HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE CINQUIÈME. — LES ALPES.

CHAPITRE III. — GRENOBLE.

 

 

Nous avons exposé (liv. IV, chap. III) le tableau du passage du Rhône par l'armée carthaginoise. Pendant qu'Annibal opérait sur radeaux le transport de ses éléphants de guerre, l'infanterie, déjà campée sur la rive gauche, se disposait à former tête de colonne[1] ; la cavalerie, qui avait également pris pied sur la rive, appuyait, face à la Méditerranée, les derrières au camp[2] ; de part et d'autre, on se préparait à de nouvelles fatigues en prenant tous les soins d'hygiène prescrits à l'ordre[3]. Une fois passés, les éléphants se placèrent au centre[4] ; la cavalerie n'eut qu'à faire demi-tour, et l'organisation de la colonne de marche fut en un instant parachevée.

Tout est prêt. Le soleil se lève[5] ; Annibal donne le signal du départ.

Le jeune général voyait la fortune lui sourire et, confiant en son étoile, croyait très-fermement au succès de l'expédition. Rien ne lui manquait de ce que sait créer l'esprit de prévoyance : il avait de bons guides, dévoués à ses intérêts, d'une fidélité à toute épreuve[6] ; il savait que, une fois sur l'Isère, le brenn des Allobroges allait lui prêter main-forte jusqu'à l'entrée des Alpes[7] ; que ses hommes ne manqueraient de rien pendant la route[8] ; que tous pourraient marcher d'un pas rapide et sûr. Il se sentait des ailes pour fondre sur l'Italie[9] !

La colonne carthaginoise s'ébranle pour remonter la rive gauche du Rhône[10], le fleuve majestueux entre tous[11], qui, depuis les gorges des Alpes, où il prend ses sources[12], jusqu'à la Méditerranée, où il s'épanche, reçoit les eaux de tarit de tributaires[13]. Les anciens ne se lassaient point d'admirer la merveilleuse fertilité de la vallée qu'il arrose[14] ; le seul aspect des richesses de ce plantureux pays jetait la joie au cœur du soldat.

Est-il possible de restituer exactement l'itinéraire des Carthaginois le long du fleuve ? Nous ne le croyons pas, car on ne possède à ce sujet que des documents insuffisants. Ce que nous savons, c'est qu'il leur fallut quatre jours[15] pour se rendre sur l'Isère, en un point peu distant du confluent de l'Isère et du Rhône. Une donnée aussi vague permet-elle de retracer le chemin parcouru ?

Evidemment non, et, ici encore, on en est réduit aux conjectures.

Toutefois, connaissant la distance parcourue et le temps employé à la parcourir, on est rationnellement en droit de supposer que les gîtes d'étape de l'armée expéditionnaire furent successivement pris à Saint-Restitut, Montélimar, Livron et Châteauneuf-d'Isère.

Nous estimons donc que, partant des environs d'Orange[16], où il a formé ses colonnes, Annibal commence par suivre jusqu'à Montdragon les traces de son lieutenant Hannon, fils de Bomilcar, venu, quelques jours auparavant en sens inverse, de Montdragon à Orange. Ce faisant, il ne s'écarte pas sensiblement de la route de Paris à Marseille et du chemin de fer de Paris à la Méditerranée. La rivière de l'Eygues[17] se franchit sans difficulté ; les Carthaginois défilent par Piolenc, Mornas, Montdragon[18]. (Voyez la planche IV.) Jusque-là, leurs pieds ont foulé le diluvium alpin des bords du Rhône ; mais, à Montdragon, les colonnes, d'abord dirigées du sud-est au nord-ouest, s'infléchissent vers le nord-est, remontent la rive gauche du Lez[19], qu'elles vont passer à Bollène[20], et gravissent les hauteurs de Saint-Restitut, îlot calcaire (à l'altitude de 306 mètres) dont le Lauzon et la Robine baignent presque circulairement la base. (Voyez la planche IV.) C'est là qu'elles s'arrêtent, après une étape d'environ 27 kilomètres ; elles ont franchi la limite de notre département de Vaucluse ; c'est sur le territoire de celui de la Drôme que se plantent les palissades du camp.

Le lendemain, l'armée redescend dans la plaine, en laissant Saint-Paul-Trois-Châteaux sur sa droite, Pierrelatte[21] sur sa gauche, retrouve la route de Paris à Marseille à la hauteur des îles Margeries ; puis, suivant cette route, elle pique à peu près droit vers le nord, traverse la Berre[22] et poursuit par Donzères[23]. De Donzères jusqu'en deçà de la petite rivière de la Réaille, la rive gauche du Rhône est bordée de roches tertiaires à pic, dans le massif desquelles a été taillée la voie du chemin de fer ; quant à la route, elle saute le contre-fort rocheux au petit col du Bel-Air, et nous pensons qu'Annibal a pratiqué ce col. Suivant toujours cette route, qui, de la Réaille au Roubion[24], coupe la plaine en ligne droite, les Carthaginois sont vraisemblablement venus camper, le deuxième jour, entre le Roubion et son affluent le Jabron, sur le mamelon situé à l'est de la ville actuelle de Montélimar[25]. Ils ont fait, dans cette deuxième journée, environ 29 kilomètres. (Voyez la planche V.)

Le troisième jour, Annibal, descendu du plateau sur lequel il a campé, reprend la direction nord. Laissant Savasse[26] sur sa gauche, il passe par le petit col de Notre. Dame-du-Mont-Gru m, rejoint la route de Paris à Marseille à la latitude de l'île Voile, traverse la plaine, où il ne rencontre d'autres obstacles que le cours de quelques ruisseaux insignifiants, tels que la Tessonne et le Mouillon ; touche à Loriol[27], passe la Drôme[28], et prend position sur les hauteurs situées à l'est de Livron[29]. Cette troisième étape mesure à peu près 26 kilomètres. (Voyez la planche V.)

Le quatrième jour, les Carthaginois, continuant à suivre le tracé de la route de Paris à Marseille, franchissent sans peine l'Arcette et la Véoure, obliquent vers l'est à partir de Valence[30], qu'ils laissent sur leur gauche, et, ayant fait environ 28 kilomètres, vont planter leurs palissades sur les points culminants des mamelons qui dominent Châteauneuf-d'Isère[31]. (Voyez la planche VI.)

Ils étaient enfin sur les bords de cette île inter-fluviale[32] dont Polybe compare la forme et les dimensions à celles du delta que le Nil dessine à son embouchure[33].

Le sol de l'île appartient, pour la majeure part, aux formations dites tertiaires ; ce sont des meulières et des grès qui constituent les rives du Guiers et de l'Isère à leurs confluents avec le Rhône. La partie centrale est formée de dépôts analogues aux alluvions anciennes de la Bresse. Çà et là apparaissent de larges traînées de diluvium alpin, traînées qui se répandent jusqu'aux bords du Rhône.

Le fait de cette constitution géologique plaçait, alors comme aujourd'hui, le pays des Allobroges dans des conditions de fertilité exceptionnelles[34]. Les vins de Vienne étaient en grand renom chez les anciens[35] ; les autres produits du pays n'avaient pas moins de réputation[36], et c'est sans doute la statistique bien établie de tant de richesses agricoles qui avait affermi Annibal dans le dessein si rationnel de faire passer sa ligne d'opérations par les rives de l'Isère.

Mais ici nous perdons un instant ses traces.

On sait que le jeune général s'était donné mission de pacifier l'île des Allobroges, de restaurer l'autorité de ce brenn auquel Tite-Live donne le nom de Brancus[37]. Il faut donc admettre qu'il pénétra dans l'île avec toutes les forces dont son allié fidèle était en droit d'attendre l'appui ; par suite, on peut supposer que le brenn vint à sa rencontre à Châteauneuf-d'Isère.

De là, les Carthaginois ont vraisemblablement été conduits à Romans, où ils ont passé sur la rive droite du fleuve[38]. (Voyez la planche VI.)

Mais, se demande-t-on aussitôt, est-ce la totalité ou seulement une partie de l'armée d'Annibal qui dut ainsi pénétrer dans l'île ?

Et ces troupes chargées du soin d'y rétablir l'ordre, jusqu'où s'avancèrent-elles ? Quelle durée est-il permis d'assigner à leur séjour ? Quelles furent leurs opérations à l'intérieur ? Ces opérations terminées, par quel chemin ont-elles rejoint la vallée de l'Isère ?

Ici les textes sont absolument muets Ce sont de simples conjectures que nous exprimerons.

Nous pensons que l'armée carthaginoise est entrée tout entière dans l'île ; que les dix étapes comptées par Polybe ne se sont point faites sur la rive gauche, mais bien sur la rive droite de l'Isère et du Drac[39] ; que, au surplus, c'est sur cette rive droite qu'était assise, au temps de la domination romaine, la route dite de la frontière des Allobroges et des Voconces[40]. Nous estimons qu'Annibal n'eut besoin d'employer que quelques détachements à pousser des pointes dans l'intérieur de l'île ; que le gros de ses colonnes ne s'écarta point sensiblement du tracé de la route actuelle ni de celui du chemin de fer de Valence à Grenoble ; que, par conséquent, les colonnes carthaginoises sont passées par Saint-Paul-lez-Romans, Saint-Marcellin, Vinay, Tullins (Tullinus), Moirans (Moirencum), Voreppe (Vorappium) et Fontanil. La distance de Romans à Grenoble étant, suivant ce tracé, d'environ 75 kilomètres[41], on peut admettre que le trajet ne leur a demandé que quatre journées de marche[42]. (Voyez la planche VI.)

Annibal était à Grenoble[43] ! Il tenait son premier succès, puisque cet oppidum, choisi pour base d'opérations secondaire, allait lui livrer des ressources précieuses ; puisqu'il avait sous la main les approvisionnements que sa prévoyance avait réunis et placés sous la garde du brenn des Allobroges !

Polybe et Tite-Live nous ont laissé la nomenclature sommaire des objets emmagasinés dans la place de Grenoble. Les fonctionnaires administratifs de l'armée carthaginoise n'y avaient point seulement formé des dépôts de subsistances ; mais des magasins d'habillement, d'armement, de chaussures, de rechanges d'objets de toute espèce s'y étaient aussi organisés sous leur contrôle et par leurs soins. Ainsi, à deux mille ans de distance, devait opérer le général Bonaparte. Sur le point de franchir le grand Saint-Bernard, il fit rassembler à Lausanne et à Villeneuve de grands approvisionnements de même nature que ceux d'Annibal, et les lignes que M. Thiers consacre à l'analyse du matériel ainsi amené au pied des Alpes semblent empruntées, mot pour mot, au texte des deux grands historiens de l'antiquité[44].

De telles analogies ne sauraient nous surprendre, car, il est utile de le répéter, la raison militaire subsiste perpétuellement, immuable, absolue. Elle veut que les deux opérations du passage des Alpes accomplies par les deux capitaines, alors qu'ils étaient dans tout l'éclat de la jeunesse[45], soient, partout et toujours, accompagnées de circonstances sinon identiques, au moins similaires. Il suit de là que d'un fait dûment observé et constaté, d'une part, il est rationnel d'induire, eu ce qui concerne l'autre part, un fait de même nature et nécessairement issu de causes analogues.

Nous ferons donc usage de la méthode d'induction.

On sait que, le 13 mai 1800, le général Bonaparte passait à Lausanne la revue d'une partie de ses troupes réunies au pied du mont Saint-Bernard. Ce même jour, dit M. Thiers[46], il entra en conférence avec les officiers qui avaient reçu des rendez-vous pour lui rendre compte de ce qu'ils avaient fait et pour recevoir ses derniers ordres. Le général Marescot, chargé de la reconnaissance des Alpes, était celui qu'il était le plus impatient d'entendre.

Il est permis de supposer que, une fois parvenu à Grenoble, où son armée allait se ravitailler, Annibal ne manqua point d'assembler en conseil les officiers qui, suivant ses ordres, avaient aussi reconnu les Alpes[47]. On peut croire que, pendant le temps passé par les services administratifs en distributions régulières de vivres et d'effets, il dut, plus d'une fois, conférer avec les agents de son service topographique ; qu'il lut attentivement leurs mémoires descriptifs, ainsi que leurs tableaux statistiques ; qu'il étudia leurs cartes jusque dans les moindres détails.

Nous disons bien leurs cartes, attendu que l'art du dessin topographique n'est point, comme on pourrait le croire, d'origine moderne ; que les traces de ses premières productions se perdent, au contraire, dans la nuit des temps. Sans remonter jusqu'aux travaux des Égyptiens[48] et des Hébreux[49], on observe que, dès le VIIe siècle avant l'ère chrétienne, c'est-à-dire à l'aurore de la puissance de Carthage, un savant phénicien, du nom de Thalès[50], savait déjà déterminer une latitude ; que son disciple Anaximandre donnait une représentation graphique de toutes les parties du monde alors connu[51]. Il est également facile de s'assurer que, lors de son voyage en Grèce (504 avant J.-C.), le célèbre Aristagoras s'était fait suivre d'une table d'airain sur laquelle se voyait gravée une image de la terre avec les océans et le cours de tous les fleuves[52]. On ne sera donc point trop surpris d'être conduit à constater que, du temps d'Alcibiade, Athènes exposait, sous l'un de ses portiques, une grande carte murale de la Grèce[53].

L'art du dessin géométrique s'étant facilement acclimaté chez les Grecs[54], Alexandre n'eut aucune peine à se procurer les cartes destinées à préparer le succès de ses opérations militaires. Il organisa, à cet effet, un service topographique spécial, formé d'officiers très-habiles, et l'histoire nous a gardé le nom des deux ingénieurs qui dirigeaient ce personnel d'élite[55]. Après les expéditions d'Alexandre, deux disciples d'Aristote, Théophraste et Dicéarque, apportèrent de notables perfectionnements aux méthodes jusqu'alors en usage[56] ; après eux, c'est Ératosthène, de Cyrène, qui acheva de donner à la topographie une base véritablement scientifique[57].

Or cet illustre Ératosthène était, ainsi qu'Archimède, le contemporain d'Annibal[58]. Il est, par conséquent, naturel de penser que les officiers carthaginois chargés du soin de la reconnaissance des Alpes suivaient des méthodes rationnelles ; qu'ils opéraient de manière à obtenir une bonne représentation graphique des terrains qu'allait couper la ligne d'opérations. Du reste, les anciens excellaient dans tous les arts, et il serait surprenant que leurs dessins topographiques eussent été dépourvus de précision ou d'élégance[59]. On peut donc admettre en toute sûreté que les agents d'Annibal remplissaient à leur honneur toutes les conditions du programme qu'a plus tard formulé Végèce[60].

Il est également permis de croire que ces officiers topographes avaient joint des mémoires descriptifs et des tableaux statistiques aux cartes qu'ils présentaient à leur général en chef.

On se souvient qu'ils avaient été chargés d'explorer successivement les bassins de l'Ebre, du Rhône et du Pô, les chaînes des Pyrénées et des Alpes ; que leur mission durait déjà depuis deux ans ; qu'ils avaient, vers la fin de l'année 219, expédié au quartier général de Carthagène un rapport d'ensemble sur les résultats acquis au cours de leurs premières reconnaissances. Ce travail, dont nous avons donné l'analyse (liv. III, chap. IV), n'était formé que de renseignements très-généraux, de descriptions sommaires. Les Alpes occidentales y étaient esquissées à grands traits, mais les lignes non encore arrêtées du tableau accusaient l'imperfection des études. Toutefois, la distinction franchement établie entre les Alpes pennines, grées, cottiennes et maritimes, distinction accompagnée d'un exposé des propriétés militaires de ces quatre sections, avait permis à Annibal de prendre une décision en connaissance de cause. Il s'était prononcé, comme on le sait, pour les Alpes cottiennes, et cette résolution avait été notifiée aux topographes.

Ceux-ci s'étaient aussitôt remis à l'œuvre par les vallées du Drac, de la Durance et du Chisone. Ainsi cantonnées dans une zone de la chaîne, leurs études s'étaient complétées. Ils avaient pris sur toutes choses des notes détaillées et précises, observé de près la constitution géologique, le régime oro-hydrographique, la flore, la faune, les populations. Ils s'étaient surtout rendu compte de l'état des sentiers existants et des conditions dans lesquelles il était possible d'ouvrir des voies de communication nouvelles. C'était de ces notes précieuses, classées méthodiquement, que se composaient les mémoires apportés au quartier général de Grenoble.

Il serait assurément puéril de songer à restituer intégralement ces documents, car, à l'exception de quelques passages de Polybe, on ne possède point de données sur l'économie générale des Alpes cottiennes, considérées au temps de l'expédition d'Annibal. C'est seulement sous le règne d'Auguste que les Romains commencèrent à connaître ces montagnes, dont l'aspect leur avait jusque-là paru si redoutable ; ce n'est qu'aux écrivains de cette époque qu'on peut demander des renseignements. Les sources indispensables à l'exécution d'une œuvre de restitution ont donc percé deux cents ans trop tard. Aussi le commentateur qui aborde un tel sujet se condamne-t-il à l'anachronisme. Nous puiserons néanmoins, faute de mieux, à ces sources lointaines ; au lecteur de juger si l'écart n'est pas trop grand, si l'approximation est suffisante.

Les anciens désignaient chacun des éléments de la chaîne des Alpes sous des dénominations très-diverses[61]. En ce qui concerne la portion étudiée par les agents d'Annibal, M. Desjardins observe avec raison qu'elle put, à l'origine, être comprise sous la désignation d'Alpes Grées, et qu'elle prit, au temps de César, celle d'Alpes Juliennes. C'est seulement au temps d'Auguste que, suivant quelques érudits, le nom d'Alpes Cottiennes[62] a pu prévaloir. Ce nom, disent-ils, ne serait autre que celui du brenn Cottus[63], fils de Donnus[64], lequel Cottus eut seul le privilège de conserver son indépendance parmi les montagnards amenés à faire leur soumission[65]. Auguste fit attribuer à cet allié de Rome le gouvernement d'un territoire à cheval sur la crête des Alpes, limité d'une part à Usseaux[66], de l'autre à la frontière des Voconces[67], c'est-à-dire à la ligne du Drac. Enclave de l'empire romain, ce petit État fut dit le royaume de Cottus[68]. Il englobait les routes[69] qui passaient par les cols du faîte et mettaient en communication les deux versants de la chaîne. C'était réunir en une seule main toutes les clefs de l'Italie.

Selon d'autres commentateurs, le nom de Cottiennes, essentielle- ment générique, procéderait du radical cot ou coat[70], et son application à la portion des Alpes que nous considérons proviendrait du fait d'un épais boisement du pays. Il suit de là que, au temps même de l'expédition d'Annibal, le nom dont il s'agit pouvait être en usage. C'est à cette opinion que nous croyons devoir nous rallier, en admettant d'ailleurs que les topographes carthaginois ne sont entrés dans aucun ordre de considérations onomastiques.

Mais, s'ils ont omis d'analyser des faits dont la philologie doit aujourd'hui tenir compte, ils n'ont assurément point négligé d'étudier la nature du sol à la surface duquel devait s'asseoir leur route stratégique. Les mémoires descriptifs apportés à Grenoble renfermaient nécessairement des documents précis sur la constitution du massif des Alpes occidentales[71].

Il ne sera donc point hors de propos de retracer ici brièvement, à l'aide des données de la science moderne, l'histoire géogénique de cette chaîne imposante.

Les soulèvements et les affaissements successifs des diverses parties de l'écorce du globe ont été, comme l'on sait, des phénomènes nécessaires. Produit de l'un de ces bouleversements grandioses, le massif des Alpes apparaît dès le troisième jour de la Genèse[72], et ses contours se dessinent nettement dans les eaux de la mer silurienne inférieure. Ces terres, nouvellement émergées, sont d'abord essentiellement arides, mais bientôt leur nudité se couvre d'une opulente végétation[73]. C'est l'âge des arbres gigantesques, des roseaux à diamètre colossal, des fougères arborescentes atteignant jusqu'à 20 mètres de hauteur. L'îlot alpin, qui, jusqu'alors, s'est maintenu hors d'eau avec une invincible persistance, acquiert, au cinquième jour de la création, un accroissement de largeur considérable ; il est englobé dans un continent qui s'étend de l'Angleterre à l'Autriche, en traversant la France. Les premiers oiseaux voltigent dans les forêts de cette Europe embryonnaire ; d'énormes batraciens se traînent sur ses rivages ; une multitude de lourds poissons habitent l'océan qui les baigne[74].

Alors survient une grande catastrophe géogénique. Ce continent qui semblait être l'immuable noyau de la région française s'affaisse tout d'un coup : le massif alpin, entraîné, s'engloutit sous les mers.

De Nice à Insprück, comme de Lyon à Gênes, il n'y a plus trace de terres, même arides ; tout ce qui émergeait est de nouveau noyé. Des légions de plésiosaures s'agitent au-dessus des cimes du Saint-Gothard, du mont Blanc, du Viso.

Mais les Alpes ne sont pas destinées à demeurer longtemps submergées. Dès que les dépôts jurassiques ont atteint la puissance que leur assigne la loi sédimentaire, il se forme, au milieu de la mer crétacée, une île qui constitue de nouveau la base de la grande chaîne. Les points où viendront ultérieurement se placer Briançon, Trente, Insprück et Salzbourg émergent avec la vigueur qui caractérise les renaissances de cette nature. De grands cétacés soufflent dans les eaux du continent palingène, qui donne asile à des mégalosaures de 80 mètres de longueur. Ce sol qui a revu le jour ne doit plus disparaître, et, comme pour annoncer la prochaine apparition des Alpes, la main du Créateur soulève le Viso. Les dépôts crétacés inférieurs (grès verts) sont violemment fracturés, et l'aiguille géante se dresse vers le zénith, comme un premier jalon de la chaîne.

C'est l'aurore du sixième jour de la Genèse.

Ici se place un autre grand épisode de l'histoire géogénique, celui du soulèvement des Pyrénées, dont l'action, majestueusement intense, se répercute jusque dans les Alpes. Des terres jusqu'alors immergées sont brusquement poussées hors des eaux ; les roches qui doivent former le socle de l'édifice alpin prennent la place qu'elles doivent définitivement occuper, tandis que, à leur pied, la Suisse, le Piémont, une partie de la France s'abaissent pour recevoir les dépôts de molasse.

A l'époque de la molasse, immédiatement antérieure à celle de la formation des Alpes occidentales, la faune terrestre comprenait des types caractéristiques, comme ceux du mastodonte et du dinotherium ; mais le fait de l'existence des hippopotames, des singes et des rhinocéros la rapprochait assez de notre faune actuelle. La flore, alors très-riche en conifères, comprenait aussi des espèces modernes, telles que les ormes, les bouleaux, les érables. Des futaies de toute essence, des fourrés de toute espèce abritaient, nourrissaient[75] des rongeurs, des ruminants, des pachydermes, et, avec eux, de grands carnassiers, surtout de grands félins, ainsi que nombre de chiens des cavernes[76].

Alors les temps sont venus !... le système des Alpes occidentales doit surgir avec fracas[77]. De Marseille à Constance, le sol s'ébranle ; les roches inférieures, perçant la croûte du globe, s'élèvent à une hauteur considérable... la chaîne prend à peu près le relief qu'elle présente aujourd'hui. Mais là ne se borne point l'effet du mouvement : perpendiculairement au système du Viso, se forment les Alpes principales[78] ; celles-ci se soudent aux Alpes occidentales en deux points, qui s'appelleront plus tard mont Blanc et mont Rosa. Reliées par ces colosses, les deux chaînes sont définitivement constituées, et les oscillations du sol ne prévaudront plus contre la stabilité de leurs bases.

