HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

APRÈS LE GRAND DÉSORDRE LE GRAND ORDRE

CHAPITRE TROISIÈME. — L'ENTOURAGE.

 

 

Nous avons rappelé dans quel état Richelieu avait trouvé le Royaume en arrivant au pouvoir, nous avons dit quelle position il avait prise, quels principes il allait appliquer au relève-nient national et royal. Avant d'exposer ce qu'il fit à l'intérieur, il nous semble utile de faire connaître, non seulement ses méthodes de travail, mais encore le personnel qui fut sous ses ordres directs, ce personnel qui devait être l'instrument de sa prodigieuse activité et de son autorité sur les choses de France et les grandes affaires européennes.

 

Le choix des hommes.

La connaissance des hommes est une qualité indispensable aux chefs et ces chefs, s'ils sont dignes de commander, ont ce don inhérent à leur supériorité même. N'ayant ni envie, ni sentiments mesquins, ne craignant autour d'eux nulle élévation parce qu'ils dominent, ayant besoin de bons seconds parce qu'ils ne peuvent suffire à la tâche, ils n'hésitent pas à accorder au mérite ce qui lui est dei : cette générosité est la marque insigne de l'aptitude au commandement. Selon la parole de Richelieu lui-même : aux entreprises dont le fruit n'est pas présent, il faut employer d'ordinaire de grands esprits, de grands courages et personnes de grande autorité : grands esprits, pour qu'ils puissent aussi bien prévoir une utilité éloignée comme les médiocres esprits voient les présentes ; grands courages, pour que les difficultés ne les empêchent point ; grande autorité, pour qu'à leur ombre beaucoup de gens s'y embarquent[1].

Au moment où Richelieu parut, en ces temps d'individualisme violent décrits par La Fare, de tels choix étaient nécessaires : les organes du gouvernement étant faibles, il fallait au pouvoir des hommes forts.

Traditionnellement, le chef féodal agissait au moyen d'une troupe de fidèles, de dévoués, une mesnie ; et cela suffisait pour la conduite de la parcelle féodale. Plus tard, sous Louis XIV, lorsque la France s'achèvera comme nation, elle recourra d'elle-même à des institutions générales, organisées et durables. Richelieu eut pour rôle de veiller à cette transformation.

La discipline nationale, mal conçue et mal acceptée, était, au début, sans hiérarchie et sans cadres. Dans les provinces, dont la plupart avaient, en consentant à se réunir à la Couronne, exigé le maintien de leurs privilèges, c'est-à-dire d'une sorte d'autonomie, plus ou moins discutée, l'autorité du pouvoir central ne se manifestait guère que par des inspections rapides, des chevauchées, tournées, grands jours, assises, rares apparitions de commissaires, magistratures nomades, éphémères et, comme on allait répétant, le cul sur la selle : ce mot dit tout.

A Paris, capitale encore incertaine, alors que la Loire abritait dans ses magnifiques châteaux le Roi, les ministres, les grands, on eût cherché en vain l'ensemble des services publics que les temps modernes appellent le gouvernement ou bien encore l'administration. Rien de tout cela n'existait. Un homme était désigné pour servir d'organe à la volonté royale, tantôt par une convenance héréditaire, tantôt par l'achat d'une charge, tantôt par la faveur du Prince, ou simplement par le caprice d'un familier, d'une maîtresse. Les Villeroy, les Bouthillier, les Brienne, les Pontchartrain tenaient de père en fils, avec plus ou moins de compétence, la plume et le secret de l'État (secrétaires du Roi). Concini avait gouverné la France par le crédit de sa femme sur Marie de Médicis ; Luynes était un fauconnier ; Saint-Simon avait eu, pour premier titre à la confiance du Prince, l'art de présenter un cheval.

Le vrai ministre, l'homme d'affaires, le travailleur de l'État, personnage de robe le plus souvent, exerçait la charge qui lui était confiée à peu près comme un notaire ou un avoué de nos jours, sans installation officielle, sans personnel régulier, sans archives autres que ses propres dossiers ; les affaires étaient traitées dans des Conseils à demi publics, en présence du Roi ; et la Cour elle-même, en son va-et-vient familier, était un Conseil à Otites ouvertes. Il ne s'y traitait guère, d'ailleurs, que des questions d'importance secondaire ou de pure forme. Quant au secret de l'État, il était réservé pour les cabinets, l'intimité du Prince, les colloques à l'oreille et portes closes. D'où l'influence occulte et à peu près constante des favoris. On comprend que, dans ces conditions, Richelieu, ministre élevé au pouvoir par cette confiance royale où s'attardait une ombre de faveur, ait eu besoin, de s'entourer d'hommes à lui, qui n'eussent à répondre qu'à' lui et qui fussent les agents de sa seule volonté.

 

Les méthodes de travail.

Ayant à peu près seul la haute conception de ses devoirs d'État, il agissait de lui-même, recevait lui-même, écoutait, négociait, écrivait, dictait en se passant le plus souvent de toute délibération organisée, de tout formalisme encombrant. Maitre de sa décision, il n'avait besoin de seconds que pour le travail en quelque sorte matériel, préparation des dossiers, écriture des notes et mémoires nécessaires à la suite des affaires. Il eut dans sa maison, dès les débuts de sa vie publique, des hommes sûrs, des familiers qui ne le quittèrent jamais ; ils travaillaient sous ses ordres à ce qui se trouvait être l'occupation de l'heure : recherches, compilations, rédaction, parfois exécution. Ses collaborateurs, — ses écrivains, — se formèrent ainsi à son contact, prirent le pli de son esprit, se dévouèrent à son œuvre.

Il y en eut qui s'élevèrent de son élévation et dont il fit des maîtres à leur tour. Le Père Joseph, les Chavigny, Bullion figurèrent dans les ministères ; Mazarin devint son successeur. Les autres, destinés à l'anonymat, formaient l'entourage proprement dit. A Rueil, au Palais .Cardinal, à Courante, à Charonne, partout ils suivaient le ministre, travaillaient avec lui, montaient dans son carrosse, couchaient dans la chambre voisine de la sienne. Ils partaient soudain pour des missions lointaines. Familiers des salons, ou bien s'attardant sur le Pont-Neuf, ils savaient écouter et renseigner. L'heure venue, ils se rassemblaient autour du chef, prêts à parler, à prendre note, à écrire.

Tous écrivaient : l'aumônier Mulot écrivait ; le secrétaire intime, Le Masle, écrivait ; le médecin Citoys écrivait ; le sirurgien ou secrétaire de nuit (sans doute, Berthereau), toujours là pour les soins intimes, écrivait[2] ; Desbournais, le valet de chambre, écrivait. De ces hommes de plume, le plus fidèle, le plus sûr, le plus assidu, le plus effacé, Charpentier, écrivait depuis le temps de l'exil d'Avignon.

L'historien Dupleix, qui faillit s'enrôler dans la troupe, explique la manière dont s'exerçait cette attraction souveraine et se captaient ces dévouements : La vérité est, écrit-il, que mon Histoire étoit encore loin d'être mise sous la presse qu'il me rouit lire mot à mot tout entière, lui-même la pouvant lire quant et moi (avec moi), qui étois assis à son côté dans l'abbaye de Beaumont, avec tant d'attention, que personne ne le voynit durant des heures qu'il employoit à cette lecture ; niais il ne laissa pas pourtant de la faire relire cahier par cahier durant l'impression ; à quoi il vaquoit la nuit et le sieur Citoys, homme de singulière probité et doctrine, et digne de foi, son medecin (qui en étoit le lecteur ordinaire avec Le Roy, son chirurgien) l'attestera. Ainsi Son Éminence me fit la faveur de m'instruire de plusieurs choses que je ne pouvois apprendre que d'elle. Je pourrois assurément marquer les endroits qui sont de son style.

Ainsi l'envoûtement d'une habile familiarité s'exerçait sur les Silhon, les Mézeray, les Aubery, les Gramond et tant d'autres écrivains de l'histoire. Richelieu était un homme qui pensait à tout et dont le cabinet était entouré de tous les moyens de l'information et de la publicité.

Il lui fallait des hommes du secret ; et il les lui fallait non seulement pour travailler, mais pour convaincre. Son bureau de la presse, comme nous dirions aujourd'hui, l'occupait non moins que sa direction politique. Ainsi se trouva fondée de bonne heure auprès de lui cette Académie gazétique, injuriée par le pamphlétaire Mathieu de Morgues avec d'autant plus de compétence que ledit Mathieu avait été l'un de ses membres. Groupement dévoué, intime, qui se resta fidèle à soi-même lorsque le chef eut disparu[3].

Dans le cirque de labeur où tournaient ces hommes dont l'existence n'a guère été révélée que de nos jours[4], toute discrimination certaine du travail individuel est, pour ainsi dire, impossible. L'œuvre était fondue d'un seul bloc. Les idées, les arguments, les rédactions, les formules, les citations, les exemples, tout aboutissait à un trésor commun, où les uns et les autres puisaient à leur gré.

On peut imaginer ces réunions : le cardinal allant et venant, distribue la besogne, de belle humeur et en verve, ou bien, étendu, accablé de ses migraines, morose, et actif cependant. L'un s'approche sur un signe, une rédaction à la main. Le maitre entrain un autre dans son cabinet portes closes ; il prend la plume, ou, de préférence, dicte à mi-voix ; puis, il corrige ; et ce sont les instructions secrètes, les confidences mises en conserve, des mémentos pour le Journal, des Avis, plutôt courts, destinés au Roi, parfois même, — quelque lueur soudaine ayant traversé son cerveau, — un mot, un trait qu'on fixe sur le papier pour qu'on le retrouve et qu'on approfondisse.

