IV. — Le paysan. J'arrive enfin à ces millions de laboureurs et de paysans qui furent, de tout temps, la véritable force de la France. La pénurie des renseignements en ce qui les concerne est désolante. Il faut retourner le fatras des cartulaires et des vieux procès pour recueillir quelques vagues indications sur le côté matériel de leur existence ; il faut s'en rapporter à une littérature qui, sous des apparences de bonhomie, leur est presque toujours hostile, pour deviner quelque chose de leurs sentiments. Nos paysans n'ont pas d'histoire : en étaient-ils plus heureux ? La différence était grande entre le peuple des villes et celui des campagnes : l'un voulait acquérir la fortune pécuniaire et, par suite, le privilège. L'autre ne pouvait avoir qu'une ambition : posséder le sol. Mais là il se heurtait directement au privilège de la noblesse. Pour arriver à ses fins, il avait à soulever le système féodal tout entier. Dispersés dans les campagnes, dénués de tout renseignement sur leurs forces, dans l'impossibilité de se connaître et de s'unir, ignorants d'un droit qui existait à peine et dont la chicane gardait l'entrée, les paysans en étaient réduits à tout attendre du temps et de je ne sais quelle foi instinctive en un avenir meilleur. Tandis que le bouillonnement des convoitises bourgeoises agitait la surface du tiers état, ses masses profondes restaient calmes et comme endormies. Elles supportaient la charge qui pesait sur elles, comme une nécessité de la nature. Il fallait des temps particulièrement durs et des misères extraordinaires pour que ce peuple se soulevât et qu'il cherchât, dans la violence et la destruction, sinon un adoucissement, du moins une diversion à ses maux. Ce câline séculaire du paysan français a souvent frappé et même étonné les contemporains. Les uns l'attribuaient à sa passivité ; les autres, comme l'anglais Carew, au sentiment qu'il avait de son impuissance en présence de ce que ce diplomate appelle la conjuration des hautes classes de la nation pour le mater et l'écraser de longue main[1]. Il est certain qu'un même intérêt liait, les uns aux autres, tous ceux qui jouissaient du privilège, et la coalition que dénonce Carew était toujours prête à se former dès que l'on voyait apparaitre la moindre velléité de revendication sociale. Que ce soient les Croquants du Poitou, les Va-nu-pieds de Normandie, les Lanturlus de Bourgogne, partout c'est la même histoire : le peuple. après chaque tentative de révolte, retombe plus las et plus bas[2]. C'est une maxime d'État en France, dit l'ambassadeur anglais, que le peuple doit être abattu et découragé par les exactions et. l'oppression ; car autrement il serait disposé à la révolte. En conséquence, il est, à l'heure présente (1609), accablé de charges telles, qu'elles lui enlèvent toute possibilité, je ne dis pas seulement de ruer ou de courir, mais même, pour ainsi dire, de marcher et de remuer sous elles. Ces charges n'ont pas été imposées par le roi actuel (Henri IV) ; mais il les conserve sous le prétexte de payer ses dettes... Le peuple est accablé et bide par tant d'énormes exactions. Sa dépouille est partagée entre le clergé, la noblesse de cour, la noblesse de campagne et les officiers de justice... On tient les paysans dans une telle servitude qu'on n'ose pas leur confier des armes. Ils ne peuvent faire de bons soldats... on leur laisse a peine de quoi se nourrir. Leurs Lunes sont basses et liches et leurs corps fatigués et recroquevillés comme ceux des nabots[3]. Un cardinal bien en cour, Duperron, ne s'exprime pas autrement : En Angleterre, dit-il, ils boivent tous de bonne bière, mangent de bon bœuf, et on n'en voit pas un qui ne soit vêtu de drap et qui n'ait la tasse d'argent ; en France, ils sont misérables, déchirés : les Rois devraient avoir quelque respect. Aussi, en Angleterre, ils disent que les paysans de France, ce sont des bêtes[4]... Celte comparaison avec les bêtes revient fréquemment sous la pituite de ceux qui parlent du peuple. Le roi François Ier racontait un jour à l'ambassadeur vénitien que l'Empereur est le roi des rois, le roi d'Espagne, le roi des hommes, et le roi de France, le