CHAPITRE IV. — L'EXPÉDITION DE DATIS ET D'ARTAPHERNE. - § I. — Les forces de l'armée perse. - Datis à Naxos, Délos, Carystos, et Érétrie. - La prise d'Érétrie. - Le débarquement des Perses dans la plaine de Marathon.Les premières opérations militaires de la flotte et de
l'armée perses, jusqu'au débarquement dans la plaine de Marathon, sont
exposées. par Hérodote en quelques chapitres (VI,
94-102), avec brièveté et clarté, presque sans digression[1]. Les principaux
traits de ce récit ne donnent prise à aucune objection fondamentale : la
présence de nouveaux généraux à la tête de l'armée perse ; le plan inauguré
par Datis pour attaquer Dans le détail, cependant, quelques points méritent l'attention particulière de la critique. Les forces perses, rassemblées en Cilicie, se composaient, dit Hérodote, d'une infanterie nombreuse et bien équipée (VI, 95) et d'un corps de cavalerie. Les troupes à pied furent embarquées sur la flotte, qui comptait 600 vaisseaux. Pour la cavalerie, des bâtiments de transport avaient été commandés tout exprès par Darius : l'historien n'en donne pas le nombre. La détermination du chiffre exact de l'armée perse a beaucoup exercé les historiens modernes de cette guerre. La plupart écartent avec raison les données précises, mais mal fondées, des écrivains postérieurs à Hérodote : le renseignement de Cornelius Nepos[2], dérivé sans doute d'Éphore, parait provenir d'une conception a priori, qui représentait l'armée perse comme dix fois plus forte que l'armée grecque (100.000 hommes contre 10.000). D'autre part, un seul texte donné pour antérieur à Hérodote, une prétendue épigramme de Simonide, fournirait un chiffre de 90.000 hommes, à condition toutefois d'y corriger un des mots les plus importants[3] : tout nous porte à croire que l'épigramme n'est pas de Simonide, et que la correction, destinée à diminuer une exagération évidente, est pour cette raison même inutile ; car, du moment où il s'agit d'une amplification poétique de basse époque, les absurdités les plus fortes ne sont-elles pas les plus vraisemblables ? Reste le témoignage d'Hérodote : presque tous les savants s'attachent au nombre de 600 vaisseaux, et calculent ensuite, par analogie, le total de l'armée perse d'après le nombre d'hommes que chacun de ces vaisseaux pouvait contenir. Mais tout ce calcul est approximatif. On ne peut s'empêcher de remarquer, en effet, que le nombre de 600 parait représenter dans l'esprit d'Hérodote l'effectif en quelque sorte invariable de la flotte barbare avant les grands préparatifs de Xerxès : c'est le chiffre de la flotte de Darius au Bosphore, c'est aussi le chiffre à la bataille de Ladé. Or dans ces trois circonstances, à Marathon, à Ladé, au Bosphore, les éléments qui composent la flotte perse ne sont pas les mêmes, de sorte que, si le chiffre de 600 vaisseaux était prouvé pour l'expédition de Scythie, il deviendrait douteux pour la bataille de Ladé et pour celle de Marathon ; inversement, si l'historien avait recueilli sur la flotte de Datis une tradition véridique, il s'en faudrait de beaucoup que cette tradition fût applicable aux expéditions antérieures. Mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, les stèles de Byzance, vues par Hérodote, ne peuvent pas être considérées comme la source directe de son témoignage, puisqu'elles lui fournissaient à peine quelques lignes écrites en caractères assyriens, et que ces caractères étaient inintelligibles pour lui. L'effectif de la flotte perse pouvait être mieux attesté pour Marathon ; car les Athéniens, postés sur les collines qui dominent la plaine à l'ouest, avaient eu le loisir de compter les vaisseaux mouillés dans la baie, comme ils eurent, après la bataille, celui de compter les morts. Toutefois, dans ce cas même, le témoignage traditionnel des Athéniens ne devrait être accepté que sous toutes réserves. Même en admettant ce chiffre, on arrive, pour la somme des troupes embarquées sur la flotte perse, aux résultats les plus différents : l'auteur d'une étude spéciale sur les guerres médiques, M. Devaux, évalue le nombre des combattants à un maximum de 30000 hommes[4] ; d'autres savants — MM. Duncker[5], Fleischmann[6], Busolt[7] —, partant du même principe, adoptent le chiffre rond de 60.000. Il ne serait pas interdit de soutenir que ce chiffre est encore trop faible ; car tous ces calculs reposent sur une comparaison avec les transports de troupes sur les vaisseaux grecs pendant la guerre du Péloponnèse ; or nous savons que, dans une autre circonstance, les Thébains embarquèrent jusqu'à 150 hommes sur un seul vaisseau[8]. Ajoutons que le chiffre total de l'armée perse à Marathon serait toujours inconnu, même si les critiques s'entendaient sur le nombre des hommes embarqués à bord de la flotte. Car, outre que le corps de cavalerie resterait toujours en dehors de tous les calculs possibles, il faut tenir compte encore des contingents ioniens levés par Datis dans les îles : Hérodote dit formellement que les Carystiens refusaient de faire campagne contre Érétrie et Athènes (VI, 99). Duncker a pensé pouvoir déterminer autrement le nombre des soldats perses : il s'appuie sur la disposition des deux armées avant et pendant la bataille, et sur l'espace occupé par chacune d'elles[9]. Mais il est évident que cette méthode repose sur des combinaisons plus hypothétiques encore que toutes celles qui se fondent sur le nombre des vaisseaux. On s'est demandé pourquoi Hérodote, ordinairement si
empressé à rapporter tout ce qu'on dit, n'a pas même indiqué un chiffre pour
l'armée perse à Marathon, non plus que pour l'armée athénienne. Est-ce que
par hasard la tradition aurait été muette sur ce point ? M. Fleischmann tend
à le croire[10],
