Cette fois, est-ce le tour du cardinal ? Pas encore. Le Roi, pour qui cet homme devenait une obsession, ne cessait de répéter que c'était un fourbe et qu'il n'en voulait pas. Il disait tout bas au maréchal de Praslin, en voyant le cardinal passer dans la cour du château : Voilà un homme qui voudrait bien être de mon conseil ; mais je ne puis m'y résoudre, après tout ce qu'il a fait contre moi. Cependant, d'ores et déjà on ne prend plus une décision importante sans le consulter, soit directement, soit par l'intermédiaire de la reine mère. Le Roi veut encore se cacher à lui-même qu'il est déjà sous sa domination. L'ambassadeur vénitien, très perspicace, explique bien la situation : Monsieur le cardinal de Richelieu, dit-il, est, ici, le contrepoids de tout ce que font les ministres ; il met toute son étude à s'élever dans l'esprit du Roi, à s'assurer de son affection, en lui suggérant des idées de gloire et de grandeur pour la couronne ; je l'ai pleinement instruit de toutes les nécessités ; je l'ai pénétré de toutes les raisons que comporte l'affaire de la Valteline ; il m'a promis de trouver, avec la reine mère, l'occasion de parler au Roi et de lui faire comprendre toute l'importance de ces passages ; car, viendra certainement le jour où la France montrera sa vigueur. Cependant, malgré cette influence occulte déjà si puissante, la coalition espère encore. Elle jette à la traverse une nouvelle ambition, une audacieuse et folle prétention qui, sans passé, sans titre et sans autorité, essaye de barrer le chemin. Il n'y a plus que des enfants perdus qui puissent tenter une pareille aventure. Celui-ci doit de vivre dans l'histoire à l'honneur qu'il a d'are, pendant trois mois, le concurrent du cardinal de Richelieu ; il eut aussi l'honneur et le malheur, tout ensemble, de lui ouvrir la porte. Il s'appelle La Vieuville. C'était un personnage d'importance médiocre ; mais il ne manquait pas d'esprit, et il avait de l'allant. Ayant tâté du métier des armes, il était d'épée. Comme Luynes, il avait fait son chemin par la fauconnerie. Bel homme, il avait épousé la fille d'un certain Beaumarchais qui était un des traitants les plus prodigieusement riches de ce temps. La fortune de son beau-père lui avait acquis du lustre et une manière de compétence dans les affaires d'argent. On attache volontiers à une richesse démesurée une sorte de capacité mystérieuse. Au moment où les Brulart cherchaient un successeur à Schomberg, La Vieuville étant de leurs amis et mêlé à leurs intrigues, ils le bombardèrent surintendant général. Une fois là il prit de l'assurance. Dirigé probablement par son beau-père, il entreprit quelques réformes utiles dans les affaires de finances. Il prétendit mettre de l'ordre dans le chaos des comptes royaux ; il se montra économe, serré et, notamment, très regardant sur le chapitre des pensions. Les hommes riches sont souvent peu généreux, peut-être parce qu'ils ne savent pas ce que c'est que de manquer d'argent. Il traitait de haut les gentilshommes solliciteurs, et leur disait qu'il s'appelait M. d' Argencourt ; ou bien encore M. Octobre, quand on lui demandait quelque avance pour le terme de janvier. Les courtisans n'admettent les quolibets que quand une sauce de bienfaits les assaisonne ; ils apprécient peu l'économie rudanière. La Vieuville se fit de terribles ennemis, en jouant à l'homme d'État[1]. Quand les Sillery perdirent l'équilibre, il leur passa le croc-en-jambe : cette trahison le consacra. A défaut d'autres, on tourna les yeux vers lui ; il trouva cela tout naturel. Le voilà ministre dirigeant, et assuré (du moins le croit-il) de la confiance du Roi. La reine mère et le cardinal de Richelieu s'étaient unis à lui contre les Brulart : ils furent surpris quand ils le virent prendre son vol tout seul. Icare n'eut pas une plus prompte et plus tragique carrière. La Vieuville fut un premier ministre absolu pendant six semaines. Il eut le temps de croire qu'il préparait de grandes choses ; car il avait le cœur assez résolu, et son intempérance même le rendait hardi. Il était donc dans l'Empyrée, quand une brusque secousse le ramena sur la terre. Autour de