I. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE II (suite).
Avant d'entrer dans l'examen des impostures qui vont
suivre, nous devons rappeler que dans le système des Actes, assassinat
d'Is-Kérioth, Assomption du Joannès, retour de Jésus au ciel, Constitution de
l'Église à Jérusalem sous le gouvernement de Pierre, Arrivée du Saint-Esprit,
Baptême de Pierre substitué à celui du Joannès, tout se passe en 782, sept
ans avant la date assignée par le Quatrième Évangile au sacre et à la
crucifixion de Bar-Jehoudda, mais qu'en réalité tous les personnages de
l'histoire, Bar-Jehoudda, ses six frères, et Is-Kérioth, leur ennemi, sont
encore vivants.
Les éléments de l'imposture dominante sont donc empruntés
au septennat du Joannès, par conséquent antérieurs à sa crucifixion qui est,
comme on sait, du 14 nisan, dernier jour de l'année 788. Mais comme on a
décidé, en rabattant un septénaire sur le cours des temps, de la placer en
782, date du consulat des deux Géminus il en résulte que sous son pseudonyme
de Joannès, fils de Zibdéos, Bar-Jehoudda va précité sa propre résurrection
avec ses frères Pierre et Philippe, non seulement dans Jérusalem, mais dans
cette Samarie où il a trouvé la défaite et où il est enterré. Un des
avantages de cette régression de sept ans, c'est que Bar-Jehoudda qui, sous
son nom de circoncision, a été emprisonné deux fois et fouetté une fois, ne
subit plus aucune de ces ignominies déplorablement historiques. Il est mort
et même ressuscité sous le nom de Jésus au moment où on l'emprisonne ici ; et
on le fouette sous le nom fort anodin de Joannès. Sache cela, très excellent
Théophile ! C'est même au nom de Jésus ressuscité que Pierre et lui font
leurs guérisons dans Jérusalem, car ses successeurs ont hérité de son pouvoir
miraculeux. Nous allons les voir flatter Rome en la personne du bourreau de
Bar-Jehoudda et essayer de fermer la bouche aux Juifs restés sous la Loi en leur montrant que
leur intérêt bien compris est de mentir avec l'Église. Rien de plus honteux
que les discours de Pierre. Lorsqu'on lit de telles choses, on devient ami
des Juifs orthodoxes qui ont repoussé la jehouddolâtrie ! Ils valent des
païens !
Mais le Saint-Esprit a parlé ; il a donné aux
jehouddolâtres la liberté de mentir, aux Juifs l'ordre de se taire. Désormais
rien ne se fera plus que par Bar-Jehoudda ressuscité et, assis à la droite de
Dieu. Toute l'Église de Jérusalem est témoin des miracles qui se font en son
nom. Ces faux, et c'est pour cela qu'ils ont été faits, ont eu des
conséquences décisives sur l'avenir de l'Église romaine. Il fallait que celle
de Jérusalem eût fonctionné dans les règles immédiatement après la date
adoptée pour l'imposture de la Résurrection, afin que, transférée à Rome par
Pierre, elle pût, Actes en main, revendiquer la priorité, l'autorité,
la suprématie sur toutes les autres. De ce faux l'Église se fait un titre ;'
c'est une habitude qu'elle ne perdra plus.
Imposture n° 11. - LA POPULARITÉ DES SEPT FILS DE JEHOUDDA.
But : faire croire que tout le peuple de Jérusalem, qui a
péri en 823 victime des millénaristes, était au contraire avec eux, et que
c'est pour être rachetés non plus par le baptême de Joannès, mais par le sang
du jésus, que les christiens apportaient le prix de leurs biens aux apôtres.
Par ce moyen tous les millénaristes du premier siècle sont convertis en
jehouddolâtres dès 782.
42. Et tous persévéraient dans
la doctrine des apôtres, dans la communion de la fraction du pain et dans la
prière.
43. Or la crainte était dans
toutes les âmes, et beaucoup de prodiges et des merveilles se faisaient aussi
par les apôtres dans Jérusalem, et tous étaient dans une grande frayeur.
44. Tous ceux qui croyaient
étaient ensemble, et ils mettaient toutes choses en commun.
45. Ils vendaient leurs
possessions et leurs biens, et les distribuaient à tous, selon que chacun en
avait besoin.
46. Tous les jours aussi,
persévérant unanimement dans le Temple, et rompant le pain de maison en
maison, ils prenaient leur nourriture avec allégresse et simplicité de cœur.
47. Louant Dieu, et trouvant
grâce aux yeux de tout le peuple. Et le Seigneur augmentait en même temps
chaque jour le nombre de ceux qui devaient être sauvés.
II. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE III.
Imposture n° 12. - LE BOITEUX COMPROMETTANT.
1. Or Pierre et Joannès[1] montèrent au
Temple pour la prière de la neuvième heure.
2. Et voilà qu'on portait un
homme qui était boiteux dès le sein de sa mère, et chaque jour on le posait à
la porte du Temple, appelée la
Belle, afin qu'il demandât l'aumône à ceux qui entraient
dans le Temple.
3. Celui-ci ayant vu Pierre et
Joannès, qui allaient entrer dans le Temple, les priait pour avoir l'aumône.
4. Fixant avec Joannès les yeux
sur lui, Pierre dit : Regardez-nous.
6. Et il les regardait, espérant
recevoir quelque chose d'eux.
6. Mais Pierre dit : De l'argent et de l'or, je n'en ai pas[2], mais ce que j'ai je te le donne[3] : Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et
marche.
7. Et lui ayant pris la main
droite, il se leva ; et aussitôt ses jambes et les plantes de ses pieds
s'affermirent.
8. Et, s'élançant, il se dressa
debout et il marchait ; et il entra avec eux dans le Temple, marchant,
sautant et louant Dieu.
9. Et tout le peuple le vit
marchant et louant Dieu.
10. Ainsi, reconnaissant que
c'était celui-là même qui était assis à la Belle porte du Temple pour demander l'aumône,
ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes de ce qui lui était arrivé.
11. Et comme il tenait Pierre et
Joannès, tout le peuple étonné accourut vers eux au portique appelé de
Salomon.
C'est, transformée en anecdote, l'allégorie de l'infirme
que nous avons vu dans le Quatrième Évangile à la Piscine probatique[4], car celui-là
aussi est réduit l'immobilité depuis sa naissance. Au lieu de l'apporter chaque
jour à la piscine aux Cinq Portiques, la fontaine de Siloé, on le dépose à la
porte du Temple. Au lieu d'y venir chercher le salut, il y vient demander
l'aumône, mais une aumône de nature particulière que seuls Pierre et Joannès
peuvent lui donner, la grâce par le Portique de Salomon, le sixième et
dernier dans la théorie millénariste, le Portique
des Poissons. Gênés par les circonstances, celles-ci beaucoup plus
explicites dans Cérinthe, puisqu'elles s'appliquent à Bar-Jehoudda, et aussi
par la date, celle-là beaucoup trop précise, puisqu'elle fait remonter ses
débuts à 777, les Actes cherchent à détruire les indications de l'allégorie cérinthienne en la postdatant. En effet il résultait du
Quatrième Évangile que le pseudo-boiteux par paralysie politique avait été
guéri cinq ans avant la promulgation de l'Apocalypse par à homme que
les Actes faisaient mourir et ressusciter en 782, après une carrière
dont la durée ne dépassait pas six mois dans les Évangiles synoptisés.
D'autre part, si les héros de cette histoire opéraient de telles guérisons au
nom du Verbe en 777, il était impossible de dire qu'ils tenaient leur pouvoir
du ressuscité de 782. Ces considérations rendaient indispensable la
transposition du miracle de la fontaine probatique dont nous avons expliqué
le mécanisme dans le Roi des Juifs.
Que le très excellent Théophile le sache bien, si on a vu
quelquefois Bar-Jehoudda et Shehimon sous le Portique de Salomon, encore plus
probatique que la Piscine,
ce n'est point qu'ils y aient prêché le rétablissement de la monarchie
davidique, ni que ce fût leur quartier général, c'est parce que l'air y était
vivifiant.
Imposture n° 13. - BAR-JEHOUDDA PROMU AUTEUR DE LA VIE.
12. Ce que voyant, Pierre dit au
peuple : Hommes d'Israël pourquoi vous étonnez-vous
de ceci, ou pourquoi nous regardez-vous, comme si c'était par notre vertu ou
par notre puissance que nous avons fait, marcher cet homme ?[5]
13. Le
Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob, le Dieu de nos pères a
glorifié son fils Jésus, que vous avez, vous, livré et renié devant Pilate[6], quand il jugeait lui-même de le renvoyer[7].
14. Car
c'est vous qui avez renié le Saint et le Juste, et qui avez demandé qu'on
vous remit un meurtrier[8] ;
15. Vous
avez même tué l'Auteur de la vie[9], que Dieu a ressuscité d'entre les morts, ce dont nous
sommes témoins.
16. Or
c'est par la foi en son nom, que son nom a affermi cet homme que vous voyez
et connaissez, et c'est la foi qui vient par lui qui a opéré, en votre
présence, cette entière guérison.
17. Cependant,
mes frères, je sais que c'est par ignorance que vous avez agi, aussi bien
que vos chefs[10].
18. Mais
Dieu, qui avait prédit par la bouche de tous les prophètes[11] que son christ souffrirait[12], l'a ainsi accompli.
19. Faites
donc pénitence et convertissez-vous[13], afin que vos péchés soient effacés,
20. Quand
seront venus les temps de rafraîchissement devant la face du Seigneur, et
qu'il aura envoyé celui qui vous a été prédit, le Christ Jésus,
21. Que
le ciel doit recevoir[14] jusqu'au temps du Rétablissement de toutes choses dont
Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes depuis le commencement du
monde.
22. Car
Moïse dit : Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un
prophète comme moi ; vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira.
23. Or
il arrivera que quiconque n'écoutera pas ce prophète sera
exterminé du milieu du peuple.
24. Et
tous les prophètes depuis Samuel, et tous ceux qui depuis ont parlé, ont
annoncé ces jours.
25. Vous
êtes les fils des prophètes et de l'alliance que Dieu a établie avec nos
pères, disant à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les
familles de la terre.
26. C'est pour vous premièrement que Dieu, suscitant son Fils,
l'a envoyé pour vous bénir, afin que chacun revienne de son iniquité.
Le Christ des Actes a subi les mêmes
transformations que celui des Évangiles. Avec le temps, il a été mis
au goût du jour, selon l'état d'avancement de la mystification. Dans ce
second Discours aux Juifs, Pierre ne confesse plus le fils de David,
mais le Fils de Dieu, l'auteur de la vie ; depuis son premier discours, il a
lu le Quatrième Évangile. Il n'est plus question ici de David ni de la
promesse que Dieu lui a faite pour sa descendance ; on s'adresse à une autre
catégorie de Juifs, à qui il faut d'autres gages que les Généalogies et la
promesse de David. On a cherché, selon le précepte de l'Évangile, et on a
trouvé sinon mieux, du moins autre chose. Des Juifs s'étaient étonnés
qu'immortel le christ, fût mort, ne fût-ce que trois jours, et indignés que
la fable l'eût fait mourir de leur main, Les jehouddolâtres s'expliquent par
la bouche de Pierre, et ils consolent leurs frères. D'abord ceux-ci ont péché
par ignorance, comme aussi leurs magistrats. Ils ne savaient pas, ils ne
pouvaient pas savoir... Ensuite il n'y a pas de leur faute puisqu'ils ont agi
à l'instigation de Dieu, pour dominer raison aux prophètes qui tous ont prédit que le christ devait souffrir la mort.
Le vin étant tiré, il faut le boire. Vous avez tué le christ, peut-être avez-vous eu tort au
point de vue de l'art, mais enfin si vous l'avez tué, nous l'avons
ressuscité. Vous dites que le vrai Christ doit venir un jour des cieux où il
est depuis le commencement des choses et nous sommes d'accord au fond,
Puisque nous l'avons fait descendre sur le papier sous une forme qui semble
plaire, ne revenez pas sur ce que nous avons fait, ot
admettez avec nous qu'étant mort, il n'a pu aller ailleurs qu'aux cieux. Il
on reviendra quand il le faudra et tout sera dit, Ne remettez pas tout en
question par votre histoire d'enlèvement qui est terriblement vieux jeu. Il
n'y a plus que vous pour la soutenir.
III. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE IV.
Imposture n° 14. - LE PREMIER EMPRISONNEMENT DE BAR-JEHOUDDA ET DE
SHEHIMON TRANSFORMÉ PAR L'ESPRIT SAINT.
But : faire croire que si Bar-Jehoudda fut l'objet de
vagues poursuites, alors qu'il baptisait sous son nom de Joannès, car n'est
pas pour avoir prêché la Résurrection des morts de 781 à 789, mais pour
avoir prêché celle de Jésus, qui est la sienne propre et, qui serait advenue
en 782. Observons de nouveau que dans le système des Actes le Joannès se survit de sept ans, et que par conséquent personne encore
ne lui avait coupé la tête dans les Évangiles synoptisés.
