspendue par les quatre coins, et qu'on abaissait du
ciel sur la terre[24],
12. Et dans laquelle étaient
toutes sortes de quadrupèdes, de reptiles de la terre, et d'oiseaux du ciel[25].
13. Et une voix vint à lui : Lève-toi, Pierre, tue et mange.
14. Mais Pierre dit : A Dieu ne plaise, Seigneur, car je n ai jamais mangé rien
d'impur et de souillé[26].
15. Et la voix lui dit encore
une seconde fois : Ce que Dieu a purifié, ne
l'appelle pas impur.
16. Or cela fut fait par trois
fois[27], et aussitôt la
nappe fut retirée dans le ciel.
D'après certains apologistes cette nappe représentait
l'Église destinée à recevoir dans son sein les païens que les Juifs
regardaient comme impurs, et abominables. Ce qui les porte à cette
interprétation, c'est, disent-ils, que l'Église vient du ciel et doit y
retourner à l'instar de la nappe elle même. Plusieurs ont compris que tous
les animaux déposés sur la nappe étaient immondes, d'autres qu'il y en avait
de mondes. Ces derniers exégètes sont dans une erreur que l'Apocalypse du
Juif consubstantiel au Père suffit à dissiper. Les premiers ont à demi saisi
la signification de la nappe génésique. Sous couleur de viandes pures et
impures, c'est la question de race qui se pose sur la nappe. Tous les hommes
sont de le chair impure, de la semence de bétail, à l'exception des Juifs,
sur qui le ciel doit se refermer à la fin des temps. Dans le dogme christien
la nappe terrestre n'a été faite que pour eux. Ils ont le droit de tuer,
voire en présence de Jésus, tous ceux qui les ont empêchés de régner, et
s'ils ne mangent point les goym, c'est de peur de s'empoisonner. Haine à leur
chair ! Haine même à leurs vêtements[28] ! Vous
rappelez-vous la pâque des oiseaux de proie dans l'Apocalypse ?[29] A eux toute la
chair païenne ! Qu'ils en débarrassent le monde !
Mais Bar-Jehoudda ne sera point le dieu de l'Occident, Shehimon
ne tiendra pas Rome sous le talon de Pierre, si les disciples de leur
illustre père s'obstinent dans un pareil programme. Puisqu'on n'a pu
supprimer les goym en 789 il faut les supporter, mais contre bonne et valable
rançon. Moyennant quoi, Pierre ouvrira sa porte aux envoyés de Cornélius.
17. Tandis que Pierre ne savait
en lui-même que penser de la vision qu'il avait eue, voici que les hommes
envoyés par Cornélius se présentèrent à la grande porte.
18. Et demandèrent à haute voix
si c'était là que logeait Simon, surnommé Pierre.
Ils n'osent entrer, se doutant de la façon dont ils seront
accueillis ; si au lieu de pénétrer chez le surnommé Pierre, comme le leur
affirment les Actes, ils sont reçus par le nommé Shehimon, frère et
successeur de Bar-Jehoudda, et qui, descendu du ciel pour la circonstance, se
tient à la grande porte[30] de la maison de
David.
19. Cependant, comme Pierre
songeait à la vision, l'Esprit lui dit : Voilà trois
hommes qui te cherchent.
20. Lève-toi
donc, descends, et va avec eux sans hésitation aucune, parce que c'est moi
qui les ai envoyés.
21. Or, Pierre étant descendu
vers les hommes dit : Je suis celui que vous
cherchez, quelle est la cause pour laquelle vous êtes venus ?
22. Ils répondirent : Cornélius, centurion, homme juste et craignant Dieu, et
ayant pour lui le témoignage de toute la nation juive, à reçu d'un ange saint
l'ordre de vous appeler dans sa maison ; et d'écouter vos paroles.
23. Les faisant donc entrer, il
les logea. Mais le jour suivant, il partit avec eux et quelques-uns des
frères de Joppé l'accompagnèrent.
Nous apprenons un peu plus loin que ces frères étaient au
nombre de six[31]
; vous connaissez trop la descendance mâle du Charpentier et de sa femme pour
ne pas voir immédiatement que, dans l'intention du mystificateur, Pierre
engage ici les six frères de Shehimon. Tu le vois toi-même, très excellent
Théophile, il n'y a plus de rapport entre le naziréen Shehimon, l'un des sept
fils de Jehoudda, lié au crucifié de Pilatus par une commune origine et par
un commun vœu, et l'assumé Pierre, délié par Dieu de toute discipline légale.
Il est très vrai toutefois que Shehimon eut six frères, — ah ! les sept
démons de Maria Magdaléenne, comme ils gênent maintenant, et comme on
voudrait les chasser ! — mais ces frères ne lui sont pas consanguins, ce sont
de simples disciples habitant Joppé ; ils étaient six, voilà tout ! Je
suppose qu'à cet endroit l'auteur des Actes réclama un second évêché pour sa
peine.
Imposture n° 41. - PIERRE ET SES SIX FRÈRES CHEZ CORNÉLIUS.
Préparée avec soin, longtemps caressée, c'est peut-être
l'une des plus belles de la collection sur laquelle le très excellent
Théophile promène un regard ébloui. Etoffée, chatoyante, elle appelle, à
travers les temps, le pinceau tardif de Véronèse.
24. Et le jour d'après il entra
dans Césarée. Or Cornélius les attendait, ses parents et ses amis les plus
intimes étant assemblés.
25. Et il arriva que lorsque
Pierre entrait, il vint au-devant de lui, et, tombant à ses pieds, il
l'adora.
20. Mais Pierre le releva,
disant : Levez-vous ; et moi, aussi je ne suis qu'un
homme.
Ce n'est pas, disent les apologistes, que Cornélius prit
Pierre pour un dieu ! Il était déjà trop éclairé pour commettre une pareille
erreur, lui qui n'avait pris l'ange que pour un simple envoyé de Dieu, malgré
l'éclatante lumière dont il était revêtu. Mais il savait que l'adoration
était due à la dignité de Pierre, et, si celui-ci la refuse, c'est par un
sentiment d'humilité qu'il est permis de traiter d'excessif sans manquer à la
loi des proportions. Ceci est fort bien vu, ce n'est pas à l'ange que va
l'adoration de Cornélius, c'est au Juif, c'est à l'homme qui, en vertu de l'Apocalypse
de son frère, devait régner mille ans avec celui-ci et qui, assumé, lui
aussi, par Dieu, doit revenir au bout de mille ans pour siéger parmi les
douze juges du monde païen, Cornélius a entendu la voix qui dit à l'Occident
:
Tombe aux pieds de la race à qui tu dois ton dieu !
Car ce n'est point un centurion stupide, comme il y en
avait au temps de Pilatus.
Pierre lui reconnaît la vocation judéolâtrique.
27. Et s'entretenant avec lui,
il entra, et trouva un grand nombre de personnes qui étaient assemblées[32] :
28. Et il leur dit : Vous savez, vous, quelle abomination c'est pour un homme
juif que de fréquenter ou même d'approcher un étranger[33] ; mais Dieu m'a montré à ne traiter aucun homme d'impur ou
de souillé[34].