Princes, altesses, ministres, chefs d'armées, gouverneurs de provinces, commissaires, émissaires, espions, confesseurs sont introduits. Le cardinal s'applique à les écouter : C'est l'ordinaire des grandes âmes et des esprits plus relevés, a-t-il écrit, de ne penser qu'aux choses grandes ; mais il est du tout nécessaire qu'ils se contraignent et abaissent aux petites, vu que des moindres commencements naissent les plus grands désordres et que les grands établissements ont fort souvent pour origine ce qui sembloit être de nulle considération. L'un après l'autre, le maître interroge ses visiteurs. Personne ne se tait comme lui. Son opinion faite, l'audience s'abrège : Il faut, lisons-nous encore dans les Maximes d'État, écouter et parler peu pour bien agir au gouvernement des États[5].

Parfois, il s'anime, brille, éblouit. Son confident littéraire de prédilection, Desmarets, l'auteur des Visionnaires, dépeint admirablement cet éclat de l'esprit, cette brillante fantaisie, cette escrime de l'extraordinaire jouteur : Son plus grand plaisir, dit-il, étoit lorsque, dans la conversation, il enchérissoit de pensées par-dessus les miennes ; si je produisois une autre pensée par-dessus la sienne, alors son esprit faisoit un nouvel effort, avec un contentement extrême, pour renchérir encore par-dessus cette pensée ; il ne goûtoit au monde aucun plaisir, plus savoureux que celui-là[6]. Toujours dominateur, même dans ce duel de l'esprit, dans ce cliquetis de la conversation.

Dans le travail des affaires, le cardinal parlait à chacun le langage qui convenait : Aux grands esprits les fortes et solides raisons sont excellentes, et les raisons faibles sont bonnes pour les esprits médiocres. Par une sorte de familiarité et de bonhomie, il engageait aux confidences, arrachait le secret qu'on s'était juré de taire : Je vous dirai bien, avouait le Roi lui-même à son confesseur le Père Caussin, que M. le Cardinal est un étrange esprit. Il a des espions près des princes étrangers. Il apprend leurs desseins et fait surprendre leurs paquets par des hommes déguisés qui détroussent les courriers[7]. Il se donne la réputation de lire les chiffres. Il entretient à cet effet un pauvre garçon nommé Rossignol. Il arrive ainsi à la réputation de tout savoir que son adresse et la peur lui ont faite[8].

 

Les distractions et les plaisirs.

C'est dans ce tumulte réglé qu'il vit, soit à Paris, soit dans les châteaux du voisinage où sa déplorable santé le force souvent à séjourner. Il ne craint pas, d'ailleurs, les chevauchées : nous l'avons vu camper devant La Rochelle, galoper vers les Alpes et vers les Cévennes ; nous le verrons surprendre en Avignon et jusqu'à Perpignan les cabales et les intrigues.

Quand il est de loisir, il aime les distractions, le théâtre, la musique, les objets d'art, les bibelots, les pierres précieuses, les chats. Il se laisse aller à des éclats parfois bizarres, à des abandons subits, à des plaisanteries même grossières et, si l'on en croit Tallemant, à des incartades, à des amusements faits pour surprendre le respect conventionnel de l'histoire : Un jour, enfermé avec Desmarets, que Bautru avait introduit chez lui, il lui demanda : A quoi pensez-vous que je prenne le plus de plaisir ?A faire le bonheur de la France, lui répondit Desmarets. — Point du tout, répliqua-t-il, c'est à faire des vers. Et il est frappant que, parmi les éloges que lui accorde le fameux pamphlet La Lettre déchiffrée, écrit sous sa propre inspiration, on vante son talent à composer des vers : Nous avons vu, depuis deux ou trois mois, des vers dont, à l'imitation de l'empereur Auguste, il payait le change de quelques autres qu'on lui avait donnés. Il ne se peut rien lire de plus clair, de plus pur, et de plus coulant. Vous diriez que ce sont les Muses elles-mêmes qui, pour se concilier la faveur du Louvre par la sienne, lui font, par manière de dire, venir les paroles en cadence[9]...

Ni la fantaisie ni même la gauloiserie ne manquaient dans ces réunions, aux heures de détente : En ce temps-là, raconte Tallemant, le cardinal dit en riant à Quillet, qui est de Chinon : Voyez-vous ce petit bonhomme là ? Il est parent de Rabelais et médecin comme lui. — Je n'ai pas l'honneur, dit Quillet, d'être parent de Rabelais. — Mais, reprit le cardinal, vous ne nierez pas que vous êtes du pays de Rabelais. — J'avoue, Monseigneur, mais le pays de Rabelais a l'honneur d'appartenir à Votre Éminence. Cela était assez hardi, ajoute Tallemant. Mais que ne tolérait-il pas ? Même en présence du mystique et ténébreux Père Joseph, on risquait une plaisanterie à la soldade , comme la fameuse histoire de l'étalon et de la jument. Un autre jour, le Père Joseph, exposant une manœuvre militaire de son cru, mettait le doigt sur la carte et disait : Nous passerons la rivière là. — Mais, Monsieur Joseph, lui dit l'Écossais Hepburn, votre doigt n'est pas un pont.

Lorsque la nuit était venue, que la maison s'était vidée et que le cardinal, tombant de fatigue, avait gagné le lit pour prendre un court sommeil, disputé par les soucis et les soins intimes d'une santé minée, toujours quelques-uns de ces hommes veillaient auprès de lui, la plume prête et le papier sur la table : Le cardinal faisait écrire la nuit quand il se réveillait. Pour cela, on lui donna un petit garçon de Nogent-le-Rotrou nommé Chéret, parce qu'il était secret et assidu[10]. Richelieu tombait parfois sur des scribes moins sûrs : Un jeune garçon dont je n'ai pu savoir le nom, raconte encore Tallemant des Réaux, commençoit à être fort bien avec lui. Mais, un jour, il vit que ce monsieur lisait quelques papiers sur la table. Cette curiosité lui déplut ; il le regarda d'un œil de dépit et le lendemain il le congédia sans lui dire la raison. La précaution n'était pas inutile : le ministre, une autre fois, constata sans plaisir que des écritures du sieur Ferrier, annotées de sa propre main, avaient été communiquées à ses ennemis[11].

 

Richelieu et les femmes.

Il faut bien aborder ici un point délicat, les relations du cardinal avec les femmes. On ne peut fermer complètement l'oreille à certains on-dit plus ou moins fondés, accrédités par l'hostilité ou la légende. Il y aurait toute une bibliographie à établir des amours ou prétendues amours de Richelieu. La plupart de ces commérages trouvent leur origine dans les pamphlets contemporains, notamment dans ceux de Mathieu de Morgues. C'est ainsi que l'histoire de Richelieu et de Marion de Lorme, tant de fois répétée, vient en droite ligne d'un libelle intitulé : Réponse du Cardinal de Richelieu à la Lettre, etc. L'héroïne de l'aventure n'y est appelée que la dame du quai de la Tournello[12].

Le cardinal de Retz est moins discret ; il nomme la dame et gratifie Richelieu d'une autre bonne fortune : Marion de Lorme, dit-il, qui était un peu moins qu'une prostituée, fut un des objets de son amour et elle le sacrifia à Desbarreaux. Mme de Fruges, que vous voyez traînante dans les cabinets sous le nom de vieille femme, en fut une autre. La première venait chez lui la nuit ; il allait aussi la nuit chez la seconde, qui était un reste de Buckingham et de Piennes[13].

Guy Patin est plus généreux encore pour le cardinal duc : Je me souviens, écrit-il en 1649, de ce qu'un courtisan me conta l'autre jour, que le cardinal de Richelieu, deux ans avant de mourir, avait encore trois maîtresses qu'il entretenait. La première était sa nièce, Mme de Vignerot, autrement Mme de Combalet et aujourd'hui Mme la duchesse d'Aiguillon. La seconde était la Picarde, savoir la femme du maréchal de Chaulnes, frère du connétable de Luynes. La troisième était une certaine belle fille parisienne, nommée Marion de Lorme, que M. de Cinq-Mars avait entretenue comme a fait aussi M. le Maréchal de La Meilleraye et beaucoup d'autres. Le peu scrupuleux épistolier va jusqu'à dire, dans la même lettre, quo le saint cardinal de Bérulle mourut d'une maladie honteuse et il conclut ainsi : Vere cardinales isti sunt carnales[14], pauvre trait d'esprit, qu'il est tout heureux d'amener par ces bruits absurdes.

Et ce sont là tous les témoignages à peu près contemporains ! Le reste n'est que du fatras, sorti, cinquante ans plus tard, des presses de Hollande : La Milliade, Le Siècle de Louis XIV en chansons, les Lampons, les Landeriri, etc.

Pas un fait précis, pas une preuve réelle ou historique, quelle qu'elle soit. Voyez comme nous sommes renseignés sur les amours de Louis XIV, de Talleyrand et de tant d'autres. D'ordinaire, en cette matière, tout finit par se savoir. Au sujet de ce cardinal, élevé sur à plus haut pinacle, en proie aux haines les plus atroces, on ne trouve rien de certain ou même de probable.

Deux noms de femmes seulement pourraient être retenus en raison de l'intimité prolongée entre elles et le cardinal : celui de Marie de Médicis et celui de la nièce du cardinal, la duchesse d'Aiguillon. La première protégea Richelieu passionnément, jusqu'au jour où elle devint son ennemie acharnée ; l'autre vécut auprès de lui dans une familiarité étroite jusqu'à la fin.

Or il n'est pas douteux que la Reine mère n'ait été jalouse de Mme d'Aiguillon et que cette jalousie ne soit devenue brusquement une haine féroce, qui détermina le drame de la rupture entre la mère et le fils. Richelieu défendit sa nièce avec une fermeté impitoyable.

Quelles furent les relations de l'homme avec l'une et l'autre femme ?