1. Or, pendant qu'ils parlaient
au peuple, survinrent les prêtres, et le magistrat du Temple, et les
saducéens,
2. Courroucés de ce qu'ils
enseignaient le peuple, et annonçaient en Jésus la résurrection des morts ;
3. Et ils mirent la main sur
eux, et les jetèrent en prison jusqu'au lendemain, car il était déjà soir.
4. Cependant beaucoup de ceux
qui avaient entendu la parole crurent, et le nombre des hommes fut de cinq
mille.
5. Or il arriva le lendemain que
leurs chefs, les anciens et les scribes, s'assemblèrent à Jérusalem,
6. Et aussi Hanan,
prince des prêtres, Kaïaphas, Jochanan, Alexandre, et tous ceux qui étaient
de la race sacerdotale[15].
7. Et les faisant placer au
milieu, ils demandaient : Par quelle puissance et en
quel nom avez-vous fait cela, vous ?
8. Alors, rempli de
l'Esprit-Saint, Pierre leur dit : Princes du peuple, et vous, anciens,
écoutez :
9. Puisque aujourd'hui nous
sommes jugés à cause d'un bienfait en faveur d'un homme infirme, ot à cause de celui en qui il a été guéri,
10. Qu'il soit connu de vous
tous et de tout le peuple d'Israël que c'est au nom de Notre-Seigneur
Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié et que Dieu n ressuscité des
morts ; c'est par lui que cet homme est ici devant vous, debout et sain.
11. Ce Jésus est la pierre qui a
été rejetée par vous qui bâtissiez, et qui est devenue un sommet d'angle[16].
12. Et il n'y a de salut en
aucun autre ; car nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes, par
lequel nous devions être sauvés[17].
Imposture n° 16. - PRINCES TRANSFORMÉS EN ARTISANS.
Une des pires au point de vue moral, car pour intéresser
le peuple des villes païennes au triomphe de la superstition qu'on a créée
pour abuser de sa confiance, on va raconter que le Joannès et Shehimon
étaient eux-mêmes sortis du sein des humbles. On va dire qu'ils étaient, eux,
produit de la subtilité juive lancée à travers les Écritures, des gens sans
instruction, des instinctifs émus par le sens des libertés populaires. Ce
Joannès et ce Pierre qui ont signé des Apocalypses, ce Rabbi dont on
colporte encore les Paroles dans les synagogues millénaristes, ces docteurs
de la Loi, ces
sages[18], on va les
représenter comme des illettrés qu'enflamme l'amour des pauvres. Ces princes
de la maison de David dont l'ambition furieuse a
perdu la Judée,
ce sont des hommes du commun, on n'ose dire
pécheurs comme dans l'Évangile, mais on y songe. Nous verrons pousser plus
loin ces procédés hypocrites pour capter les ignorants et les lancer contre
les philosophes. Avant la fin des Actes, Saül, prince hérodien, sera
tisserand sous le nom de Paul ! Tibère Alexandre, procurateur romain, sera
ouvrier en cuivre !
L'invraisemblance arrête si peu le faussaire qu'il va
prêter à ces artisans, notamment à Pierre et à Stéphanos, des harangues dans
lesquelles il cite toutes les Écritures de visu, et arrange celles qui ne lui
conviennent pas. Dans l'Évangile, où ils ont l'air de pêcheurs
professionnels, dans les Actes où ils sont désignés comme des gens simples et illettrés, Shehimon et ses
frères semblent inaptes à tenir un discours suivi et à présenter des
arguments dans une dispute religieuse, en tout cas (dans l'Evangile) incapables de s'exprimer autrement qu'en
araméen, avec un accent qui les distingue des Juifs de Jérusalem. Mais à la Constituante et
devant le Sanhédrin Pierre répand des torrents d'éloquence grecque. Un Juif
instruit, historien remarquable, la gloire de son siècle avec Philon, Flavius
Josèphe, est si peu sûr de son grec qu'il se fait aider par des amis, il le
montre à des connaisseurs comme Julius Archélaüs, Hérode, le roi Agrippa II
lui-même, quêtant des conseils et des retouches pour être sûr de son fait et
pouvoir répondre du sens exact, et voici un pêcheur de Kepharnahüm, rude et
borné, qui nous aligne en un grec de sermon des phrases lapidaires. C'est que
ce fils du Zibdéos qui pêchait en araméen sous le nom de Shehimon, pêche en
grec sous le nom de Pétros.
13. Voyant donc la constance de
Pierre et de Joannès et ayant appris que c'étaient des hommes sans lettres,
et du commun, ils s'étonnaient ; ils savaient d'ailleurs qu'ils avaient été
avec Jésus.
14. Voyant aussi debout près
d'eux l'homme qui avait été guéri, ils ne pouvaient rien dire contre.
15. Mais ils leur ordonnèrent de
sortir du Conseil, et ils conféraient entre eux,
16. Disant : Que ferons-nous à ces hommes ? Car un miracle fait par eux
est connu de tous les habitants de Jérusalem ; cela est manifeste et nous ne
pouvons le nier.
17. Mais,
afin qu'il ne se divulgue pas davantage parmi le peuple, défendons-leur avec
menaces de parler désormais en ce nom à aucun homme.
18. Et
les ayant appelés, ils leur enjoignirent de ne parler ni d'enseigner en aucune
sorte au nom du Jésus[19].
19. Mais Pierre et Joannès
répondant, leur dirent : S'il est juste devant
Dieu de vous obéir plutôt qU'à Dieu, jugez-en ?
20. Car
nous ne pouvons pas ne point parler de ce que nous avons vu et entendu[20].
21. Mais eux les renvoyèrent
avec menaces, ne trouvant pas comment les punir à cause du peuple, parce que
tous vantaient beaucoup ce qui était arrivé dans cet événement.
22. Car il avait plus de
quarante ans, l'homme sur qui avait été fait ce miracle de la guérison.
Imposture n° 16. - POUR EFFACER L'ÂGE DU JÉSUS DANS LE QUATRIÈME
ÉVANGILE.
Savez-vous pourquoi on donne ici plus de quarante ans à
l'infirme guéri par Pierre et Joannès ?
Parce que dans le Quatrième Évangile ce même guéri en
avait déjà trente-huit en 777,
l'âge de son guérisseur[21]. Maintenant que
la crucifixion du jésus a été ramenée à 782, l'infirme a plus de quarante ans lorsque le Joannès le guérit dans
les Actes, il en a quarante-trois. On voit par là que la chronologie du
Quatrième Évangile, établie d'après celle de l'Apocalypse (739, date de la Nativité), était encore en vigueur chez
les millénaristes, et qu'il fallait la combattre ou la tourner,
Comme, selon le système des Actes, le jésus se survit dans
Joannès, ce n'est plus le guérisseur qui a trente-huit ans lorsqu'il opère,
c'est l'opéré qui en a plus de quarante à partir de 782. Centième preuve que
le Joannès et le jésus sont un seul individu.
Imposture n° 17. - POUR EFFACER LE SACRE ET L'HISTOIRE DES VASES.
But : faire croire que, dans l'intervalle qui a séparé
cette guérison et les autres de la crucifixion, Bar-Jehoudda ne s'est pas
fait réellement oindre roi-christ au-delà du Jourdain, mais que cette onction
est une révélation de Dieu, donc purement spirituelle ; qu'en conséquence
l'homme crucifié en 788 n'a rien à voir avec l'imposteur dont parle Josèphe
comme ayant voulu déterrer au sommet du Garizim en Samarie les vases qu'il y
avait enterrés lui-même au nom de David[22].
23. Ainsi renvoyés, ils vinrent
vers les leurs, et leur racontèrent tout ce que les princes des prêtres et
les anciens leur avaient dit.
24. Ce qu'ayant entendu, ceux-ci
élevèrent unanimement la voix vers Dieu, et dirent : Seigneur,
c'est vous qui avez fait le ciel et la terre, et la mer, et tout ce qui est en
eux ;
25. Qui
par l'Esprit-Saint et par la bouche de notre père David, votre serviteur,
avez dit : Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples médité des
choses vaines ?
26. Pourquoi
les rois de la terre se sont-ils levés, et les princes se sont-ils ligués
contre le Seigneur et contre son christ ?
27. Car
Hérode et Ponce-Pilate se sont vraiment ligués dans cette cité avec les
Gentils et les peuples d'Israël contre votre saint Fils Jésus que vous avez
consacré par votre onction,
28. Pour
faire ce que votre bras et votre conseil avaient décrété qui serait fait[23].
29. Et
maintenant, Seigneur, regardez leurs menaces, et donnez à vos serviteurs,
d'annoncer votre parole en toute confiance ;
30. En
étendant votre main pour que des guérisons, des miracles et des prodiges
soient faits par le nom de votre saint Fils Jésus.
31. Et quand ils eurent prié, le
lieu où ils étaient assemblés trembla, et ils furent tous remplis de
l'Esprit-Saint, et ils annonçaient la parole de Dieu avec confiance.
Imposture n° 18. - LA
LIQUIDATION DES BIENS.
But : montrer que Bar-Jehoudda et ses frères, qui avaient
tiré toutes leurs ressources du sicariat et du millénarisme, n'écoutant que
les choses de la terre[24], c'est-à-dire
l'intérêt dynastique, étaient au contraire les distributeurs équitables et
désintéressés de sommes qui leur avaient été librement remises. Tableau du
bonheur imaginaire auquel on peut parvenir en s'inspirant du système
apostolique : la bourse ou la vie !
32. Or la multitude des croyants
n'avait qu'un cœur et qu'une âme ; et nul ne regardait comme étant à lui rien
de ce qu'il possédait ; mais toutes choses leur étaient communes.
33. Et les apôtres rendaient
témoignage avec une grande force de la résurrection du Seigneur Jésus-Christ,
et une grande grâce était en eux tous.
34. Aussi n'y avait-il aucun
pauvre parmi eux[25], car tout ce
qu'il y avait de possesseurs de champs ou de maisons les vendaient, et
apportaient le prix de ce qu'ils avaient vendu,
35. Et le déposaient aux pieds des
apôtres ; on le distribuait ensuite à chacun selon qu'il en avait besoin[26].
36. Joseph donc, surnommé pur
les apôtres Barnabé (qu'on interprète par Fils
de consolation), lévite et Cypriote de naissance,
37. Comme il avait un champ, le
vendit, et en apporta le prix, et le déposa aux pieds des apôtres.
Ainsi, très excellent Théophile, la liquidation des biens
en vue du Royaume futur n'a jamais été qu'une contribution facultative au
soulagement des pauvres, et si quelque païen vient à soutenir le contraire
devant toi, tu lui opposeras l'idyllique tableau qui suit et dans lequel
Pierre, à tout prendre, n'assassine que deux personnes.
IV. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE IV.
Imposture n° 19. - L'ASSASSINAT D'ANANIAS ET DE ZAPHIRA DEVANT LE
SAINT-ESPRIT.
Imposture dirigée contre les annales juives qui
mentionnaient le double assassinat dont Saül poursuivit les auteurs jusqu'à
Damas, et pour lequel il fit lapider Jacob junior, avec le regret de n'avoir
pu arrêter que celui-là.
Nous savons par Marc et par Luc qu'un individu dont ils ne
donnent pas le nom, parce qu'ils le connaissent trop bien, a traversé le
septennat du jésus un s'ingérant de chasser les démons. Le Joannès vient dire
à Jésus : Seigneur, nous avons vu un homme qui
chassait les démons en votre nom et qui ne nous suit pas et nous l'en avons
empêché[27]
; il se garde bien de dire par quels moyens, mais sur les raisons il est fort
explicite : c'est parce qu'il ne vous suit pas avec
nous[28]
en un mot, parce qu'il n'est pas de la famille. Toutefois, n'approuvant pas
plus cette exécution — cela d'ailleurs dépend de la façon dont il est disposé
— que l'incendie de Suchar et de Sôrtaba[29], Jésus répond : Ne l'empêchez pas. Mais le coup est fait à l'heure
où l'Évangéliste place ce colloque, et depuis l'année précédente Ananias a
été mis dans l'impossibilité de nuire ; il doit à cette circonstance de
n'avoir pas été compris au nombre de ceux que Jésus condamne à mourir
assassinés en sa présence, c'est-à-dire dans le Temple, pour avoir empêché
Bar-Jehoudda de régner. Mais il était aussi coupable que ceux-là et peut-être
davantage, car, c'est affreux à dire, à l'exorcisme frauduleux Ananias a
joint l'exercice illégal du baptême !
Étant donné l'esprit de conversion répandu dans les Actes,
nous savons qu'Ananias est celui qu'ils nous montreront ressuscité dans Damas
en 789, entretenant les rapports les plus cordiaux avec Jehoudda Toâmin dans
cette ville, et baptisant Saül converti lui-même en jehouddolâtre. C'est donc
aux environs de Damas, en Trachonitide ou en Abilène, que Bar-Jehoudda et ses
frères ont assassiné Ananias et sa femme qui, après avoir donné des gages au
millénarisme, baptisaient pour leur propre compte. Nous avions d'abord pensé
que Bar-Jehoudda les avait fait égorger uniquement par vengeance (gheoullah)
et pour avoir provoqué sa condamnation au fouet ; c'est pour les punir de lui
avoir fait une concurrence déloyale[30].