29. C'est pourquoi, ayant été appelé, je suis venu sans
hésitation. Je vous demande donc pour quel sujet vous m'avez appelé ?
30. Et Cornélius lui dit : Il y a en ce moment quatre jours[35], j'étais priant dans ma maison, à la neuvième heure ; et
voilà qu'un homme vêtu de blanc[36] se présenta devant moi et dit :
31. Cornélius,
ta prière a été exaucée, et tes aumônes ont été en souvenir devant Dieu[37].
32. Ainsi
envoie à Joppé et fais venir Simon, qui est surnommé Pierre ; il est logé
dans la maison de Simon, corroyeur, près de la mer.
33. Aussitôt
donc, j'ai envoyé vers vous, et vous m'avez fait la grâce de venir.
Maintenant donc, nous sommes tous devant vous pour entendre tout ce que le
Seigneur vous a commandé.
31. Alors, ouvrant la bouche,
Pierre dit : En vérité, je vois[38] que Dieu ne fait point acception des personnes :
35. Mais
qu'en toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est
agréable.
36. Dieu
a envoyé la parole aux enfants d'Israël[39], annonçant la paix par Jésus-Christ[40] (qui est le Seigneur de tous) ;
37. Vous
savez, vous, ce qui est arrivé dans toute la Judée, en commençant par la Galilée, après le
baptême que Joannès a précité[41] :
38. Comment
Dieu a oint de l'Esprit-Saint et de sa vertu, Jésus de Nazareth, qui a passé
en faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le
diable, parce que Dieu était avec lui[42].
39. Et
nous, nous sommes témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à
Jérusalem, ce Jésus qu'ils ont tué, le suspendant au bois.
40. Dieu
l'a ressuscité le troisième jour, et lui a donné de se manifester,
41. Non
à tout le peuple, mais aux témoins préordonnés de Dieu[43], à nous qui avons mangé et bu avec lui, après qu'il fut
ressuscité des morts[44].
42. Et
il nous a commandé de prêcher au peuple et d'attester que c'est celui que
Dieu a établi Juge des vivants et des morts[45].
43. C'est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage
que tous ceux qui croient en lui reçoivent, par son nom, la rémission des
péchés.
44. Pierre parlant encore,
l'Esprit-Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole.
45. Et les fidèles circoncis, qui
étaient venus avec Pierre[46], s'étonnèrent
grandement de ce que la grâce de l'Esprit-Saint était aussi répandue sur les
Gentils.
46. Car ils les entendaient
parlant diverses langues et glorifiant Dieu.
47. Alors Pierre dit : Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu
l'Esprit-Saint comme nous ?
48. Et il ordonna qu'ils fussent
baptisés au nom du Seigneur Jésus-Christ[47]. Alors ils le
prièrent de demeurer avec eux quelques jours.
Le séjour de Pierre chez Cornélius finit sans que Shehimon
se soit assis à la table des païens. Avec quelle astuce l'auteur élude la
question des viandes telle qu'il l'a posée tout d'abord dans l'allégorie de
la nappe ! Pierre va regagner les cieux sans que Shehimon ait cédé
ostensiblement sur la question de régime. A-t-il mangé ? Et qu'a-t-il mangé ?
Les Naziréens rigides pourront croire qu'ayant jeûné pendant ces quelques
jours il n'a point manqué à la
Loi. Ceux qui sont prêts à céder pourront dire que le
manger est sous-entendu par la durée[48].
Et ce manger fut superbe.
En digne prédécesseur de Trimalcion, Cornélius avait fait
magnifiquement les choses. Décoration, cuisine, service de table, tout était
à l'avenant. Aux murailles on voyait, outre les portraits d'Auguste et de
Tibère, Varus qui avait ravagé la Galilée en 750 et crucifié deux mille patriotes
autour du Jérusalem, Quirinius, le bon proconsul de Syrie, et l'ami Coponius,
procurateur de Judée, qui avaient fait le Recensement où périrent Jehoudda et
Zadoc. D'immenses caricatures peintes exagéraient le nez de Moïse, d'Aaron et
de Maria Magdaléenne. Le porc était hors de prix depuis que le rabbi Bar-Jehoudda
en avait précipité deux mille d'un coup dans le lac de Génésareth ; néanmoins
Cornélius avait multiplié les plats de porc, pour témoigner qu'il ne
regardait point à la dépense, et aussi parce que, l'homme étant naturellement
porté vers les mets qui lui sont défendus, il pensait aller au-devant de
désirs longtemps comprimés chez Pierre. Cornélius avait disposé sur sa nappe
tous les animaux que Pierre avait vus sur la sienne, de sorte que l'équilibre
était rompu en faveur des viandes proscrites.
L'anachronisme systématique dont les Écritures sacrées
donnent l'exemple nous autorise à reproduire le menu du déjeuner de bienvenue
offert à Pierre :
Hors-d’œuvre.
Les sauterelles à la Joannés.
Les graines de cumin tu la pharisienne.
Les tétines de
truie Hérodiade.
Entrées.
Le tourne-dos à la Sôrtaba.
Les tripes à la Jehoudda Is-Kérioth.
Les pieds de porc à la Sainte-Ménahem.
Le sanhédrin de
colombes sur canapé.
Poisson.
L'omble-chevalier
romain à la Zibdéos.
Rôts.
Le filet[49] Ananias.
Le gigot d'Agneau
Millénium
Entremets.
Chrême fouetté à la Bar-Jehoudda.
Vins.
Château-Pilatus 788.
Clos Nazir 739.
Falerne du Recensement.
Grand-Chrémant
Royal-Bathanen.
Au dessert Cornélius se leva. Il aurait pu parler sa
langue maternelle, puisque, depuis la descente du Saint-Esprit, Pierre les
savait toutes. Mais l'Esprit, qu'il avait lui-même reçu ne lui permettait
plus de s'exprimer qu'en araméen :
Tu me prends pour un de ces
centurions épais que raillent les poètes de Cour en disant qu'ils sentent la
boue ; mais je ne suis point dupe de toutes ces façons judaïques. Il a fallu
que Dieu fît descendre du ciel une nappe allégorique pour te décider à tâter
de ma cuisine. Si tu avais connu Jésus vivant comme tu prétends l'avoir connu
mort, tu saurais que, dans l'Évangile où on l'a introduit depuis toi, il ne
fait point de distinction entre les viandes et qu'en cette matière au moins
il prêche l'indifférence. Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui
souille l'homme, dit-il, mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui souille
l'homme. D'après les Évangiles, tu es là lorsque le Maître prononce ces
paroles libératrices. Tu ne saisis pas très bien, selon ton habitude, et, tu
l'obliges à se répéter alors il te gratifie d'une telle comparaison entre le
trajet des aliments dans l'économie et celui des passions dans l'âme que tu
es bien forcé de la comprendre à cause de sa grossièreté. Tu devais donc
venir à ma table sans aucune de ces simagrées et de ces mômeries. Ne me
réponds pas qu'on n'a pas encore fabriqué les Écritures qu'on mettra sous le
nom de ton fils, Jehoudda, surnommé Joannès-Marcos, et de ton neveu Mathias !