lui, il entendit un grondement universel. Des pamphlets circulaient : le Mot à l'oreille, la Voix publique au Roi. Son beau-père, Beaumarchais, était pris cruellement à partie. La France n'a jamais aimé les traitants. Toute la bande est traquée par la polémique qui devient féroce. C'est la Chasse aux Larrons ; il n'est question que de leur faire rendre gorge. Jamais la cour n'a été aussi austère que depuis qu'on a touché aux pensions[2]. En plus, voilà que les affaires extérieures se compliquent encore. L'Espagne, n'était pas encore satisfaite après avoir obtenu le dépôt, entre les mains du Pape, des forts de la Valteline. Elle discutait sur la portée de cet engagement et marchandait la remise de Chiavenne et de la Rive. Par contre, Jacques Ier froissé de n'avoir pu conclure le mariage de son fils avec une infante d'Espagne, se rapprochait de la France et demandait maintenant une des filles de Henri IV, Henriette-Marie. Son ambassadeur arrivait à Paris. Une autre ambassade, non moins importante, était également en instance auprès du Roi : c'était celle des Hollandais venus pour presser le secours contre l'Espagne. Mansfeld, flairant le vent, était accouru à son tour ; il s'était avancé jusqu'à Compiègne et avait sollicité une audience du Roi ; il offrait son épée et son armée. Ainsi, de toutes parts, les difficultés devenaient urgentes. Il s'agissait de la guerre ou de la paix. Ce sont là des responsabilités bien lourdes pour un faiseur de quolibets. La Vieuville se réveille, épouvanté. Alors, il se retourne vers ce cardinal, avec lequel il avait cru pouvoir se mesurer. Il s'imagine qu'il est encore possible de l'employer dans une position secondaire, à mi-côte du pouvoir et de la confiance du Roi. Il propose d'établir un Conseil des dépêches, qui serait chargé des affaires étrangères, et il offre à Richelieu la direction de ce conseil. Le cardinal hausse les épaules, et il amuse sa plume à polir une réponse qui nous est parvenue : Le cardinal ne sauroit assez remercier M. de La Vieuville de l'estime qu'il fait de lui et de la bonne volonté qu'il lui porte. Il tâchera en toutes occasions d'en prendre revanche, en sorte qu'il connoîtra que ses intérêts lui seront aussi chers que les siens propres. Mais il jugera que la proposition faite, en ce qui regarde ledit sieur cardinal, ne seroit ni utile au service du Roi, ni bonne pour entretenir l'intelligence qui doit être entre Sa Majesté et la Reine mère et qu'elle seroit périlleuse pour ledit sieur cardinal : non utile pour le service du Roi, pour le peu de connoissance que ledit sieur cardinal a des affaires étrangères passées depuis quelques années, et pour la foible complexion de sa personne ; ce qui lui fait préférer une vie particulière à un si grand emploi. Au reste, pour y travailler, il faut prendre des résolutions si généreuses et prudentes qu'elles ne peuvent être attendues que du Roi et du conseil qui est auprès de Sa Majesté. Autrement pendant qu'on prendroit une résolution au Conseil des dépêches, on en pourroit prendre une autre au Conseil, en présence du roi[3]. La Vieuville eut alors l'idée de lui offrir l'ambassade d'Espagne, puis de l'envoyer à Rome remplacer le commandeur de Sillery que l'on venait de rappeler[4]. Mais ce diable d'homme refusait tout, avait réponse à tout. La reine mère n'admettait qu'une solution, l'entrée au Conseil, et elle avait repris tout son empire sur l'esprit de son fils. Elle ne le quittait plus : à Saint-Germain, à Monceaux, elle le suivait lui répétant toujours la même antienne. Enfin, un jour, à Compiègne, elle tire La Vieuville à part et lui met le marché à la main : Madame, lui dit-il, vous voulez une chose qui causera infailliblement ma ruine. Et je ne sais si Votre Majesté ne se repentira pas un jour d'avoir tant avancé un homme qu'elle ne connoît pas bien encore. Pourtant, à bout de ressources, il s'incline. Il propose donc lui-même au Roi l'entrée de Richelieu dans le Conseil. Il est vrai qu'il essaya encore de restreindre l'autorité du cardinal. Celui-ci n'assisterait aux séances que pour donner son avis. C'est prodigieux à quel point la fatuité politique affole des