I. — L'ANNÉE PROTO-JUBILAIRE 788. Nous avons pu nous tromper sur la date des événements que nous avons placés en 787, mais sur celle de la dernière année du monde aucune erreur possible. Il y a un terme que les hommes ne peuvent ni réduire ni allonger, un terme mathématique auquel le Renouvellement commencera. Du haut du ciel, enveloppés dans leurs robes blanches, Jehoudda et ses compagnons d'armes l'attendent avec impatience : Ô Seigneur saint et véridique, jusqu'à quand t'abstiens-tu de juger, et de venger notre sang sur les habitants de la terre ? Mais il leur est recommandé de se calmer quelque temps encore, jusqu'à ce que leurs frères de Judée fussent, de leur côté, parvenus à leur terme[1]. Or, indépendamment même des Révélations de Jehoudda, c'était la croyance générale en Israël qu'on ne serait libéré de toute entrave terrestre qu'en une année jubilaire, et c'est pourquoi dans les prières on avait fixé ce vœu à la septième bénédiction. C'est la prophétie vingt fois répétée dans l'Évangile : Cette génération ne passera pas que le Fils de l'homme ne
vienne ! soit à la complète révolution de l'année 788. Nous en avons
la preuve dans le Quatrième Evangile[2], l'Evangile qui,
précisément, est selon le Joannès. Le Christ Jésus, dans ses Révélations,
n'avait pas dit au Joannès : Tu ne mourras pas,
il lui avait dit : Tu ne mourras pas que je ne
vienne. Non seulement Bar-Jehoudda comptait ne point mourir que Jésus
ne vînt, mais encore il comptait que son père et tous les Zélateurs de Dans sa manifestation le
Joannès a suivi très régulièrement le plan de son Apocalypse. A la
fête des Tabernacles (équinoxe d'automne)
il a prêché que Jésus était conçu de l'ombre de Dieu dans Chaque période de quarante-neuf an8 ramenait le terme pendant lequel, outre certaines libertés accordées aux esclaves et aux débiteurs, on devait laisser les terres incultes et les champs en jachères. Qu'en Judée, les maîtres délivrent leurs esclaves juifs ! Qu'à l'étranger les esclaves juifs se délivrent de leurs maîtres ! C'est la loi jubilaire, inapplicable aux esclaves de race étrangère qui sont la chose perpétuelle du Juif. Belle Loi ! Dans quelques mois, Jésus descendra pour la confirmer in æternum. Moïse n'avait-il pas ordonné que de sept ans en sept ans on laisserait reposer la terre sans la labourer ni la semer ou la planter ? Ne fallait-il pas qu'elle aussi connût le repos sabbatique ? Cette année-là, tout ce qu'elle produisait d'elle-même n'était-il pas commun à tous les Juifs ? Cette année de repos étant doublée par la cinquantième, il devait y avoir chômage et communauté de biens, dès la quarante-neuvième. Pendant les deux jubilaires, liberté pour les débiteurs, ils étaient quittes de toutes dettes. Affranchissement pour les Juifs qui, condamnés à mort, avaient vu leur peine commuée en servitude. Ce sont les articles de cette loi tombée en désuétude, que Bar-Jehoudda ressuscite par procuration de Jésus. A quoi bon cultiver ? Pour que les Romains mangent ? A quoi bon posséder ? Pour payer tribut ? Vendez ce que vous avez ! L'argent, donnez-le-nous ! Vous hésitez ? Quelle misère ! Dans un an, c'est vous, riches, qui serez les pauvres. Vous semez ? Vous taillez la vigne ? Vous coupez le bois ? Vous portez l'eau ? Attendez. Sur cette terre, où bientôt toutes les bénédictions de Dieu vont pleuvoir, les Romains ne pourront plus, comme dit Pythagore, ôter la sueur avec le fer, c'est-à-dire enlever le fruit du travail avec l'épée. Bientôt viendra le Jardin où tout poussera sans soin et sans risques, planté, arrosé par Jésus, le figuier, la vigne, le palmier, tendant d'eux-mêmes leurs fruits aux bienheureux, le sein de la terre se gonflant jusqu'à leur bouche ! Le Fils de l'homme va venir baptisant dans l'Esprit-Saint