N'étant pas de la maison de David, la seule qui fût visée
dans la Prophétie
de Zacharie, Ananias n'avait pas le droit de baptiser ; il détournait les
ouailles ; enfin il est à craindre qu'amolli par un long séjour au milieu des
Syriens de Damas, il ne leur donnât le salut à des prix déraisonnables par
leur modicité, au mépris du monopole davidique et des tarifs pleins établis
par le Nazir. D'autre part Zaphira, sa femme, se permettait sans doute de
jouer les Maria Magdaléenne en ces parages et de prophétiser le
réaccouplement adamique. On comprend que Bar-Jehoudda ait décidé de supprimer
les auteurs de ces abominables pratiques[31].
Mais, comme dans les Actes on est loin des temps apostoliques,
il n'est pas bon que le très excellent Théophile soupçonne le Juif
consubstantiel au Père d'avoir ordonné ce double assassinat pour la
conservation de ses privilèges. Dans Marc et dans Luc l'anonyme qui fait de
l'exorcisme ne baptise pas ; dans les Actes il baptise sous son nom, mais ne
fait pas d'exorcisme. Il y a là une compensation qui se résoudra en foi chez
le très excellent Théophile, s'il a l'âme bien née.
1. Or un certain homme du nom
d'Ananias avec Saphira, sa femme, vendit un champ,
2. Et frauda sur le prix du
champ, sa femme le sachant ; et en apportant une partie, il la déposa aux
pieds des apôtres.
3. Mais Pierre lui dit : Ananias, pourquoi Satan tente ton cœur, pour mentir à
l'Esprit-Saint, et frauder sur le prix du champ ?
4. Restant
en tes mains, ne demeurait-il pas à toi ? et vendu, n'était-il pas encore en
ta puissance ? Pourquoi donc as-tu formé ce dessein dans ton cœur ? Tu n'as
pas menti aux hommes, mais à Dieu.
5. Or, entendant ces paroles,
Ananias tomba et expira ; et il se répandit une grande crainte sur tous ceux
qui apprirent ces choses.
6. Et de jeunes hommes, se
levant, l'enlevèrent, et, l'ayant emporté, ils l'ensevelirent.
7, Mais il arriva, dans l'espace
d'environ trois heures, que sa femme, ignorant ce qui s'était passé, entra,
8. Et Pierre lui dit : Femme, dites-moi si vous avez vendu le champ ce prix-là ?
Elle répondit : Oui, ce
prix-là.
9. Et Pierre lui dit : Pourquoi vous êtes-vous concertés ensemble pour tenter
l'Esprit-Saint ? Voilà que les pieds de ceux qui ont enseveli votre mari sont
à la porte, et ils vous emporteront.
10. Et aussitôt elle tomba à ses
pieds, et elle expira. Or les jeunes hommes, étant entrés, la trouvèrent
morte ; ils l'emportèrent donc et l'ensevelirent auprès de son mari.
11. Et il se répandit une grande
crainte dans toute l'Église et en tous ceux qui apprirent Ces choses.
La crainte qui se répandit ne fut peut-être pas énorme
dans Jérusalem où Saül disposait de forces suffisantes pour défendre le
Temple contre ces misérables, mais l'horreur y fut profonde.
On ferait un volume, et on devrait le faire, avec les
apologies que l'Église a écrites de cet exécrable forfait à propos duquel
Saül alla pour la première fois à Damas, envoyé par le Sanhédrin. L'édition
du Saint-Siège en décharge Shehimon pour en l'envoyer la responsabilité à
Dieu lui-même. C'est lui qui a frappé, parce qu'Ananias a fait acte d'avarice
en gardant une partie de l'argent qu'il avait promis, et de mensonge, en se
donnant publiquement le mérite d'avoir offert le tout. Vous avez le texte
sous les yeux, je vous défie bien d'y trouver la marque d'une telle
prétention chez Ananias. On y colore le double assassinat d'un reflet
céleste, mais on ne le nie point. Il n'est pas mauvais qu'une terreur
salutaire fasse frissonner le noble cœur du très excellent Théophile. Qu'il
le sache bien, le droit à l'assassinat peut être invoqué contre lui, s'il ne
sent pas qu'il faut tester en faveur de l'Église ! Car, dans les temps
primitifs, c'est par les mains des apôtres[32] que se faisaient
Ces prodiges fiscaux.
Porphyre est accusé de subtilité (sic) pour avoir appelé crime un fait qualifié tel dans toutes
les législations, hormis celle que jésus et ses frères prétendaient
renouveler de leur ancêtre Phinées contre Ananias
et Zaphira. Ne dirait-on pas, s'écrie un
apologiste[33],
que le saint apôtre Pierre leur a passé une épée en
travers du corps ? Dieu seul frappe le coup ! Pierre a parlé, Dieu seul a agi.
Quoi donc ! est-ce Dieu qui a enterré successivement les deux cadavres pour
que le Sanhédrin ne les retrouve pas ? Dieu est-il descendu au rôle de
fossoyeur ? Tertullien n'a vu là qu'une forme à la fois sommaire et définitive
de l'excommunication[34] : Pierre a agi
en parlant, Dieu a ratifié. A l'instar des pécheurs que l'excommunication
retranche de la société des fidèles, Ananias et sa femme ont été retranchés
de la société des vivants. N'avaient-ils pas scandalisé toute l'Église ? Ils se sont attiré une confusion
ineffaçable et un opprobre éternel. Car, s'ils étaient morts dans la justice,
le Seigneur n'aurait pas travaillé directement à déshonorer leur mémoire, en
inspirant à l'écrivain sacré l'histoire qui l'a flétrie ; c'eut été
contredire cette parole du Psalmiste : La mémoire du juste sera éternelle, il
ne craindra pas qu'on dise du mal de lui[35]. Tel Pierre.
Imposture n° 20. - POUR EFFACER LES MARQUES DU FOUET.
Relative au scandale des Tabernacles rapporté par le seul
Cérinthe[36],
comme l'affaire du boiteux (paralytique
claudicant) que les Actes viennent de placer sous le septennat
du Joannès (782-789), alors qu'il lui
est antérieur de cinq ans. But : faire croire que ce scandale, qui est de
septembre 787, se place après l'assassinat d'Ananias et de sa femme, alors
qu'il est antérieur à la lapidation de Jacob junior dont cet assassinat fut la Cause. Faire croire
également qu'étant mort et même ressuscité depuis 782, le jésus n'a pu être
fouetté avec ses frères à l'occasion de l'affaire des Tabernacles. Celui qui
a été fouetté, c'est Joannès, lequel survit au jésus dans le système des Actes
; et il l'a été, ainsi que ses frères, non pour avoir fait émeute à la
fontaine de Siloé, comme il est dit dans Cérinthe, et à cause de l'eau amenée
par Pilatus, comme il est dit dans Josèphe, mais pour avoir prêché la
résurrection.
12. Cependant par les mains des
apôtres s'opéraient beaucoup de miracles et de prodiges au milieu du peuple.
Et tous unis ensemble se tenaient dans le portique de Salomon.
13. Or aucun des autres n'osait
se joindre à eux ; mais le peuple les exaltait.
14. Ainsi de plus en plus
s'augmentait la multitude des croyants dans le Seigneur, hommes et femmes ;
15. De sorte qu'ils apportaient
les malades dans les places publiques, et les posaient sur des lits et sur
des grabats, afin que, Pierre venant, son ombre au moins couvrit quelqu'un
d'eux, et qu'ils fussent délivrés de leurs maladies.
16. Le peuple des villes
voisines de Jérusalem accourait aussi, apportant des malades et ceux que
tourmentaient des esprits impurs ; et tous étaient guéris.
17. Alors le prince des prêtres
se levant, lui et tous ceux de son parti (c'est-à-dire
de la secte des saducéens) furent remplis de colère ;
18. Ils mirent la main sur les
apôtres et les jetèrent dans une prison publique[37].
19. Mais un ange du Seigneur,
ouvrant pendant la nuit les portes de la prison, et les faisant sortir, dit :
20. Allez,
et Vous tenant dans le Temple, annoncez au peuple toutes les Paroles de cette
vie[38].
21. Ce qu'ayant entendu, ils
entrèrent au point du jour dans le Temple, et ils enseignaient. Cependant le
prince des prêtres étant venu, et ceux de son parti aussi, ils convoquèrent
le Conseil et tous les anciens des enfants d'Israël et ils envoyèrent à la
prison pour qu'on amenât les apôtres.
22. Quand les archers y furent
arrivés, et qu'ayant ouvert la prison ils ne les trouvèrent point, ils
revinrent l'annoncer,
23. Disant : Nous avons trouvé la prison fermée avec le plus grand
soin, et les gardes debout devant les portes ; mais ayant ouvert, nous n'avons
trouvé personne dedans.
24. Dès que le stratège du
Temple et les princes des prêtres eurent entendu ces paroles, pleins de
doutes à l'égard de ces hommes, ils ne savaient ce que cela deviendrait.
25. Mais quelqu'un survenant
leur dit : Voilà que les hommes que vous aviez mis
en prison sont dans le Temple et enseignent le peuple.
26. Alors le stratège y alla
avec ses archers, et il les amena sans violence, parce qu'ils craignaient
d'être lapidés par le peuple.
27. Lorsqu'ils les eurent
amenés, ils les introduisirent dans le Conseil ; et le prince des prêtres les
interrogea,
28. Disant : Nous vous avons défendu absolument d'enseigner en ce
nom-là, et voilà que vous avez rempli Jérusalem de votre doctrine, et que
vous voulez rejeter sur nous le sang de cet homme[39].
29. Mais Pierre et les apôtres,
répondant, dirent : Il faut plutôt obéir à Dieu
qu'aux hommes.
30. Le
Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous-mêmes vous avez fait mourir,
le suspendant à un bois[40].
31. C'est lui que Dieu a élevé par sa droite comme Prince et
Sauveur, pour donner à Israël pénitence et rémission des péchés ;
32. Or
nous sommes témoins de ces choses, nous et l'Esprit-Saint que Dieu a donné à tous
ceux qui lui obéissent[41].
33. Ce qu'ayant entendu, ils
frémissaient de rage, et ils pensaient à les faire mourir.
Imposture n° 21. - LE PRÉSIDENT DU SANHÉDRIN CONVERTI EN TÉMOIN DE LA RÉSURRECTION.
But : faire dire et dès 787 par Gamaliel, président du
Sanhédrin qui a condamné Bar-Jehoudda en 788[42], que celui-ci et
les autres fouettés ne sont pas les sept fils de Jehoudda de Gamala, comme il
était dit dans Josèphe qui à l'heure actuelle en cite encore trois (Shehimon, Jacob et Ménahem) et qui en citait
quatre avant la falsification relative à leur aîné. Lui faire dire également,
à lui qui en a condamné successivement quatre, Jacob junior en 787,
Bar-Jehoudda en 788, Shehimon et Jacob en 802, sans compter leurs parents,
Eléazar et Theudas, qu'à partir de l'affaire des Tabernacles, le Sanhédrin,
sur sa demande, a cessé de s'occuper de cette famille et qu'il n'en a plus
jugé aucun membre. Par conséquent les nombreux assassinats commis par elle dans
le Temple ou sur le personnel sacerdotal ne peuvent être des représailles, et
les Sicaires de Ménahem que nous verrons à l'œuvre dans peu ne sauraient être
identifiés avec les christiens, disciples de Jehoudda.
34. Mais un certain pharisien,
du nom de Gamaliel, docteur de la loi, et honoré de tout le peuple, se levant
dans le conseil, ordonna de faire sortir un moment les apôtres[43] ;
35. Et il leur dit : Hommes d'Israël, prenez garde à ce que vous ferez à
l'égard de ces hommes.
36. Car, avant ces jours-ci, Theudas a parut[44], se disant être
quelqu'un, et auquel s'attacha un nombre d'environ quatre cents hommes ; il
fut tué, et tous ceux qui croyaient en lui se dissipèrent et furent réduits à
rien.
37. Après lui[45] s'éleva Judas le
Galiléen, aux jours du Recensement, et il attira le peuple après lui ; il
périt, lui aussi, et tous ceux qui s'étaient attachés à lui furent dispersés.
38. Voici donc pourquoi je vous
dis : Ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les[46] : car si cette entreprise ou cette œuvre est des hommes,
elle se dissipera ;
39. Que
si elle est de Dieu, vous ne pourrez la détruire, et peut-être que vous vous
trouveriez combattre contre Dieu même. Ils acquiescèrent à son avis.
40. Ayant donc rappelé les
apôtres ils leur défendirent, après les avoir fait déchirer de coups, de
parler aucunement au nom de Jésus ; et ils les renvoyèrent.
41. Et eux sortirent du Conseil,
pleins de joie de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir des outrages
pour le nom de Jésus.
42. Et tous les jours, ils ne cessaient,
dans le Temple, et de maison en maison, d'enseigner et d'annoncer le Christ
Jésus[47].
