I. — CHRONOLOGIE ÉVANGÉLIQUE. Pour n'être qu'une suite de paraboles reliées par un semblant d'action, l'Évangile[1] n'en est pas moins une notation en raccourci de la prédication de Bar-Jehoudda, pendant ses onze dernières années. Bar-Jehoudda laisse le désert aux sauterelles, rentre dans les tétrarchies hérodiennes, et là, émerveillant les villages par ses prodiges, échappant aux embûches que les hérodiens et les saducéens lui dressent sur son passage, il porte sa doctrine jusque dans le Temple où il se couvre à la fois de scandale et de gloire. Cela dure soit onze ans, soit six mois, selon qu'on s'adresse au Quatrième Évangile ou aux trois Synoptisés. Dans l'Evangile, le Joannès ne met pas une seule fois les
pieds au Temple. Il est censé habiter le désert et baptiser au Jourdain. Il
ne monte à Jérusalem pour aucune fête, il ne va même pas à Alors que dans les Synoptisés le jésus ne débute qu'au Jourdain et six mois avant les azymes de 789 où il fut crucifié, dans le Quatrième Évangile il débute onze ans auparavant, à Jérusalem, en Judée et en Samarie. Cet Évangile entre de plain-pied dans la carrière du jésus, en supprimant tout ce qui touche à ses origines, à sa famille, à sa naissance, à sa descendance davidique : le nœud se serre à Jérusalem, lors de la fête des Sorts de 777 et de la pâque de 785 où le préteur du Christ renverse les étalages des boutiquiers Ie s tables des changeurs. Entre la pâque de 785 et celle de sa crucifixion, il y en a
bien une aux approches de laquelle se place l'allégorie de Pourquoi, après avoir volontairement omis les Sorts de 777, les Synoptisés suppriment-ils tout ce qui s'est passé depuis 785 jusqu'aux azymes de 789 ? Parce qu'ils ne peuvent pas avouer que le Joannès-jésus fut jeté dans la prison du Temple par le sanhédrin avant de l'être par Pilatus dans la tour Antonia, prison romaine ; et fouetté par les sergents juifs avant de l'être, si toutefois il le fut, par les soldats de Pilatus. Ils ne veulent pas avouer qu'il y eut contre lui deux commencements de lapidation avant sa mise en croix, et que Jacob junior, son frère, et Eléazar, son beau-frère, furent martyrs avant lui. Les Synoptisés sont d'accord pour supprimer les
Négociations avec Mais on ne peut les ouvrir avec fruit qu'à la condition de savoir que tous les événements dont il y est question ont été d'abord dénaturés, puis placés après la crucifixion du Jésus, alors qu'ils lui sont antérieurs, et que le jésus lui-même y figure encore sous son nom apocalyptique de Joannès. En un mot, si l'on examine attentivement le système adopté pour toutes ces impostures, on voit qu'elles ont pour but d'effacer l'identité du Joannès de l'Apocalypse et du Joannès-jésus et celle de ces deux masques avec le personnage dont les histoires juives parlaient sous son vrai nom de Bar-Jehoudda comme ayant fini sur la croix après avoir agité le pays pendant onze ans. II. — DÉCLARATION DE CANDIDATURE (777). C'est en 777 qu'il monta faire sa déclaration de candidature
aux habitants de Jérusalem. Quoiqu'ils connussent l'astrologie réduite aux
douze signes et aux sept planètes, ils étaient peu capables de saisir les finesses
de ces morceaux précieux qui s'appellent Apocalypses. Ils étaient plus
sensibles à des cris assaisonnés de gestes. Bar-Jehoudda poussa son premier
cri, esquissa son premier geste à la fête des Juifs[4] qui répond, je
crois, aux Phurim et dont nous avons élucidé le sens occulte dans le
Charpentier ; c'est-à-dire le renversement des Sorts chaldéens et la
conversion des Poissons en signe
favorable aux Juifs. Sur ce qui s'est passé là nous n'avons plus que
l'allégorie de Or il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. Lorsque le jésus le vit couché et qu'il sut qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit : Veux-tu être guéri ? Le malade lui répondit : Maître, je n'ai personne qui, lorsque l'eau est agitée, me jette dans la piscine : car, tandis que je viens, un autre descend avant moi. Le jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche. Et aussitôt cet homme fut guéri, et il prit son grabat, et il marchait[6]. ... Le jésus ensuite le trouva dans le Temple et lui dit :
Voilà que tu es guéri ; ne pèche plus, de peur qu'il
ne t'arrive quelque chose de pis[7]. Ainsi, ce miraculé
n'est point un malade, c'est un pécheur ; et s'il continue à pécher, en s'attachant
aux gens du Temple notamment, il lui arrivera pis que la maladie, ce sera
-dans un délai prochain la première mort.
Car, comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a
donné au Fils d'avoir la vie en lui-même, et il lui a donné le pouvoir de
juger parce qu'il est le Fils de l'homme. Ne vous en étonnez pas, parce que vient
l'heure où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils
de Dieu. Et en sortiront pour ressusciter à la vie ceux qui auront
fait le bien (Jehoudda et consorts), mais ceux qui auront fait le mal (Hanan et ses pareils) pour ressusciter à leur condamnation. Voilà qui est
clair : les malades, aveugles, boiteux et paralytiques réunis autour de La seule source de Jérusalem qui soit dans les conditions
requises, c'est la fontaine de Siloë, et comme elle existe encore avec le
caractère d'intermittence qu'elle avait au temps de Bar-Jehoudda, il est
facile de l'identifier avec Vous avez immédiatement reconnu dans les Cinq Portiques
les Cinq Cycles de mille ans, Balance,
Scorpion, Sagittaire,
Capricorne et Verseau, par lesquels es Juifs ont dû passer
pour aborder au Royaume du Christ, et dans les cinq agitations quotidiennes
de l'eau les cinq avertissements de Dieu. Ces Cinq Portiques ont été aussi
mauvais pour les Juifs de Jérusalem que les Cinq époux de Vous remarquerez que Bar-Jehoudda ne baptise point la
fontaine de Siloë ; il se borne à y réunir son troupeau de fidèles : c'est la
vieille fontaine royale qui donnait de l'eau à la partie basse de Jérusalem
dite Tout cela, en effet, est clair comme de l'eau de Siloë. A l'âge de trente-huit ans, Bar-Jehoudda est monté à Jérusalem où demeurait sa sœur, la femme de Cléopas, il a réuni les ouailles de la bergerie davidique et leur a annoncé qu'on entendrait bientôt parler de lui. III. — L'ÉCLIPSE. Tandis que les Juifs raisonnables et les politiques saducéens
perdaient chaque jour davantage le sentiment de A chaque Pâque ils avaient attendu des signes, et parfois ils en avaient obtenu. En Asie notamment. Le Christ Jésus venait lentement, mais il venait. Grand trouble, angoisse inexprimable quand le jésus et ses frères jetaient ce cri dans les fêtes : Maran atha, le Seigneur vient, — Maran etha, que le Seigneur vienne ![11] Quelle importance ont les signes exceptionnels survenant au milieu d'une prédication pareille ! Le plus symptomatique de tous, c'est l'éclipse, le soleil ou la lune se voilant la face, s'obscurcissant comme pour acquiescer aux prophéties. Pour Joël, un des vieux prophètes favoris de la secte, c'est un indice de la fin des temps. Le jésus eut toutes les chances : il avait obtenu de Dieu un tremblement de terre en 771 ; vers 785, il lui arracha une éclipse de soleil. Homme approuvé de Dieu, dit son beau-frère Cléopas dans Luc ! Le jour venait enfin où le Joannès des Juifs se trouvait, par le décret d'Iahvé dans la même situation que le Joannès des Egyptiens, à la peau de poisson près. Ô bienheureux temps où les éclipses conduisaient au trône ! Dans les âges fabuleux, le Joannès égyptien, envoyé d'Hermès et sachant que le soleil allait être éclipse, avait tenu ce discours au peuple : Je viens vers vous comme messager de la colère divine, car la divinité est irritée de ce que vous ne vous êtes pas rangés sous l'autorité d'un prince. Si vous ne changez pas de conduite et si vous n'établissez pas un roi au-dessus de vous, le grand Luminaire du jour s'obscurcira pour vous[12]. Les Egyptiens l'avaient chargé de chaînes, résolus, si sa prédiction ne s accomplissait pas, à le mettre à mort et, si elle se réalisait, à le faire roi. La lune étant venue se placer devant le soleil dans le temps annoncé, on avait délivré le Joannès au milieu des acclamations, on l'avait supplié d'apaiser le dieu. Le Joannès s'était laissé fléchir, et serrant les lèvres comme un possédé, murmurant quelques mots cabalistiques, il avait consenti à ce que le soleil reprit sa lumière. Le jour même il était roi. Le Joannès du Jourdain ne pouvait pas l'être avant 789, mais son éclipse était d'aussi bon poids que celle du Nil. Dans sa famille on pensa qu'elle était de lui. Il semble qu'une partie, d'ailleurs très faible, des mincies qu'il avait annoncés se soit produite dans les dernières années de la procurature de Pilatus. Ce ne fut Pas, bien entendu, l'accomplissement de l'Apocalypse, mais Jésus fit d'en haut un petit signe à son prophète. Cette éclipse qu'il avait sans doute prédite — son programme était si vaste ! — vint au secours de sa réputation menacée. Au bout d'un siècle ou deux il fut très facile aux évangélistes de dire qu'elle avait coïncidé avec l'année de sa mort et marqué la part que le ciel avait prise à ce malheur. Quant à coïncider avec l'instant précis de la crucifixion, c'est une autre affaire : je e sais ce que l'avenir nous réserve, mais on n'a pas acore vu d'éclipse de soleil pendant la pleine lune ! Phlégon, l'affranchi d'Hadrien, qui a fait la chronique des prodiges advenus jusqu'au temps d'Antonin, mentionnait une éclipse totale sous Tibère. Or comme, malgré toute son érudition, il ne parlait point de Jésus et qu'au contraire il citait l'Apocalypse[13], Phlégon a disparu de toutes les bibliothèques à partir de Théodose. Mais Julius Africanus, — dans Eusèbe — dit avoir vu l'éclipse dans Phlégon. Cela se peut bien, puisqu'il écrit quatre-vingt-dix ans après lui. Ce qui se voit beaucoup mieux que l'éclipse, c'est l'effort de l'Eglise pour l'adapter aux diverses dates qu'elle a successivement collées sur la croix de Bar-Jehoudda. On mit d'abord dans l'Anticelse que ce phénomène
était contemporain de L'astronomie appelée au secours de la chronologie a, par
Kepler, Hogdson, Halley et autres, décidé qu'il y avait bien eu une éclipse à
Jérusalem et au Caire à l'heure d'environ midi et quelques minutes, mais que
ce n'avait été ni dans IV. — Les pharisiens, quoi que disent les Évangélistes, n'en voulaient point à la vie de Bar-Jehoudda. On a beau le représenter comme évitant de circuler en Judée, car les Juifs cherchaient à le tuer[16], si les Hiérosolymites avaient eu un pareil dessein avant 788, ils n'avaient qu'à étendre la main pendant les fêtes. Il est vrai qu'il n'était jamais plus fort qu'aux fêtes. Quand tout le poisson frétillait à Jérusalem, Bar-Jehoudda
et ses frères, laissant leurs filets symboliques sécher sur les bords du
Jourdain et du lac de Génézareth, montaient pêcher dans Le rendez-vous était sous le Portique de Salomon qui
terminait l'enceinte du Temple vers l'Orient d'où Jésus devait venir. On y
parlait de Pendant les pâques surtout on se sentait fort de la cohue,
fier de Ce qui caractérise la folie christienne, c'est une
impitoyable logique dans son objet. Jérusalem étant le seul endroit du monde
où les Juifs pussent être sauvés[18], Bar-Jehoudda
leur commandait de quitter la nation où ils étaient répandus, de revenir au
centre de la croix et d'apporter leur argent à ceux qui défendaient le
Christ. Croisade, en un mot, et tribut : être là pour La pâque que veut Bar-Jehoudda, c'est l'Internationale
juive. Petit à petit les prêtres avaient monopolisé le sacrifice, retiré le
droit de tuer aux chefs de famille et à leurs fils aînés. L'ordre y gagnait
certainement, mais le fanatisme y perdait. Moïse avait ordonné qu'à la pâque
tout le peuple lût prêtre en ce qui touche l'agneau, et que chacun en fit le
sacrifice soi-même, sans le concours des lévites comme pour les autres