et le feu, nettoyant toute son aire, amassant le grain dans son grenier, mais
consumant la paille au feu inextinguible[4]. Et prêchant encore bien d'autres choses, le jésus annonçait au peuple Témoin du Christ Jésus, dit-il[8]. Il alla jusqu'au reflet ! Dans un an la fin du siècle et le Messie ! Quelle force dans cette menace, chaque jour, chaque heure, chaque minute, suspendue sur les têtes ! Il y avait de quoi devenir fou, et en effet beaucoup le devinrent, sentant à leurs trousses la flamme qui allait les consumer s'ils ne marchaient pas, voyant de leurs yeux grands ouverts le Jardin du Millenium avec ses récoltes usuraires. Dans ces cervelles une idée n'avait point de peine à entrer, elle n'avait de peine qu'à en sortir. Ou plutôt elle n'en sortait plus. Elle était la seule idée, l'idée qui tourne en cercle, l'idée qui fait comme un bruit dans la tête et l'étourdit de son galop. Alors il n'y a plus ni meneurs ni menés, il n'y a plus qu'une épidémie ; il n'y a plus ni imposteurs ni dupes, il n'y a plus que des malades. L'Apocalypse est la clef qui ouvre cette maison de fous. Fin du Verseau, premier Jugement, Millenium pour les Juifs baptisés, enfer pour les réfractaires et les païens, telle est la devise que portait dans ses plis le drapeau du Royaume. Puisqu'il en était ainsi, il n'y avait plus qu'une chose à faire : se mettre en règle au plus tôt, et cesser d'être homme au sens des hommes. Le succès, que nous nous exagérons beaucoup, de Bar-Jehoudda vint uniquement de son aplomb, de ce Cycle d'or qu'il promettait à chacun en échange de sacrifices éphémères comme les biens, et légers comme la vie. Jugement fait d'avance et grâce certaine. Le salut n'est pas seulement infaillible pour les fous ; l'enfer est inéluctable pour les sages. Bénédiction sur toute maison où l'on vous ouvrira, frères ! Malédiction sur toute ville qui vous sera fermée ! Il y aura plus d'aise au jour du Jugement pour le pays de Sodome et Gomorrhe que pour cette ville-là ! Donc point de scrupules ! Que disent les compères dans les synagogues de Galilée ? Qu'il faut aller se faire vacciner, non, baptiser contre le feu dans cette blanchisserie de consciences que le jésus a installée au Jourdain. Ce que fut sa compagnie, on en peut juger par les deux sentiments sur lesquels il spéculait : une peur atroce et des espérances monstrueuses. Esclaves qui se croient maîtres, publicains qui pillent la caisse, êtres de mœurs infâmes qui Pour la première fois redoutent le juge de Sodome et le bourreau de Gomorrhe, bateliers familiers du vice (nequissimi, dira Celse), filles et femmes hantées d'esprits malins et de maladies, criminels que le baptême rend sûrs de l'impunité, gens non seulement de mauvaise vie, mais d'instincts plus mauvais encore, sa horde de Perdus et de paillardes — ainsi qualifiée par le Quatrième Evangile — est redoutée à plusieurs milles du Jourdain. II. — OÙ BAH-JEHOUDDA PART EN GUERRE. Celse avait eu en mains le texte le plus ancien de l'Evangile, ou l'un des plus anciens, car, de son temps, il ne restait déjà plus rien de l'original. Ce texte ne convenait nullement avec les mœurs du Jésus actuel, mais avec celles d'un imposteur qui n'avait tenu aucune de ses promesses, et dont les fabulistes avaient corrigé maintes et maintes fois l'histoire vraie. Semblables à ceux qui poussent l'ivresse au point de se mutiler, ils ont changé et corrompu le premier texte de l'Evangile trois, quatre fois et plus, afin de pouvoir nier les choses qu'on leur objecte[9]. Le prophète qui fut livré par les Juifs de Kaïaphas aux Romains de Pilatus n'a aucun trait de l'inoffensif Jésus. C'est au contraire un homme redoutable contre qui il faut envoyer de la cavalerie et que les