et la raison qu'il en donne est qu'Athènes préférait laisser dans l'ombre des
chiffres qui eussent révélé l'infériorité de sa victoire, par rapport aux
batailles livrées plus tard par toute La tradition des Naxiens, elle aussi, aurait fourni sans doute à l'historien une explication plus glorieuse de leur attitude en face de Datis. Plutarque nous apprend que les chroniqueurs locaux attribuaient aux insulaires, d'abord retirés dans leurs montagnes, une victoire décisive sur les Perses, déjà maîtres de leur ville[11]. Cette revanche immédiate des Naxiens est démentie par ce fait que, en 480, l'île, encore soumise aux Perses, dut fournir plusieurs vaisseaux à la flotte de Xerxès : l'exploit du triérarque Démocritos de Naxos fut de passer avec ces vaisseaux dans le camp des Grecs (VIII, 18), malgré les ordres de son gouvernement, qui sans doute était alors aristocratique. Hérodote ne nous éclaire pas sur ces affaires intérieures de l'île ; mais son témoignage, dans sa sobriété, parait reproduire exactement la vérité. Lors du passage de la flotte perse à Délos, Hérodote signale deux faits intéressants : le sacrifice de Datis à Apollon et le tremblement de terre de l'île (VI, 97 et 98). Le premier de ces faits peut-il être considéré comme authentique ? et, dans ce cas, quel en est le sens ? Si le respect témoigné par le général perse au dieu de Délos n'avait d'autres garants que les Déliens eux-mêmes, il serait permis de soupçonner de leur part une raison imaginée pour excuser leur conduite à l'égard de Datis : l'île, en offrant volontairement son hommage aux Perses, n'aurait-elle pas mérité d'être respectée et honorée par eux ? Mais une autre tradition, et d'une source différente, atteste le même respect de Datis pour Apollon. Hérodote raconte que, dans sa retraite après la bataille de Marathon, Datis trouva sur un vaisseau phénicien une statue dorée d'Apollon (VI, 118). En apprenant que cette statue venait de Délion en Béotie, Datis ne put pas la reporter lui-même en cet endroit ; mais, comme il était alors près de Myconos, il fit un léger détour pour aborder à Délos, et pria les Déliens de rendre cette statue au temple d'où elle venait. Les Détiens, au lieu de s'acquitter de cette mission, gardèrent la statue pendant vingt ans, jusqu'au jour où les Thébains la réclamèrent et vinrent eux-mêmes la reprendre. Cette dernière partie du récit ne laisse aucun doute sur l'origine thébaine de l'anecdote : c'est à Délion qu'Hérodote aura vu la statue dorée, et qu'il en aura entendu raconter l'histoire. Ainsi le respect de Datis pour l'île sacrée d'Apollon semble incontestable[12], et la cause n'en est pas difficile à trouver : il ne s'agit pas là d'une tolérance générale pour la religion grecque (l'incendie de Naxos et d'Érétrie en est la preuve), ni même d'une considération particulière pour la ville sainte qui avait été l'ancien centre religieux des Ioniens, bien que cette considération ait pu avoir quelque poids ; mais Datis vénérait dans Délos le berceau d'une divinité qui personnifiait, comme Mithra, la lumière du jour[13]. Le tremblement de terre de Délos a été souvent cité comme
un exemple curieux des confusions que peut commettre une tradition orale.
Thucydide affirme en effet que l'île ressentit un tremblement de terre peu
avant l'année 431, et que jusqu'à cette époque elle n'avait jamais éprouvé la
moindre secousse[14]. Or Hérodote
rapporte qu'un tremblement de terre eut lieu à Délos en 490, et que ce
tremblement de terre fut le premier et le dernier, au témoignage des Déliens (VI, 98). Chacun de ces deux phénomènes avait
été d'ailleurs interprété de la même manière, comme un indice des malheurs
que devait causer la guerre du Péloponnèse, ou des dangers dont l'invasion
perse allait menacer De deux choses l'une : ou bien Thucydide a prétendu réfuter une assertion erronée d'Hérodote, ou il a reproduit une tradition populaire sans songer à se mettre en contradiction avec son prédécesseur. La première hypothèse se heurte, suivant nous, à une difficulté insurmontable : pour que Thucydide réfute Hérodote, il faut qu'il soit mir de son fait, et par conséquent, nous devons affirmer, sur sa foi, que le seul tremblement de terre de Délos eut lieu un peu avant l'année 431, et qu'il n'y en avait jamais eu d'autre auparavant. Mais que devient alors l'assertion d'Hérodote ? Car enfin les Déliens ne l'ont pas trompé au point d'inventer de toutes pièces un fait absolument faux ! A cette objection on répond que, sans le tromper, les Déliens lui ont présenté comme un signe avant-coureur de l'invasion médique un phénomène qui se produisit plus tard, et que ce même phénomène fut dans la suite interprété comme le présage des maux de la guerre du Péloponnèse : il n'y aurait eu en réalité qu'un seul tremblement de terre[15]. Mais alors Thucydide n'a pas été moins dupe qu'Hérodote, et le prétendu tremblement de terre de l'année 431 date d'au moins trente ans plus tôt. Thucydide aurait-il commis une pareille erreur, sur un point où il aurait eu précisément la prétention de corriger Hérodote ? L'autre hypothèse permet de croire que ni Thucydide ni
Hérodote ne sont tombés dans une telle confusion. Thucydide, avons-nous dit,