victimes. Des aristocrates comme Philon le reconnaissent[19]. D'autre part, C'avait été tout le programme religieux des Zélotes qui s'étaient emparés du Temple à la mort d'Hérode, pour y célébrer ce que Josèphe, pharisien méticuleux et grand-prêtre manqué, appelle dédaigneusement leurs sacrifices. Ce fut tout le programme de Bar-Jehoudda, il n'en eut jamais d'autre, il ne vit jamais plus loin que le bout du nez de l'agneau mené à l'autel et égorgé des mains de chacun Juif. Le zèle de ta maison me dévore, dit-il[22]. Il émettait certainement la prétention d'entrer dans le Temple avec des chaussures et des bâtons. Les Evangiles sont pleins de recommandations là-dessus et les christiens de Ménahem les ont suivies en 819. Pour le reste on s'entendait avec le Temple, on ne lui refusait rien, ni les décimes, ni les prémices, ni les honneurs. On n'en voulait pas aux lévites. Jehoudda et ses fils étaient de la tribu de Lévi, ils tinrent jusqu'au b out pour ses privilèges. Je ne doute pas que le jésus n'ait fait à la pâque de Comme pêcheur d'hommes, Shehimon valait presque Bar-Jehoudda. Lui non plus n'était pas un apôtre pour vieilles demoiselles et qui a l'air de sortir de chez l'ondulateur. Il tenait comme personne l'article de pêche, chassait les démons, quand ils s'y prêtaient, guérissait les paralytiques, quand ils étaient curables, rendait la vue aux gens, quand ils n'étaient pas aveugles, et les ressuscitait quand ils n'étaient pas morts. Il tirait ces facultés du même fond magnétique et charlatanesque Juif, profondément, irrémédiablement Juif, il voulait que son art ne profitât qu'à ceux de sa race et le refusait à tout être humain qui ne se recommandait pas d'une des douze tribus anciennes. Comme son grand frère, il n'était envoyé que pour les brebis perdues d'Israël. On attribue indifféremment le même miracle à Shehimon et
au Joannès-jésus. Ils sont ensemble lorsqu'ils font marcher le boiteux assis
près de Le peuple les suit jusqu'au Portique de Salomon, le boiteux les tenant par la main. Dans l'ombre du soir, ils parlent du Royaume futur avec une telle animation que les prêtres, le stratège du Temple et les saducéens surviennent, les arrêtent et les jettent en prison tous trois. Le lendemain, les magistrats anciens, les scribes, Hanan, Kaïaphas, Jochanan[25] les font comparaître devant eux. Shehimon, dit-on, confesse la foi au nom de tous : ce n'est pas lui, mais le Christ Jésus qui a guéri le boiteux, cause du tumulte de la veille. Comme le fait de tenir un boiteux par la main n'est point un délit, et que dans les Actes nous venons de voir des milliers de malades guéris ou baptisés en une seule journée[26], il faut bien admettre que si on conduit les deux frères en prison et devant le sanhédrin, c'est pour avoir annoncé au boiteux un Royaume où les Kaïaphas, les Hanan et les Jochanan devaient occuper peu de place. Et, en effet, ce qu'ils commençaient à prêcher au peuple, c'est l'accomplissement imminent de l'Apocalypse paternelle conjuguée avec la leur et, pour le début, la destruction du Temple hérodien. Les Actes qui, vous le savez, ont la prétention de succéder à l'Évangile, font dire à Shehimon devant le sanhédrin qu'il a vu le Jésus ressuscité, vivant malgré le crime des Juifs ! C'est qu'au moment où le scribe compose, Shehimon s'appelle depuis longtemps Pierre et que ce nom oblige. Mais Shehimon n'a jamais rien déclaré de pareil à aucun sanhédrin, par la bonne raison que le futur ressuscité comparait avec lui comme auteur principal du trouble de la veille. Il y a une délibération à laquelle ni le claudicant ni eux n'assistent. C'est dire qu'on résolut de les relâcher sans jugement. Cette arrestation est le premier avertissement du Temple aux fils de Jehoudda. Simple mise au poste suivie d'une admonestation. Ne recommencer pas. La prochaine fois, ce sera le fouet ! On a remarqué que les Actes donnaient à Hanan le titre de grand-prêtre qui appartenait à son gendre Kaïaphas. Et on en a tiré la preuve que cet écrit a été composé fort longtemps après les événements, par des gens qui n'en avaient pas été témoins et sur les dires d'autres gens qui, eux-mêmes, n'y avaient point, assisté. Sans doute, et rien n'est mieux établi. Mais ce n'est pas le mot grand-prêtre qui doit frapper l'observateur, puisque Hanan l'avait été ; c'est le mot Alexandre que nous rencontrons ici. Sous Tibère, on ne connaît d'autre Alexandre que l'alabarque des Juifs d'Alexandrie, frère de Philon, et qui n'eut jamais la moindre occasion de siéger au sanhédrin pour y juger les fils de Jehoudda. En revanche on connaît beaucoup Tibère Alexandre, fils de l'alabarque et procurateur de Claude en Judée entre 799 et 802. On le connaît d'autant mieux qu'en cette année 802 Shehimon dit Pierre par les Actes et Jacob senior dit Jacques frère du Joannès par ces mêmes Actes, ont comparu tous deux devant Tibère Alexandre qui les fit crucifier exactement comme Pilatus va faire crucifier leur frère aîné. Le nom Alexandre appartient donc bien à l'histoire des fils de Jehoudda, mais il n'y entre que seize ans après le premier emprisonnement du Joannès-jésus et de Shehimon ; le scribe des Actes l'a fait passer du troisième et dernier emprisonnement de Pierre dans le premier[27]. La crucifixion de Shehimon et de Jacob, fils de Jehoudda, par Tibère Alexandre étant tout au long dans les Antiquités de Josèphe, l'Église ne pouvait laisser le nom d'Alexandre mêlé à l'emprisonnement de Pierre et de Jacques sans reconnaître en même temps que ce Pierre et ce Jacques, frère du Joannès, étaient le Shehimon et le Jacob de Josèphe, et que ce Joannès était frère de Shehimon non moins que de Jacob. C'eût été dénoncer toute la fourberie évangélique. Aussi ne s'est-on pas borné à transposer de seize ans le nom d'Alexandre ; on a fait mourir Jacques par le glaive sous Agrippa Ier, roi de Judée, cinq ans avant sa crucifixion, et on a fait évader Pierre qui, dans les Actes, ne meurt d'aucune façon, car on le met de côté pour l'envoyer rejoindre Paul à Rome où l'Église les tuera tous les deux sous Néron[28]. Mais laissons cette collection d'impostures et revenons devant la vitrine où sont rangés en bel ordre les mensonges appartenant au règne de Tibère. V. — LE PRÉTENDANT A AIN DE SALEM, PRÉS BETLÉHEM. Après son exploit contre les étalagistes et les changeurs, Bar-Jehoudda s'en alla baptiser à Ain de Salem, dans la tribu de Juda. Ce sont proprement les sources qui alimentent les Vasques de Salomon et Salem (Jérusalem), à une petite heure de Betléhem, et que les Arabes appellent encore aujourd'hui Ain Salih. Il y fit un séjour assez prolongé : Le jésus vint avec ses disciples dans la terre de Juda, et
il y demeurait avec eux et il baptisait. Or Joannès aussi baptisait à Ennon,
près de Salim, parce qu'il y avait là beaucoup d'eau, et on y venait et on y
était baptisé. Car Joannès n'avait pas encore été mis en prison. Mais
je m'aperçois que je n'ai pas encore consulté Ici encore nous avons le regret de rompre avec le Saint-Siège. Ainon étant de la tribu de Juda ne peut être à huit milles de Scythopolis et personne n'en a jamais entendu parler comme étant voisin de l'ouadi Selam. Au contraire, Ben-Sotada, prétendant à la succession de David et descendant de Salomon, fils de l'adultère Bethsabée, Ben-Sotada[29] a le devoir étroit de parcourir la tribu de Juda pour y poser sa candidature en offrant le baptême comme prime d'engagement. Il est à l'Ain de Salem par la même raison qu'à l'Ain de Siloë. Et c'est une centième preuve qu'en dépit des ruses du scribe, le Joannès et le jésus de l'Évangile ne font qu'un avec le Ben-Sotada du Talmud. Toutefois, et puisque nous tenons Bar-Jehoudda sur le théâtre de ses baptêmes aux environs de Betléhem, il n'est pas mauvais de montrer, par la suite de la citation, combien est indécente à force de sottise l'imposture qui met en présence, à la même date, autour de la même source et des mêmes disciples, les deux personnages que l'Église a tirés du même individu. Or, il s'éleva une question entre les disciples du Joannès et les Juifs, touchant la purification. Notez que s'il y avait, eu deux baptiseurs en rivalité, Joannès et Jésus, la querelle serait entre les partisans de l'un et ceux de l'autre. Mais elle est entre les Juifs orthodoxes et les disciples survivants de Tunique baptiseur qui ait paru en Judée sous Tibère. Et ce que contestent à bon droit ces Juifs (du second siècle au moins), c'est la validité du baptême d'eau qu'a laissé le Joannès : il se peut que le baptême d'eau soit une forme de purification comme une autre, mais il ne confère pas la rémission des péchés, comme le disait cet imposteur, et comme les Marchands de Christ le soutiennent à leur tour. Voilà la thèse des Juifs et elle est d'autant plus fondée que, le Baptiseur de feu n'étant pas venu, Bar-Jehoudda s'est trouvé tout à fait au-dessous de ses folles prétentions. Voici comment l'Église par l'organe de l'évangéliste répond non aux Juifs qui, eux, savent à quoi s'en tenir, mais aux païens réfractaires : Et (les Juifs) étant venus vers Joannès, lui dirent : Rabbi[30], celui qui était avec vous au delà du Jourdain, et a qui vous avez rendu témoignage, baptise maintenant, el tout le monde va à lui. Joannès répondit et dit : L'homme ne peut rien recevoir, s'il ne lui a été donné du ciel. Vous m'êtes témoins vous-mêmes, que j'ai dit : Ce n'est pas moi qui suis le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui. Celui qui a l'épouse est l'Époux ; mais l'ami de l'Époux, qui est présent et l'écoute, se réjouit de joie, à cause de la voix de l'épouse. Ma joie est donc maintenant à son comble. Il faut qu'Il croisse et que je diminue. Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous[31]. Celui qui est sorti de la terre est de la terre et parle de la terre[32]. Ainsi celui qui vient du ciel est au-dessus de tous. Et il témoigne de ce qu'il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage. Celui qui a reçu son témoignage, a attesté que Dieu est véritable. Car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que ce n'est pas avec mesure que Dieu lui donne son esprit. Le Père aime le Fils, et il a tout remis entre ses mains. Qui croit au Fils a la vie éternelle ; mais qui ne croit point au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui[33]. Lors donc que Jésus sut que les pharisiens avaient appris qu'il faisait plus de disciples et baptisait plus que Joannès, — Quoique. Jésus ne baptisât point, mais ses disciples[34] —, Il quitta Dans cet Evangile c'est la dernière fois que Bar-Jehoudda apparaisse comme Joannès. A partir de ce moment, il est absorbé sous le nom de Jésus par la christophanie. Au moins ne meurt-il pas décapité comme dans les Synoptisés, particulièrement Marc et Mathieu. Sans lui couper la tête on cesse simplement de l'appeler Joannès ; il ne disparaît que de cette façon. C'est beaucoup plus tard qu'on a employé les grands moyens. VI. — NÉGOCIATIONS AVEC D'Ain de Salem où il se sentait surveillé par les hérodiens, il vint en Samarie près de Sichar que le Quatrième Évangile appelle Suchar[36], Ville du mensonge, nom que mérite, hélas ! tout l'Evangile, particulièrement à cet endroit. Le jésus a baptisé en Judée d'où, chassé, il est venu baptiser chez les Samaritains. Vous avez pu juger de l'imposture fabriquée pour faire croire à l'existence simultanée du Joannès et de Jésus : apprenant le succès de Jésus qui baptise en Judée — toutefois, ajoute l'évangéliste dans un remords de conscience, il ne baptisait pas lui-même (le fait est qu on n'a jamais pu trouver personne qui eût été baptisé par Jésus), ce sont ses disciples qui le faisaient — le Joannès n'en montre aucun dépit. Au contraire il approuve tous ceux qui le délaissent pour Jésus, au point qu'il les menace de la mort éternelle s'ils ne se bâtent point. Alors pourquoi n'y va-t-il pas lui-même ? Pourquoi continue-t-il à baptiser d'eau, si celui qui devait le baptiser de feu est venu ? Marc, Mathieu et Luc nous ont caché complètement les
négociations et les baptêmes de Bar-Jehoudda en Samarie. Et, si on en croyait
les trois Synoptisés, il se serait interdit ce territoire à lui-même, puisque
selon eux Jésus défend aux disciples de mettre les Pieds dans les villes
samaritaines. Selon le Quatrième Evangile, au contraire, il entre en
composition avec |a Samarie dès le début de sa prédication, et selon Luc il
renoue ces relations quelques jours avant d'être remis aux mains de Pilatus.