magistrats sacrifient sur la plainte de ses victimes à la tranquillité de la nation. Malgré tout Bar-Jehoudda n'a pas disparu complètement des Evangiles. Jésus a beau dire aujourd'hui, soufflé par les Valentiniens qui ont corrigé les apôtres : Quiconque frappera de l'épée périra par l'épée, il y a de l'épée, et même de la sique dans l'Évangile et dans les Actes. Cette épée était encore pleine de sang lorsque les Valentiniens l'ont remise au fourreau, et c'est le jésus lui-même qui avait conseillé de la tirer : Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Dans l'Apocalypse il est armé d'un glaive flamboyant qu'il serre de rage entre ses dents. Les christiens s'armèrent, eux aussi ; ils avaient encore chez eux les siques du Recensement, les fortes siques trempées dans le Jourdain, baptisées dans l'eau en attendant mieux. Le premier et le plus grand exploit de Bar-Jehoudda,
prétendant au royaume de David, c'est Si le roi des Arabes en était venu à la guerre, c'est parce qu'il trouvait dans la répudiation de sa fille une occasion de courir le Juif : plaisir divin qu'il se refusait avec peine depuis son alliance avec Antipas. La liquidation fit surgir un différend de frontière. Antipas avait rendu la fille, mais il prétendait garder la dot, qui consistait en terres de Gaulanitide et de Pérée avec lesquelles le tétrarque avait arrondi sa Galilée. L'ambition de les reprendre travaillait Arétas, .qui eût volontiers passé sur la répudiation de sa fille, — fait si banal. De la forteresse de Machœrous, limite de ses états au nord, il guettait d'un œil noir la bonne ville de Gamala qui ne lui semblait pas moins précieuse que l'honneur de sa famille. De son côté, la dame avait si grande envie de s'en aller qu'elle n'avait pas attendu son remplacement par Hérodiade pour se retirer à Machœrous sous la garde de gens de guerre moins déterminés à la défendre qu'à assaillir vigoureusement le mari. Hérodiade fournit un prétexte avidement saisi par le père, et, je le crains, par la fille. Machœrous était une position très forte, la plus forte de
toutes celles d'Arétas au nord. Les Juifs et les Arabes se l'étaient
longtemps disputée : pointe contre 'es Arabes quand elle était aux Juifs,
pointe contre les Juifs quand elle était aux Arabes. Ceux-ci, au siècle
précédent, l'avaient perdue, mais ils l'avaient recouvrée, sans doute lors du
mariage d'Antipas avec la fille de leur roi[10]. Cette union fut
certainement marquée Par des délimitations de frontières qui en rachetèrent l'impopularité.
Arétas céda du côté de Lysanias, tétrarque de l'Abilène, à qui Antipas avait pris
sa femme, se souvint-il qu'il avait sous la main un vengeur, le neveu de son
frère de lait Ménahem ? Le fils de David était prétendant à tout ce que Rome
prenait, à tout ce qu'Antipas possédait, à tout ce que Pilatus gouvernait. Il
avait de l'influence sur le peuple de l'Abilène et de Pour sa défense, Antipas à ses troupes régulières ajouta
quelques bandes de Bathanéens, anciens soldats de Philippe peut-être et pour
le moment sans emploi. Se voyant borné de tous côtés par les Arabes qui
interrompaient les communications entre Babylone et Jérusalem, Hérode leur
avait enlevé la partie de Heureuses de trouver une solde sous les enseignes d'Antipas, ces bandes s'offrirent. Si coupable que fût Antipas pour avoir épousé Hérodiade, ce n'était pas tromper le Dieu des Juifs que de marcher contre les Arabes envahisseurs. Et puis si on ne marchait pas, où s'arrêterait Arétas ? On accepta donc l'argent du tétrarque, quitte à voir ce qu'on ferait au moment de la bataille. Elle se donna sur le terrain disputé, dans la campagne de Gadara, de Gamala et de Gérasa. Antipas n'était pas là, soit qu'il fût resté dans Séphoris, soit que déjà il aidât Vitellius dans ses négociations avec les Parthes. Peu sûres à cause de leur mélange, ses troupes étaient commandées par des chiliarques. Tout à coup devant les Bathanéens se dressa le prophète, le Nazir, le fils de David, le vicaire du Fils de l'homme. Jamais il n'avait eu tant de démons à chasser : démons d'Antipas et démons d'Arétas, diables hérodiens et diables arabes. Quoi ! servir dans les troupes