a pu critiquer Hérodote, dans son résumé de l'histoire ancienne de Mais Hérodote ne dit pas seulement que le tremblement de terre de 490 fut le premier, il ajoute aussi que ce fut le dernier jusqu'à lui, et, comme dans le même chapitre il fait allusion aux premières luttes de Sparte et d'Athènes, ce passage, écrit après 431, a paru contenir une réfutation de la tradition reproduite par Thucydide. Ce n'est pas ainsi que nous interprétons ce chapitre. L'allusion à la guerre du Péloponnèse nous semble être une note additionnelle. L'historien avait d'abord simplement noté ce que les Déliens lui avaient dit lors de son voyage à Délos, et il avait pu déclarer alors avec raison que le tremblement de terre de 490 avait été le premier et le dernier. Plus tard, après 431, lorsqu'il révisa ce passage, ou bien il n'eut pas connaissance du nouveau tremblement de terre, ou bien il n'en tint pas compte. Le récit de la prise d'Érétrie dans Hérodote (VI, 99-101) a paru à quelques savants trahir une préoccupation fâcheuse : l'historien se serait efforcé de défendre Athènes contre le reproche d'avoir abandonné sa voisine. L'éditeur Stein signale déjà cette tendance, sans affirmer toutefois que les faits aient été pour cela altérés par Hérodote. M. Wecklein va plus loin : selon lui, la tradition athénienne n'accusait les Érétriens d'irrésolution, que pour dissimuler la lâcheté des clérouques athéniens de Chalcis, qui, au lieu de se porter au secours d'Érétrie, n'avaient songé qu'à fuir devant les Perses[16]. Il ne nous semble pas nécessaire d'attribuer ici à la tradition athénienne ce caractère odieux et aux clérouques de Chalcis cette lâcheté. A la demande de secours présentée par Érétrie, son alliée et son amie, Athènes, gagnée alors aux idées de Miltiade, répondit par une mesure très significative : une partie de l'armée athénienne se trouvait détachée en Eubée, prête à y prendre les armes ; c'étaient les clérouques de Chalcis ; le peuple enjoignit à cette garnison de porter secours à Érétrie ; mais cet ordre ne pouvait pas forcer les clérouques, ni même les autoriser, à s'enfermer dans les murs de la ville, pour y subir un siège ; le secours était spécialement destiné à prendre part aux combats que les Érétriens livreraient dans l'une des plaines voisines de leur ville, s'ils affrontaient la bataille. Que les Érétriens aient hésité sur le parti à prendre ; qu'ils aient d'abord songé à se réfugier dans leurs montagnes, comme les Naxiens ; puis, qu'ils se soient décidés à soutenir un siège dans l'intérieur de leurs murs : ces hésitations n'ont rien que de naturel, surtout si l'on considère que l'opposition aristocratique, dans la ville même, paralysait les efforts du parti allié d'Athènes. L'existence à Érétrie d'une faction favorable aux Perses n'est pas douteuse, si l'on accepte le témoignage d'Hérodote sur la trahison d'Euphorbos et de Philagros, et ce témoignage est tellement conforme à tout ce que nous savons des discordes civiles dans les villes grecques d'alors, que rien ne permet d'en douter. Mais, si l'on voulait sauver les hoplites d'Athènes, il fallait les prévenir de la résolution prise par les Érétriens, avant l'investissement complet de la place ; il fallait leur faciliter la retraite, et c'est le service que peut leur avoir rendu le personnage dont Hérodote nous a conservé le souvenir, Eschine, fils de Nothon. Rien n'autorise donc à croire que les clérouques aient pris la fuite par lâcheté, et qu'ils se soient ensuite soustraits à l'obligation de faire campagne avec les Athéniens. Le débarquement des Perses à Marathon était projeté depuis longtemps par Datis, surtout par Hippias, son guide et son conseiller dans l'expédition contre Athènes : c'est pour s'assurer en cet endroit de l'Attique une descente facile, que les Perses avaient tenu à soumettre les Cyclades et l'Eubée. Ce résultat une fois obtenu, il n'y avait plus pour eux qu'à marcher sur Athènes, et ils comptaient bien y arriver au plus vite. Le chapitre d'Hérodote relatif au départ d'Érétrie et au débarquement dans la baie de Marathon contient plusieurs mots essentiels pour l'intelligence de toute la campagne. Les Perses ne restent que peu de jours à Érétrie, et ils se hâtent de débarquer en Attique, persuadés qu'ils viendront à bout d'Athènes comme ils avaient fait d'Érétrie[17]. Il y a, il est vrai, dans ce passage un mot douteux, κατέργοντες ; mais les corrections qu'on a proposées laissent subsister l'idée de hâte qui parait ici fondamentale, ou l'idée accessoire de confiance et de fierté, idée qui entraîne celle de précipitation : de toutes façons, il est certain que les Perses, près de toucher au but de leur campagne, avaient hâte d'atteindre les murs d'Athènes[18] où ils pensaient que le peuple s'enfermerait, comme avait fait celui d'Érétrie. Nous pouvons même ajouter qu'Hippias et Datis croyaient pouvoir compter aussi sur l'alliance d'un parti gagné à leur cause, et la phrase d'Hérodote elle-même contient sans doute cette idée[19]. D'ailleurs Hippias n'oubliait pas que la route de Marathon à Athènes était facile ; c'est par là que jadis, avec son père Pisistrate, il était venu attaquer Athènes, et avait rencontré l'armée ennemie près du col qui sépare le Pentélique de l'Hymette, à Pallène (I, 62). Il nous paraît hors de doute que Marathon fut choisi comme un lieu de débarquement, et non pas comme un emplacement pour la bataille. Hérodote dit que la plaine était propice à la marche de la cavalerie (VI, 102) ; mais il ne parle pas là de combat, et cette réflexion doit s'entendre de la facilité que la baie présentait pour un débarquement et pour la formation régulière des colonnes qui devaient s'avancer vers Athènes par la route du sud. La partie septentrionale de la plaine de Marathon, où avaient abordé les Perses, offrait un vaste espace pour le campement d'une armée, et une côte basse assez étendue pour recevoir une flotte considérable[20]. Le marais, presque desséché dans cette saison de l'année, n'occupait qu'une partie de la plaine entre les deux montagnes aujourd'hui appelées Stavrokoraki et Drakonera : si de ce côté la cavalerie trouva d'abondants pâturages, l'infanterie perse dut plutôt se tenir en avant du marais, sur les deux rives du