gens qui d'ailleurs ne sont pas inintelligents ! Richelieu se fit prier. Alléguant surtout sa mauvaise santé, il exposa au Roi, dans une lettre très forte, la gravité de la résolution qui allait être adoptée et les conséquences qui devaient s'ensuivre. Le cardinal n'entendait pas être nommé pour faire nombre. Il savait qu'il aurait des décisions importantes à prendre qu'il alloit déplaire au tiers et au quart et qu'il se ferait de nombreux ennemis. Le Roi, qui avoit eu quelque ombrage de lui dans le passé, se déciderait-il à le soutenir toujours et quand même ? Si, nonobstant ces considérations, Sa Majesté s'affermit en sa résolution, le cardinal ne peut avoir d'autre réplique que l'obéissance. Seulement, il supplie Sa Majesté d'avoir agréable que vaquant, concurremment avec ceux de son Conseil, aux affaires qui concernent le général de son État, il soit délivré des visites et sollicitations des particuliers qui, faisant consommer inutilement le temps qu'on doit employer à son service, achèveraient de ruiner entièrement sa santé ; et, de plus, que, comme il entre en cette fonction sans la rechercher ni la désirer, mais par pure obéissance, Sa Majesté sache qu'il n'aura ni ne peut avoir d'autres desseins que la prospérité et la grandeur de son État, et soit si ferme eu cette croyance véritable que le cardinal soit assuré que tous les artifices des malins ne pourront avoir aucune force auprès de Sa Majesté au préjudice de sa sincérité[5]. C'était un engagement d'honneur qu'il demandait personnellement au Roi. La tyrannie commençait. Il fallut écouter ces observations si fières pour un sujet, et en passer par ses conditions. La Vieuville, lui-même, était pressé d'en finir. Le 29 avril 1624, le cardinal de Richelieu prit séance dans le Conseil du Roi[6]. Terminons avec La Vieuville. Il se félicitait d'avoir fait entrer Richelieu par la petite porte. Le lendemain, par un coup inattendu et qu'il avait longuement préparé, celui-ci rappelant le précédent qui avait été jugé, du temps de Sillery, en faveur du cardinal de La Rochefoucauld, réclama la préséance, en sa qualité de cardinal. Un long mémoire dans ce sens fut remis au Roi, bourré d'exemples accablants. Les cardinaux précèdent les princes du sang et autres princes, après lesquels le connétable et le chancelier prennent place et, à plus forte raison, le surintendant des finances[7]. Celui-ci marchait de déboires en déboires. Déboires au sujet de la négociation du mariage d'Angleterre ; déboires au sujet des affaires de Hollande. On lui fait dire le contraire de ce qu'il voudrait. On le mène, par des sentiers qu'il ne connaît pas, vers un but qu'il ignore ; il est toujours surpris, et en vient à supplier le cardinal de le ménager et de lui expliquer d'avance les avis émis en Conseil, pour qu'il n'ait pas l'air trop balourd devant les autres. Le cardinal promet avec candeur : La Vieuville songeoit peu aux affaires publiques ; son esprit n'étoit occupé qu'aux moyens de se maintenir, et le pauvre homme prenoit des voies du tout capables de le perdre ; il prenoit jalousie de son ombre ; il étoit haï de toute la cour ; on l'appeloit la Véronique de Judas. La polémique des pamphlets se faisait terrible. Celle de cancan aiguisait toutes ses pointes : On dit, Sire, que La Vieuville fait le maréchal d'Ancre,
le Luynes et le Puisieux tout ensemble ; présumant tant de lui que de votre
conseil, il entreprend de résoudre tout, se fâchant si les secrétaires
rapporteurs ne concluent aux fins de cet unique sénateur. Il ne faut qu'un
fou, dit le proverbe, pour troubler toute la fête. On rapporte le mot
du palefrenier qui reprochait à son compagnon de sangler son cheval tout de
travers comme la cervelle de La Vieuville. On veut persuader qu'il est habile homme ; mais personne
n'y veut ajouter foi, non plus qu'aux nouvelles de l'arrivée de la flotte
d'Espagne. Il est copieux en de telles conceptions ; mais sa tête ressemble à