Dans ces deux circonstances c'est un violateur flagrant de la consigne que
Jésus donne dans Mathieu : N'allez pas dans les
villes des Samaritains. Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi ces
villes ont-elles été exclues du salut comme les villes païennes ? Pourquoi
cette rancune contre des endroits où Bar-Jehoudda n'aurait jamais pénétré ?
Levons le voile : non seulement Bar-Jehoudda a traversé maintes et maintes
fois le pays que Jésus met à l'index dans Mathieu et dans Marc, mais il a
obsédé les Juifs purs de Samarie pour les réconcilier avec la famille de
David et les lancer contre Jérusalem. Il est mort de Or, fallait-il, dit le Quatrième
Évangile, qu'il traversât Jadis Samarie avait été capitale ; le mont Garizim rival
de Sion. Aujourd'hui la ville était vouée aux démons de Rome. Depuis Hérode
elle s'appelait Sébaste, en latin Augusta : un blasphème de pierre ! Une
ville grecque et une ville romaine, avec des bains, des temples, un théâtre,
des voies droites, tout l'appareil architectural de Césarée Les Samaritains ne recevaient pas les prophètes ; en quoi
ils étaient mauvais Juifs, les prophètes étant des politiques insatiables de
gloire. Mais les purs avaient quelque chose de jehouddique en ce qu'ils
défendaient opiniâtrement le texte de Pour les Juifs de Juda les Samaritains étaient des séparatistes pires que les gentils : on ne devait ni leur parler, ni leur écrire, ni goûter de ce qui venait de leurs terres. Pour les Juifs de Samarie ceux de Juda étaient des parvenus sans vergogne : on devait refuser de les recevoir dans les maisons honnêtes. N'oublierez-vous jamais ? dit Bar-Jehoudda aux Samaritains de Sichar. Empêcherez-vous toujours le retour à l'unité, vous, Enfants de Dieu comme nous ? Continuerez-vous à affaiblir Israël en face de l'ennemi païen ? Justifierez-vous chaque jour cette parole si vraie : Tout royaume divisé contre lui-même périra ! Vous détestez les Juifs du Temple ? Pas plus que moi dont ils ont tué le père. Levez-vous contre ces Juifs latinisants, je vous amènerai ceux de Galilée et de TransJordanie. Et tous ensemble nous chasserons l'étranger après avoir emporté le Temple. La proposition vous étonne, venant d'un Juif ; mais ce Juif est sincère, puisqu'il est intéressé dans votre vengeance. Ainsi cette bonne âme pardonne aux frères de Samarie l'injustice que son père David leur a faite jadis. En politique ce fou est très sage. Pour les décider il fit avec eux comme avec les Juifs de Car la promesse est faite à David et, malgré toutes leurs répugnances, il faut que les Samaritains s'en accommodent, s'ils tiennent à vivre mille ans avec Jésus. Il y a là une question de fait : le christ du Christ est dans la maison de David, et il est, lui, Bar-Jehoudda, deux fois fils de David. De plus il est du sang de Moïse et d'Aaron : combinaison idéale et qui ne se retrouvera Plus. Les gens de Sichar ne perdront rien en marchant avec lui, car sur le Garizim David a enterré des vases... mais des vases... enfin des vases... dont les Samaritains lui diront des nouvelles quand il les leur fera voir. Mais s'il leur révèle dès maintenant tout ce que contiennent ces vases, où sera le charme ? Sans doute un de ces vases était déjà célèbre pour contenir la manne tombée dans le désert sur l'ordre de Dieu pendant la nuit. Moïse l'avait recueillie[39], on avait déposée sur le Garizim et, en cherchant bien, son descendant trouverait le récipient. Mais il n'y en avait Pas qu'un, il y en avait plusieurs où sommeillaient dans un rayon d'or le miel avec lequel était fait le pain des Anges et l'huile réservée pour la grande onction messianique. Bar-Jehoudda savait où ils étaient, lui ! Les Samaritains n'auront donc pas la sottise de passer à
côté du salut ; Iahvé a fait avec eux l'alliance de la circoncision, ils
boivent au puits où Jacob a bu. Où trouver une boisson meilleure sinon dans
l'Eden de demain ? Elle est déjà sainte par l'origine et par l'âge, que
sera-ce quand le jésus lui-même aura plongé les Zélateurs de Sur l'endroit de Samarie où Bar-Jehoudda a baptisé passe
un fil que l'histoire doit enfiler à son aiguille : Ephraïm est donné comme
étant le point où le Joannès cessa de circuler librement
parmi les Juifs[40]. Ephraïm n'est
que le nom de la tribu : le nom de lieu, c'est Ænon, Ainon (Eaux) près de Salira. On ne connaît que deux
Salim dans la tribu d'Ephraïm, l'une à vingt-cinq minutes et en face de
Sichar, l'autre sur les confins de VII. — LES CINQ ÉPOUX DE Seuls quelques villages autour de l'Ebal et du Garizim se
laissèrent endoctriner. Le reste s'enferma dans une défiance incrédule : gent
qui n'eut point d'yeux pour voir, point d'oreilles pour ouïr, point de langue
pour parler, point de jambes pour marcher ; peuple aveugle, sourd, muet et
paralytique, de qui Bar-Jehoudda n'a pu se faire entendre alors qu'il
incarnait le Verbe millénariste. Voilà tout le portrait des Juifs dans l'Évangile.
Ils n'ont pas suivi Jehoudda et ses fils, ils ont abandonné Derrière Bar-Jehoudda et ses frères, Jésus apparaît près
de Sichar. Sans entrer dans la ville, il s'arrête au puits de Jacob proche de la concession que Jacob donna à son fils Joseph.
Voilà d'un seul mot les Samaritains admis topographiquement au Royaume. La
suite dépend d'eux. Bar-Jehoudda ne partage pas les préjugés des autres Juifs
contre Quoi ! vouloir abandonner si vite Jacob et son puits ? Le
jeu de mots qui suit nous explique la promptitude de ce revirement : Va, dit Jésus, appelle ton
époux et viens. (Ironie féroce. Jésus
sait que Certes il eût mieux valu que le Royaume se réalisât sous
les couleurs magnifiques dont Jehoudda et ses fils l'avaient paré dans leurs
Révélations ! Mais puisqu'ils se sont trompés, puisqu'ils ont déçu l'attente
des Juifs, Jésus est bien obligé de condamner la doctrine qu'ils leur ont
prêché. Femme, dit Jésus — il lui parle comme
il parle à Maria, sa mère selon la fable, — femme,
crois-moi ; l'heure vient que vous (Juifs
et Samaritains) n'adorerez le Père ni en
cette montagne ni à Jérusalem ; vous vous prosternez (les uns et les autres) devant ce que vous ignorez ; nous (les gnostiques),
nous nous prosternons devant ce que nous connaissons parce que le salut
procède des Juifs. Mais l'heure approche, et elle est là, que les vrais
hommes religieux adoreront le Père en esprit et en vérité, car le Père
demande de tels adorateurs. Dieu est Esprit (ah ! mais non, il est Homme dans l'Apocalypse et son Fils de
même !) et il faut que ceux qui l'adorent, le
fassent en esprit et en vérité. — Plus de baptême de feu, plus de
Jérusalem descendant des cieux avec les Douze Apôtres pour fondement, plus
d'Eden aux douze récoltes, plus rien hélas ! de ce qu'avait prêché le jésus !
— Je sais, dit A ces mots, Voilà certainement un discours des plus curieux. C’est le discours d'un pur Valentinien qui combat le millénarisme du jésus, mais à regret. Juif, il en retient cette idée que le salut procède des Juifs, il en sauve Cette épave du baptême qui, avec un petit coup de Peinture, fera l'effet d'un sacrement. On peut vendre cela très cher aux goym, puisqu'ils ont la même peur du feu que les juifs de Bar-Jehoudda et que, convenablement roulés par les mythologues évangéliques, ils semblent disposés à considérer ce failli comme un dieu. Quant à celui-ci et à ses frères, lorsqu'ils reviennent de
Sichar, il s'est écoulé plus de cent ans. Aussi 8 ont-il s très étonnés de
trouver Jésus là où ils se sont Prêtés en 785 avant d'aller aux provisions.
D'abord Jésus cause avec une femme, chose incompréhensible, puisque, selon
eux, c'est par une femme que la mort est entrée dans le monde. Ensuite il
refuse de toucher aux vivres qu'ils lui ont rapportés. Sur le premier point
Jésus ne fournit pas d'explications, elles découlent de Et les christiens que l'Evangéliste met en scène
ressemblent si peu à ceux de 785 que Jésus dit à ces derniers : Ne dites-vous pas vous-mêmes : Il y a encore quatre
mois (quatre Agneaux) et
la moisson viendra (avec le Christ
moissonneur de l'Apocalypse)... Mais ici
se vérifie le proverbe : Autre le semeur, autre le moissonneur. Moi je
vous ai envoyé moissonner où vous n'aviez pas travaillé, d'autres ont
travaillé et vous êtes entrés en leurs travaux[47]. Le semeur de
785, c'est le jésus de l'Apocalypse. Le moissonneur, à l'heure où
écrit l'évangéliste, c'est le Jésus de la fable. Pour moissonner au
spirituel, comme il l'entend ici, il renonce à baptiser de feu les élus ; le
baptême d'eau, tel que Bar-Jehoudda l'a institué, suffit. A l'instar de
Jonas, le semeur de 785 se préparait à récolter sur une terre que pourtant il
n'avait pas faite[48] ; d'autres ont
travaillé depuis, les Juifs valentiniens notamment ; et c'est Bar-Jehoudda,
sous le nom de Jésus, c'est son père, sous celui de Joseph, c'est sa mère, sous le nom de Maria, ce sont ses
frères qui, transfigurés par le mythe, sont les moissonneurs d'une récolte à
laquelle ils n'ont pas, travaillé. Qu'ils daignent régner par la ruse,
puisqu'ils ne l'ont pu par la force ! Telle est la psychologie de ce fatras
obscur et insidieux, l'un des plus plats et des plus niais de tout
l'Evangile, mais aussi l'un des plus précieux par la vérité qui s'en échappe.