Tu es inexcusable de ne pas savoir d'avance ce qu'il y aura dedans, puisque
tu es présent à la scène et que tu as le Saint-Esprit. Je me suis déjà
compromis vis-à-vis de Pilatus en te recevant, toi et tes six frères, moi qui
étais hier au Guol-golta et n'attends qu'un signe de Tibère Alexandre pour
t'y conduire à ton tour avec ton frère Jacob. Va-t'en, et, lorsque viendra
l'ordre attendu, aie soin de ne pas te trouver à la portée de ces courroies !...
Tu répliques ? Tu dis que la parole de Jésus ne
concerne pas proprement la viande, mais les ablutions ? Eh bien ! et celle-ci
: Saluez la maison qui vous reçoit, tenez-vous y et mangez de ce qui sera
mis devant tous, ne l'as-tu pas entendue ? Après avoir renié ton frère
dans la cour à Kaïaphas pour sauver ta peau, tu viens encore renier ses
ordonnances jusque chez moi dans un vil intérêt de secte ? Prends garde,
Pierre, prends garde qu'un jour la conscience humaine ne te préfère Jehoudda
Is-Kérioth !
Est-ce Eusèbe de Césarée qui a inventé cet épisode pour
que son Église vint immédiatement après Jérusalem et avant Antioche dans
l'ordre des pseudo-investitures apostoliques ? Je suis très porté à le
croire. Ce mensonge toutefois n'est pas inutile à la manifestation de la
vérité. Si Shehimon est venu à Césarée, pourquoi habite-t-il chez un
centurion maculé du sang de son frère aîné, au lieu de descendre chez Philippe l'Evangéliste, puisque selon les Actes,
cet Evangéliste, qui est en même temps son frère, est à Césarée depuis la
veille ? C'est un manquement grave aux considérations de famille. Il s'y mêle
je ne sais quel égoïsme déplaisant, car le centurion Cornélius tient table
ouverte pendant plusieurs jours avec des menus d'abbaye, et c'est le cas ou
jamais de faire une place, fût-ce en se privant d'un ou deux centurions, à
l'illustre interprète des Paroles du Rabbi.
Mais ne feignons pas l'indignation : Philippe est un des
six frères que Pierre avait amenés avec lui de Joppé. Le crucifié lui-même
était de cette Cène païenne comme il est de la pseudo-Cène dans la fable. Le
seul regret qu'on puisse exprimer avec raison, c'est qu'on n'ait point invité
Pontius Pilatus : il était encore à Césarée lors de ces fêtes dont le
caractère éminemment historique ne peut être contesté que par les gens de
mauvaise vie.
Le séjour chez Cornélius coupe court à la discussion entre
Pierre et Paul à Antioche, assez bonne défaite mais qui avait l'inconvénient
d'être un aveu. Mieux valait que la question fût tranchée pur Pierre, au
besoin dans le sens de Paul, mais dès Césarée. Avant tout, Pierre. Si
quelqu'un invoquait la Lettre
aux Galates, on en serait quitte pour accuser Paul d'avoir présenté les
choses à son avantage pour se faire valoir auprès des goym.
Déjà le Saint-Esprit, qui pense à tout, avait préparé
l'épisode chez Cornélius par la remise du service des tables aux sept diacres
hellénistes capables, pour faire honneur à leur désinence athénienne, de se
fournir chez le charcutier d'Aristophane. Les apôtres étaient de telles gens,
si tolérants, si faciles à vivre qu'ayant organisé le service des tables ils
s'en remettent à sept Grecs du soin d'interpréter le Lévitique, à
l'article du régime. Et parmi ces Grecs choisis, élus par les disciples
immédiats de Jésus, il y a de tels hommes qu'on en voit, comme Stéphanos,
nier l'utilité du Temple lui-même. Or parmi ses persécuteurs, parmi ses
bourreaux, qui trouve-t-on ? Saül lui-même. Est-ce bien à lui, sous le nom de
Paul, de faire la leçon à Pierre dans Antioche ?
Pour effacer la
Lettre aux Galates, Pierre à Césarée renverse toute la Loi, renie toute sa famille,
pénètre, lui fils de David et frère du crucifié, dans la maison d'un païen,
chez un de ces centurions qui n'ont vécu que pour couper du juif. Paul est un
hésitant, en comparaison de ce Pierre si large, si généreux, si ouvert à
toutes les concessions. Ah ! feu Saül est allé chez Sergius Paullus,
gouverneur de Chypre, chez Gallion, proconsul d'Achaïe, chez Tyrannus,
préteur d'Éphèse ? Ah ! il a frayé avec Pontius Pilatus et Tibère Alexandre,
avec Félix et Festus, avec Albinus et Gessius Florus, procurateurs de Judée,
avec Cestius Gallus, proconsul de Syrie ? On montrera au monde attentif
Pierre, le doux Pierre, offrant dans Joppé le bon gîte aux envoyés de Cornélius,
parmi lesquels un soldat de la légion italique, on le fera voir dans Césarée,
capitale romaine de la
Palestine, cubiculairement voisin de Pilatus. Quoi
d'étonnant à ce que, quatorze ans plus tard, Paul l'ait trouvé attablé avec
les païens d'Antioche ?
L'Église n'a point été ingrate pour Cornélius qui lui a
servi si obligeamment de compère. Elle l'a fait nommer par Pierre évêque de
Césarée où il prit la suite de Zachée, le péager qui monte sur un arbre dans
la fable pour voir entrer Jésus à Jéricho et que cet exercice en pure perte
avait fatigué prématurément. D'autres osent se mettre en contradiction avec
le Martyrologe romain, de qui nous tenons ce détail, en présentant Cornélius
comme ayant occupé avec un brio étincelant l'évêché de Scamandios. Nous ne
voulons point prendre parti pour l'une de ces traditions contre l'autre, et
nous préférons convenir avec toutes deux que la maison où Pierre baptisa
Cornélius fut changée en une église que l'on allait déjà visiter au temps de
l'imposteur Hiéronymus, canonisé sous le nom de saint Jérôme.
III. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XI.
Imposture n° 42. - LE PREMIER CONCILE DE JÉRUSALEM.
C'est le premier des faux conciles. Il a servi de modèle à
beaucoup d'autres et inspiré tous les faux canons d'Antioche, de Nicée, de
Sardique, de Chalcédoine... il en faudrait citer tant ! Pierre et les six
frères de Joppé qu'il a entraînés dans son apostasie se présentent pour
rendre compte de leur conduite devant ceux de la Circoncision,
c'est-à-dire ceux qui tiennent, avec Shehimon et ses six frères, qu'il n'est
point de salut hors de la
Circoncision et du baptisme davidique.
1. Or les apôtres et les frères
qui étaient en Judée[50] apprirent que
les Gentils aussi avaient reçu la parole de Dieu,
2. Et, lorsque Pierre fut revenu
à Jérusalem, ceux de la
Circoncision disputaient contre lui,
3. Disant : Pourquoi es-tu entré chez des hommes incirconcis et as-tu
mangé avec eux ?