La conclusion que le très excellent Théophile doit tirer
du discours placé dans la bouche de Gamaliel est qu'à partir de ce moment
aucun christien n'a plus été jugé par le Sanhédrin, pas même Theudas, compté
par certains Évangiles au nombre des Douze et qui le mérite pleinement. C'est
pourquoi l'auteur des Actes, après avoir biffé Theudas de la liste de la Constituante
présidée par Pierre, l'a mis avant Jehoudda dans l'ordre chronologique des
imposteurs qui ont affligé la
Judée après Bar-Jehoudda.
Les exégètes modernes traitent cette difficulté par le
mépris, ce qui n'est pas une mauvaise méthode ; mais les anciens en ont
montré plus de souci, car il n'y a pas de vraisemblance que Josèphe se soit
trompé de plus de quarante ans en assignant la date de 797 au soulèvement de
Theudas qui s'est passé de son temps et dont il a connu divers témoins
oculaires. Mais qu'importe au Père de Ligny, jésuite, qu'il y ait cet intervalle
entre la date indiquée par Josèphe et celle que supposent les Actes ?
C'est Gamaliel qu'il faut croire, car il a cité le fait dans la circonstance
présente. Il l'a cité à des hommes qui en étaient aussi bien informés que
lui. Ces hommes loin de le contredire se sont rendus à son avis. Le très
excellent Théophile lui-même n'a pas soulevé de réclamation plus tard. Donc
le fait ne peut être révoqué en doute. Lorsqu'on a
la preuve directe d'un fait, dit-il, on ne
doit plus admettre contre ce fait d'autres objections que celles qui en
attaqueraient la preuve. Ce principe est certain, et seul il suffit pour
faire disparaître presque toutes les difficultés que l'on forme contre la
religion[48].
Du même coup on enlève à Gamaliel et à son fils,
grand-prêtre pendant la procurature d'Albinus sous
Néron, toutes les condamnations qu'ils ont eu à prononcer contre la famille
de Jehoudda, quoiqu'ils fussent eux aussi (peut-être
même à cause de cela), descendants de David. C'est pourquoi on a fait
de Gamaliel l'ancien un secret partisan de Bar-Jehoudda. On a vu déjà ce
qu'il en est par les sentiments que le prince Saül, son élève, nourrissait
pour les christiens. Vous pouvez voir également dans le Talmud ceux que
nourrissait Siméon ben Gamaliel, patriarche de Tibériade sous Hadrien ; son
attitude dépose énergiquement contre celle que les Actes prêtent à son
ancêtre. Gardien d'une loi qui n'avait plus d'autre Temple que l'âme des
Juifs, siégeant au milieu d'une population qui, si l'Évangile disait vrai,
eût été aux trois quarts jehouddolâtre, il s'en tenait à Iahvé, dieu des
juifs, et n'admettait pas que celui-ci eût laissé un fils en Galilée comme
preuve de sa fécondité. On attendit que le dernier des Gamaliel fût mort pour
introduire leur nom dans les Ecritures ecclésiastiques, car c'était un nom
d'une grande autorité auprès des Juifs et fort capable d'en amener beaucoup à
la superstition dont Gamaliel l'ancien semble prévoir les magnifiques
destinées.
V. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE V.
Imposture n° 22. - SUBSTITUTION DES SEPT DIACRES AUX SEPT FILS DE
JEHOUDDA.
Le souvenir des sept fils de Jehoudda planant sur toute
cette époque, et illustrant sabbatiquement le septennat de leur aîné, il
s'agit, puisqu'on ne peut l'abolir, de le dénaturer. L'histoire rapporte la
lapidation par Saül de Jacob junior dit Andréas, ressuscité dans l'Évangile
en sa qualité de fils de la veuve du Zibdéos[49]. Pour effacer
Jacob de l'Évangile et le subordonner aux Douze — cela ne fait rien à ses
mânes ; puisqu'il est des Douze sous son nom d'Andréas — on le fera entrer
sous le nom de Stéphanos dans une vieille liste de Sept diacres qui semble
bien être antérieure à celle des Douze et où figuraient ses frères notamment
Philippe, sous des noms d'emprunt à désinence grecque. On dira, dût leur
réputation en souffrir un peu, que ces sept diacres étaient non des Juifs
araméens comme les sept démons de Maria, si
reconnaissables à leur langage, mais des Juifs hellènes ; que les Douze se
sont agrégés pour prêcher la résurrection de Bar-Jehoudda en un temps qui coïncide
avec la lapidation de Jacob junior. Mais, comme Jacob, qui déjà s'appelle
Andréas dans l'Évangile, prend ici le nom de Stéphanos et qu'il est d'origine
grecque, c'est bien le diable si quelqu'un retrouve en lui le fils de la
veuve du Zibdéos.
1. Or, en ces jours là, le
nombre des disciples croissant, il s'éleva un murmure des Grecs contre les
Hébreux, de ce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution de
chaque jour[50].
2. Les Douze donc, convoquant la
multitude des disciples, dirent : Il n'est pas juste
que nous abandonnions la parole de Dieu, et que nous vaquions au service des
tables.
3. Cherchez donc parmi vous, mes
frères, sept hommes de bon témoignage, pleins de l'Esprit-Saint et de
sagesse, que nous puissions préposer à cette œuvre.
4. Pour nous, nous nous
appliquerons à la prière et au ministère de la parole.
5. Ce discours plut à toute la
multitude. Et ils élurent Stéphanos, homme plein de foi et de l'Esprit-Saint,
Philippe, Prochorus, Nicanor, Timon, Parménas [et
Nicolas, prosélyte d'Antioche][51].
Dans cette liste on retrouve deux des fils de Jehoudda,
Jacob-Andréas sous le nom de Stéphanos et Philippe sous le nom qu'il semble
avoir eu réellement. Personne n'a jamais entendu parler de Prochorus, de
Nicanor, de Timon et de Parménas qui sont là en représentation de quatre
autres fils de Jehoudda. Le septième et dernier est remplacé par Nicolas, un
drôle abominable qui, ayant mis quelques femmes en commun à commencer par la
sienne, ouvrit on ne sait quelle synagogue de prostitution mutuelle dans
Antioche avec un succès qui le força d'établir des succursales en Asie. Pour
la réputation de Shehimon-Pierre, mieux eût valu cent fois nommer Ménahem ?
A propos de ces pseudo-diacres donnons un renseignement à la Sacrée
Congrégation de l'Index : Prochorus,
dit-elle, n'est connu que par ce passage.
Prochorus, est, au contraire, célèbre par des faux qui devraient sauver sa
mémoire dans l'Église, s'il y avait une justice en ce monde. Il est l'auteur
des Voyages de Joannès porte-parole de Dieu. Vous les connaissez[52], c'est un
chef-d'œuvre qu'on peut mettre en parallèle avec les Passions de Pierre et
de Paul dont s'enorgueillit à bon droit le Saint-Siège apostolique.
6. Ils les présentèrent aux
apôtres, et ceux-ci, priant, leur imposèrent les mains.
7. Et la parole du Seigneur
croissait, et le nombre des disciples se multipliait grandement à Jérusalem ;
et même un grand nombre de prêtres obéissaient à la foi[53].
Imposture n° 23. - TRANSMISSIBILITÉ DU MONOPOLE JUIF PAR LE DIACONAT.
Je n'avais pas saisi tout d'abord le sens politique caché
dans le Diaconat, la transmission du ministère apostolique aux Juifs
hellènes, la mise en marche de la machine jehouddolâtrique vers l'Occident.
J'ai cru au murmure, à une lutte réelle entre la tyrannie, l'exaction de
l'élément, galiléen et l'indépendance naturelle de l'élément judéo-grec, plus
fin, plus délié, poli par les voyages. En tout cas, les Douze eussent été
complètement battus dans la rencontre, et battus par sept Grecs entre
lesquels se glisse un homme uniquement réputé pour l'infamie de ses doctrines
et de ses mœurs. Telle n'a pu être l'intention du scribe. Il n'y a point
lutte entre deux éléments, mais au contraire subordination de l'un à l'autre,
ce qui entraîne celle de l'élément latin à l'élément judéo-hellène, héritier
du monopole conféré aux Juifs de langue hébraïque ou araméenne. C'est la
constitution de l'épiscopat in partibus gentium ni plus ni moins.
Que le très excellent Théophile le sache bien ! Les sept
fils de Jehoudda ne sont point, les hommes qu'on a peints, exclusifs de tout
ce qui n'était pas juif, et rebelles à toute élection autre que celle de
Dieu. Au contraire, il y avait des agapes, et les hellénistes y étaient admis
au même titre que les araméens. Toutefois, ayant cru voir que dans la
distribution des vivres leurs veuves étaient un peu négligées, il y eut un
murmure parmi eux. Mais tel était, au contraire, le détachement des Douze
que, pour en donner la preuve, sur ce simple murmure ils renoncèrent
d'eux-mêmes à servir leurs frères, comme dans la Multiplication
des pains, et abandonnèrent gracieusement le service des tables à leurs
diacres, car ils n'avaient jamais faim et soif que de la parole divine et
même ils furent heureux que les hellénistes pussent les rationner à leur
tour, s'il leur en prenait envie. Ainsi vous voyez. Ils ont donc provoqué
l'élection des Sept diacres, ils les ont investis eux-mêmes en leur imposant
les mains. Après quoi ils se sont consacrés uniquement à la prière et au
ministère évangélique. C'est par eux que le privilège et l'administration du
salut — car le salut vient d'eux — sont passés aux Juifs hellènes, ou même,
tant ils étaient bons, à d'indignes prosélytes comme Nicolas d'Antioche.
Le scribe des Actes a réalisé par l'expédient du
Diaconat la menace que Jésus fait aux Juifs dans le Quatrième Évangile
de leur enlever le monopole du salut s'ils n'ajoutent pas foi à la révélation
du Joannès et à la vertu du baptême. Voilà l'Église grecque — de langue
grecque s'entend, comprenant au besoin l'Égypte et l'Asie — investie régulièrement,
apostoliquement du monopole juif. Reste à pourvoir les latins. On va y
procéder par divers travaux d'approche en Judée même, par la présence à
Césarée de Pierre s'asseyant à la table du centurion Cornélius, et par le Voyage
de Saülus en Italie, à Rome même, où Pierre
rejoindra Paul dans la suite des temps. Et, tous deux scelleront l'Église
latine dans leur sang — un peu d'encre que Clément le romain tirera de son
écritoire au fond d'une banque.
C'est une chose remarquable qu'il n'y a pas eu moyen de
porter Saül sur la liste des diacres, bien qu'elle soit entièrement fictive
comme le diaconat lui-même. Mais on ne pouvait entreprendre contre la Lettre aux Galates qui
donnait forcément à la conversion de Saül une date postérieure à 780,
puisqu'il avait collaboré à la déconfiture de Bar-Jehoudda. On ne pouvait
donc convertir Saül avant la date indiquée dans ce premier faux, il fallait
attendre.
C'est aussi pour répondre de biais à la Lettre aux
Galates que Pierre laisse le service des tables aux hellènes. A la vérité
il ne s'attable pas avec les païens comme à Antioche, mais il laisse faire,
et c'est la même chose, car qui prouve qu'une fois maîtres
de ce service les hellénistes n'y laisseront pas pénétrer les païens ?
Jamais les sept fils de Jehoudda n'eussent abandonné la
distribution des vivres à sept Juifs grecs. Laisser ce service aux grecs,
c'eût été abdiquer totalement. Par les tables on
tenait tout, la conscience et le ventre.
Imposture n° 24. - SUPPLICE DE JACOB JUNIOR SOUS LE NOM DE STÉPHANOS.
C'est pour préparer celle-ci qu'est faite la précédente.
Jacob junior va être lapidé non pour avoir participé à l'assassinat d'Ananias
et de sa femme, mais témoigné la résurrection de son frère dont la mort a été
préalablement reportée à 782[54]. Sous le nom de
Stéphanos, comme Bar-Jehoudda sous celui de Jésus, Jacob est innocent de tout
crime.
8. Or Stéphanos, plein de grâce
et force, faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple.
9. Mais quelques-uns de la
synagogue qui est appelés des Affranchis, de celle des Cyrénéens et des
Alexandrins, et de ceux qui étaient de Cilicie et d'Asie, se levèrent,
disputant contre Stéphanos.
10. Et ils ne pouvaient résister
à la sagesse et à l'Esprit-Saint qui parlait.
11. Alors ils subornèrent des
hommes pour dire qu'ils l'avaient entendu proférer des paroles de blasphème
contre Moïse et contre Dieu.
12. Ils soulevèrent ainsi le
peuple, les anciens et les scribes : et ceux-ci, accourant ensemble,
l'entraînèrent et l'amenèrent au Conseil[55].
13. Et ils produisirent de faux
témoins pour dire : Cet homme ne cesse de parler
contre le lieu saint et contre la Loi[56].
14. Car
nous l'avons entendu disant que ce Jésus de Nazareth détruira ce lieu, et
changera les traditions que nous a données Moïse.
15. Et tous ceux qui siégeaient
dans le Conseil, ayant fixé les yeux sur lui, ils virent son visage comme le
visage d'un ange.
Et en effet, Jacob junior est devenu ange au moment où le
scribe fait son travail[57].