En 785, trois ans après le lancement de l'Apocalypse, Bar-Jehoudda fut
reçu par les habitants de Sichar qui l'ont gardé pendant deux jours, si ce
n'est plus[49],
et ont conclu de ses titres et de ses Révélations qu'il était le précurseur
du Christ annoncé pour 789. Il les a entraînés à Ænon près de Salim où il les
a baptisés, c'est-à-dire enrôlés. Mais Jésus est si visiblement une
christophanie que les habitants de Sichar disent à Or, la parabole de Ici je pose des questions auxquelles je défie qui que ce soit de répondre. Si Jésus existe en chair, comme le prétend l'Église, si Mathieu est apôtre de Jésus, si Marc est l'interprète de Pierre, apôtre de Jésus, s'il existe un certain apôtre Jean auteur du Quatrième Évangile, — je laisse Luc de côté — comment se fait-il que ni Mathieu, qui dans cette hypothèse était au puits de Jacob avec Jésus, ni Pierre, qui y était aussi et qui a dicté l'évangile de Marc[51], comment se fait-il, dis-je, que ni Mathieu ni Pierre ne se soient rappelé l'épisode le plus extraordinaire de tous au point de vue du résultat : la conversion des Samaritains à leur prétendu maître ? Comment se fait-il, s'il est défendu aux apôtres de pénétrer dans les villes samaritaines, que le Jésus et ses frères aient séjourné dans Sichar et à Ænon, près de Salim ? Comment se fait-il que, dans les Actes des Apôtres, Philippe aille baptiser en Samarie, au lendemain de la crucifixion de son aîné, et que Pierre et Jean l'y rejoignent immédiatement, sous le vague prétexte de discuter avec un certain Simon, magicien de Kitto, chypriote qui n'a probablement jamais mis les pieds à Gitta de Samarie ? Je réponds pour vous : Il y a concert frauduleux entre les Actes et les Synoptisés. Les Actes nous cachent quelque chose, et cette chose c'est celle que les Synoptisés nous cachent de leur côté : la préparation de la révolte en Samarie par le Joannès-jésus, Shehimon, Philippe et consorts après la pâque de 785. Le Jean qui est en Samarie avec Philippe et Pierre, c'est le Joannès-jésus lui-même, c'est Bar-Jehoudda, et naturellement, à la date de 785, il n'a pas encore été crucifié. Comme on ne pouvait, étant donné Josèphe[52] et le Quatrième Évangile, nier que les apôtres eussent opéré en Samarie, on a mis dans les Actes qu'ils y étaient allés pour combattre Simon le magicien, et on a fait de ce Simon un samaritain de Gitta, alors qu'il était chypriote de Kitto. Ainsi, de quelque côté que nous nous tournions, depuis les grandes lignes jusqu'aux menus détails, nous nous heurtons au Mensonge de parti pris ; il faut nous y faire, nous n'en sortirons pas[53]. VIII. — MARIAGE D'HÉRODE ANTIPAS AVEC HÉRODIADE (787). Après sa campagne baptiste en Samarie, Bar-Jehoudda revint chez sa mère, à Kaphar Naüm où le bruit de ses exploits l'avait précédé. Mais il n'y rentra pas sans quelque appréhension, ayant déclaré lui-même qu’un prophète n'est point honoré dans son pays[54]. Et d ailleurs un événement se produisit qui est d'une Portée minime pour la grande histoire, mais incalculable pour l'histoire cantonale qui nous occupe : Philippe, tétrarque de Gaulanitide, Bathanée et Trachonitide, mourut en 787 après trente-sept ans de règne[55]. On l'enterra dans Bethsaïda, nous n'ajouterons pas sous les yeux du Nazir, puisqu'il lui était défendu par son vœu d'assister à la cérémonie. La secte christienne avait fait peu de progrès en Galilée cisjordanique. C'est surtout sur la rive orientale du lac de Génézareth et du Jourdain que Bar-Jehoudda recrute son armée, dans la tétrarchie de Philippe. Ce Philippe est un Hérode à part, pacifique, aimant ses États et peut-être ses sujets, quittant peu ses biens et" les embellissant fort, sans trop songer à mal. Il ne détestait pas les Juifs hellènes, il y en avait autour de lui d'assez propres et qui pouvaient lire Philon dans le texte. Il s'entendait à la justice et souvent on le pressait de la rendre au bord du chemin, sous un arbre. L'Évangile ne le charge point. Antipas, tétrarque de Galilée, avait failli être roi, il
ne l'oubliait pas. Du côté de Philippe cérémonieusement enterré dans Bethsaïda Juliade, Antipas résolut d'aller demander à Tibère la succession du défunt. Vraisemblablement il prit sa route par Antioche, car, dans les circonstances où il e tait, il ne s'embarqua pas sans avoir vu et pressenti le proconsul Pomponius Flaccus, de qui il dépendait par ses ambitions. A Juliade, à Césarée, à Antioche, qu’importe ? il vit ses deux nièces, la grande et la petite : la grande, Hérodiade, encore belle, désirable et remuante, juste la femme d'intrigue qui lui avait manqué jusque-là. On causa des choses juives, de cette tétrarchie vacante à laquelle il manquait un homme, et de cette autre à laquelle il manquait une femme, car pouvait-on donner ce nom à cette fille arabe qu'Anti-pas avait prise par intérêt et qui ne lui avait rien apporté, sinon des terres contestées ? Le pharisaïsme donna de la voix, lui aussi : était-il bon qu'un prince juif eût cette arabe avec lui ? On comprendrait beaucoup plutôt qu'il fit venir dans Séphoris et dans Tibériade une femme de sang iduméen, comme était, par exemple, Hérodiade. Elle avait un mari, c'est vrai, et ce mari, son oncle, était par surcroît demi-frère du futur. Mais n'était-on pas entre Hérodes ? De ces entrevues Antipas emportait une impression fort chaude que le voyage entrepris n'effaça point. Il proposa tout net à Hérodiade de l'épouser, quand il serait revenu de Rome. Puisqu'elle voulait bien se charger de son mari, Antipas faisait son affaire de la fille d'Arétas. Hérodiade se tenait toute prête, et lorsqu'Antipas la revit, il l'emmena. Dans l'intervalle, sa femme, ayant appris sa disgrâce, s'était retirée chez son père, sans esclandre, avec l'agrément marital. Cet Antipas eut toute sa vie l'air d'un homme qui a manqué la couronne. S'il prit Hérodiade à son mari, c'est que son ambition ridée et fanée avait besoin d'être ravivée par celle d'une femme impérieuse et riche. Tandis que Salomé, sa fille, avait grimpé d'un saut d'enfant dans le lit de Philippe, Hérodiade était restée femme d'un tétrarque sans avenir. Si elle abandonnait ce barbon pour entrer dans le lit d'Antipas, elle réunissait ainsi trois tétrarchies, tenait dans sa petite main la moitié du royaume d'Hérode le Grand. Philippe mort, il ne restait dans Césarée qu'une petite veuve qu'on caserait ailleurs, un jouet. Hérodiade et Antipas purent croire que, pour commencer, les États de Philippe allaient leur revenir. Tibère était vieux, on aurait bientôt un jeune empereur qui comprendrait les raisons du ménage. En attendant on courberait l'échine devant le proconsul de Syrie et on lui rendrait tous les services qu'on pourrait du côté des Parthes, dans l'espoir qu'il aurait égard aux prétentions d'Antipas sur la tétrarchie vacante. Quoi qu'il en soit de toutes ces intrigues, le voyage d'Antipas à Rome est bien de 787, c'est bien à son retour qu'il épouse Hérodiade, et ce ne peut être avant 787 que le Joannès-jésus, le Boanerguès de l'Apocalypse et de l'Évangile, tonne au Jourdain contre ce scandale. Pour tonner de cette sorte, il n'avait pas attendu qu'Antipas eût fait venir Hérodiade en Galilée : le tétrarque était beaucoup plus coupable pour avoir introduit une fille arabe dans son palais ; et s'il s'était contenté de la chasser, loin d'encourir les foudres du prophète il les eût plutôt écartées. Mais la chronologie importe ici plus que la morale. Nous sommes en 787, vingtième année de Tibère, et le Précurseur continue à prêcher au Jourdain ! Et selon le calcul de l'ancienne Église, cinq ans se sont écoulés depuis la crucifixion de Jésus-Christ sous le consulat des deux Geminus, soit 782 !!! Méditez cela, je vous prie, exégètes ! Cependant, Antipas se berçait de beaux rêves et, sur le conseil de l'astucieuse Hérodiade, nommait son frère Agrippa gouverneur de Tibériade dans l'espoir que ce prétendant, couvert de dettes criardes, se contenterait d'une situation qui lui permettrait de les payer. Sous-tétrarque fastueux, ami de Caïus (Caligula), qui serait empereur demain, maître d'une ville qui supplantait progressivement Séphoris et prenait des airs de capitale, Agrippa pourvut ses proches des postes et des emplois les plus importants. Penché sur son doit et avoir, il ne voyait pas les astres qui, par une conjonction tendancieuse, annonçaient l'avènement du Fils de l'homme et plus encore celui du fils de David. Un petit jeune homme commençait à s'agiter dans l'atmosphère hérodienne, un prince nommé Saül qui, la valeur n'attendant pas le nombre des années, réclamait des pierres pour lapider le premier des fils de Jehoudda qui lui tomberait sous la patte. Tibère déjoua tous les calculs d'Antipas et réunit à Le proconsul intervint certainement pour prendre possession de la tétrarchie vacante au nom de l'Empereur ; mais au point de vue fiscal la situation des habitants n'empira point. Tibère laissa dans le pays le revenu du tribut qu'ils payaient à Philippe. Les Juifs de Judée et les Samaritains relevaient de Pilatus ; le fils de David releva de Flaccus, prédécesseur de Vitellius au proconsulat de Syrie. Un détail m'a toujours frappé dans ce qui reste du livre de l'Empereur Julien contre les christiens dits Galiléens. L'homme qui fut crucifié par Pilatus était sujet de Rome, nous le prouverons, dit Julien. Cela veut dire qu'il était vis-à-vis des proconsuls dans la même condition que les Juifs de Judée et les Samaritains vis-à-vis de Pilatus, c'est-à-dire soumis au cens. Du jour où Vitellius perçut le tribut par des publicains à lui, Bar-Jehoudda rentra dans la définition qu'en donne Julien. Mais il releva de Pilatus pour tous les crimes commis en Judée et Samarie. Si l'homme crucifié par Pilatus eût habité IX. — ARRESTATION ET FOUET (SEPTEMBRE 787). La fête des Tabernacles étant proche, ses frères lui
dirent : Pars d'ici et t'en va vers Placée à l'extrémité occidentale de la croix solaire, la
fête des Tabernacles balance mathématiquement celle de La fête des Huttes ou Tabernacles a été diversement
interprétée par les rabbins et je n'en veux point disputer avec eux. Comme Le huitième jour était dit le grand
jour, parce qu'il avait été, comme son pendant de Quelle Ecriture ? Nulle autre que l'Apocalypse et
c'est pourquoi on ne la cite pas. D'ailleurs ne trouve-t-on pas ce fleuve
d'eau vive dans Ezéchiel, dans Joël et dans Zacharie, jaillissant de
Jérusalem, arrosant les deux versants de la montagne, fertilisant la plaine
et coulant éternellement ? Mais si l'on cite l'auteur de l'Apocalypse, on va
livrer tout le secret de la fabrication évangélique. On va montrer que cette
eau vive est de source hermétiquement joannique, qu'elle a nom Millenium
du Zib. Aux jours de votre délivrance et de
votre salut, dit Isaïe en parlant des jours du Christ, vous puiserez dans une grande joie les eaux des fontaines
du Sauveur (le Silo). Or le
jésus a baptisé de l'eau de la délivrance et du salut à la piscine de Siloë.