L'auteur avoue enfin, mais incidemment et après coup, que
Pierre a mangé.
Chose remarquable, Pierre ne pourra répondre par aucun
passage des Évangiles, il n'y a encore rien là-dessus dans la fable.
Que fera l'auteur des Actes pour justifier Pierre auprès de Shehimon ?
Ne pouvant citer de précédent dans les Évangiles, il se citera lui-même. Une
fois qu'on a bien saisi le procédé de fabrication des Écritures, on saisit
parfois jusqu'à la date. Pour se disculper d'avoir admis des incirconcis, et
qui plus est bourreaux de sa famille, au bénéfice du salut, Pierre dira que
l'Esprit-Saint lui a forcé la main. Explication misérable dans la bouche de
l'homme qu'on nous présente comme le successeur de Jésus. S'il a connu Jésus,
s'il est vraiment le Pierre de l'Évangile, il a assisté à la scène où un
autre centurion, celui de Kapharnahum, envoie chercher Jésus pour guérir son
serviteur malade. Ce qu'a dit, ce qu'a fait Jésus dans cette circonstance l'a
frappé ainsi que tous ses collègues. Il n'a qu'à rappeler cet exemple pour
leur fermer la bouche et les faire rougir de leur amnésie. Et d'ailleurs
comment l'auraient-ils à ce point oublié qu'ils nient même dans Pierre ce
qu'ils avaient naguère admiré dans Jésus ? On voit donc que l'Évangile s'est
désenjuivé petit à petit, enrichi de tous les adages, prophéties, paraboles,
arguments et sentences que l'Église a introduits dans le mythe de Jésus. Ce
n'est pas Jésus qui inspire Pierre à Césarée, c'est Jésus qui à Kapharnahum
plagie Pierre. Les scribes trouvent décent et suggestif le cas de Cornélius
dans les Actes, ils le transportent dans l'Évangile où ils l'attribuent à
Jésus, car si tout mauvais cas est niable, tout bon cas est utilisable. Il
s'agit de conquérir Rome : quand on n'a pas d'armes, on en forge.
4. Et Pierre commença à leur exposer
les choses par ordre[51], disant :
5. J'étais
dans la ville de Joppé, priant, et dans un ravissement d'esprit, je vis comme
une grande nappe suspendue par les quatre coins, qu'on abaissait du ciel, et
qui vint jusqu'à moi.
6. En
la considérant attentivement, je vis les quadrupèdes de la terre, et les
bêtes sauvages, et les reptiles, et les oiseaux du ciel.
7. Et
j'entendis une voix qui disait : Tue et mange.
8. Et
je répondis : Nullement, Seigneur ; car jamais rien d'impur ou de souillé
n'entra dans ma bouche.
9. Et
la voix du ciel me dit une seconde fois : Ce que Dieu a purifié, ne
l'appelle pas impur.
10. Cela
fut fait par trois fois, et tout rentra dans le ciel.
11. Et
voilà qu'aussitôt trois hommes, envoyés vers moi de Césarée, s'arrêtèrent
devant la maison où j'étais.
12. Et
l'Esprit me dit d'aller avec eux sans hésiter. Les six frères que voici vinrent
avec moi, et nous entrâmes dans la maison de cet homme[52].
13. Or
il nous raconta comment il avait vu dans sa maison un ange qui s'était
présenté et lui avait dit : Envoie à Joppé et fais venir Simon, qui est
surnommé Pierre[53] ;
14. Il
te dira des paroles par lesquelles tu seras sauvé, toi et toute ta maison.
15. Lorsque
j'eus commencé de parler, l'Esprit descendit sur eux comme sur nous au
commencement[54].
16. Alors
je me souvins de la parole du Seigneur, lorsqu'il disait : Joannès a
baptisé dans l'eau ; mais vous, vous serez baptisés dans l'Esprit-Saint.
Ici je coupe la parole à Pierre sans aucun respect pour
l'Esprit-Saint qui l'anime. Il est bien vrai que Jésus tient ce propos au commencement des Actes et je ne m'étonne
pas que le faussaire se copie, il ne peut pas faire autrement. Mais si je me
reporte au commencement des Évangiles,
je trouve ce propos non dans la bouche de Jésus, mais dans celle du Joannès lui-même.
C'est, donc bien Joannès qui fut le Rabbi, c'est-à-dire le maître, le dominus, le Seigneur, et nous l'avons déjà
démontré par divers passages de Luc et du Quatrième Évangile[55]. C'est bien
Bar-Jehoudda qui, en sa qualité de Joannès, disait au Jourdain : Moi, je vous baptise dans l'eau ; mais celui qui doit
venir après moi vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu[56]. C'est bien lui
que, par conversion de la première personne en troisième, les Actes
appellent Notre-Seigneur Jésus-Christ, et après avoir trahi leur imposture
fondamentale par la bouche du pseudo-Pierre, nous les verrons la trahir une
seconde fois par la bouche du pseudo-Paul[57]. Et maintenant
rendons la parole à Pierre, car le très excellent Théophile languit dans
l'attente.
17. Si
donc Dieu leur a donné la même grâce qu'à nous, qui avons cru au Seigneur
Jésus-Christ ; qui étais-je, moi, pour m'opposer à Dieu ?
18. Ces choses entendues, ils se
turent, et glorifièrent Dieu, disant : Dieu a donc
accordé la pénitence aux Gentils aussi, pour qu'ils aient la vie.
Nous avons observé déjà que Pierre ne se rappelait plus
les Évangiles, notamment le Quatrième où il reçoit le
Saint-Esprit le soir de l'enlèvement du frère de Shehimon au Guol-golta, et
non cinquante jours après la pâque comme dans les Actes. Mais Pierre ne sait
plus rien de ce qu'a fait Shehimon pendant sa vie, il ne sait même pas ce qui
lui advient dans les Évangiles primitifs, et il s'imagine avoir reçu
pour la première fois le Saint-Esprit à la Pentecôte. Il
ne sait plus le dogme que son frère a prêché jusqu'en 789, celui qu'il a
prêché avec Jacob senior jusqu'en 802, celui que Ménahem a prêché jusqu'en
819, celui que Jehoudda Toâmin et Mathias Bar-Toâmin ont transmis dans les Paroles
du Rabbi, à savoir que le salut dépend avant tout de la Circoncision. Il
résulte de cette amnésie totale que Cornélius et ceux de sa maison ont reçu
le Saint-Esprit sans avoir été préalablement circoncis et baptisés, et que
l'auteur de ce beau coup, c'est Shehimon lui-même ! Donner la grâce à des
païens avant qu'ils n'aient reçu les deux premiers signes, l'ablation du
prépuce et la rémission des péchés, c'est le comble ! Pierre est dans des
conditions telles que, s'il eût comparu devant Shehimon, il aurait
immédiatement subi le sort d'Ananias. D'autant plus que Jacob senior est
parmi les six frères pour lesquels il stipule.