roi des bêtes[5]. C'est ainsi que s'était créée cette réputation de douceur et de passivité qui se répandit en Europe, au sujet du peuple français. Tous les publicistes répètent, après Machiavel, qu'il n'y a pas au monde une nation plus soumise à son roi ; et le proverbe disait, avec une sorte de fierté résignée : La France est un pré Que l'on tond trois fois l'année[6]. Si l'on songe que ce pré tondu et rasé, c'est le travail du peuple qui le féconde ; si l'on veut bien se rappeler qu'il est sans cesse resserré et rendu plus étroit par le privilège qui va toujours grandissant ; si l'on considère que ce plat pays doit suffire chaque année, aux exigences du fisc royal et fi l'entretien de tout ce qui demeure oisif dans le royaume ; si l'on énumère les maux des guerres civiles et des guerres étrangères, les excès commis par les routiers et par les troupes régulières, les entraves apportées au commerce des grains, les mauvaises récoltes, les famines et la peste, on se demande enfin, avec nu autre contemporain comment les laboureurs tant rabaissés et opprimés par les tailles et la tyrannie des gentilshommes, pouvaient subsister, et cousinent il en restait encore pour nourrir les autres classes[7]. Ces pauvres gens excitent traditionnellement la pitié de ceux qui les regardent : Commun, quémun peuple, gens de travail, gens de labeur, pouces laboureurs de bras de quelque nom qu'on les appelle, ils ont payé de leurs peines et de leurs sueurs l'édification de cette unité et de cette liberté dont si peu jouissent et depuis si peu de temps. L'histoire ne saurait leur être trop reconnaissante ; tandis que d'autres connurent du moins les satisfactions de la bataille au grand jour, et goûtèrent, de leur vivant, l'éclat des triomphes publics, le paysan français qui, poussant sa charrue, traîna toujours, comme dit Parquier, tout le malheur du temps quant et soi[8], ce paysan sema toujours pour un avenir lointain. La récolte s'est levée ; ces bonshommes, longtemps après leur mort, ont réussi ; mais leur succès reste comme un étonnant exemple d'abnégation, et comme la preuve la plus éclatante de la solidarité qui lie entre elles les générations successives. En présence des maux immenses signalés par tous, comment expliquer à la fois la permanence de l'effort et son résultat ? C'est que la race a reçu un don admirable, l'endurance, et une aptitude sans égale, l'épargne : ces deux qualités en se combinant, en produisent une autre qui est tout le secret de la vitalité française ; elle se résume en trois mots : content de peu[9]. En 1484, l'orateur du Tiers aux États généraux dit,
qu'après les grandes guerres, on voyait dans la campagne, les paysans, faute de bestes, labourant la charrue au cou, et il
dit encore qu'on en voyait d'autres travaillant la
nuit par crainte d'être pris et appréhendés pour les tailles. Au
moment des guerres de la Ligue, les mêmes faits se reproduisirent : Non loin des villes et des lieux fortifiés, dit un
contemporain, les paysans qui parvenaient à se
procurer quelques mesures de seigle, s'assemblaient la nuit comme des hiboux
au nombre de trois ou quatre, s'attelaient à la charrue et, dans le silence
et l'ombre, comme des malfaiteurs, semaient peu
de grains[10]... Une pareille race ne désespère jamais. Son énergie s'accompagne et se soutient d'une bonne humeur naturelle qui désarme le sort. Au moindre rayon la prospérité latente repavait. C'est ce qui explique les contradictions apparentes qui existent dans les récits des voyageurs et des historiens. A dix ans de distance, tout change ; qu'on laisse seulement le paysan respirer : il sort de sa misère. comme une marmotte de son sommeil ; il tire de sa cave le pichet de vin et le pain blanc dont parle J.