Après avoir dûment fêté l'heureuse arrivée de Bostar, dont il avait si bien préparé la mise en scène, Annibal reprit l'étude, un instant interrompue, des cartes et des mémoires que lui avaient remis ses agents. S'attachant à tirer de ces données descriptives toutes les conséquences militaires pratiques, il esquissa sans retard son plan d'opérations. Quelles conclusions formula-t-il alors en son esprit ? Quelles furent sur ce canevas les lignes d'axe de ses projets ? C'est ce qu'aucun document ne nous laisse entrevoir ; aussi n'est-il possible d'essayer à cet égard qu'une simple restitution idéale. C'est dans cette voie seulement que nous avons dirigé nos efforts ; étant donnés les faits dont on trouvera ci-après le récit, nous supposons que le jeune général a pu résumer ainsi qu'il suit ses appréciations : L'échiquier stratégique de la haute Italie a pour limites
naturelles la majestueuse ceinture des Alpes, la mer Ligurienne, l'Apennin
toscan et l'Adriatique. Au point de vue des opérations carthaginoises, dont
la place de Rome est l'objectif suprême, on peut comparer ce théâtre à un immense
ouvrage de fortifications, dont les Alpes représenteraient le parapet, et les
plaines cisalpines le terre-plein. La gorge correspondrait à la région
d'accès de Dès qu'on aborde l'étude des propriétés de ce fossé géant,
l'œil est frappé d'un accident topographique extrêmement remarquable, dont
l'importance appelle et domine l'attention. On observe que le massif de
l'Apennin ligure, épanouissant jusqu'aux bords du Pô les ramifications des
bases de ses contreforts, engendre, du fait de cette tangence, un défilé
fameux, connu des généraux de notre âge sous le nom de Stretta di Stradella. Cet étroit boyau partage le
cours du fleuve en deux grandes sections : l'une, dite du Pô supérieur, comprise entre les sources et
cette Stradella ; l'autre, du Pô inférieur,
entre ladite Stradella et l'embouchure. Si l'on suit, d'autre part, le cours
du Tessin et qu'on veuille remarquer que ce grand affluent conflue au Pô à
hauteur même de Ces circonstances topographiques déterminent implicitement
la situation d'une armée d'invasion vis-à-vis des forces de la défense.
L'envahisseur qui descend des Alpes se sent fatalement attiré vers le Pô ;
c'est ce fleuve, en effet, qui constitue le premier obstacle ; c'est cette
ligne qu'il faut couper et couper en un point du segment qui correspond à la
région d'accès de Or, la section du Pô couvrant la gorge formée par la
chaîne Apennine court de Plaisance à Ponte-di-Lagoscuro, dernier point de
passage en aval. L'armée qui pénètre en Circumpadane ne peut avoir pour
premier objectif que cette portion de fossé, mesurant environ La ligne du Pô est, en même temps, la grande base d'opérations de la défense. Se maintenir le plus longtemps possible à cheval sur le fossé d'eau vive qui barre tous les chemins d'invasion, conserver son entière liberté d'action sur l'un ou l'autre des deux échiquiers, y prolonger alternativement ou simultanément sa résistance, telle est la préoccupation du défenseur du sol de l'Italie. Or, pour en arriver à ses fins, ce défenseur dispose,
entre la mer Ligurienne et l'Adriatique, d'une position centrale,
excellemment propice à toute espèce de manœuvres. Cette position est celle de
D'où vient que le défilé, marié à la rive gauche du Pô
depuis Pour l'assaillant, il lui est impossible de se soustraire
à l'action directe de En somme, ce corridor de Tel est le fait important que défend de méconnaître
l'histoire des luttes qui, de tout temps, se sont engagées sur le terrain des
plaines cisalpines. Il serait assurément difficile d'interroger à ce sujet
les périodes nébuleuses durant lesquelles les premiers courants
ethnographiques cherchaient à se frayer un lit ; mais la physionomie
caractéristique des noms de Plaisance, de Pavie et de Casteggio[2] atteste
irréfutablement l'antiquité de l'occupation des points vifs de Le premier épisode qui appartienne réellement à l'histoire
s'accomplit en 222, quatre années seulement avant la deuxième guerre punique.
Les Romains, alors en guerre avec les Cisalpins, sont maîtres de Survient la deuxième guerre punique ; Si Le calme ne doit pas régner davantage aux abords du
débouché occidental de Le moyen âge n'est pas moins que l'antiquité fertile en
événements propres à mettre en relief l'importance militaire de Lors de l'armistice de Cherasco, il avait été stipulé
entre les belligérants que la place de Tortone serait sur-le-champ remise à l'armée
française. C'était une belle forteresse, abondamment pourvue d'artillerie et
de munitions de guerre de toute espèce. Bonaparte y installa son quartier
général dans les premiers jours de mai. Dans quel but prenait-il ainsi
position au débouché occidental de Il feint de vouloir passer le Pô à Valenza ; mais, pendant
cette démonstration, il concentre à Tortone la majeure partie de ses forces ;
Augereau se porte en avant, à l'embouchure de En 1800, le premier consul, à peine descendu dans les
plaines cisalpines, prend résolument pour objectif le camp retranché de Pavie-Stradella-Plaisance ; dès le 31 mai, les
Français sont sur le Tessin. Lannes entre le 1er juin dans Pavie, passe le Pô
à Belgiojoso et court prendre position devant l'armée ennemie, qui occupe en
forces Casteggio (8 juin). Murat
s'empare en même temps de Plaisance (6 juin),
puis se porte au galop sur Il a peine à contenir sa joie : le précieux camp retranché
est tout entier tombé dans ses mains ! Les 10, 11 et 12 juin, il reste immobile
dans cette position si heureusement conquise ; il se concentre, assure sa
retraite par l'établissement de deux ponts sur le Pô avec tètes de pont, se
retranche et se fortifie par tous les moyens en usage à la guerre. Il est
bientôt solidement établi et à l'abri de toute insulte ; son service des
subsistances est assuré, car on vient de trouver à Plaisance des magasins
considérables ; il donne, d'ailleurs, la main à la garnison d'Ivrée et au
corps d'observation qu'il a laissé sur la gauche de la Dora Baltea[25]. L'armée française
est ainsi parvenue à couper à Mélas la route de
Mantoue, à l'obliger à recevoir une bataille, ayant sa ligne de communication
coupée... Si l'ennemi, ajoute Napoléon
en ses Commentaires[26], voulait rouvrir ses communications... c'était par En 1859, avant l'ouverture des hostilités, Pavie faisait
partie intégrante de Le soir du 26 avril, l'armée autrichienne, violant
brusquement la frontière sarde, passe le Tessin à Bereguardo, à Cassolo-Nuovo,
à Vigevano, à Pavie, et prend position dans Nous n'avons pas craint de rappeler en tous détails l'ensemble de ces faits militaires, attendu qu'il nous paraissait essentiel d'accuser vigoureusement les propriétés d'un terrain qu'on peut considérer comme la case ouvrière de l'échiquier du Pô. Annibal, que l'histoire ne pouvait pas instruire comme nous, mesurait néanmoins d'intuition la valeur de cette position magistrale ; sentant bien qu'il devait l'aborder à bref délai, son premier soin fut d'en étudier sur la carte le dispositif si bien préparé par la nature. Ensuite il consulta les mémoires descriptifs de ses ingénieurs, afin de se rendre compte du résultat des travaux exécutés par la main de l'homme, des perfectionnements apportés par le gouvernement romain à l'organisation défensive du défilé. Quelle était donc cette organisation ? L'occupation de Pavie par les Romains est un fait dont les textes[27] et les monuments épigraphiques[28] mettent la réalité hors de doute ; mais cette occupation était-elle déjà chose accomplie au début de la deuxième guerre punique ? Nous le pensons. Cela paraît d'ailleurs surabondamment démontré, ainsi qu'on le verra bientôt, par l'ensemble des événements qui se déroulent alors en Lomelline. On sait en quel échec Une solution quelconque de cette question nous offrirait,
dans le cas présent, peu d'intérêt ; ce qu'il est plus utile de déterminer,
c'est la situation du lieu dit Camillomagus.