Jacob ne joue dans les Évangiles qu'un rôle effacé,
c'est le moins brillant des fils du Zibdéos ; mais dans les Actes et
dans la Lettre
aux Galates, il apparaît l'égal de Shehimon et parfois son supérieur.
Jacob, le podestat apostolique de Jérusalem, le Jacob des mandements, le Jacob
trisulce qui fait trembler les christiens jusqu'à Antioche, cette grande
figure sembla dominer Shehimon lui-même. C'est qu'on réserve Shehimon pour
des destinées plus hautes encore : l'épiscopat de Rome, que dis-je ? la
papauté. Jacob garde le drapeau à Jérusalem, et Shehimon l'incline jusqu'à ce
qu'il aille le planter à Rome où il prend le pas sur tout le monde.
Si Jésus avait existé, Pierre serait en révolte ouverte
contre toutes ses instructions. Jésus dit : N'allez point
vers les Gentils, ni n'entrez dans aucune ville des Samaritains. Or
nous, avons vu Pierre entrer dans la ville des Samaritains et négocier le
salut avec un bas magicien ; nous le verrons déclarer au second Concile de
Jérusalem : J'ai été élu pour être l'apôtre des
Gentils ! Jésus dit : Vous avez reçu
gratuitement, donnez gratuitement. Shehimon assassine Ananias et sa
femme parce qu'ils ne payent pas le salut son prix. Jésus avait dit : Ne vous munissez ni d'or ni d'argent ni de monnaie dans
vos ceintures ; Pierre a une bourse et dés intendants. Jésus avait dit
: Vous serez odieux à cause de mon nom ; mais qui
soutiendra jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. A la première
sommation de l'Esprit-Saint Pierre apostasie. Jésus avait dit : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et ne peuvent
tuer. Sans même attendre, le jugement, Pierre s'évade par trois fois
des prisons de Jérusalem. Jésus avait dit : Qui ne
prend pas sa croix pour me suivre, n'est pas digne de moi. Pierre
entasse ruse sur ruse pour éviter le supplice, et lorsqu'il fut pris il
fallut l'attacher. Jésus avait dit : Qui me reniera
devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père. Trois
fois Pierre l'a renié dans son frère aîné qu'il a laissé arrêter, accabler
d'injures et de soufflets, juger et condamner sans témoigner pour lui.
Nul appétit de martyre : au contraire, l'instinct de la
conservation, poussé jusqu'à la fourberie. Il ne recherche pas la croix, il
la fuit. Il étudie l'évasion, au point de vue pratique et il y est passé
maître. Le martyre n'est pas du tout son affaire : il préfère y envoyer des
innocents comme ces seize sentinelles dont il trompe la surveillance et qui
paieront pour lui. Et le maître de ces hommes aurait été Jésus ? Ils ne font
que désobéir à leur maître ! Jésus leur a dit de ne point tuer, et ils
assassinent de pauvres diables coupables seulement de ne pas leur donner tout
leur bien, Pierre loge chez Cornélius, alors que le Jésus original ne pénètre
chez aucun païen et que le Jésus seconde manière n'accepte de relations avec
le centurion de Kapharnahum que par correspondance.
Imposture n° 43. - CONVERSION DES CHRISTIENS D'ANTIOCHE.
Le but est de faire croire au très excellent Théophile que
le christianisme apporté dans Antioche sous Tibère ne fut pas la thèse du
salut des Juifs par le baptême, mais celle du salut des Syriens par la
résurrection de Bar-Jehoudda. C'est encore une conversion, celle du dogme
tout entier. L'auteur des Actes la
prépare par l'arrivée à Antioche des disciples dispersés lors de la
lapidation de Jacob junior. Mais en fait cette lapidation étant de 787, et la
crucifixion du roi-christ étant du 14 nisan 788, les dispersés ne peuvent
apporter à Antioche la nouvelle de sa résurrection qu'à la condition de la
faire partir de 782. Il n'en est pas moins évident que, dans l'esprit du
faussaire, les dispersés n'arrivent à Antioche qu'après l'expédition de Saül
à Damas, laquelle, ayant suivi la crucifixion de Bar-Jehoudda, est de 789.
Moralité : personne, pas même les frères de Bar-Jehoudda, n'a prêché la
résurrection ni dans Jérusalem, ni dans Damas, ni dans Antioche. Ce qui a été
prêché dans Antioche pendant tout le siècle, c'est l'Apocalypse du
salut des seuls Juifs, et, comme l'annoncent les Actes, elle n'a été
prêchée qu'aux Juifs eux-mêmes. Tout ce qu'ont pu dire les frères de Chypre et de Cyrène, qui sont venus à Antioche
après la crucifixion du roi des Juifs, présentée par sa famille comme une
disparition momentanée, c'est qu'il reviendrait, Simon de Cyrène ayant été
pris pour lui par des Romains et crucifié à sa place. Et cela, nous pensons
qu'ils l'ont dit par la voix de Barnabas qui était Chypriote, par celle
d'Alexandre et de Rufus qui étaient fils de Simon le Cyrénéen[58], et par, celle de
Lucius qui était son frère[59].
19. Cependant ceux qui avaient
été dispersés par la persécution qui s'était élevée au temps de Stéphanos
avaient passé jusqu'en Phénicie, en Chypre, et à Antioche, n'annonçant la
parole qu'aux Juifs seulement.
20. Mais il y avait parmi eux
quelques hommes de Chypre et de Cyrène, qui, étant entrés dans Antioche, parlaient
aux Grecs, leur annonçant le Seigneur Jésus.
21. Et la main du Seigneur était
avec eux ; et un grand nombre crurent et se convertirent au Seigneur.
Imposture n° 44. - LE TRUCHEMENT BARNABAS.
But : faire croire que la conversion de Saül en Paul a été
achevée par Barnabas, envoyé de Jérusalem pour aller chercher Saül qui,
appelé à Tarse après le mariage de sa cousine Bérénice avec Polémon, roi de
Cilicie, ignorait totalement qu'il fût devenu jehouddolâtre sur le chemin de
Damas. Il convient que Barnabé le lui apprenne au plus tôt et le ramène dans
Antioche où fleurit la foi en Bar-Jehoudda ; sinon, on pourrait bien le
retrouver plus tard, sous le nom de Saül, persécutant Shehimon et Jacob dans
Antioche même. Et ce serait d'un effet déplorable pour les Marchands de
Christ.
22. Or, lorsque le bruit en fut
venu jusqu'aux oreilles de l'Église de Jérusalem, ils envoyèrent Barnabé à
Antioche,
23. Lequel, lorsqu'il fut arrivé
et qu'il eut vu la grâce de Dieu, se réjouit ; et il les exhortait tous à
persévérer, d'un cœur ferme, dans le Seigneur[60] ;
24. Car c'était un homme bon,
plein de l'Esprit-Saint et de foi. Ainsi une grande multitude s'attacha au
Seigneur.
25. Barnabé partit ensuite pour
Tarse, afin de chercher Saül ; et, l'ayant trouvé, il l'amena à Antioche.