torrent qui descend des montagnes de la Diacrie[21]. En cet endroit, l'armée, faisant face à la route d'Athènes, protégeait en même temps sa flotte et pouvait entretenir des communications directes avec plusieurs points de l'Attique, dans une région où étaient nombreux les partisans des Pisistratides. Cependant l'intention de Datis et d'Hippias n'était pas d'attendre ou d'attirer les Athéniens à Marathon ; ils s'apprêtaient à marcher sur Athènes, lorsque l'activité extraordinaire de Miltiade vint arrêter et paralyser leur action. § II. — Les forces athéniennes. - Le décret de Miltiade. - L'envoi de Pheidippidès à Sparte. - Départ de l'armée athénienne pour Marathon.Aussi longtemps que l'Eubée seule, après les Cyclades, avait été l'objet de l'attaque des barbares, les Athéniens, quoique menacés, ne pouvaient pas savoir par où Datis et Artapherne chercheraient à aborder en Attique : ils ne pouvaient que rester dans leur ville ou aux environs, en tenant leurs soldats prêts à partir au premier signal. L'armée, depuis quelque temps déjà réunie dans Athènes, comprenait toutes les forces vives de la cité : à quel chiffre s'élevaient ces forces, et quel en était le commandement ? Hérodote est muet sur l'effectif de l'armée athénienne ; ce silence nous dispenserait d'insister sur cette recherche, si nous ne devions tenir compte des renseignements que l'historien fournit pour la seconde guerre médique. La tradition représentée par Cornelius Nepos[22], Justin[23], Pausanias[24], Suidas[25], hésite entre le chiffre de 9.000 et celui de 10.000 hommes pour les Athéniens ; elle fixe à 1000 celui des Platéens. Ainsi l'ensemble de l'armée grecque, suivant ces auteurs, comprenait 10.000 ou 11.000 hommes. Ce chiffre est probablement un peu au-dessous de la vérité. A priori, la tendance naturelle des Athéniens dut être de grossir l'armée ennemie et de diminuer la leur. Mais en outre Hérodote lui-même justifie la défiance qu'inspire d'abord cette tradition : à la bataille de Platées, onze ans après Marathon — c'est-à-dire après un intervalle de temps qui n'avait pas pu beaucoup changer la population d'Athènes —, les Athéniens mettent en ligne 8.000 hoplites, et un nombre égal de soldats armés à la légère, soit 16.000 hommes (IX, 29) ; à la même époque, la flotte athénienne de Mycale devait contenir aussi un nombre assez considérable de citoyens[26]. Si l'on pense que, pour la campagne de Marathon, les Athéniens eurent recours à des mesures extraordinaires, appelant même les hommes que leur âge exemptait du service et les esclaves[27], on a lieu de conclure que l'armée de Marathon, au moins aussi forte que le contingent athénien de Platées, comptait environ 10.000 hoplites, soutenus par un nombre à peu près égal de troupes légères, composées de !hèles et d'esclaves[28]. Le commandement de cette armée appartenait aux dix
stratèges ; à côté d'eux, le polémarque,
c'est-à-dire celui des neuf archontes qui avait hérité des attributions
militaires de l'ancien roi, conservait une place d'honneur dans la bataille
et une voix dans le conseil, mais sans participer directement à la conduite
des opérations militaires. Ces rapports du polémarque et des stratèges,
c'est-à-dire du représentant de l'ancienne constitution et des magistrats
nouveaux issus de la réforme de Clisthène, sont exprimés par Hérodote d'une
manière aussi claire que possible : d'une part, l'initiative réservée aux
stratèges, pour régler le mouvement des troupes et même pour traiter
certaines questions importantes qui regardaient la politique générale de la
cité, est attestée par ce fait, qu'ils conduisent l'armée à Marathon (VI, 103), et que, dans la ville même, avant
de partir, ils expédient à Sparte le coureur Pheidippidès ; d'autre part, le
rôle du polémarque dans le conseil et sa place d'honneur à l'aile droite
ressortent clairement de la délibération tenue à Marathon avant la bataille (VI, 109). Cependant Hérodote se trompe en
disant que le polémarque était alors tiré au sort ; nous savons aujourd'hui, par D'après Hérodote, les Athéniens, à peine informés que les Perses allaient débarquer à Marathon, se portèrent, eux aussi, vers cet endroit (VI, 103) ; avant de quitter la ville, ils avaient expédié Pheidippidès à Sparte pour y demander du secours (VI, 105). La brièveté de ces indications, et les digressions que l'historien y mêle sur la famille de Miltiade (VI, 103-104), le voyage de Pheidippidès et l'apparition du dieu Pan (VI, 105), le songe d'Hippias (VI, 107), enfin l'origine de l'alliance entre Platées et Athènes (VI, 108), ont fait douter de l'exactitude des renseignements fournis ici par Hérodote. On objecte principalement que les Athéniens ne durent pas attendre le débarquement des Perses à Marathon pour demander du secours aux Spartiates, et que le départ des Athéniens pour Marathon dut suivre le retour du courrier envoyé à Sparte. La première objection aurait de la valeur, si l'on pouvait
supposer que, depuis le temps où Datis était dans les Cyclades, aucune
négociation n'était intervenue entre Sparte et Athènes, et si la prise