Mystère, qu'il est, pour ainsi dire, impossible de pénétrer. Sous la Régence, le jeune prélat au regard de feu conquit la

Reine mère, dont il était l'aumônier ; ce fut elle qui le porta au pouvoir. Aux temps du château de Blois, il peuplait son exil, dictait sa conduite, fascinait sa volonté, était tout pour elle. La grosse banquière, déjà fanée, a-t-elle subi cette domination jusqu'à la couronner par une récompense un peu mûre ? et le jeune ambitieux s'est-il fait, de ce corps important, un échelon vers les hautes destinées ? On ne sait. Tallemant, si curieux de ces choses, s'en tient à un vague propos : On a fort médit du cardinal, qui était bel homme, avec la Reine mère[15].

Marie-Madeleine de Vignerot était la fille de Françoise Du Plessis, sœur aînée du cardinal, mariée à un gentilhomme du Poitou nommé Vignerot ; Marie-Madeleine épousa un seigneur de peu d'importance, Antoine de Beauvoir du Roure de Combalet : celui-ci, n'ayant ni fortune ni situation, ni santé, la laissa veuve, — et vierge, assure-t-on. L'oncle prit la nièce auprès de lui. Le bruit public au sujet de cette intimité se résume en cette phrase du même Tallemant : On a fort médit de l'oncle et d'elle ; il aimait les femmes et craignait le scandale. Sa nièce était belle et on ne pouvait trouver étrange qu'il vécût familièrement avec elle. Effectivement, elle en usait peu modestement...

C'est tout. On voit que le subtil chroniqueur met les deux femmes dans le même sac : On a fort médit... Rien que le bruit de cour, le mot à l'oreille.

Reste le drame de la jalousie pénétrant jusque dans la politique et la culbutant de fond en comble. Mme d'Aiguillon était belle, pieuse, volontaire, avare. Elle a su conduire sa vie de telle sorte qu'en 1638, aidée de la munificence de son oncle, elle put acheter aux créanciers du duc de Mayenne le duché d'Aiguillon et prendre ainsi un rang personnel et unique dans la haute noblesse. C'était, en un mot, un caractère indépendant, une femme qui, ayant manqué l'amour, s'était réfugiée dans l'ambition. Ces tempéraments, quand ils peuvent échapper aux simagrées et aux servitudes des cours, s'en débarrassent une bonne fois. Dès que l'oncle se sentit confirmé au pouvoir, la nièce, qui était dame d'atour de Marie de Médicis, laissa tomber ses fonctions et ses prévenances. La crise de Lyon, en 1630, la délivra complètement. La Reine, affolée de rage, la chassa avec éclat. Au fond, c'était la nièce qui écartait la vieille dame cramponnée, forcenée, déconsidérée. Avait-elle, pour enlever sa victoire, offert sa jeunesse et sa beauté ? L'histoire s'arrête quand, faute de renseignements précis, elle risque de s'égarer dans le roman.

Peut-être, pour en finir avec ce sujet délicat, n'est-il pas inutile de connaître l'opinion que le cardinal professait sur les femmes : Il est difficile, écrit-il, de détourner leur esprit des résolutions qu'elles prennent par passion... Leur tempérament les porte plutôt à suivre leur humeur que la raison. Leur science doit consister en modestie et retenue. Celles-là doivent être, dit-on, les plus habiles qui ont le plus de jugement. Je n'en ai jamais vu de fort lettrée qui n'ait tiré beaucoup d'imperfection de sa grande connaissance. Et il est vrai de dire que les hommes emploient leur capacité à bien et les femmes l'emploient à mal...

En politique, quand il s'agit de se prémunir contre l'intrigue des femmes, il n'est pas de méfaits dont il ne les accuse : Ces animaux que le Roi sait sont étranges ; on croit qu'ils ne sont pas capables d'un grand mal, parce qu'ils ne le sont d'aucun bien ; mais je proteste en ma conscience qu'il n'y a rien qui soit si capable de perdre un État que de mauvais esprits couverts de la faiblesse de leur sexe[16]. Il est vrai, qu'au moment où Richelieu écrivait à Chavigny ces lignes destinées à être mises sous les yeux du Roi, la Reine, la Reine mère, la duchesse de Chevreuse et tant d'autres dames de la Cour étaient conjurées pour sa ruine[17].

La pensée de fond parait être exprimée dans le Testament politique : Il n'y a rien de plus contraire à l'application nécessaire aux affaires publiques que l'attachement que ceux qui en ont l'administration, ont pour les femmes. Je sais bien qu'il y a certains esprits tellement supérieurs et maîtres d'eux-mêmes que, bien qu'ils soient divertis de ce qu'ils doivent à Dieu par quelque affection déréglée, ils ne se divertissent pas pour cela de ce qu'ils doivent à l'État. Il s'en trouve qui ne rendent pas maitresses de leurs volontés celles qui sont maîtresses de leurs plaisirs, ne s'attachant qu'aux choses auxquelles leurs fonctions les obligent. Nul doute que Richelieu ne se rangeât parmi ces esprits supérieurs[18].

 

Les écrivains à la tâche.

Élevons-nous au-dessus de ces misères de la polémique et considérons l'activité de l'homme, son dévouement au bien de l'État, son immense production intellectuelle, fruit d'une imagination qui roule toujours ; considérons ce génie en mal de création. Et nous nous rendrons compte de la nécessité de ces intimités, de ces sécurités, de ces collaborations confidentielles et même occultes, du groupement de forces qui, pendant les dix-sept années du ministère, soutint le ministre.

Les véritables collaborateurs de l'homme d'État, ceux qui jouissent de sa confiance absolue et du secret de son secret, intimes dans le sens exact du mot, forment une véritable famille.

Il en est, parmi ces fidèles, que Richelieu avait trouvés penchés sur son berceau, par exemple ces Bouthillier, dont le Père Griffet explique la fortune dans une note gardée manuscrite : L'avocat La Porte (grand-père de Richelieu), avant que de mourir, laissa son étude et sa pratique à son clerc, Bouthillier, qui avait été reçu avocat avant sa mort, et lui recommanda de veiller à l'éducation de ses petits-enfants de Richelieu, qui avaient perdu leur père... L'évêque de Luçon allait souvent chez l'avocat Bouthillier, où il fit connaissance avec Harbin, qui goûta son esprit et qui lui procura la charge de secrétaire d'État de la Guerre... Bouthillier, fils de l'avocat, ci-devant maître-clerc de l'avocat La Porte, devint ministre d'État et surintendant des finances, et son petit-fils Chavigny fut fait, à l'âge de vingt-deux ans, ministre et secrétaire d'État des affaires étrangères[19].

Relevons quelques noms encore parmi ces amis de la première heure. Ce sont des voisins, des hommes de l'ouest que Richelieu distingua de bonne heure.

En voici un d'une activité singulière, écrivain, soldat, diplomate, que quelque imprudence juvénile, remontant au temps de Henri IV, parait avoir compromis, mais que Richelieu, non sans plaisanteries familières, bourrades, abandons et dépits, employa dans les circonstances les plus délicates et éleva même jusqu'à l'amitié du Roi, Jean de Guron, seigneur de Rechignevoisin. Il semble que c'est bien à lui que s'adresse une lettre particulièrement rude, écrite par le cardinal en 1615[20]. Guron fut l'un des écrivains employés à la rédaction des libelles que Richelieu publiait pour se défendre[21]. Cependant il ne se confina pas dans les travaux du cabinet. Gouverneur de Marans, emploi dans lequel lui succéda l'un de ses fils, il reçut du cardinal, au cours du siège de La Rochelle, des marques multipliées du crédit le plus rare. Même quand il s'agissait d'affaires, Richelieu le prenait, avec ce vieil ami, sur un ton de plaisanterie et de familiarité tout à fait exceptionnel, le traitant de Père Guron, de convertisseur, sans doute parce qu'il s'était converti, ayant renoncé aux mœurs trop faciles qui avaient d'abord aidé, puis compromis sa fortune : M. de Bullion se recommande à vous ; la goutte lui fait payer une partie de la peine due à ses fautes passées. Si vous aviez tous deux ce que vous avez bien mérité, La Rochelle ne serait pas en peine de se délivrer de vous.

Mais, lorsqu'il s'agit de secourir l'île de Ré, Richelieu adresse à l'homme de confiance et de valeur cette exhortation vraiment cornélienne : Enfin, faites paraître que vous êtes Guron ! En avril 1628, au plein du siège de La Rochelle, alors que tous les adversaires, Espagne, Autriche, Angleterre, même les alliés, Savoie, Venise, sont sur le point de l'accabler dans l'affaire de Mantoue, il recourt à Guron et lui confie la mission la plus difficile auprès du duc de Savoie. Le Mémoire qu'il adresse au Roi pour exposer une situation si critique, fut rédigé vraisemblablement par Guron lui-même, sur ses indications. C'est un chef-d'œuvre de clarté, de finesse, de tact diplomatique ; il prouve de quel prix était, pour le cardinal, l'aide confidentielle des vieux amis de toujours. Guron remplit sa mission ; il réussit, et Mantoue fut secourue par diversion. Puis La Rochelle ayant succombé, laissa les mains libres à la politique française en Italie. C'est ainsi que Guron fut amené à écrire, sans doute à la demande du cardinal, une Relation des affaires de Mantoue ès années 1628, 1629, 1630[22] qui le montre au point culminant de sa carrière et de ses services. Le Roi lui écrivait de sa main des lettres qui étaient le comble des grâces. Jean de Guron s'était assuré une admiration universelle par sa conduite dans la défense de Casal. Maréchal des camps et armées du Roi, il fut encore chargé d'une mission de confiance près du duc de Lorraine et nommé ambassadeur en Angleterre. Seule, sa mort, survenue en 1635, l'empêcha, semble-t-il, de parvenir à des fonctions plus hautes dans l'État. Son nom est presque oublié, mais il fut l'un des premiers de cette génération des gens de main, distingués par l'œil attentif du cardinal[23].