26. Et pendant une année
entière, ils demeurèrent dans cette église, et y enseignèrent une foule
nombreuse ; en sorte que ce fut à Antioche que les disciples reçurent pour la
première fois le nom de Christiens[61].
Pourquoi n'est-ce point à Damas où nous avons vu,
plusieurs années auparavant, Saül convainquant tous les Juifs de la ville que
Bar-Jehoudda était le christ et qu'il n'y en aurait point d'autre, pas même
celui que le crucifié annonçait encore dans la cour de Kaïaphas le matin même
de sa crucifixion ? Je trouve que, pour n'avoir pas remarqué cela, les
exégètes font preuve d'une injustice révoltante envers les convertis de Damas
qui sont indiscutablement les premiers christiens jehouddolâtres. Est-ce à
dire que la conversion de Saül en Paul n'ait eu d'effet que sur lui-même ? Le
Saint-Esprit se montre bien faible ici. Et son illogisme donne à croire que
la conversion de Saül en Paul sur le chemin de Damas n'a été glissée dans les
Actes qu'après la confection de ce chapitre.
Il apparaît bien que Barnabas le Chypriote fut un apôtre
fervent du millénarisme, car les Lettres de Paul et les Actes
ont pu le poster, à diverses reprises, sur le chemin du prince Saül, à
Jérusalem, à Antioche, à Chypre et en Asie ; aujourd'hui, toute sa fonction
est de prendre Saül par la main pour l'amener aux apôtres ou de l'aller
chercher pour le faire entrer dans l'orbite des Douze, à l'inverse de la
vache des corridas qui va chercher le taureau pour le faire sortir de
l'arène.
Toute une famille s'est concertée pour faire croire que le
chef n'était pas mort, cela est évident. Mais il est inadmissible qu'en
dehors des intéressés dynastiques douze hommes aient gardé jusqu'à la fin le
secret d'une aussi grossière invention. On n'imagine pas bien ces douze pairs
du mensonge faisant serment d'en imposer aux autres juifs, mais on les
imagine encore moins tenant leur serment envers eux-mêmes. A la première
discussion d'intérêt ou de préséance, quelqu'un dénonçait la fourberie, et le
scandale éclatait. Tu mens, eût dit celui-ci
à celui-là, tu sais comme moi que le roi-christ est
mort. Oublies-tu que nous avons assassiné Ananias et Zaphira ensemble ?
S'ils avaient eu à prêcher une résurrection, loin de s'enfermer
dans Jérusalem pendant douze ans, ils seraient partis le lendemain même de
l'événement. Loin de se diviser, d'aller un à un par le monde sans aucun
espoir d'être crus et avec toutes les chances d'être lapidés, ce n'eût point
été trop des onze autres pour étayer le témoignage de chacun. Plus la chose
était miraculeuse, et plus ils avaient besoin les uns des autres, plus ils se
seraient renvoyé les preuves. Loin de fuir les Juifs et les païens du dehors,
ils seraient allés à eux avec impétuosité. Où l'Église ne voit que des
ennemis, ils n'auraient trouvé que des complices.
A l'entendre, on croirait vraiment que la Loi de Moïse n'existait plus
ni les prophètes, et qu'il suffisait à un apôtre d'entrer la bouche en cœur
dans les synagogues et de dire : Vous savez, le
Messie est venu. Vous ne vous en doutez pas, mais c'est ainsi. On se
serait littéralement tordu, et lorsqu'aux demandes de renseignements qui
n'auraient cessé de pleuvoir, il aurait ajouté : Malheureusement
personne ne l'a vu et il est mort, loin de prendre la chose au
tragique, tous les Juifs seraient devenus Portugais.
Imposture n° 45. - LE SYSTÈME D'ANTIDATE.
Le système d'antidate que l'auteur a appliqué à la
crucifixion de Bar-Jehoudda par Pilatus reprend ici à propos de la
crucifixion de Shehimon et de Jacob par Tibère Alexandre. Tombons dans le
nouveau piège tendu à la crédulité du très excellent Théophile : il a pour
but de tourner la Lettre
aux Galates, qui a eu le très grand tort de montrer les trois grands fils
de Jehoudda dans Jérusalem pendant la procurature de Tibère Alexandre.
Autre but de l'antidate : éluder ce fait que Shehimon et
Jacob ont prêché le sabbat de 802 à Antioche pendant la grande famine de
Judée, après quoi, poursuivis par Saül, ils ont été crucifiés ; en même
temps, faire croire que cette famine est celle qui a désolé Rome environ l'an
797, et que seul parmi les prophètes dont on sait le nom, un certain Agabus (c'est Jacobus lui-même) l'a annoncée dans
Antioche avec d'autres prophètes dont Shehimon n'est pas. Montrer que loin
d'avoir été en conflit avec Shehimon et Jacob à cette occasion, Saül, remorqué
par Barnabé, est allé porter à Jérusalem une collecte faite parmi les
christiens d'Antioche pour soulager leurs frères de Judée. Leur faire en même
temps honneur d'une charité à laquelle les Juifs hérodiens ont seuls pris
part avec les Juifs hellènes et quelques prosélytes.
27. Or, en ces jours-là, des
prophètes vinrent de Jérusalem à Antioche.
28. Et l'un d'eux, du nom
d'Agabus, se levant, annonçait, par l'Esprit-Saint, qu'il y aurait une grande
famine dans tout l'univers[62] : laquelle, en
effet, arriva sous Claude.
29. Et les disciples résolurent
d'envoyer, chacun suivant ce qu'il possédait, des aumônes aux frères qui
habitaient dans la
Judée ;
30. Ce qu'ils firent, en effet,
les envoyant aux Anciens par les mains de Barnabé et de Saül.
En somme les Actes ne nient point que Saül se soit trouvé
à Jérusalem lors de la famine, c'est-à-dire pendant la procurature du Juif
Tibère Alexandre, devenu son parent par son mariage avec une Hérodienne.
L'auteur de la Lettre
aux Galates fixe la date de 802, et c'est la bonne date. L'imposture de la Lettre et celle
des Actes tournent autour de ce point capital, avec cette différence
que dans la
Lettre Saül, outre Barnabé, est accompagné de Titus (Annœus Gallion, proconsul d'Achaïe et frère de
Sénèque) et qu'il achète le droit de vendre le salut aux païens
moyennant une redevance aux trois Anciens de la Circoncision,
Shehimon, Jacob et Bar-Jehoudda lui-même, qui est encore en vie sous le nom
de Joannès, tandis qu'ici Saül leur porte sans condition le produit d'une
collecte faite dans Antioche à l'occasion de la famine.
Ici on supprime Gallion, témoin de ce marché, ce qui
permet de supprimer le marché lui-même ; et on évite de nommer les trois fils
de Jehoudda avec lesquels Saül a traité dans la Lettre. Les Actes
ont montré Pierre refusant de vendre l'Esprit-Saint à Simon le Chypriote, ils
ne peuvent pas laisser dire que Paul le lui a acheté quelques années plus
tard. C'est spontanément, sans condition préalable, que Paul et Barnabé
portent le produit de leur collecte aux Anciens de la Circoncision.