d'Érétrie avait été la première menace des Perses contre L'autre objection semble avoir plus de force, puisque Duncker lui-même, généralement attaché au témoignage d'Hérodote, estime que le départ des troupes athéniennes eut lieu seulement après le retour du courrier Pheidippidès. Mais, dans ce cas, ce qui nous parait inexplicable, c'est l'attente des Perses à Marathon : si les Athéniens avaient tardé si longtemps à se porter à leur rencontre[31], comment Datis et Hippias n'auraient-ils pas pris auparavant la grande route d'Athènes, pressés qu'ils étaient, nous l'avons vu, d'en finir avec cette ville comme avec Érétrie ? A notre avis, le message même de Pheidippidès dut être le résultat d'une délibération, où les Athéniens avaient pris la résolution de se défendre, non dans les murs de la ville, comme avaient fait les Érétriens, mais dans une des plaines voisines : à cette condition seule, ils pouvaient solliciter le secours de Sparte. Dans la même délibération, les stratèges durent donc chercher le meilleur moyen d'assurer la possibilité d'un combat sur un champ de bataille choisi par eux ; ce moyen, c'était d'arrêter les Perses à Marathon, avant qu'ils ne se fussent mis en route pour Athènes. Ainsi, la marche rapide, immédiate, de l'armée athénienne, aussitôt après l'annonce du débarquement des Perses à Marathon, est un des faits essentiels dans les préliminaires de la bataille ; c'est aussi un de ceux que la tradition postérieure mit le mieux en lumière, en parlant du fameux décret de Miltiade[32]. Or cette rapidité de mouvement n'a pas lieu de surprendre au point de vue stratégique, puisque depuis longtemps les généraux tenaient leurs troupes prêtes à partir en campagne. Mais encore fallait-il, pour mettre l'armée en marche, qu'une décision commune des stratèges intervint, confirmée peut-être par un vote du peuple. Du moment où Athènes était désormais le but direct des Perses, il n'y avait plus à différer la nécessité de prendre un parti. Miltiade pesa de tout son poids pour déterminer ses collègues et le peuple à ne pas perdre un instant : il ne fallait pas renouveler les hésitations d'Érétrie ni laisser quelque espoir aux partisans d'Hippias et des Perses ; il s'agissait de montrer tout d'abord une résolution énergique, d'aller au-devant de Datis, et de prendre position en face de lui, non pas pour lui livrer aussitôt bataille, mais pour le tenir en échec, en attendant que des alliés vinssent se joindre aux forces athéniennes. Cette mesure était nécessaire : moralement, pour engager décidément Athènes dans la voie de la guerre à outrance ; matériellement, pour s'emparer à temps des points d'où le général croyait pouvoir dominer la position des Perses. D'ailleurs, l'auteur de la mesure, Miltiade, conseillait en même temps aux autres stratèges et au peuple de faire un dernier appel aux villes alliées, à Sparte entre autres, et à Platées. A ces deux villes il fallait pouvoir donner un rendez-vous précis : ce n'était pas dans Athènes, mais à Marathon, qu'elles devaient envoyer leurs troupes. Une proposition aussi hardie supposait de la part de Miltiade une connaissance parfaite des lieux et des conditions où se trouvait Datis ; sans doute, ce plan stratégique était combiné d'avance. Bref, dans une ville frappée de stupeur, la décision de Miltiade eut raison des incertitudes et des timidités de ses collègues et du peuple. Désormais le sort d'Athènes ne dépendait plus de l'adhésion de Sparte ou des autres villes grecques. Miltiade comptait peu sur les secours du dehors ; mais il était résolu cependant à attendre la réponse de Sparte pour engager l'action décisive. En conduisant sur l'heure l'armée à Marathon, il avait le double avantage de la soustraire aux mauvaises influences de la ville, et de surprendre les Perses pendant qu'ils se disposaient à marcher sur Athènes et qu'ils s'attendaient à rencontrer seulement l'ennemi sur la grande route qui contourne le Pentélique au sud, du côté de Pallène. C'est par un autre chemin que Miltiade se rendit à Marathon. Pour une armée qui combattait sur son propre territoire, sans bagages, le chemin de montagne qui traverse les contreforts septentrionaux du Pentélique était facilement abordable, et il aboutissait dans la petite vallée actuelle de Vrana, près de la vallée secondaire nommée Avlona, qui communique par en haut avec la vallée de Ninoï et de Marathona, autrement dit d'Œnoë et de Marathon. En prenant possession de ce débouché, Miltiade pouvait abriter son camp dans une situation sûre, ce qui lui permettait d'attendre ; en même temps, presque inattaquable, puisqu'il pouvait s'enfermer dans sa vallée, il était à même de surveiller les moindres mouvements des Perses, surtout s'ils tentaient de continuer leur route sur Athènes : pris de flanc, ils devaient sans peine être culbutés dans la mer. Mais surtout les forces des Athéniens, restant cachées, en imposaient à l'armée ennemie : combien d'hommes étaient postés dans ces montagnes qui dominaient la plaine ? Les Perses ne s'étaient pas attendus à tant d'activité et d'audace, et, dès le débarquement, Hippias put se convaincre qu'il avait affaire à forte partie ; peut-être celle extraordinaire promptitude de Miltiade lui donna-t-elle même à craindre déjà pour le résultat de l'expédition. Ce que sous une forme populaire exprime la légende de la dent d'Hippias, tombée de la bouche du vieillard dans le sable de l'Attique (VI, 107), c'est peut-être le vague pressentiment d'un échec, à la vue d'une aussi soudaine apparition de l'ennemi. § III. — Les Athéniens et les Perses en présence à Marathon. - Arrivée des Platéens. - Réponse des Spartiates. - Conseil de guerre tenu par les généraux d'Athènes.Cette première déception de Datis et d'Hippias semble les avoir déterminés l'un et l'autre à employer dès lors, avant la force, des moyens plus pacifiques et non moins puissants. C'était ainsi que jadis les Perses avaient, avant la bataille de Ladé, travaillé à entraîner la défection des villes ioniennes. Le même moyen avait réussi à Érétrie. Il est probable que les Perses s'en servirent encore, à ce moment, non pas auprès de l'armée de Miltiade, mais auprès des Athéniens de la ville, par l'envoi d'émissaires et par des communications secrètes avec les partisans d'Hippias. M. Delbrück n'admet pas l'existence de ce parti perse dans
Athènes[33].