Les périodes glaciaire et diluvienne ne modifient point essentiellement le massif des Alpes. Les eaux le dégradent en maint endroit ; le suaire dans lequel il s'ensevelit lui laisse, çà et là, l'empreinte de ses plis glacés ; sa surface ridée envoie aux plaines du Rhône et du Pô les débris dont elle se dépouille ; mais il n'y a plus là trace de perturbations violentes. Le calme règne, et l'homme apparaît sur la terre.

Enfin, si longue qu'on la suppose, la période des temps préhistoriques est géologiquement sans importance. Des éboulements, des érosions, des modifications superficielles, voilà tous les événements de ce cycle.

Il suit de là que la nature intime de la montagne n'a guère changé depuis deux mille ans ; que, par conséquent, le spectacle qui s'offrait aux explorateurs carthaginois est bien celui que nous avons aujourd'hui sous les yeux.

L'organisation géologique des Alpes peut être esquissée comme il suit :

La rive gauche du Rhône, depuis son embouchure jusqu'au confluent de l'Isère, est bordée de dépôts postérieurs aux dernières dislocations du globe, c'est-à-dire de diluvium alpin. Si de cette rive, on s'élève vers l'est, on rencontre le terrain tertiaire moyen  (fahluns, meulières, grès) encastré dans le crétacé inférieur (grès vert) ; puis on voit apparaître le terrain jurassique, dont se compose principalement le massif des Alpes. De larges zones de cette formation principale se trouvent, d'ailleurs, noyées sous une mer crétacée (crétacé supérieur, craie blanche et craie marneuse), qui s'est répandue de la Romanche jusqu'au Var, en découpant et laissant presque étanches les vallées de la Durance et de l'Ubaye. (Voyez la planche II.) L'émersion des terrains cristallisés, vulgairement appelés terrains primitifs, persiste, d'autre part, sur de vastes étendues. Le système du Viso borde la rive droite du Drac, suit les méandres de la rive gauche de l'Isère, englobe le mont Blanc et touche au grand Saint-Bernard. Parallèlement à cette longue traînée, il constitue à l'est le revers italiote suivant une bande dont la Vraita baigne au sud les profonds enracinements, et qui, sur le Chisone, a pour largeur la distance de Fenestrelle à Pignerol. (Voyez la planche II.) Sur le grand lac jurassique qu'en- ferment ces deux rivages, et dont la constitution est modifiée sur le revers italiote, apparaissent çà et là des îlots primitifs, parmi lesquels se détachent ceux de Suze, du mont Genèvre et du mont Viso. Quant au massif du Pelvoux, il est presque totalement granitique. Notons enfin quelques pointes de roches plutoniques, qui parsèment les crêtes. En descendant vers l'Italie, à l'est d'une ligne menée par Pignerol et Saluces, on retrouve le diluvium alpin, qui, après avoir bordé les rives du Rhône, constitue également, jusqu'à Turin, le sol de la vallée du Pô.

Les formations jurassique et crétacée des Alpes renferment de beaux marbres et des calcaires saccharoïdes qui, bien que d'un grain moins fin et moins homogène que celui de Carrare, n'en offrent pas moins à l'art de la statuaire des ressources de grand prix. Les anciens, qui les connaissaient[79], admiraient aussi dans ces parages le quartz hyalin, qu'on appelle cristal de roche, quand il est translucide, et améthyste, lorsque l'oxyde de manganèse y répand des teintes violacées. Pline en mentionne la valeur[80]. On trouve, en outre, dans les Alpes, quelques dépôts d'anthracite, des quartzs compacts, des filons de feldspath-albite, des idocrases, jolies pierres fines de la famille des grenats. L'épidote, l'émeraude, se montrent sur quelques points, ainsi que la tourmaline, principalement la variété dite axinite, aux belles couleurs violettes. Un talc de teinte laiteuse, la stéatite ou craie de Briançon, se rencontre sur les bords de la Durance. On y remarque aussi l'euphotide, roche en laquelle domine le diallage nommé vert de Corse, et dont l'espèce dite variolite s'exploite au mont Genèvre. Çà et là brillent l'amiante, le spath-fluor rose, la pyrolusite. Les granites laissent scintiller le corindon harmophane ou spath adamantin ; le gypse donne aux formations secondaires un faux aspect de moire antique.

Les métaux sont en général assez rares dans le massif des Alpes occidentales. Cependant les anciens exploitaient des mines de cuivre dans la Tarantaise[81] ; d'argent, dans la vallée de la Durance ; d'or, dans la Dora Riparia[82]. Les eaux du Pô supérieur leur apportaient aussi quelques paillettes d'or[83].

L'étude de la distribution des masses minérales préparait admirablement les officiers d'Annibal à celle des formes extérieures du terrain[84]. Ils procédèrent ainsi plus facilement à l'examen du modelé des reliefs de la montagne et du régime de ses cours d'eau. Nous les suivrons dans cette analyse des conditions oro-hvdrographiques.

En plan, les Alpes occidentales dessinent, du Saint-Gothard au col de Cadibone, un arc de cercle de 560 kilomètres de développement, dont la concavité regarde l'Italie. (Voyez la planche I.) Le cours de la Dora Riparia représente assez bien le rayon mené de manière à diviser cet arc en deux parties égales[85]. Là se prononce une échancrure angulaire, ouverte sur l'Italie, comme l'ensemble de la chaîne, et le côté méridional de cet angle mesure 100 kilomètres de longueur. C'est suivant ce côté que règne la section dite des Alpes Cottiennes.

Il est facile de saisir les conséquences du fait de ce tracé circulaire et du sens de la concavité. Les vallées du versant occidental sont généralement divergentes ou, au moins, parallèles ; les vallées orientales sont, au contraire, convergentes. Militairement, il suit de là qu'une armée opérant de France en Italie dispose de bases à tenaille, essentiellement enveloppantes ; que la vallée du Pô, bien que centrale et propre à menacer tous les débouchés des passages, n'aboutit qu'à des lignes d'opérations disposées en éventail, à des bases nécessairement enveloppées ; que, par conséquent, une invasion de France en Italie est plus facile que l'opération inverse.

Cette disposition, dit avec raison M. Ernest Desjardins[86], rend et a rendu dans tous les temps les invasions sur notre sol difficiles et presque toujours stériles, parce que les armées d'attaque s'éparpillent à de grandes distances ; tandis que les expéditions sur le sol ennemi ont toujours été promptes, et souvent glorieuses, par la facilité des ralliements et des concentrations dans les vallées du Pô et de ses affluents supérieurs.

L'inégalité qui résulte pour les deux pays de cette disposition de la chaîne italo-gallique n'avait pas échappé aux Romains, qui ont mis une sage lenteur à soumettre d'abord la Cisalpine, à s'assurer ensuite les principaux passages alpestres, et à ne s'avancer que par des progrès mesurés et certains dans la vallée du Rhône, jusqu'au jour où cette région, bien soumise et presque assimilée à l'Italie, permit à César de frapper les grands coups qui ont mis la Gaule entière sous la main de Rome. Aussi peut-on dire que cette attaque prudente de notre pays par les armées romaines venues d'outre-monts est la seule qui ait réussi : toutes les autres ont échoué, depuis celle des Lombards et des Saxons avec Amo, Zaban et Rhodane, au temps d'Ennius Mummolus en 570, jusqu'à celle de Charles-Quint en 1536 ; tandis que toutes les invasions en Italie par les Alpes gauloises ont réussi d'abord, depuis les expéditions des Valois jusqu'à celles de Louis XIII, de Catinat et de Bonaparte.

Le profil du relief de la chaîne n'est pas moins que le tracé planimétrique favorable aux mouvements dirigés de l'ouest à l'est.

Les pentes qui tombent sur l'Italie sont, en effet, bien plus roides que celles du versant occidental ; les rampes y sont plus courtes ; les contreforts, plus abrupts[87]. Vu de Turin, le massif des Alpes semble se dresser à pic au-dessus de la plaine et offrir l'aspect d'un long mur de jardin. Des bords du Rhône, au contraire, l'œil se repose sur une série de gradins que rachètent des talus à pentes douces, gradins dont l'ensemble figure un escalier facile, invitant l'envahisseur à l'accès de la crête.

Toutefois, cet envahisseur ne doit point se laisser aller aux illusions. Malgré l'heureuse disposition du profil, le franchissement n'est point affaire commode. La montée ne peut s'opérer que par des chemins hérissés d'obstacles, et ces obstacles ne cèdent qu'aux plus rudes efforts. C'est ce qu'annoncent au loin ces pics recouverts de neige, que Napoléon appelait des géants de glace défendant l'entrée de l'Italie.

Là, parmi ces géants, s'élancent vers les nuages le mont Tabor[88] et le mont Viso[89], plantés comme les deux Termes des Alpes cottiennes. Entre eux se dresse le mont Genèvre[90]. Les trois colosses jalonnent la ligne des crêtes et semblent les piliers de la chaîne. C'est à la base de leurs massifs que s'ouvrent les passages praticables, qu'on trouve les nœuds de communication.

La masse des Alpes cottiennes est appuyée, de part et d'autre, de puissants contreforts. On en distingue trois principaux sur le versant occidental, quatre sur le revers italiote. Du côté de la France, le premier sépare la haute Durance de la Romanche et du Drac ; le deuxième se développe entre la Durance jet le Guil ; le troisième, entre la Durance et l'Ubaye. Sur le versant oriental, l'un borde la rive gauche de la Dora Riparia ; les trois autres tombent entre Dora et Chisone, entre Chisone et Pelice, entre Pelice et Pô. Parmi ces contreforts, ceux qui bordent la ligne d'opérations d'Annibal méritent une mention particulière ; il convient donc de jeter les yeux sur l'âpre massif qui s'étale entre la Durance et le Drac, et auquel on a donné le nom d'Alpes du Dauphiné ; puis sur les épais soutènements que baignent les eaux tourmentées du Chisone.

Les Alpes du Dauphiné se détachent du mont Tabor, se dirigent un instant vers l'ouest par l'Aiguille Noire et le Galibier, puis, au col de ce nom, tournent au sud et se développent entre le Drac et la Durance. Leur importance est telle qu'on les a souvent prises pour le vrai prolongement des Alpes occidentales, en n'attribuant dès lors aux Alpes maritimes qu'un rôle de simple contrefort. Elles renferment les points culminants de la France ; d'où ce surnom superbe du Pelvoux : mont Blanc du Dauphiné[91].

Leur massif est couronné de glace ; leurs flancs sont sillonnés de gorges sinistres ; leurs vallées, ravagées par les avalanches[92]. La haute Durance baigne ainsi, sur sa droite, une contrée sauvage.

Sur la rive gauche, la nature devient un peu moins âpre ; mais cependant les deux autres contreforts du versant, Ubaye-Durance et Durance-Guil, impressionnent encore profondément l'explorateur.

Sur le revers italiote, la vallée du Chisone, dite aussi de Pragelas, s'encaisse entre deux contreforts à parois escarpées, contreforts qu'on désigne sous les noms de l’Assietta[93] et de mont Albergian[94]. Tous deux sont difficilement praticables.

Ayant ainsi étudié le modelé des terrains et dépeint à leur général en chef la physionomie orographique de la région à traverser, les officiers carthaginois durent insérer en leurs mémoires le résultat de leurs observations hydrographiques.

Il est peu de pays aussi bien arrosés que le versant occidental des Alpes cottiennes. Des myriades de cours d'eau le sillonnent en tous sens[95] ; mais ces cours d'eau limpides deviennent souvent torrentueux, et leurs crues sont surtout redoutables alors qu'un soleil de printemps darde ses premiers rayons sur les nappes des glaciers[96].

Les colonnes carthaginoises devaient, à leur sortie de Grenoble, entrer dans la vallée du Drac et en remonter le thalweg, ainsi qu'elles avaient fait pour le Rhône et l'Isère. Il leur importait donc de bien connaître à l'avance le régime et le tracé de ce cours d'eau.

Le Drac[97] prend sa source entre les plis des hauteurs de Champoléon, dans le Champsaur. (Voyez la planche VII.) Il sort du flanc sud d'un glacier dont l'altitude mesure 3075 mètres, et qui se trouve à l'ouest de la crête des Douchiers, située entre le col du Loup et le pas de la Cavale. Le ruisseau de Rognons, qui descend du col de Prelles, parallèlement à la crête des Bouchiers, fait office de deuxième source ; on peut aussi considérer le Drac d'Orcières comme une troisième branche initiale[98].

Le Drac coule d'abord de l'est à l'ouest, reçoit sur sa droite le ruisseau d'Issora et tourne au sud. Il arrose Champoléon, s'enfle d'une foule de torrents secondaires qui portent comme lui le nom de Drac ; puis, grossi du Drac d'Orcières, il reprend la direction est-ouest et descend toute la vallée du Champsaur par Chabottes, Forest-Saint-Julien et Saint-Bonnet. Vers le bas de la vallée, il reçoit, sur la droite, les eaux de la Mardanne, du Buissard, de la rivière des Granges, de la Durovillouse, du Pisançon et de la Severaissette ; sur la gauche, celles du torrent d'Ancelle, du Riougra, de la Jordanne, des torrents de Brutinel et de la Fare.

De Forest-Saint-Julien, le Drac se dirige vers le nord-est par Aubessagne, Corps et Cognet. Dans cette section (Vercorps), ses affluents de droite sont, après la Severaissette, les torrents des Couyts et de la Pisse, la Severaisse (val Godemar), le Brudour, le torrent de Corps, celui des Andrieux et, enfin, la Bonne (val Bonnois) ; ses affluents de gauche : le Rioubel, les torrents de Catherine-Rageoux, du Lans, de Chabach, du Glaizil, la Souloise (Devoluy), la Croix-de-la-Pigne et la Chalanne.

En aval de Cognet, c'est-à-dire du confluent de la Bonne, le Drac reprend franchement la direction est-ouest jusqu'au confluent de l'Ébron (Trièves). De là il pique droit vers le nord.

Enfin, dit Montannel, après avoir reçu à sa droite, et sous le village de Champ, les eaux de la Romanche et, au-dessous de Fontanieu, les eaux de la Gresse, il entre sous le pont de Claix et, de là, va se jeter dans l'Isère.

Suivant ce tracé, dont les méandres tourmentés mesurent, au total, environ 120 kilomètres, le Drac roule ses eaux tumultueuses dans un lit à pente rapide et profondément encaissé. Collecteur d'une foule d'affluents torrentueux, torrent lui-même, il exerce de grands ravages à l'heure de ses débordements.

Après avoir, un temps, remonté la vallée du Drac, l'armée carthaginoise avait à passer dans celle de la haute Durance par l'un des cols qui s'ouvrent sur la ligne de partage des eaux des Alpes du Dauphiné (saltus Tricorii). Il était donc également indispensable d'étudier avec soin le cours de la Durance[99] dans les limites prévues par le projet de ligne d'opérations.

Ce long cours d'eau, qui descend, en son entier, le versant occidental des Alpes, paraît sourdre au milieu des Prés-du-Gontran, au pied du mont Gontran, dont l'altitude est de 2.464 mètres. Il se dirige d'abord du sud au nord sur un sol de serpentines et d'eupholides ; mais, arrivé à la hauteur du village du Mont-Genèvre[100], on le voit tourner assez brusquement vers le sud-ouest, pour entrer sur les terrains jurassiques modifiés. Aux Alberts, il reçoit la Clarée[101] ; à Briançon, la Guisane[102] ; ces deux rivières, qui viennent du Tabor, sont souvent prises pour des sources, non pour des affluents.

De Briançon, la Durance descend rapidement dans la direction sud-ouest et pénètre sur le terrain jurassique, qu'elle ne doit plus quitter dans la section dont il s'agit. Elle poursuit sa course, roule du nord au sud, passe à la direction nord-est, revient franchement au nord-sud et arrive à Montdauphin. Dans ce trajet, son volume d'eau s'est grossi des tributs de la Gyronde[103], de la Casse[104], de la Biasse et du Guil.

A Montdauphin, elle reprend la direction sud-ouest, laquelle se prononce surtout en aval d'Embrun ; elle reçoit une multitude de torrents, tels que ceux du Couteau, de Palps, des Vachères, de la Marasse, des Moulettes, et sort, en amont du confluent de l'Ubaye, des limites du pays que les agents d'Annibal étaient chargés d'explorer.

La vallée de la haute Durance est étroite, stérile, profondément encaissée. Le fleuve n'est lui-même qu'un torrent gigantesque au régime capricieux et désordonné[105]. Son lit présente un aspect désolé, ou plutôt ses eaux coulent à la fois dans plusieurs lits toujours variables, toujours coupés de gués nouveaux et travaillés par des affouillements faits pour tromper le voyageur. Les sables qu'il roule, les quartiers de roc qu'il entraîne, bondissent de gouffre en gouffre, et l'on ne sait où trouver quelque sécurité[106]. Une fois parvenues aux sources de la Durance, les troupes d'Annibal étaient dans l'obligation de pratiquer l'un des cols qui découpent la crête des Alpes cottiennes (saltus Taurini) et de descendre par là dans la vallée du Chisone. Les rives de ce cours d'eau devaient donc être explorées avec autant de soin que celles de la Durance et du Drac.

Le Chisone[107], qui prend naissance au sud du mont Genèvre, commence par décrire une sorte de demi-circonférence dont la convexité regarde le nord. (Voyez la planche VIII.) Suivant cette courbe, et coulant sur des terrains jurassiques modifiés, il arrose Pragelas, Usseaux, Fenestrelle. En aval de ce dernier point, il entre sur les terrains cristallisés, passe par Perosa, laisse Pignerol sur sa gauche et, grossi du Pelice, se jette dans le Pô, non loin de Pancalieri, après un cours de 75 kilomètres. Sa vallée est étroite et souvent tourmentée par les becs des rochers qui rencaissent[108].

Le Chisone a trois affluents très-importants à considérer : la Germagnasca, qui arrose la valle di San Martino[109] ; le Russigliardo, dont les eaux fertilisent les vallées de Pramollo et de San Germano[110] ; le Pelice, qui baigne les flancs de la valle di Luserna[111].

Tout en prenant ces notes hydrographiques, les explorateurs étaient frappés de la beauté grandiose des deux versants des Alpes.

L'éclat d'une végétation puissante[112], la variété des cultures[113], les richesses forestières[114], tout leur paraissait merveilleux ; ils ne pouvaient se lasser d'admirer, d'une part, le magnifique pays des Allobroges et des Voconces[115] ; de l'autre, les champs plantureux de la Transpadane[116].

L'aspect des bois étonnait leurs regards. Ils voyaient, de chaque côté, se détacher des chênes, des conifères, des aubours[117], des arbres de toute essence[118], des massifs de genévriers, d'arbousiers, d'arbustes de toute espèce. Au pied de ce monde végétal, exploité par une population laborieuse[119], de belles saxifragées étendaient leur tapis de verdure. Partout la nature se montrait prodigue de richesses. Au pied des hauteurs, dans les marais, sur le bord des fleuves, croissaient des joncs d'un diamètre extraordinaire[120], des chanvres d'une qualité remarquable[121]. Dans les plis de la montagne, au flanc des vallées fraîches, poussaient en abondance des plantes qui, chez les anciens, jouissaient, à titres divers, d'un grand renom : c'étaient la valériane, la centaurée, la conferve, la rhodora, le nard, ingrédient précieux auquel les habitants des Alpes donnaient, suivant Dioscoride, le nom d'aliungia[122]. Çà et là, sur le sol fauve de la plaine, se détachaient en vert tendre de vastes, mais informes jardins, où poussaient pêle-mêle des plantes fourragères, des légumes[123], tels que la fève[124] et les raves[125], des graminées rustiques, comme le lin[126], le millet, le panic[127] ou le seigle[128]. Ailleurs, c'étaient des champs de céréales, de vastes étendues couvertes de blés et d'orges[129] obtenus par des procédés de culture perfectionnés[130]. Trois espèces de froment attiraient surtout l'attention des agents d'Annibal ; c'étaient le siligo[131], l'arinca[132], le blé de mars[133]. Ils en admiraient le poids extraordinaire[134], et apprenaient, non sans plaisir, que les farines, une fois blutées[135], donnaient aux habitants un pain délicieux[136].

Chargés d'établir une statistique exacte des ressources alimentaires, ces officiers ne contemplaient pas avec moins d'intérêt les vignobles étagés au-dessus des moissons de la plaine. C'est au règne de Probus (276-282) qu'on a coutume de rapporter l'introduction de la viticulture dans les Gaules. Il est certain que le digne empereur autorisa tous nos ancêtres à planter des vignes[137] ; mais son décret et ses encouragements ne visaient que les zones septentrionales de la région française. Quant aux Gaulois du Midi, les Massaliotes leur avaient, de longue date, appris à faire les vins[138], et cette fabrication leur était déjà familière au temps où Rome était encore gouvernée par des rois[139]. Les coteaux des Allobroges et des Voconces étaient surtout célèbres[140], et les vins qu'on y récoltait se conservaient très-bien dans des fûts[141] ou des foudres de grandes dimensions[142]. Malheureusement, ces produits ne supportaient pas le transport ou, du moins, le transport leur faisait perdre, en partie, leur bouquet9. C'était sur place seulement qu'il était permis de déguster le vin de paille (vinum dulce) de la Drôme, d'apprécier ces nectars de Vienne qui se vendaient, nous l'avons dit ci-dessus, plus de mille francs l'hectolitre. Là où la vigne faisait défaut, la bière [143]et l'hydromel[144] étaient les boissons ordinaires. Les habitants des Alpes obtenaient l'hydromel en faisant simplement macérer dans l'eau des rayons de miel, qui y subissaient les effets de la fermentation. Quant à la bière, ils en connaissaient plusieurs variétés : la cervoise (cervisia) ou bière d'orge, le ζύθος, bière de froment additionnée de miel ; le corma, bière de froment sans miel[145].

Ainsi le service des subsistances, fourrages, vivres-pain et liquides, se trouvait assuré le long de la directrice de marche. Il est vrai que, si le pied des Alpes offrait d'immenses ressources, l'abondance diminuait progressivement à mesure qu'on s'élevait vers la cime. Les Carthaginois observèrent que, à l'altitude de 800 mètres, les flancs de la montagne cessaient brusquement de nourrir des chênes. A 1000 mètres, le hêtre disparut et, de là jusqu'à 1.800 mètres, ils n'eurent plus sous les yeux que des conifères, sapins, mélèzes ou pins communs, qui, successivement, cessèrent de leur apparaître. Néanmoins, ce n'était pas encore le désert. Bien qu'elle produisît à grand'peine l'indispensable aux besoins de la vie[146], cette zone était habitée. Les rares tribus qui l'occupaient tiraient parti des bois, des sapins[147], des larix[148] ; elles faisaient confire des pommes de pin dans le miel de leurs ruches[149], ou échangeaient contre des denrées substantielles leurs fromages, leurs miels, leurs cires, leurs résines[150], leurs mannes de Briançon[151] et leurs poix, dont Dioscoride distingue plusieurs espèces[152]. Celle qu'on nommait pix corticata s'employait chez les Allobroges dans la fabrication des vins[153].