IV. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE XII.
Imposture n° 46. - FAUSSE DÉCAPITATION DE JACQUES LE MAJEUR ET FAUSSE
ÉVASION DE PIERRE.
But : il s'agit de faire croire que l'arrestation de
Pierre et de Jacques n'a pas eu lieu sous Tibère Alexandre, mais sous Agrippa
Ier, par conséquent avant 798 ; qu'elle ne saurait être confondue avec celle
de Shehimon et de Jacob, fils de Jehoudda le Gaulonite, mentionnée par
Josèphe dans ses Antiquités judaïques[63] ; que Jacob
senior n'a pas été crucifié, mais décapité — ce qui a fourni l'idée
d'appliquer la même mesure au Joannès dans deux des Évangiles refaits
pendant le quatrième siècle ; que Shehimon n'a pas été crucifié avec lui,
mais qu'il s'est évadé de la forteresse Antonin ; qu'il n'y a donc rien
d'étonnant à ce qu'il soit allé se faire crucifier à Rome sous le nom de
Pierre.
1. En ce temps-là, le roi Hérode
porta les mains sur quelques-uns de l'Eglise pour les tourmenter.
2. Il fit mourir par le glaive
Jacques, frère du Joannès.
Les exégètes du Saint-Siège reconnaissent, et nous sommes
fiers de nous rencontrer avec eux, qu'il s'agit bien de Jacob senior —
Jacques le Majeur, disent-ils, — frère de Joannès, qui était, lui aussi, fils
de Zébédéos[64].
Il ne reste plus qu'a identifier ce Zébédéos : c'est ce que nous avons fait
dans le Charpentier, sur les indications très explicites des Évangiles.
Zébédéos, c'est Zibdeos mal lu. Et Zibdéos, ou Faiseur de poissons, c'est le
surnom que les Juifs du Temple eux-mêmes avaient donné à Jehoudda, père des
sept démons de Maria Magdaléenne.
Où nous regrettons de ne plus nous accorder avec le
Saint-Siège, c'est sur le lieu traditionnel où fut
décapité le saint apôtre. Là s'élève une église qui lui est dédiée et qui
appartient aux Arméniens non unis, dans la partie sud-ouest de Jérusalem, sur
le mont Sion.
Quoiqu'il soit toujours pénible d'enlever une illusion aux
âmes pieuses, il faut bien dire que les Arméniens non unis compromettent
largement leur salut en pontant sur Jacob senior. Ce qui peut consoler les
Arméniens non unis, c'est que le Saint-Siège n'est pas logé à meilleure
enseigne lorsqu'il dit : Saint Jacques est le
premier apôtre qui versa son sang pour Jésus-Christ, en l'an 44, onze ans
après l'Ascension, aux environs de la Pâque juive, d'après le témoignage de Clément
d'Alexandrie, conservé par Eusèbe.
Cette phrase est farcie de toutes sortes d'hérésies
chronologiques qui tiennent aux falsifications dont Clément d'Alexandrie et
Eusèbe lui-même sont remplis. Nous avons montré, selon les règles invariables
de la comptabilité simple, que Jehoudda ou Zibdéos et Zadoc sont les premiers
qui aient versé leur sang pour le Christ Jésus, et ils ont opéré ce versement
dès 761. Après eux viennent Jacob junior, fils du Zibdéos, Eléazar, gendre du
Zibdéos, et Bar-Jehoudda, non moins fils du Zibdéos que Jacob junior. Le
sentiment d'équité qui ne nous abandonne jamais — il nous soutient un peu
dans nos désaccords avec le Saint-Siège — nous oblige à ne donner que le
sixième rang à Jacob senior dans l'ordre du martyrologe christien. Encore
réclamons-nous une place pour Ananias, pour Zaphira et pour Is-Kérioth, si
toutefois les victimes sont égales aux bourreaux devant la justice divine.
3. Et voyant que cela plaisait
aux Juifs, il fit aussi prendre Pierre. Or c'étaient les jours des Azymes.
4. Lorsqu'il l'eut pris, il le
mit en prison, le confiant à la garde de quatre bandes de quatre soldats
chacune, voulant, après la pâque, le produire devant le peuple.
Ainsi Shehimon et Jacob furent arrêtés dans les mêmes
conditions que leur frère aîné en 788, c'est-à-dire avant la pâque.
Toutefois, à la différence de Pontius Pilatus qui n'a pas craint de mettre à
mort quelqu'un le 14 nisan, jour de la Préparation, Alexandre, qui est circoncis,
surseoit à la crucifixion jusqu'à la fin de la semaine des Azymes. Shehimon
et Jacob n'ont donc pas passé moins de huit jours en prison avant leur
exécution. Ils n'ont pas eu à reprocher au grand prêtre Ananias[65] de les avoir
livrés au bourreau la veille de la pâque, comme avait fait Kaïaphas de leur
aîné. Je pense toutefois que Ménahem, vengeur des deux crucifiés de Tibère
Alexandre, ne lui a tenu aucun compte de ce scrupule de légalité.
Quant à l'autour des Actes, un large rire secoue son
ventre agité par le Saint-Esprit, lorsqu'il procède à la mystification du
très excellent Théophile. As-tu remarqué, très excellent Théophile, la
disposition que prend Agrippa pour garder Pierre ? Les quatre escouades de
quatre soldats dessinent aux quatre points cardinaux de la prison une Croix
céleste d'une impeccable régularité. Sous la garde de cette croix, Pierre
délie tous les sbires hérodiens, et c'est dans cette assurance que le noble
auteur des Actes puise l'énorme gaieté qui épanouit sa face.
5. Ainsi Pierre était gardé dans
la prison. Mais l'Église faisait à Dieu, sans interruption, des prières pour
lui.
6. Or, la nuit même d'avant le
jour où Hérode devait le produire, Pierre dormait entre deux soldats, lié de
deux chaînes, et des gardes devant la porte gardaient la prison.
Mais nous qui voyons la façon dont il est gardé, nous qui
le retrouvons ici dans son costume de Chambre haute, dans son vêtement de
lumière, la ceinture d'or autour des reins, et aux pieds la chaussure
éblouissante avec laquelle il est entré chez Cornélius, nous ne doutons pas
un seul instant que l'Esprit ne le ravisse à cette prison terrestre qu'est le
monde. Ah ! c'est qu'il n'est plus nu comme au temps où il était dans sa
barque sur le lac de Génézareth ![66] Il a les
vêtements qu'il comptait porter après son baptême de feu le 15 nisan 789 ; la
terre ne lui peut plus rien, ni les geôles, ni les geôliers !
7. Et voilà qu'un ange du
Seigneur se présenta, et une lumière brilla dans la prison ; alors l'ange,
frappant Pierre au côté, le réveillai disant : Lève-toi
promptement. Et les chaînes tombèrent de ses mains.
8. Alors l'ange lui dit : Ceins-toi et mets ta chaussure à tes pieds. Et il
fit ainsi. Et l'ange dit : Prends ton vêtement
autour de toi, et suis-moi.