d'un homme qui, a près avoir épousé la fille d'un goy, venait d'épouser la
femme de son frère vivant ! Combattre pour les hérodiens dans ces champs d'où
il fallait plutôt les expulser ! Défendre un métis iduméen toujours rebelle à
Gadara était une ville d'eaux fréquentée par toutes sortes
de païens fort mal disposés pour le Royaume d'Israël ; une ville dont les
maisons étaient habitées par des morts-vivants, des gens qui n'auraient pas Les Gadaréniens exécraient les Juifs et lorsqu'ils furent
placés par Auguste sous la dépendance d'Hérode ils firent de grandes
doléances à Agrippa, gouverneur de l'Asie, mais celui-ci ne les avait pas
écoutés et même il les avait envoyés chargés de chaînes à celui dont ils se
plaignaient. Ils avaient recommencé lorsque Auguste, en la dix-septième année
de son règne, vint en Asie. Leur requête avait eu le même sort que la
précédente, et ils avaient eu si peur d'en être punis qu'ils s étaient
exécutés eux-mêmes, les uns en se noyant, les autres en se précipitant. Mais,
lors du partage des régions transjordaniques entre Antipas et Philippe,
Gadara, qui vivait selon les coutumes grecques, avait demandé et obtenu sa
réunion à Parmi ceux qui avaient accepté l'argent d'Antipas et 8 étaient joints à ses soldats, il y en avait de la région bathanéenne où Bar-Jehoudda baptisait depuis plusieurs années, des ouailles de Jaïr et d'Eléazar. Il en avait vu quelques-uns, tout nus, dans l'eau du Jourdain. Arrivés en cette sous-Gaulanitide, toute pleine de l'ancienne prédication jehouddique et de la nouvelle, ce fut à qui retournerait aux pieds du jésus. Personne ne se souciait de perdre sa place dans le Royaume, et on avait l'argent d'Antipas pour attendre. On laissa les hérodiens aux prises avec les Arabes, et on tourna le dos, couverts des lauriers de la trahison. Les gens d'Antipas furent battus à plate couture[13], dispersés, jetés dans le lac de Génézareth. Ceci pris à Josèphe ou plutôt à ce que l'Église nous en a laissé, car elle l'a indignement mutilé en ce passage. Il y eut trahison ; mais cette trahison quelqu'un l'a conseillée, ordonnée même, un prophète puissant en actes et en paroles, comme dit de lui son beau-frère Cléopas, un homme qui hait encore plus les hérodiens que les Arabes, ces chiens d'Arabes toujours aboyant en juif et mordant. L'Évangile nous donne ses deux noms d'allégorie, Joannès-jésus, mais Josèphe donnait son nom de circoncision, Jehoudda, qui permettait de remonter à celui de son père, auteur de la secte, selon ce même Josèphe. Le texte est visiblement interpolé à cet endroit, il témoigne pour le prophète d'un intérêt religieux diamétralement contraire aux sentiments de l'historien juif qui ne manque jamais de dénoncer les méfaits de l'armée du Christ et qui la tenait ici dans son chef[14]. Voici comment cette aventure est contée dans l'Évangile. III. — Le jésus s'avance dans le pays de Gérasa où campaient les
Bathanéens. Il en trouve deux mille prêts à servir le Démon dont son père, sa
mère, toute sa famille et lui avaient souffert tant de maux. Ce Démon, c est En voyant arriver Bar-Jehoudda, les deux mille transfuges
bathanéens au service d'Antipas ne s'y trompent pas : c'est l'envoyé de Dieu
qui vient pour les examiner, les basaniser[15], les passer à la
pierre de touche avant le terme imminent du Verseau.