Or, la condition d'un intervalle de 16 milles ( Quant à Plaisance, on sait que les Romains s'en emparèrent
quelque temps avant l'époque de la descente d'Annibal en Italie, qu'ils la
fortifièrent solidement[31], et ne cessèrent
jamais d'en améliorer les défenses[32]. Ils possédaient
ainsi, à l'est, les trois principaux éléments de la position ; le défilé
lui-même appartenait à leurs alliés, les Anamans ; enfin, le débouché
occidental était commandé par trois bonnes forteresses. Ils avaient fait de
Tortone et de Voghera des places de premier ordre[33] ; Casteggio, qui
n'était primitivement qu'un simple village, s'était vite transformé sous leur
main en un oppidum extrêmement
respectable[34].
Ce poste, dont les péripéties de la guerre d'Annibal vont bientôt rendre le nom
célèbre, mesurait environ La situation des Romains en Cisalpine était théoriquement excellente
: ils possédaient, à l'ouest, Pise et Étant donnée cette situation de la défense, à quelles
résolutions Annibal devait-il s'arrêter ? Son objectif, c'est cette entrée si
bien fermée de l'Italie péninsulaire ; comment en forcer la barrière épaisse
et résistante ? S’il tâte son adversaire par la rive droite du Pô, il est
tenu d'emporter de front le débouché occidental de cette Stradella, qui seule
peut lui donner Plaisance et, avec Plaisance, les moyens de passer l'Apennin.
S'il opère par la rive gauche, il ne lui est guère possible de s'avancer bien
loin par delà le Tessin ; une ligne d'opérations poussée par le pays des
Insubres (Milanais) est trop facilement
prise en flanc par Plaisance et Crémone ; le fait de l'obliquité du cours du
Pô sur la voie Émilienne l'éloigné trop de son objectif ; il lui faudra
nécessairement se rapprocher, tôt ou tard, de Plaisance. Plaisance est donc
la vraie clef de Ses décisions furent immédiatement arrêtées ; il résolut
de piquer droit sur Plaisance et d'opérer à la fois par la rive gauche et par
la rive droite. A cet effet, il prit pour front d'opérations : sur sa gauche,
la ligne de Annibal s'imposait nécessairement l'obligation de se rendre, au plus tôt, maître de tout le pays situé en deçà de ce front Sesia-Pô-Tanaro. Comment devait-il opérer en vue d'obtenir ce premier résultat ? Un texte de Polybe nous fait connaître qu'il commença par faire quelques sièges[36]. Quelles sont les places dont il pouvait avoir à s'emparer à titre de points stratégiques nécessaires ? La sobriété du document ne saurait autoriser, à cet égard, que de simples hypothèses ; mais ces suppositions, loin d'être absolument gratuites, peuvent, au contraire, s'étayer de la raison militaire. Nous pensons que, sur leur front d'opérations, les Carthaginois ne pouvaient se soustraire à la nécessité de posséder Verceil, Valenza et Asti. Et, en effet, Verceil commande le cours de En arrière de son front d'opérations, et
perpendiculairement à la ligne Verceil-Frassineto-Valenza, Annibal était tenu
de s'assurer la libre pratique de la vallée du Pô supérieur. Il lui fallait,
par conséquent, enlever, en deçà de cette ligne, Carbantia, Bodenkmag,
Chivasso[40],
Turin, dont la possession pouvait seule lui permettre de manœuvrer à volonté
sur les deux rives ; enfin, Ivrée, qui, à raison de sa situation sur Comment parvint-il à réduire Ivrée, Chivasso, Bodenkmag, Carbantia et Valenza ? On ne sait rien des moyens qu'il eut à mettre en œuvre. Il est d'ailleurs permis de croire que les troupes entrèrent enseignes déployées dans Verceil, qui appartenait aux Libici, clients des Insubres et, par suite, alliés de Carthage. On sait aussi qu'un traité d'alliance lui ouvrit les portes d'Asti ; enfin, qu'il eut à faire le siège de Turin. Il y avait longtemps déjà qu'Annibal avait invité ses
émissaires à nouer des relations avec les principales villes de Turin allait opposer plus de résistance à l'accomplissement de ses projets. Cette place demeurant portes closes et paraissant peu disposée à les ouvrir, Annibal, avant d'en venir aux sommations d'usage en pareille occurrence, essaya d'abord de négocier, afin de rester fidèle au principe qui veut qu'un homme de guerre n'ait recours à l'emploi de la force qu'à la dernière extrémité. Il dépêcha donc vers les défenseurs quelques parlementaires, qui reçurent pouvoir de traiter non-seulement au nom du général en chef, mais encore au nom de tous les sénateurs, de tous les citoyens de Carthage présents à l'armée. Ces représentants officiels du gouvernement carthaginois appartenaient à l'aristocratie ; ils avaient noms Magon, Myrcan et Barmocar[44]. Les trois hauts personnages partirent aussitôt porter aux autorités turinoises des propositions d'alliance, basées sur une équitable appréciation de la connexité d'intérêts des futures parties contractantes[45]. Mais il leur fut d'abord impossible d'entrer en pourparlers avec aucun des habitants. La ville était en proie aux plus violents désordres : la hideuse discorde y brandissait ses torches ; la guerre civile y sévissait. Ils revinrent. La constatation de ces faits était, en somme, chose satisfaisante, car une telle situation devait singulièrement affaiblir la défense ; cependant, cette heureuse nouvelle, Annibal la reçut d'un air sombre. C'est qu'il ne pouvait s'empêcher d'établir de tristes rapprochements entre l'état de ce malheureux Piémont, que sa présence mettait en feu, et celui de son propre pays, de la turbulente Carthage, si fréquemment ensanglantée par l'émeute. Il s'affligeait au souvenir de sa ville natale, ébranlée tant de fois déjà par ces violentes commotions populaires auxquelles les enfants de la rue ne prenaient pas moins de part que les hommes[46] ; il comparait avec douleur les fureurs insensées de ses compatriotes à la sagesse de leurs ennemis, de ces Romains, qui tenaient conseil dans le temple de Bellone[47], édifice sacré dont l'insurrection ne franchissait jamais le seuil. Là les pères conscrits amenaient leurs fils dès qu'ils avaient douze ans[48], et ces enfants assistaient aux séances. Quels exemples ! Que de vigueur les mœurs politiques de Rome devaient donner à ses légions ! Telles étaient les amères pensées d'Annibal ; mais il faut ajouter que ces réflexions n'assaillirent son esprit que le temps d'un éclair. Son front ne tarda pas à se rasséréner ; bientôt même un sourire effleura ses lèvres, car cette insurrection qui éclatait si à propos dans la ville de Turin, c'était lui qui l'avait fomentée ! Cette guerre civile, c'était son œuvre ! Lors de l'ouverture des hostilités entre Rome et Carthage,
l'aristocratie turinoise, jalouse de respecter la lettre des traités, avait déclaré
sa ferme intention de demeurer fidèle aux Romains. Les divers partis
démocratiques, qui la tenaient alors en échec, s'étaient, au contraire,
prononcés en faveur des envahisseurs de L'apport d'un encouragement aux instincts révolutionnaires
du pays ennemi constitue sans contredit un très-puissant moyen d'action ; les
résultats en sont incalculables. Si cette révolution
des paysans, disait Napoléon[50], avait lieu dans l'ancienne Russie, cela pouvait être
considéré comme une chose très-avantageuse dont nous tirerions bon parti.