 

La disgrâce de Fancan.

Un autre personnage non moins digne d'intérêt a occupé une grande place dans les entourages jusqu'au moment où il finit de façon mystérieuse : c'est Fancan[24].

Le cardinal le compta parmi ses intimes, non seulement durant les dix premières années de sa carrière, mais même pendant ses premières années de ministre tout puissant. Nous l'avons vu rédiger les pamphlets les plus violents contre Luynes, contre Sillery, contre La Vieuville et, par des éloges un peu prématurés peut-être, ouvrir la voie aux ambitions du jeune évêque. Son camarade Mathieu de Morgues, qui combattait alors côte à côte avec lui, sous l'œil de Richelieu, est catégorique : Le cardinal a tiré de Fancan toutes les instructions des Affaires étrangères ; il s'en est servi dans des négociations très importantes en Allemagne et aux Pays-Bas ; il lui a fait dresser, durant deux ans (1624-1625), toutes les dépêches, mémoires et instructions de grande conséquence. Le même Morgues ajoute : Fancan a été familier et confident plus de dix ans du-cardinal de Richelieu ; il a eu tous les jours des conférences de deux ou trois heures avec lui... Il avait les entretiens les plus secrets et les plus longs[25].

Rien de plus naturel que ces relations du jeune ambitieux avec le pamphlétaire, homme d'esprit, plein de verve, grand connaisseur en affaires étrangères, grand remueur d'idées et de paroles, plume alerte et féconde : le pamphlétaire s'était donné au jeune évêque, dont il avait pressenti la haute destinée.

Les papiers de Fancan furent saisis lors de sa disgrâce ; ils ne laissent aucun doute sur cette espèce d'ubiquité dans les grandes choses européennes qui caractérise la carrière du publiciste. Dans la familiarité du grand ministre, il était la contrepartie du Père Joseph. Son activité est prodigieuse ; on pourrait dire qu'il y avait en lui une parcelle de génie, en admettant que l'immodération soit assez souvent comme une maladie du génie. On le trouve partout à l'affût : il surveille les combinaisons diplomatiques, il les embrouille, il en tire parti. En Angleterre, en Bavière, à Cologne, en Hollande, à Venise, sans parler de la France, qui n'interroge-t-il pas ? qui ne renseigne-t-il pas ? avec qui ne complote-t-il pas ? La liste extrêmement longue de ses dossiers, telle qu'elle fut dressée par le maitre des Requêtes Nicolas Fouquet, 'étale un nombre infini de mémoires ou brochures et jusqu'à des volumes entiers, restés manuscrits, où le trop plein de sa verve s'est répandu.

Tous aboutissent au même delenda Carthago : il faut réduire à néant l'influence de la Compagnie de Jésus, contrecarrer partout les empiétements de la Cour pontificale. Le numéro 353, Discours contre la cabale étrangère (1696), donne ce conseil à Richelieu : Que celui qui gouverne veuille éloigner les suppôts de tout emploi, réduire les Jésuites à prier Dieu, et fermer leurs collèges, appuyer la Sorbonne, changer le logis du nonce, introduire un autre confesseur, donner un premier président au Parlement de Paris qui soit de bonne odeur au public, etc. Le numéro 355 indique les moyens légitimes pour contenir le Saint-Siège et empêcher qu'il n'accroisse son autorité en France au préjudice de celle du Roi et tranquillité de l'État : C'est erreur de croire qu'il faille être bien avec Rome ; au contraire, il faut se montrer jaloux de la conservation des lois de la monarchie ; Rome se gouverne par crainte ; il ne la faut jamais obliger en chose qui soit aux dépens de l'autorité royale, mais lui susciter des affaires sous main et ne la délivrer jamais d'appréhension. Il faut faire demander par le Clergé la cassation du Concordat et rétablissement des élections aux bénéfices[26].

On entend bien, dans ces paroles, comme un écho de celles que prononça parfois Richelieu ; mais on y remarque aussi la ligne de démarcation et le point de rupture entre les idées du pamphlétaire et celles du ministre. Richelieu n'oublia jamais qu'il portait la pourpre romaine : il n'entendait ni briser avec Rome ni dénoncer le Concordat.

Fancan va plus loin encore : Témoigner n'avoir volonté que les François soient faits cardinaux ; retarder la nomination ou en nommer d'étrangers. Appuyer la Sorbonne et l'Université, exclure des chaires publiques ceux qui ont des sentiments contraires au bien de l'État. Ne permettre plus que les religieux réformés ni autres se mêlent aux affaires du temps (le Père Joseph n'oubliera pas ce conseil qui le vise). Défendre de passer aucun acte devant le nonce. Défendre l'introduction de nouveaux ordres en France. Faire demander au Pape, en plein consistoire, par l'ambassadeur, un secours d'un million de ducats pour la guerre de religion (contre les protestants). Le Pape assurément refusera et on aura beau sujet de faire la paix et rejeter l'envie sur le défaut d'assistance de Rome. Par ces moyens, l'État se maintiendra, ainsi qu'a fait celui de Venise. De ces propositions à l'idée d'un schisme ou d'un patriarcat, dont Richelieu aurait rêvé, si l'on en croit ses adversaires, il n'y aurait eu qu'un pas. Or tout cela se déclamait à voix haute sur un ton de familiarité exigeante dans ces entourages du cardinal où tant d'oreilles étaient aux écoutes.

Pour les grandes affaires vers lesquelles tous les esprits sont tendus, les affaires d'Allemagne et d'Espagne, Fancan est non moins péremptoire, non moins tranchant. Il suffit, pour s'en convaincre, de cette analyse du dossier 422 que donne Fouquet sous le titre : Discours sur les affaires présentes en 1623 : Faire la paix avec ceux de la Religion, raser le fort Louis, faire la guerre en Allemagne. Tout le système repose sur une alliance effective avec l'Angleterre. L'Avis sur les affaires d'Angleterre en mars 1697 dit que le mariage a été fait par différents respects, savoir : de France pour y établir la religion (catholique) et d'Angleterre pour se venger de la maison d'Autriche ; que le changement de religion n'est pas utile à la France ; que les deux Couronnes se doivent tenir, et qu'en France il ne faut point tant travailler aux moyens pour se défendre de l'Angleterre qu'aux moyens de prévenir la guerre par une bonne union ; qu'il ne faut aussi penser à la conquérir et que la France n'a d'appui plus sûr pour résister à l'Espagnol qu'une bonne union avec l'Angleterre ; et qu'il est facile d'accommoder les aigreurs ; et qu'il faut considérer que la moindre dépense extraordinaire achèvera de ruiner le Roi, le peuple et l'État.

Il y a toujours eu un parti anglais en France et presque toujours cela vint de dissentiments et de griefs réciproques entre Français. Fancan se prononce avec la plus grande vigueur pour un rapprochement avec l'Angleterre, et c'est là sans doute, qu'à la veille de la rupture avec les protestants de France et avec l'Angleterre, il trouvera le point de sa chute[27]. Le parti pris anticatholique, vers lequel se laissait entraîner cet homme d'Église, se précisait en un véritable système : Dissiper accortement la Chambre de la Propagation de la foi, établie en France et dans Paris au déçu du public. Ne la point heurter de plein saut, mais peu à peu, en refusant tout ce qu'elle demandera et reculant des emplois ceux qui en sont les sujets, gagner ceux qui se sont mis dans ladite Propagation, non par conscience et faiblesse, mais par leurs seuls intérêts... Laisser les autres et les faire observer seulement[28].

On imagine l'éclat produit par de telles affirmations, le ton de la discussion qui s'élève avec le parti catholique, avec le Père Joseph, au moment où Richelieu se décide à ruiner le parti protestant et à faire la guerre aux Anglais ; on croit entendre les objurgations qui s'abattent sur le cardinal, le somment de s'expliquer sur son intimité avec ce Fancan. Elles viennent de la fameuse cabale jésuitique, c'est-à-dire des Reines, de Marillac, du parti espagnol, de la Cour presque tout entière.

Et quelle prise donnent à la passion adverse les relations trop connues de Fancan avec les hommes publics, les princes, les gouvernements étrangers ! La poste a dévoilé les rapports de Fancan avec l'Angleterre ! Si l'on cherchait du côté de l'Allemagne, de la Bavière, de Cologne, on trouverait bien d'autres indices de manigances obscures et, parmi ces correspondances suspectes, des transferts d'argent ! La liste des emprisonnés, condamnés, etc., publiée en 1643, dans le Journal du Cardinal de Richelieu, signale la liaison de notre homme avec le plus dangereux des fronts d'airain protestants, le sieur de La Milletière mis en la Bastille en l'année 1626 pour même sujet que Fancan[29].

Tous ces faits sont graves ; le heurt des principes ne l'est pas moins. Richelieu se sent las de ces affirmations hautaines, de ces familiarités compromettantes. De part et d'autre, d'ailleurs, on est à bout. Fancan écrit : Le temps s'écoule ; la patience m'échappe et l'appréhension de voir nos maux sans remède me jette dans le désespoir. Et encore : Ma consolation est d'avoir représenté courageusement, en tout ce qui s'est passé ici, les inconvénients qui en pouvaient arriver en public et en particulier, et d'avoir combattu jusques au bout. Il ne me reste plus qu'à faire une retraite honorable...

Trop tard : Richelieu tient les clefs de la Bastille, dont est gouverneur le propre frère du Père Joseph. Il note dans son Journal : Le sieur de Fancan-Langlois, abbé de Beaulieu et chantre de Saint-Germain-l'Auxerrois, mis à la Bastille en 1627 (le 4 juin) pour cabale contre le dessein requis du siège de La Rochelle...