9. Et sortant, il le suivait, et
il ne savait pas que ce qui se faisait par l'ange fût véritable ; car il
croyait avoir une vision.
10. Or ayant passé la première
et la seconde garde, ils vinrent à la porte de fer qui mène à la ville ; elle
s'ouvrit d'elle-même à eux. Et, sortant, ils s'avancèrent dans une rue ; et
aussitôt l'ange le quitta.
11. Alors Pierre, revenu à lui,
dit : Maintenant je reconnais véritablement que Dieu
a envoyé son ange, et qu'il m'a soustrait à la main d'Hérode et à toute
l'attente du peuple juif.
Le fait est que Shehimon ne pouvait guère se douter de
tout cela sous Agrippa. Il ne pouvait pas prévoir que Dieu lui enverrait au
troisième siècle un ange — Pierre lui-même dans son costume d'assumé — qui le
soustrairait à la main d'Agrippa, et, par cette anté-position chronologique,
à l'attente de tout le peuple juif qui tenait de Josèphe qu'il était mort de
la main de Tibère Alexandre !
12. Et, réfléchissant, il vint à
la maison de Maria, mère du Joannès, qui est surnommé Marc[67], où beaucoup de
personnes étaient assemblées et priaient.
13. Or, comme il frappait à la
porte, une jeune fille, nommée Rhodé, vint pour écouter[68].
14. Dès qu'elle reconnut la voix
de Pierre, transportée de joie, elle n'ouvrit pas la porte, mais, rentrant en
courant, elle annonça que Pierre était à la porte.
15. Ils lui dirent Tu es folle. Mais elle assurait qu'il en était
ainsi. Sur quoi ils disaient : C'est son ange.
16. Cependant Pierre continuait
de frapper. Et lorsqu'ils eurent ouvert, ils le virent et furent dans la
stupeur.
17. Mais lui, leur faisant de la
main signe de se taire, raconta comment le Seigneur l'avait tiré de la
prison, et il dit : Annoncez ces choses à Jacques et
à nos frères[69]. Et étant sorti,
il s'en alla dans un autre lieu.
18. Quand il fit jour, il n'y
eut pas peu de trouble parmi les soldats, au sujet de ce que Pierre était
devenu.
19. Hérode l'ayant fait
chercher, et ne l'ayant point trouvé, fit donner la question aux gardes, et
commanda de les mener au supplice puis il descendit de Jérusalem à Césarée,
où il séjourna.
On plaindrait les quatre escouades de quatre soldats
chacune si l'on ne savait qu'elles sont angéliques, elles aussi, par
conséquent non moins indifférentes aux rigueurs d'Agrippa que Jacques à son
glaive et Pierre à sa prison. Jacob senior se porte encore très bien sous
Agrippa, et les Arméniens non unis ont le plus grand tort de le pleurer avant
terme. Shehimon n'allait pas mal non plus.
Quant à Agrippa, il avait, paraît-il, quelque sujet de
plainte.
20. Il était irrité contre les
Tyriens et les Sidoniens. Mais ils vinrent d'un commun accord vers lui, et
Blaste, chambellan du roi, ayant été gagné, ils demandaient la paix, parce
que leur pays tirait sa subsistance des terres du roi.
21. Ainsi, au jour fixé, Hérode,
revêtu du vêtement royal, s'assit sur son trône, et il les haranguait.
21 Et le peuple applaudissait,
criant : C'est le discours d'un dieu et non d'un
homme.
23. Et soudain un ange du
Seigneur le frappa, parce qu'il n'avait point rendu gloire à Dieu ; et, mangé
des vers, il expira.
Rien de tout cela ne lui serait arrivé s'il était mort
sous la protection de la croix ; il serait ressuscité le quatrième jour. Mais
laissons ces niaiseries pour montrer que, tout en brouillant les faits et les
dates, le faussaire des Actes connaît parfaitement son histoire. En
effet, il cite un détail qu'il n'a pu trouver que dans Josèphe[70] : c'est la lueur
d'apothéose dont Agrippa fut enveloppé quelques jours avant en mort. Lors des
jeux solennels qu'il donna dans Césarée pour célébrer l'anniversaire de
Claude, il se produisit au théâtre dans un habit lamé d'argent et qui
brillait au soleil avec tant d'éclat que les spectateurs en étaient frappés
d'un respect mêlé de crainte. Les flatteurs s'écrièrent que c'était un dieu
sous l'apparence d'un homme et qu'on devait l'adorer comme tel, bassesse
d'autant plus répréhensible que, n'étant pas fils de David, il ne pouvait en
aucun cas devenir consubstantiel au Père comme Bar-Jehoudda, et porter
l'habit de lumière dont Shehimon est revêtu. Enfin le faussaire connaît si bien
les motifs pour lesquels Shehimon et Jacob ont été crucifiés sous Alexandre
qu'après les avoir dénaturés il les reporte sous Agrippa. C'est en partie
pour avoir intercepté les convois de grains de Tyr et de Sidon en 802 qu'ils
ont été livrés au supplice.
Imposture n° 47. - CINQ ANS DE GAGNÉS SUR L'HISTOIRE (797-802).
24. Cependant la parole de Dieu
croissait et se multipliait.
25. Et Barnabé et Saül, leur
mission remplie, revinrent de Jérusalem, ayant pris avec eux Joannès qui est
surnommé Marcos.
Dans son système, le faussaire gagne cinq ans sur
l'histoire, cinq ans pendant lesquels, alors que Shehimon et Jacob ont prêché
la révolte parmi les Juifs d'Asie, puis en Syrie et en Judée, Saül est censé
avoir prêché la résurrection de Bar-Jehoudda avec Barnabé.
Pierre s'en va en ne dit pas encore où, laissant l'Église
de Jérusalem sous la direction de Jacob junior, qui n'a pas été lapidé en 787[71], et des autres
apôtres. Paulos, après le faux martyre de Jacob senior et la fausse évasion
de Pierre, s'en retourne avec un compagnon de plus, Jehoudda, fils de Shehimon,
et surnommé Joannès-Marcos sous le nom de qui on a mis un Évangile. Ici
l'Esprit-Saint substitue le Joannès qui est surnommé Marcos au Joannès, qui
est surnommé Jésus et que, par une conception délirante[72], l'auteur de la Lettre aux
Galates a montré survivant aux exécutions de Pilatus et assistant en 802
à un conciliabule où figurent Titus Annœus Gallion, proconsul d'Achaïe, et
Saül, petit-neveu d'Hérode le Grand. Paulos n'ignorera plus rien de ce qui
concerne Jésus de Nazareth, et au lieu de s'être trouvé avec le Joannès dit Jésus
à Jérusalem, comme le veut la
Lettre aux Galates, ce sera simplement avec
son neveu et filleul, le Joannès dit Marcos. Il ne perdra rien au change et
même il y gagnera, car il apprendra plus de choses utiles à l'Église avec l'Évangile de Marcos qu'avec la Joannès baptiseur échappé à la croix par le
moyen de Simon de Cyrène. Telle est, très excellent Théophile, l'économie de
cette imposture et, si tu es homme de goût, tu en admireras la magnificence.
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