La frayeur s'empare d'eux. Ils tombent à ses genoux, comme s'il apportait le
Jugement tout fait : ils l'implorent, ils crient : Qu'avons-nous
à faire avec toi ?... Ne nous tourmente pas,
je te prie, fils du Dieu suprême... Es-tu venu
ici pour nous tourmenter avant le temps ?... Ils le supplient
de ne point leur commander d'aller dans l'abîme[16], le puits de
l'abîme décrit par l'Apocalypse[17], et surtout de
ne point les envoyer hors du pays, de
ce bon pays où le Christ va venir à la pâque prochaine rétablir l'Éden et
régner sur eux pendant mille ans. L'instant est solennel. Que va-t-il se
passer ? Comment l'Évangéliste va-t-il mener jusqu'au bout son allégorie ? C'est
l'Esprit qui lui souffle la solution dans l'infernale métempsycose que voici.
Les Bathanéens aperçoivent deux mille pourceaux,
paissant sur la montagne (ce sont les soldats
restés fidèles à Antipas) : Envoie-nous dans
les pourceaux, disent-ils à Bar-Jehoudda, et
que nous entrions en eux ! Dieu l'ayant permis, ces pourceaux, chargés
du péché qu'allaient commettre les Bathanéens, sont précipités dans le lac.
De leur côté les bergers-chiliarques qui menaient ces hommes-pourceaux
s'enfuient et vont porter dans la ville (Gamala)
la nouvelle de cette sinistre débandade. On sort, on se lamente, mais trop
tard, le coup est fait. Antipas perd deux mille hommes dans la noyade, et on
aperçoit l'Homme-Pérée dépossédé de ses deux mille hommes-pourceaux,
infiniment tranquille, assis sur le chemin et vêtu d'habits qui sont
certainement blancs comme il convient à un fils d'Israël Purifié par
l'observation de Remarquable expédient des scribes pour rappeler aux
initiés cette magnifique journée des Porcs, dans laquelle la trahison des
Bathanéens coûta deux mille hommes aux hérodiens ! Après cet exploit, le pays
de Gérasa avait bonne envie de suivre son libérateur, mais celui-ci l'engagea
plutôt à publier la nouvelle dans Qu'a fait ici Bar-Jehoudda ? Il a changé en pourceaux les deux mille hommes d'Antipas. Quoi d'étonnant à cela ? Il emploie la vieille formule d'exécration que Moïse avait empruntée aux Egyptiens avec le reste. Cette exécration consistait à appeler sur la tête d'une victime tous les maux dont les Dieux étaient capables, puis à rejeter, à chasser bien loin cette victime ainsi chargée d'iniquités. Les Juifs avaient hérité des Egyptiens l'horreur du porc, animal encore plus émissaire que le bouc. A partir du moment où ils sont passés dans les pourceaux, les deux mille hommes d'Antipas sont perdus, car le Porc est le sixième signe infernal opposé au signe céleste des Anes ou Cancer. Le Christ Jésus des Séthiens, régissant le Ciel et l'Enfer par une verticale impitoyable, est représenté avec les oreilles de l'Ane et les pieds fourchus du Pourceau. C'est pourquoi Jésus dans la fable évangélique fait son entrée à Jérusalem sur les Anes, signe de son triomphe solsticial. Il est donc très probable, étant donné le caractère chronométrique de l'allégorie des deux mille pourceaux, que leur déconfiture remonte au solstice d'été de 788. Et quand je vois que depuis deux mille ans bientôt — presque autant que de pourceaux — des hommes austères demandent à Dieu de leur dire d'où peut bien provenir ce troupeau d'habillés de soie, je ne rirais pas ? J'aurais le mauvais goût de garder mon sérieux ? De traiter comme un sujet sacré ces mystifications abrutissantes ? D'employer à l'analyse de ces turpitudes ce que dans leur jargon prudhommesque les jocrisses de la gravité appellent le ton de l'histoire ou la rigueur de la méthode scientifique ? Quel particulier aurait nourri ce formidable troupeau de
porcs, sur les rives du lac de Génézareth, la terre sainte de Ces deux mille pourceaux ont fortement troublé les intellects
déjà minés par la théologie. On ferait presque u n volume avec les
commentaires qu'ils ont suscités. On a senti toutefois qu'ils étaient
scandaleux par leur Nombre. Pour l'expliquer, on a dit que Gérasa était de Vous connaissez maintenant les causes de la rancune qu'Hérodiade et Antipas nourrissent contre le Joannès-jésus. Ce n'est pas pour quelques propos sévères tenus sur leur mariage qu'ils lui en veulent. Au point où en étaient les mœurs, l'union d'Antipas avec sa belle-sœur n'était qu'un demi-scandale, étant donné que le mari d'hier avait sans doute divorcé d'avec sa femme : nous n'apprenons pas qu'il ait couru sus à Antipas pour la lui reprendre[19]. |
[1] Apocalypse, VI.