Au-dessus de 1800 et jusqu'à 2000 mètres d'altitude, les explorateurs n'aperçurent plus que de chétifs bouleaux ; au-dessus de 2000 mètres, ils purent compter quelques pins rachitiques, enfants perdus du règne végétal ; un peu plus haut enfin, ils devinèrent plutôt qu'ils ne virent un pin cembro projetant sur la moraine d'un glacier l'ombre sinistre de son feuillage en deuil. Partout régnaient la solitude, le silence, la désolation[154]. Heureusement, la traversée de la région des crêtes ne paraissait pas devoir être de longue durée, et un service de transports bien organisé pouvait y conjurer la disette.

Ainsi que la flore des Alpes, la faune fut l'objet de l'examen le plus sérieux ; car, après les approvisionnements en boissons, pain et fourrages, il fallait encore songer à pourvoir de viande fraîche les colonnes expéditionnaires. On constata facilement qu'il était possible de satisfaire à ces besoins dans les proportions les plus larges.

Les habitants des Alpes avaient, en effet, des troupeaux[155]. Sur leurs prairies paissaient de belles races bovines[156], parmi lesquelles on distinguait l'espèce dite Ceva[157]. Les vaches, bien que de petite taille, leur fournissaient en abondance[158] un lait qui formait la base de leur nourriture[159]. Les terrains de pâture et de parcours servaient à l'élève du mouton ; les brebis leur donnaient quantité[160] de fromages d'un goût renommé[161]. Les pentes boisées, enfin, étaient abandonnées aux races porcines, qui y erraient à l'aventure en s'engraissant de glands[162]. La chair de porc était, après le lait, l'élément essentiel de l'alimentation des populations transalpine et cisalpine[163]. Outre celle qu'absorbaient les besoins de la consommation locale, les deux versants des Alpes en produisaient des quantités considérables qui s'exportaient dans toutes les régions de l'Italie[164].

Au temps de Caton, le contemporain d'Annibal, il y avait chaque année à Rome un grand arrivage de jambons, de côtelettes, de filets, de quartiers de cochon et d'autres produits de la charcuterie gauloise[165]. Les jambons y étaient surtout très-prisés[166].

A la ressource de leurs animaux domestiques les montagnards joignaient celle que leur offrait la faune sauvage[167], et ils eussent pu, à la rigueur, vivre uniquement des produits de leur chasse[168].

Au temps de l'expédition d'Annibal, on trouvait dans les Alpes toute espèce de gibier de poil : chevreuil (cervus capreolus), chamois (antilope rupicapra), bouquetin (capra ibex)[169], sanglier[170], lièvre (lepus variabilis)[171], marmotte (arctomys marmotta)[172] ; on y rencontrait même une variété de bison[173]. Quant à la plume, elle était représentée par le coq de bruyère (tetrao tetrix, gallo di montagna) et l'outarde (tetrao urogallus, ottarda)[174], la gelinotte commune (tetrao bonasia, francolino)[175], le chocard des Alpes (corvus pyrrhocorax)[176] et l’ibis[177]. Les habitants des Alpes savaient se faire des réserves de gibier : ils avaient des garennes (leporaria) ; des basses-cours à clôtures de planches (in doliis), où les loirs s'élevaient en compagnie des gallinacés[178] ; des viviers renfermant le poisson d'eau douce dont regorgeaient tous leurs ruisseaux limpides[179]. Ils parquaient toute espèce de bestioles, jusqu'à des escargots (cochlearia)[180].

Donc, en principe, la disette de viande fraîche n'était pas à craindre ; mais, de même que la végétation, la vie animale cessait vers la région des crêtes et, à ce point de vue encore, les transports devenaient nécessaires. Or la nature avait permis que les Alpes elles-mêmes eussent à offrir à l'armée carthaginoise un choix d'excellents chevaux, de race rustique et à demi sauvage[181], mais admirablement dressés[182] ; une quantité suffisante de bonnes mules au pied sûr, incapables de céder aux effets du vertige dans les passages les plus difficiles[183], et qui, pour ce motif, étaient en grand renom[184]. Enfin, il était possible d'utiliser les nombreux attelages de bœufs dont se servaient les montagnards[185].

Jusque-là, tout marchait à souhait. Mais ces montagnards eux-mêmes, était-il possible de traiter avec eux ? Quels étaient-ils ?

Quels peuples allait-on rencontrer ? En savait-on seulement l'origine ou le nom ? Avait-on quelque idée de leur caractère, de leur religion, de leurs mœurs ? Fallait-il s'attendre à trouver une race inoffensive, ou animée, au contraire, d'un esprit militaire prononcé ?

C'est ce que s'étaient demandé, de prime abord, les agents d'Annibal ; aussi n'avaient-ils point négligé l'étude ethnographique du pays considéré.

Ils purent constater, tout d'abord, que, contrairement à l'opinion généralement admise, la majeure partie des Alpes était très-habitable[186] ; que, à l’exception de l'ingrate région des crêtes, aussi hostile à l'homme qu'aux animaux et aux plantes[187], les deux versants étaient effectivement habités[188]. Ils furent, en même temps, frappés du fait de la diversité de race des populations qu'ils rencontraient[189]. Comment distinguait-on ces populations si diverses, et quelle en était la nomenclature ethnique ? Il n'est guère possible de le savoir. Polybe donne simplement aux habitants du revers italiote des Alpes le nom générique de Taurisques[190] ; aux gens du revers occidental, celui de Transalpins[191]. Il ajoute cependant que ceux-ci étaient plus particulièrement connus sous le nom de Galates[192], fréquemment additionné du surnom de Gœsates[193]. Quant aux Romains contemporains d'Annibal, ils n'avaient jamais eu de relations avec ces montagnards[194], et se bornaient, en conséquence, à les désigner sous une foule de dénominations[195] très-vagues, telles que celles de peuples Alpins[196], peuples aux longs cheveux, habitants de la Gaule chevelue. Ces dernières expressions prévalurent[197]. Plus tard Strabon, suivant la leçon de Polybe, mentionne comme lui la nation Galate, qu'on appelle aussi, dit-il expressément, Celtique ou Gallique[198]. C'est ce dernier terme qu'adopte uniformément Tite-Live, toujours sobre de détails en ces matières délicates[199]. En somme, rien n'est moins précis que cet ensemble de données onomastiques, et il faut renoncer à en tirer quelque lumière qui puisse éclairer les questions d'origine.

Peut-on admettre, d'autre part, que les Carthaginois aient été en mesure de s'appuyer, pour traiter ces questions, sur quelques données d'un autre ordre ? Avaient-ils recueilli des traditions ?

Possédaient-ils des documents historiques qui ne nous seraient point parvenus ? C'est ce qu'il est absolument impossible de décider. Toutefois, si l'on songe au goût prononcé des anciens pour ce qui touche à l'ethnogénie, au soin qu'ils apportaient à toute étude de ce genre, on peut, sans choquer la vraisemblance, supposer qu'Annibal disposait de renseignements qui nous font aujourd'hui défaut. C'est de ces renseignements perdus pour nous qu'il convient de demander à la science moderne, sinon la restitution, au moins le sens. Cherchons donc dans cette voie un équivalent des informations prises, il y a deux mille ans, par les officiers topographes et apportées par eux au quartier général de Grenoble.

Selon M. de Quatrefages, l'espèce humaine comprend trois types distincts, qui se peuvent comparer à trois troncs d'arbre sortis d'une souche commune : ce sont les types blanc, jaune et noir.

Le type blanc, unique élément du peuplement du sol de l'Europe[200], se ramifie, à son tour, en trois branches, qu'on appelle aryenne, sémitique et allophyle. Or ce sont les blancs allophyles, descendants de l'homme quaternaire[201], qui constituent ethnographiquement la formation primitive de nos régions occidentales[202]. Trois nations ou races allophylitiques ont distinctement laissé sur notre sol des traces de leur établissement : ce sont celles des Euskes[203], des Imazir'en[204] et des Ligures[205]. On en retrouve çà et là quelques îlots émergeant de la nappe des sédiments ethnographiques, sous le dépôt desquels leurs masses ont été noyées ; car il vint un jour où les allophyles eurent à subir la loi redoutable aux termes de laquelle toute race primitive doit, au moment voulu, disparaître sous le flot d'une race supérieure[206]. C'est du XLe au XXe siècle avant l'ère chrétienne que les descendants de l'homme quaternaire reçurent le violent choc d'un grand courant aryen[207], lequel, souvent coupé par des obstacles, se brancha dans des directions diverses et eut pour diffluents principaux les Celtes, les Germains, les Slaves, les Hellènes et les Latins[208]. Les allophyles eurent à soutenir une lutte terrible et peut-être vingt fois séculaire ; leur résistance fut sans doute opiniâtre ; mais, enfin, pressés de toutes parts, refoulés en tous sens, ils durent s'avouer vaincus.

De ceux qui échappèrent aux effets de l'extermination, les uns se mélangèrent aux envahisseurs ; les autres cherchèrent un refuge dans des lieux d'un accès difficile, tels que les hauts pitons des Alpes ou des Pyrénées[209]. Là se formèrent ces îlots ethnographiques, destinés à servir de témoins du passé des races éteintes par la conquête aryenne. Quant au reste de notre Occident, il disparut ethnologiquement sous des couches successives de Germains[210] et de Celtes[211]. Ceux-ci occupèrent, entre autres régions, toute l'étendue de la Circumpadane, et couvrirent, jusqu'aux rivages de l'Océan, le sol arraché aux allophyles. Ainsi parvenus à la côte, les Aryens se trouvaient arrêtés dans leur course ; ils touchaient aux limites du vieux monde. Mais, en heurtant de front les falaises de l'Europe occidentale, le grand courant humain venu de l'Orient subissait un effet de remous : il se forma, dans sa masse, des contre-courants, qui, se prononçant en sens inverse, dessinèrent un mouvement de reflux vers le point de départ. Quelques ethnologistes, nous le savons, refusent d'admettre la réalité de ce phénomène ; ils ne croient point à la réaction, au choc en retour, comme ils disent, et font ressortir, par exemple, le caractère d'invraisemblance que revêt à leurs yeux l'expédition de Bellovèse. Nous ne saurions partager l'avis de ces savants : nous croyons au fait du reflux, dont nous entrevoyons toutes les conséquences dans le grand œuvre du mélange des Celtes avec les restes des races primitives.

A notre sens, les peuplades celtiques qui s'établirent ainsi sur le versant occidental des Alpes y prirent spécialement le nom de Gaëls ou Galates, emprunté à l'idiome amazir’[212]. Cependant les Celtes n'étaient pas appelés à jouir partout paisiblement du fruit de leurs conquêtes. Ceux de la Circumpadane durent supporter, au cours du XIe siècle, l'effet de l'invasion des Etrusques. Ils furent, à leur tour, refoulés et vaincus, mais la tourmente qui désola les bords du Pô vint mourir au pied de nos Alpes. Les Galates n'en ressentirent point la secousse, non plus qu'ils ne subirent de modification ethnographique considérable lors des expéditions grecque[213] et phénicienne[214] qui, vers le même temps, traversèrent leur pays.

Grâce à ces circonstances favorables, leur race s'attacha au sol, se constitua fortement, et le nom de Galate était devenu redoutable au moment où s'ouvrit la deuxième guerre punique.

En résumé, les agents d'Annibal chargés d'explorer les Alpes cottiennes y trouvèrent une descendance directe des Celtes de la première invasion, mais devenue race Galate ou Gallique, du fait de sa transplantation sur notre versant occidental[215]. Dans les veines de cette race vigoureuse il ne coulait que quelques gouttes de sang hellène ou phénicien ; elle présentait par suite une surface homogène, d'où pointaient seulement çà et là quelques témoins allophylitiques.

En nous attachant (liv. V, chap. II) à restituer le tracé de la directrice de marche, nous avons dit que les colonnes carthaginoises ont dû couper, au sortir de Grenoble, le territoire des Tricorii, clients des Allobroges de l'île et portant eux-mêmes, par extension, la dénomination d'Allobroges. (Voyez la planche VI.) C'est la seule peuplade dont les textes fassent mention ; mais il est, en outre, une puissante confédération Galate que les explorateurs ont nécessairement rencontrée sur leur passage ; c'est celle des Katoriges, à laquelle appartenaient, en qualité de clients, les Brigiani. Le silence de Polybe et de Tite-Live ne saurait nous empêcher d'en fixer la situation topographique sur le revers occidental des Alpes, car des données tirées d'autres sources diverses nous autorisent suffisamment à le faire.

Les Katoriges[216] occupaient la vallée de la haute Durance[217], c'est-à-dire les territoires qui furent dits ultérieurement Gapençois, Embrunois, Briançonnois[218]. (Voyez la planche II.)

Le tracé de ces limites territoriales ayant été fréquemment soumis à la discussion des commentateurs, il n'est point hors de propos d'insister un instant sur la question. Cette nation [des Katoriges] était puissante, dit d'Anville, et il y a lieu de présumer que, depuis une position de Fines qui nous est connue, et qui renferme Vapincum ou Gap, elle s étendait jusqu'au pied de l’Alpis Cottia. Elle pouvait dominer sur plusieurs peuples ou communautés de moindre considération, dont ce quartier des Alpes paraît rempli, et je n'hésite point à dire qu'il est plus convenable de voir Brigantio compris dans cette extension que de le donner aux Segusini (Suze), comme a fait Ptolémée. La Commission de la Carte des Gaules partage les idées de d'Anville en ce qui concerne Brigantio, mais elle admet moins facilement que Vapincum (Gap) appartînt aux Katoriges, tout en reconnaissant que l'existence d'un Fines, consigné dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem entre Vapincum et Davianum (Veynes), établit à cet égard de sérieuses difficultés. Elle estime, en somme, qu'il n'y a pas de raison de croire que la population dont Gap était le centre fut cliente des Katoriges plutôt que des Voconces. Pour nous, appuyé d'Aymar du Rivail, de d'Anville et de Millin, nous pensons que l'oppidum de Gap appartenait à ces puissants Katoriges, qui possédaient, en outre, Chorges, Briançon, et tenaient en leurs mains la clef de tous les cols de la crête[219]. Là ne se borna pas toujours l'étendue de leur domination. Sur le versant oriental des Alpes, ils furent longtemps maîtres de la Riparia supérieure ; la nation des Vagienni était issue de l'un de leurs démembrements[220] ; un autre essaim, parti de la Durance, s'était établi dans la Transpadane[221], d'où on pourrait inférer, dit encore d'Anville, que, lorsque Bellovèse passa en Italie, un détachement de Caturiges se sera joint aux autres nations gauloises dont Tite-Live a rapporté les noms. Sur le versant occidental, ils possédèrent vraisemblablement la vallée de la Romanche et celle du Drac jusqu'à Vizille (Catorissium) ; ils comptaient de nombreuses alliances, et furent sans doute longtemps unis aux populations d'entre Seine et Meuse ayant pour chef-lieu Bar-le-Duc (Catarices). D'humeur très-belliqueuse et sachant profiter à merveille des avantages de leur situation, les Katoriges résistèrent à César[222] et ne furent définitivement soumis que par Auguste[223]. Il est donc permis de penser que les officiers d'Annibal ne tardèrent pas à reconnaître qu'il serait difficile de forcer les passages gardés par cette rude nation galate. Un des clans transalpins soumis à l'autorité des Katoriges inspirait surtout aux topographes une inquiétude dont ils ne pouvaient se défendre : c'était celui des Brigiani[224]. Les gens de race allophyle compris sous ce nom générique[225] passaient, en effet, pour bandits émérites, coupeurs de routes et brigands[226] redoutés à raison de leur férocité[227]. Ce n'est, d'ailleurs, qu'au temps d'Auguste que les vallées du Briançonnois furent purgées de leur population malfaisante, et que les communications s'y pratiquèrent avec quelque sécurité[228].

Sortis sains et saufs des mains des Brigiani, les officiers carthaginois étaient descendus chez les habitants du revers italiote. Nous avons dit (liv. V, chap. II) que la confédération des Taurini occupait la région piémontaise, c'est-à-dire le pays compris entre le Pô, la Dora Baltea et la portion de crêtes déterminée par les sources des deux cours d'eau. Elle disposait ainsi d'une magnifique plaine de plus de 120 kilomètres carrés[229], dont la possession lui avait sans doute été garantie par un ancien traité d'alliance avec les Romains[230]. Les populations qu'elle comprenait étaient une descendance directe des Celtes de la première invasion. Longtemps maîtres des champs de la Circumpadane, ces Celtes primitifs avaient été, dans le cours du XIe siècle, battus par les Étrusques et violemment coupés en deux tronçons. Battus ensuite séparément, les deux corps s'étaient dispersés, et leurs débris avaient dû chercher un refuge : à l'est, dans les lagunes de la Vénétie ; à l'ouest, entre les plis des montagnes du Piémont[231].

Au nombre de ces populations piémontaises se trouvait le clan des Magelli, alors soumis à l'autorité du chef des guides de l'armée d'Annibal. Son territoire s'étendait de la vallée du Pelice à celle du Chisone[232] et bordait jusqu'au Lemina la route qu'avaient à suivre les colonnes carthaginoises.

En somme, durant son opération du passage des Alpes, Annibal allait rencontrer des populations diverses : les Tricorii et les Katoriges, de race galate ; les Brigiani, de sang allophyle ; les Magelli et les Taurini, d'origine celtique.

Malgré cette diversité d'ascendances, la population des Alpes, considérée à l'époque de la deuxième guerre punique, offrait encore certaine homogénéité. Uniformément dense[233], le type galate y prédominait, et partout l'étrange aspect des habitants était fait pour étonner des yeux carthaginois. Ce n'est donc pas sans un vif intérêt de curiosité que les explorateurs examinèrent ce montagnard au teint éclatant de blancheur[234], aux longs cheveux roux[235], aux yeux bleus. Ils admirèrent sa haute stature[236], ses muscles saillants, sa santé robuste, entretenue par des habitudes de travail et de sobriété[237]. Ils l'entendirent enfler sa voix, jeter des cris menaçants[238] ; ils le virent, en même temps, lancer des regards farouches[239], se donner, par tous les moyens possibles, une physionomie redoutable et ils songèrent avec quelque inquiétude à l'impression qu'un tel spectacle allait nécessairement produire sur l'esprit du soldat.

Le type de la femme galate était frappé sur celui de l'homme. Elle avait, comme lui, de longs cheveux[240], un teint de neige, des bras fortement musclés[241], accusant une vigueur peu commune[242].

Toutes ses allures étaient essentiellement masculines[243], et les devoirs de la maternité[244] ne l'empêchaient point de prendre part aux rudes travaux de son mari[245]. Le climat des Alpes exerçait malheureusement une influence fâcheuse sur cette organisation puissante : le goitre en déparait souvent la beauté[246]. Les agents d'Annibal se dirent que la femme galate était de taille à combattre à côté de l'homme, et ne devait pas être moins que lui redoutable[247].

L'aspect de la population était, d'ailleurs, très-différent vers la région des crêtes. Là, les hommes étaient de petite taille, souvent grêles et rachitiques ; ces allophyles, à demi sauvages[248], ressemblaient, à s'y méprendre, à des faunes ou à des satyres[249]. Comme les bêtes fauves[250], ils couchaient en plein air ou dans des cavernes[251].

Celtes et Galates savaient, au contraire, élever des huttes[252], qui, malgré leurs formes primitives[253], n'en constituaient pas moins de commodes abris. La maison gauloise, ordinairement très-spacieuse, affectait la forme d'un grand cylindre, couvert en coupole[254]. Quant aux matériaux de construction, c'étaient : pour la muraille, des montants de bois clayonnés d'osier, avec remplissage en torchis[255] ; pour la toiture, un chaume très-épais[256]. Sur ce modèle, les habitations ne se bâtissaient pas isolément : elles se groupaient de manière à former des centres de population, auxquels les Grecs ont donné le nom de κώμαι[257] ou πολίχνια[258] ; les Latins, celui de vici[259], viculi[260] ou vilæ[261]. Toutes ces expressions ont la signification commune de village, mais la dernière implique, en outre, le sens de groupe de huttes habitées par des gens de même famille, groupe analogue au cercle de tentes que les Arabes nomment dououâr. Le vicus était l'unité politique, administrative et militaire ; un certain nombre de vici constituait l'agglomération dite pagus (canton ou pays) ; plusieurs pagi formaient un Etat, une confédération ou civitas[262] ; enfin, dans chaque État, les intérêts de la défense commune étaient sauvegardés par le moyen d'un système de places fortes appelées oppida[263]. Ceintes de hautes murailles, assises dans les îles des fleuves ou sur les pitons des montagnes, ces places étaient habitées par un certain nombre de familles qui y trouvaient un asile permanent. Mais la contenance totale des oppida étant loin d'être en rapport avec l'importance du chiffre de la population[264], chaque État ou civitas avait dû se ménager d'autres refuges, organiser à l'avance des lieux sûrs où pussent se retirer, au moment du danger, tous les habitants des villages, avec leurs troupeaux et leurs richesses mobilières. Ces refuges, qu'on n'occupait qu'en temps de guerre, étaient dits castella. Ordinairement établis sur des saillies de roc, jetés sur des têtes ou des becs de contreforts inaccessibles, ces abris de campagne défiaient toute attaque sur la presque totalité de leur pourtour, et ne se rattachaient au massif montagneux que par un isthme, qu'il était toujours facile de couper par le moyen d'une palissade et d'un fossé[265].

On a souvent écrit que les populations des Alpes ne formaient pas un ensemble de nations ou civitates ; qu'elles ne possédaient point d'oppida ; que le sol, occupé par elles, était absolument dépourvu de centres de résistance. Une telle assertion nous paraît erronée, au moins en ce qui touche les deux versants des Alpes occidentales. Nous avons, en effet, mesuré l'étendue de la puissance des Katoriges ; il est, d'autre part, constant que de Grenoble à Turin, les explorateurs carthaginois rencontrèrent, sur leur passage, un grand nombre de castella[266] ; qu'ils comptèrent trois oppida dont l'importance leur parut digne d'être spécialement signalée.