Les Mémoires sont plus explicites. Richelieu a besoin de se défendre. Fancan, arrêté en même temps que ses deux frères, Dorval et Langlois, était mort bientôt dans sa prison et cette brusque disparition avait déchaîné Mathieu de Morgues. L'homme qui venait de mourir mystérieusement avait été, répétait-il avec insistance, le confident des années difficiles et contrastées du début. Il connaissait les dessous et les dossiers. On ne l'avait mis au secret de la Bastille, puis au secret définitif, que pour l'empêcher de parler. Avec quelle joie le fougueux aumônier de la Reine mère portait contre Richelieu cette accusation de sévérité implacable et de cruauté qui devait finalement s'imposer à l'histoire !

De telles insinuations appelaient une réponse : Le Roi, disent les Mémoires, fit arrêter un nommé Fancan pour lui faire expier une partie des crimes qu'il avoit commis. De tout temps, il s'étoit déclaré, plus ouvertement que ne pouvoit un homme sage, un ennemi du temps présent ; rien ne le contentoit que des espérances imaginaires d'une République, qu'il formoit selon le dérèglement de ses imaginations. Il n'en vouloit pas seulement au temps, mais à l'éternité, toutes les apparences faisant croire qu'il n'avoit point d'autre Dieu que sa folie...

On n'emprisonne pas un homme sans l'appareil de la justice, pour des soupçons de cette sorte. Il faut autre chose. Les Mémoires ajoutent, après d'autres allégations assez vagues : Le parti huguenot lui étoit en si grande recommandation, quoiqu'il fût ecclésiastique, quo tous ceux qu'il estimoit être bons catholiques lui étoient en horreur. En cette considération, il avoit pris de tout temps intelligence avec les protestants étrangers, auxquels il servoit de fidèle espion, d'autant plus à craindre que sa condition le rendoit moins suspect. Il se servoit envers eux de l'entrée qu'il avoit en diverses maisons des ministres pour, sous prétexte de bons avis, leur donner de fausses alarmes pour les armer contre l'État... Sa malice a été jusques à ce point que de chercher toutes sortes d'artifices pour séparer en la maison royale ce que la nature et le sacrement avoient étroitement uni (c'est-à-dire les Reines et le Roi)... Le Roi se résolut de châtier justement un si méchant homme par un supplice conforme à son crime ; mais le cardinal, dont les conseils vont toujours à augmenter les récompenses des services et diminuer la punition des fautes, supplia très humblement Sa Majesté de se contenter d'en arrêter le mal par l'emprisonnement de sa personne[30].

Le dossier de Fancan, tel que Nicolas Fouquet, nommé rapporteur, l'a analysé, donne une valeur réelle à ces incriminations. La violence des invectives contre le parti catholique, les Jésuites, la Propagation et même le Père Joseph, suscitaient de ces ressentiments profonds qui ne pardonnent pas. Fancan allait jusqu'à conseiller la rupture du mariage royal. Il est à croire que le Roi, averti, intervint alors. On tonnait son étroite et jalouse sévérité. De quoi se mêlait ce pamphlétaire ? Si la personne du Roi, si le ménage royal étaient en cause, la rupture s'imposait : Fancan et les siens furent emprisonnés et Richelieu crut, — peut-être de bonne foi, — qu'il les traitait avec une sorte d'indulgence en leur épargnant une pire destinée. Morgues lui-même finit par reconnaître que Fancan était mort de mort naturelle. Quant à Dorval, il implora sa libération en des lettres émouvantes, mais ne l'obtint qu'après la prise de La Rochelle. On était alors en 1630 : la politique du cardinal se portait de nouveau vers les alliances protestantes[31].

 

Le familier de tous les temps : le Père Joseph.

Nul doute que, dans cette crise à la fois intime et politique, le Père Joseph n'ait joué, comme d'ordinaire, un rôle peu apparent, mais décisif[32] : entre l'évêque et le moine, les liens sont si anciens et si forts, que les deux figures apparaissent inséparables.

La personnalité du Capucin a été, de nos jours, l'objet d'études approfondies[33] ; son histoire, longtemps incertaine, et romanesque, s'appuie désormais sur des documents authentiques, la plupart émanant de lui-même.

Il est démontré que le Père Joseph, ce Capucin de Paris, François Le Clerc du Tremblay, prit son origine dans cette Ile-de-France, créatrice de l'unité française. Il descendait d'une famille alliée à Jacques Coictier, le fameux médecin de Louis XI[34]. Né d'une mère protestante, qu'il eut la joie de convertir lui-même, il était entré en religion par une vocation irrésistible. Dès que ses supérieurs l'eurent désigné pour les œuvres de mission et de propagande, surtout dans l'ouest, son intelligence, son énergie, son ardeur mystique et son sens unique du maniement des hommes et des affaires le mirent hors de pair. Il rencontre Richelieu en 1610 et bientôt, par une décision irrévocable, son humilité se subordonne aux aptitudes, aux ambitions, à l'esprit réaliste qu'il a reconnus en son ami.

Sa jeunesse ardente, son imagination parfois chimérique, — il y avait un poète sous cette robe de bure, — avaient caressé un rêve : réunir toutes les puissances européennes, catholiques et protestantes, dans une même campagne contre les Turcs. La croisade était, à ses yeux ; la seule pacification honorable pour tous, la seule guérison de la cruelle blessure causée par la Réforme. L'union, restaurée dans le catholicisme, était le but suprême de cette conception, survivante de l'esprit théocratique du moyen âge.

Mais, pour s'assurer le concours des princes protestants, il était nécessaire de les aborder, de les séduire, de satisfaire jusqu'à un certain point leurs ambitions particulières ; et il fallait, en vue de ces difficiles rapprochements, que la France devint l'arbitre des affaires d'Allemagne, soit en écartant la maison de Habsbourg de la succession impériale, soit en la détachant de l'Espagne, qui avait refusé d'entrer dans le grand projet de croisade[35].

Le Capucin avait développé ces idées complexes dans une épopée latine, la Turciade. Il crut pouvoir convertir le cardinal. Après de longues hésitations, Richelieu s'y porta dans une certaine mesure, mais il revenait toujours au dessein qu'il avait conçu lui-même et qu'il mettait au-dessus de tout : devenir l'arbitre de l'Allemagne en ménageant les protestants, travailler les catholiques pour les séparer, si possible, de l'Autriche et de l'Espagne. Cela suffisait à occuper une vie. Après, l'on verrait.

En tout cas, les deux amis étaient pleinement d'accord sur l'entreprise la plus urgente : fermer la porte que La Rochelle fournissait aux interventions étrangères dans les affaires de France et que Fancan s'obstinait à vouloir laisser ouverte.

Le détail de ces orages intérieurs éclaire les passages difficiles où se trouvait continuellement engagée la carrière du cardinal ; il prouve aussi la solidité des liens qui existaient entre le ministre et le Capucin : inséparables parce que l'un à l'autre indispensables. Nous ne savons si l'on rencontrerait dans l'histoire une pareille compénétration des pensées entre deux personnalités si fortes.

Richelieu à peine arrivé au pouvoir, le Père Joseph s'était trouvé installé dans sa maison et dans sa confiance. Quand la robe de bure apparaissait, le silence se faisait, les groupes se séparaient. On doit attribuer au Père Joseph un rôle, non seulement de confident insigne, mais aussi de collaborateur assidu dans le travail quotidien. C'est lui que nous retrouvons toujours comme chef de ce groupe d'intimes attaché à la personne de Richelieu et s'adonnant, dans un secret absolu, à l'exécution des décisions prises par le cardinal, sous l'autorité du Roi. Après s'être assuré de la volonté royale, soit dans les conseils, soit au cours des longs tête-à-tête, le ministre distribuait les ordres au petit troupeau rassemblé. Le Père Joseph écrivait lui-même ou faisait écrire, corrigeant, abrégeant, développant, mettant la nuance, l'achevé, le fini[36].

Ces documents surchargés de corrections servirent pour la plupart à composer les Mémoires du Cardinal de Richelieu. Ils sont conservés aujourd'hui dans le dépôt des Archives du ministère des Affaires étrangères. Ils témoignent de cette activité de ruche qui bourdonnait dans le cabinet du ministre. A ces rédactions toujours urgentes tout le monde mettait la main ; un style unique, imprégné de l'esprit, des idées, des formules, des notes, des dictées du cardinal et du moine, finissait par donner à cette paperasserie un ton presque uniforme, .quelque chose à la fois d'ecclésiastique et de cavalier, où se reconnaît l'inspiration des deux gentilshommes, l'évêque et le Capucin[37].

Né persuasif, le Père Joseph avait dans ses attributions, comme nous disons aujourd'hui, le maniement de l'opinion publique. D'après le chanoine Dedouvres, toutes les notes, toutes les pièces, tous les mémoires, tous les avis, tous les communiqués livrés à la presse pour présenter sous un jour favorable les décisions et les actes du cardinal émaneraient de sa plume. Contentons-nous de dire que, s'il en écrivit plusieurs, qu'il est facile de distinguer, il s'en tint le plus souvent à contrôler les projets fournis par les autres. Il semble bien, comme tend à le démontrer le chanoine Dedouvres, avoir eu la haute main sur le Mercure françois de 1626 à 1638, date de sa mort. C'est lui, probablement, qui introduisit auprès du cardinal le sieur Théophraste Renaudot (de Loudun), fondateur de cette Gazette de France, à laquelle le Roi et son ministre prirent parfois la peine de collaborer.

Instructions diplomatiques (notamment pour les affaires d'Allemagne)[38], négociations avec la Cour pontificale, affaires importantes et secrétissimes, du dedans et du dehors, tractations et conciliabules, confidences, confessions, combinaisons, larges vues, dessous profonds, tout cela est suivi, poursuivi par l'activité et la persévérance boules de ce Capucin qui, pour le service de son grand ami, chemine pieds nus de Paris à Rome et de Rome à Paris.