ces cavales des pays méridionaux qui ne conçoivent que du vent[8]. Le beau-père, Beaumarchais, commence à prendre peur pour ses millions. Les grosses fortunes aiment le silence. Or, les voilà lui et ses pareils, en plein tapage : Il n'y a aujourd'hui financier qui ne vive en seigneur et en prince ; la plupart d'entre eux, pour s'exempter du gibet, étant alliés aux principales familles du royaume. N'est-ce pas chose horrible de voir un Jacquet épouser la nièce du duc de Mayenne ? la fille de Feydeau du comte de Lude ? celle de Beaumarchais le maréchal de Vitry ? celle de Montmor le fils du maréchal de Thémines ?... Et Villautrais qu'on croyoit devoir être pendu après avoir dérobé un million au siège de Montpellier, a marié sa fille au neveu du cardinal de La Rochefoucauld pour s'appuyer de l'écarlate. De manière que la science de dérober est l'unique chemin de s'anoblir maintenant en France... Tous les actes de La Vieuville sont passés au crible, son humeur bizarre et bourrue, son esprit léger et malfaisant, ses terreurs, son agitation perpétuelle. On reproche à Richelieu d'endurer tout ce qui se passe, sous prétexte qu'il est homme de compagnie et qu'il veut vivre en société avec tous. II s'agit bien de cela ! Il s'agit de la France. Avant tout, il faut, dans le conseil, la gravité, l'autorité, l'unité. Il n'y aura rien de tel tant qu'il sera dirigé par cet homme qui n'a ni sens ni conduite, qui n'entend rien aux affaires extérieures, qui n'a d'accointance qu'avec les traitants, qui pille le prince et le trésor, aliène la cour et la noblesse et n'est qu'un charlatan incapable de connaître les remèdes salutaires à la guérison des plaies de la. France. La main de Richelieu se reconnaît dans ce remarquable libelle, qui lui est d'ailleurs attribué : C'est pourquoi Votre Majesté doit résoudre hardiment les choses qui regardent sa conservation ; elle doit voir librement Mansfeld, maintenir ses anciens alliés, sans s'arrêter aux spéculations des moines, ni du nonce, lesquels ne prêchent que l'intérêt du Pape et non celui de votre service. Si chacun ne se mêloit que de son métier, les vaches en seroient bien mieux gardées. La Vieuville est affolé. Il se débat, cherche une issue, songe à appeler le prince de Condé, puis le vieux Sully. Ses extravagances vinrent si grandes que toutes ses entreprises se contredisoient les unes les autres, et comme un ivrogne, il ne faisoit plus un pas sans broncher. Son voisin, vêtu de rouge, le regardait s'avancer en trébuchant et prenait là peine de lui indiquer parfois où il devait mettre les pas. Le Roi, lassé de tout ce bruit qui se faisait autour d'un homme qu'il n'avait aucune raison particulière d'aimer, consulta le cardinal de Richelieu et le garde des sceaux. Celui-ci, d'Aligre, était une créature du cardinal. Les deux compères conseillèrent au Roi de réfléchir mûrement avant de changer une fois encore de ministres. Le Roi demande au cardinal de lui exposer franchement ses idées au sujet du nouveau personnel qu'il convenait de désigner. Richelieu fit quelque résistance, puis nomma ses amis, Schomberg, Marillac, Champigny, Molé. C'étaient des choix excellents, des noms respectés. Le Roi approuva tout. Le cardinal pria encore le Roi de bien peser : Après avoir fait une énumération aussi entière que possible des désordres passés du gouvernement de son État, il lui représente que si, à l'avenir, en l'établissement de son Conseil, il fait encore une pareille faute, elle seroit sans remède ; qu'il étoit facile de détruire, mais difficile d'édifier, que l'un étoit diable et l'autre Dieu... Le Roi était à bout de patience ; il n'avait plus de volonté devant ce fascinateur qui l'enveloppait de si longs et si sages discours : il n'avait plus qu'une envie : en finir au plus vite, et partir pour la chasse. Richelieu était trop ami de La Vieuville pour ne pas l'avertir sous main. D'ailleurs, celui-ci avait remarqué les longs entretiens du Roi et de sa mère ; il n'avait pas besoin de ces confidences pour être perdu d'inquiétude. Il se jette dans la gueule du loup. Il va voir le cardinal qui, selon ses propres paroles, sachant bien taire la vérité, mais non la violer, ne put jamais lui répondre avec telles précautions qu'il n'odorât quelque chose de ce qui devoit lui arriver. La Vieuville alla porter sa tête. Il se rendit à Ruel où le Roi était en visite près