-J. Rousseau ; il s'assoit sur le pas de sa porte, au pied de sa vigne, en chantant sa chanson[11]. Que lui fallait-il donc ? Un peu de repos. Le sol est bon, les hommes de grant peine et fort laboureur, les femmes honnestes de vesture et de mesnaige[12]. On attendait tout de ceux qui avaient la direction des affaires publiques ; on s'abandonnait à eux avec la confiance naturelle à un peuple qui s'est, de tout temps. volontiers déchargé sur ses chefs du soin de le conduire et de le diriger. Tant que la royauté comprit le rôle qu'elle avait à remplir à l'égard du peuple rural, tant qu'elle défendit les deux causes qui lui tenaient au cœur : la libération du sol et l'égalité civile, elle put compter sur le plus entier dévouement, sur la plus touchante et la plus naïve reconnaissance. Mais quand le roi. se laissant séduire par son entourage, commença à abandonner la cause du paysan, quand il s'appliqua à reconstituer et à protéger ces classes privilégiées qu'il avait autrefois secouées d'une main si rude. alors la désaffection fit des progrès rapides. Ce peuple si doux devint tout à coup impitoyable. Il continua sa marche en avant et il piétina, sans détourner la tête, cette vieille royauté française qu'il avait tant aimée. L'organisation féodale de la société fut, probablement, à l'origine, accueillie comme un grand bienfait par les classes agricoles. L'antiquité, dans sa banqueroute, avait laissé derrière elle, deux institutions odieuses : l'esclavage et le colonat. L'invasion des barbares avait semé, de toutes parts, l'anarchie et la. ruine. Quand le calme revint, on fut heureux de se grouper au pied d'un château et d'une église, sous la protection du seigneur et sous la sauvegarde de Dieu. Du moins, l'homme était sûr d'avoir, en échange de son travail, les premières nécessités de l'existence[13]. Aux champs comme à la ville, l'association joua un grand rôle ; mais elle dut se conformer aux conditions si rudes et aux résultats si lents du travail agricole. Pour accomplir l'œuvre de défrichement, de déboisement, d'assainissement qui s'imposait à une civilisation naissante, pour s'attaquer t ces forêts épaisses et à ces marais sans fin, l'individu isolé était trop faible ; la liberté n'eût pas suffi. Il fallait une organisation forte et une discipline sévère. D'autre part, les moyens de communication faisaient défaut ; les échanges et les approvisionnements étaient presque impossibles. Il était donc nécessaire que ceux qui fournissaient le pain fussent astreints un labeur régulier. Les laboureurs et les boulangers ne sont pas libres. Une année de relâche dans la culture des champs, c'eut été la mort pour tous. Il y allait de la vie sociale elle-même. Le paysan fut donc lié à la terre et il y fut lié par troupes, par communautés[14]. Dans les bons temps du Moyen âge, le régime du patronat seigneurial avec toutes les exigences de l'adscription à la glèbe fut, en somme, supportable[15]. Il laissa même se développer parfois, dans les classes agricoles, un bien-être relatif et une certaine aisance. C'est ce bien-être et cette aisance qui commencèrent à donner du cœur au paysan. Un serf qui s'était amassé un petit pécule, devenait plus fier et plus mobile et, par conséquent, un tant soit peu plus exigeant. Dans les périodes de paix, le défrichement s'étendait rapidement ; de nouvelles terres entraient, si je puis dire, dans la circulation ; la main-d'œuvre manquait. Comme pour la mise en valeur de ces pampas de l'Amérique qui appellent aujourd'hui l'émigrant, le sol de la France réclamait des hommes. Le paysan plus riche était, en même temps, plus recherché. Les seigneurs se le disputaient.. On ouvrait des refuges, des villes neuves ; on distribuait des terres, des maisons ; on offrait l'hostise. Le paysan posait ses conditions, toujours et partout les mêmes : il demandait la libre disposition de son pécule, la faculté d'acquérir un héritage transmissible à ses descendants ; en un mot, ce qu'il recherchait plus encore que l'argent, c'était la liberté civile. Cette terre, qu'il fécondait du dur travail de ses bras, cette terre il la voulait pour lui. Le seigneur avait tout intérêt a accepter. Il s'apercevait sans peine que le travail libre est infiniment plus fructueux que le travail serf. Il comprenait que son avantage était de transformer eu taxes, en renies, en cens, en fermages régulièrement payés, les bénéfices plus ou moins aléatoires qu'il tirait du travail de ses hommes. Il faisait un calcul analogue à celui d'un patron qui p réfère, aujourd'hui, payer l'ouvrier à la tâche plutôt qu'à la journée. C'est