Mais l'honnêteté du procédé n'est-elle pas essentiellement contestable et ne
faut-il pas en répudier l'emploi ? — J'aurais
pu, disait encore le vainqueur de Friedland[51], armer la plus grande partie de la population de Le lendemain de leur déconvenue, les parlementaires, invités par le général en chef à faire dans le même sens de nouvelles tentatives, se présentèrent une seconde fois devant Turin, porteurs de paroles de paix. Cette fois, il y eut conférence ; Magon, Myrcan et Barmocar furent admis à produire leurs ouvertures. Mais ceux auxquels ils adressaient des propositions amicales appartenaient au parti aristocratique, alors soutenu par les Romains, et ce parti venait sans doute, au sortir des derniers désordres, d'affirmer hautement sa supériorité. Il fut répondu aux Carthaginois par des fins de non-recevoir[52]. Sommées alors de céder à la force et d'ouvrir leurs portes, les autorités turinoises opposèrent à cette injonction le défi comminatoire d'une résistance à outrance. Dès lors un siège devenait nécessaire. L'opération fut décidée en conseil, et les ingénieurs reçurent l'ordre de procéder incontinent à la reconnaissance de la place. L'antiquité n'ignorait pas que la ville de Turin est un point stratégique d'une importance considérable[53] ; c'est à raison de ce fait universellement admis que les Romains l'avaient placée sous l'invocation de Jupiter[54], le maître des dieux de l'Olympe. Cette importance résulte de l'ensemble des propriétés dont jouit un site exceptionnel : étoile de toutes les voies de communication tracées au travers des Alpes grées et cottiennes, Turin est en relation naturelle avec nombre de centres de la région française[55] ; c'est une position indiquée à toute armée opérant de France en Italie ou réciproquement[56] ; c'est le réduit du rempart des Alpes[57]. Au temps où les Carthaginois vinrent en former le siège,
Turin avait déjà sans doute une histoire militaire, histoire à jamais perdue
pour nous, mais qui peut, à la rigueur, s'induire théoriquement de celle des
événements connus. C'est sous Turin que se vide, au commencement de notre ère
(312), la fameuse querelle de
Constantin et de Maxence ; c'est de Turin que les Goths, les Lombards et les
Francs se disputent, tour à tour, la possession ; et, dans les temps
modernes, Turin conserve constamment son rôle d'objectif inévitable ; c'est
un pôle stratégique attirant fatalement à lui François Ier (1504 et 1536), d'Harcourt (1640), Les ingénieurs carthaginois étaient peut-être en possession de données historiques qui nous font aujourd'hui défaut ; mais de tels documents, quel qu'en fût l'intérêt, ne pouvaient servir de base à leur projet d'attaque ; ils s'empressèrent, en conséquence, d'étudier les défenses de la place, d'en lever avec soin les abords. Point n'est besoin de faire observer que nous ne nous flattons pas d'avoir en main les dessins qu'ils placèrent sous les yeux de leur général en chef[58] ; mais nous avons cru pouvoir admettre que le plan de la place considérée au temps de l'expédition d'Annibal ne différait point sensiblement du plan qu'a restitué Carlo Promis, lequel représente Turin au temps de la domination romaine. (Voyez la planche X.) Alors la capitale des Taurini
affectait planimétriquement la forme d'un carré[59], dont
l'orientation, rapportée aux éléments de la ville moderne, peut se repérer
comme il suit : le côté nord de l'enceinte, dans lequel s'ouvraient les
portes Pusterla et Romana, coupait Le terrain qui s'étendait en avant du côté sud de l'enceinte était assez uni, bien que sillonné, parallèlement aux murailles, de ruisseaux ou fossés d'eau vive qui tous allaient se jeter dans le Pô[60]. A l'est, parallèlement au Pô, et à plus d'un kilomètre du
lit actuel, courait une ligne de hauteurs qui avaient primitivement constitué
la rive gauche d'un ancien lit du fleuve[61]. Ces crêtes, sur
lesquelles la ville était assise, exerçaient, de l'est à l'ouest, un excellent
commandement sur la dépression de terrain comprise entre le Pô et La place devait être munie de défenses artificielles, au moins sur les faces de son enceinte que la nature n'avait point pourvues d’obstacles suffisants[65]. Nous estimons, avec l'éminent Carlo Promis, que ses murailles étaient formées de pierres et de bois mis en œuvre à la manière gauloise. Voici, dit Jules César[66], comment on construit, en Gaule, les remparts des cités : à intervalles égaux de deux pieds (0m,59), on dispose parallèlement des poutres d'une seule pièce ; on les assujettit solidairement, et les vides du système sont remplis de terre pilonnée ; sur le parement, la terre est remplacée par des blocs de pierre de gros échantillon. Cette première assise étant ainsi disposée et bien liée, on en organise une deuxième, en tout semblable à la première, mais séparée de celle-ci par un bon lit de pierres. Le travail se poursuit ainsi jus- qu'à la hauteur voulue. Une telle ordonnance, formée d'alternances de pierres et d'abouts de bois, n'est point seulement agréable à l'œil ; elle est encore extrêmement utile aux intérêts de la défense. La pierre protège le mur contre l'incendie ; le bois défie les coups du bélier. Il est impossible de renverser ni même d'entamer un massif de poutres debout de quarante pieds (11m,83) de longueur, si bien liées ensemble et si profondément encastrées dans un massif compacte de terre battue, de pierrailles et de blocs. Le temps a laissé venir jusqu'à nous un curieux spécimen
de ces constructions originales ; nous voulons parler de l’oppidum de Mursens
ou Mursceint, situé à l'intersection des deux vallées de Telle était, vraisemblablement, au temps de la deuxième guerre punique, l'économie de l'enceinte de Turin, et nous ne devons point dès lors nous étonner de ce que Polybe trouve les fortifications de cette place extrêmement respectables[67]. Nous savons, d'autre part, qu'elle venait d'être mise en état de défense[68] ; que, de plus, ses remparts étaient au moins pourvus de leur armement[69] de sûreté. Il suit de là que le siège paraissait devoir être une entreprise ardue. Quelques textes, affectés malheureusement d'une extrême concision, mettent hors de doute le fait de l'attaque et de la prise de Turin par l'armée carthaginoise[70] ; un mot de Polybe[71] nous fait d'ailleurs connaître que cette opération débuta par un investissement. Nous n'en savons pas davantage, et il est regrettable que l'histoire ne nous ait pas laissé sur cet épisode de la deuxième guerre punique des détails analogues à ceux qui nous sont parvenus touchant le siège de Sagonte. Les méthodes d'induction sont dès lors les seules qui soient permises à qui veut faire œuvre de restitution. Nous admettrons que, une fois l'investissement parachevé,
les ingénieurs de l'armée rédigèrent, suivant l'usage, un projet d'attaque[72], et que ce
projet fut discuté en conseil de guerre. Ainsi, deux mille ans plus tard,
lors de la formation du siège de 1706, une discussion devait s'engager, sous