C'étaient ceux de Chorges, d'Embrun et de Briançon. Chorges[267] occupait, sur le torrent des Moulettes, un plateau marécageux situé à l'altitude de 865 mètres ; Embrun[268] était bâti au pied du mont Saint-Guillaume, sur un rocher escarpé, à l'altitude de 856 mètres ; Briançon[269] s'élevait en amphithéâtre sur un mamelon à l'altitude de 1321 mètres. Les deux premiers appartenaient aux Katoriges ; le troisième, aux Brigiani, leurs clients. Tous trois commandaient la haute Durance et pouvaient singulièrement contrarier la conduite des opérations dans cette vallée. Quelques mots touchant les propriétés militaires de ces places ne seront donc pas ici hors de propos. Embrun, dont la situation n'est pas des plus heureuses, barre néanmoins, d'une manière suffisante, la route qui festonne le thalweg ; aussi le duc de Savoie ne put-il la négliger au cours de sa campagne de 1692. Il dut en faire le siège. Chorges, assise au flanc du grand contrefort connu sous le nom d'Alpes du Dauphiné, surveille la route du mont Genèvre ; elle se trouve, en outre, bien placée pour appuyer les positions défensives qui dominent les communications de la Durance avec le Drac, notamment le chemin du col de la Pioly. Annibal, comme on le verra bientôt, ne put se soustraire à l'obligation de se rendre maître de l'oppidum des Katoriges. Quant à Briançon, son importance est considérable. A cheval sur la Durance, elle prend des vues sur la combe de la Cerveyrette, qui coupe si profondément le massif du contrefort Durance-Guil ; elle ferme les débouchés de la Guizane et de la Clarée, qui descendent du Tabor ; elle menace toutes les communications, routes, chemins ou sentiers qui mènent de France en Italie, tous les cols et passages qui relient les deux versants et que les Latins désignaient en bloc sous le nom de saltus Taurini. Briançon, dit le colonel Sironi[270], est l'arsenal principal des Alpes françaises, le point de concentration nécessaire entre le mont Cenis et le col de Tende. C'est à raison de cette situation exceptionnelle que Jules César l'avait, dit-on, munie d'un castellum[271] ; que le maréchal de Berwick en fit, en 1709, le centre de sa ligne de défense ; que le général Bonaparte y concentra, en 1800, un immense matériel d'artillerie, lequel prit, au moment voulu, la route du petit Saint-Bernard ; qu'elle fut organisée, en 1859, en dépôt d'approvisionnements, destinés à notre troisième division du troisième corps, commandée par le général Bourbaki.

Cette place a certainement tenu le plus grand rôle au cours de toutes les opérations qui ont eu pour théâtre la région des Alpes cottiennes, et il ne serait pas sans intérêt d'en connaître l'histoire depuis le jour où elle fut emportée par Annibal (25 octobre 218 avant J.-C.) jusqu'au temps de Lesdiguières, qui la prit aux ligueurs (1590)[272], et à l'époque plus récente encore (1708) où elle dut à la fameuse marche de Villars la chance de ne point tomber au pouvoir du duc de Savoie.

L'étude des textes qui nous sont parvenus permet d'affirmer que, au temps de la deuxième guerre punique, les oppida de Briançon, d'Embrun et de Chorges étaient depuis longtemps bâtis et occupés. L'examen des lieux semble, d'ailleurs, nous autoriser à admettre qu'il en existait encore d'autres le long de la route qu'allaient suivre les Carthaginois par les vallées de la Durance et du Chisone. Nous estimons qu'il s'en trouvait un sur le plateau de Malaure ou Malemont, situé à l'extrémité de la Bachasse, c'est-à- dire à la pointe du contrefort Durance-Guil. C'est là que, de 1693 à 1697, s'éleva la place de Montdauphin, dont l'enceinte couronne des rochers à pic sur les trois quarts au moins de son pourtour.

Ce plateau de Malaure, Catinat l'occupait en 1692, en même temps que le Pallon et l'Abessée ; le système de ces trois positions conjuguées lui permettait de couvrir le pertuis Rostang. Or nous pensons que le Pallon servait aussi de socle à un oppidum ; ce qui nous porte à le croire, c'est le fait de la valeur que d'heureuses conditions topographiques assurent à ce point remarquable. Le contrefort qui sépare le vallon de l'Argentière d'avec celui de Fressinières est, dit Montannel[273], fort élevé ; son extrémité forme sur la Biasse et la Durance un plateau dont le pied se termine par des escarpements qui ont, au moins, une soixantaine de toises d'élévation. On estime la position du Pallon pour la meilleure des Alpes : 10.000 hommes sur cet endroit, pourvus de vivres et de munitions de guerre, sont en état de s'y maintenir contre l'armée la plus supérieure. Évidemment le clan des Brigiani n'avait pas manqué d'occuper d'une manière permanente un plateau de cette importance, et ce qui semble démontrer d'une manière irréfutable le fait d'une telle occupation, c'est qu'on retrouve au Pallon même les traces d'une station romaine, celle que les Itinéraires désignent sous le nom de Rama[274]. Les Romains, à notre sens, n'ont fait que continuer l'œuvre des Brigiani, clients des Katoriges et séparés de ceux-ci par une frontière solide, appuyée des oppida de Malaure (Montdauphin) et du Pallon (Rame). Outre ces points fortifiés de main d'homme, les explorateurs carthaginois reconnurent, sur le versant occidental des Alpes cottiennes, beaucoup de positions défensives dont la nature avait fait tous les frais ; c'étaient celles de Chategré, du Réalon, de Réotier et tant d'autres. Ils frémirent en supputant le nombre des passages dangereux où quelques hommes résolus pouvaient arrêter une armée ; c'étaient : le défilé du Ponthaut, au confluent de la Bonne et du Drac ; le pas d'Aspres ou traverses de Corps, long étranglement de la vallée du Drac, voisin du confluent de la Severaisse, et que Catinat occupait en 1692 ; puis les abords du col de la Pioly, sur le flanc ouest des Alpes du Dauphiné ; enfin, le pertuis Rostang, sinistre combe du cours supérieur de la Durance, où, pour peu que l'ennemi fût animé d'intentions perfides, les colonnes risquaient fort de se faire détruire.

D'autre part, nous sommes conduit à penser que le revers italiote des Alpes était alors muni de quelques enceintes fortifiées, analogues à celles du versant occidental ; que les agents d'Annibal n'eurent pas seulement à faire la reconnaissance de Turin, la capitale des Taurini ; qu'ils trouvèrent, sur le Chisone, deux oppida des Magelli, établis sur les points où s'élèvent aujourd'hui les forteresses de Fenestrelle et de Pignerol.

Sans prétendre réunir ici les éléments d'une démonstration, nous observerons que le territoire dont Auguste laissa le gouvernement au roi Cottus s'étendait, dans la vallée du Chisone, depuis le col de Sestrières jusqu'aux environs d'Usseaux, et que le nom même de Fenestrelle nous est témoin du fait de cette dernière limite. Le nom de ce point remarquable figure, en effet, dans les plus anciens documents sous la forme de Finistellæ, Finestrellæ, altérations visibles de l'expression Fines terrœ (Cottii)[275]. Cette frontière du roi Cottus était, on peut l'admettre, munie d'un oppidum, lequel préexistait vraisemblablement au temps de la conquête romaine et même à celui d'Annibal. Où les Magelli, riverains du Chisone, auraient-ils pu trouver, pour asseoir l'enceinte d'un refuge défensif, un emplacement plus favorable que cette pointe de rochers enserrée par le Chisone et la Balme, une position plus propre à barrer absolument le val de Pragelas[276] ? Quant à Pignerol (Pinarolium), le nom n'en est, pour la première fois, mentionné que dans un document du Xe siècle de notre ère ; mais il est hors de doute que sa fondation remonte au temps de la domination romaine[277]. Nous admettons, de plus, sans difficulté, le fait de sa préexistence au siècle d'Auguste, et même à celui d'Annibal. Cette position, de tous points excellente, est en effet la clef de la région piémontaise. Pignerol, lorsque nous le possédions, avait, dit Montannel[278], pour objet d'empêcher l'ennemi de remonter la vallée de la Pérouse et, par conséquent, de venir au col de Sestrières et de là sur Briançon. En second lieu, cette place avait pour objet de nous assurer l'entrée de la plaine de Piémont, de nous servir de lieu de dépôt pour les opérations offensives et d'appuyer la tête de nos dispositions défensives au delà du mont Genèvre. Il faut enfin se rappeler que le Lemina servait de limite aux Magelli[279], et considérer que ce peuple ne pouvait mieux couvrir sa frontière qu'en créant un oppidum à l'emplacement qu'occupe aujourd'hui Pignerol.

Les explorateurs carthaginois rencontrèrent aussi plus d'un passage dangereux le long de la vallée du Chisone ; ils signalèrent surtout à leur général en chef le col de Sestrières (Porta Sistraria) et la combe encaissée de Pourière (Portarium) ou d'Usseaux (Ocelum ad Clusonem fluvium)[280]. Toute cette vallée du Chisone n'était, d'ailleurs, à leurs yeux, qu'un couloir perfide et sombre, où l'armée la plus vigoureuse pouvait être, à tout instant, surprise, paralysée et ensevelie vivante.

Qu'allait-il advenir du fait de tant d'obstacles accumulés par la nature ou par la main de l'homme ? Pour apprécier si l'exécution des projets du général en chef était, ou non, réalisable, il importait de pénétrer au cœur même des populations des Alpes. Il fallait peser la valeur vraie de ces montagnards, estimer leur puissance de résistance, avoir l'exacte mesure de leur esprit militaire.

Avant tout, il était nécessaire d'étudier à fond leur caractère, leurs mœurs, leur religion, car cette étude pouvait seule permettre de conclure avec logique ou, du moins, d'entrevoir des probabilités.

Les officiers carthaginois n'omirent point de prendre à ce sujet des renseignements précis.

D'excellents esprits croient pouvoir exposer que, en l'état actuel de la science, on chercherait en vain à se renseigner sur ce que pouvait être, avant notre ère, la religion des populations des Alpes. On n'y trouve, disent-ils, aucune trace d'organisation religieuse, de culte national, de caste sacerdotale analogue à celle des Druides de la Gaule. Assurément, le druidisme, issu du brahmanisme hindou, est un fait d'origine essentiellement aryenne ; c'est, dans l'Europe occidentale, un fait exclusivement celtique. On l'observe encore chez les Allobroges, qui ont conservé assez intégralement les caractères de la race ; mais il s'efface graduellement au flanc de la montagne et s'évanouit dans les hautes régions. Ces variations n'ont rien qui doive nous surprendre. Non, le fait druidique ne concerne ni les Galates, ni les allophyles des Alpes, non plus que les Celtes de la Cisalpine, si profondément modifiés par les invasions étrusques.

Cependant, bien qu'étranger aux doctrines émanées de la vieille sagesse orientale, l'esprit des Inalpins n'était pas, comme on l'a prétendu, rebelle à tout sentiment religieux.

Les principales divinités alors en honneur dans les Alpes étaient connues sous les noms de Segomo, Athobodua, Abinius, Orevalus, Burgo, Moccus, Penn et les Matrones.

Segomo, similaire de Mars, symbolisait la guerre[281], Athobodua[282], sorte de Bellone farouche, avait aussi de fervents adorateurs. On la représentait d'ordinaire sous la figure d'un corbeau noir, l'oiseau sinistre qui, le soir des batailles, s'abat sur les blessés et laboure les cadavres[283]. Abinius, Orevalus[284], Burgo, appartenaient aussi au Panthéon gallique[285] ; mais à quel titre étaient-ils invoqués ? C'est ce qu'on ne saurait dire avec quelque certitude. Pour Moccus[286], il correspondait au Mercure de l'Olympe grec ou latin.

En fait de culte original, les montagnards des Alpes avaient celui du dieu Penn et des Matrones. Penn était essentiellement le dieu de la montagne, et se personnifiait, à chaque pas, dans les pitons aigus, les crêtes dentelées, les sommets perdus dans les nuages[287]. Son nom, dont la transcription a fait Jupiter Pœninas[288], se rencontre en bon nombre d'inscriptions latines[289] ; car, une fois maitres de la région des Alpes, les Romains, suivant leur coutume, ne manquèrent point d'en adopter les dieux. Le dieu des pics devint l’objet d'un culte officiel[290], et le temple qu'on lui érigea sur le mont Saint-Bernard était encore debout au IXe siècle de notre ère[291].

Ce Penn aux cornes de granit, aux flancs décharnés, au front de glace ; ce géant qui semblait déchaîner à son gré les torrents furieux, les vents et les avalanches, ne pouvait inspirer aux montagnards qu'une profonde terreur. Pour apaiser leur effroi, les populations des Alpes avaient besoin d'invoquer concurremment des divinités plus douces, disposées à leur prêter secours : elles adoraient les Matrones[292].

Les Matrones des Alpes peuvent être, jusqu'à un certain point, assimilées aux Junons tutélaires[293] dont les autels étaient semés à profusion sur toutes les parties du monde connu des anciens[294], aux Proxumes[295], aux Sylphides[296], aux déesses-mères[297] de tous pays[298]. Divinités essentiellement bienfaisantes, elles gardaient le foyer domestique, veillaient sur la famille, préservaient de tout mal hommes, femmes, enfants, et laissaient placer sous leur invocation spéciale les rivières[299], les montagnes[300] et les sources thermales[301].

Chacune d'elles avait pour prêtresse une sorte de sorcière que les paysans des Alpes désignaient sous le nom de Masca[302].

Le culte des Matrones se répandit aussi en Italie, ainsi qu'il appert d'un grand nombre de monuments épigraphiques. L'inscription votive ne renferme le plus souvent que le mot Matronis[303] ; cependant on la rencontre aussi sous quelques autres formes moins simples, telles que Matronis et Dis deabus[304], Matronis Venerique[305], Matronis Junonibus[306], Senonibus Matronis[307], Matronis Gesatenis[308], Matronis Vediantibus[309]. Ces trois dernières démontrent surabondamment que chaque peuplade avait ses Matrones, protectrices attitrées de son territoire[310].

Tel était, à peu près, l'ensemble du Panthéon gallique[311]. Quant aux ministres du culte rendu à ces divinités, ils ne devaient sans doute point manquer d'analogie avec les prêtres, Bardes, Eubages ou Druides, dont César et Strabon nous ont esquissé la physionomie. Qu'on se représente donc une corporation de rapsodes, médecins-sorciers, philosophes contemplateurs, magiciens et grands juges ; qu'on les couronne de feuilles de chêne, de verveine ou de gui ; qu'on songe à la sauvage naïveté de leurs hymnes, à leurs superstitions, à leurs sanglants sacrifices, et l'on se formera quelque image de ces sombres pasteurs d'un peuple de grossiers montagnards.

Les dogmes des religions antiques n'étaient point de nature à maintenir à un niveau supérieur l'état moral de leurs adeptes. Aussi ne voyait-on encore que populations barbares sur les deux versants des Alpes, surtout vers la région des crêtes. Chez les derniers représentants des races allophyles près de s'éteindre, les mœurs étaient empreintes d'un odieux caractère de dépravation, d'abrutissement et de férocité[312]. Là régnaient en souveraines l'ivrognerie[313] et la hideuse débauche[314] ; là, l'effusion du sang répandait l'allégresse et réveillait des instincts d'anthropophagie[315]. Ainsi soumis à l'empire de leurs sens, les gens des Alpes aimaient la guerre[316], qui offrait tant d'appâts à leurs passions violentes. Ils étaient, d'ailleurs, doués d'un esprit batailleur et faisaient des soldats dont l'entrain était singulièrement prononcé. La guerre devint bientôt pour eux un métier, et un métier de prédilection. Longtemps avant les guerres puniques, ils s'étaient mis, contre les Romains, au service des Gaulois de la Circumpadane[317] ; Annibal et son frère Asdrubal levèrent chez eux des bandes considérables ; enfin, les Romains eux-mêmes en prirent bon nombre à leur solde. C'est dans la vallée du Rhône que Rome recrutait l'élite de sa cavalerie[318] ; c'est uniquement de Transalpins qu'elle avait formé sa fameuse légion l'Alouette[319] ; c'est dans les Alpes qu'elle trouvait ces éclaireurs intrépides[320] dont le type a servi de modèle à celui de nos modernes chasseurs et bersaglieri. Quand ils brandissaient avec rage leurs armes originales[321], qu'ils entonnaient leurs chants de guerre ou poussaient des hurlements sinistres[322], ces montagnards paraissaient redoutables, et les officiers carthaginois s'émurent d'abord à l'idée de les avoir pour adversaires au cours de l'opération du passage des Alpes. Mais ils ne tardèrent pas à reconnaître que de notables défauts devaient souvent éteindre ce brillant entrain et paralyser l'effet de toutes les qualités militaires dont il était l'expression. Ces Galates étaient, fort heureusement pour leurs ennemis, violents, emportés, imprudents, déraisonnables[323] ; c'est à des mouvements de colère, et non à la logique, qu'ils avaient la prétention de demander le succès[324]. Vainqueurs, ils devenaient insupportables[325], et ne tardaient pas à perdre en orgies tout le fruit de la victoire[326] ; vaincus, leur prostration était extrême[327]. Du reste, on pouvait facilement les battre, car ils étaient incapables d'opposer une longue résistance à qui les attaquait avec calme et résolution[328].

Quelle allait être l'attitude des peuples dont les Carthaginois devaient traverser le territoire ? Il était probable que, maintenus en respect par la présence des contingents allobroges, les Tricorii de la vallée du Drac ne tenteraient point de contrarier la marche des colonnes ; mais on ne pouvait, malheureusement, fonder le même espoir sur l'esprit dont étaient animés les Katoriges ; il était à craindre que ces farouches Galates, jaloux de leur indépendance et surexcités par les agents de Rome, ne se tinssent prêts à opposer une vive résistance au franchissement des Alpes du Dauphiné, à défendre ensuite la vallée de la haute Durance, qu'ils pouvaient rendre impraticable par des chicanes de tous les instants. Les Brigiani, leurs clients, ne manifesteraient évidemment point des dispositions moins hostiles : on avait tout à redouter de la part de ces montagnards à demi sauvages, perfides et rusés ; ils étaient bien capables de songer aux moyens de détruire une armée dont ils convoitaient les dépouilles. Somme toute, l'ascension du mont Genèvre paraissait devoir être une opération grosse de périls. Mais, d'autre part, une fois sur le revers italiote, on devait retrouver le calme et la sécurité ; on avait à descendre la vallée du Chisone, occupée par les Magelli ; or les sujets du brenn Magil pouvaient être regardés comme des amis sûrs. Enfin, après le passage du Lemina, on déboucherait dans la plaine piémontaise. Là de nouveau on serait en face de l'ennemi : on rencontrerait les Taurini, peuple d'une vigueur peu commune et fidèle allié des Romains. Mais là, du moins, on ne courrait plus d'autres hasards que ceux d'une campagne ordinaire : on serait sorti des Alpes, et l'on tiendrait le champ de bataille tant désiré !

Ces appréciations couvraient la dernière page du mémoire placé sous les yeux du général en chef, à son quartier général de Grenoble.

Telles sont, disaient les explorateurs, en manière de péroraison, telles sont ces Alpes, qu'on nomme l'Acropole de l'Italie et le Rempart de Rome[329]. Rome rend grâces aux dieux de l'avoir dotée de ces défenses merveilleuses[330], si propices à la sûreté de ses frontières[331] et dont elle convoite la possession définitive[332]. Pour nous, Carthaginois, occuper les cols qui découpent la cime de ces Alpes, c'est tenir en nos mains les clefs de l'Italie[333].

Annibal lut attentivement les mémoires descriptifs de ses ingénieurs militaires ; il étudia leurs cartes ; il discuta le problème et s'entretint longtemps avec eux de toutes les éventualités de l'opération. Ayant définitivement approuvé leurs projets et décidé que la directrice de marche passerait, suivant leur avis, par les vallées du Drac, de la Durance et du Chisone, il dut clore la conférence de Grenoble. L'histoire ne dit pas dans quelle forme eut lieu cette clôture, ni s'il fut prononcé de discours. Mais si, à cette occasion, le jeune Annibal a dit quelques mots, on peut facilement en induire le sens, en se reportant aux paroles vives qui s'échappaient de la bouche du jeune Bonaparte, alors que, deux mille ans plus tard, il se trouvait placé dans une situation semblable. Il avait, on le sait, conféré avec ses ingénieurs, réunis, à cet effet, à Lausanne, le 13 mai 1800. A la fin de la dernière séance, le général Marescot résuma nettement la question du passage des Alpes... il regardait, dit M. Thiers[334], l'opération comme très-difficile. — Difficile, soit, répondit le premier consul ; mais est-elle possible ?Je le crois, répliqua le général Marescot, mais avec des efforts extraordinaires. — Eh bien, partons ! fut la seule réponse du premier consul.

 

 

 



[1] Polybe, III, XLV.

[2] Polybe, III, XLV.

[3] Polybe, III, XLIV. — Tite-Live, XXI, XXXI.

[4] Polybe, III, XLVII. Les éléphants de guerre étaient généralement organisés par brigades de 64 têtes. Chaque brigade comprenait des divisions et sous-divisions tactiques déterminées.

La brigade de 64 éléphants était dite φάλαγξ ; la demi-brigade de 32 éléphants, κεραταρχία ; la division de 16 éléphants, έλεφανταρχία ; le peloton de 8 éléphants était dit ίλαρχία ; la section de 4 éléphants formait une έπιθηραχία ; la demi-section de 2 éléphants, une θηραρχία.

Une seule bête, considérée comme unité tactique, était dite ζωαρχία. (Voyez Elien, De instruendis aciebus, apud Veteres rei milit. scriptores. Ed. Stewech, p. 325.) En colonne, les éléphants devaient sans doute marcher le plus souvent par thérarchie ; dans les chemins étroits, par zoarchie.

[5] Polybe, III, XLV.

[6] Polybe, III, XLIV.

[7] Polybe, III, XLIX.

[8] Polybe, III, XLIV. Nous avons dit (liv. IV, chap. III) que les services administratifs de l'armée carthaginoise avaient accumulé dans la place de Grenoble d'immenses approvisionnements de vivres, de vêtements, de chaussures, etc. (Cf. Polybe, III, XLIX et Tite-Live, XXI, XXXI.) La formation de ces magasins s'était opérée sans difficulté, par suite de circonstances qui avaient permis aux Carthaginois d'accepter, les armes à la main, un rôle de médiateurs. Polybe et Tite-Live exposent que, lors de son arrivée sur l'Isère, Annibal avait trouvé l'île des Allobroges dans un état d'agitation extrême ; que deux frères s'y disputaient le pouvoir et troublaient le pays du tumulte de leurs prétentions rivales ; qu'une révolution violente venait de déposséder l'aîné des frères de l'autorité qu'il exerçait légalement ; que, prenant fait et cause pour celui-ci, l'armée carthaginoise avait favorisé sa restauration ; que le jeune brenn, rentré dans ses droits grâce à l'intervention d'Annibal, n'avait pas cru pouvoir témoigner sa gratitude à son libérateur mieux qu'en mettant à sa disposition des provisions de toute espèce.

Pour qui sait lire l'histoire, il est manifeste qu'Annibal avait, depuis longtemps, noué des relations avec ce brenn des Allobroges ; qu'il lui avait promis son appui et que, pour prix des services qu'il était appelé à lui rendre, il en avait obtenu l'autorisation de former des magasins sur des points déterminés de sa ligne d'opérations. L'alliance avait été contractée de longue date ; le brenn s'était constitué gardien des approvisionnements ; mais, en aidant à les réunir, cet allié fidèle n'avait sans doute fait qu'opérer pour le compte du Trésor carthaginois. Dans ces hautes vallées, les unes frappées de stérilité par un hiver éternel, les autres à peine assez larges pour nourrir leurs rares habitants, on ne pouvait trouver aucun moyen de vivre. Il fallait porter le pain pour les hommes et jusqu'au fourrage pour les chevaux. Le général Bonaparte, sachant qu'avec de l'argent on se procurerait facilement le concours des robustes montagnards des Alpes, avait envoyé sur les lieux des fonds considérables. (Thiers, Hist. Du Consulat et de l'Empire, t. I, livre IV.)

[9] Polybe, III, XLIV.

[10] Polybe, III, XLVII.

[11] Diodore de Sicile, V, XXXIX. — Strabon, IV, I, 11.