ce que Beaumanoir explique très bien : les seigneurs ne font qu'y gagner, puisque leurs serfs deviennent plus riches, de sorte qu'à l'occasion les mortes-mains et les formariages sont plus élevés et, comme dit le proverbe : celui qui a une fois écorché, deux fois, ni trois ne tond ; et l'expérience apprend que, dans les pays où on leur prend, jour par jour, ce qu'ils gagnent, ils ne travaillent que juste pour gagner ce qu'il faut pour vivre, eux et leur maison, au jour la journée[16]. La royauté fit précisément ce calcul au moment où son influence commençait à s'étendre sur le pays. Comme nous Pavons dit, en multipliant les hommes libres, elle multiplia les contribuables. De là cette entreprise générale d'affranchissement qui coïncide avec les grands besoins tic la royauté et qui s'accentue sous les règnes de Philippe le Bel et de ses successeurs. De là ces préambules fameux et ces dispositions célèbres qui promulguèrent la liberté, comme une loi fondamentale du royaume, qui vantèrent le respect dû au pauvre homme, et qui imposèrent, parfois même malgré eux, la franchise à tous les manants du royaume, obligés désormais de concourir aux charges d'une société dont ils devenaient citoyens. Quels que furent les mobiles qui inspirèrent la conduite de la royauté, le résultat n'en fut pas moins heureux et fécond. Un pacte tacite se fit entre elle et les masses populaires. On travaillerait ensemble à la ruine du régime féodal. La royauté frappait à la tête ; le paysan fouillait l'arbre par la racine. Il persévérait dans son idée ; il voulait le sol. Peu lui importait la misère, peu lui importait la politique, peu lui importait même la liberté. Il voulait le sol. La royauté l'aida au début. L'ordonnance royale de 1275 qui autorise l'achat des fiefs par les vilains, est décisive. Désormais, le paysan qui amasse son travail sur la terre, fera reculer pied à pied le seigneur héritier des conquérants. Son épargne aura raison du luxe seigneurial, et cette ordonnance, si mal vue par les pamphlétaires du temps, prépare l'heure où il n'y aura plus de fiefs dans le royaume, mais uniquement des patrimoines. Même politique tic la part de la royauté, dans une question non moins importante : celle du droit de chasse. Au fond, c'est le problème de la forêt. Subsistera-t-elle pour garder, dans ses repaires, le gros gibier cher au seigneur féodal ; ou bien s'éclaircira-t-elle sous la hache du paysan qui cherche, dans les essarts, la bonne terre arable où planter sa charrue ? Malgré ses inclinations personnelles, le roi intervient pour interdire toute création ultérieure et toute extension des garennes, et il persévérera dans cette politique, jusqu'au moment où il aura perdu la notion des nécessités de son alliance avec les classes populaires[17]. Même parallélisme entre l'intérêt du roi et celui du paysan, dans la question tic juridiction. D'après le droit féodal, la justice appartenait au fief : Les roturiers ou vilains étaient justiciables des seigneurs desquels ils étaient manants et couchants. Les seigneurs aliénaient leur autorité entre les mains d'agents qui en tiraient profit. Les juristes royaux entreprirent une campagne vigoureuse contre les abus des justices de village[18]. Ils dépeignirent la situation malheureuse du paysan qui, plaidant pour ses brebis ou ses vaches, était contraint de passer par cinq ou six degrés de juridiction, avant de voir finir son procès ; devant son propre tribunal, le seigneur a la fois juge et partie, l'emportait toujours ; car le seigneur de paille mange le vassal d'acier. Pour remédier au mal, les légistes appliquèrent avec énergie les remèdes que nous avons, déjà signalés : l'extension des cas royaux, la limitation de la compétence, la nécessité, pour les seigneurs, de choisir leurs juges, leurs lieutenants et procureurs fiscaux parmi les gradués et de leur donner des gages[19]. Les légistes essayèrent également d'engager la lutte contre le principe des droits seigneuriaux ; mais la royauté dut s'arrêter dans cette voie. Il s'agissait d'une véritable révolution sociale, d'une expropriation sur la classe des propriétaires-seigneurs. Or, c'était justement l'heure