la présidence de Chamillart, ministre de Louis XIV, entre Vauban, Nous avons dit (t. I, Appendice F) que l'art de l'attaque des places procédait, dans l'antiquité, suivant six méthodes distinctes : les surprises à l'aide d'intelligences ou de trahisons ; — l'escalade environnante par surprise ; — l'attaque de vive force avec escalade ou attaque en couronne, qui ne pouvait réussir que contre les mauvaises places ; — l'attaque de vive force par escalade, combinée avec l'assaut par les brèches ; — le blocus ; — l'attaque régulière, ou siège proprement dit. Dans l'espèce, la situation politique et les dispositions d'esprit des défenseurs permettent d'éliminer l'hypothèse d'une surprise ; le profil des murs de la place mise en état de défense empêche de supposer une escalade ; le court espace de temps qu'a réclamé l'opération fait écarter toute idée de blocus ; nous admettrons sans difficulté le fait de la formation d'un siège. Cela posé, comment les Carthaginois ont-ils pu procéder pour exécuter leurs approches et faire brèche ? Ont-ils construit des galeries, des abris mobiles, quelques batteries de pièces de gros calibre[73], fait jouer une de ces puissantes machines bélières dont ils revendiquaient l'invention à titre de gloire nationale[74] ? Nous ne le pensons pas. Évidemment, Annibal n'avait pu traîner à sa suite le matériel dont il avait fait usage à Sagonte et, en eût-il encombré ses parcs, qu'il se fût vu dans la nécessité de l'abandonner à Grenoble. Une fois en Piémont, pouvait-il aisément reconstituer ce matériel, fabriquer des tortues, organiser des engins démolisseurs, armer de puissantes batteries névrobalistiques ? Il n'en avait assurément ni le moyen ni le temps ; on n'est donc pas porté à croire qu'il ait dessiné des attaques à ciel ouvert, et nous éliminerons l'hypothèse de ce procédé. Nous ne saurions davantage admettre, avec le sagace Carlo Promis, que les défenses de Turin soient devenues la proie des flammes[75]. Assurément, l'incendie était un des moyens d'attaque en usage dans l'antiquité ; les Romains l'employaient même fréquemment : c'est par la méthode incendiaire que Sylla réduit Æculanum[76] et essaye ultérieurement d'avoir raison du Pirée[77] ; c'est aussi par le feu que Jules César tente de faire disparaître un castellum des Alpes qui lui barre le passage[78] ; que l'empereur Galba finit par emporter certain oppidum espagnol[79]. Le procédé était classique et, pour ainsi dire, réglementaire, puisque les parcs de l'armée romaine renfermaient, à cet effet, des matières à combustion vive, telles que le galbanum ou stagonitis[80], sorte de résine dont on enduisait l'obstacle à détruire et qui se comportait à la façon du pétrole. De leur côté, les défenseurs avaient divers moyens de combattre l'incendie : outre l'acetum, que préconisaient encore les auteurs du moyen âge[81], ils possédaient l'alun, dont ils faisaient souvent intervenir l'action, témoin la tour de boys en Pirée, laquelle L. Sylla ne peut oncques faire brusler, pour ce que Archelaus, gouverneur de la ville pour le roy Mithridates, l'avoit toute enduite d'alum[82]. De là tant de légendes touchant les essences de bois incombustibles, comme... celle arbre qu'Alexandre Cornelius nommoyt Eonem.... et ne pouoyt estre ne par eaue ne par feu consommée ou endommaigée[83]... ou encore le larix, lequel de soy ne faict feu, flambe, ne charbon[84].... Donc, nous le répétons, la méthode incendiaire était bien connue des poliorcètes de l'antiquité ; mais il ne pouvait évidemment être fait usage d'un tel moyen d'action que contre des remparts tout en charpente, analogues à ceux d'Æculanum[85] ou de Polibothra[86]. Tout au plus, peut-on supposer qu'on eût recours à ce procédé violent pour l'attaque des murailles qui, comme celles d'Uspé, étaient formées d'un entrelacs de pièces de bois avec remplissage en terre[87], mais non de pierres de fort échantillon. A part ces cas, que l'on peut considérer comme exceptionnels, l'impuissance du procédé nous semble démontrée. Or, nous venons de le voir, l'enceinte de Turin était organisée à la manière gauloise, ainsi que le reconnaît lui-même Carlo Promis ; elle était donc bien de nature à défier l'incendie. Il convient enfin d'observer que l'effet d'une mise de feu n'eût pas demandé trois jours pour se produire ; que les défenses de la place auraient été consumées en quelques heures. Tout considéré, nous estimons qu'Annibal a eu recours à la mine, et l'on se convaincra facilement que ce n'est point là une opinion hasardée, pour peu qu'on veuille avoir égard aux considérations dans lesquelles nous avons cru devoir entrer. Loin de passer pour un moyen poliorcétique anomal ou seulement exceptionnel, l'attaque à la mine était, au temps de l'expédition d'Annibal, d'un usage ordinaire et, pour ainsi dire, classique. On se perd dans la nuit des âges à la recherche des origines d'un art qu'ont pratiqué tous les peuples de l'antiquité : Assyriens, Égyptiens, Hébreux, Perses, Grecs et Romains. Les Ninivites contemporains de Sardanapale savaient, au dire d'Hérodote, ouvrir de longues galeries[88] ; ils appliquaient à la guerre les procédés de leur architecture souterraine. Certaines sculptures exhumées des ruines de Ninive représentent, en effet, une ville attaquée ; l'assaut se prépare, les machines de guerre battent les murailles, des mineurs sont attachés à la maçonnerie[89]. Les Égyptiens marchaient dans les mêmes voies, témoin la haute importance des fameuses substructions de Thèbes[90]. Il en fut de même des Hébreux : c'est par la mine que les fils de Jacob s'emparent des forteresses de l'ennemi[91], que Josué fait tomber les défenses de Jéricho[92], que le roi Saül réduit les places amalécites[93]. L'histoire des sièges de Chalcédoine par Darius (520) et de Barcé par Amasis (509) nous révèle la puissance des moyens mis
en œuvre par les mineurs du VIe siècle avant notre ère[94] ; mais c'est au
génie des Grecs que l'art doit ses progrès les plus éclatants, ainsi qu'il
appert de quelques épisodes des attaques de Samos et de Platée[95]. Au siècle de
Périclès, Artémon perfectionne habilement la tortue
de mineur assyrienne[96] ; sous Philippe
de Macédoine, Æneas insère en son Traité de la défense des places des
principes de guerre souterraine[97] dont Alexandre
le Grand doit faire, en Les Romains étaient eux-mêmes experts en l'art des substructions, témoin les grands travaux des égouts de Tarquin[106] et ceux de l'émissaire du lac d'Albe ou Fucino[107] ; ils étaient loin d'être étrangers aux procédés d'attaque à la mine, puisque, antérieurement à l'expédition d'Annibal, leurs généraux avaient enlevé par ce moyen Fidènes (430), Veïes (393), Nequinum (299)[108], Lilybée (250)[109] ; qu'ils se trouvaient ainsi parfaitement préparés aux opérations du célèbre siège d'Ambracie, entrepris en 189, c'est-à-dire six années avant la mort d'Annibal[110]. L'ensemble de ces faits démontre clairement que, au temps de la deuxième guerre punique, la méthode, connue depuis de longs siècles, était communément et habituellement suivie par les poliorcètes. Cela dit, il convient d'observer que l'armée d'Italie placée sous la main d'Annibal comprenait un corps de mineurs ; on sait que ces ouvriers d'art à la solde de Carthage étaient de race africaine[111] ; il est, de plus, acquis à l'histoire qu'ils ne manquaient ni de savoir ni d'expérience, puisque trente ans auparavant, au siège de Lilybée (Marsala), leurs aînés avaient fait merveille[112]. Eux-mêmes, à Sagonte, venaient de rendre de signalés services[113] ; ultérieurement, enfin, les célèbres substructions de Libyssa devaient attester le fait de leur remarquable habileté[114]. Quant à leur organisation, on ne peut que l'induire de celle de leurs similaires de Rome. Or, les Romains désignaient leurs mineurs militaires sous les noms de munitores[115], fossores[116] ou fodientes[117] et cunicularii[118]. Ces travailleurs faisaient essentiellement partie de la légion[119] ; leurs officiers, dits architecti[120], étaient placés directement sous les ordres du præfectus fabrum[121] ; Végèce nous a laissé[122] la nomenclature des outils dont ils faisaient usage. Ce qu'il importe, en somme, de retenir ici, c'est que le général en chef de l'armée carthaginoise disposait d'un corps de mineurs. Il convient maintenant d'exposer le mode d'exécution des travaux souterrains en usage à cette époque. Quand la nature du milieu le permettait, les anciens taillaient leur galerie dans la roche ; dans ce cas, le ciel affectait une forme semi-cylindrique[123], et cette voûte était soutenue au besoin par des piliers ménagés de distance en distance[124]. Mais, le plus souvent, il était indispensable d'étançonner les