Mais ce doute ne se justifie pas. Nous avons vu plus haut que trois partis au
moins divisaient Athènes : le parti de la guerre, avec Miltiade à sa tête ;
un parti plus modéré dans ses rapports avec Si ces négociations sont vraies, et Hérodote indique expressément quelque chose de semblable (VI, 109), on comprend comment l'armée athénienne, postée dans l'enceinte d'Héraclès, à Avlona, eut tout le temps d'attendre l'arrivée des Platéens et la réponse de Sparte. C'est là en effet que vint se joindre à elle le contingent de Platées (VI, 108), et c'est là aussi sans doute que Pheidippidès, en revenant de Sparte, vint rendre compte aux stratèges du mandat qu'ils lui avaient confié. Ce retour du courrier athénien nous paraît même être la cause de la nouvelle délibération que raconte Hérodote, mais que plusieurs critiques considèrent comme incompréhensible. De quoi s'agissait-il alors, dit-on ? Du moment où la résolution de combattre hors des murs avait été prise avant le départ, il n'y avait plus à reculer, et une nouvelle délibération était inutile. Hérodote s'est trompé en reportant à Marathon une discussion qui dut avoir lieu dans Athènes même, parce qu'alors seulement elle avait un objet. A cela on ajoute que certains auteurs parlent d'une résolution prise en une seule fois à Athènes, et d'une attaque subite de l'armée athénienne le lendemain même de son arrivée à Marathon[34]. Mais, avant d'avoir recours à ces témoignages de basse époque, voyons si le récit d'Hérodote ne se prête pas à une interprétation satisfaisante. Le voyage de Pheidippidès, au retour, eut lieu sans doute aussi vite qu'à l'aller ; or Hérodote nous dit que la réponse des Spartiates lui fut donnée le 9e jour après la nouvelle lune, et qu'il avait mis deux jours pour aller d'Athènes à Sparte : parti le 7e jour, il dut revenir à Athènes le 11 et être à Marathon le 12. C'est donc le 12e jour après la nouvelle lune que se place, suivant nous, la délibération des stratèges à Marathon. Miltiade était là depuis cinq jours environ, et la question qui se posait était celle-ci : étant donné que les Spartiates, s'ils venaient, ne partiraient pas avant la pleine lune (15e jour après la nouvelle lune), et qu'ils arriveraient au plus tôt en trois jours, de telle sorte qu'ils ne pourraient prendre part à un combat avant le 19e jour, y avait-il lieu d'attendre ce délai, ou de se retirer sans affronter la lutte, ou d'attaquer les Perses sans attendre aucun secours ? Attendre l'arrivée des Spartiates était un espoir chimérique, et il ne semble pas que personne y ait alors songé. Mais beaucoup de stratèges, même de ceux qui avaient consenti à suivre Miltiade dans sa marche rapide sur Marathon, durent considérer que la supériorité numérique des Perses ne laissait à Athènes aucun espoir de salut, et qu'il valait mieux se retirer derrière les murs de la ville pour aviser à un nouveau système de défense. C'est contre cette opinion que Miltiade dut s'élever de toutes ses forces : non pas qu'en effet le combat à livrer ne fût difficile et hasardeux ; mais reculer pour le moment, c'était, à ses yeux, risquer de déterminer dans la population athénienne, déjà travaillée par les partisans d'Hippias, un mouvement d'entente avec les Perses ; or il ne fallait de cela à aucun prix, et il valait mieux affronter même une défaite honorable. La situation où se tenait alors l'armée était excellente pour la-défensive ; l'offensive serait plus dangereuse ; mais il fallait s'y résoudre plutôt que de rentrer dans Athènes, si les Perses n'attaquaient pas eux-mêmes. Or il n'était pas probable qu'ils attaquassent, occupés qu'ils étaient encore à se chercher des amis dans la ville, et leurs efforts avaient chance de réussir surtout depuis que la nouvelle du retard des Spartiates devait avoir jeté de nouveau la terreur dans la population. Voilà pourquoi Miltiade considérait la situation comme extrêmement grave : il fallait avant tout rester sur place et ne pas reculer, ou c'en était fait de toute résistance ! Et pour affirmer l'intention des stratèges de se maintenir à Marathon, il fallait prendre le parti d'attaquer les Perses ! C'est sur ce point que portait la discussion, lorsque l'opinion de Callimaque, le polémarque, gagné aux arguments de Miltiade, fit enfin pencher la balance. C'est ici que triomphent les adversaires du récit d'Hérodote : Comment ? Miltiade attache tant d'importance à une attaque rapide, à une offensive immédiate ! Il redoute un soulèvement intérieur ! Et pourtant, après la décision du conseil de guerre, il retarde encore l'attaque ! Il est si peu pressé que, malgré le désistement successif de ses collègues, il attend pour livrer bataille que son tour de commandement soit revenu ! N'est-ce pas là une raison imaginée après coup pour dissimuler un retard indépendant de sa volonté ? N'est-ce pas un motif insignifiant pour décider d'une question aussi grave ? En réalité, la tradition a inventé ce prétexte pour dissimuler la vérité, qui est que Miltiade attendit d'être attaqué par les Perses, au lieu de prendre, comme on le prétend, une vigoureuse offensive. Tel est en résumé l'avis de M. Delbrück. Mais cet abandon du témoignage formel d'Hérodote ne nous parait nullement nécessaire. Certes, nous ne pensons pas que, si les conditions stratégiques où se trouvait l'armée eussent exigé une action immédiate, le général athénien eût compromis le succès pour rester fidèle à une pure formalité ; mais, d'après ce que nous avons dit des craintes de Miltiade sur l'état des esprits à Athènes, l'important était, à ses yeux, moins d'attaquer aussitôt l'ennemi, que de bien prouver aux Athéniens la résolution où étaient les stratèges de repousser l'invasion et de ne pas reculer. Ce qu'il fallait, c'était maintenir les courages dans la même ardeur qu'au départ de l'armée, c'était ne donner prise à aucune défection, et pour cela il suffisait que la nécessité de combattre à Marathon fût reconnue. D'autre part, les Perses ne se pressant pas d'attaquer, pour les raisons que nous avons dites, Miltiade pouvait trouver un sérieux intérêt à attendre son tour de commandement. De combien de jours s'agissait-il ? De trois ou quatre peut-être. N'était-ce pas pour le général assumer une lourde responsabilité que d'engager l'action alors qu'un autre eût eu droit au commandement ? Miltiade pouvait n'être pas sûr de la victoire : vainqueur ou vaincu, il devait souhaiter de rester fidèle à la constitution, dont certain parti le représentait volontiers comme un ennemi. Ainsi pouvait-il, en attendant, préparer son attaque, tout en continuant à tromper la vigilance des Perses par une feinte inaction ; en même temps, il rassurait dans Athènes les partisans de la guerre en répandant la nouvelle que, si Sparte manquait à l'appel, du moins, avec l'aide des dieux, Athènes saurait pourtant se défendre : Pheidippidès lui-même, en passant par l'Arcadie, n'avait-il pas reçu de Pan la promesse d'une assistance toute-puissante[35] ? Ainsi s'écoulèrent les quelques jours qui suivirent le retour de Pheidippidès et la délibération des stratèges ; car la bataille n'eut lieu, d'après Hérodote, que la veille ou l'avant-veille de l'arrivée des Spartiates en Attique, c'est-à-dire le IP ou le 18° jour après la nouvelle lune. A ce moment Miltiade put choisir en toute liberté son terrain et combiner sûrement son plan d'attaque. Déjà, dix jours auparavant, sa marche forcée sur Marathon avait arrêté les Perses. Une nouvelle tactique, non moins habile, lui valut cette fois la victoire. § IV. —
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[1] Les dernières lignes du chap. 98 seules ont ce caractère.
[2] CORNELIUS NEPOS, Miltiade, 4-5.
[3] SIMONIDE, fr. 90 (éd. Bergk). L'orateur LYCURGUE (contre Léocrate, 109) cite cette épigramme sous la forme suivante :
Έλλήνων
προμαχοΰντες
Άθηναΐοι
Μαραθώνι
χρυσοφόρων Μήδων έστόρεσαν δύναμιν.