Peut-être même le Père Joseph ne fut-il pas étranger à la conception de cette vaste Histoire du règne de Louis XIII, objet constant des pensées du ministre. Du moins, les papiers rédigés sous la direction du Capucin dans le cabinet du cardinal, en fournirent le substratum. Richelieu put mettre au point quelques années de ce récit, comme il le dit lui-même, et la compilation fut publiée, depuis, sous le nom de Mémoires du Cardinal de Richelieu. La postérité aurait donc subi, ainsi que les contemporains, une sorte d'envoûtement occulte de la part de l'Éminence grise, qui sort, aujourd'hui, du mystère romanesque où sa mémoire s'était enlisée, pour ressurgir, plus singulière, plus complexe, plus haute, plus surprenante, devant l'histoire.

 

Richelieu et les écrivains de son temps.

L'entourage voyait surgir, bien entendu, nombre d'autres figures et personnages. Il suffit de rappeler ici les noms des collaborateurs, en quelque sorte officiels, ministres ou secrétaires d'État ; ceux qui disparurent : d'Effiat, d'Aligre, Schomberg, Marillac, Servien ; ceux qui durèrent les Bouthillier, Bullion, Sublet de Noyers, Mazarin, qui se retrouveront les uns et les autres, à leur place, dans l'exposé de la politique active de Richelieu. Nous verrons apparaître encore des hommes d'une heure et des hommes d'une œuvre, par exemple à propos des affaires de la Marine, ces Launay-Razilly qui furent, pour le cardinal, plus que des conseillers, de véritables inspirateurs.

C'est le tableau de l'intimité du ministre que nous essayons de donner ici et c'est à ce titre que la foule qui se presse autour du maître de la France mérite d'être évoquée devant l'histoire. Les ruches bourdonnantes attirent les amateurs et les fabricateurs de miel. Le cardinal, soit tendance naturelle, soit calcul, était accueillant et, l'on pourrait dire, communicatif ; il avait besoin d'être compris, de convaincre et il avait aussi besoin d'être soutenu, apprécié. Vivant dans une anxiété perpétuelle, sous le battement frontal de ses migraines et de ses soucis, il était aux écoutes de l'opinion. Orateur, il cherchait les auditoires ; organisateur, il cherchait les équipes ; auteur dramatique, il voulait les salles pleines. On se groupait autour de lui et les groupes étaient, par sa présence et par son choix, pour ainsi dire consacrés. Nous le verrons fonder, avec ses écrivains, l'Académie française, et il avait conçu le dessein de choisir, parmi ses prélats et ses clercs, une Académie théologique.

Ancien député aux États généraux de 1614, il avait le sens des assemblées. A diverses reprises, il réunit soit des Conseils extraordinaires, soit des assemblées de Notables, désireux de leur exprimer ses vues et d'obtenir leur approbation. La presse politique, dont il fut le créateur en France, la multiplicité des mémoires, pièces, libelles, publiés par son ordre, prouvent sa volonté constante d'obtenir l'appui de l'opinion.

Or l'entourage était son premier public ; là il s'essayait et, par le choc des idées, — tel que nous l'a décrit Desmarets, — il découvrait ce que la politique peut laisser paraître de son secret. Son cabinet fut un portique de disciples, une pépinière d'hommes d'État et d'écrivains. On y rencontre des gens de cour, gentilshommes, gens de lettres, gens d'esprit, qui, par là se glissaient à la confiance et aux emplois.

Comment oublier, après les trouvailles de l'érudition moderne, l'homme étrange, l'aventurier un peu mystérieux, le diplomate bâtonné, le prélat prébendier, qui, par une aventure plus singulière que toutes ses autres aventures, est devenu le répondant devant l'histoire des hauts faits du Grand Cardinal, Harlay de Cézy nommé aussi de Sancy, évêque de Saint-Malo ? Signalé dès 1878[39], d'après Vittorio Siri, comme l'auteur d'une Histoire de Louis XIII, — qui n'était autre que les Mémoires de Richelieu, — il est présenté aujourd'hui comme le confident que Richelieu chargea de compléter et d'arranger cette collection de papiers d'État, de papiers d'affaires, de correspondances, de fragments historiques, imprimés et réimprimés depuis lors sous ce titre et que publie à nouveau, avec tout le soin qu'ils méritent, la Société de l'Histoire de France[40].

Le mystère de cette rédaction est en partie élucidé : une étude plus approfondie de cette montagne de papiers ajouterait sans doute quelque lumière et donnerait quelques renseignements sur l'étonnante ubiquité de l'homme qui menait de front les devoirs d'évêque résidant en Bretagne et ceux de secrétaire des Mémoires, toujours sous la main de son maitre à Paris.

Il faut admettre que Richelieu était, à son égard, extraordinairement indulgent et que, l'ayant eu comme camarade de classe, il s'était attaché à lui. Ce qui parait certain, c'est qu'en dépit des étranges remous du caractère et de la vie de ce condisciple, il l'avait reçu, puis établi dans sa familiarité. Richelieu écrivait dès décembre 1626 à ce Harlay de Sancy : Monsieur, ces trois mots sont pour vous témoigner que je n'oublie pas mes anciens amis, au nombre desquels vous êtes en tête du catalogue... Huit ans après, en 1634, il avait jaugé à fond le personnage. Il le défendait cependant, — à propos d'une de ses incartades en Bretagne, — auprès du Roi toujours méfiant : C'est un esprit chaud, disait-il, qui prend feu quelquefois sans mauvaise intention ; mais les retours sont toujours bons. Si Dieu n'oublioit point les fautes les plus criminelles des hommes, il y a longtemps que le genre humain seroit exterminé ; à plus forte raison, est-il à propos d'oublier celles qui font plus de bruit que d'effet... C'était, en somme, un de ces camarades de jeunesse qui ne vous lâchent pas et dont on finit par tirer parti, ne pouvant ni ne voulant s'en débarrasser.

L'homme avait, d'ailleurs, une certaine connaissance du monde et des affaires. Ambassadeur à Constantinople, il y avait tout connu de l'Orient, même les coups. Attaché à la mission de Bérulle près de Henriette-Marie, reine d'Angleterre, il avait plu au fondateur de l'Oratoire, qui l'avait choisi pour lui succéder à la tête de son œuvre. Envoyé en Savoie, en Italie, correspondant du Père Joseph, louangeur attitré du cardinal, il avait su, avec sa fantaisie vagabonde, toujours arriver et partir au bon moment[41].

Si c'était ici le lieu d'aborder la question très complexe de la rédaction des Mémoires, — rédaction qui fut assurément une des grandes besognes de l'entourage, — on aurait à mettre en lumière, -chez le cardinal, jusque dans le détail, cette application, cette précision, cette ponctualité que lui inspirait le haut souci de sa gloire ; il faudrait montrer cette vanité active, cette domination sur les choses, cette mainmise sur les rênes du destin, qui tourne les événements dans le sens que leur impose un plan de conduite préconçu, cette vue pénétrante des hommes, des idées, du siècle et de l'avenir, qui illumine une époque et s'y joue avec tant d'aisance et de laisser-aller que le constructeur devient lui-même son plus habile avocat. Ayant su garder un reflet de cet éclat et pour devenir le serviteur assidu de cette ambition, l'évêque de Nantes, ambassadeur à la disposition, était assez indiqué pour entrer, en compagnie du ministre, dans cette génération cavalière qui tenait la plume et l'épée, toujours en errance, en carrosse, à cheval, ou même à pied comme le Capucin ; rejeton un peu fol de cette haute famille de Harlay, disciple chéri de Bérulle, celui-ci était prédestiné à se voir inscrire, non loin du Père Joseph, en tête du catalogue.

Donnons à la hâte un croquis de quelques autres figures, toutes inclinées devant celle du cardinal.

C'est l'abbé de Boisrobert, ce plaisant, digne émule de Théophile, que la Requête des Dictionnaires définit :

... Grand chansonneur de France,

Favori de Son Éminence,

Cet admirable patelin,

Aimant le genre masculin,

S'oppose de tout son courage

A cet efféminé langage[42].

C'est Nicolas Rigaut, c'est Favereau, c'est Bautru, comte de Serrant, le plus habile des amuseurs, — jusqu'à en devenir diplomate, — incomparable à manier la louange et qui, le 13 juin 1628, venant de quitter La Rochelle, écrivait au cardinal : Je croyois avoir vu la plus grande merveille du monde, mais en arrivant à Paris, j'ai remarqué quelque chose de moins commun et de plus grand étonnement, c'est, Monseigneur, d'avoir vu un applaudissement général pour toutes vos actions et des louanges universelles pour un homme qui gouverne cet État ; j'eusse eu peine à ne le pouvoir croire un ange[43]... C'est Desmarets de Saint-Sorlin, l'auteur des Visionnaires, visionnaire lui-même, à moitié fou, mais qui a l'adresse de s'installer dans la spécialité théâtrale du cardinal et dont Chapelain écrivait : M. Desmarets a fait un premier volume des cinq qu'il a dessein de faire sous le titre de Rosane, dédié à Mme d'Aiguillon et dont elle faits partie. Flatteur en cinq volumes, voilà qui n'est pas banal ! Mais ce fou avait surpris le goût singulier que le grand homme d'État avait pour les vers et dont il voulait être loué[44].

Bautru, Desmarets, la plupart des écrivains de l'entourage viendront s'asseoir sur les fauteuils de l'Académie française. Ils retrouveront, parmi les Quarante, Jean de Sirmond (neveu du célèbre Jésuite), à qui l'on attribue les meilleures pièces composées pour la défense du cardinal ; Hay du Châtelet, qui fut employé sans grand succès dans les fonctions actives, intendances, commissions judiciaires, etc., et qui ne fut qu'un arrangeur de dossiers, péchant, au gré de Richelieu, par manque d'ardeur et de sévérité ; Jérémie Ferrier, qui a signé Le Catholique d'État, attribué par d'autres à Jean de Sirmond ; enfin jusqu'à cet Isaac de Laffemas de sanglante renommée[45].