terres, et cette opération était accompagnée d'un coffrage des parois. Puis, quand ils arrivaient sous le mur à détruire, les mineurs étaient dans l'obligation d'en diastyler la base[125], c'est-à-dire d'en faire provisoirement reposer les fondations sur des charpentes condamnées aux flammes, et formées principalement de colonnes ou montants en bois dont le système supportait un tablier (tabulatum). Les Grecs donnaient à ces étais les noms d'έρείσματα[126], de ξύλων κορμοί[127], de σίαυροί[128] ; les Latins les appelaient furculæ[129], fulturæ, ligneæ columnæ[130], sublicæ ou sublices[131]. Quel que dût être l'équarrissage ou le diamètre de ces pièces, il était toujours possible de se les procurer sur place. L'ouverture d'une galerie de mine n'était donc pas un travail qui nécessitât l'emploi d'un matériel spécial, et s'imposait pour ainsi dire aux Carthaginois, qui n'avaient plus alors ni machines d'approches, ni machines de brèche. Un argument qui nous semble absolument péremptoire peut se tirer du fait bien constaté de la vitesse de marche en galerie. Végèce nous a laissé[132] la théorie d'une attaque à la mine, laquelle pouvait, dit-il, viser deux buts distincts : ou l'assaillant cherchait à passer par-dessous le mur d'enceinte, afin de déboucher dans la place, ou bien il s'arrêtait sous cette muraille pour la diastyler et en ruiner un pan. Dans les deux cas, il commençait par organiser sa parallèle[133] à soixante mètres[134] des saillants[135] de la place ; puis il ouvrait sous cet abri un puits de mine au fond duquel il entrait en galerie, et cette galerie était poussée jusqu'au rempart ; là enfin, s'il se décidait pour la seconde méthode, laquelle était, il faut le dire, communément employée, il fouillait et étançonnait le sous-œuvre du mur sur soixante mètres de longueur. Telle était, dans l'antiquité, la largeur que devait offrir une brèche pour être réputée praticable[136] ; et, en général, de bons mineurs n'avaient besoin que de trois jours pour préparer, dans ces conditions, l'ouverture de la brèche. Telle était, au sens des gens de guerre, la durée théorique du travail souterrain[137]. Or, le siège de Turin par les Carthaginois dure précisément trois jours[138]. En résumé : la mine offrait alors aux poliorcètes un mode d'attaque ordinaire et de commun usage ; l'armée carthaginoise qui venait de descendre en Piémont comprenait un corps de mineurs ; dépourvue de matériel de siège, cette armée trouvait dans l'emploi de la méthode souterraine le meilleur moyen de s'en passer ; enfin, le temps qu'elle met à s'emparer de la place est précisément égal à celui que nécessitait d'ordinaire l'ouverture d'une brèche préparée par un sous-œuvre diastyle. Pour ces motifs, nous estimons que, avant de prendre une décision et de donner des ordres pour l'attaque de Turin, Annibal s'était dit ce que Chamarande devait écrire à Chamillart à deux mille ans de là[139] : ... On ne peut prendre cette place que par la mine... Cela admis, il n'est pas impossible de se représenter théoriquement l'ensemble des opérations du siège, ni d'en suivre les péripéties jusqu'à complet dénouement ; mais, eu égard au silence absolu des textes, il demeure entendu que, en procédant ainsi par intuition, on ne saurait obtenir pour résultat qu'une simple restitution idéale. Donc, à soixante mètres environ du saillant ouest de
l'enceinte, les Carthaginois organisent leur parallèle, dont le tracé coupe
les abords de la citadelle moderne, aujourd'hui déclassée (voyez la planche X). Sous ce couvert, ils creusent
le puits au fond duquel doit s'ouvrir l'υπόνομος[140] ou cuniculum[141]. Ils entrent résolument
en galerie, étrangers à tout sentiment de crainte, souriant même à l'idée de
la faible distance qu'ils ont à parcourir. C'est que, en effet, les mineurs
de l'antiquité savaient donner à leurs travaux souterrains un développement parfois
considérable : on cite, à ce propos, la galerie d'Aphase, ordonnée par
Darius, roi de Perse, et qui ne mesurait pas moins de quinze stades ou Le caractère distinctif de la conduite de leurs fouilles résulte du soin que met leur chef à assurer la continuité, l'ininterruption absolue du travail : l'opération ne se ralentit à aucun instant ; jour et nuit, les mineurs accomplissent leur tâche[145]. Ils sont, à cet effet, répartis en brigades, lesquelles sont, tour à tour, de service pendant six heures[146]. L'extraction des déblais s'effectue directement par la galerie[147], le long de laquelle les servants forment la chaîne[148] pour se passer les coffins (cophini) emplis de terre[149]. Une telle besogne pouvait, à la rigueur, s'accomplir dans l'obscurité[150] ; mais les anciens n'ignoraient point l'art de produire de la lumière artificielle en quantité voulue, suivant leurs besoins ; les rues de leurs villes, par exemple, étaient aussi bien éclairées que les nôtres[151]. Les travailleurs carthaginois sont donc vraisemblablement munis de lampes[152] ; mais la fumée qui s'en échappe ne tarde pas à se mêler aux gaz qu'expirent leurs poumons ; l'air ambiant devient irrespirable[153]. Comment obtenir dans la galerie une ventilation suffisante ? Il devient indispensable d'ouvrir, de distance en distance, des puits verticaux, qui sont mis en communication par le moyen de rameaux obliques en forme de siphons[154]. Grâce à cet aérage énergique, la marche en galerie se poursuit sans danger. Cependant les outils de mine, bien que maniés par l'assaillant avec des précautions extrêmes, produisent un ψόφος ou ferri linnitus[155] dont la répercussion se propage sous terre. Le défenseur, qui perçoit ce bruit sourd, se met aussitôt aux écoutes[156] pour se rendre un compte exact des intentions de son adversaire ; il opère cette reconnaissance, soit à l'aide d'un bouclier, suivant la méthode du forgeron de Barcé[157], soit par le moyen d'un système de vases de bronze disposés comme ceux de l'ingénieur Tryphon, au siège d'Apollonie[158]. Il sait bientôt d'une manière précise quelle est la direction de la galerie qui le menace. A quoi lui servira cette donnée ? Doit-il attendre l'ennemi à son débouché dans le fossé de la place et là lui opposer une résistance vigoureuse[159], ou bien contre-miner afin de contrarier, sinon d'arrêter les progrès du mineur[160] ? C'est ce dernier parti qu'il prend d'ordinaire : il se jette en avant, et cette marche souterraine aboutit vite au contact des assiégés et des assiégeants ; une rencontre a lieu. On peut s'en représenter l'effet : le défenseur tombe dans la galerie de l'assaillant, la barricade, l'obstrue de quartiers de roches, ou la coupe avec un hérisson formé de piques, de lances, d'épieux appointis et durcis au feu ; il y lance des projectiles de toute nature : traits de fer, pierres, pots de poix bouillante[161] ; il l'enfume[162] ; il donne le camouflet (calami flatus), dont l'invention remonte au temps d'Annibal[163] ; enfin, s'il peut le faire, il rend cette galerie intenable en y jetant des combattants auxiliaires pris dans le règne animal : guêpes, serpents Du bêtes fauves[164]. L'assaillant, d'autre part, repousse énergiquement les suprêmes efforts de la défense souterraine ; de là des combats corps à corps, luttes terribles où les héros des deux partis trouvent souvent une fin commune. Le journal du siège de Turin, en 1706, est semé d'épisodes de ce genre ; nous n'en citerons qu'un seul, celui de la nuit du 13 au 14 août. Cette nuit, dit le comte de la Marguerite[165], il y a eu sous terre un combat remarquable. Notre mineur attache le pétard là où il entend cogner, et leur mineur en est écrasé. Ce pétard vient d'ouvrir un assez grand trou, par où les ennemis font descendre un de leurs grenadiers avec une corde... celui-ci est tué d'un coup de pistolet aussitôt qu'il paraît. Le dépit et la rage font acharner les ennemis sur nous. ils nous chargent