Mais le scoliaste d'Aristide le Rhéteur (II, 511) cite ainsi le second vers : έκτειναν Μήδων έννέα μυριάδας. Bergk propose de considérer cette variante comme authentique, à condition de lire έκλειναν (ont mis en fuite) au lieu de έκτειναν (ont mis en pièces).
[4] DEVAUX (P.), Mémoire sur les guerres médiques, dans les Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XLI (1875), p. 17.
[5] DUNCKER, Gesch. des Alterth., t.
VII, p. 114 et 132.
[6] FLEISCHMANN, Die Schlacht bei
[7] BUSOLT, Griech. Gesch., t. II, p.
84, note 4.
[8] XÉNOPHON, Helléniques, V, 4, § 56.
[9] DUNCKER, Strategie und Tactik des Miltiades, dans les Sitzungsberichte der k. preuss. Akademie, 1886, p. 393 et suiv.
[10] FLEISCHMANN, op. cit., p. 237.
[11] PLUTARQUE, Malignité d'Hérodote, 29.
[12] Les Déliens entretinrent soigneusement dans la suite le souvenir des hommages rendus à leur dieu par le général perse : les inventaires de l'année 279 mentionnent une offrande qui porte le nom de Datis (HOMOLLE, Comptes et inventaires des temples déliens de l'année 279, dans le Bull. de corr. hellén., t. XV (1891), p. 140-141) ; mais il est évident que ce nom, gravé en surcharge, à la place d'un autre, dans l'inventaire de 279, a été mis là d'une façon arbitraire, pour rappeler seulement le souvenir dont se glorifiaient les Déliens.
[13] DUNCKER, Gesch. des Alterth., t.
VII, p. 116.
[14] THUCYDIDE, II, 8.
[15] WECKLEIN, op. cit., p. 16. — BUSOLT, Griech.
Gesch., t. II, p. 65, note 3.
[16] WECKLEIN, op. cit., p. 39-40.
[17] HÉRODOTE, VI, 102. Au lieu de κατέργοντες, qui est la leçon des meilleurs manuscrits, Dietsch écrit κατοργέοντες, et Nitzsch κατασπέρχοντες.
[18] Contrairement aux témoignages formels de THUCYDIDE (I, 89, § 3) et d'HÉRODOTE (IX, 13), M. U. von Wilamovitz-Müllendorff a supposé qu'Athènes n'avait pas d'enceinte fortifiée avant la construction des murs de Thémistocle (Philologische Untersuchungen, t. I, p. 97 et suiv.).
[19] Dans la phrase (VI, 102), il faut entendre : les Perses pensaient bien qu'ils en finiraient avec les Athéniens comme ils en avaient fini avec les Érétriens.
[20] Voir le croquis de la plaine de Marathon, dessiné d'après l'excellente carte de MM. VON TWARDOWSKI et VON ESCHENBURG, publiée dans les Karten von Attika de Curtius et Kaupert, pl. XVIII et XIX, Berlin, 1889. Duncker avait eu connaissance de cette carte avant sa publication : il s'en est servi pour calculer le nombre d'hommes et de vaisseaux que pouvait compter l'expédition de Datis (Sitzungsberichte der K. preuss. Akademie, 1886, p. 393 et suiv.). Mais ces calculs sont nécessairement très vagues.
[21] Pour la situation de l'armée perse, cf. notre Rapport sur une mission scientifique en Grèce, Marathon, Salamine, Platées, Paris, 1892, p. 19-20 (extrait des Nouvelles Archives des missions scientifiques et Littéraires, t. II, p. 323 et suiv.).
[22] CORNELIUS NEPOS, Miltiade, 5.
[23] JUSTIN, II, 9.
[24] PAUSANIAS, X, 20, § 2.
[25] SUIDAS, au mot Ίππίας.
[26] Pour ce contingent de Mycale, il est permis de compter approximativement 2.000 hoplites et 2.000 soldats armés à la légère.
[27] PAUSANIAS, X, 20, § 2.
[28] Dans tout ce calcul, nous croyons pouvoir négliger les idées exprimées par M. Delbrück, suivant lesquelles l'armée grecque ne comptait que des hoplites. Nous avons montré plus haut que ces idées reposaient sur une critique arbitraire des textes.
[29] ARISTOTE, Constitution d'Athènes, 22.
[30] BUSOLT, Griech. Gesch., t. II, p.
68, note 3.
[31] Comme Hérodote dit que Pheidippidès alla d'Athènes à Sparte en deux jours (VI, 106), il faut supposer un intervalle de cinq jours au moins entre son départ et son retour.
[32] DÉMOSTHÈNE, Sur les prévarications de l'ambassade, § 303. — ARISTOTE, Rhétorique, III, 10, § 7. — PLUTARQUE, Propos de table, I, 10, § 3.
[33] DELBRÜCK, op. cit., p. 59-83. — Aux arguments que nous avons déjà fait valoir ci-dessus (p. 156-157) contre cette assertion de M. Delbrück, ajoutons que, d'après ARISTOTE, Constitution d'Athènes, 22, le chef du parti des Pisistratides à Athènes, Hipparchos, ne fut frappé par l'ostracisme que deux ans après la bataille de Marathon.
[34] CORNELIUS NEPOS, Miltiade, 4 et 5. — Suivant ISOCRATE, Panégyrique, 87, les Athéniens, dans la même journée, apprennent la descente des Perses à Marathon, livrent bataille et élèvent le trophée.
[35]
Nous admettons que quelque vérité historique se cache sous la légende de
l'apparition miraculeuse du dieu Pan au courrier Pheidippidès. Plusieurs
historiens ou savants modernes se contentent de rappeler que Pan avait inspiré
aux Perses, débarqués à Marathon, cette terreur soudaine qui porte son nom, et
qui avait déjà, dit-on, saisi les Titans en lutte contre les dieux (BUSOLT, Griech.
Gesch., t. II, p. 83. — DECHARME, Mythologie de
[36] ESCHENBURG, Das Schlachtfeld und die Schlacht von Marathon, dans Wochenschrift für Klassische Philologie, 1887, n° 5 et 6.