[2] Epilogue. Dans cet épilogue, le disciple à qui Jésus avait dit cela (dans l'Apocalypse) n'est pas nommé. C'est le Joannès-jésus lui-même. Si on l'eut nommé, d'un mot toute l'imposture évangélique croulait.
[3] C'est, par excellence, le procédé des scribes. La terre trembla, dit Mathieu (et, en effet, elle devait trembler), et les pierres se fendirent (elles le devaient), les sépulcres s'ouvrirent (c'était leur devoir) ; et sortant des tombeaux, plusieurs corps de saints qui s'étaient endormis se dressèrent (cela devait arriver), entrèrent dans la ville sainte et apparurent à de nombreuses personnes (XXVII, 50). On fit observer que ces résurrections ayant précédé de trente-six heures celle du crucifié, celui-ci passait au dernier plan de la démonstration. Alors on mit qu'ils étaient sortis des tombeaux après la résurrection du jésus.
[4] Luc, III.
[5] Luc, III.
[6] Quatrième Évangile, Prologue.
[7] Apocalypse.
[8] Apocalypse.
[9] Anticelse, t. II, 27.
[10] Antiquités judaïques, l. XVIII, chap. VII.
Alexandre, roi des Juifs, fut le premier, dit Josèphe, qui y bâtit un château. Ce château fut ruiné par les Romains sous Gabinius, puis restitué à Hérode qui le rétablit et le fortifia magnifiquement. Mais il est certain qu'après le règne d'Hérode. Machœrous passa aux mains des Arabes à qui les Juifs le reprirent avant la chute de Jérusalem en 823. En effet, Josèphe dit qu'il y avait une plante de rue qui faisait l'étonnement général, que cette rue y était encore sous le règne d'Hérode et quelle aurait pu demeurer longtemps, si les Juifs ne l'eussent ruinée lorsqu'ils prirent cette place.
[11] Suzannah ou Joanna (Luc, VIII, 3).
[12] Eunape ne rapporte ce fait que sous toutes les réserves de la raison. Jamblique lui-même n'exécute ce tour que pour se débarrasser d'importuns : il voit dans ces révélations des pratiques peu conformes à la vraie piété. (Eunape, Vies des Philosophes et des Sophistes, traduites par M. Stéphane de Rouville, Paris, 1879, in-12°.)
[13] Nous examinerons en temps et lieu, avec les développements critiques qu'elle comporte, cette adultération de Josèphe.
[14] Nous examinerons en temps et lieu, avec les développements critiques qu'elle comporte, cette adultération de Josèphe.
[15] Basanisai, dit le teste ancien, plein de jeux de mots, comme on sait.
[16] Marc, V, 10.
[17] XI, 1, 2. Une étoile était tombée du ciel sur la terre et la clef du puits de l'abîme lui fut donnée ; et elle ouvrit le puits de l'abîme, et la fumée du puits monta comme la fumée d'une grande fournaise, etc. Après quoi viennent les scorpions qui ont le pouvoir de tourmenter les hommes qui n'ont pas le signe de Dieu, la croix, sur le front.
[18] Nous l'avons prise dans Marc (V, 1-20) où elle est plus circonstanciée que dans Mathieu (VIII, 23-26) et Luc (VIII, 23-25). Mathieu met la scène dans la contrée des Gadaréniens, si voisine de celle des Géraséniens !
[19] Le fameux précepte : Quiconque délaisse sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et quiconque prend celle qui est abandonnée de son mari commet un adultère * n'est nullement inspiré par le cas d'Antipas et de son beau-frère. Cette maxime placée aujourd'hui dans la bouche de Jésus par l'Evangile est du docteur juif Schammaï.
* Luc, XVI. Voyez aussi Mathieu.