d'injures et nous font des menaces. Çà, des bombes, des carcasses !... crient-ils ; étouffons, brûlons ces gueux, ces misérables !... Nous ne perdons pas de temps à entasser devant nous des sacs à laine ; on fait d'abord avancer des grenadiers pour soutenir ce retranchement. Mais voilà une autre victime qu'on dévale pour chercher la mort... et il ne manque pas de la trouver. Quatre grenadiers des ennemis étaient chargés de cette expédition. Ils sont dans un étrange embarras : l'honneur les anime et la crainte les rebute, ils flottent entre la frayeur et la hardiesse. Auras-tu bien le cœur, dit l'un à son camarade, de t'engouffrer dans cet abîme ? — Et qui pourra me reprocher, lui répond-il, de n'avoir pas eu le courage de braver ce péril ?... Çà, du vin ! dit-il. On lui en apporte, il l'avale... j'allais dire : et il descendit... mais il n'était pas descendu qu'on l'assomme. On dirait que la mort a des appas pour eux ; le troisième va se jeter entre ses bras ; puis le quatrième. Les ennemis enfin mettent en bas un homme armé de pied en cap... celui-ci fraye le chemin à plusieurs soldats qui plongent avec lui dans le trou, sur des sacs à terre qu'on y jette tout d'un temps. Les voilà entrés ! le feu s'allume de part et d'autre ; ce sont des coups de pistolet, de fusil, de grenade qui retentissent dans cet antre effroyable !... Ce combat eût duré plus longtemps
si la fumée, la puanteur, les ténèbres, n'en eussent arrêté la fureur. Mais,
pour comble de maux pour les ennemis, notre mineur met le feu à la saucisse
et fait jouer les deux fourneaux, qui renversent la batterie des ennemis, à
une pièce près, si bien qu'outils et mineurs, canons et canonniers, tout cela
ne fait plus qu'une masse mêlée et couverte avec de la terre... Voilà ce qui se passait sous le sol des glacis de Turin deux mille ans après la deuxième guerre punique ! Cet exemple sinistre permet à la pensée de restituer par analogie les scènes de mort auxquelles durent s'exposer les mineurs d'Annibal. Quelques difficultés qu'ait d'ailleurs présentées leur besogne, ces braves gens l'accomplirent avec un entrain remarquable et, comme nous l'avons dit, la place fut enlevée en trois jours. D'où vient que, à vingt siècles de là, Au temps de la deuxième guerre punique, Turin était, nous l'avons vu, déchiré en divers sens par des partis violents. L'action de l'autorité y était par conséquent difficile, et l'on ne saurait affirmer que la place, si forte qu'elle fût, ait pu être convenablement mise en état de défense ; du reste, abandonnés des Romains[167], les assiégés n'avaient à compter sur l'arrivée d'aucune armée de secours. En 1706, au contraire, la population turinoise était admirable d'union sous l'autorité du duc de Savoie. Ce prince ayant su communiquer à ses sujets l'ardeur de ses résolutions, nobles et bourgeois juraient de se défendre jusqu'à la dernière extrémité, de s'ensevelir, s'il le fallait, sous les ruines de leur ville[168]. Dans cette harmonie des sentiments du peuple et de son souverain, on put facilement améliorer l'état des fortifications, procéder aux armements nécessaires, exécuter des travaux immenses[169]. Enfin, le duc de Savoie et le prince Eugène tenaient la campagne ; ils parvinrent à opérer leur jonction et à faire lever le siège. L'an 218 avant notre ère, l'investissement de Turin
assiégé était complet[170] ; il n'en fut
pas de même au temps de Louis XIV. Je ne vois pas,
disait Vendôme[171], de quelle importance il est qu'une place soit bien ou mal
investie... Et, de fait, l'investissement ne fut parachevé qu'après la
65e nuit de siège. Notre investiture,
écrivait alors la Feuillade[172], est présentement faite dans les formes. Il était
malheureusement bien tard, et les effets de la négligence première pouvaient,
depuis longtemps, passer pour être irréparables. D'où provenait une telle
faute ? De la mésintelligence qui n'avait cessé de régner parmi les
assiégeants. Si l'unité de commandement de l'armée carthaginoise avait porté
des fruits immédiats, les dissentiments, les stériles agitations du camp français
devaient avoir de funestes conséquences. Là, le projet d'attaque de Vauban
était l'objet des critiques les plus passionnées. ... Ayez confiance en moi, écrivait le duc de Pour Annibal, ayant bourré de sarments et de broussailles les interstices de son diastyle, il y fit mettre le feu sur plusieurs points à la fois. La combustion s'opéra vivement, et soixante mètres de murailles suspendues sur le vide s'écroulèrent avec grand fracas[177]. Les troupes commandées pour l'assaut[178], se précipitant par la brèche ouverte, eurent bientôt envahi la ville, dont tous les habitants furent passés par les armes[179]. Telles étaient alors les dures lois de guerre. En ce moment, Scipion arrivait à Plaisance[180]. |
[1] Claudien, Guerre contre les Gètes.
[2] Plaisance, Πλακεντία, Pia-Kent (celt.) ; — Pavie, Τίκινον, Ti-Kino (amazir') ; Papia, Pad-pia (celt.) ; — Casteggio, Κλασίδιον, Ki-Asti-town (celt.-amaz.).
[3] Tite-Live, XXXII, XXIX.
[4] Pline, Hist. nat., III, XXI.
[5] Etienne de Byzance, ap. B. Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.
[6] Tite-Live, XXIX, XI. — Plutarque, Marcellus, VI.
[7] Polybe, II, XXXIV.
[8] Plutarque, Marcellus, VI. —Cf. Valère-Maxime, III, II, 5.
[9] Tite-Live, XXVII, XXV.
[10] Tite-Live, XXVII, XXXIX, XLIII et XLVI. — Cf. Appien, De bello Annibalico, LII.
[11] Tite-Live, XXVIII, XXXVI, XXXVII et XLVI ; XXIX, XXXVI ; XXX, XVIII et XIX. — Cf. Appien, De bello Annibalico, LIV, et De rebus Punicis, VII.
[12] Silius Italicus, Puniques, VIII.
[13] Tite-Live, XXXI, X, XI et XXI.
[14] Polybe, XXXIII, VIII.
[15] Appien, De bellis civilibus, II, XLVII.
[16] Appien, De bellis civilibus, I, XCII.
[17] Tacite, Hist., II, XVII, XVIII.
[18] Tacite, Hist., II, XX, XXII, XXIV.
[19] Tite-Live, XXXII, XXXI.
[20] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. IV.
[21] Tacite, Hist., II, XVII, XXVII et XXX.
[22] Jornandès, De Getarum origine et rebus gestis, cap. XLII.
[23] Nella guerra Gotica fu Tortona occupata da Belisario... (Carlo Promis, loco cit.) — Cf. Procope, B. G., II, XXIII, XXVIII.
[24] Pépin, en 755 et 756 ; Charlemagne, en 773 et 774.
[25]
Ce corps d'observation était tranquille, ainsi que la
garnison d'Ivrée. Depuis le 1er juin, le fort de Bard était pris, et Ivrée se
remplissait de toute espèce de munitions de guerre, de vivres et des embarras
de l'armée. Mélas avait abandonné Turin. La division Lapoype, du corps de
Moncey, bordait le Pô depuis Pavie jusqu'à
[26] Commentaires de Napoléon 1er, t. IV, Marengo, VI.
[27] Strabon, V, I, 11.
[28] Henzen, inscr. n° 5126. — Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, n° 44.
[29] Commentaires de Napoléon Ier, t. I. Campagnes d'Italie, chap. I : Description de l'Italie.
[30] Claudien, Panégyrique de Probinus et d'Olybre.
[31] Polybe, III, XL. — Appien, De bello Annibalico, V.
[32] Tacite, Hist., II, XIX, XXII.
[33] Pline, Hist. nat., III, VII. — Strabon, V, I, 11.
[34] Tite-Live, XXI, XLVIII ; XXXII, XXIX. — Polybe, III, LXIX.
[35] Telle est l'appréciation du savant Ferrari, dont une inscription, placée dans l'église de Casteggio, consacre la mémoire et la haute érudition.
[36] Polybe, III, LXI.
[37] Tacite, Hist., I, LXX.
[38] Pline, Hist. nat., III, VII.
[39]
La géographie antique nous offre nombre de noms de lieux, de peuples et de
fleuves, affectés du préfixe dissyllabique Asta.
Outre l'Asta de Ligurie, il y avait en
Espagne une Asta regia, dont on voit
encore aujourd'hui les ruines entre Xérès et Tribugena. (Voy. Strabon, III, I, 9 ; III, II, 2 et 5 ; cf.
Pline, Hist. nat., III, III.) — On y trouvait aussi une ville du nom d'Astapa. (Voy. Polybe, XI, XXIV ; Appien, De rebus
Hispaniensibus, XXXIII.) — En Bithynie, sur l'emplacement du moderne Ouaschik ou de Bachkele,
s'élevait une ville d'Astacus. (Voy.