Le Sanhédrin qui l'a condamné avait été présidé par
Gamaliel, contrairement à la promesse que celui-ci vient de faire de laisser
tranquilles les fils de Jehoudda, et Gamaliel était le maître de Saül. C'est
pour dissimuler ce fait qu'on a enlevé à Jacob junior son surnom évangélique
d'Andréas, sous lequel il était trop reconnaissable, pour lui substituer
cette vague qualification martyrologique de la Couronne. Le
Saint-Esprit vient de convertir Gamaliel, il se propose de convertir Saül, et
il lui faut également convertir le condamné.
VI. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE VI.
Imposture n° 25. - SUBSTITUTION D'UNE CONFÉENCE À L'ACTE D'ACCUSATION DE
JACOB JUNIOR.
But : remplacer les débats et la sentence qui étaient dans
les Registres du Sanhédrin et dont il restait, sans doute quelque trace dans
les Paroles du Rabbi par une conférence sur Abraham, Moïse et la Genèse. On n'a
pu tant faire toutefois que l'exemple de Moïse tuant un Egyptien pour avoir
molesté un Juif ne soit invoqué par le prévenu pour sa défense. Or Ananias
s'était conduit comme un Egyptien envers Bar-Jehoudda et ses frères ; ce
qualificatif caractérise apocalyptiquement tous les Juifs de Jérusalem et
d'ailleurs qui, par leur obéissance aux Romains, font, de la Ville Sainte une Égypte
et une Sodome nouvelles[58]. Le morceau est
curieux à cause du parallèle que l'auteur établit entre la famille de Moïse
luttant contre un roi d'Égypte défavorable aux Juifs et celle de Jehoudda
révoltée contre les Hérodes. La famille de Jehoudda voulait tirer Israël
d'Égypte, et Jérusalem n'a pas compris.
1. Alors le prince des prêtres[59] lui demanda : Les choses sont-elles ainsi ?
2. Il répondit : Hommes, mes frères et mes pères, écoutez : Le Dieu de
gloire apparut à notre père Abraham lorsqu'il était en Mésopotamie, avant
qu'il demeurât à Charan.
3. Et il lui dit : Sors de ton pays et de ta parenté, et viens dans la terre
que je te montrerai.
4. Alors il sortit du pays des
Chaldéens, et il demeura à Charan. Et de là, après que son père fut mort,
Dieu le transporta dans cette terre que vous habitez aujourd'hui.
5. Et il ne lui donna là ni
héritage, ni même où poser le pied ; mais il promit de la lui donner en sa
possession et à sa postérité après lui, lorsqu'il n'avait point encore de
fils.
6. Toutefois Dieu lui dit que sa postérité habiterait en une terre étrangère, où elle
serait réduite en servitude et maltraitée pendant quatre cents ans.
7. Mais
la nation qui l'aura tenue en servitude, c'est moi qui la jugerai, dit le
Seigneur, et après cela, elle sortira et me servira en ce lieu-ci
8. Il lui donna l'alliance de la
circoncision ; et ainsi il engendra Isaac, et le circoncit le huitième jour ;
et Isaac, Jacob ; et Jacob, les douze patriarches.
9. Et les patriarches envieux
vendirent Joseph pour l'Égypte ; mais Dieu était avec lui ;
10. Et il le délivra de toutes
ses tribulations, et il lui donna grâce et sagesse devant Pharaon, roi
d'Égypte, qui le préposa sur l'Égypte et sur toute sa maison.
11. Or vint une famine dans
toute l'Égypte et en Chanann, et une grande
tribulation, et nos pères ne trouvaient pas de nourriture,
12. Mais quand Jacob eut appris
qu'il y avait du blé en Égypte, il y envoya nos pères une première fois.
13. Et la seconde, Joseph fut reconnu de ses frères, et son origine fut découverte à
Pharaon.
14. Or Joseph envoya quérir
Jacob son père et toute sa parenté, au nombre de soixante-quinze personnes[60].
15. Jacob descendit donc en
Égypte, et il y mourut, lui et nos pères.
16. Et ils furent transportés à
Sichem, et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent
des fils d'Hémor, fils de Sichem.
17. Mais comme approchait le
temps de la promesse que Dieu avait jurée à Abraham, le peuple crût et se
multiplia en Égypte,
18. Jusqu'à ce qu'il s'élevât en
Égypte un autre roi, qui ne connaissait point Joseph.
10. Celui-ci, circonvenant notre
nation, affligea nos pères jusqu'à leur faire exposer leurs enfants pour en
empêcher la propagation.
20. En ce même temps naquit
Moïse qui fut agréable à Dieu, et nourri trois mois dans la maison de son
père.
21. Exposé ensuite, la fille de
Pharaon le prit et le nourrit comme son fils.
22. Et Moïse fut instruit dans
toute la sagesse des Égyptiens, et il était puissant en paroles et en œuvres.
23. Mais lorsque s'accomplissait
sa quarantième année, il lui vint dans l'esprit de visiter ses frères, les
enfants d'Israël ;
24. Et ayant vu l'un d'eux
injustement traité, il défendit et vengea celui qui souffrait l'injure, en
frappant l'Égyptien.
25. Or il pensait que ses frères
comprendraient que Dieu les sauverait par sa main ; mais ils ne le comprirent
pas.
26. Le jour suivant, il en vit
qui se querellaient, et il tâchait de les remettre en paix, disant : Hommes, vous mes frères, pourquoi vous nuisez-vous l'un à
l'autre ?
27. Mais celui qui faisait
injure à l'autre le repoussa, disant : Qui t'a
établi chef et juge sur nous ?
28. Veux-tu
me tuer, comme tu as tué hier l'Égyptien ?
29. Moïse s'enfuit à cette
parole, et il demeura comme étranger, dans la terre de Madian, où il engendra
deux fils.
30. Et quarante ans s'étant
passés, un ange lui apparut au désert de la montagne de Sina,
dans le feu d'un buisson et enflammé,
31. Ce que Moïse apercevant, il
admira la vision ; et comme il s'approchait pour regarder, la voix du
Seigneur se fit entendre à lui, disant :
32. Je
suis le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de
Jacob. Mais devenu tout tremblant, Moïse n'osait regarder.
33. Et le Seigneur lui dit :
Ôte la chaussure de tes pieds, car le lieu où tu es
est une terre sainte.
34. J'ai
vu parfaitement l'affliction de mon peuple qui est en Égypte ; j'ai entendu
son gémissement, et je suis descendu pour le délivrer. Maintenant, viens, je
t'enverrai en Égypte.
35. Ce Moïse qu'ils avaient
renié, disant : Qui t'a établi chef et Juge ?
fut celui-là même que Dieu envoya chef et libérateur par la main de l'ange
qui lui apparut dans le buisson ;
36. C'est lui qui les tira
de la terre d'Égypte, y opérant des prodiges et des miracles, aussi bien que
dans la mer Rouge, et pendant quarante ans dans le désert.
37. C'est ce Moïse qui dit
aux enfants d'Israël : Dieu vous suscitera d'entre
vos frères un prophète comme moi ; vous l'écouterez.
38. C'est lui qui se trouva
dans l'assemblée du peuple, au désert, avec l'ange qui lui parlait sur le
mont Sina, et avec nos pères ; lui qui reçut des
paroles de vie pour nous les donner.
39. Et nos pères ne voulurent
point leur obéir, mais ils le repoussèrent, retournant de cœur en Égypte,
40. Et disant à Aaron : Fais-nous des dieux qui aillent devant nous ; car ce Moïse
qui nous a tirés de la terre d'Égypte, nous ne savons ce qui lui est arrivé.
41. Et ils tirent un veau en ces
jours-là, et ils offrirent une hostie à l'idole, et ils se réjouissaient dans
l'œuvre de leurs mains.
42. Et Dieu se détourna et les
laissa servir la milice du ciel[61], comme il est écrit
au livre des prophètes : Maison d'Israël, m'avez-vous
offert des victimes et des hosties pendant quarante ans dans le désert ?
43. Au
contraire, vous avez porté le tabernacle de Moloch et l'astre du votre dieu Remphan, figures que vous avez faites pour les adorer.
Aussi je vous transporterai au delà de Babylone.
44. Le tabernacle de témoignage
a été avec nos pères dans le désert, comme Dieu leur ordonna, parlant à
Moïse, afin qu'il le fit selon le modèle qu'il avait
vu.
45. Et l'ayant reçu, nos pères
l'emportèrent sous Josué, dans le pays des nations que Dieu chassa devant nos
pères, jusqu'aux jours de David,
46. Lequel trouva grâce devant
Dieu et demanda de trouver une demeure pour le Dieu de Jacob.
47. Et ce fut Salomon qui lui
bâtit un temple.
48. Mais le Très-Haut n'habite
point dans les temples faits de la main des hommes, selon ce que dit le
prophète :
49. Le
ciel est mon trône, et la terre l'escabeau de mes pieds. Quelle maison me
bénirez-vous, dit le Seigneur, ou quel est le lieu de mon repos ?
50. N'est-ce
pas ma main qui a fait toutes ces choses ?
51. Durs
de tête et incirconcis de cœur et d'oreilles, vous résistez toujours à
l'Esprit-Saint ; il en est de vous comme de vos pères.
52. Lequel
des prophètes vos pères n'ont-ils point persécuté ? Ils ont tué ceux qui prédisaient[62] l'avènement du Juste que vous venez de livrer[63], et dont vous êtes les meurtriers, vous[64],
53. Qui
avez reçu la loi par le ministère des anges, et qui ne l'avez point gardée.
54. Entendant cela, ils
frémissaient de rage en leur cœur, et grinçaient des dents contre lui.
55. Mais comme il était rempli
de l'Esprit-Saint, levant les yeux au ciel, il vit la gloire de Dieu, et
Jésus qui se tenait à la droite de Dieu, et il dit : Voilà
que je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme qui est à la droite de
Dieu.
Le discours du Stéphanos, c'est l'émancipation du
diaconat. Puisque Jacob a laissé son individualité dans son nom de
circoncision et qu'il est devenu diacre helléniste, il parle en diacre
hellène, en homme qui n'est plus tenu envers la loi de Moïse par le signe de
l'alliance. Ce discours est une affreuse chose que l'orateur eût payée de sa
vie si Jacob junior l'eût entendu. Il est en avance de trois cents ans sur la
génération apostolique. Il résout la question de la circoncision à la fois
contre le Temple et contre Bar-Jehoudda, il est antimillénariste,
presque antijuif, lapidable pour cette double cause
sans qu'il soit besoin d'en chercher d'autres, et c'est ce qu'on veut, dans
l'histoire des émeutes juives. Ne lui fait-on pas dire que le crucifié de
Pilatus voulait, outre la destruction du lieu saint (ce qui est exact), « le
changement des ordonnances que Moïse avait données au peuple », alors qu'en
vingt endroits de l'Évangile Bar-Jehoudda déclare, par l'organe de Jésus, que
la Loi ne
passera pas, qu'il la confirme tout entière, qu'il est venu non pour la
renverser, mais pour l'accomplir ?
On fait soutenir à Stéphanos cette théorie radicale que le
Très-Haut n'habite point dans les temples et n'a point de lieu de repos sur
la terre, ce qui est non seulement contre le Temple, mais contre toute forme
de culte. On comprend la colère du Sanhédrin à de telles monstruosités : tous
les frères du lapidé de 787 eussent partagé cette indignation, tous se
fussent trouvés aux côtés de Saül, et ils ne se seraient pas contentés de
garder les manteaux, ils auraient lancé les pierres contre le blasphémateur
en rupture d'Apocalypse.
Quand on voit d'aussi flagrantes contradictions, on se
demande comment l'imposture ecclésiastique des Actes n'est pas apparue
plus tôt aux gens doués en même temps de bonne foi et de bon sens. Car ici le
scribe est allé plus loin qu'il ne fallait, et c'est dans le même esprit
qu'est conçu le discours de Paulos aux Athéniens.
Stéphanos en arrive à nier l'utilité même de ce Temple où
nous voyons Joannès et Pierre entrer à chaque instant pour rendre hommage à
Dieu, et où nous verrons Saül accomplir ses vœux de naziréat. C'est dire que
Stéphanos et son discours sont une invention postérieure à la destruction du
Temple. On les introduit là pour qu'on ne confonde plus les jehouddolâtres
avec les fanatiques qui, tout en prêchant la reconstruction du Temple,
poussaient à la reconstitution de la monarchie : pour tout dire, il est non
d'un martyr, mais d'un homme qui n'entend point l'être, au cas où on le
solidariserait avec les Akiba et les Bar-Kocheba,
les superbes révoltés du second siècle. Malgré tout, il y a encore du
zélotisme davidique dans le discours de Stéphanos. C'est un fils de Jehoudda
qui parle. On sent que les Hérodes ne sont pas loin et qu'ils s'apprêtent à
la réplique. Le prince Saül, qui a déjà perdu son oreille à la bataille[65], va faire son
entrée dans les Actes.
Imposture n° 26. - PRÉPARATIFS DE LA CONVERSION DE
SAÜL.