Faut-il relever les noms de folliculaires de bas étage, un Marcel, un Dryon, un Mathieu de Morgues, celui-ci non moins violent dans l'insulte qu'il avait été plat dans la louange ?...

Arrivons enfin aux vrais maîtres de la langue, à ceux qui annoncent le Grand Siècle : Malherbe, avec son bon sens normand, découvre ; dès 1627, la grandeur future du jeune ministre : L'esprit, le jugement et le courage, nous dit-il, ne furent jamais chez un homme au même degré qu'ils sont en lui... Voit-il quelque chose d'utile au service du Roi, il y va sans regarder ni d'un coté ni d'autres. Les empêchements le sollicitent, les résistances le piquent, et rien qu'on propose ne le divertit[46].

Dupleix, l'un des maîtres de l'école historique française, loue Richelieu d'avoir pris si bien ses mesures et ajusté si dextrement les projets aux moyens et les moyens à la fin qu'il s'était proposée, que le succès en a heureusement réussi. Les desseins du Roi ont été secrètement concertés entre Sa Majesté et lui, les délibérations mûrement résolues, les entreprises prudemment conduites, vigoureusement exécutées. On n'a rien épargné pour découvrir les projets des ennemis ; le commandement des armées n'a été donné qu'à des capitaines de fidélité assurée et de grande expérience ; jamais les finances n'ont manqué ; jamais les munitions de guerre ni de bouche, jamais la discipline militaire[47].

Silhon prend le cardinal comme modèle de son Ministre d'État ; il dépeint en termes frappants la surprenante activité déployée pour secourir l'île de Ré : Deux cents courriers dépêchés en moins de deux mois ; tant d'ordres donnés au dedans et au dehors ; nul avis négligé qui eût quelque apparence de bien ; tant de vaisseaux assemblés en si peu de temps, et tant de provisions faites pour le ravitaillement de la place assiégée ; bref, tout ce que l'industrie humaine a d'invention, tout ce que la prudence a de conduite et d'ordre, tout ce que la diligence a d'activité et le courage de hardiesse[48].

Balzac, fondateur de la prose française, écrit dès 1630, au cardinal, en lui dédiant son livre du Prince : Que si mon entreprise m'avoit réussi et si j'avois montré aux nations étrangères qu'en France tout se change en mieux sous un règne si heureux que celui du Roi et qu'il nous augmente l'esprit comme il nous a crû le courage, je n'en mériterois pas pour cela la gloire ; mais il faudroit la rapporter tout entière à la fidélité de mon temps et à la force de mon objet[49].

Chapelain, s'il encense le cardinal en vers médiocres, rappelle de la façon la plus heureuse que la géographie européenne a été bouleversée par lui :

... Nos courses guerrières,

Qui plus rapides que le vent

Nous ont acquis en le suivant

La Meuse et le Rhin pour frontières.

Un peu plus tard, Voiture expose, avec une précision frappante, les services que le cardinal a rendus à la France : Lorsque, dans deux cents ans, ceux qui viendront après nous liront en notre histoire que le cardinal de Richelieu a démoli La Rochelle et abattu l'hérésie et que, par un seul traité comme par un coup de rêts, il a pris trente ou quarante de ses villes pour une fois ; lorsqu'ils apprendront que, du temps de son ministère, les Anglois ont été battus et chassés, Pignerol conquis, Casai secouru, toute la Lorraine jointe à cette Couronne, la plus grande partie de l'Alsace mise en notre pouvoir, les Espagnols défaits à Veillane et à Avein, et qu'ils verront que, tant qu'il a présidé à nos affaires, la France n'a pas eu un voisin sur lequel elle n'ait gagné des places ou des batailles, s'ils ont quelques gouttes de sang français dans les veines, quelque amour pour la gloire de leur pays, pourront-ils lire ces choses sans s'affectionner à lui ?

Enfin, — car il faut finir, — c'est Corneille, le Grand Corneille, qui, oublieux de la Critique du Cid, fait en 1647, cinq ans après la mort du cardinal, un admirable éloge du fondateur de l'Académie française, réunissant ainsi devant la postérité les deux gloires : Quand je ne saurois autre chose de vous, dit-il dans son discours de réception à l'Académie, sinon que vous êtes le choix de ce grand génie, qui n'a fait que des miracles, feu M. le Cardinal de Richelieu, je serois l'homme le plus dépourvu de sens commun, si je n'avois pour vous une estime et une vénération toutes extraordinaires, et si je ne voyois que, de la même main dont ce grand homme sapoit les fondements de la monarchie d'Espagne, il a daigné jeter ceux de votre établissement et confier à vos soins la pureté d'une langue qu'il vouloit faire entendre et dominer par toute l'Europe[50].

S'il était nécessaire, le cardinal pourrait prendre à témoin toute l'élite de son temps. La France du Grand Siècle, qui se cherchait encore, travaillait avec lui, d'un cœur ardent et fier, à la défense de ses intérêts, à la réalisation de son idéal, à l'accomplissement de sa destinée.

 

 

 



[1] Maximes d'État, p. 753.

[2] Voir l'étude si ingénieuse et si complète faite par N. Deloche, à la page 135 de La Maison du Cardinal de Richelieu, 1912, in-8°.

[3] Les lumières de Mathieu de Morgues pour l'Histoire, Condom, 1645. Cité par M. Deloche, Autour de la plume de Richelieu, p. 18.

[4] Nous citerons en maints endroits les beaux travaux de M. G. Fagniez, du chanoine Dedouvres, de M. Huraut, de M. Maximilien Deloche, et, surtout, les recherches profondes et variées de MM. Lavollée, Delavaud, Batiffol, P. Bertrand, etc., publiées, dans les notices ou appendices de la nouvelle édition des Mémoires de Richelieu, par la Société de l'Histoire de France.

[5] Maximes d'État, p. 778.

[6] La correspondance de Richelieu est parsemée de ces traits de belle humeur, de ces pensées renchérissant sur celles des autres, qui amusaient ses correspondants et amenaient parfois des répliques du même style qui l'amusaient lui-même. Voir, par exemple, le portrait si spirituel que le cardinal fait du vieux duc d'Angoulême, t. V, p. 655 de ses Lettres, quand ce bâtard de Charles IX le reçut en Picardie : Ledit sieur d'Angoulême n'oublie pas d'exalter son crédit ; cependant ce crédit ne nous a pas valu une obole. Abhorrant les grands festins comme je fais, parlant ensemble nous présupposions un traitement fort propre et modéré, pour témoigner qu'il était Seigneur du domaine. Il ne s'est pas vu une seule écuelle lavée ! Et autant il a été copieux en harangues, il a été resserré en festins...

[7] Les Délices de l'esprit, 1658, cité par Delavaud, Rapports et notices, p. 80. — Louis XIII aurait donc ignoré qu'il signait lui-même des lettres ordonnant d'arrêter les courriers espagnols aux passages des Pyrénées, dès juin 1625, quoique les deux pays ne fussent pas en guerre. Voir une lettre du Roi à M. M. de Caumont, etc., lettre faisant partie des archives de M. Gabriel Hanotaux.

[8] Voir le père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. III, p. 39, et Tallemant, Historiettes, II, 32.

[9] Recueil de diverses pièces pour servir à l'Histoire, publié par Hay du Chatelet, édit. 1637, in-4°, p. 24.

[10] Tallemant, II, p. 55. — La main de Chéret se retrouve fréquemment dans les immenses dossiers du cardinal.

[11] Mathieu de Morgues, cité par M. Deloche, Autour de la plume du cardinal de Richelieu, p. 252.

[12] La Réponse du cardinal de Richelieu à la lettre de son frère, le cardinal de Lyon fut imprimée en 1631, ce qui ferait remonter l'aventure à une époque où Marion de Lorme, âgée d'à peine quatorze ou quinze ans, était encore chez les siens en Champagne. La Réponse est publiée dans Diverses pièces pour la Défense de la Reine mère, Anvers, in-12°, t. III, p. 77.

[13] Cette Mme de Fruges, née Piennes de Fruges, garda son nom de fille, même après son mariage avec Deschapelles, fils de la nourrice d'Henriette-Marie, reine d'Angleterre. Elle et sa fille étaient des aventurières qui furent deux fois chassées de la Cour. En 1642, Richelieu les fait exiler à Bourges comme bien dangereux esprits. (Avenel, t. VII, p. 128). En 1648, elles sont traitées de même par Anne d'Autriche lors de la maladie du jeune Louis XIV. — Voir les Mémoires de Montglat, éd. Michaud et Poujoulat, p. 331 : Elle avait toujours aimé l'intrigue, se mêlant de tout, se fourrant partout. Il est à remarquer que Montglat, qui ne ménage pas Richelieu, ne parle pas de relations amoureuses entre cette femme et le cardinal. Celui-ci fit exécuter un Deschapelles, qui doit être le mari de Mme de Fruges pour avoir, par sa lâcheté, perdu Mézières en 1635. (Avenel, IV, p. 760.) Voir Mémoires du cardinal de Retz, édit. Charpentier, t. I, p. 18.

[14] Lettres de Guy Patin, édit. Reveillé-Parise, t. I, p. 494.

[15] Édit. Techener, I, p. 381.

[16] Maximes d'État du Cardinal de Richelieu, p, 771.

[17] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. VI, p. 122.

[18] Testament politique, partie I, chapitre VIII. — Ajoutons que, dans la Réponse à Mathieu de Morgues, Richelieu ne niait pas quelques péchés de jeunesse.