Strabon, XII, IV,
2 ; Pline, Hist. nat., V, XLIII ; Appien, De rebus Syriacis, LVII.) En Acarnanie,
près du golfe qu'on nomme aujourd'hui Dragamesti,
était un autre centre de population qu'on nommait aussi Astacus. — Les voyageurs distinguaient les Astes de
[40] Nous avons dit que le nom de Chivasso accuse une origine fort ancienne. Il est probable que ce centre était déjà organisé en oppidum au temps de l'expédition d'Annibal. — Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica.
[41] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. XII, et inscriptions n° 61, 62 et 71.
[42] De confederatione Astensium cum Carthaginiensibus. — Ex Odenato Farina. — Manuscrits de la bibliothèque de Turin, codex DCXLVII, chartaceus, constans foliis LIX, sæculi XV : Memoriale Raymondi Turchi, civis Aslensis.
[43] Manuscrits de la bibliothèque de Turin, codex MXLIV, chartaceus, sæculi XVI, foliis constans XXXIV. — Ex plurium Memorialibus, Jacobus Caze et Thomas Auricula ; — ex plurium Memorialibus, Jacobus de Borcanino ; — ex plurium Memorialibus, Paganus Incisia.
[44] Polybe, VII, IX.
[45] Polybe, III, LX.
[46] Polybe, XV, XXX.
[47] Tite-Live, XXVIII, IX ; XXX, XXI.
[48] Polybe, III, XX.
[49] Carlo Promis, Storia dell antica Torino, cap. II.
[50] Dépêche de Napoléon au prince Eugène, 5 août 1812.
[51] Allocution au Sénat, 20 décembre 1812.
[52] Polybe III, LX. — Tite-Live, XXI, XXXIX.
[53] Torino capitalissima. (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica.)
[54] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, n° 215.
[55] Turin est un centre d'où l'ennemi peut venir sur nous, c'est-à-dire sur Aix, sur Avignon, sur le Pont-du-Saint-Esprit, sur Valence, sur Lyon, sur Bourg-en-Bresse et sur Besançon... (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.)
[56] Turin était le gîte d'étape ordinaire des légions romaines qui avaient à franchir les Alpes dans un sens ou dans l'autre. Voyez Tacite, Hist., II, LXVI.
[57] On sait que la maison de Savoie fait remonter son origine au comte Humbert Ier, dont le fils Othon épousa l'illustre Adélaïde. Les comtés de Savoie et de Turin furent dès lors réunis pour former un duché à cheval sur les Alpes. Devenu ainsi le gardien des frontières franco-italiennes, le souverain du Piémont eut voix dans les conseils de l'Europe occidentale ; la diplomatie lui conféra le titre assez vulgaire, mais très-significatif, de Portier des Alpes. Voyez les Commentaires de Napoléon Ier, t. I, chap. II.
[58] Pline, Hist. nat., XXXV, VII.
[59] ... la città di figura quadrata. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)
[60] Carlo Promis, loc. cit.
[61] Carlo Promis, loc. cit.
[62] Carlo Promis, loc. cit.
[63] Carlo Promis, loc. cit.
[64] Carlo Promis, loc. cit.
[65] Carlo Promis, loc. cit.
[66] De bello Gallico, VII, XXIII. — Cf. Histoire de Jules César de l'empereur Napoléon III, t. II, liv. III, chap. X.
[67] Polybe, III, LX.
[68] Silius Italicus, Puniques, IV, v. 20-25. — Voyez, sur la mise en état de défense des places de l'antiquité : Végèce, Inst. rei milit., III, III, et IV, VIII.
[69] Silius Italicus, Puniques. IV, v. 23. — Dès le temps des guerres puniques, les Romains connaissaient l'emploi des lithoboles et des oxybèles. — Pline, Hist. nat., VIII, XIV. — Ces engins névrobalistiques étaient, d'ailleurs, depuis longtemps en usage. Voyez t. I, Appendice F.
[70] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XXXIX. — Appien, De bello Annibalico, V.
[71] Polybe, III, LX.
[72] Pline, Hist. nat., XXXV, VII.
[73]
Les pièces de gros calibre étaient alors très en faveur. Au siège d'Echiné,
formé par Philippe III de Macédoine, le contemporain d'Annibal, les assaillants
construisirent trois batteries de lithoboles ; un de ces engins
névrobalistiques lançait des projectiles du poids d'un talent, ou de
[74]
Athénée, Περί
Μηχανημάτων, dans
[75] ... vieppiù se Annibale ne mando a fuoco le difese... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. II.
[76] Appien, De bellis civilibus, I, LI.
[77] Aulu-Gelle, XV, I. — Cf. Rabelais, Pantagruel, III, LII.
[78] Vitruve, Archit., II, II. — Cf. Rabelais, Pantagruel, III, LII.
[79] Suétone, Galba, III.
[80] Suétone, Galba, III. — Pline, Hist. nat., XII, LVI.
[81] Marcus Græcus, Liber ignium ad comburendos hostes. — Albert d'Aix, VI, XVIII. — Cf. Liv. V, chap. IV.
[82] Aulu-Gelle, XV, I. — Cf. Rabelais, Pantagruel, III, LII.
[83] Pline, Hist. nat., XIII, XXXIX. — Cf. Rabelais, Pantagruel, III, LII.
[84] Pline, Hist. nat., XVI, XIX. — Cf. Vitruve, Archit., II, IX ; Rabelais, Pantagruel, III, LII.
[85] Appien, De bellis civilibus, I, LI.
[86] Strabon, XIV, I, 36.
[87] Tacite, Annales, XII, XVI.
[88] Hérodote, Hist., II, CL.
[89] Voyez Victor Place, Ninive et l'Assyrie, t. II, liv. II, ch. II, pl. XL ; Botta, Monuments de Ninive, pl. LXXVII ; Layard, Monuments of Niniveh, Ire série, pl. XIX.
[90] Pline, Hist. nat., XXXVI, XIX et XX.
[91] Genèse, XLIX, 6.
[92] Josué, ch. II et VI, passim. — Les célèbres sonneries de trompettes n'avaient d'autre effet que de distraire l'attention des défenseurs et d'éteindre le bruit du travail des mineurs, entrés en galerie par un puits ouvert dans la maison de la courtisane Rahab.
[93] Josèphe, Antiquités judaïques, VI, VII, 2.
[94] Polyen, Stratagème, VII, XI, 5 ; Hérodote, Hist., IV — Cf. Æneas, Traité de la défense des places, chap. XXXVII, § 5. Trad. de Rochas.
[95] Méandre, assiégé dans Samos (490), échappe à Darius par une voie souterraine extrêmement compliquée. (Hérodote, Hist., III, CXLVI.) — Le siège de Platée est de l'an 419. Voyez Thucydide, II, LXXV et LXXVI. — Cf. Poliorcétique des Grecs, éd. Wescher.
[96] Diodore de Sicile, XII, XXVIII ; Plutarque, Périclès, XXVII ; Pline, Hist. nat., VII, LVII.
[97] Æneas, Traité de la défense des places, chap. XXXVIII, § 6. Trad. de Rochas.
[98] Compilation anonyme sur la défense des places, § 73. Traduction de Rochas. — Alexandre attaqua également à la mine la capitale du roi Sabus. — Voyez Quinte-Curce, IX, VIII.
[99] Végèce, Inst. rei militaris, IV, XX.
[100]
Voyez le fragment inédit d'Athénée, inséré dans
[101] Les sièges de Palée, de Thèbes et d'Échine furent opérés par Philippe, de 221 à 217, c'est-à-dire au début même de la deuxième guerre punique. Voyez Polybe, V, IV et C ; IX, XLI.
[102] Polybe, XVI, XI ; Frontin, Stratag., III, VIII, 1 ; Polyen, Stratag., IV, XVIII, I.
[103] Polybe, XVI, XXX.