Aux sources du Jourdain comme à celles de Kapharnahum, aux sources d'Ænon en
Juda, comme à celles d'Ænon en Ephraïm, il a suivi ponctuellement les
Révélations qui le concernent. Il fera de même à l'Ain de Siloë, la fontaine ouverte à la maison de David et aux habitants
de Jérusalem pour y laver les souillures du pécheur et de la femme impure[59]. Il arrive à la mi-fête, par conséquent le quatrième jour où les prêtres allaient puiser l'eau à la fontaine probatique dans des vases d'argent. Mais ils avaient récemment consenti à ce que Pilatus amenât de l'eau à Jérusalem et même ils avaient contribué à la dépense sur les fonds du trésor sacré. Et cette eau paganisée, des Juifs s'en servaient ! Bar-Jehoudda fit un tapage infernal, ameuta les disciples, guetta les prêtres près de la fontaine et fit si bien qu'il les empêcha, soit d'y porter les vases, soit de les remporter, car Luc est le seul qui Parle de cette affaire, sans détails, avec le désir manifeste d'en réduire les proportions, quoiqu'elle ait été l'un des motifs invoqués par le sanhédrin dans sa sentence de mort contre Bar-Jehoudda. Le Quatrième évangile s'étonne qu'à cette occasion Bar-Jehoudda n ait pas été lapidé. Mais, disent les Juifs, qui parle de te faire mourir ? Et, en effet, il a beau crier qu'il est le christ, personne ne l'arrête parce que son heure n'était pas encore révolue. Il va les défier jusque ans le Temple où il recommence à clabauder. Les pharisiens et les chefs des prêtres envoient des sergents pour le saisir, ceux-ci reviennent sans en avoir rien fait. Il échappe. On ne veut plus qu'il ait été arrêté, à cause de la peine du fouet qui lui fut appliquée comme ses frères, car tous les apôtres furent arrêtés, disent les Actes. Cet emprisonnement ne peut se confondre avec l'affaire de simple police que nous avons contée, qui ne tire pas à conséquence, ne dure qu'une nuit, n'engage que Bar-Jehoudda et Shehimon. Il s'agit cette fois d'un emprisonnement général et d'une émeute où le peuple intervient. Dans les Actes, c'est Shehimon qui a la direction de la bande. Ils sont arrêtés, dit le scribe, par ordre du Grand-Prêtre et ceux de son parti. Mais pour quelle cause et dans quelles circonstances ? Voilà ce qu'il ne peut pas dire. Dès la première nuit, ils s'évadent. Comment ? Un ange du Seigneur les délivre ; et au point du jour on les retrouve enseignant dans le Temple. Pendant ce temps Kaïaphas et les siens avaient assemblé tout le Sanhédrin et tout le Sénat. Ils envoient chercher les prisonniers par des sergents. Les sergents trouvent les portes de la prison fermées, les gardes à leur poste, au dedans personne ; ils reviennent, au comble de l'étonnement. Kaïaphas est étonné, lui aussi ; mais combien plus quand il apprend que les fugitifs sont tranquillement dans le Temple où ils enseignent ! On a pensé que, s'ils s'étaient retrouvés au matin dans le Temple, c'est qu'ils avaient été enfermés dans la tour Antonia, qui en effet communiquait avec lui par un souterrain. Mais la tour Antonia était prison romaine, et Bar-Jehoudda n'était point encore justiciable de Pilatus. Dans les dernières années les crimes s'étaient multipliés
à tel point, et leur répression était si antipathique au peuple que le
sanhédrin, par crainte de représailles, avait abandonné le Gazith où il
rendait ses sentences pour se rapprocher de la vieille prison du Temple où il
enfermait les condamnés[60]. Il s'était établi
dans le Hanoth ou Boutiques du Mont du Temple, hors de l'enceinte sacrée,
paraît-il, au nord est, en contrebas du Portique de Salomon[61]. Il y avait là,
dans l'angle, une grande salle de vieille construction et bâtie par les Marchands.
La tradition musulmane veut que Salomon y ait jugé. La prison était auprès,
non loin de la porte Judiciaire ou de Délivrés par leurs partisans, ce n'est point par un souterrain qu'ils entrèrent dans le Temple ni pour y enseigner la théologie, c'est par la porte et pour rallier les Zélotes. Depuis quelque temps, il y avait dans le Monument des prodiges d'où les forces célestes étaient lisiblement absentes. Un matin on avait trouvé ouverte la porte de bronze qui était toujours fermée le soir[62]. Or, il ne fallait pas moins de vingt hommes pour cette manœuvre. Le rabbin Jochanan ben Zaccaï était alors vice-président du Sanhédrin : de cette porte ouverte il conclut que le Temple devait être détruit par le feu : Temple, dit-il, nous connaissons ton sort. Ben Zaccaï connaissait l'Apocalypse et se rappelait la pâque du Recensement. C'est un miracle de ce genre qui avait ouvert le Temple à Bar-Jehoudda et à ses frères. Otons l'ange qui fait tomber les serrures de la prison, ils sont délivrés par le peuple avec la complicité des gardiens. Le jésus échappant aux sergents, prêchant dans le Temple malgré les prêtres et se retirant en paix, a évidemment un air plus détaché de ces contingences. Les sergents coururent au Temple, y cueillirent ces forcenés et les amenèrent au tribunal. Le Sanhédrin délibéra et ne les relâcha qu'après leur avoir appliqué la peine du fouet. Ils voulaient le lapider, dit le Quatrième Evangile, ils prirent des pierres pour les lui jeter[63]. Gamaliel, dit-on, parla pour eux. Son intervention n'est pas impossible, il présidait ; mais le discours qu'on lui attribue est faux[64]. Le jésus a donc été plusieurs fois emprisonné, une fois avec Shehimon et le boiteux, avouée par les Actes seuls, une autre fois avouée par tous les Evangélistes[65], et qui correspond parfaitement à la fête des Tabernacles, (on s'est borné à faire disparaître la circonstance). Les Actes ont déplacé cette affaire pour ne pas être obligés de reconnaître que le Juif consubstantiel au Père avait reçu trente-neuf coups de fouet sur le postérieur. Les Évangiles, tout en avouant un vague emprisonnement, ont supprimé le fouet comme contraire à l'esthétique. Pour le même motif le Quatrième Evangile, tout en avouant une manière d'évasion, supprime l'emprisonnement parce qu'il aboutit au fouet. C'est que de toutes les peines inventées par les nommes la
flagellation est celle qui ridiculise le plus, parce qu'elle déshabille les
régions du corps que les anglais ont nommées inexpressibles pour tourner la
difficulté. Le prestige de Bar-Jehoudda n'étant pas augmenté par cette
exhibition lombaire, les Évangiles remettent à Pilatus lui-même le soin de
lui administrer le fouet ; et dans les prophéties par lesquelles Luc prépare
le lecteur à Kaïaphas semble avoir hésité à sévir contre les fils de
Jehoudda. Il avait peur de cette bande toujours à la veille d'emporter le
Temple. Deux fois, trois fois peut-être, il eut les chefs sous la main et les
relâcha comme avait nourri la secrète espérance de voir leur folie assez
forte pour jeter Pilatus hors de Judée. Il les laissa faire et aller tant que
sa responsabilité personnelle ne fut pas en jeu. Les Actes constatent à deux
reprises la terreur qu'ils jetaient dans Jérusalem ; les Evangiles montrent
les prêtres constamment partagés entre les velléités d'arrestation et la
crainte d'un soulèvement. Comment n'être pas frappé de l'aisance avec
laquelle les prisonniers s'évadent, de la spontanéité du Temple à se
transformer pour eux en lieu d'asile, des sympathies qu'ils comptent au
Sanhédrin et qui brillent comme un feu doux dans la plaidoirie de Gamaliel ?
Certes Kaïaphas les arrête, il les enferme à triple tour, mais les portes
s'ouvrent devant eux par la miraculeuse complicité des verrous. Honneur à ces
honnêtes gardiens ! Eux au moins sont de leur temps. Ils ont agi en bons
zélotes, en bons serviteurs de Pourtant un nouveau grief et très caractéristique surgit contre Bar-Jehoudda. Les Pharisiens le couvrent d'injures et le chassent, mais on voit poindre dans leur colère une insulte inconcevable pour quiconque ne connaît pas ses négociations et ses baptêmes en Samarie. Comment l'appellent-ils ? Samaritain. Et c'est le signe du plus profond mépris qu'ils puissent lui témoigner. Tu es un Samaritain, s'écrient-ils, et tu as le diable ! Quoi ! Samaritain, cet homme que tous savent être surjuif par son père et par sa mère ? Oui, Samaritain, car il a partie liée avec les chefs de Sichem contre le Sanhédrin, avec le Garizim contre le Temple. X. — ASSASSINAT D'ANANIAS ET DE SAPHIBA PAR SHEHIMON ET CONSORTS. Bar-Jehoudda et ses frères quittèrent Jérusalem, la tête plus chaude encore que les lombes, ruminant cent Projets de vengeance contre ces gens de Sodome et Egypte. Malgré tous leurs appels à la crédulité juive, il entait
peu de citadins dans la combinaison financière. Trois siècles après l'ère
apostolique, le scribe des Actes, traçant un idyllique tableau de Après cet exploit, Ananias était allé aux champs où il goûtait un repos virgilien. Mais suivons les Actes dans leur version et tirons-en la moralité. La scène est chez Ananias. Est-ce avec son agrément ou par force que les apôtres se sont introduits dans sa maison ? Le lecteur choisira. Ananias possédait un champ et il avait promis de le vendre
pour en déposer le prix aux pieds des apôtres.
Ananias vend, mais ressaisi par l'amour de la propriété, le cœur gros, il
remet en garde à sa femme une partie de l'argent, et n'apporte aux apôtres
que le reste, excès ou différence. Le sacrifice d'Ananias ne lui paraissant
pas à la hauteur de ses ambitions, Shehimon le regarde de l'œil dont il caressait
sa sique et lui dit : Ananias, comment le Satan
a-t-il rempli ton cœur pour que tu mentes au Saint-Esprit en lui soustrayant
une partie de ta propriété ? Si tu voulais la garder, il ne fallait pas la
vendre ; en conserver le prix, il fallait le retenir entièrement. Tu n'as pas
menti aux nommes, mais à Dieu. La sensibilité d'Ananias jaillit en
cette circonstance. Il fut tellement saisi qu'il tomba et, alors qu'il aurait
pu rendre l'argent, il rendit l'âme. L'autopsie n'ayant point été publiée,
nous ne savons si ce fut de son propre mouvement qu'il fit ce suprême effort.
Ananias était là, gisant devant les apôtres, il fallait s'en débarrasser.