où la dynastie capétienne commençait à abandonner les masses populaires pour se retourner vers les privilégiés. Les Bourbons venaient de monter sur le trône avec l'appui de la noblesse. Henri IV, qui se disait le premier gentilhomme du royaume, ne pouvait détruire, de ses propres mains, les derniers vestiges de la puissance seigneuriale, maintenant qu'elle n'avait plus rien de dangereux pour son pouvoir. D'ailleurs, le problème était complexe. Pour le régler pacifiquement, il eut fallu des siècles de patiente énergie. La royauté persévérant dans la politique de transaction qui avait toujours été la sienne, ferma les veux sur un état de choses devant lequel les jurisconsultes eux-mêmes s'inclinaient[20]. Dans la rédaction des coutumes, plusieurs fautes graves furent commises. La maxime nulle terre sans seigneur, le principe féodal du droit d'aînesse appliqué au patrimoine roturier, maintiennent, ou plutôt ramènent, le peuple sous le joug des traditions médiévales, dont il ne pourra plus se dégager jusqu'à la Révolution. En un mot, on remarque dans les questions législatives qui se rapportent aux matières agricoles, une incertitude qui finit par se transformer en une véritable réaction. La royauté n'était pas libre d'agir autrement. Liée à la transaction qu'elle avait conclue et sur laquelle reposait tout l'ordre politique et social, elle était tenue de défendre les privilégiés après avoir traité avec eux sur la base du privilège. Ils l'entouraient et ne lui laissaient pas oublier ses engagements. Qu'elle le voulût ou non, elle se trouvait portée vers la politique d'oppression dénoncée par l'ambassadeur anglais. Elle eut dû se rendre compte, pourtant, que les charges publiques devenaient de jour en jour plus lourdes ; qu'il fallait laisser à ceux qui les supportaient les moyens de se développer et de s'enrichir en proportion. Quelques-uns de ses ministres le comprirent ; ils allaient répétant que le labourage et le pâturage sont les deux mamelles de la France. Mais ces paroles n'étaient que des paroles. Le ministre mort ou écarté, on voyait reparaître la déplorable insouciance à l'égard des paysans qui devint comme un système de la part du gouvernement. On fermait les yeux sur des maux tellement excessifs qu'on les croyait sans remède. Les bonnes intentions de Henri IV et de Sully, en ce qui concerne les classes agricoles, sont incontestables. Ils s'appliquèrent à rendre à tous, et même à la noblesse, le goût des champs[21]. Ils encouragèrent les travaux d'Olivier de Serres et cette littérature ménagère qui met comme une note d'idylle entre les désordres de la Ligue et les dévastations des guerres du dix-septième siècle. Ils rétablirent l'ordre dans les finances et maintinrent les tailles dans des limites raisonnables ; ils recherchèrent les faux nobles ou les nobles de fraiche date ; ils esquissèrent un plan de routes et de canaux qui devait faciliter l'écoulement des produits du sol. Par-dessus tout, ils donnèrent douze ans de répit au bonhomme ; il en profita pour reprendre haleine, et cette période si courte s'idéalisa, dans son souvenir, comme une de celles où il avait le moins souffert. Si la poule ne fut pas mise au pot, du moins on en avait parlé, et l'eau en venait à la bouche de ceux qui plus tard se remémoraient ces heureux instants : L'idée qui me reste de ces temps-là me donne la joie, écrivait l'abbé de Marolles, devenu vieux. Je revois en esprit la beauté des campagnes d'alors. Il me semble qu'elles étaient plus fertiles qu'elles n'ont été depuis, que les prairies étoffent plus verdoyantes qu'elles ne sont à présent, que nos arbres avoient plus de fruits. Il n'y avoit rien de si doux que d'entendre le ramage des oiseaux, le mugissement des bœufs et les chansons des bergers. Le bétail était mené sûrement aux champs, et les laboureurs hersaient les guérets pour y jeter du blé que les leveurs de taille et les gens de guerre n'avoient point ravagé ! On ne se plaignait pas comme aujourd'hui des impositions excessives. Le bon abbé se forge, par le souvenir, une félicité qui n'est pas entièrement conforme à ce que nous apprennent les documents plus exactement contemporains