[104]
Vitruve, Archit. X, XVI. — Le siège d'Apollonie est de l'an 214 et tombe, par
conséquent, à l'époque où le vainqueur de Cannes opère dans le sud de
[105] Le siège de Lamia fut formé en 191, huit ans avant la mort d'Annibal.
[106] Pline, Hist. nat., XXXVI, XXIV.
[107]
Pline, Hist. nat., XXXVI, XXIV ; Suétone, Claude, XX ; Tacite, Annales, XII,
LVI et LVII. — Cf. Orelli, inscr.
796 ; Niebuhr, passim ; M. Geffroy, Dessèchement du lac Fucin,
dans
[108] Tite-Live, IV, XXII ; V, XIX et XXI ; X, X. — Cf. Plutarque, Camille, V.
[109] Polybe, I, XLII.
[110] Polybe, XXII, XI ; Tite-Live, XXXVIII, VII.
[111] Tite-Live, XXI, XI.
[112] Polybe, I, XLII.
[113] Voyez tome I, liv. III, chap. III, Sagonte.
[114] Tite-Live, XXXIX, LI.
[115] Tite-Live, V, XIX.
[116] Stace, Thébaïde, II, v. 418-419. Cf. Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.
[117] Ammien Marcellin, XXIV, IV.
[118] Végèce, Inst. rei militaris, II, XI. — Les Grecs donnaient aux mineurs militaires les dénominations de μεταλλικοί, μεταλλεΐς, όρυτίόντες. — Voyez Polybe, XXII, XI.
[119] Ammien Marcellin, XXIV, IV.
[120] C'est le titre d'architectus que Vitruve (Arch. X, XVI) donne à l'Alexandrin Tryphon, le défenseur d'Apollonie. — Cf. Ammien Marcellin, XXIV, IV et passim.
[121] Végèce, Inst. rei mililaris, II, XXI.
[122] Inst. rei militaris, II, XXV.
[123] Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.
[124] Ces piliers naturels taillés dans la roche étaient dits cervices fornicum. (Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.)
[125] Polybe, V, IV et C.
[126] Polybe, V, IV et C.
[127] Appien, De bellis civilibus, I, CXII.
[128] Josèphe, De bello Judaico, passim.
[129] Tite-Live, XXXVIII, XVII. — Vitruve, Archit., X, XVI.
[130] Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI. — Cf. Végèce, Inst. rei militaris, IV, XXIV.
[131] Ammien Marcellin, XXIV, IV.
[132] Inst. rei militaris, IV, XXIV.
[133] Polybe, XXII, XI. — On voit que l'usage de la parallèle ne date point d'hier ; seulement, il s'agit ici d'une galerie couverte, formée de vignes.
[134]
Polybe, XXII, XI.
— Suidas attribue au πλέθρον
une valeur de
[135] Nous disons bien des saillants, car les divers tracés de l'antiquité comportaient des brisures méthodiques. — Ammien Marcellin, XX, VII. — Cf. t. I, Appendice D, § 3, et pl. II : Fortifications de Carthage.
[136] Polybe, V, IV, et XVI, XI.
[137] Polybe, V, C.
[138] Polybe, III, LX.
[139] Lettre de M. de Chamarande à M. de Chamillart, du 30 juin 1706. — On sait que les travaux de mines exécutés au cours du siège de 1706 sont demeurés célèbres dans les annales de l'art de l'attaque et de la défense des places.
[140] Plutarque, Camille, V. — Les Grecs employaient, en outre, les désignations techniques de : διώρυξ, όρυγμα, μέταλλον et σύριξ. — Hérodote, Hist., III, CXLVI. — Polybe, V, IV, et XXII, XI.
[141] Végèce, Inst. rei militaris, IV, XXIV. — Les Latins appelaient aussi la galerie de mine specus, fodina, trames subterraneus. — Tite-Live, X, X ; Vitruve, X, XVI. — Ammien Marcellin, XXIV, IV.
[142] Polyen, Stratag., VII, XI, 5.
[143]
La galerie de mine à laquelle il est ici fait allusion a été ouverte par Jules
César, à l'effet de couper l'eau potable aux défenseurs d'Uxellodunum (Puy-d'Issolu), oppidum gaulois situé sur la rive droite de
[144]
Cette grande galerie ordinaire doit avoir de
[145] Polybe, V, C, et XXII, XI. — Tite-Live, V, XIX.
[146] Tite-Live, V, XIX.
[147] Polybe, XXII, XI.
[148] Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.
[149] Végèce, Inst. rei militaris, II, XXV.
[150] Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.
[151] Ammien Marcellin, XIV, I.
[152] Diodore de Sicile, III, XII. — Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.
[153] Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI, et XXXIV, L.
[154]
M. Alexandre Brisse, ingénieur en chef du dessèchement du lac Fucino, exécuté
pour le prince Alexandre Torlonia, a retrouvé trace des travaux d'aérage
ordonnés par les ingénieurs de l'empereur Claude. L'appel d'air respirable dans
le tunnel romain résultait du jeu d'un heureux dispositif de puits verticaux
coupés de rameaux obliques en forme de siphons, rameaux que les gens du pays
nomment cunicoli. Sur une longueur de
tunnel de 55g5 mètres, les mineurs romains n'ont pas ouvert moins de six cunicoli et de quarante puits verticaux. Voyez
l'article de M. Geffroy, Le desséchement du lac Fucin, dans
[155] Polybe, XVI, XI, et XXII, XI. — Ammien Marcellin, XXIV, IV.
[156] Polybe, XXII, XI.
[157] Æneas, Défense des places, chap. XXXVII, § 5. Trad. de Rochas. — Cf. Hérodote, Hist., IV, CC.
[158] Vitruve, Archit. X, XVI.
[159] Æneas, Traité de la défense des places, chap. XXXVIII. Trad. de Rochas. — Cf. Philon de Byzance, ch. III, § 5. Même trad.
[160] Æneas, loc. cit. — Cf. Philon de Byzance, ch. IV, § 25. Trad. de Rochas.
[161] Philon de Byzance, loc. cit. — Cf. César, De bello Gallico, VII, XXII.
[162] Æneas et Philon de Byzance, loc. cit.
[163] Ce moyen d'enfumer les galeries de mine fut pratiqué surtout au siège d'Ambracie, lequel fut formé l'an 189 avant notre ère, soit six années avant la mort d'Annibal. — Voyez Polybe, XXII, XI ; Tite-Live, XXXIII, VII.
[164] Æneas, loc. cit. C'est suivant ce principe d'Æneas que, lors du siège de Thémiscyre par Lucullus (68 av. J. C.), les galeries de mine furent livrées non-seulement à des essaims d'abeilles, mais encore à des ours et à d'autres fauves. — Appien, De bello Mithridatico, LXXVIII. — L'emploi des crocodiles et des grands ophidiens était encore de mode, au moyen âge, dans les opérations de guerre souterraine. Richard Cœur-de-Lion prit, en 1188, sur les côtes de Syrie, un navire musulman portant toute une cargaison de ces animaux destinés à la défense des contre-mines de Saint-Jean-d'Acre.
[165]
Journal historique du siège de la ville et de la citadelle de Turin, en
1706, par le comte Solar de
[166]
L'armée de siège placée sous les ordres du duc de
[167]
I Romani non si studiarono... d'unirsi ai Taurini, che lasciarono distruggere da Annibale.
(Morelli, Passages des Alpes, Turin, ms. de
[168] Histoire du prince Eugène, ap. G. Mengin, Relation du siège de Turin, Paris, 1832.
[169] Lettre du duc de Vendôme à Louis XIV, du 1er octobre 1705.
[170] Polybe, III, LX.
[171] Lettre du duc de Vendôme au roi, du 1er octobre 1705.
[172]
Lettre du duc de
[173]
Lettre du duc de
[174]
Lettre de Vauban à
[175] Lettre du duc de Vendôme au roi, du 1er octobre 1705.
[176]
Lettre de M. de Chamillart au duc de
[177] Végèce, Inst. rei militaris, IV, XXIV.
[178] Végèce, Inst. rei militaris, IV, XXIV.
[179] Polybe, III, IX. — Appien, De bello Annibalico, V.
[180] Tite-Live, XXI, XXXIX.