[12] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[13] Strabon, IV, I, 11.

[14] Strabon, IV, I, 11. — Pline, Hist. nat., III, V. Cette fertilité bien connue faisait donner au Rhône le surnom d'Éridan celtique. (Voyez Apollonius, IV, 627. Cf. Schol. Denys Périégète, 289.)

[15] Polybe, III, XLIX. — Tite-Live, XXI, XXXI.

[16] Orange n'était encore qu'une simple bourgade au temps du passage d'Annibal ; elle devint, sous la domination romaine, le quartier général de la seconde légion. Pline (Hist. nat. III, V) la mentionne sous le nom d'Arausio Secundanorum ; elle est dite aussi civitas Arausio (Orelli, inscr. 3186) et Colonia Firma Julia Secundanorum (Orelli, inscr. 5231). Suivant Aymar du Rivail (Hist. Des Allobroges, liv. I, chap. XIII), les modernes l'ont appelée Arausica et Auraica.

L'arc de triomphe d'Orange, dont on voit les moulages au musée de Saint- Germain, n'eut, suivant les conjectures les plus plausibles, d'autre destination que de consacrer le souvenir de la défaite des Teutons par Marius, survenue l'an 101 avant notre ère, c'est-à-dire plus d'un siècle après l'expédition d'Annibal.

On voit aujourd'hui sur l'une des places d'Orange la statue du comte Raimbaud II, célèbre croisé qui se distingua, en 1099, sous les murs d'Antioche et de Jérusalem. Le socle porte cette inscription latine, empruntée à un passage d'Albert d'Aix : Raimbaudus cornes, de Oringis civitate, quo non alter valentior. Mystérieux cycles de l'histoire ! Le pays que foulaient les soldats d'Annibal devait, treize siècles plus tard, voir naître un chevalier appelé à guerroyer aux frontières du pays des aïeux d'Annibal !

[17] L'Eygues, alias Aigues, qui prend source dans le département des Hautes-Alpes, coule d'abord au nord-ouest, arrose Rémusat, où elle reçoit l'Oule, tourne au sud-ouest et va se jeter dans le Rhône entre Piolenc et Orange. Aymar du Rivail la désigne sous les dénominations d'Ica, Equa, Icarius, Iquarius. Suarès l'appelle Bicarus, et Fortia d'Urban attribue à ce nom une signification celtique. Nous y voyons la transcription latine d'ich-ara, la rivière-corne, l'affluent.

[18] Podiolenum, Mornacum, Mons Draco.

[19] Le Lez, Lissius, el-ich, prend source au mont de la Lance, coule quelque temps du sud au nord, puis descend vers le sud-est jusqu'à son confluent avec le Rhône, un peu au nord de Mornas.

[20] Abolena (A. du Rivail).

[21] Petra lata (A. du Rivail). La ville actuelle de Pierrelatte est bâtie au pied d'une large roche isolée dans la plaine, formée d'une pâte calcaire dans laquelle sont incrustés des grains de quartz et de feldspath mêlés à des débris de coquillages. Au temps d'Annibal, une petite bourgade était sans doute établie sur la roche elle-même.

[22] La Berre, Berra, prend source au-dessus de Grignan, coule de l'est à l'ouest et se jette dans le Rhône entre Donzères et Pierrelatte.

[23] Dosera (A. du Rivail).

[24] Le Roubion, Rubium, sort de la montagne du Miélandre, coule d'abord au nord-ouest et arrose Bourdeaux. Puis il descend vers le sud-ouest, reçoit, à Montélimar, le Jabron, issu des environs de Dieulefit. Les deux cours d'eau réunis vont se jeter dans le Rhône à 3 kilomètres ouest de Montélimar.

[25] C'est sur ce mamelon que s'élevait l'ancienne ville d'Accusium ou Acunum, mentionnée sous le titre de mansio dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem. C'est vers le commencement du VIe siècle de notre ère que l'antique Acunum échangea son nom contre celui de Montilium Adhemari. La ville moderne de Montélimar est bâtie aux pieds du mamelon d'Acunum.

[26] Savatia (A. du Rivail).

[27] Aureolum (A. du Rivail).

[28] Droma, Druna, Dr-ou-ana, la rivière nourricière. (Ausone, Mosella.)

[29] Libero (A. du Rivail). On y voit les ruines de ce château merveilleux qui, suivant Gervais de Tilbury, ne supportait, la nuit, ni garnison, ni sentinelles.

[30] Valentia, transcription d'ou-el-ens, ou mieux ou el-euske. On rencontre en Europe bien des villes de ce nom, essentiellement générique : Valence, en France et en Espagne ; Vibo Valentia, en Calabre ; Valenza, sur le Pô, etc. La Valentia Cavarum (Pline, Hist. nat., III, V) obtint le rang de cité sous la domination romaine. (Cf. Orelli, inscr. 2332.) Son territoire prit le nom de Valentinois au temps de Henri II, qui l'érigea en duché-pairie.

L'étude de l'histoire permet souvent de faire des rapprochements étranges. Deux mille ans après l'expédition d'Annibal, sortaient de Valence deux soldats qui devaient, eux aussi, porter la guerre en Italie. C'est à Valence que le jeune Bonaparte fit son premier temps de service en qualité d'officier d'artillerie. Valence est, d'autre part, la ville natale de Championnet. La statue qu'on lui a érigée porte cette inscription : Jean-Étienne Championnet, né à Valence le 24 mai 1762, mort à Antibes le 9 janvier 1800. Général en chef des armées de la République en Italie. Vainqueur sur les bords du Tibre, du Tronto, du Garigliano, du Vollurno. Il soumit la ville de Naples le 23 janvier 1799. Un des cartouches du socle porte cette inscription :

TERNI

 

OTRICOLI

PORTO DI FERMO

 

GAETE

CIVITA CASTELLAN A

 

CAPOVE

NAPLES

 

[31] Châteauneuf-d'Isère n'était sans doute qu'une simple bourgade au temps de l'expédition d'Annibal ; mais, sous la domination romaine, ce centre prit une notable importance. On y a découvert un taurobole et divers autres monuments antiques.

[32] Polybe, III, XLIX ; Tite-Live, XXI, XXXI.

[33] Polybe, III, XLIX. Aux termes de cette comparaison, le sommet du triangle doit se fixer au confluent même de l'Isère et du Rhône ; les deux fleuves représentent les côtés du delta, lequel, au lieu d'une plage maritime, a pour base l'épais rideau de montagnes qu'on voit tendu de Grenoble à Pierre-Châtel. Si l'on considère que le Guiers, affluent du Rhône, coule parallèlement à ce massif, l'image de Polybe n'en semble que plus heureuse.

[34] Polybe, III, XLIX. — Tite-Live, XXI, XXXI.

[35] Martial, Epigr. XIII, 107. — Pline, Hist. nat., XIV, III et VI. On voit que les vins de Vienne coûtaient cher. Ils se vendaient 210 francs l'amphore, soit plus de 1050 francs l'hectolitre.

Vienna, Ούίεννα, sont des transcriptions d'Ou-Yen. La ville d'Yen a gardé le nom de la peuplade.

[36] Dans le territoire de Vienne, on trouve beaucoup d'étangs et de lacs poissonneux, une grande quantité de blé et de vin, d'excellentes châtaignes, dont se nourrissent les Allobroges et qui s'exportent jusqu'à Marseille et à Paris. Les Viennois, comme les autres Allobroges, ont également beaucoup de fourrages pour les chevaux et pour les troupeaux. Ils possèdent enfin toute espèce de bêtes, tant pour la nourriture que pour d'autres usages ; un grand nombre de forêts, etc. (Aymar du Rivail, Hist. des Allobroges, liv. I, chap. III.)

[37] Nous avons déjà dit que Brancus n'est que la transcription de brenn-kount, et kount, l'abréviation de kount-el-aroun, le confluent des rivières. Kount-el-aroun eut pour transcription latine Cularo (Grenoble). Il ne nous paraît pas utile de discuter l'étrange étymologie proposée par Aymar du Rivail : Calarona, sive Cularo, sic nomen accepit quod culus et posterior et infima Alpium pars Galliarum latere existat, aut quod in culo et extrema Galliarum parte versas Alpes collocata sit. (A. du Rivail, Hist. des Allobroges, liv. I, 38-39 de l'édition Terrebasse.) Pour pouvoir admettre cette plaisanterie d'un goût douteux, il est bon de se souvenir que Du Rivail était contemporain de Rabelais.

[38] C'est à Romans que, cent ans après l'expédition d'Annibal, devait définitivement se consommer la ruine des Allobroges (121 av. J.-C.). D'abord battus, sur la Sorgues, par Domitius Ænobardus, ils furent, trois mois après ce premier désastre, absolument détruits sur l'Isère par Q. Fabius Maximus, petit-fils de Paul-Émile. (Voyez Strabon, IV, I, 11.) Romans fut, dit-on, bâtie par les Romains sur le théâtre de leur victoire, que divers monuments publics furent appelés à consacrer. (Voyez Strabon, loc. cit.) Les Allobroges avaient vraisemblablement un pont à Romans.

[39] Polybe, III, L. C'est bien de l'Isère qu'il est ici question et non du Rhône, ainsi que l'ont prétendu certains commentateurs. C'est de l'Isère, en effet, que Polybe vient de parler en dernier lieu, quand il emploie l'expression παρά τόν ποταμόν ; il est, d'ailleurs, évident que cette expression vise, en même temps, le Drac, affluent de l'Isère.

[40] Cette route de la frontière des Voconces fut prise par le corps d'armée de Valens. Or Valens, venant de Vienne, devait nécessairement, en poussant sur Grenoble, rester sur la rive droite de l'Isère. Nous admettrons qu'il faut attribuer à l'expression de Tite-Live (XXI, XXXI) : per extremam oram Vocontiorum le sens que Tacite (Hist., I, LXVI) donne à ces mots : per fines Allobrogum et Vocontiorum. (Tacite, Hist., I, LXI, LXIV, LXVI.)

[41] Nous négligeons ici la distance de Châteauneuf-d'Isère à Romans, environ 9 kilomètres. Nous comprenons le temps employé à parcourir cette distance dans celui qu'Annibal a passé en opérations dans l'intérieur de l'île, et dont l'espace nous est absolument inconnu.

[42] Si des dix jours de marche dont Polybe (III, L) établit le compte, on défalque ces quatre journées employées à faire la route de Romans à Grenoble, il reste six jours pour les étapes à fournir, le long du Drac, de Grenoble à l'entrée des Alpes. Il est bon d'observer, d'ailleurs, que ces dix journées de marche n'ont pas été consécutives ; que l'armée carthaginoise a nécessairement fait séjour à Grenoble.

[43] Grenoble n'était, au temps d'Annibal, qu'un castellum allobroge, établi, rive droite de l'Isère, sur le revers du mont Rachais, dans les faubourgs actuels de Saint-Laurent et de la Perrière et sur la montée de Charlemont. Cette petite place forte occupait l'emplacement de la Bastille, avec tête de pont sur la rive gauche. Devenus maîtres du pays, un siècle après l'expédition d'Annibal, les Romains conservèrent à Grenoble son ancien nom de Cularo. Cularone, ex finibus Allobrogum. (Cicéron, Epist. ad famil. X, XXIII.) La ville romaine prit certaine extension sur la rive gauche, mais son importance ne date réellement que de l'époque de Dioclétien et de Maximien. L'empereur Gratien y fit divers embellissements (375-383) et lui donna son nom (Gratianopolis). Saint Augustin, (Cité de Dieu, XXI, VII) et Ausone (In Gratiani proconsulatu) sont les premiers écrivains qui mentionnent ce nom de Gratianopolis. La Table de Peutinger, qui n'est sans doute que de quelques années postérieure à la mort de Gratien, porte encore la vieille désignation de Cularone. — Voyez le Dictionnaire archéologique de la Gaule, t. I, au mot Cularo.

L'importance militaire de Grenoble, tant prisée des Carthaginois et des Romains, ne pouvait échapper à l'appréciation des modernes. Montannel parle, à mainte reprise, de la nécessité de mettre dans Grenoble le dépôt général de la guerre, et M. Thiers (Hist. du Consulat et de l'Empire, livre LVII) admire combien cette ville est importante par son site, ses ouvrages, son arsenal, sa nombreuse garnison et la valeur politique et morale de ses habitants. Le castellum allobroge, réorganisé par les Romains, était destiné à devenir place forte de premier ordre. Agrandie par Lesdiguières, la ville de Grenoble a été, dès les premières années du règne de Louis-Philippe, dotée d'une enceinte fortifiée respectable. Ses défenses n'ont pas cessé, dès lors, de se perfectionner, et elles reçoivent aujourd'hui de nouveaux développements.

[44] Nous avons déjà donné (liv. IV, chap. III) le texte de Polybe. Il n'est point hors de propos de le reproduire ici, afin de le mettre en regard du passage correspondant de Tite-Live et de l'extrait de l'Histoire du Consulat et de l'Empire auquel nous faisons allusion. Polybe, III, XLIX. — Tite-Live, XXI, XXXI. — D'immenses approvisionnements en grain, biscuit, avoine, avaient été faits. On avait fait transporter, au pied du col, du pain, du biscuit, des fourrages, du vin, de l'eau-de-vie, au moyen de magasins improvisés dans chacun de ces lieux, on fournissait aux hommes les souliers, les vêtements, les armes qui leur manquaient. La précaution était bonne, car le premier consul voyait souvent arriver des soldats dont les vêtements étaient usés, dont les armes étaient hors de service. (M. Thiers, Hist. du Consulat et de l'Empire, livre IV, passim.)

[45] Le général Bonaparte avait trente et un ans lors de son passage des Alpes ; Annibal, vingt-neuf ans.

[46] Histoire du Consulat et de l'Empire, livre IV.

[47] Polybe, III, XXXIV, XLVIII et passim.

[48] Durant le XVIe siècle avant notre ère, les Égyptiens faisaient usage, au cours de leurs expéditions d'Asie, de tableaux offrant assez fidèlement l'image de tout le pays à conquérir. (Voyez Apollonius, Argonautes, IV, v. 279.) D'autre part, Hérodote attribue à Sésostris (Ramsès Meïamoun) l'honneur d'avoir fait procéder à une vaste opération cadastrale, impliquant la nécessité d'une représentation graphique. (Hérodote, Hist. ,II, CIX.)

[49] Un plan devait nécessairement accompagner le travail de répartition de la Terre promise entre les tribus des Hébreux. (Voyez Josué, XIII-XVIII.)

[50] Ce savant, auquel on doit plus d'une découverte, est connu sous le nom de Thalès de Milet, mais il était d'origine phénicienne.

[51] Strabon, I, I, 11. Cette carte, qu'Anaximandre de Milet dessinait vers l'an 610 avant J.-C., fut bientôt perfectionnée par un autre Milésien. Nous voulons parler d'Hécatée, dont les travaux peuvent se rapporter à l'an 525. (Voyez Agathemère, Compendiarium geographiæ, I.) C'est vers cette époque que Scylax de Caryanda fit, pour le roi Darius, la reconnaissance détaillée d'une partie de l'Asie. (Voyez Hérodote, Hist., IV, XLIV.)

[52] Hérodote, Hist., V, XLIX. Hérodote, qui mentionne (Hist., V, LV) toutes les stations échelonnées sur la route de Sardes à Suze, avait sans doute vu, de ses yeux, la carte d'Aristagoras.

[53] Elien, III, XXVIII. — Du temps de Socrate, les Athéniens avaient la Grèce dépeinte en une carte, en laquelle il [Socrate] dit un jour à Alcibiade qu'il lui montrât les grandes terres et possessions dont il se vantait. Et, comme Alcibiade eut fait réponse qu'elles n'y paraissaient point, il lui répliqua : Pourquoi te vantes-tu si fort de richesses desquelles le géographe qui a fait cette carte n'a point fait d'état ? (Bergier, Hist. des grands chemins de l’Empire romain, III, VII.)L'usage des cartes était vulgaire au temps d'Alcibiade, ainsi qu'il appert d'un passage très-connu des Nuées d'Aristophane.

[54] L'art des levers topographiques avait pris naissance en Egypte ; il se répandit de là dans les colonies grecques de l'Asie Mineure, d'où la métropole l'implanta sur son propre territoire. (Hérodote, Hist., II, CIX.)

[55] Pline, Hist. nat., VI, XVII et XXI. L'ingénieur-géographe Bæton, que les Grecs qualifiaient de βηματισίης, est l'auteur d'un grand ouvrage, accompagné d'une carte, dont Athénée fait mention sous le titre de Σναθμοι τής Άλεξάνδρου πορείας.

[56] Théophraste, disciple d'Aristote, ordonna par testament qu'une carte universelle de la terre, qu'il avait, fut mise, après son décès, en une galerie du Lycée, où il avait enseigné la philosophie. (Bergier, Hist. des grands chemins de l'Empire, III, VII. Cf. Diogène Laërce, I, V.) Dicéarque est l'inventeur du diaphragme, c'est-à-dire des coordonnées géographiques. Il imagina de tracer sur sa carte une ligne continue, parallèle à l'équateur et suivant, à peu près, le trente- sixième parallèle. Sur cette ligne il éleva une perpendiculaire passant par l'île de Rhodes et obtint ainsi un système d'axes qui lui permit de repérer des points, comme on le fait aujourd'hui par le moyen des méridiens et des parallèles.

[57] Ératosthène est l'auteur d'une carte munie d'un diaphragme, à l'instar de celle de Dicéarque. Sur ce canevas de coordonnées rectangulaires, le géographe rapportait exactement les distances données par les itinéraires des voyageurs et les journaux de périples que tenaient alors les marins. On ne saurait se dissimuler les imperfections de ce système de projection ; mais, bien que très-inférieure aux méthodes astronomiques ultérieurement préconisées par Hipparque (165-125), la méthode d'Ératosthène n'en a pas moins une valeur scientifique très-appréciable.

[58] Né vers l'an 274, mort vers 194, Eratosthène était, au début de la deuxième guerre punique, à l'apogée de sa réputation. Né vingt-sept ans avant Annibal, mort onze ans avant lui, le célèbre conservateur de la bibliothèque d'Alexandrie était bien contemporain du héros de Carthage.

[59] Les Itinéraires romains rédigés vers la fin de l'Empire, et dont la Carte de Peutinger nous offre un spécimen, ne comprenaient que de grossières figures annexées à des indicateurs de routes. Ces tableaux, quelquefois bizarres, ne sauraient nous donner une idée du degré de perfection auquel devaient parvenir les topographes de l'antiquité. Leurs dessins valaient assurément les nôtres, si tant est qu'on puisse introduire en cette matière le rapport qu'on a coutume d'établir entre la puissance d'un art antique et celle de son similaire moderne. Les beautés du Parthénon, de la Vénus de Milo, des fresques de Pompéi, nous autorisent à attribuer certaine élégance aux cartes des anciens. Quant à l'exactitude des formes, leurs géographes y parvenaient certainement, puisque Strabon assigne celle du triangle à la Sicile ; puisqu'il compare l'Espagne à une peau de bœuf, et le Péloponnèse à une feuille de platane. (Voyez Strabon, II, I, 30 ; VIII, II, 1 ; V, I, 1.) Suivant les mêmes errements, Pline (Hist. nat., III, VI et XIII) assimile l'Italie à une feuille de chêne, l'île de Sardaigne à un pied humain. (Cf. Silius Italicus, Puniques, XII.)

[60] Végèce, De re militari, III, VI.

[61] Pline, Hist. nat., III, VII. En particulier, les Alpes occidentales furent elites quelquefois Titans, montagnes de Jupiter, etc. Il geografo Guido cehbe a scrivere che ad occidente l' Italia ha per confine montes excelsos quos quidam Titanos dicunt, alii Alpes lovias nominant... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 460.)

[62] Ce nom se rencontre en bon nombre de textes, d'inscriptions et d'itinéraires. Pline, Hist. nat., III, XXIV. — Tacite, Hist. IV, LXVIII. — Ammien Marcellin, XV, X. — Procope, De bello Gothico, II, XXVIII.

AVRELI

SIGERI

AVRELIVS

AVGG LIB

APHRObISIV

TABVLARVS

ALPIVMCOT

TIARVM

(Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, n° 184)

Cf. Orelli, n° 2156 et 6939. — in Alpe Cottia. (Carte de Peutinger.) — Mediolano Arelate. Per Alpes Cottias. (Itinéraire d'Antonin.) — in Alpe Cottia. (Quatrième Itinéraire Apollinaire ou de Vicarello.)

[63] Le nom de Cottus était, ainsi que ses variantes Cottius, Cotys, etc., très-répandu dans l'antiquité. Citons, à titre d'exemples, le Cotus mentionné par Cicéron (In L. Pisonem, XXXIV) ; l'Éduen Cotus, le Carnute Cotuatus, dont parle César (De bello Gallico, VII, XXXII) ; le roi des Gètes Cotys (ap. Jornandès, passim). Dès le temps de la République, le nom de Cottius était porté par des familles romaines. «Il nome Cottius apparisce gentilizio romano sin dall' età repubblicana. (Carlo Promis, Storia dell antica Torino. Cf. Borghesi, Gente Arria, I, 67.)

Du radical cot procédaient aussi nombre de noms de lieux, tels que ceux de Cottiœ, Cuttiœ, station romaine des Itinéraires de Verceil à Paris ; de la Vallis Cottiana, dans la Maurienne (Troya, Cod. diplom. Longob. I, n° 21) ; de la Sylva Cottiana, près de Tours (Duchesne, I, 315, 346, 547). La fréquence de ce nom s'explique facilement à qui veut remarquer la signification du radical coat (celt.), lequel désigne le bois, la forêt.

[64] Donnus, père de Cottus, dont l'arc de Suze et les vers d'Ovide (Pontiques, IV, VII, 29) ont consacré la mémoire, eut aussi, dans l'antiquité, nombre de paronymes. Nous citerons Conetodonnus, Donnotaurus, Damnacus, personnages éminents mis en scène par César (De bello Gallico, passim). Beaucoup de noms de lieux impliquent également le radical donn, dont la transcription latine fut dunum. Ce mot signifie ville fortifiée, château fort. Cf. town (celt.).

[65] Ammien Marcellin, XV, X.

[66] Strabon, IV, I, 3.

[67] Strabon, IV, I, 3.

[68] Strabon, IV, VI, 6. Le royaume de Cottius fut, à la mort de ce prince, réduit en province romaine, dite des Alpes Cottiennes, avec Embrun pour capitale. Il convient d'observer, d'ailleurs, que le nom d'Alpes Cottiennes visa dès lors spécialement les régions du revers occidental, qu'on appelle aujourd'hui les Alpes du Dauphiné. La sola porzione transalpina di quel regno avesse nome di Provincia Alpium Cottiarum. (Carlo Promis, Storia dell’ antica Torino, p. 408.)

[69] Ammien Marcellin, XV, X. — Cette partie des Alpes fut ensuite appelée Alpes Cottiennes, parce que le roi Cottius, qui y régnait à l'époque d'Auguste, y fit construire à grands frais, si nous en croyons Ammien Marcellin, des routes solides, commodes et faciles pour les voyageurs, routes intermédiaires entre les autres routes des Alpes. (Aymar du Rivail, Hist. des Allobroges, trad. Macé, I, XXI.)