[19] Recueil de pièces et de faits particuliers que le Père Griffet n'a pas cru devoir ni pouvoir insérer dans l'Histoire du règne de Louis XIII et dans les Fastes du Règne de Louis XIII, dont il est l'auteur. — Manuscrit faisant partie de la collection de M. Gabriel Hanotaux.

[20] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. I, p. 137.

[21] On a publié de lui, en 1686, Histoire du temps ou les trois vérités historique, politique et chrétienne, livre qui est une apologie tellement circonstanciée de la politique de Richelieu, notamment dans les affaires de la Reine mère, qu'on peut la considérer comme faisant partie du substratum des Mémoires. — Voir Delavaud, Rapports et Notices, p. 159.

[22] Publiée par le Père Griffet, t. III en appendice.

[23] Voir comte de Cosnac, Rôle politique de Louis de Rechiguevoisin de Guron, évêque de Tulle, 1884. Cet évêque de Tulle était fils de notre Guron. A l'occasion de la carrière du fils, M. de Cosnac parte très brièvement du père.

[24] Voir Histoire du Cardinal de Richelieu, t. II, p. 467 et suivantes.

[25] Les bons avis du François fidèle, août 1631. — Réparties sur la réponse à la très humble Remontrance, 1631. Cités par Geley, Fancan et la politique de Richelieu, Cerf, 1884, in-8°, p. 294.

[26] Voir Théodore Kügelhaus, Unbekannte Papiere Fancans, Leipzig, 1899 (d'après le n° 6651 du Fonds français à la Bibliothèque nationale), et Erich Wienz, Fancan und die französische Politik, 1624-1827. Heidelberg, 1908.

[27] Voir Discours sur les affaires présentes d'Angleterre, publié en appendice par M. Wienz, op. cit., p. 128.

[28] Extrait des papiers trouvés au cabinet de Fancan, les plus considérables, selon l'ordre dans lequel lis ont été cotés (Mémoire de Nicolas Fouquet. B. N. Manuscrits F. Fr. N° 6651). — Voir aussi la Voix d'un Théologien sans passion, par Mathieu de Morgues, dans le Mercure François, 1626, t. XII, p. 301, 521, et Fagniez, L'Opinion et la Presse sous Louis XIII, d'après un mémoire inédit adressé, en 1627, au Roi par Fancan.

[29] Journal, édit. 1666. p. 154. — Il est à noter que, dans la réponse qu'il fait faire au libelle de Mathieu de Morgues qui a pour titre : Réponse à la très humble remontrance au Roi, parue en 1632, Richelieu jette franchement Fancan par-dessus bord : ... Fancan, homme reconnu de tout points pour impie et qui avoit réputation de ne croire pas en Dieu et qui est convaincu d'avoir toujours favorisé les intérêts de l'hérésie dedans et dehors le Royaume contre le Roi. (Édit. in-12°, p. 117.)

[30] Mémoires du Cardinal de Richelieu, t. VII, p. 84. — Ce passage tend à autoriser l'attribution à Fancan du libelle La France en convalescence où Louis XIII est pris à partie pour la stérilité de son mariage, etc. Voir Delavand, Collaborateurs de Richelieu, p. 116.

[31] La vie et le rôle politique de Fancan ont été étudiés par M. Geley dans son ouvrage : Fancan et la politique de Richelieu, 1884. Ce livre, qui apportait des données nouvelles et intéressantes sur ce point peu connu de la carrière du cardinal, était malheureusement gelé par une insuffisante information. M. Geley attribuait à Fancan toute la littérature des libelles indistinctement et exagérait, sans preuves suffisantes, l'influence de Fancan sur la politique du cardinal ; il n'avait pas su découvrir le dossier décisif de l'enquête, qui a été publié par M. Kügelbaus. Nous nous sommes efforcés d'éclairer certains traits restés mystérieux de cette étrange personnalité, sur laquelle, peut-être, le dernier mot n'est pas dit.

[32] Voir le pamphlet de Morgues, Reparties sur la réponse à la Remontrance au Roy, dans Diverses pièces pour la défense de la Reine mère, t. III, p. 341. Il a sacrifié Fancan à l'envie de ce bon Père que vous appelez Révérend et que nous n'osons point nommer pour le respect que nous portons à son ordre...

[33] Voir Gustave Fagniez, Le Père Joseph et Richelieu, 2 vol. in-4°, Hachette, 1894 ; on trouve réunies dans ce magistral ouvrage les éludes publiées dans divers recueils par l'auteur. — Voir aussi Chanoine Dedouvres, Le Père Joseph polémiste, 1895, in-8°, Picard. Le Père Joseph de Paris, Capucin. L'Éminence grise. 2 vol. in-8°. Beauchêne, 1932,

Pour ce qui concerne la personnalité mystique du Père Joseph, il est indispensable de voir les belles pages que lui a consacrées l'abbé Bremond dans l'Histoire du sentiment religieux, t. II, p. 168.

[34] Annuaire de la Noblesse, années 1835-1836.

[35] L'Espagne ne voulut pas se subordonner, en quelque sorte, à un projet français ; elle avait conçu le dessein de détourner le grand projet de croisade vers l'Afrique, où ses ambitions étaient en péril. Le chanoine Dedouvres dit : Le Père Joseph avait, plus que personne, poursuivi de ses efforts l'accord de la France et de l'Espagne. Mais il se tourna contre la catholique Espagne, parce que, avant tout hostile à la France, elle avait, seule, empêché la croisade projetée et préparée coutre les Turcs... Le Père Joseph polémiste, p. 228.

[36] Sur la méthode de travail du groupe dirigé par le Père Joseph, nous avons eu l'occasion de citer déjà un document des plus formels, une lettre de Bouthillier, secrétaire d'État, qui signait les correspondances en sa qualité officielle. Bouthillier et le Père Joseph se concertaient ; un commis de Bouthillier écrivait ; le cardinal révisait encore : la dépêche était recopiée de la main d'un secrétaire ; l'original, signé du Bol et contresigné de Bouthillier, partait enfin pour sa destination. — Voir Gabriel Hanotaux, Étude sur un prétendu Supplément aux Mémoires de Richelieu, dans Sur les Chemins de l'Histoire, t. I, p. 25.

[37] En ce qui concerne les pamphlets ou libelles destinés à la publicité, cette même collaboration des personnes qui avaient l'entrée chez le cardinal se révèle, au milieu de tant d'autres traits, par celui-ci que signale l'abbé Houssaye dans Le Cardinal de Bérulle et Richelieu. Au cours de la rédaction du Catholique d'État (publié comme nous l'avons vu, sous le nom de Jérémie Ferrier), Bérulle est consulté et propose : Après les mots... on pourrait glisser un passage tel que le suivant ou quelque chose d'analogue, ce qui fut fait. Voir Dedouvres, Le Père Joseph polémiste, p. 286.

[38] L'une des pièces importantes qui portent le plus manifestement l'empreinte de l'esprit du Père Joseph parait être l'instruction donnée à M. de Marcheville, ambassadeur en Allemagne. Notez qu'elle est inscrite presque in extenso dans le Supplément de Lepré-Balain.

[39] Voir Gabriel Hanotaux, Étude sur la prétendue découverte d'un Supplément aux Mémoires de Richelieu (Revue Historique, 1878, p. 411), reproduite dans : Sur les chemins de l'histoire (t. I, p. 213).

[40] Voir toute la discussion incluse dans les Rapports et Notices sur la nouvelle édition des Mémoires du Cardinal de Richelieu. En particulier : Robert Lavollée. Le Secrétaire des Mémoires de Richelieu, extrait de la Revue des études historiques (A. Picard, 1904) ; et De l'authenticité des Mémoires du Cardinal de Richelieu, par Robert Lavollée, extrait des Rapports et Notices (Paris, 1922).

[41] Mathieu de Morgues, dans ses Reparties pour la défense de la Reine mère, écrit en s'adressant à l'évêque de Saint-Malo : Vous, Monsieur le Censeur, qui voulez passer pour béat et aspirez au chapeau ronge en ayant gagné une mitre en mal faisant, mal parlant, mal écrivant... abbé, étant jeune, vous changeâtes vos bénéfices en argent pour prendre un manteau court, et on peut dire que M. le Cardinal tient de vous une de ses meilleures abbayes... Vous fûtes d'abbé marchand, et de marchand, lâche homme d'épée ; vous recherchâtes une ambassade, en laquelle vous avez si bien réussi, que vous avez ruiné non seulement les Français, mais les chrétiens, ayant été emprisonné et battu pour une avarice et grivèlerie infimes etc. — Sur l'ambassade à Constantinople, voir ci-dessous, le chapitre des Colonies.

[42] Tallemant des Réaux, Historiettes, édit. Techener, in-8°, t. IX, p. 270.

[43] Archives particulières.

[44] Voir Léopold Lacour, Richelieu dramaturge, p. 64.

[45] Voir plus loin, les études sur Hay du Chatelet et sur Laffemas, intendants dans les provinces.

[46] Œuvres. Édition des Grands Écrivains, t. IX, p. 103. — Voir la belle lettre de remerciement adressée par Richelieu à Malherbe, au sujet de son ode au Roi allant châtier la rébellion des Rochelois, Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. III, p. 61.

[47] Scipion Dupleix, Histoire de Louis le Juste, p. 4.

[48] Jean de Silhon, Le Ministre d'État, éd. 1634, p. 393.

[49] Le Prince de M. de Balzac dans le Recueil des pièces, édit, 1637, p. 546.

[50] Discours prononcé par M. Pierre Corneille, avocat général à la table de marbre de Normandie, le 22 janvier 1647, lorsqu'il fut reçu à la place de M. Maynard ; dans Recueil des Harangues prononcées par Messieurs de l'Académie française. A Amsterdam, ans dépens de la Compagnie, 1709, t. I, p. 14.