[37] LOLLING, Die tetrapolis von
[38] DEVAUX, Mémoire sur les guerres médiques, p. 29 et suiv.
[39] SUIDAS, au mot χωρίς ίππεΐς.
[40] AM. HAUVETTE, Rapport sur une mission scientifique en Grèce, p. 8-17. — M. Stais a rendu compte de ces fouilles dans les Mittheilungen des deutschen archaologischen Instituts in Athen, t. XVIII (1893), p. 48 et suiv.
[41] CORNELIUS NEPOS, Miltiade, 5.
[42] Entre l'embouchure de la vallée de Vrana et le rivage de la mer, il y a environ 12 stades. Si les Athéniens avaient parcouru 8 stades dans la direction même du rivage, ils auraient dû culbuter toute l'armée perse dans la mer.
[43]
A l'appui de cette assertion, M. Delbrück cite un règlement en vigueur dans
l'armée prussienne, sur les exercices gymnastiques de l'infanterie. Ce
règlement interdit de dépasser, dans l'exercice du pas de course, les mesures
suivantes : 1° sans armes ni bagages, 4 minutes de course, § minutes de pas, 4
minutes de course ; 2° avec armes et bagages, 2 minutes de course, 2 minutes de
pas, 2 minutes de course. D'après le même règlement, il faut compter en
moyenne, dans la course en armes, 170 pas à la minute ; un espace de 340 pas
environ serait donc la distance la plus longue que pût parcourir un fantassin
sans s'arrêter. — Ces prescriptions, fort utiles sans doute quand il s'agit
d'exercer de jeunes soldats, existent aussi chez nous ; mais elles sont loin de
répondre à ce qu'on peut demander à des hommes vigoureux et bien entraînés,
comme étaient les Athéniens. La preuve en est, que le capitaine d'artillerie de
Raoul, en adoptant ; est vrai, un mode nouveau de marche et de pas gymnastique,
a obtenu récemment des résultats extraordinaires : le peloton qu'il commandait
aux grandes manœuvres du XI° corps d'armée, en 1890, est arrivé à taire jusqu'à
15 kilomètres au pas de course, avec armes et bagages. Cf. un article du Dr
Félix Regnault dans le journal
[44] DUNCKER, Strategie und Tactik des Miltiades, dans les Silsungsberichte der K. preuss. Akademie, 1886, p. 404 et suiv.
[45]
On peut croire aussi que la cavalerie était alors du côté d'Œnoë ou dans
d'autres régions montagneuses de
[46] PLUTARQUE, Aristide, 5.
[47] HÉRODOTE, VI, 116.
[48] CURTIUS, Histoire grecque, trad. Bouché-Leclercq, t. II, p. 281, note 1. — WECKLEIN, op. cit., p. 34 et suiv.
[49] DELBRÜCK, op. cit., p. 52-81.
[50] MÜLLER-STRÜBING, Zur Schlacht von Marathon dans les Neue Jahrbücher, t. CXIX (1879), p. 448.
[51]
BÖCKH, De
pugnæ Marathoniæ tempore, dans les Kleine Schriften, t. IV, p. 85 et
suiv. Il faut dire d'ailleurs que ces calculs de Böckh ont été souvent
contestés depuis. Cf. BUSOLT, Griech.
Gesch., t. II, p. 69, note 2, et p. 83, note 4.
[52] M. Busolt cite à tort les chap. 43, 48, 95 du liv. VI.
[53] MOMMSEN (AUG.), Heortologie, p. 212.
[54] HÉRODOTE, VI, 110.
[55] Voir, par exemple, l'allusion d'Hérodote à la naissance de Périclès (VI, 131).
[56] DUNCKER, Gesch. des Alterth., t.
VII, p. 149.
[57] WECKLEIN, op. cit., p. 7-9.
[58] ÉPHORE, fr. 107 (Fragm. histor. græc.,
t. I, p. 263).
[59] Le tombeau des Athéniens, qui s'éleva dans la plaine de Marathon, date, sans aucun doute, du temps même de la bataille (cf. Rapport sur une mission scientifique, p. 8-11). Des fêtes durent y être célébrées aussitôt après. On sait que dans la suite ce fut pour les Athéniens un véritable lieu de pèlerinage.
[60] L'emplacement du tombeau des Platéens à Marathon n'a pas été retrouvé. A Platées même, le temple magnifique d'Athéna Areia (PLUTARQUE, Aristide, 20) avait été construit, disait-on, avec le butin de Marathon (PAUSANIAS, IX, 4, § 1). Comme la ville fut incendiée par Xerxès en 480, le témoignage de Pausanias est certainement inexact. Il est également douteux que le même chef, Arimnestos, ait commandé les Platéens à Marathon, en 490, et à Platées, en 479 (PAUSANIAS, IX, 4, § 2).
[61] Les sacrifices à Artémis Agrotéra et à Pan ont été institués, selon nous, au lendemain même de la bataille.
[62] Nous n'ignorons pas que la plupart de ces monuments sont bien postérieurs ; beaucoup datent du temps où Cimon, devenu maître des affaires, voulut à la fois réhabiliter la mémoire de son père, auquel il éleva un tombeau à Marathon, et ranimer l'ardeur des Grecs contre les Perses. Au gouvernement de Cimon nous attribuons, avec la décoration du Pœcile, l'Athéna Promachos et le groupe des Marathonomaques à Delphes, deux œuvres qui passaient pour être de Phidias. Mais il y a lieu de penser que ceux de ces monuments commémoratifs qui furent détruits dans le pillage et l'incendie d'Athènes, en 480, avaient été consacrés avant la condamnation de Miltiade plutôt qu'après. Tel serait, par exemple, ce cavalier, au costume éclatant, qu'on a retrouvé dans les fouilles de l'Acropole (STUDNICZKA, Ein Denkmal des Sieges bei Marathon, dans le Jahrbuch d. deutsch. Arch. Instituts, t. VI (1891), p. 239). Peut-être conviendrait-il aussi de rapporter à l'époque la plus voisine de la bataille le Trésor des Athéniens, à Delphes (PAUSANIAS, X, 11, § 5) : les restes de cet édifice, découverts par M. Homolle au cours des fouilles de 1893, ont un caractère archaïque très marqué (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, séance du 9 juin 1893).