But : diminuer, effacer la responsabilité de Saül dans
l'arrestation, la condamnation et le châtiment de Jacob junior, et faire
croire qu'au lieu de commander la troupe et les bourreaux, il n'a joué que le
rôle d'une ouvreuse de théâtre en gardant les manteaux ! Son rôle est déjà
très atténué par ce seul fait que sous le nom de Stéphanos, diacre hellène, Jacob
ne tient plus d'aucune façon à la famille de Jehoudda.
56. Eux alors, criant d'une voix
forte et se bouchant les oreilles, se précipitèrent tous ensemble sur lui.
57. Et l'entraînant hors de la
ville, ils le lapidaient ; et les témoins déposèrent leurs vêtements aux
pieds d'un jeune homme nommé Saül.
58. Et ils lapidaient Stéphanos
qui priait et disait : Seigneur Jésus, recevez mon
esprit.
59. Puis s'étant mis à genoux,
il cria d'une voix forte : Seigneur, ne leur imputez
point ce pêché. Et lorsqu'il eut dit cela, il s'endormit dans le
Seigneur. Or, Saül était consentant de sa mort.
60. Des hommes, craignant Dieu,
ensevelirent Stéphanos et tirent ses funérailles avec un grand deuil[66].
A part ce fait certain que Jacob, en Évangile Andréas, est
mort de la main de Saül après avoir été condamné par le Sanhédrin, il est
permis de douter qu'il ait été lapidé et à Jérusalem. Il semble bien que
l'affaire où il succomba ait eu lieu à Engan-Aïn, dans la plaine où la
tétrarchie d'Antipas confinait à la Samarie et où le roi-christ avait baptisé, car
c'est là qu'il a été enterré[67]. C'est là sans
doute ou au Sôrtaba que Shehimon a coupé l'oreille de Saül, car ce n'est point
par tactique uniquement que le roi des Juifs commença le siège de cette
forteresse en 788, c'est parce qu'étant assise sur l'apanage de sa
grand'mère, Saül en avait très probablement la jouissance ou la garde, et
qu'on espérait, en l'y forçant, venger la mort de Jacob et d'Éléazar.
Aussi, avec quelle discrétion les Actes présentent Saül au
très excellent Théophile ! Pas l'ombre d'un renseignement sur sa famille et
sur ses origines[68]. Ils aiment
mieux fabriquer un faux Saül que d'insister sur le vrai dont la conversion en
Paul est déjà préparée par le déplacement des dates. Le Sanhédrin s'est
engagé à ne plus condamner de fils de Jehoudda à partir de 787 ; Saül de même
convient qu'il n'en persécutera plus à partir de Jacob junior ; s'il est allé
à Damas au commencement, de 789, c'est afin de poursuivre, non la bande du
roi-christ dispersée au Sôrtaba, mais celle de Jacob junior dispersée à
Jérusalem. Et, en effet, dans la chronologie du faussaire, Bar-Jehoudda,
quoique vivant encore sous le nom de Joannès, est mort et ressuscité depuis
782, sans avoir jamais été persécuté par Saül qui n'entra en scène que cinq
ou six ans après en lapidant un certain Stéphanos, diacre hellène des plus jehouddolâtres,
mais aussi des plus nébuleux.
VII. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE VIII.
Imposture n° 27. - CALME PLAT EN L'ANNÉE DU SACRE.
Nous approchons des évènements qui ont mené Bar-Jehoudda
sur la croix. Aussitôt plus de bruit sous le Portique du Salomon, plus
d'emprisonnements, plus de flagellations. On se rappelle, en effet, qu'après
la lapidation de Jacob junior et pendant toute l'année 788, Bar-Jehoudda et
ses frères ne sont pus montés à Jérusalem ; ils ont préparé le sacre et la
révolte. Aussi les Actes diront-ils qu'à la suite de la persécution
menée par Saül contre Jacob, tous les disciples se sont dispersés en Judée et
Samarie, sauf les apôtres qui restèrent à Jérusalem et parmi lesquels sont
Pierre et Joannès. Voyez comme ils sont sages ! Est-ce qu'ils parlent de l'Apocalypse,
du Royaume d'Israël et du roi des Juifs ? Est-ce qu'ils bousculent les
étalages des changeurs ? Est-ce qu'ils empêchent les prêtres d'emplir leurs
vases la fontaine de Siloé ? Ou menacent-ils de détruire le Temple en trois
jours ? Non, non, on observe scrupuleusement toutes les pratiques de la
religion juive, et à l'heure de la prière, la neuvième heure, on voit deux
hommes entrer humblement, pieusement, le dos rond, dans l'édifice sacré.
C'est le Joannès et Pierre. On ne tente rien contre l'autorité de Kaïaphas ni
contre les prérogatives du Sanhédrin ; on a le plus vif sentiment de la paix
et on en cultiverait les arts, si la
Loi ne le défendait pas. Alors comment veut-on que ce
Pierre et ce Joannès soient les mêmes hommes que Bar-Jehoudda et Shehimon
qu'on rencontre en Transjordanie, à Gamala, à Gérasa, à Tyr, à Sidon, dans
les villes de la
Décapole, aux sources du Jourdain, à Bathanea où Bar-Jehoudda
fut sacré et Éléazar rapporté mourant, au passage du Jourdain, en Samarie, au
Sôrtaba où Pilatus les a dispersés, enfin à Lydda où Is-Kérioth a arrêté
celui qui est à la fois le Joannès et le Jésus des Évangiles ? C'est calomnie
pure, le très excellent Théophile n'en doute pas. Il n'y a que Satan pour
faire des rapprochements aussi calomnieux. Puisqu'on vous dit que les apôtres
n'ont pus quitté Jérusalem !
Ils n'étaient personnellement pour rien dans les faits qui
ont amené la lapidation de Jacob junior par Saül, et quant aux frères du
lapidé ils en sont tellement innocents qu'eux seuls ont pu rester à Jérusalem
dans leur église, tandis que la persécution sévissait, sur les disciples
dispersés en Judée et en Samarie. Quant à la victime de Saül, ce ne peut être
en aucune façon le fils de la veuve, —
Salomé, veuve de Jehoudda, — dont il est question dans Luc, comme les
calomniateurs le prétendent ; ses frères n'ont point eu à emporter son corps
pour l'enterrer à Engan-Aïn, et ce n'est pas lui que Jésus ressuscite dans
l'Évangile : Stéphanos était un hellène et ses funérailles ont été faites par
des hommes craignant Dieu, sans que les
apôtres se soient dérangés pour l'accompagner au tombeau, quoiqu'ils
l'eussent ordonné diacre quelques jours auparavant et qu'ils fussent à
Jérusalem. Est-il besoin de faire remarquer avec quelle indifférence, si tout
cela était possible, les apôtres supportent cette persécution sous le
prétexte qu'elle ne les atteint pas. Les lois de la nature et de l'humanité
sont à chaque instant violées dans les Actes et d'une façon révoltante. Si
j'avais à me vanter de quelque chose, ce serait d'avoir pris ces lois pour
guide avant même d'en appeler à l'histoire indignement travestie.
1. Or il s'éleva en ce temps-là
une grande persécution contre l'Église qui était à Jérusalem[69], et tous,
excepté les apôtres[70], furent
dispersés dans les régions de la Judée et de la Samarie.
2. [Des hommes craignant Dieu
ensevelirent Stéphanos et firent ses funérailles avec un grand deuil][71].
3. Cependant Saül ravageait
l'Église, entrant dans les maisons ; et entraînant des hommes et des femmes,
il les jetait en prison.
4. Et ceux donc qui avaient été
dispersés passaient d'un lieu dans un autre, en annonçant la parole de Dieu.
En effet ils passaient d'un lieu dans un autre, et,
quelques jours après l'enterrement de Jacob junior à Engan-Aïn, nous les
retrouvons au-delà du lac de Génézareth près de Gamala, de Gérasa, de Gadara,
à Tyr, à Sidon, dans les villes de la Décapole, à Bathanea où leur chef se fait
sacrer roi-christ, en Samarie enfin autour du Sôrtaba, de funeste mémoire[72]. Déjà, quelque
temps après la Pâque
de 785, nous les avons vus prêchant le Règne de mille ans en Samarie avec
Bar-Jehoudda pour souverain. Mais ici nous sommes au commencement de 789 et
nous avons dépassé la date à laquelle Dieu fit justice de ce scélérat.
Imposture n° 28. - PHILIPPE, PIERRE ET JOANNÈS CONTRE SIMON LE MAGICIEN.
Imposture dirigée contre l'Évangile de Cérinthe,
aujourd'hui le Quatrième, où l'on voit Bar-Jehoudda et ses frères traverser la Samarie pour y prêcher
la révolte que nous avons racontée dans le Roi des Juifs d'après les
Antiquités de Flavius Josèphe. Par ce faux l'Église s'est proposé de montrer
que si le Joannès, Shehimon, Philippe et autres s'étaient trouvés en Samarie,
— à Suchar et à Ænon d'Ephraïm, dit Cérinthe, —
après la lapidation de Jacob, c'est-à-dire en 788, ce n'était pas dans
l'intention de rétablir la monarchie davidique, mais pour ramener à la pudeur
un certain Simon le Magicien qui faisait scandale en ce lieu-là ; qu'à part
Philippe, lequel avait cessé d'être des Sept démons
de Maria pour être modestement des sept diacres, le Joannès et
Shehimon étaient revenus à Jérusalem, couverts des lauriers cueillis dans
cette pacifique opération ; et que c'était une calomnie de prétendre les
retrouver tous deux, l'année suivante, à la tête des incendiaires de Suchar
et des fuyards du Sôrtaba, puisqu'une fois rentrés à Jérusalem ils n'étaient
plus sortis de l'Église.
L'habitude de faire de Pierre deux coups — deux mauvais
coups — a conduit l'Église à introduire Simon de Chypre dans les affaires de
Samarie, bien qu'il n'y soit guère entré qu'une quinzaine d'années après la
mort de Bar-Jehoudda, pendant que Félix, le célèbre affranchi de Claude,
gouvernait à Sébaste. Simon fut, avec Saül, l'un des agents les plus
efficaces de la politique romaine en Judée. Beaucoup plus habile magicien que
Bar-Jehoudda, instruit de toutes les recettes qu'avait pu employer ce
charlatan pour chasser les démons et de toutes les ruses par lesquelles il
avait réussi à en imposer aux ignorants, Simon s'est déclaré de bonne heure
ennemi de la maison de David qui aimait trop sa patrie pour y supporter les
Romains et ne l'aimait pas assez pour y tolérer les Hérodes. Il a senti que
l'ambition des jehouddistes était disproportionnés
avec leurs mérites et que, pour n'avoir pas voulu se donner à eux tout
entière, Jérusalem périrait victime de leur jalousie. Cherchant l'explication
des causes premières et des causes finales, non pas accessibles aux seuls
Juifs baptisés comme avait décidé Jehoudda, mais étendues sans baptême à
toutes les autres nations, apostat et devin balaamique[73] aux yeux des
partisans du Royaume d'Israël, Simon a laissé une Exposition de sa doctrine
que nous connaissons mieux, avec beaucoup d'autres choses relatives au
christianisme primitif, depuis la découverte des Philosophumena.
Cette doctrine est obscure, alors que l'Apocalypse est fort claire, mais elle
n'est pas méchante, alors que celle de Bar-Jehoudda est exécrable. Je ne veux
vous entretenir que de la différence, sans aborder le fond où il y a une part
de gnosticisme infiniment plus raisonnable dans ses rêveries égarées que
l'Apocalypse dans son cauchemar de dément. Simon se mettait résolument en
travers du millénarisme et de ses prophètes. — Le
christ, c'est moi, avait, dit le Joannès ; — C'est
tout aussi bien moi, répliquait Simon ; et il avait écrit cette Contre-Apocalypse
qu'il appelle la
Grande Exposition. Il ne s'est point borné à la théorie, il
est passé à l'action en dénonçant le honteux trafic du baptême et les
absurdités d'une Révélation à laquelle les événements infligeaient chaque
jour un démenti nouveau.
Vous n'imaginez pas de quelles calomnies l'Église, tant
par ignorance que par intérêt, a chargé la mémoire de Simon le Chypriote,
depuis que les Actes l'ont fait entrer dans leurs impostures. Elle est allée
beaucoup plus loin que les Actes eux-mêmes où Simon est représenté comme un
adversaire, mais un adversaire avec lequel on peut négocier sans se
compromettre au point de vue des mœurs.
Les Actes opposent, d'abord Philippe à Simon le
Magicien, parce qu'il est le plus ancien des scribes qui ont transmis les Paroles
du Rabbi. Ni Philippe ni ses frères n'ont eu affaire personnellement avec
Simon, ce qui explique la longévité de celui-ci, car il est mort à Rome après
la chute de Jérusalem en 823. Mais Philippe était la grande autorité
scripturale de la famille.
Les Actes aiment mieux montrer Philippe aux prises
avec Simon que de montrer le jésus lui-même dénoncé aux goym pour son
imposture du baptême et sa haine du genre humain. D'ailleurs Philippe, réduit
par le Saint-Esprit au rôle secondaire de diacre, pouvait entrer en rapport
avec Simon sans engager les apôtres.
5. Or Philippe, étant descendu
dans la ville de Samarie[74], leur prêchait
le Christ.