[70] Nous rappelons que le mot coat (celt.) signifie bois, forêt.

[71] Nous n'osons pas dire constitution minéralogique, car le mot pourrait sembler étrange, si nous l'écrivions à propos du rapport des officiers d'Annibal. Cependant, si le nom de minéralogie était inconnu des anciens, la science elle-même était loin de leur être étrangère. Ils avaient, au contraire, des notions étendues sur la structure de l'édifice souterrain qui résulte de la disposition méthodique des roches de nature diverse.

[72] Genèse, I, 9 et 10.

[73] Genèse, I, 11 et 12.

[74] Genèse, I, 20 et 21.

[75] Genèse, I, 29 et 30.

[76] Genèse, I, 24 et 25.

[77] Le soulèvement des Alpes occidentales s'opère entre l'époque de la molasse et celle du terrain subapennin. Rapporté aux Alpes du Dauphiné, le système suit la direction générale N. 26° E.

[78] Le soulèvement des Alpes principales se place entre le subapennin et le diluvium. Ce système, rapporté aux Alpes du Valais, se dirige vers l'O. 16° S.

[79] Pline, Hist. nat., XXXVI, I.

[80] Pline, Hist. nat., XXXVII, IX et X. Cf. Claudien, Epigrammes, De crystallo.

[81] Pline, Hist. nat., XXXIV, II.

[82] Posidonius, ap. Athénée, VI, IV. —Cf. le nom de l'Argentière (Hautes-Alpes).

[83] Strabon, IV, VI, 7. — Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.

[84] Consultez, pour l'étude de la minéralogie des Alpes : de Saussure, Voyage dans les Alpes ; Hassenfratz, Journal des mines, XVII ; Annibal de Saluces, Le Alpi che cingono l' Italia ; Ch. Lory, Carte géologique du Dauphiné.

[85] Strabon, II, V, 18 et V, I, 3.

[86] Géographie de la Gaule romaine, 1re partie, chap. I, § I.

[87] Tite-Live, XXI, XXXV.

[88] Le mont Tabor occupe le sommet de l'échancrure qui regarde l'Italie. Nous en avons déjà donné l'altitude (voy. liv. III, chap. IV), laquelle est de 3.172 mètres. Autour de ce nœud, s'ouvrent les passages du Galibier, de la Roue et des Echelles, qui, par la Clarée, mettent la haute Durance en communication avec l'Arc et la Dora. Observons ici que Tabor est une dénomination générique s’appliquant à nombre de pitons que dominent d'autres pics voisins. C'est ainsi qu'on rencontre : un petit mont Tabor dans les Alpes cottiennes elles-mêmes, au nord de Monestier ; un Tabor sur la route de Vienne à Prague, au pied du quel campèrent les Hussites, en 1419, et qui a donné son nom à la bataille de 1648, gagnée par les Suédois sur les Impériaux ; un Tabor de Syrie, célèbre par notre victoire de 1799 ; un Tabor de Kabylie, dont le nom figure dans les bulletins de notre expédition des Babors en 1853, etc. D'où vient la persistance de ce nom ? C'est que Babor, ou mieux Brbr, signifie, nous l'avons déjà dit, pic ou piton. La préfixe ta impliquant, d'ailleurs, l'idée d'infériorité physique, Tababor ou Tabor veut dire exactement piton bas, femelle de Babor. Et, en effet, le Tabor de Syrie (altitude 600 mètres) est plus petit que son voisin le Carmel (650 mètres) ; le Tabor de Kabylie est également de moindre altitude que le Babor mâle ou grand Babor ; enfin le Tabor des Alpes a 664 mètres de moins que le Viso, 420 mètres de moins que le mont Genèvre.

[89] Le Viso est une majestueuse pyramide, qu'accompagnent trois autres aiguilles : le Visoletto, au nord ; le Viso di Vallanta, à l'est ; une pointe innomée, au sud. Nous avons dit (liv. III, chap. IV) que l'altitude du Viso mesure 3.836 mètres. Ces proportions grandioses ont frappé d'étonnement les anciens et les modernes. (Pline, Hist. Nat.. III, XX. — Solin, II, XXXV.) — La montagne du Viso est d'une hauteur prodigieuse ; c'est une grosse tête de rocher que l'on voit de la plus grande partie de la plaine du Piémont. (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.) Les poètes ne pouvaient manquer de mentionner le nom du pic géant qui leur semblait commis à la garde des sources du Pô. (Virgile, Énéide, X, v. 707. — Silius Italicus, Puniques. X, v. 144 sq.)

On voit que Silius personnifie le géant des Alpes et le fait décapiter de la main d'Annibal. Cette image peint bien la grandeur de l'entreprise du héros carthaginois.

[90] Le mont Genèvre, dont l'altitude, nous l'avons dit (liv. III, chap. IV), mesure 3.592 mètres, fut d'abord désigné sous le nom d'Alpis Cottia. in Alpe Cottia. (Carte de Peutinger.) Cf. Quatrième Itinéraire de Vicarello. Le nom d'Alpis Julia prévalut ensuite un instant, lors de la première campagne de César dans les Gaules. Plus tard, la montagne fut dite mons Matrona. Inde ascendis Matronam. (Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem.) — Hinc alia celsitudo erectior, ægreque superabilis ad Matronæ porrigitur verticem, cujus vocabulum casus feminæ nobilis dedit. (Ammien Marcellin, XV, X.) On voit qu'Ammien attribue l'origine de cette nouvelle dénomination au fait de l'accident dont une dame romaine aurait été victime en ces parages ; mais l'étymologie est au moins puérile. La montagne avait alors pris le nom des divinités qu'on adorait sur ses crêtes. Il nome Matrona dato al Monginevra è Gallico cosi essendo appellato anche il fiume Marna, e favoloso è il racconto lasciatoci da Ammiano. Devotissimi aile Matrone furono i Galli coi popoli ad essi attinenti che le appellavan anche Malrœ col nome di Maires essendoscne propagato il culto eziandio in Italia. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.) Nous donnerons plus loin d'amples détails sur le culte des Matronæ dans les Alpes. Vers la fin du IXe siècle de notre ère, on adopta la désignation de mons Genevus (Antiq. Italicæ, I, 348) et, ultérieurement, la leçon mons Geininus (Chron. Novalic. III, 7). Plus tard, Aymar du Rivail (Hist. des Allobroges, ch. XXI) écrivit mons Genua, ajoutant que les habitants du pays ne manquèrent point de dire par corruption mons Janus ou Januarius. Hâtons-nous de faire connaître que l'assertion de Du Rivail est très-risquée. Il faut, en effet, se garder de confondre le mont Genèvre et le mont Juan. Celui-ci, dont l'altitude mesure 2.514 mètres, se trouve à 4 kilomètres au sud-ouest du mont Genèvre. Les deux lobes montagneux comprennent entre eux les sources de la Durance. Selon quelques commentateurs, le nom de mont Juan viendrait de ce que, après la soumission des Alpes, Auguste aurait fait fermer un temple de Janus, bâti sur la montagne. Enfin, quelques chroniqueurs ont donné la leçon Genebrœ, qu'ont suivie les Français en écrivant mont Genèvre, et les Italiens, qui disent Monginevro. Denina (Tableau historique de la haute Italie) prétend que le nom du mont Genèvre vient de celui des genévriers qui le complantent. Ce n'est là qu'une simple hypothèse.

[91] Voici les altitudes de quelques points du mont Pelvoux : le pic de Neige, 3.615 mètres ; la roche Faurio, 3.716 mètres ; le Temple, 3.756 mètres ; l'Aile Froide, 3.854 mètres ; la Meige, 3.987 mètres ; les Écrins, 4.103 mètres au-dessus du niveau des eaux moyennes de la mer.

[92] Les montagnes dans lesquelles se voient le vallon de Saint-Christophle, le val Senestre, le val Jouffrey, le val Godemar, le vallon de Champoléon, la vallée d'Orcières, le vallon de la Gravière, le vallon de Réalon, le vallon de Saint-Clément, celui de Freissinières, celui de l'Argentière et celui de la Vallouise, n'offrent partout qu'un pays affreux et rempli de précipices. (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.) L'auteur que nous venons de citer expose que la ligne de partage des eaux des Alpes du Dauphiné part du lobe montagneux qui s'élève entre le col de la Ponsonnière et celui du Chardonnet ; que cette ligne de partage, ou arête générale, passe ensuite par le col du Lautaret, par les cols d'Arcine, du Haut-Martin, de Freissinières, de Terre-Blanche, de Tourette, de Jean-Saume, de Barle, de la Couppa, de Pioly, de Moussières, de Saint-Philippe, du Collet ou Fond-Garman, de Rochette, de Roumette, de Saint-Guigues, de la Cluse, du Rabot, de la Croix-de-Tremini, de la Croix-Haute, etc.

[93] La chaîne qui forme la gauche de la vallée de Pragelas prend racine à la montagne qui est entre le col de Vorges et celui de Rodour. Cette chaîne, après avoir décrit un grand arc à la tête du Haut-Pragelas, s'allonge ensuite vers la plaine du Piémont, sur laquelle elle se termine par un vaste empâtement, dont les penchants tombent sur l'abbaye des Portes, sur Pignerol, etc. Les penchants de cet empâtement sont en partie en glacis, et en partie roides et remplis d'escarpements. (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.)

[94] La chaîne qui forme la droite de la vallée de Pragelas prend sa racine à la montagne qui est entre le col de Saint-Martin et celui de la Mayt. Les penchants de cette chaîne, du moins ceux qui tombent sur la rivière depuis l'origine de la vallée jusqu'à Mantoulles, sont si renflés qu'ils présentent sur ladite rivière plutôt un ventre qu'un glacis ; aussi les vallons qui les entrecoupent y sont fort profonds, escarpés et difficiles à pratiquer, c'est-à-dire qu'on ne peut passer à travers les contreforts qui séparent ces vallons que par des chemins très-roides, étroits et remplis de tourniquets. (De Montannel, loc. cit.)

[95] Pline, Hist. nat., XXXI, XXVI.

[96] ... pel motivo osservato da Seneca (Nat. Quæst. IV, II, 19) che i fiumi dell' Alpi banno lor piene in primavera, le magre in inverno. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 113.)

[97] Dravus (A. du Rivail) paraît être un nom générique affecté à divers cours d'eau, entre autres à un affluent du Danube. (Pline, Hist. nat., III, XXVIII.) Nous voyons dans le mot Dravus la transcription latine de der-aoua, le torrent du peuple. Cf. l’Oued Draoua du Sah'el de Sétif (Algérie).

[98] La source du Drac est à l'origine de la vallée d'Orcières, un peu au-dessus du village de Prapic. (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.)

[99] Druentia, Der-ou-ens. Ce nom est essentiellement générique, comme tous les noms de lieux que donnaient les anciens. Quelques commentateurs croient retrouver dans le mot Durance le radical dour (celt.), eau. Cf. Adour, Duero, Dour-el-ens ou Dourlens (Doullens), etc.

[100] La rivière d'un pays donnait souvent son nom aux centres de population quelle arrosait. Trois des Itinéraires de Vicarello mentionnent, au-dessus de Briançon, la station de Druentium, Gruentia (sic), Druantio. L'emplacement de ce gîte ne devait pas se trouver loin de notre village moderne du Mont-Genèvre. ... Cosi il fiume Druentia del Delfinato ed i Foro Druenlani della Gallica Rimini han lor riscontro nel villagio nostro di Druent. (Carlo Promis, Storia dell’ antica Torino, cap. VI.)

[101] Chiara, Ki-ara, la rivière du pays.

[102] Gusana, Kis-ana, la nourrice du pays. Cf. Guisonas (basque), rivière de l'homme.

[103] Eg-Aroun, la fille des rivières. Cf. la Garonne et la Gironde du sud-ouest de la France.

[104] Ki-Asif, le ruisseau du pays. Cf. tous les cours d'eau des Alpes dont les noms sont affectés de la terminaison asse : la Biasse, la Marasse, etc.

[105] Strabon, IV, VI, V. — Pline, Hist. nat., III, V.

[106] Tite-Live, XXI, XXXI. — Silius Italicus, Puniques, liv. III, v. 469 et suiv.

[107] Cf. la Guisane, Kis-ana. Cf. Guisonas (basq.). On dit aussi Clusone ; mais il y a ici matière à distinction. Suivant Montannel, la rivière s'appelle Chisoin depuis le Cestrières, où est sa source, jusqu'au Bec-Dauphin ; là elle change de nom et prend celui de Cluzun. Selon quelques auteurs, la vallée du Clusone inférieur doit porter le nom de valle del Clusone, à l'exclusion de la vallée du haut Clusone, à laquelle est réservée la dénomination de valle di Pragelas. Mais il y a encore ici une distinction à établir. On nomme haut Pragelas la partie de la vallée qui est au-dessous de Fenestrelles ; et bas Pragelas, la vallée qui est entre Fenestrelles et le Bec-Dauphin. Le reste, c'est-à-dire ce qui se trouve au-dessous de ce bec, est connu sous le nom de vallée de la Pérouse. (De Montannel.)

[108] En général, la vallée où coule cette rivière est fort resserrée dans le bas ; il y a même des endroits, tels que celui où se trouve le fort de Fenestrelles, qui forment des entonnoirs qui se défendent pour ainsi dire d'eux-mêmes. (De Montannel.)

[109] La vallée de Saint-Martin forme deux branches dans sa partie supérieure ; dans chacune de ces branches coule un grand ruisseau appelé le Germanasque. On appelle branche de Praly celle de droite, et branche de Macello celle de gauche. Ces deux branches s'étant réunies en une seule sous la montagne de Bessey et près du village de Périer, celle-ci va se dégorger sur le Cluzun vis-à-vis le bourg de la Pérouse. La rivière de Germanasque n'est bien guéable que dans les mois d'août et septembre, temps pendant lequel les neiges sont absentes des montagnes. En général, la vallée de Saint-Martin est fort étroite ; car, dans le bas des deux branches, ainsi que dans la partie inférieure, il n'y a d'autre terrain aplati, à la réserve de quelques prairies, que l'espace qu'occupe le Germanasque et le chemin qui le suit. (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.)

[110] Les vallées de Premol et de Saint-Germain sont si bien liées entre elles qu'elles sont considérées comme ne formant qu'une seule et même vallée. Or, quoiqu'elles ne soient pas d'une grande étendue, elles ne laissent pas que d'être abondantes en blé, en fruits et en pâturages. (De Montannel, loc. cit.)

[111] Le Peliez est le cours d'eau qui coule dans la vallée de Luzerne. Il prend sa source un peu au-dessous de Mirabouc et va se jeter dans le Cluzun auprès du village de Marcheras. En général, la vallée est fort resserrée et fort stérile dans la partie qui est au-dessous de Mirabouc. Elle commence à s'ouvrir en s'approchant du bourg de Luzerne. (De Montannel, loc. cit.) — Le Pelice a pour principaux affluents : sur la droite, la Luserna ; sur la gauche, la rivière de la valle d'Angrogna, qui descend du mont Chalvet. — La vallée de Luzerne, la vallée de Saint-Martin et la vallée d'Angrogne sont généralement connues sous le nom de vallées des Barbets, parce qu'elles étaient autrefois remplies de familles religionnaires. (De Montannel, loc. cit.)

[112] Pline, Hist. nat., XXXI, XXVI.

[113] Tite-Live, XXI, XXX. — Strabon, IV, VI, 9.

[114] Polybe, III, LV. — Diodore de Sicile, V, XXXIX. — Claudien, Eloge de Stilicon, liv. III.

[115] Strabon IV, VI, 4.

[116] Strabon, V, I, 12.

[117] Pline, Hist. nat., XVI, XXXI.

[118] Le campagne nostre popolavansi di cornioli, pioppi, tigli, frassini, carpini, olmi ; vi erano quercie di tal' mole... grandissima copia si aveva di alberi resinosi. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V.) — Pline, Hist. nat. XIV, III.

[119] Diodore de Sicile, XIV, III.

[120] Pline, Hist. nat., XXI, LXIX.

[121] Athénée, V, X.

[122] Pline, Hist. nat., XXI, XIX, XX, LXXXIII. — Virgile, Eclog. V, v. 16. — Pline, Hist. nat., XXV, XXX ; XXVII, XLV ; XXIV, CXII ; XIII, II. — Dioscoride, I, VII.

[123] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[124] Pline, Hist. nat., XVIII, XXV.

[125] Pline, Hist. nat., XVIII, XXXIV.

[126] Pline, Hist. nat., XIX, III. — Altro alimento de' Traspadani ch' erano i baccelii, comepure, che seme di lino ammannivasi dai villici un dolcissimo companatico. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[127] Polybe, II, XV. — Strabon, V, I, 12. — Pline, Hist. nat., XVIII, XXV, XLIX, LXXII.

[128] Pline, Hist. nat., XVIII, XL. — ... essendo miglio, panico e segala di simplicissima coltivazione. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[129] Polybe, II, XV.

[130] Pline, Hist. nat., XVIII, XLVIII, LXVII, LXXII.

[131] Pline, Hist. nat., XVIII, XX.

[132] Pline, Hist. nat., XVIII, XIX.

[133] Pline, Hist. nat., XVIII, XII.

[134] Pline, Hist. nat., XVIII, XII et XX.

[135] Pline, Hist. nat., XVIII, XXVIII.

[136] Pline, Hist. nat., XVIII, XX.

[137] Vopiscus, Probus, XVIII. Cf. Eutrope, IX, XVIII.

[138] Justin, XLIII, IV. Cf. Diodore, V, XXVI.

[139] Macrobe, Commentarius ex Cic. in Somnium Scipionis, II, X.

[140] Pline, Hist. nat., XIV, IV et XI.

[141] Pline, Hist. nat., XIV, XXVII.

[142] Columelle, De re rustica, III, II.

[143] Polybe, II, XV.

[144] Diodore de Sicile, V, XXXI.

[145] Pline, Hist. nat., XXJI, LXXXII ; — Posidonius, cité par Athénée, IV, XIII, passim.

[146] Diodore de Sicile, IV, XX.

[147] Pline, Hist. nat. XVI, LXXVI.

[148] Voyez sur le larix incombustible : Vitruve, Archit., II, IX ; Pline, Hist. nat., XVI, XIX. — Cf. Rabelais, Pantagruel, III, LII.

[149] Pline, Hist. nat., XV, IX.

[150] Strabon, IV, VI, 9 et V, I, 12.

[151] ... cette espèce d'arbre que voïez par les montaignes de Briançon et Ambrun... sus ses fueilles délicates nous retient le fin miel du ciel, c'est la manne. (Rabelais, Pantagruel, III, LII.) — La manne de Briançon paraît être un suc résineux qui se forme par transsudation, durant la nuit, sur les feuilles des mélèzes, et qu'on ne peut récolter que les jours de grande sécheresse, car il ne s'en forme ni pendant l'automne, l'hiver et le printemps, ni même pendant l'été lors des grandes pluies. Le phénomène ne se produit que par quelques-unes des nuits des mois les plus chauds de l'année. Le suc résineux qu'on recueille est doux, agréable au goût légèrement purgatif. — Voyez de Saussure, Voyage dans les Alpes, t. II, p. 136. Cf. Ladoucette, Histoire du département des Hautes-Alpes, 2e édition, p. 17.

[152] Dioscoride, I, XCII.

[153] Columelle, De re rustica, XII, XXIII.

[154] Strabon, IV, VI, 9.

[155] Tite-Live, XXI, XXXII.

[156] Strabon, IV, VI, 10.

[157] Columelle, De re rustica, VI, XXIV, 5.

[158] Pline, Hist. nat., VIII, LXX.

[159] Strabon, IV, IV, 3.

[160] Strabon, IV, VI, 9.

[161] Pline, Hist. nat., XI, XCVII. — Capitolin, Antonin le Pieux, XII.

[162] Polybe, II, XV. — Strabon, V, I, 12.

[163] Strabon, IV, IV, 3.

[164] Strabon, IV, IV, 3.

[165] Varron, De re rustica, II, IV.

[166] Athénée, XIV, XXI.

[167] Tite-Live, XXI, XXX. — Les Alpes étaient si giboyeuses que les poètes de l'antiquité en firent le royaume de leur Diane chasseresse (Claudien, Eloge de Stilicon, III.)

[168] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[169] Pline, Hist. nat. VIII, LXXIX. — Le mot bouquetin vient de l'allemand Stein-bock, avec interversion de l'ordre des racines composantes. L'italien a conservé le similaire stambecco.

[170] Virgile, Enéide, X, v. 708.

[171] Pline, Hist. nat. VIII, LXXXI. — Hæckel pense qu'il s'agit ici du lièvre polaire. La migration, dit-il, a dû s'effectuer durant la lente invasion de la période glaciaire. Lorsque la température s'éleva de nouveau, une portion de cette population arctique retourna vers le pôle, en suivant le mouvement rétrograde des glaces ; le reste se contenta de gravir les hautes montagnes, et trouva à une altitude suffisante le climat qui lui convenait. (Hæckel, Histoire de la Création.)

[172] Pline, Hist. nat. VIII, LV, et X, LXXXV.

[173] Polybe, XXXIV, Geogr. X, 8. Cf. Strabon, IV, VI, 10, et Chrest. IV, XXIX.) La description de Polybe accuse une grande analogie de l'animal avec le renne, l'élan et l'urus contemporains de César, avec l'urus et le bison de Pline. — César, De bello Gallico, VI, XXVI, XXVII et XXVIII. — Pline, Hist. nat., VIII, XV. — Suivant Cuvier, le bœuf à tête de cerf de César n'est vraisemblablement qu'un renne mal décrit. Quant à l'urus c'est le bœuf sauvage velu des anciens, que les Prussiens nomment auroch. L'éminent Carlo Promis pense qu'il s'agit d'une variété de bison : Se non era l' uro od il bisonte, ne era almeno una specie, tanto essendo dimostrato dalla concordanza delle parole di Polibio con quelle di Cesare, Plinio. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V.) Nous partageons d'autant plus volontiers cette opinion que, au temps de Paul Diacre, c'est-à-dire au VIIIe siècle de notre ère, le bison se rencontrait encore dans les Alpes du Frioul. (Voyez Paul Diacre, Histoire des Lombards, II, VIII.)

[174] Pline, Hist. nat., X, XXIX.

[175] Pline, Hist. nat., X, LXVIII.

[176] Pline, Hist. nat., X, LXVIII.

[177] Pline, Hist. nat., X, LXVIII.

[178] Varron, De re rustica, III, XII.

[179] Élien (XV, XXV) dit qu'il y avait, en Gaule, tant de poissons de toute espèce qu'on en faisait manger aux bœufs et aux chevaux. Ce fait étrange semblerait fabuleux, si l'on ne savait que, aujourd'hui encore, la nourriture des chevaux islandais ne se compose guère que de têtes de morue. La prodigieuse abondance du poisson dans les lacs de la Gaule méridionale avait également frappé Aristote (De Mirab. auscultat.). Cf. dom Bouquet, I.

[180] Varron, De re rustica, III, XII.

[181] Strabon, IV, VI, 10.

[182] Pline, Hist. nat. III, XXI. — De là, sans doute, les noms propres Eporedorix, Eporedirix. On y retrouve les radicaux epe, cheval, et righ, roi. (Cf. Histoire de Jules César, t. II, p. 271 et suiv.) Les Gaulois, on le sait, combattaient surtout à cheval. (Strabon, Chrest. IV, 12.)