Shehimon fit signe aux plus jeunes (un
enfantillage, comme on voit !), qui prirent le corps, l'emportèrent au
dehors et l'enfouirent avec une prestesse qui épouvante, car on peut craindre
qu'ils ne l'aient enterré vivant. Si Ananias, vaincu par l'émotion inséparable d'un premier
début dans le don manuel, est tombé naturellement, on se demande pourquoi ils
l'enterrent avec cette précipitation, sans chercher à le rappeler à la vie —
comme le veut l'humanité — et ensuite, lorsque leurs efforts eussent été
vains, à démontrer qu'il était mort de lui-même — comme l'exigeait la
prudence. Traction rythmée de la langue, puis déclaration spontanée à Le cas de la pauvre Saphira n'est pas moins douloureux. Voici une femme qui, elle aussi, a de l'argent dans sa sacoche. Elle a tout ce qu'on n'a pas pris à son mari. Trois heures après la mort d'Ananias, elle rentre, ne sachant rien, n'ayant entendu parler de rien. Shehimon avait à la main l'argent du mari (on n'avait pas enterré le métal). Il le montre à la femme et élevant la voix : Dis-moi, avez-vous vendu le champ ce prix-là ? (En lui demandant ce qu'il savait très bien par le mari, Shehimon tend un piège odieux à la femme.) Est-ce bien là tout l'argent de la vente ? — Oui, répond Saphira. Alors Shehimon : — Tu mens. Tu t'es entendue avec ton mari pour tromper Dieu. Par la porte ouverte sur la campagne Shehimon lui montre un cadavre et des hommes qui creusent une fosse ; elle devine ce qui est arrivé, ce qui va lui arriver à elle-même, et prise de l'étourdissement qui a été tout à l'heure si fatal à son mari, elle s'abat, comme lui, raide morte aux pieds des apôtres. Cette fois ils ont leur compte : Ananias ne leur doit plus rien. Sans doute les desseins de Dieu sont impénétrables, et s'il lui a plu de rappeler à lui coup sur coup Ananias et sa femme, ce n'est pas à nous de le trouver mauvais. Cependant notre cœur pitoyable nous porte à plaindre ce petit ménage de Juifs qui, enrichi peut-être en commerçant avec les hommes, avait consenti à s'appauvrir pour commercer un jour avec les anges. Ce jardin assez grand pour recevoir deux cadavres et assez écarté pour cacher les allées et venues des meurtriers est un décor très convenable à cette histoire de chauffeurs. On attendait Ananias eu force suffisante et, sans vouloir prononcer le mot guet-apens qui éveille de vilaines idées, on peut dire que l'arrivée du pante n'est une surprise pour personne. Ananias arrivé, Shehimon impatient de justice divine l'égorgé après l'avoir dépouillé. Ceux qui l'ont enterré, les jeunes aux biceps saillants, rentrent, mais la besogne n'est pas terminée : il y a là un second cadavre. Ils l'emportent à son tour et l'enterrent. Très habile en ceci qu'aucun coup n'est porté par le bras de Shehimon, cette version est prodigieusement maladroite dans le fond. On peut reconstituer le crime avec des variantes : admettre, par exemple, qu'il ne s'est pas écoulé trois heures entre les deux meurtres ; que Saphira est accourue aux cris d'Ananias ; qu'elle l'a vu emporter et enterrer plus ou moins mort : la conclusion est la même. Un double assassinat qui s'avilit d'un double vol[68]. Mieux eût valu dire la vérité : montrer te courroux zélote s'élevant contre les gens du sanhédrin après la fustigation des apôtres, et la main de Dieu sortant ensanglantée de la manche de Shehimon. C'eût été moins déshonorant, mais trop historique : on aurait retrouvé les fils de Jehoudda sous la robe des apôtres ; les Actes auraient conduit à Josèphe ! Ce forfait dont les auteurs furent plus vite soupçonnes que convaincus eut un retentissement énorme, ce qui amena une grande crainte sur l'Eglise et sur tous ceux qui apprenaient ces choses[69]. XI. — LAPIDATION DE JACOB JUNIOR ET DÉBUTS DE SAÜL. Trois mois après, les fils de Il échappa de leurs mains ! s'écrie triomphalement le scribe. Mais quelqu'un fut pris qui le touche de si près que dans le Talmud de Babylone, il passe lui-même pour avoir été lapidé avant d'être crucifié. Si ce n'est lui, c'est donc son frère, c'est Jacob junior dit Andréas dans l'Évangile et Stéphanos dans les Actes. Le bouillant Jacob avait été de ces jeunes qui s'étaient illustrés dans l'enclos d'Ananias. En style biblique, il avait consacré sa main dans le sang d'un Juif insuffisamment xénophobe. Quand il fait en Moïse l'apologie de la vengeance et de la vengeance par l'assassinat, c'est sa propre cause qu'il plaide. Voyant l'un de ses frères à qui on faisait tort, Moïse le défendit et vengea celui que l'on outrageait en tuant l'Égyptien (qui l'avait outragé). Or il pensait que ses frères comprendraient que Dieu leur devait donner délivrance par sa main ; mais ils ne le comprirent point[71]. Ils comprirent encore bien moins en 787, d'autant que, loin de se présenter avec la modestie qui convient à un meurtrier, Jacob proféra de nouvelles menaces blasphématoires, hurlant que le Sanhédrin n'en avait pas pour longtemps et que le Christ Jésus allait bientôt venir détruire le lieu saint[72]. Cette fois, le peuple se rangea du côté des Anciens et des Scribes, on courut sus à Jacob, on l'enleva, disent les Actes, et on le traîna devant le sanhédrin. En vain donna-t-il à son visage une expression angélique et déclara-t-il, d'après l'Apocalypse, qu'il voyait déjà les yeux ouverts et le Fils de l'homme à la droite de Dieu[73], Gamaliel et le conseil lui répondirent selon la formule par des grincements de dents, et passant aux voix le condamnèrent à mort. Ainsi feraient de nos jours toutes les cours d'assises de la chrétienté. La condamnation de Jacob fut accueillie par des cris assourdissants, on emmena le misérable hors de la ville et il succomba sous les pierres[74]. Au lieu du supplice étaient les témoins qui avaient déposé contre Jacob, parents, amis d'Ananias, et qui, pour satisfaire leur rancune, s'étaient transformés en bourreaux. Le plus acharné de tous était Saül qui n'avait point de raison pour se trouver là s'il n'était pas ou l'allié d'Ananias à un degré quelconque, ou l'officier qui avait arrêté Jacob. C'est ce Saül dont on a fait saint Paul, mais avec quelle peine ! Un travail de Romain ! J'ai longtemps cru que le martyre de Stéphanos était une invention destinée à consoler les Juifs hellènes qui, ne pouvant prétendre au premier rang dans l'échelle martyrologique (personne ne peut venir avant les héros de l'Evangile), occupaient honorablement le second rang non par une crucifixion — c'eût été trop demander — mais par une lapidation en règle. Je m'étais trompé. Il n'y a qu'un seul supplice par lapidation dans les légendes apostoliques et c'est celui de Jacob junior ; Jacob senior fut crucifié[75]. Stéphanos n'est pas un nom propre, mais un nom d'attribut
: XII. — RÉSURRECTION DE JACOB JUNIOR. Jacob mort, des hommes pieux
l'ensevelirent et menèrent grand deuil à son endroit. Ils le
transportèrent à Kaphar Naüm, car voici ce que dit Luc, d'après les plus
anciens thèmes : Jésus, se rendant en une ville (Kaphar) nommée Naïn[77] et beaucoup de ses disciples marchant avec lui ainsi
qu'une foule nombreuse, comme il approchait de la porte de la ville[78], on emportait un mort, dont la mère était Veuve[79], et une masse de gens du bourg se tenait avec elle[80]. Le Seigneur la voyant en eut pitié et lui dit : Ne
pleure point. Il s'avança donc, toucha le cercueil et, les porteurs s'étant
arrêtés, il s'écria : Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi. Le mort
s'assit alors sur son séant, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère[81]. Cette
Résurrection, beaucoup trop transparente à cause du lieu, de la date, de Partout cette résurrection fut remplacée — quel progrès avec le temps ! Jésus ressuscitant un roumi ! — par celle du fils du centurion ou officier royal[83]. Lorsqu'on a fabriqué les Actes, on a mis ce martyr parmi les Sept
Diacres de l'Église de Jérusalem. De ces diacres on a fait des
hellénistes, — on nommait ainsi les Juifs qui parlaient grec — et du crime
qu'il expia une petite querelle entre Araméens et Hellénistes, à propos du
service intérieur des agapes. Les Diacres dont parlent les Actes comme
ayant été choisis par les Douze pour suppléer ceux-ci sont de la même farine
que les Douze eux-mêmes. Ce chiffre sabbatique a été introduit dans les Actes
pour faire suite à celui des Douze introduit dans les Évangiles. De même que
les Douze répondent à la division du Thème du monde, les Sept rentrent
dans le cadre sabbatique de l'Apocalypse. Cependant, à la différence
des Douze, ils ont une origine dans l'apostolat réel, ils sont mis en
remplacement des Sept puissances mâles que Jésus a extraites du corps de
Maria. A part Nicolas, prosélyte d'Antioche à qui ses mauvaises mœurs ont
fait une renommée embarrassante pour ses collègues, on ne connaît ni ces
Timon, ni ces Parmenas, ni ces Nicanor, ni ces Prochorus que les Actes
commettent à l'intendance des agapes et ils ne deviennent rien dans
l'histoire ecclésiastique[84]. Dans ces
Diacres nous retrouvons au moins deux des Sept fils de XIII. — SAUL, PRINCE HÉRODIEN. Aucun scribe n'avoue que les fils de cette Veuve ont laissé l'un des leurs, Jacob junior, sur le carreau en 787. Il aurait fallu dire du même coup en quelle qualité le nommé Saül avait débuté dans le monde par la lapidation d'un frère du futur Jésus. Sa participation au supplice est reconnue par les Actes. Mais quel est le Saül dont ces Actes disent qu'il est aussi Paul ? D'où vient-il ? Pourquoi est-il là et à quel titre ? L'auteur des Actes le sait, mais il ne veut rien écrire d'irréparable contre Saül que, sous le nom de Paul, l'Eglise a fait servir à ses mensonges par la supposition de toutes ses Lettres. Il dit aussi que Saül s'est borné à garder les manteaux des lapideurs, plus loin que c'était un Tarsien de séjour à Jérusalem pour on ne sait quelle cause, un élève de ce Gamaliel qui, hier encore, plaidait les circonstances atténuantes pour les apôtres fouettés, de sorte qu'on pourrait croire que ce Saül a cédé à un mouvement passager. Mais tout dément cette absurde version. Tarse et Gamaliel sont également inconnus de Saül dans les Lettres qu'on lui prête. Si les exécuteurs ont déposé leurs manteaux à ses pieds, c'est qu'ils étaient certains de les y retrouver la besogne faite. Assurément les Actes apostoliques d'Abdias ne méritent pas plus de confiance que ceux dont l'Eglise nous repaît. Mais ils sont obligés de reconnaître que Saül excita le tumulte des lapideurs contre Jacob junior et même qu'il précipita cet apôtre du haut des degrés du Temple[85]. Ainsi, après plusieurs siècles, cette tradition avait résisté à toutes les impostures de l'Église. On fait Saül élève de Gamaliel, parce que dans les Actes
des Apôtres ce Gamaliel paraît prendre position en faveur des
Jehouddistes dont il était parent et du messianisme davidique dans lequel il
était intéressé[86].