6. Et la foule était attentive à
ce qui était dit par Philippe, l'écoutant unanimement, et voyant les miracles
qu'il faisait.
7. Car des esprits impurs
sortaient d'un grand nombre de possédés cajolant de grands cris.
8. Et beaucoup de paralytiques
et de boiteux furent guéris.
9. Il y eut donc une grande joie
dans cette ville. Or un certain homme du nom de Simon, qui auparavant avait
exercé la magie dans la ville, séduisait le peuple de Samarie, se disant être
quelqu'un de grand ;
10. Et tous, du plus petit
jusqu'au plus grand, l'écoutaient, disant : Celui-ci
est la grande vertu de Dieu.
11. Ils s'attachaient à lui,
parce que, depuis longtemps, il leur avait troublé l'esprit par ses
enchantements.
12. Mais, quand ils eurent cru à
Philippe qui leur annonçait la parole de Dieu, ils furent baptisés, hommes et
femmes, au nom de Jésus-Christ.
13. Alors Simon lui-même crut
aussi, et lorsqu'il eut été baptisé, il s'attachait à Philippe. Mais voyant
qu'il se faisait des prodiges et de grands miracles, il s'étonnait et
admirait.
Imposture n° 29. - SIMON LE MAGICIEN CONVERTI A LA RÉSURRECTION DE
BAR-JEHOUDDA.
But : faire croire au très excellent Théophile que la
résurrection du jésus était un fait acquis en Samarie lorsque le Joannès et
Shehimon s'y trouvèrent en 788, venant de Transjordanie après le sacre, et
que Simon le Magicien loin d'y contredire avait reçu le baptême.
14. Or lorsque les apôtres, qui
étaient à Jérusalem[75] eurent appris
que Samarie avait reçu la parole de Dieu, ils leur envoyèrent Pierre et
Joannès[76].
15. Qui étant venus, prièrent
pour eux, afin qu'ils reçussent l'Esprit-Saint :
16. Car il n'était encore
descendu sur aucun d'eux, mais ils avaient seulement été baptisés au nom du
Seigneur Jésus.
17. Alors ils leur imposaient
les mains et ils recevaient l'Esprit-Saint.
18. Or Simon, voyant que, par
l'imposition des mains des apôtres, l'Esprit-Saint était donné, il leur
offrit de l'argent,
19. Disant : Donnez-moi aussi ce pouvoir que tous ceux à qui
j'imposerai les mains reçoivent l'Esprit-Saint. Mais Pierre lui dit :
20. Que
ton argent soit avec toi en perdition, parce que tu as estimé que le don de
Dieu peut s'acquérir avec de l'argent.
21. Il
n'y a pour toi ni part ni sort en ceci : car ton cœur n'est pas droit devant
Dieu.
22. Fais
donc pénitence de cette méchanceté, et prie Dieu qu'il te pardonne, s'il est
possible, cette pensée de ton cœur.
23. Car
je vois que tu es dans un fiel d'amertume et dans des liens d'iniquité.
24. Simon, répondant, dit : Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi afin qu'il ne
m'arrive rien de ce que vous avez dit.
25. Et eux, après avoir rendu
témoignage et prêché la parole du Seigneur, revenaient à Jérusalem[77] et
évangélisaient beaucoup de contrées des Samaritains.
Ah ! misérables païens, horrible Celse l'épicurien,
exécrable Apulée, Fronton sans pudeur, affreux Minucius Félix, hideux
Porphyre, atroce Héroclès, damné Celse le platonicien, Julien qui est en
passe de devenir apostat, Juifs du Talmud, vous tous qui savez la vérité sur
les héros du christianisme depuis Jehoudda le Gaulonite leur père jusqu'à
Bar-Kocheba leur parent, vous osez dire que le crucifié de Pilatus et ses
frères furent des lestès
de haut étage, justement punis de leurs crimes ! Mais, à part la mort
d'Ananias et de Zaphira par pur accident, où trouver trace de violence en
tout ceci ? Vit-on jamais êtres plus doux, plus pacifiques, plus débonnaires
même que ces révoltés dont vous nous entretenez calomnieusement ? Quel
pontife païen approche de Pierre pour la douceur des idées et la largeur des
vues ? Ce sont eux, dites-vous, qu'on trouve en Samarie fomentant la révolte
de 788 ? C'est Bar-Jehoudda rossé au Sôrtaba, que nous appelons Jésus ? Ce
sont ses frères qui apparaissent sous des noms d'emprunt dans nos fables ?
Oui, sans doute nos gens à nous sont allés en Samarie, mais ce ne sont pas
les vôtres, et ils n'y sont pas allés dans le même temps que l'imposteur dont
parle Josèphe. Ils sont allés en Samarie bien après la Passion de notre Jésus
qui est de 782, tandis que la crucifixion de votre Bar-Jehoudda est de 789, à
un jour près. Et puis ce n'est pas pour fomenter une révolte qu'ils sont
allés autour du Garizim, c'est en pleine paix, au contraire et pour confondre
l'audace de Simon le Magicien qui prétendait leur acheter le Saint-Esprit. Il
n'y a pas le moindre Jésus en tout ce voyage, ni le moindre Bar-Jehoudda,
mais un certain Joannès qui est allé avec un certain Pierre au secours d'un
diacre nommé Philippe, qui ne leur était de rien et qui était en train de se
faire rouler par Simon le Magicien à qui, par une inqualifiable légèreté, il
avait déjà octroyé le baptême[78] !
Vous remarquez qu'au temps de la fabrication des Actes,
Simon n'est point encore décrié pour ses mœurs, qu'on le met au contraire en relations
familières avec Philippe l'Évangéliste, homme inégalablement vertueux, et
qu'on se l'annexe par le baptême, comme s'il avait, lui aussi, mérité d'être
témoin par ouï-dire de la résurrection de Bar-Jehoudda. Le Joannès lui-même
vient avec Pierre pour achever la conversion de Simon le Chypriote en
partisan du baptême, et Simon ne peut guère douter de la supériorité de son
ancien adversaire, puisqu'il le voit ici venant de Jérusalem où il exerce
depuis plusieurs années le métier de ressuscité, bien autrement difficile que
celui de magicien. On n'a donc que des raisons pour accréditer dans le monde
ce converti de bonne composition et de bonne vie. Pourquoi Pierre se
fâche-t-il ? (Le Joannès s'abstient, on ne
manquerait pas de dire qu'il est juge et partie !) Pierre se fâche
parce qu'au rebours des apôtres qui, on le sait, ne demandaient rien aux gens
sinon la bourse et la vie, ce coquin de Simon prétendait acheter le salut et
se faire Marchand de Christ. Pierre se fâche parce que sa délicatesse est
offensée, parce qu'il ne faudrait pas beaucoup de gens comme ce Simon pour
faire croire aux malintentionnés que le roi-christ et son frère Shehimon,
magiciens eux aussi, étaient de la même trempe. Il convient donc que Saül, en
ce siècle de vertu, Simon de Chypre ait pu avoir de pareilles idées. Mais vous
voyez comme il a été reçu !
Les Actes, sans dire que Simon le Magicien fût de
Chypre, ne disent nullement qu'il fût de Samarie. Au contraire, ils donnent à
entendre qu'à un moment de sa carrière, Simon est venu habiter Sébaste,
capitale de la Samarie. Il
leur serait pénible d'ajouter que ce fut sous Claude, puisqu'ils placent la
scène sous Tibère, mais ils s'en tiennent là de leur imposture. Pour en
connaître les suites avec certitude, faisons appel aux lumières du
Saint-Siège. Aussi bien y a-t-il longtemps que nous ne nous sommes réchauffés
à cette flamme de vérité : Simon le Magicien, disent
les exégètes ordinaires du Saint-Siège, était né à Gitton,
dans la Samarie. Son
premier crime fut de vouloir acheter l'épiscopat, de prétendre trafiquer des
dons de Dieu, et faire servir à ses intérêts les pouvoirs surnaturels que
Dieu confère à ses ministres pour le salut des âmes. Loin de l'associer aux
Apôtres, saint Pierre donna à ses successeurs l'exemple de sévérité dont ils
devaient user contre le trafic des choses saintes, en retranchant ce fourbe
ambitieux de la société des fidèles et en le menaçant du sort le plus funeste
; mais ni cette menace, ni cette peine ne purent le ramener. Opposé en tout à
Simon-Pierre, Simon de Samarie se mit bientôt à dogmatiser et devint le
premier des hérésiarques. Saint Justin, qui était de la même ville que lui et
qui devait connaître son histoire, nous apprend plusieurs particularités de
sa vie et de sa doctrine[79]. Ce séducteur se posait en antagoniste du Messie et
s'attribuait à lui-même la divinité. Il opérait des prodiges au moyen de la
magie. Il publia, sous le titre d'Exposition, un livre qui contenait
le germe des rêveries gnostiques, cette généalogie d'Éons, descendant d'un
principe unique et subordonnés les uns aux autres, jusqu'au dernier qui est
le Monde. Pour la morale, il ne reconnaissait aucune distinction de vice et
de vertu, et ne voyait de vérité ni de perfection que dans la gnose qu'il
opposait à la foi. Mettant d'ailleurs sa conduite en harmonie avec ses principes,
il vivait d'une manière fort répréhensible. Sa secte
se perpétua jusqu'au cinquième siècle. Simon fut, aux yeux des premiers
fidèles, comme l'hérésie personnifiée, le type et le père de tous les
hérésiarques.
Une fameuse canaille que ce Simon ! Tandis que les sept
fils de Jehoudda, voilà des hommes et qui aimaient les autres hommes ! Trop
bons, voilà leur unique défaut ! Trop confiants aussi, trop simples, car vous
voyez avec quelle candeur Philippe avait baptisé Simon, avec quelle débonneireté Pierre lui aurait donné l'Esprit-Saint si,
par une inconcevable exigence, celui qui l'aurait eu pour rien ne s'était
entêté à le vouloir payer ! Oh ! folie, folie humaine ! qui mesurera jamais
ta profondeur ?
Voyez au contraire, la popularité de Bar-Jehoudda et de
ses frères dans ces contrées qui ont vu l'incendie de Suchar et le siège du
Sôrtaba, et qui gardent encore dans le roc de Machéron
le corps immarcessible du Juif consubstantiel au
Père ! Comment croire que dans l'Évangile de Matthieu, Jésus puisse maudire
les villes de Samarie et défendre aux apôtres d'y mettre les pieds ? Ce doit
être dans un de ces jours où il était hors de sens.
Mais quittons le Saint-Siège, quoique avec regret, et
revenons au but que le Saint-Esprit poursuit dans les Actes, sans pouvoir
l'atteindre d'ailleurs, ce qui nous porte à douter de sa puissance. Cérinthe
est convaincu de fausseté lorsque dans le Quatrième Évangile il a montré
Bar-Jehoudda traversant la
Galilée pour revenir en Transjordanie où il s'est fait
roi-christ en 788. La vérité, telle que le Saint-Esprit la révèle, c'est que
le Joannès et Pierre sont revenus à Jérusalem dès 784 comme ils en étaient
sortie, et qu'ils ne sont pour rien ni dans le sacre ni dans la révolte qui l'a suivi. Ils n'étaient
même pas là !
Mais la vérité vraie, celle que tout esprit sain doit
opposer au Saint-Esprit, c'est qu'on dépit de leurs détours, les Actes
abandonnent le Joannès en Samarie, ils n'en parleront plus : le Joannès
n'appartient plus à la terre, car c'est en Samarie qu'il a commencé à être enlevé de la vue des disciples.
Imposture n° 30. - CONVERSION DE PHILIPPE ET DE L'EUNUQUE ÉTHIOPIEN EN
TÉMOINS DE LA
RÉSURRECTION.
Le septennat du Joannès est terminé. Lorsque commence
cette imposture, nous sommes en nisan 789, le lendemain de sa crucifixion. On
vient de l'enterrer en Samarie même, dans le roc de Machéron
; ses partisans dispersés sont sur la route de Damas. Saül les presse avec la
cavalerie de Philippe Bar-Jacim.
L'imposture par laquelle on comble les trois siècles qui
se sont écoulés depuis ce temps est relative aux Écritures laissées par
Philippe qui avait transmis, avec Jehoudda Toâmin, son frère, et
Mathias-bar-Toâmin, les Paroles du Rabbi contenant l'Apocalypse. Le but est
de démontrer qu'au lendemain même du supplice de son frère aîné, Philippe a
cessé d'être millénariste, qu'il a abandonné le programme du Royaume des
Juifs et baptisé au nom du crucifié, qu'ainsi les Écritures produites sous le
nom de Philippe sont celles non d'un apôtre qui aurait été frère de
Bar-Jehoudda, mais d'un diacre qui, en face de la résurrection, les a
immolées comme inutiles et aberrantes. On a déjà sacrifié celles de Mathias,
on va sacrifier celles de Philippe, on sacrifiera tout à l'heure celles de
Jehoudda Toâmin. Ainsi finirent, opportunément convertis, les trois
interprètes de l'enseignement du Rabbi. Tous les trois dès 782 seront des
témoins de la résurrection. On ne prétendra donc pas qu'ils ont encore prêché
le Royaume après 789.