de la reine sa mère ; il dit au Roi qu'il connoissoit bien qu'il ne vouloit plus se servir de lui. Le Roi se tut ; La Vieuville reprit quelque espoir et demanda au Roi de l'autoriser à venir le lendemain auprès de lui à Saint-Germain. Le Roi le lui permit. Il arrive le lendemain matin. Il entre. Le Roi lui dit qu'il est démissionnaire, écoute ses plaintes un instant, puis le fait sortir. Dans la cour du château, La Vieuville voit s'avancer vers lui M. de Tresmes, capitaine des gardes du corps, qui lui dit quelques mots et le pousse dans le petit carrosse de Sa Majesté : accompagné d'un certain nombre d'archers, il est conduit au galop jusqu'à Amboise[9]. Le Roi réunit aussitôt son Conseil. Il exposa le parti auquel il s'était arrêté et déclara, en s'adressant au cardinal de Richelieu, qu'il entendait reconstituer le Conseil. Si on en croit le cardinal, il prononça un discours très
étudié, où il développait au Roi tout un programme de gouvernement. Il
approuva grandement la mesure prise à l'égard de La Vieuville : Si Votre Majesté faisoit encore un choix pareil à celui-là
vos affaires seroient perdues en sorte qu'il seroit impossible de les
remettre jamais sur pied... La mémoire de ses
fautes s'oubliera, mais les actions de ceux qui entreront à sa place dureront
autant qu'ils y seront. Il émit l'avis que le Roi constituât un Conseil uni,
lui demandant de n'entendre aucune plainte en particulier contre tel ou tel
ministre ; il lui conseilla d'entretenir les grands et de faire caresse à
tout le monde. Il parla de l'autorité qui appartenait naturellement à
la reine mère et de la bonne harmonie et familiarité qui devait exister avec
la Reine régnante. Il exposa l'état des affaires intérieures et des affaires
extérieures : Le mariage d'Angleterre est en mauvais
termes par la faute de La Vieuville ; l'affaire de la Valteline a été
conduite avec tant d'extravagance et de contrariétés qu'il est à craindre que
vous y perdiez votre réputation et vos finances. Sire, il faut vous gouverner
de telle sorte que tout le monde reconnaisse que Votre Majesté pense
elle-même à ses affaires comme il est à désirer[10]. Le trait final faisait appel à l'honneur du Roi. Le Roi répondit brièvement. Il approuva ce que le cardinal avait dit. Il se plaignit de ses anciens ministres, même de Luynes, mais surtout de Puisieux et de La Vieuville. Il dit ensuite que, désormais, il verrait ses affaires avec plaisir puisqu'elles seraient conduites avec ordre ; et il chargea, par ces mots, le cardinal d'en prendre la direction. C'était un contrat solennel, devant le Conseil attentif. Le jour même, 13 août 1624, jour d'éternelle mémoire, le cardinal de Richelieu devenait premier ministre[11]. L'ambassadeur vénitien, annonçant la nouvelle à son gouvernement, écrit : Autant qu'il est possible de prévoir humainement l'avenir, ce nouvel édifice ne s'écroulera pas aussi facilement que les autres. FIN DU TOME II-2 |
[1] Voir les pamphlets par
lesquels se terminent le Recueil de Luynes, et notamment le Mot à
l'oreille. — Cf. le chapitre si pénétrant des Mémoires de RICHELIEU (t. I, p. 283 et suiv.).
[2] FAGNIEZ, Revue des Questions
Historiques, 1896, et Revue d'histoire diplomatique, 1900 (p. 36).
[3] Correspondance (t. I,
p. 783).
[4] Recueil d'AUBERY (t. I, p. 62).
[5] Mémoires de RICHELIEU (t. I, p. 287).
[6] Sur la date exacte de l'entrée
de Richelieu au Conseil et sur le règlement du nouveau Conseil qui fut fait à
cette occasion, voir Affaires Étrangères, Mémoires et Doc., vol. 775. — Correspondance
(t. II, p. 4, note, et t. VIII, p. 24).
[7] Recueil d'AUBERY, in-f° (t. I, p. 280) et Correspondance
(t. II, p. 6).
[8] La Voix publique au Roi :
Recueil de Luynes, édit. 1627 (p. 551).
[9] Mémoires de RICHELIEU (t. I, p. 300) et ZELLER, Ministres (p. 280 et
suiv.).
[10] Mémoires de RICHELIEU (t. I, p. 303).
[11] La lettre par laquelle le Roi fait part, officiellement, au parlement et aux autorités du royaume de la disgrâce de La Vieuville et de l'établissement d'un nouveau Conseil est datée du 13 août, de Saint-Germain en Laye, contresignée Loménie. Elle est publiée notamment dans Correspondance (t. II, p. 25).