Saül n'a pas toujours été de Tarse en Cilicie, et à la fin du quatrième
siècle, il était encore de Gischala en Galilée. Pour que Hiéronymus (saint Jérôme !) ait dit cela, alors que
l'intérêt ecclésiastique lui créait l'obligation de suivre aveuglément le
texte des Actes, il faut ou que ces Actes, s'ils existaient
dans la teneur actuelle, n'eussent aucune autorité, ou que la question des origines
de Saül n'eût pas encore été tranchée en faveur de Après la crucifixion de Bar-Jehoudda, nous le verrons
commander une colonne expéditionnaire qu'il conduira jusqu'à Damas, et sans
doute en Abilène, à travers Avec une ironie pleine de rancune et de fiel, les Actes des apôtres reçus par les Ébionites ou Naziréens, derniers descendants des Jehouddistes, diront qu'il était né païen[89], qu'il s'était fait circoncire, et qu'en échange de ses services il s'était flatté d'épouser la fille du Grand-Prêtre. Né païen ? pas absolument, mais de famille assez bonne pour être le gendre de Kaïaphas, cela est certain, puisque, de son côté, par les femmes, il était allié à Hérode Agrippa. Qu'il fût né par hasard à Tarse, peu importe. Il avait de la famille à Gischala, tout près de cette Chorazin, de ce Kaphar Naüm et de cette Bethsaïda qui dans les derniers temps se tourneront contre Bar-Jehoudda ; il en avait à Jérusalem, un ou deux frères, une sœur qui s'y maria noblement. Mais, outre l'intérêt politique, une chose le distingue absolument des Gaulonites de l'Evangile : c'est la connaissance des langues. Avant tout il parle grec et il sait probablement quelques mots de latin[90]. C'est un truchement né entre les Juifs de Judée, les Juifs hellénistes, les Juifs d'Italie et la politique romaine. Dans un instant nous le verrons, les armes à la main, faire contre Bar-Jehoudda le jeu de Vitellius, proconsul de Syrie. Tel nous le retrouverons, trente ans après, faisant celui de Cestius Gallus, également proconsul de Syrie, contre Ménahem qui fomente la révolte où sombra la nationalité juive. Comment s'étonner que Saül le pharisien ait laissé dans la secte la renommée exécrable d'un apostat et d'un traître ? Son hérodienne famille, son enfance, sa jeunesse, son éducation dans le palais, tout cela était de notoriété publique, son rôle politique et religieux était consigné dans l'histoire. C'est le sujet du discours, faux quant à la teneur, vrai quant aux faits, dans lequel les scribes ecclésiastiques résument sa carrière devant le cousin Agrippa et la cousine Bérénice, comme lui morts depuis trois cents ans[91] : Ma vie, dès ma jeunesse, telle qu'elle s'est passée, depuis le commencement, parmi ma nation, à Jérusalem, tous les Juifs la savent. Ils me connaissent depuis longtemps pour avoir vécu pharisien, selon la secte la plus rigide de notre religion[92]... Il m'a semblé, à moi, que je devais me comporter en ennemi contre le nom du Nazir jésus, (cela veut dire les fds de Jehoudda, les prétendants davidiques), ce que je fis à Jérusalem[93]. Je constituai prisonniers nombre de saints (on ne parle déjà plus de ceux qu'il a fait lapider comme Jacob, tuer comme Éléazar, crucifier comme Bar-Jehoudda), y étant autorisé par les chefs des prêtres ; et quand on les mettait à mort, j'approuvais hautement (il y contribuait de tout son pouvoir). Souvent par toutes les synagogues (hors de Jérusalem), je sévissais contre eux les contraignant à blasphémer (à reconnaître les Hérodes et leurs protecteurs romains) et, forcené à leur encontre, je les persécutais jusque dans les villes étrangères (Damas et Antioche notamment)[94]. Tel fut, avec les atténuations nécessaires ici, le Saül que tous ses contemporains, Josèphe lui-même, ont connu. Le Paul des Lettres ne ressemble pas plus à Saül que Jésus de l'Évangile ne ressemble à Bar-Jehoudda, Pierre à Shehimon et Stéphanos à Jacob. Qui a jamais vu Paul à l'œuvre ? Qu'on cite un seul témoin historique de cet apôtre posthume ! |
[1] A la condition toutefois d'y comprendre le Quatrième qu'on n'a pu synoptiser à temps.
[2] Ou les Sorts chaldéens renversés au bénéfice des Juifs. Cf. le Charpentier.
[3] Nous nous expliquons sur cette Journée au chapitre suivant.
[4]
Dans
[5] Quatrième Evangile, V, 3 et 4.
[6] Quatrième Evangile, V, 5-9.
[7] Quatrième Evangile, V, 14.
[8] Le premier-né, il vous en souvient sans doute.
[9] Il semble bien que la fontaine de Siloé soit le lieu dit Gichon où Salomon fut sacré roi par les émissaires de David. (I Rois, I, 38.) C'est une très vieille tradition, et recueillie par les Arabes, que la mère de Bar-Jehoudda y aurait puisé de l'eau, Aïn Sitti Maryam, disent-ils.
[10] Quatrième Evangile, IX, 7.
Il est remarquable que sans le Quatrième Évangile nous ne saurions plus ni que Bar-Jehoudda est venu à Jérusalem, âgé de trente-huit ans, ni qu'il a baptisé à la piscine de Siloé, en Judée et en Samarie. Si nous ajoutons que cet Évangile mentionne seul la condamnation et la mort d'Éléazar, beau-frère de Bar-Jehoudda ; qu'il est le seul à ne pas contenir de Cène, et à dire catégoriquement que Bar-Jehoudda fut mis en croix avant la pâque, ne nous étonnons plus que Cérinthe, auteur de cet Évangile, ait été classé parmi les plus abominables hérétiques de son temps !
[11] Et non Notre Seigneur est venu, comme certains ecclésiastiques le voudraient. On s'étonne vraiment de lire ces mots syriaques avec cette traduction dans les commentaires de M. l'abbé Paul Flach sur les Épîtres de saint Paul, 1871. (Sur ce point, voir Intermédiaire des chercheurs et des curieux, du 13 février 1906.) M. l'abbé Flach est le fils d’un ancien rabbin converti au catholicisme.
Maran atha vient de l'Apocalypse. Loin d'être une formule de malédiction, comme d'autres l'ont avancé, c'est un appel, un cri d'espoir. C'est avec le Moyen âge seulement qu'il est entré dans le vocabulaire de l'excommunication.
[12] Michel Psellos d'après Chérémon. (Origines de l'histoire par M. Fr. Lenormant, p. 585.)
Depuis longtemps la science honnête — j'entends celle qui n'use pas de supercherie — prédisait les jours, les heures et les instants où devaient se produire les éclipses de soleil et de lune. Elle n'en abusait point pour tromper le peuple : au contraire, elle essayait de le faire revenir sur le préjugé que ces phénomènes étaient un effet de charmes et d'enchantements irrésistibles voyez Pline là-dessus. Un Grec comme Périclès étend son manteau devant les yeux du pilote épouvanté par une éclipse de soleil et lui dit : Ce que je fais la n'en diffère qu'en ce que le corps qui passe devant le soleil est plus grand que mon manteau. Un Romain comme Sulpicius Gallus, tribun de la seconde légion au temps de Paul-Émile, prédit une éclipse de lune qui devait arriver la veille de la bataille contre Persée, assemble ses soldats pour qu'ils n'en soient point impressionnés, leur explique les raisons physiques du phénomène, en marque la durée de deux à quatre heures, et fait ensuite un traité sur cette matière. (Valère Maxime, Livre VIII, ch. IX). Un Juif comme Bar-Jehoudda s'attribue le mérite l'éclipse, perturbe l'esprit, compromet la vie et pompe l'argent des malheureux qu'il ensorcelle. Qui du Grec, du Romain ou un Juif connaît le vrai Dieu ?
[13] Nous montrerons même qu'il en citait l'auteur, lorsque nous arriverons aux témoignages des écrivains de tout pays qui ont connu Bar-Jehoudda et qui par conséquent n'ont pas connu Jésus.
[14] C'est un monument des plus curieux de l'imposture christienne, aïs non des plus extraordinaires. Nous verrons mieux.
[15] Nous datons de 785 sur les indications du Quatrième Évangile ou le jésus est donné comme ayant quarante-six ans.
[16]
Quatrième Évangile.
[17] On peut omettre sur ce point les Actes des Apôtres : ce sont des pratiques en usage dans tout l'Orient. C'est à Shehimon que les Actes les attribuent, mais tout démontre qu'elles appartenaient à Bar-Jehoudda. Le fait a été transporté de l'Evangile dans les Actes, après que l'Église eut décidé que le Jésus ne serait allé qu'une seule fois à Jérusalem, pour y être crucifié. C'est pour la même raison que la guérison du boiteux, les emprisonnements et fustigations, l'assassinat d'Ananias, etc., ont été placés après la crucifixion.
[18] Je les ai jetés au loin parmi les gentils et dispersés à travers les régions, dit Iahvé des Juifs, mais je leur ai été un petit sanctuaire dans les contrées où ils sont allés... Je vous recueillerai d'entre les nations, et vous rassemblerai des contrées où vous avez été répandus, pour vous donner la terre d'Israël. Quand ils y seront rentrés, ils en ôteront toutes les idoles et toutes les abominations. Je ferai qu'ils auront un même cœur et mettrai en eux un esprit nouveau : de leurs corps mêmes j'écarterai le cœur de pierre pour le remplacer par un cœur de chair, afin qu'ils cheminent dans mes prescriptions, qu'ils gardent et pratiquent mes lois, qu'ils soient mon peuple et que je sois leur Elohim. (Ezéchiel, XI.)
[19] Vie de Moïse, livre III.
[20] Deutéronome, XIII.
[21] Philon, Vie de Moïse, livre III.
[22] Quatrième Évangile, II, 17.
[23] Après avoir transporté ce miracle de l'Evangile dans les Actes, on fait dire à Pierre qui a depuis longtemps cessé d'être Shehimon : Au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, lève-toi et chemine. Conséquence logique de la transformation du nazir Bar-Jehoudda en Jésus-Christ et de Shehimon en Képhas ou Pierre.
[24] C’est un boiteux dans le genre du malade que nous avons vu à la fontaine probatique en 771. Et qui sait s'il ne s'agit pas du même fait ?
[25] Jochanan ben Zaccaï, vice-président du Sanhédrin, à moins que ce ne soit Jonathan, fils de Hanan, lequel Jonathan, nommé grand-prêtre par Vitellius en 790, succéda par conséquent à son beau-frère Kaïaphas. Son frère Théophile, également nommé par Vitellius, prit sa place en 791, sous Caligula. L'emprisonnement de Bar-Jehoudda et Shehimon s'explique autrement, et d'une façon bien plus plausible par la guérison d'un boiteux. Si l'on réfléchit que Rome poussait successivement au trône pontifical le gendre et les fils de ce Hanan qui avait été le grand prêtre du Recensement, on conçoit sans peine le tumulte soulevé par les fils de Jehoudda sous le Portique de Salomon.
[26]
Les Actes évaluent les christiens à cinq mille, chiffre tiré de
C'est à lui, en effet, que les Actes attribuent spécialement ces miracles analogues à ceux de son frère. Les Actes, dans la première partie, sont tout à la gloire de Pierre qui opère seul, car pour eux il n'est déjà plus le frère de Bar-Jehoudda qui, de son côté, s'appelle déjà Jésus dans l'Evangile.
[27] Comme il a fait passer le discours de Gamaliel du troisième emprisonnement dans le second, nous verrons cela tout à l'heure.
[28] En renversant le cas de Jacques dans les Actes. Dans la fable de Pierre et de Paul, martyrs à Rome, c’est Paul qui meurt décapité et Pierre crucifié.
[29] Sur cette appellation, cf. le Charpentier.