Les chevaux de race gauloise étaient fort appréciés des Romains. (Horace, Odes, I, VIII.)

[183] Tite-Live, XXI, XXXII. — Strabon, IV, VI, 6.

[184] Claudien, Epigramm., De malabus Gallicis.

[185] Pline, Hist. nat., VIII, LXX.

[186] Polybe, II, LV.

[187] Polybe, II, XV.

[188] Polybe, II, XV. — Tite-Live, XXI, XXX.

[189] Polybe, II, XV et III, XLVIII. — Strabon, Chrest. IV, 1. — Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[190] Polybe, II, XV. Taurisque veut dire montagnard.

[191] Polybe, II, XV.

[192] Polybe, II, XV, XXI et XXVI. — Ammien Marcellin donne de ce nom de Galate une étymologie bizarre et absolument fantaisiste (Ammien, XV, IX.) — Galate, variante de Gall, eg-aël (amazir'), signifie seulement enfant de la famille. Il est vrai que ce nom générique a parfois servi de nom propre. (Polybe, II, XXI.)

[193] Polybe, II, XXII. — On se rappelle que les soldats gaulois étaient armés du gais. De là le surnom.

[194] Dion Cassius, Fragm. CLXIX des livres I-XXXVI.

[195] Pline, Hist. nat., III, VII.

[196] Tite-Live, XXI, XLIII.

[197] Pline, Hist. nat., III, VII.

[198] Strabon, Chrest., IV, 12.

[199] Tite-Live appelle les gens des Alpes Galli, Barbari, Montani.

[200] Contrairement à l'opinion de M. de Quatrefages, quelques auteurs estiment que, avant l'invasion des Celtes, l'occident de l'Europe était, pour la majeure part, peuplé d'hommes de race jaune. (Voyez M. Faliès, Étude sur les civilisations.)

[201] On appelle quaternaire l'homme blanc qui peuplait l'Europe occidentale au temps où vivaient en France le rhinocéros et l'éléphant, le renne et le bœuf musqué.

[202] Nous en exhumons aujourd'hui les restes. Les Troglodytes du Périgord, les Chasseurs de la Somme, les Hippophages de la Belgique, dont nos musées collectionnent les crânes, ne sont autre chose que des blancs allophyles descendants de l'homme quaternaire. C'est à l'une de ces races blanches primitives qu'est due la construction des monuments mégalithiques semés dans le nord de l'Afrique aussi bien que dans le nord de l'Europe, et qu'on désigne sous le nom de druidiques ou celtiques. Ces monuments sont l’œuvre d'une humanité bien antérieure aux Celtes.

[203] Les Romains les nommaient Ibères. Leur idiome persiste dans le basque ou euskara. Cf. Ούάσκων.

[204] Alias Berbères ou Kabyles.

[205] Strabon (Chrest., III, 38) distingue expressément les Ligures des Celtes.

D'où venaient-ils ces allophyles, Euskes, Imazir'en et Ligures, quand ils prirent pied sur les rivages de notre Occident ? M. Belloguet (Ethnogénie gauloise) croit avoir découvert leur berceau commun en Libye ; mais il est encore permis de le chercher à l'ouest de nos côtes, en quelque Atlantide submergée, sur quelque îlot perdu, dernier vestige d'un continent englouti. Ce qui milite en faveur de cette hypothèse, c'est cette légende druidique que nous a conservée Ammien Marcellin (XV, IX). — A ce compte, on le voit, les premiers occupants de la Gaule pourraient se classer parmi les populations que M. Brasseur de Bourbourg appelle interocéaniques.

[206] L'exactitude de cette loi vient d'être de nouveau vérifiée par M. G. Gorresio, l'éminent sanscritiste auquel on doit le Râmâyana, et qui a bien voulu nous communiquer le résultat de ses observations. Cf. Genèse, IX, 27.

[207] Les Aryens et les Iraniens sont les deux grands rameaux du groupe blanc Japétite. Originaires des contrées qui s'étendent du Caucase à la Bactriane, les Aryens menèrent d'abord la vie pastorale dans les hautes vallées du Belour-tag, s'avancèrent peu à peu dans l'Hindou-Koh et le Pendjab, se répandirent sur les bords du Gange, et partirent enfin des rives du fleuve sacré pour se précipiter sur l'Europe.

[208] Voyez M. Brachet, Grammaire historique. Ces cinq familles, de souche aryenne, se sont partout superposées aux allophyles.

[209] On retrouve aujourd'hui dans les Pyrénées et dans les Alpes des noms de lieux attestant le fait d'une occupation antérieure à celle des Celtes, du séjour prolongé qu'ont fait dans ces montagnes les Ligures, les Imazir'en ou les Euskes.

[210] Il est constant que quelques bandes germaines ont alors franchi le Rhin. (Ammien Marcellin, XV, IX.)

[211] Les anciens hésitaient à se prononcer sur la question de l'ethnogénie gauloise, question que les travaux du Grec Timagène n'ont guère élucidée. (Ammien Marcellin, XV, IX, passim.)

[212] Eg-aël signifie enfant de la famille, d'où Gaël, Gall. Ateggal veut dire à la fois beau-frère, beau-père, gendre, parent ; d'où, par interversion des composantes, Galate. Cf. adgal, veuf ; eggal, serment, etc.

[213] Ammien Marcellin, XV, IX, passim. — Tauriscus semble personnifier ici le revers italiote des Alpes occidentales. (Pline, Hist. nat., III, XXIV.)

[214] Les exploits de l'Hercule phénicien, antérieurs à ceux de l'Hercule grec, peuvent se rapporter au XIIIe siècle avant notre ère. (Voyez liv. I, chap. I.)

[215] Il faut bien se garder de faire confusion entre les Celtes et les Galates. Les deux peuples sont évidemment de même famille. (Plutarque, Camille.) Mais les Celtes proprement dits sont ceux que Polybe voyait établis à demeure sur les deux rives du Pô et dont le type primitif s'était modifié sous l'influence d'un heureux climat. (Polybe, II, XIII.) Les Galates sont des Celtes transplantés dans les Alpes. M. Bertrand (Bulletin de la Société des antiquaires de France, 3e et 4e trimestres 1875) estime que les Celtes d'Italie sont la descendance directe des premiers envahisseurs aryens, tandis que les Galates des Alpes auraient été jetés ultérieurement sur l'Occident. Nous ne partageons point cet avis. Sans doute il s'est produit bien des invasions celtiques, et celles-ci ont duré des siècles, mais toutes ont exerce le même effet sur le peuplement de la Circumpadane et des Alpes. La différence signalée par Polybe entre les Celtes et les Galates ne provient que d'une différence climatérique.

[216] Κατόριγες (Strabon, IV, VI, 6.) — César (De bello Gallico, I, X) et Pline (Hist. nat., III, XXIV) écrivent Caturiges. Ce nom de Kat-ou-Righ, roi des combats, paraît avoir été générique, ainsi que la plupart des noms gaulois. La Carte de Peutinger indique, en effet, une station de Catorissium, située à 12 milles de Grenoble, sur la route de Vienne à l'Alpis Cottia. Cette station, quelques commentateurs croient la retrouver à Chaource ; d'Anville la place à Bourg-d'Oisans ; Walckenaër, au col d'Ornon ; Lapie, à Saint-Pierre-le Mézaze. Nous partageons l'avis de la Commission de la Carte des Gaules, qui propose Vizilie. Nous trouvons, d'autre part, une station de même nom sur les Itinéraires romains de Reims à Metz. Voyez Table de Peutinger, itin. 365.

Il s'agit peut-être ici de Kœur, entre Saint-Michel et Commercy, ainsi que le veulent certains commentateurs ; mais il faut dire que l'identification de ce Caturiges avec Bar-le-Duc ne fait aucun doute pour la Commission de la Carte des Gaules.

[217] Les Catoriges avaient sous leurs lois le territoire d'Embrun et toute la vallée sur les deux rives de la Durance jusqu'au Pertuis-Rostang et jusqu'au sommet du versant occidental des Alpes. Avant la fondation de Gap, l'autorité des Catoriges s'étendait, dans la partie inférieure, jusqu'à la frontière du pays des Voconces. (Aymar du Rivail, Hist. des Allobroges, XX. — Cf. Millin, Voyages, t. IV, ch. CVIII.)

[218] On donne le nom de Gapençois à une certaine étendue de terrain qui est autour de Gap, lequel terrain contient Chorges, Remoulon, Tallard, la Tour-Ronde, la Roche-des-Arnauds... On donne le nom d'Embrunois à tout le terrain dans lequel se trouvent les vallons de Boscodon, des Orres, de Grévoulx, de Saluces, de Saint-Clément, de Châteauroux, de la Clapière et de Réalon... On donne le nom de Briançonnois à tout le terrain dans lequel se trouvent les vallées de Qucyras, de Cervières, de Neuvache, du Monetier, de la Vallouise, et la partie de la vallée de la Durance comprise entre Briançon et le pont Saint-Clément. (De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes, passim.)

[219] Strabon, IV, VI, 6. — César, De bello Gallico, I, X.

[220] Pline, Hist. nat., III, VII.

[221] Pline, Hist. nat., III, XXI.

[222] De bello Gallico, I, X.

[223] Les Katoriges sont mentionnés en l'inscription du Trophée des Alpes. (Pline, Hist. Nat.. III, XXIV.)

... avesser fatto causa cogli altri Inalpini contro Roma, sinchè vinti, vennero da Augusto restituiti a Cozzio per le sue benemerenze... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[224] Brigiani. (Pline, Hist. nat., III, XXIV.) — Mansio Byrigantium. (Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem. Manuscrit de Paris.) — Mansio Byrigane. (Même itinéraire. Manuscrit de Vérone.) — ... Brigantii... (Aymar du Rivail, Histoire des Allobroges, XXI.) — On conserve à l'évêché de Gap une inscription tumulaire mentionnant le nom des habitants de Briançon sous la forme de l'ethnique Brigantiensium. (Voyez le Bulletin de la Société des antiquaires de France, 2e semestre 1872.)

Voici les premières lignes de cette inscription, qu'a publiée Millin (Voyages dans les départements du Midi de la France, t. IV, ch. CVIII) :

V ø F

T PARRIDIVS PARRIOSIS

FIL QVIR GRATVS QVAEST

II VIR MVNIC BRIGANTIEN

[225] Nous démontrerons bientôt (liv. V, chap. IV) que le nom de Brigiani est, ainsi que ses dérivés, essentiellement générique. Il a pour radical brig, défilé ; la leçon Brigantii nous semble être la transcription latine de Brig-Ens ou mieux Brig-Eus-Ki, le défilé du pays des Euskes.

[226] Strabon, IV, VI, 6, et IV, VI, 9. — Dans ces monts étaient, du temps d'Auguste, plusieurs peuples non encore domptés ; lesquels, vivant de brigandages, donnaient beaucoup de peine aux passants : et étaient si bien osez que d'attaquer les armées romaines qui passaient ou repassaient d'Italie en Gaule : de sorte qu'ils forcèrent Decimus Brutus, fuyant de Modène, de leur payer une drachme pour teste afin de lui laisser le passage libre. Et Messala, capitaine romain, ayant son camp près de là durant un hiver, fut contraint de leur donner de l'argent pour avoir permission et liberté d'aller couper du bois servant à brûler ou à faire des entes à leurs javelots. Qui plus est, ils détroussèrent un jour le bagage d'Auguste avec son argent : se servant de l'incommodité des lieux pour incommoder les gens de guerre.  (N. Bergier, Histoire des grands chemins de l'Empire, I, XXVIII.) — Aymar du Rivail (Histoire des Allobroges, XXI) prétend que le nom de Brigantii impliquait, dans le langage des habitants de la Gaule, le sens d'hommes cruels. Pasquier (Recherches de la France, VIII, XLIII) pense avec plus de raison que le mot brigands vient de brigade, troupe armée. Il est pris dans cette acception en une ordonnance de Charles V ; mais, comme sous Charles VI, au temps des guerres civiles entre Armagnacs et Bourguignons, les soldats ou brigands commirent des excès, ce nom, d'abord honorable, fut détourné de la signification primitive et ne servit plus qu'à désigner des malfaiteurs.

Pour nous, brig signifie pont et, plus généralement, défilé ; briga exprime la poignée d'hommes qui suffit à défendre le passage. Les défilés des montagnes, qui ne sont souvent que des coupe-gorge, servent spécialement de poste d'affût aux malfaiteurs. De là le mot brigands.

[227] Les Briançonnois étaient un peuple cruel, surtout envers les Italiens. Lors- qu'ils s'emparaient d'un village, non-seulement ils massacraient les hommes faits, mais les enfants mâles ; ils allaient jusqu'à tuer les femmes enceintes que leurs devins leur disaient avoir conçu des mâles (Aymar du Rivail, Histoire des Allobroges, I, XXI, trad. Macé.)

[228] Strabon, IV, VI, 6.

[229] ... il piano di quasi 120 chilometri, ch' è da Vercelli all' Alpi di Pinerolo, con tutte le valli che vi s' immettono. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[230] ... questa non occupazione della pianura de' Taurini per parte de' Romani (malgrado il loro interesse geografico-militare) dev' essere stata motivata da' un' antica federazione stringente i due popoli contro gl' Insubri. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[231] ... popolo che io penso essere derivato dai Taurisci Illirici, guardiano de' monti ed amico allora de' Galli in odio de' finitimi oltrepotenti Etruschi, che dalla moderna Lombardia avevano cacciato i lor consanguinei... L'origin sua non era Gallica. Nè posso seguir coloro derivan i nostri dai Liguri ; lo affermano Strabone e Plinio, ma io respingon la ragione e le storiche analogie... fa d' uopo conchiudere che in tempi antichi tanto da precedereogni luce d' istoria, un popolo Celtico ed anteriore agli Etruschi, da' quali fu poscia parzialmente vinto... deve aver occupata tutta la Traspadana, sinchè soprafatto dagli Etruschi, si ridusse a tenerne solo le estrenuta, Veneta ad oriente, Taurina ad occídente. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[232] Durandi, Notizia dell' antico Piemonte traspadano, cap. III : Campagna de' Magelli tra il Pelice, il Chisone ed il Lemina.

[233] Strabon, Chrest., IV, 4.

[234] Ammien Marcellin, XV, X.

[235] Tite-Live, XXI, XXXII. — Pline, Hist. nat., XI, XLVII. — Ammien Marcellin, XV, X. — Claudien, Inv. contr. Rufin.

[236] Ammien Marcellin, XV, X.

[237] Diodore de Sicile, IV, XX, et V, XXXIX. — Ammien Marcellin, XV, XII.

[238] Diodore de Sicile, V, XXXI.

[239] Ammien Marcellin, XV, X.

[240] Pline, Hist. nat., XI, XLVII.

[241] Ammien Marcellin, XV, X.

[242] Ammien Marcellin, XV, X.

[243] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[244] Strabon, IV, I, 2.

[245] Diodore de Sicile, IV, XX et V, XXXIX.

[246] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[247] Ammien Marcellin, XV, X.

[248] Tite-Live, XXI, XXXII.

[249] Diodore de Sicile, V, XXVIII. — Qu'est-ce, dit M. Egger (Observations sur le drame satyrique), qu'est-ce pour les Grecs que le satyre et le silène, ce demi-dieu que des Romains ont connu sous le nom de faune ?... L'homme primitif, l'homme sauvage, avec ses besoins sensuels, ses appétits gloutons, ses instincts méchants, est une des conceptions les plus familières à l'art hellénique. Faut-il voir, dans ces conceptions naïves de l'imagination populaire et dans les types avariés d'après elles par l'art hellénique, quelques souvenirs d'une humanité antérieure aux invasions de la race aryenne ? Un savant anthropologiste, M. de Quatrefages, n'est pas éloigné de le croire.

[250] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[251] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[252] César, De bello Gallico, V, XLIII ; VI, XXX. — Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[253] Tite-Live, XXI, XXXII.

[254] Strabon, IV, IV, 3.

[255] Strabon, IV, IV, 3.

[256] César, De bello Gallico, V, XLII. — Strabon, IV, IV, 3. — Les Gaulois habitaient des maisons ou plutôt des huttes construites en bois et avec des claies, assez spacieuses et de forme ronde, surmontées d'un toit élevé. (Napoléon III, Histoire de Jules César, liv. III, ch. II.)

[257] Strabon, IV, I, 11.

[258] Plutarque, César, XI.

[259] César, De bello Gallico, I, XI.

[260] Tite-Live, XXI, XXXIII.

[261] I Romani lo avrebber dettó Vilæ (o Velæ) genus, coll' ultima voce chiamandosi i cantoni abitati da una sola cliontela o figliazione. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 152.)

[262] Chaque État (civitas) se subdivisait en pagus, représentant peut-être ce qu'est la tribu chez les Arabes ; la preuve du caractère distinct de ces agglomérations, c'est qu'à l'armée chacune avait sa place séparée, sous le commandement de ses chefs. La plus petite subdivision se nommait vicus. Telles sont les dénominations employées dans les Commentaires, mais qui n'étaient certainement pas celles de la langue celtique. (Napoléon III, Histoire de Jules César, liv. III, ch. II). Cf. César, De bello Gallico, I, XII ; III, X ; VI, XI.

Chaque État obéissait à un chef, que les Grecs ont désigné sous le titre de βασιλεύς ou βασιλίσκος ; les Latins, sous celui de rex (rix ou righ). (Voyez Polybe, II, XXII ; III, XLIV ; III, XLIX.) — Ovide, Pontiques, IV, VII, v. 6.

[263] Il existait dans chaque État des villes principales, appelées indifféremment, par César, urbs ou oppidum. Cependant on donnait de préférence ce dernier nom à des villes d'un accès difficile et fortifiées avec soin, placées sur des hauteurs. C'était dans les oppidums qu'en cas d'attaque les Gaulois transportaient leurs blés, leurs provisions et leurs richesses. (Napoléon III, Histoire de Jules César, liv. III, ch. II.)

Oppidum dictum quod ibi homines opes suas conferunt. (Paul Diacre, édit. Müller, p. 184.)

Les Commentaires de César ne mentionnent nominativement que vingt et un oppida, mais il en existait bien davantage sur le sol de la Gaule ; la civitas des Bituriges en possédait, à elle seule, plus de vingt. (César, De bello Gallico, VII, XV.) Les Nîmois en avaient vingt-quatre ; les Voconces, vingt et un. (Pline, Hist. nat., III, V.) Le plus important des oppida d'une civitas lui servait ordinairement de capitale. Ainsi Vienne était la capitale de l'État des Allobroges ; Chorges, des Katoriges ; Turin, des Taurini. Quelques États avaient concurremment deux capitales ; les Voconces, par exemple, reconnaissaient à la fois l'autorité de Luc et de Vaison. Polybe (III, L, LI, LII) désigne l'oppidum galate sous le nom de πόλις. La désinence dunum (town), alias durum, de la transcription latine est essentiellement caractéristique de l'oppidum.

[264] C'est ainsi que la confédération des Helvètes ne possédait qu'une douzaine d'oppida pour pourvoir à la sécurité des habitants de plus de quatre cents villages. (César, De bello Gallico, I, V.)

[265] Les habitants de chaque vallée des Alpes possédaient leur castellum, où ils se jetaient en toute hâte aux premiers bruits d'invasion. On ne trouve aucune trace d'habitations dans ces places de sûreté, mais on y déterre, en revanche, quantité de bijoux et d'objets précieux, enfouis précipitamment par les réfugiés.

Le castellum galate est, comme on le voit, le similaire exact du takliat amazir'. (Voyez Keller, Lieux de refuge, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XXXII et XXXIII.)

[266] Les refuges des Alpes étaient placés sous le commandement de chefs que Tite-Live (XXI, XXXIV) désigne sous le titre de principes castellorum.

[267] Tout en exposant qu'il s'agit de la capitale d'un Etat, Tite-Live n'accorde à cette place que le rang de castellum. (Tite-Live, XXI, XXXIII.) Mais Polybe (III, L et LI) la qualifie, à plusieurs reprises, de πόλις, c'est-à-dire d'oppidum. Nous avons donné ci-dessus la signification du mot Kat-ou-Righ, roi des combats.

Le nom de la capitale des Katoriges est inscrit aux Itinéraires romains sous les formes suivantes : Caturigas (Itinéraire d'Antonin et Carte de Peutinger) ; Caturigomagum, Caturigomagi, Caturigomag, Caturigomago (Itinéraires Apollinaires ou de Vicarello). Aymar du Rivail (Histoire des Allobroges, I, XX) écrit Caturige et Caturice.

On a recueilli à Chorges nombre de monuments archéologiques datant de l'occupation romaine, tels que pans de murs, fragments de colonnes, inscriptions, restes d'un temple de Diane, bloc de marbre rouge présumé piédestal d'une statue de Néron, etc. Cf. Millin, Voyage dans les départements du midi de la France, t. IV, ch. CVII.

Le plus précieux de ces monuments est assurément l'inscription que Spon a publiée et qui porte ces mots :

........................

..CIVIT  CATVR..

........................

La ville de Chorges a son histoire. Élevée par Néron au rang de cité, l'ancienne capitale des Katoriges fut, à la chute de l'Empire, détruite par les Barbares. Sortie de ses cendres, elle fut plus tard saccagée par les lansquenets allemands (1617), assiégée et prise par Lesdiguières (i585), par les catholiques (1586), par Victor-Amédée (1692).

Nous verrons, au chapitre suivant, que, selon toute vraisemblance, la première page de l'histoire militaire de Chorges doit se rapporter au temps de l'expédition d'Annibal.

[268] Embrun, ville des Katoriges, est mentionnée par les anciens géographes (Strabon, IV, I, 3. — Ptolémée, I, III, 39.)

Son nom figure aussi sous diverses formes dans les Itinéraires : Ebrodunum (Itinéraire d'Antonin) ; Eburuno (Carte de Peutinger) ; Eburodunum, Eburoduno (Itinéraires Apollinaires ou de Vicarello) ; mansio Hebridum (Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem)

On trouve aussi, en divers documents, les leçons Eberedunum, Ebredunum, Ebrudunum, etc.

Quel est exactement le sens du mot Ebrodunum ? On admet aujourd'hui que ce nom procède directement du radical Eber ou Ebur (gaël), lequel signifie cours d'eau, rivière ou fleuve. A ce compte, le composé Ebrodunum était une bonne désignation d'un castellum (dunum, town) situé sur la rivière (de la Durance). Observons, à ce propos, que la racine eber est entrée dans une foule de combinaisons onomastiques, parmi lesquelles on peut citer : les Eburones (Tongres), riverains de la Meuse ; les Eburovices (Evreux) ; Eborolacum (Ébreuil), dans l'Allier ; Eburobriga (Avrolles), dans l'Yonne ; Eburomagus, ancienne station de la route de Toulouse à Narbonne ; Ebersheim et Ebersmunter, près de Schlestadt ; Eburodunum (Yverdun) sur le lac de Neufchâtel, dans le canton de Vaud. Citons encore : Eboracum (York), en Angleterre ; l’Ebre, en Espagne ; Ebumbrilium (Evora), en Portugal, etc.