26. Cependant un ange du
Seigneur parla à Philippe, disant : Lève-toi et va
vers le Midi, sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza : celle qui est
déserte.
27. Et se levant, il partit. Et
voilà qu'un Ethiopien, eunuque, puissant auprès de Candace[80], reine
d'Ethiopie, et préposé sur tous ses trésors, était venu adorer à Jérusalem,
28. Et s'en retournait, assis
dans son char, et lisant le prophète Isaïe.
29. Alors l'Esprit dit à
Philippe : Approche, et tiens-toi contre ce char.
30. Et, Philippe, accourant,
entendit l'eunuque qui lisait le prophète Isaïe, et lui dit : Crois-tu comprendre ce que tu lis ?
31. Il répondit : Et comment le pourrai-je, si quelqu'un ne me l'explique ?
Et il pria Philippe de monter et de s'asseoir près de lui.
32. Or le passage de l'Ecriture qu'il
lisait était celui-ci : Comme une brebis, il a été
mené à la boucherie ; et comme un agneau sans voix devant celui qui le tond,
ainsi il n'a pas ouvert la bouche.
33. Dans
l'humiliation, son jugement a été aboli ; qui racontera sa génération,
puisque sa vie sera retranchée de la terre ?
34. Or, répondant à Philippe,
l'eunuque dit : De qui, je te prie, le prophète
dit-il cela ? Est-ce de lui, ou de quelque autre ?
35. Alors Philippe, ouvrant la
bouche, et commençant par cet endroit de l'Ecriture, lui annonça Jésus.
36. Et comme ils allaient par le
chemin, ils rencontrèrent de l'eau ; et l'eunuque dit : Voilà de l'eau ; qui empêche que je ne sois baptisé ?
37. Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela se peut. Et,
répondant, il dit : Je crois que Jésus-Christ est le
Fils de Dieu.
38. Et il fit arrêter le char ;
alors, tous deux, Philippe et l'eunuque, descendirent dans l'eau, et il le
baptisa.
39. Lorsqu'ils furent remontés
de l'eau, l'Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vit plus.
Mais il continuait son chemin, plein de joie.
40. Pour Philippe, il se trouva dans Azot[81] et il
évangélisait, en passant, toutes les villes, jusqu'à ce qu'il vint à Césarée.
L'imposture relative à Philippe se présente sous un jour
tout particulier. Étant frère du Joannès, Philippe figurait par droit chronologique
sur la liste des Douze. Mais il avait une tare ineffaçable dans son passé :
il avait transmis à la postérité le véritable testament, purement
millénariste, de l'homme dont on avait fait Jésus. Tout en gardant l'apôtre
parmi les témoins de la résurrection (il assiste à la Constituante) il
fallait se séparer de l'écrivain pour le cas d'ailleurs improbable où on
produirait ses écrits à Rome. C'est pourquoi on en fit un diacre. La
rencontre de Philippe avec l'eunuque, c'est l'abdication de l'apôtre Philippe
considéré comme secrétaire du crucifié. Dans cette rencontre Philippe renonce
au Christ millénariste et accepte en remplacement son frère lui-même. On n'a
pas de peine à lui démontrer que c'est dans l'intérêt de sa famille et
l'Esprit le lui commande. Un peu plus loin, on le fait venir à Césarée comme
Evangéliste, c'est-à-dire propagandiste de la bonne parole résurrectionnelle,
et on le réconcilie, post humum,
avec Saül devenu Paul : on lui démontre avec la plus extrême facilité que
c'est l'intérêt de l'Eglise.
Nous obtenons ainsi trois Philippe que les Actes
n'identifient pas : l'Apôtre, le Diacre et l'Évangéliste : l'apôtre qui n'est
rien s'il n'est le diacre, le diacre qui est bien trop grand pour n'être
point l'apôtre, et l'Évangéliste qui étonne beaucoup s'il n'absorbe pas les
deux autres en lui-même. Toutefois sous aucune de ces trois formes, si effacé
comme apôtre, si brillant comme diacre et si mystérieux comme évangéliste, on
ne sait ce qu'est Philippe à Bar-Jehoudda. Comme apôtre, les Actes le font
galiléen ; comme diacre, helléniste ; comme Evangéliste, prophète habitant
Césarée. Ils ne distinguent pas entre le second et la troisième, mais on
pourrait croire qu'il y a une différence entre le premier et le second : nous
avons montré qu'il n'y en avait point. Les trois Philippe sont un seul et
même individu. Philippe est le personnage le plus important du Quatrième
Évangile, il l'emporte de beaucoup sur Pierre. Les Actes eux-mêmes
ne peuvent s'empêcher de le montrer précédant Pierre et Joannès en Samarie, à
Gaza et à Césarée : c'est Philippe qui le premier exporte le baptême, il a
des créatures jusqu'en Ethiopie, et si rien de tout cela n'est vrai de
l'homme, cela est vrai de ses écrits : Philippe est le héraut de toute la famille,
de son père, de sa mère et de ses frères. Il les précède partout de leur
parole écrite.
Personne dans le monde, pourtant si divers, de l'exégèse
n'a jamais rien compris à l'épisode de l'eunuque éthiopien baptisé par
Philippe au nom du ressuscité, quoique l'explication en soit, dans le
discours évangélique de Jésus sur la situation des eunuques par rapport au
salut. Ce n'est pas seulement dans l'éthiopien qu'est l'intérêt de cet
épisode, c'est surtout dans Philippe. Philippe y renonce complètement aux
dogmes de son père : Le règne du Seigneur aura lieu,
avait, dit Jehoudda, quand ce qui est dehors sera dedans, quand l'homme et la
femme ne feront qu'un et seront revenus à l'état adamique. Nous avons
montré dans le Charpentier comment les eunuques qui attendaient le Millénium d'après
le système du Rabbi interprétaient cet axiome génésique. Il leur faut
chercher un autre moyen de salut puisque le Christ Jésus n'est point venu
avec l'Agneau de 789 ; les Actes le leur indiquent par la voix de Philippe.
Ils font trouver ce moyen par le grand interprète des Paroles du Rabbi
: adorer le Joannès ressuscité au second siècle par les scribes des Évangiles
et se contenter du baptême d'eau qu'il a révélé. Le baptême de feu n'aura pas
lieu. Voilà pourquoi l'eunuque retourne en Éthiopie, plein de joie.
Ce qui n'est pas moins curieux, c'est le procédé
qu'emploient les Actes pour convertir le millénarisme de l'eunuque en
croyance à Bar-Jehoudda ressuscité. On fait lire à l'eunuque le fameux
passage d'Isaïe sur lequel on fonde tout le mérite de Bar-Jehoudda comme
rédempteur des hommes par son sacrifice volontaire, car depuis deux siècles
on a eu tout le temps de le représenter dans les Evangiles comme s'étant
volontairement sacrifié (on sait, comment !)
et ayant même prédit sa mort (alors qu'au contraire
il pensait être millénarisé pour toujours le 15
nisan 789). Il va sans dire que ce passage n'a d'autres rapports avec
l'histoire que ceux qu'il a plu aux spéculateurs de créer. Mais quand on a
sous la main une perruque comme celle du Nazir il est bien permis de tirer
les Écritures par les cheveux ! Le malheureux eunuque ne comprend rien du
tout au moyen proposé, (il se conduit comme un
simple exégète). Et comment veut-on qu'il y
comprenne rien ? il attend encore le baptême de feu, le Fils de l'homme, les
douze Apôtres, les trente-six Décans et les Cent quarante-quatre mille Anges
! En un mot, il en est resté à l'Apocalypse, telle que son auteur la
prêche la veille de la pâque de 789 dans la cour du grand-prêtre et telle que
Philippe l'a transmise. Si Philippe n'intervient pas, mobilisé post humum par
l'Église de Rome, l'eunuque continuera à croire qu'il sera réaccouplé adamiquement dans un
jubilé prochain. Or Philippe peut intervenir, puisqu'il est lui-même converti
depuis le chapitre précédent. Va donc en paix, bon eunuque ; retourne chez la
reine Candace et dis-lui qu'elle ne sera pas réaccouplée
comme espérait l'être en son temps l'excellente Salomé, en Évangile Maria
Magdaléenne[82].
Nous pensons qu'ici le dogme millénariste retourne, avec
l'eunuque, à son point de départ africain, l'Ethiopie. C'est en Egypte,
peut-être même sur les confins de l'Éthiopie, que Jehoudda l'avait retrouvé
dans toute la pureté qu'il avait au temps de Joseph[83]. J'ai ramené mon Fils (le
Fils de l'homme) d'Égypte, dit Iahvé
dans Matthieu[84].
De toutes les imaginations des Actes c'est la seule qui porte la marque
originelle des dogmes conservés par Philippe dans les Paroles du Rabbi.
L'eunuque, en rentrant, remonte à leur source, le Nil.
Etant donné le moyen de salut tiré de la résurrection du
christ, moyen nouveau dont il n'est question ni dans la Loi ancienne, ni dans l'Apocalypse,
il ne veut pas, il ne peut pas revenir en Éthiopie sans l'y emporter, sans
l'y introduire. Il a des titres au Royaume, et qui ne sont pas prescrits ; mais
si Bar-Jehoudda, héritier de Moïse, d'Aaron et de Maria-Magdaléenne, leur
mère, en même temps que de David[85], n'y appose par
la main de son secrétaire le cachot de la mutation que l'Eglise est en train
d'opérer en son nom, ces titres sont trop vieux pour être valables.
Avec la décision qui caractérise les législateurs, quand
ils sont en rapports directs avec Dieu, Moïse avait pris pour femme, outre la
fille de Jéthro et sans doute quelques autres[86], une éthiopienne
nigram sed formosam,
comme il convient à la définition. Aaron et Maria Magdaléenne crièrent contre
lui dans le camp, car il avait agi comme s'il était le seul à qui Dieu eût
parlé[87]. Mais dans un a parte, où brille sa dialectique accoutumée,
le Logos leur explique qu'il réservait des grâces particulières pour un
confident tel que Moïse, homme unique, si toutefois il n'était consubstantiel
au Père, et libre de féconder les flancs qui passaient à sa portée. Aaron
comprit immédiatement, l'intérêt lui commandait de ne pas découvrir celui qui
l'avait nommé souverain pontife ; mais la Magdaléenne
s'obstina, poussée par un sentiment des plus suspects. Sur quoi Dieu dit
qu'elle méritait que son père lui crachât au visage (son cas n'était pas meilleur que celui de son frère)[88], et pour
inspirer à Moïse l'idée d'éloigner cette sœur jalouse il la
frotta comme d'une lèpre dont la blancheur contrastait avec le bronze de la
chair éthiopienne. La leçon porta ses fruits, Maria revint après sept jours
de cette lèpre figurée. Moïse conserva son éthiopienne, nous apprenons par
Philippe qu'il en eut des enfants, et c'est le titre naturel de l'eunuque à
l'héritage d'Israël ; Philippe le vise et il en renouvelle l'inscription par
le baptême au nom du ressuscité, le baptême d'eau qui, s'il ne renouvelle pas
tout comme devait le faire le baptême de feu en 789, sauve au moins l'eunuque
et les éthiopiens mosaïques.
Voilà ce que signifie la rencontre de Philippe et de
l'eunuque, et si sa fausseté avait besoin d'être démontrée, on en trouverait
une preuve de plus dans ce que le renouvellement de l'inscription éthiopienne
sur le Livre de vie est fait par Philippe, alors que Shehimon, l'aîné
de ses frères par la mort de Bar-Jehoudda, est devenu l'héritier de la
promesse, qu'il est encore vivant, jusqu'en 802, présent même, si on en
croyait les Actes, et qu'il a seul qualité pour paître le troupeau. On
est donc chronologiquement, moralement, légalement sûr que jamais Philippe
n'a baptisé sur la route de Gaza.
Le scribe des Actes fait remarquer que Gaza est inhabitée, déserte. Ce qu'il n'avoue pas, c'est la part
des christiens dans cet état de choses. Pour venger les Juifs massacrés dans
Césarée par les Grecs et les Syriens, immédiatement après le supplice de
Ménahem, ils ont ruiné Gaza de fond en comble ; peut-être même pour se venger
des Juifs qui avaient secoué le joug insupportable de ce tyran. Ceux de
Transjordanie notamment pillèrent et brûlèrent presque toutes les villes de la Décapole, de la Samarie et de la Judée. La ruine
de Gaza est un événement de 819.
Il ne peut être question d'une autre circonstance, car
Hérode avait rebâti magnifiquement la ville qui était très florissante au
temps de Bar-Jehoudda et de ses frères.
Avant de quitter l'imposture n° 30 pour en aborder une
autre, observons que les Actes conduisent, Philippe à Césarée où il va se
placer sous les enseignes de Pilatus, car nous sommes en nisan 789, et
débarrassé du roi des Juifs le procurateur de Judée vient de rentrer.
Philippe éprouve le besoin de lui serrer la main. Il ne le convertit pas,
étant spécialement délégué à la conversion des eunuques ; il attend Shehimon
qui, sous le nom de Pierre, va venir baptiser le centurion qui a conduit leur
frère au supplice.
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