[30] Maître. Nous avons déjà vu le Joannès appelé Seigneur dans Luc.
[31] C'est le cas de Jésus dans la christophanie.
[32] C'est le cas du Joannès dans la réalité.
[33] Quatrième Évangile, III, 26-36.
[34] Très exact, parce que c’est en contradiction absolue avec ce qui vient d'être dit au verset précédent. Jésus n'a jamais baptisé que par les mains des disciples du Joannès.
[35] Quatrième Évangile, IV, 1-4.
[36] Aujourd'hui Askar, en avant et à une demi-heure de Sichem, sur le côté est de l'Ebal, non loin du puits de Jacob dont il est question plus loin.
[37] Bethsaïda, à qui Philippe avait donné le nom bestial d'une impératrice.
[38] Josué, ch. XXII, et Juges, ch. XXI.
[39] Exode, XVI.
[40] Quatrième Évangile.
[41] Aujourd'hui Djénin.
[42] Dans le Haram Megiddo de l'Apocalypse. C'est là que devait avoir lieu l'extermination des ennemis d'Israël.
[43] Le Verseau, signe sous lequel était la terre en 785.
[44] Dans l'Apocalypse, l'Agneau, conduit les croyants aux sources d'eau intarissables que le Cycle du Zib doit ramener dans l'Eden.
[45] L'Apocalypse est formelle, il vous en souvient.
[46] Quatrième Évangile, IV, 32 et suivants.
[47] Quatrième Évangile, IV, 40.
[48] Jonas, VI, 10.
[49] Quatrième Évangile, IV, 42.
[50] Ce qui confirme l’âge de quarante-six ans que le Quatrième Evangile donne à Bar-Jehoudda en 785.
[51] C'un des mensonges de l'Eglise.
[52] Josèphe ne raconte l'opération de Pontius Pilatus contre cet imposteur en Samarie au mois de nisan 788. Nous y arrivons.
[53] Ce Simo Magus est une figure très curieuse. Ennemi des apôtres, à cause leurs impostures et de leurs forfaits, il n'a jamais eu de conférence avec Pierre en Samarie, comme le disent les Actes, et Pierre, de son côté, n'a jamais lutté contre lui à Rome sous Néron, par la bonne raison que Pierre, transfiguration évangélique de Shehimon crucifié à Jérusalem en 802, n'a jamais mis les pieds en Italie.
[54] Quatrième Evangile, IV, 44.
[55] Aucune erreur possible. Il a pris possession de sa tétrarchie en 730 et il est mort en la vingtième année de Tibère. (Josèphe, Antiquités judaïques). Nous verrons plus tard les falsifications ecclésiastiques dont Josèphe a été l'objet sur ce point particulier.
[56] Il n'y a pas ou plutôt il n'y a plus de preuves historiques qu'Hérodiade fût femme de ce Lysanias, et j'ai déjà dit qu'on trouvait dans les généalogies hérodiennes de Josèphe un passage qui faisait le premier mari d’Hérodiade fils de Mariamne, alors que le tétrarque d'Abilène était, semble-t-il, fils de Cléopâtre. Mais Luc a falsifié l'histoire en donnant Hérodiade comme femme de Philippe. Hérodiade était lemme d'un Hérode qui n'est pas Philippe et qui était vivant lorsque Antipas la prit. Le texte de Josèphe parait avoir été touché à l'endroit où il dit que cet Hérode était fils d'Hérode le Grand et de Mariamne, fille du grand-prêtre Simon. Il est exact en ceci qu'Hérodiade n’eut point de honte de fouler aux pieds le respect dû aux lois en abandonnant son mari pour épouser, quoique le mari fût vivant, Hérode (Antipas) son frère, tétrarque de Galilée. Antiquités Judaïques, livre XVIII, ch. VII. Ce texte est un arrangement ecclésiastique bien postérieur à l'imposture de la décapitation du Joannès Produite dans certains Evangiles, et c'est de ces Evangiles mêmes que provient la fausse qualité de frères donnée à Antipas et à Philippe. Ils n'étaient que demi-frères.
[57] Je rappelle qu'elle n'a été bâtie qu'au huitième siècle.
[58] Quatrième Évangile, VII, 31.
[59] Zacharie, XIII, 1; déjà cité dans le Charpentier.
[60] Ghemara de Babylone, traité de l'Idolâtrie.
[61] Quarante ans avant la destruction du Temple (Ghemara de Babylone, art. Sanhédrin), soit 783. On était donc là depuis quatre ans.
[62] Fait placé quarante ans avant la chute du Temple, donc 783, par le Talmud de Jérusalem (Joma, Traditio et Juchasin) ; Josèphe relate aussi l'histoire de la porte, mais il la place trente-trois ans après le Talmud.
[63] Quatrième Évangile, VIII, 59.
[64] On en a la preuve. Il y vise un fait historique (la révolte de Theudas) qui date de Cuspius Fadus, procurateur de Claude en Judée dix ans après Pilatus et la grande-prêtrise de Kaïaphas. Je me suis toujours demandé si le nom de Gamaliel ne viendrait pas de Gamala et si l'indulgence qu'il montre pour les Jehouddistes n'aurait pas pour cause une commune origine à la fois davidique et gamaléenne.
[65] Par Luc, III, 20, comme si cette incarcération était le fait d'Antipas. Par Marc et par Mathieu comme si elle était le fait d'Hérodiade et de Salomé, sa fille, et qu'elle ait été immédiatement suivie de la décapitation du Joannès devenu un personnage indépendant du jésus et précurseur du prétendu Jésus de Nazareth. Par le Quatrième Evangile, dans le passage que nous avons cité plus haut.
[66] Luc, XVIII, 19-20.
[67] Un autre Ananias, sacrificateur, fut assassiné par les Zélotes dans des conditions qui ressemblent beaucoup à celles-là, mais quinze ans plus tard. (Josèphe, Guerre des Juifs.) Est-ce la même affaire, déplacée par les arrangeurs et reportée après la mort de Shehimon et de Jacob senior, crucifiés en 802, de manière à exonérer de ce forfait la mémoire de ces deux apôtres ? C'est bien possible. In autre Ananias encore, probablement fils de celui-ci et grand-prêtre en 819, fut assassiné par les gens de Ménahem, dernier frère de Bar-Jehoudda. (Josèphe, Guerre des Juifs.)
[68] Je ne sais quel prud'homme mâtiné de jocrisse s'est écrié : Il accuse Pierre d'avoir commis des assassinats ! Je ne l'en accuse pas, monsieur, je l'en convaincs.
[69] Actes des Apôtres, V, 6.
[70] X, 28.
[71] Actes des Apôtres, VII, 20 et suiv. Discours dont la rédaction peut être du quatrième siècle et où le véritable motif de la lapidation est soigneusement déguisé, comme celui de l'assassinat d'Ananias.
[72] Actes des Apôtres, VII. Déposition des faux témoins contre Stéphanos. Ces témoins ne sont pas faux, ils sont supposés et ils récitent ce que leur souffle l'auteur des Actes, au mépris de toute vraisemblance.
[73] Actes, VI, 48 et suiv.
[74] Très probablement au lieu où Bar-Jehoudda fut crucifié quinze mois après.
[75] Décollé, disent les Actes, ce qui est vrai de Theudas, mais faux de ce Jacob.
Il y avait eu quelqu'un de lapidé, avant la révolte de 788, Jésus en convient : Jérusalem, Jérusalem, qui massacres les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, s'écrie-t-il trois jours avant la crucifixion de Bar-Jehoudda. (Luc, XIII.)
[76] Nous verrons tout à l'heure le martyre et la résurrection d'Eléazar, mari de Thamar. Dans l'Evangile la résurrection de Bar-Jehoudda n'est que la quatrième. Dans l'ordre apostolique elle n'est que la sixième. (Voir celles de Jehoudda et de son frère dans l'Apocalypse.)
[77] Précisément, il est à Kaphar Naüm la veille. (Luc, VII, p. 1.) Il faut donc lire Naüm, et il y avait dans le texte araméen Kaphar Naüm, littéralement Village nommé Naüm. Ce Naïn étant inconnu de toutes les Ecritures, tant anciennes qu'évangéliques (le Naïn de Josèphe est en Idumée), l'Eglise a été obligée de faire pour cette ville ce qu'elle a fait pour Nazareth, c'est-à-dire de la construire au huitième siècle. Elle a fixé Naïn dans les environs de Nazareth, les deux faux s'appuyant l'un sur l'autre.
[78] Le Naïn d'aujourd'hui est un misérable petit village en pisé, sans aucun vestige d'antiquité.
[79] On a mis : fils unique de sa mère pour qu'on ne reconnût pas en lui l'un des Sept.
[80] Bar-Jehoudda ne le vit point mort et n'assista pas à l'enterrement. Son naziréat l'en empêchait. Il en fera de même avec son beau-frère Eléazar.
[81] Luc, VII, 11 et suiv.
[82] Augustin y fait un emprunt (Confessions, Livre VI, 1). Il se compare au jeune homme ressuscité et, comme lui, à la demande de sa mère.
La mère d'Augustin était veuve de Patrice comme Salomé l'était de Jehoudda.
[83] Royal est mis ici pour impérial, terme inconnu des scribes juifs.
[84] Il n'est pas besoin de faire ressortir l'importance qu'auraient eue ces Sept Dignitaires, si Jésus et les Douze eussent existé. Rien dans le monde ecclésiastique n'aurait pu se constituer sans eux.
[85] Fabricius, Codex apocryphorum novi Testamenti, t. I, pp. 95 et suiv.
[86] Voir les prétentions de Siméon ben Gamaliel à la tyrannie davidiste dans le Talmud de Jérusalem. On croirait entendre Bar-Jehoudda lui-même.
[87] Actes des Apôtres. Nous étudierons en temps et lieu le cas de ce persécuteur, à son tour persécuté par les frères survivants de Jacob junior et de Bar-Jehoudda.
[88] Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, l. XV, ch. XI, 659. Costobar est Bar-Koche retourné et précisé, d'après ce que Josèphe donne à entendre. Saül est un fils de l'Étoile iduméenne, comme Bar-Jehoudda est un fils de l'Étoile davidique.
[89] Le père d'Hérode le Grand, Antipater, était Iduméen, mais sa mère, Cypros, était Arabe, sans doute fille d'un de ces rois Arétas chez qui Antipas, tétrarque de Galilée, avait pris femme. Donc, par sa grand'mère, Salomé, sœur d'Hérode, Saül avait du sang arabe dans les veines, du sang païen, diront les Naziréens.
[90] Les jehouddistes parlaient l'araméen avec un fort accent. Leur langage les décelait, comme dit le serviteur de Kaïaphas à Shehimon dans l'Evangile. Ils avaient donc la plus grande peine à se faire comprendre des hellénistes. Saül, au contraire, avait cet avantage : Tu parles grec ? dit Lysias à Paul dans les Actes. Tu n'es donc pas cet Égyptien qui avant ces jours a excité des séditions et a conduit dans le désert quatre mille hommes armés de siques ? (Josephus Christianus, Patrologie grecque, t. CXI, p. 130.) Cet Egyptien semble être Apollos, disciple de Bar-Jehoudda quant au baptême. Nous examinerons la question en son lieu.
[91] Actes, XXVI, 6 et suiv.
[92] Après les christiens millénaristes toutefois.
[93] On a mis Jésus le Nazaréen bien entendu.
[94] Certaines villes d'Arabie peut-être. Il avait de la famille, des terres peut-être en Arabie. C'est pourquoi, après son expédition à Damas contre les frères survivants de Bar-Jehoudda, il se serait retiré en Arabie où il serait resté trois ans. (Épître aux Galates).