A l'époque de Strabon, dit Aymar du Rivail (Histoire des Allobroges, I, XX), Embrun n'était qu'une bourgade soumise à Chorges. Plus tard, Embrun commença à avoir la suprématie même sur Chorges. Quand les États du roi Cottus furent réunis, sous Néron, au territoire de l'Empire, Embrun avait déjà éclipsé Chorges, puisqu'elle fut alors la résidence du préfet de la province des Alpes cottiennes. — Unito da Nerone il regno Secusino all' imperio, il privato patrimonio de'Cozzi passato nel fisco imperiale, fu fatto reggere da un procuratore che, come il prefetto o présidé della provincia, avrà avuto sua sede in Susa od in Embrun. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.) La ville d'Embrun avait rang de cité, comme l'indique cette inscription, trouvée à Suze en 1782 :

T CASSIO T FIL

QVIR SEXTINO

DEC ET II VIRO

CIVITATIS EBRODVNENSIS

FLAMINI AVG.

PROVINCIAE COTTIANAE

(Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. IV, p. 88.)

Elle fut, au temps d'Adrien, la métropole des Alpes maritimes. Metropolis hujus provinciæ Eburodunum civitas Caturigum. (Livre des Provinces, ap. N. Bergier, Chemins de l'Empire) ; puis la capitale de l'Embrunois, l'une des fractions du haut pays du Dauphiné.

Séduits par des analogies trompeuses, Adrien de Valois et Cellarius avaient cru pouvoir placer à Embrun le quartier général du prœfectus qui commandait, au Ve siècle, la flottille des Barcarii. Il est aujourd'hui démontré que le Castrum Ebredanense de la Notice des Gaules, l'Ebredum Sapaudiœ de la Notice de l'Empire, l'Eberoduno de la Carte de Peutinger, se rapportent, non à Embrun, mais à Yverdun, sur le lac de Neufchâtel.

[269] De même qu'Embrun, Briançon, ville des Brigiani, clients des Katoriges, est expressément mentionnée par Strabon. (Strabon, IV, I, 3.) On trouve d'ailleurs son nom dans les Itinéraires romains : Brigantione (Itinéraire d'Antonin et Carte de Peutinger) ; Briganlium, Brigantio (Itinéraires Apollinaires ou de Vicarello) ; mansio Brigantio (Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem).

Une leçon analogue apparaît dans cette inscription :

D. M.

L EXOMNI MACRINI RVSTICI FILI HIC BRI

GANTIONE GENITI ANNORVM XVI IN STVDIS

VALLE POENINA VITA FVNCTI RELIQVIS EIVS

hic DELATIS NIGRIA MARCA MATER FILI

o p ISSIMO ET SIBI FACIENDVM

CVRAVIT

(Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, n° 36.)

Il faut enfin remarquer l'étrange leçon de Virgantia ; ad usque castellum Virgantiam (Ammien Marcellin, XV, X.) Quant à Aymar du Rivail (Histoire des Allobroges, XXI), il écrit Brigantium, suivant la leçon de l'un des Apollinaires. Ainsi que la plupart des anciens noms de lieux, le nom de Briançon est essentiellement générique et ponctue çà et là la carte de l'Europe occidentale ancienne.

Strabon accuse le premier cette loi d'homonymie, en citant un autre Βρεγάντιον (aujourd'hui Brégentz) situé sur les bords du lac de Constance. (Voyez Strabon, IV, VI, 8.)

Le lac lui-même est désigné par Pline (Hist. nat., IX, XXIX) sous le nom de lacus Brigantinus.

Cette ville de Brégentz porte, aux Itinéraires romains, les dénominations de Brigantia et Brigantio. A Brigantia per Lacum Mediolanum usque. M. P. CXXXVIII. — Alio itinere a Brigantia. (Itinéraire d'Antonin). Cf. Carte de Peutinger.

En France, on peut citer : Briansonium (Briançonnet), dans la Tarantaise ; Brigantium (Briançonnet), près de Grasse (Alpes-Maritimes) ; le château et le fort de Brégançon, situés entre la rade de Bormes et celle d'Hyères (Var) ; Briginn (Brignon), dans le Gard ; le village de Briançon, près Cravant, canton d’Isle-Bouchard, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire) ; Brigiosum (Briou), dans les Deux-Sèvres, entre Saintes et Poitiers, etc. On trouve : en Espagne, deux Brigantium (Compostelle et Betanços) ; en Portugal, un Brigantia (Bragance) ; en Angleterre, une nation de Brigantes (Juvénal, Sat. XIV, v. 196) ; en Valais, Brigg, etc. Il est curieux, dit M. Macé (Description du Dauphiné), de voir le nom de Briançon donné, dans l'antiquité, à un si grand nombre de localités éloignées les unes des autres. » Le fait observé n'a cependant rien qui doive surprendre, car il n'est pas unique en son genre. L'antiquité ne cherchait qu'à exprimer les conditions topographiques du lieu qu'il s'agissait de désigner. Or les formes du terrain se réduisent à un certain nombre de types. De là de fréquentes homonymies.

[270] Géographie stratégique, trad. Selmer.

[271] Sur la partie supérieure de la ville, et dans la ville même, s'élève un rocher escarpé sur lequel subsistent encore les restes d'un vieux château, construit, à ce qu'on prétend, du temps que César passa dans les Gaules. (Mémoires de Brunet de l'Argentière.)

[272] Lors du siège formé par Lesdiguières, la place de Briançon était à peine fortifiée ; elle n'avait, dit Brunet de l'Argentière, qu'un simple mur, dont les maisons, contiguës les unes aux autres, en formaient même une partie. Ce n'est qu'un siècle plus tard, en 1690, que Vauban la dota d'une enceinte régulière. Depuis lors, ses- défenses n'ont cessé d'être successivement améliorées, et elles sont aujourd'hui l'objet de travaux importants.

[273] Topographie militaire de la frontière des Alpes.

[274] Rama (Itinéraire d'Antonin et Carte de Peutinger) ; Ramam (Itinéraires Apollinairas ou de Vicarello) ; mutatio Rame (Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem). Aymar du Rivail et Walckenaër donnent à cette station le nom de Casse-Rom. Le mot Rama, ou mieux Arama, implique pour nous le sens de rivière de la Matrone. Cf. le paronyme Parma. Les autels consacrés aux divinités gauloises s'élevaient généralement au confluent des rivières ; Aranta peut donc signifier aussi l'autel érigé à la Matrone protectrice de la Durance et de la Biasse. La station fortifiée de Rama subsista longtemps après la chute de l'empire d'Occident ; c'était encore, au Xe siècle, un centre de certaine importance, mais au XIIe, une crue de la Durance emporta la ville. Il n'en reste plus aujourd'hui que quelques maisons et les ruines d'un château portant encore le nom de Rame. C'est au-dessus de ce château que Catinat avait établi, en 1692, son camp dit du Pallon. Le territoire de la ville de Rame ainsi détruite par les eaux a été partagé entre les communes de la Roche et de Champcella. (Voyez Ladoucette, Histoire des Hautes-Alpes ; Albert, Histoire du diocèse d'Embrun ; A. Macé, Description du Dauphiné.)

[275] Voyez Durandi, Notizia dell' antico Piemonte traspadano, cap. IV.

[276] Conjuguée avec Assietta et Exilles, la place de Fenestrelle coupe d'une manière absolue la ligne d'opérations du mont Genèvre. L'excellence de la position ne manqua point d'être remarquée, en 1693, par le maréchal de Catinat, qui l'occupa fortement et arrêta de là les progrès du duc de Savoie. Catinat s'établit sur les hauteurs où s'élève aujourd'hui le fort Saint-Elme ; c'est lui qui proposa de fortifier ce point, et la première pierre du château le plus voisin du bourg fut posée par Louis XIV en 1696. Assiégée en 1708 par le duc de Savoie, Fenestrelle fut cédée au Piémont, ainsi que toute la vallée de Pragelas, en vertu d'une des clauses du traité d'Utrecht (1713).

[277] ... Pinarolium cosi delto nel... diploma del 995 pel vescovo Amizone. Di questa finora non si trovo altra piu antica memoria ; pero il suo nome dedotto da pinetum, selva di pini, onde abbondava il colle, alle cui falde giace Pinerolo, derivando non dalla volgare e barbara, ma dalla latina lingua, ci manifesta una origine molto più rimota. (Durandi, Notizia dell' antico Piemonte traspadano, cap. III.)

[278] Topographie militaire de la frontière des Alpes.

[279] Voyez Durandi, Notizia dell' antico Picmonle traspadano, cap. III : Campagna de Magelli tra il Pelice, il Chisone ed il Lemina.

[280] Il faut se garder de confondre l'Ocelum ad Clusonem fluvium (Usseaux) avec l'Ocelum (probablement Oulx) de la vallée de la Dora Riparia (Strabon, V, I, 11.) Suivant M. Celesia, Oc, Ocel, Ocelum, avaient, en langue celtique, la signification de passage principal, et l'on rencontre nombre de localités de ce nom, non-seulement dans les Alpes cottiennes, mais encore dans beaucoup d'autres régions, témoin l'Uxellodunum (Puy-d'Issolu) assiégé par César. — ... poi tanti Ocelum (Acceglio, Exilles, Ossola, Oulx, Usseau, Ussel, Usseglio, Ussolo) traenti nome dalle strette alpine alle quali eran prossimi, e rispondenti all' Uxellodunum de' Cadurci ed agli Ocelenses di Lusitania. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.) — L'Ocelum ad Clusonem conserva toujours intégralement son nom primitif d'Occlum, Occelum, Oxelum, Uxellum. (Voyez la Charta Adelaidis de l'an 1064.)

[281] ... marmo è di Marte, detto alia Gallica Segomone. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 458.) — César, De bello Gallico, VI, XVII.

[282] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, n° 113.

ATHVBODVAE

AVG

SERVILIA TEREN

TIA

v S L M

[283] Pictet onde provare che Boduos valendo in celtico il corvo, uccello delle stragi, da quest' animale avesse nome la dea. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 458.)

[284] Du' altri marmi son di Nizza e posti da Q. Eniboudio montano al Deus Abinius ed al Deus Orevalus in due cippi stanti a Vilianuova di Castelvecchio. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 458.) Cf. Gioffrodo, Corografiæ, p. 88 ; Muratori, 1066-5 ; Henzen.

[285] Voyez Durandi, Notizia dell' antico Piemonte traspadano, p. 87. Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 458-59.

[286] Era Moccus un appellativo gallico di Mercurio. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 140.)

César, De bello Gallico, VI, XVII. — Les Gaulois avaient l'habitude de planter le long des routes des colonnes, des piliers, de simples poteaux indicateurs, lesquels, dit Bergier (Histoire des grands Chemins de l'Empire, IV, XLIII), ils figuraient les images de plusieurs dieux, tels que Mercure... lesquels, à leur opinion, étaient ces Θεοί ένόδιοι que Plaute appelle Lares viales, et Varron, viacos : comme qui dirait les dieux des chemins.

[287] Qui porro ancora il dio Pennino detto dal celtico Penn, denotante le vette de' monti le quali in Umbria e Romagna diconsi tuttora Penne, rispondendo alia voce latina Pinnæ. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.) Cf. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. I.

[288] ... venuti i pæsi in potestà di Roma e divulgatosi erroneamente la fama del passo dell' Alpi colà effetuato da Annibale, fu volto dai Romani il dio in Jupiter Pæninus ed anche Phœninus. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[289] Nous avons donné (liv. III, chap. IV) une inscription votive à ce dieu des pics. L'abbé Ducis a publié, en 1869, une quinzaine d'inscriptions analogues. En voici deux que nous extrayons de sa brochure intitulée : Passage d’Annibal du Rhône aux Alpes :

 

I O M POENI

POENINO

NO PRO SALVTE

PRO ITV ET REDITV

HELI ET SVORVM

C IVLIVS PRIMVS

APRICLVS EIVS

V S L M

DEDIT DONVM

 

VOTO S L M

Voici deux autres inscriptions votives rapportées des Alpes : l’une, par de Saussure ; l'autre, par Larauza :

IOVI POENINO

NVMINIBVS AVGG

Q SILIVS PEREN

IOVI POENINO

NIS TABELL COLON

SABINEIVS CENSOR

SEQVANOR

AMBIANVS

V S L M

 

On voit, en somme, que le dieu Penn tient une place importante dans l'épigraphie des Alpes occidentales.

[290] Lorsque les légions eurent franchi les Alpes, le culte officiel de Jupiter Capitolin prit possession des sommets. Les empereurs, les corps de troupes et les particuliers, avant de passer en Gaule, promettaient un autel à Iupiter Optimus Maximus Pæninus. (M. Ch. Robert, Epigraphie de la Moselle, 1er fascicule.)

[291] Le temple élevé au dieu Penn sur le sommet des Alpes fut l'un des derniers sanctuaires du paganisme en Occident. On en attribue la démolition à saint Bernard de Menton, vers 962 ; mais saint Bernard n'a sans doute fait que restaurer l'hospice qui porte son nom.

Un traité intervenu en 859, entre Lothaire II et son frère Louis II, mentionne, en effet, déjà cet établissement, et la région des Alpes dont il s'agit s'appelle déjà mont Saint-Bernard.

[292] Devotissimi alle Matrone furono i Galli coi popoli ad essi attinenti, che le appellavan anche Matræ col nome di Matres essendosene propagato il culto eziando in Italia. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[293] Matronæ, Matres et Matræ (quæ nomina unum significasse creduntur) erant deæ quœdam provinciarum urbiumque tutelares. Sub hoc nomine ego Junones dumtaxat appellatas fuisse reor ; nam Junonibus veteres vota offerebant. (Muratori, inscr. Mat.)

[294] Ovide, Fastes, VI, v. 55-58.

[295] Chez les Volkes Arécomikes des bords du Rhône, dont Annibal avait traversé le territoire, on appelait Proxumes les mânes des aïeules, considérées comme génies protecteurs de la famille et de la maison. Leur culte, essentiellement privé, ne sortait point des limites des laraires ; toutefois, il venait souvent à se confondre avec celui des Mères, des Junons et des Fées. (Voyez les monuments épigraphiques réunis par M. Aurès, t. XXXIII des Mémoires de la Société des antiquaires de France.)

[296] Fabretti (De Aquæduct. Dissert.) records a monument at Rome Sulevis et campestribus sacrum, of the period of Antoninus Pius. The Sulevæ or Sulfa were probably the Sylphs or wood-spirits (Silvaticæ ?). This monument would show their cult had great affinity with that of the Matronæ. (M. Wylie, Proceedings of the Society of Antiquaries, april 1869.)

[297] M. Wylie pense qu'il ne faut point confondre, ainsi que le fait Muratori (vide supra), les Déesses-mères et les Matrones.

The very term Deee, so often, though not always, applied to the Matres, but never, as I believe, to the Matronee, would lead us to consider the former a higher class of divinities... suspicion that the two cults were distinct. (M. Wylie, Proceedings of the Society of Antiquaries, april 1869.)

[298] Altars and monumental inscriptions to the Dew Matres and to the Matronee are known in Hungary, Britain, Spain, France, Holland and Germany, especially in the provinces bordering on the Rhine... another inscription... is dedicated Matribus omnium gentium. (M. Wylie, Proceedings of the Society of Antiquaries, april 1869.)

On a trouvé tout récemment dans l'un des puits funéraires de Troussepoil, commune de Bernard (Vendée), une statuette de bois, de 0m,51 de hauteur, représentant une femme assise, voilée, sur les genoux de laquelle on voit l'arrachement d'une figurine d'enfant qu'elle soutenait des deux mains. Elle était accompagnée de plusieurs vases de façon romaine, dont l'un porte le nom du potier Marianus. Cette découverte peut servir à expliquer l'origine d'un certain nombre d'églises du vocable de Notre-Dame, bâties sur des emplacements où, suivant la légende, on a trouvé des statues miraculeuses de la Vierge. La statuette de Troussepoil, rencontrée au fond d'un puits de 13 mètres de profondeur, dont l'orifice était fermé par 4 mètres de blocage maçonné, est évidemment celle d'une déesse-mère ou matrone. (Voyez la note de M. Quicherat, insérée au tome XXXIII des Mémoires de la Société des antiquaires de France.)

Peut-être doit-on induire de là que les matrones des Alpes eurent jadis des autels dans les lieux où sont aujourd'hui Notre-Dame-d'Embrun, Notre-Dame-des-Neiges, etc.

[299] Comme la Marne, en latin Matrona.

[300] Comme le mont Genèvre, jadis appelé mons Matrona.

[301] Les matrones des eaux thermales étaient dites Comedorœ. (Carlo Promis, Storia dell antica Torino.)

[302] Voyez Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.

[303] Voyez Muratori, XCIII, III, VI, VIII ; XCIV, I, III. Orelli, 2074, 2075, 2096, 4902, 4903.

Voici plusieurs autres inscriptions de même style, extraites de la Storia dell' antica Torino, de l'éminent Carlo Promis :

DIVIS MATroNIS

Q VALERIVS

T VINDONIVS IERANVS

VIATOR

COMPTVM VETVSTATE

MATRONIS

CONLABSVM EX VOTO

V S L M

RESTITVIT LL M

 

 

 

CAESaris

MATRONIS

SERVILicus

TI IVLIVS PRISCI L

STATIONis finis

ACESTES

MATROnis v.s.

 

Ces deux dernières ont également été publiées par le P. R. Garrucci dans les Proceedinqs of the Society of Antiquaries, april 15, 1869. L'une des deux est très-remarquable en ce qu'elle se trouve accompagnée d'une sculpture représentant une chaîne de Matrones. Below this inscription is a sculpture, full-faced, of five Matronæ, erect, and holding hands. The central figure holds a hand of each of the two last, while these and the intervening figures again hold hands interchangeably, forming a complete chain. (M. Wylie, Proceedings of the Society of Antiquaries, april 1869.) Nous reproduisons ici ce curieux objet d'art, d'après le dessin que le P. R. Garrucci a bien voulu nous communiquer :

[304] Muratori, XCIV, II.

MATRONIS

ET DIS DEABVS

T MATVSIVSÌÌÌN

PRO SE SVISQVE

V S L M

[305] Muratori, XCIII, VII.

MATRONIS

ATILIVS

CF

VENERIQ V S

[306] Muratori, XCIII, IV.

MATRONIS

IVNONIBVS

VALERIVS

BARONIS F

V S L M

[307] Muratori, XCIII, V.

SENOnibus

MATROnis

COHors

HELVETiorum

QVIRA

IS IVLios Vieti

CIVS

LEG VIII

IEVS II

[308] Orelli, 1086.

MATRO GESATENIS

[309] ... iscrizione posta da Enistalio Matronis Vcdiantibus ossia alle divinita epicorie del popolo de' Vediantii, tribu Ligure avente il capo luogo a Cemenelion ora Cimella presso Nizza. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 458, et Revue archéologique, 1869, p. 306.)

[310] Observons, en terminant cette notice, qu'on rencontre aussi, au lieu de Matronis, les formes Matribus, Matrabus, Matrubus (Muratori, XCIV, IV, V, VI, VII ; CXLVII, VI) et Matris (musée de Vienne en Dauphiné).

[311] Nous ne mentionnerons que pour mémoire les dieux Cacus, Hesus, Hercules Saxanus et Teutates. Altra divinità ebbe culto sull' altura del Monginevro, dove, stando aile parole del cronista Novaliciense, scrivente circa l'anno 1050, olim templum ad honorem cujusdam Caci dei, scilicel Jovis, ex quadris lapidibus, plumbo et ferro valde connexis, mirœ pulchriludinis, quondam conslructum fuerat, avvegnachè troppo probabil sia, che sulla vetta del Monginevro ossia mons Matrona non ad altre divinità si rendesse culto che aile epicorie, cioè aile Matronœ. Chiama il monaco Cacus deus lo spirito maligno, signor delle tempeste Alpine, cioè Giove. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, p. 459.) Le nom d'Hesus ne nous est révélé que par ce fragment d'un vers de Lucain (Pharsale, I, v. 445) :

..... horrensque feris altaribus Hesus.

L'Hercules Saxamis est mentionné en bon nombre d'inscriptions votives (voyez Orelli, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 3479 et 5657) ; mais ces monuments épigraphiques sont simplement destinés à consacrer le souvenir des légions romaines qui avaient ouvert des routes au travers du massif des Alpes. Il ne faut point chercher ici de dieu gaulois. (Voyez un Mémoire de Gazzera sur une route ouverte par les Romains dans les Alpes, sous l'invocation d'Hercules Saxanus, le patron des carriers.) Nous ne connaissons non plus que de nom le farouche Teutates. (Lucain, Pharsale, I, v. 444-45.)

L'inscription ci-dessous, parfaitement apocryphe, ne saurait, d'ailleurs, nous permettre d'essayer aucune définition de la divinité :

L • PACCIO

IN • AETHERA • SOLVTO

ADESTO • TEVTATES

(Sanguineli, n° 97)

Più impudente finzione fu quesla fornita al Durandi siccome scoperta nel 1718 sopra un' urna in val d'Arozia aile sorgenti del Tanaro. Del Gallico Teutate molto dissero gli antichi, ma nessuna menzione ce ne pervenne ne' marmi, ed a provar supposto codesto daro la storia di altra lapide spuria, che a questa diede origine. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.) Quelques auteurs veulent néanmoins que Teutatès ait été, comme Penn, le dieu des hautes montagnes. Now Theet and Thail in Armoric are the names of the deity who presided over highways... (Wickham et Cramer, Dissertation, p. 69.) Ajoutons en fin que les Gaulois honoraient aussi des similaires de Diane, d'Apollon, de Jupiter, de Minerve et de Pluton. (Lucain, Pharsale, I, v. 446. — César, De bello Gallico, VI, XVII et XVIII.

[312] Tite-Live, XXI, XLIII. — Velleius Paterculus, Hist. rom., II, XC. — P. Orose, Adv. Paganos, IV, XIV.

[313] Ammien Marcellin, XV, XII.

[314] Diodore de Sicile, V, XXXII.

[315] Pline, Hist. nat., VII, II.

[316] Strabon, IV, I, 2 ; IV, IV, 2 ; et Chrest., IV, 12. — Ammien Marcellin, XV, XII. — Liber Junioris philosophi, Totius orbis descriptio, 58.

[317] Polybe, II, XXXIV.

[318] Strabon, IV, IV, 2.

[319] Suétone, César, XXIV.

[320] Tacite, Histoires, II, XIV.

[321] Polybe, III, LXII. — Tite-Live, XXI, XLII. L'épée gauloise avait surtout ceci de particulier qu'elle était dépourvue de pointe et ne frappait que de taille. (Polybe, II, XXX, XXXIII ; III, CXIV.)

[322] Tite-Live, XXI, XXVIII.

[323] Strabon, Chrest. IV, XII. — Cf. Strabon, Chrest. IV, XIV.

[324] Polybe, III, XXXV.

[325] Strabon, Chrest., IV, XIV.

[326] Polybe, II, XIX.

[327] Strabon, Chrest., IV, XIV.

[328] Strabon, Chrest., IV, XII.

[329] Polybe, III, LIV. — Tite-Live, XXI, XXXV.

... le rempart de toutes les Itales. (Clément Marot, Jugement de Minos.)

[330] Cicéron, De Prov. cons.

[331] Pline, Hist. nat., III, V.

[332] César, De bello Gallico, III, II.

[333] Eustathe, Commentaires, 297.

[334] Histoire du Consulat et de l’Empire, t. I, liv. IV.