et plus précis. En tout cas, s'il y eut pour le peuple des campagnes quelques années de trêve, elles passèrent vite. Les années de la régence de Marie de Médicis accablèrent le manant de tous les maux dont il avait jadis souffert : les tailles s'étaient accrues ; les princes levaient des troupes : les gens de guerre rançonnaient le plat pays[22]. La royauté, toujours à court d'argent, en est réduite aux expédients, c'est-à-dire aux pires moyens financiers : l'ère des traitants et des fermiers se rouvre pour ne plus se fermer, jusqu'à la fin de l'ancien régime. Avant même que les États soient réunis, les plaintes éclatent de toutes parts, et Turlupin le souffreteux fait entendre sa triste harangue au roi : Plût à Dieu, Sire que vous puissiez connaitre le détail de votre royaume... Vous verriez une infinité d'hommes, tramer misérablement leur vie sous un éternel travail qui ne leur produit, pour tout profit, que quelques bouchées de pain, exposés aux extorsions et concussions de vos officiers, à l'avarice des usuriers, à la vexation et rapine de vos sergents, sans une infinité d'autres accidents qui les font méconnaitre par eux-mêmes et s'estimer, en leur création, au-dessous des plus abjects et contemptibles animaux. Vous arrêteriez votre regard sur tant de mortuissantes images de la mort, sur tant de visages mornes, plombés, haves et ressemblants plus tôt à des phantosmes qu'à ce qu'ils sont[23]... Ces plaintes sont-elles excessives et le tableau est-il assombri ? Beaucoup l'affirment aujourd'hui. Mais la plupart des contemporains sont d'accord pour noter, en traits expressifs, l'aspect misérable du paysan français, au début du dix-septième siècle, soit qu'on le rencontre dans les champs, derrière sa charrue, marchant contre la bise, tout habillé de toile comme dit la chanson : Tout habillé de toile Comme un moulin à vent[24] ; soit qu'on pénètre dans sa chaumière qui, la plupart du temps, n'a d'autre ouverture que la porte et qui, dans certaines provinces, est encore ronde et percée, au milieu du toit conique, d'un trou par où s'échappe la fumée ; soit qu'on observe la saleté et promiscuité où il vit pêle-mêle avec les animaux domestiques ; soit qu'on considère sa nourriture, où la pomme de terre manque encore et dont le pain de seigle, la lourde mâche, cuite pour trois semaines, fait le plat de résistance ; soit qu'on lise, dans les registres notariaux, les inventaires du mobilier où il n'y a guère de bon que le lit fait des plumes de la basse-cour, mais où l'on ne trouve ni linge de corps, ni vaisselle, ni horloge, ni confortable d'aucune sorte, sauf parfois quelques braveries pour la femme aux jours de fête[25]. Si l'on veut savoir quelque chose de ses sentiments, on voit le mariage accompli comme une sorte de rapt ; le maitre de la maison jouissant d'une autorité absolue qu'il exerce brutalement ; la femme tenue dans une demi-servitude, fatiguée et déformée de bonne heure, portant tous les soucis de la maison, attelée comme une bête à la charrue, accablée du fardeau d'une maternité stérile, car les enfants en bas âge meurent comme des mouches, et, malgré le nombre des naissances, les familles sont relativement peu nombreuses ; les enfants eux-mêmes à peine sortis de la première jeunesse, mis au travail selon les autres vers de la chanson : Ce pauvre laboureur N'a trois petits enfants Les mit à la charrue à l'âge de dix ans[26]. L'hiver seulement, quelques-uns d'entre eux envoyés chez l'écolâtre pour y recueillir le rudiment d'une instruction qui se borne toujours à la Croix de par Dieu, au psautier et à quelques mots de latin ; la famille enfin conservant, dans beaucoup de pays, la constitution robuste mais rude du Moyen Age, avec les servitudes de la communauté taisible, la vie d'une ruche, et la routine du même pot, feu et chanteau. De la politique, le paysan ne connaît guère que le nom du roi, les exigences du seigneur, les soldats, les impôts, le créancier et la corvée[27]. À la religion, il tient d'une foi naïve, comme la mère de Villon : Femme je suis povrette et ancienne Ne riens ne sçay ; oncques lettres ne leuz ; Au monstier voy, dont suis paroissienne Paradis peinet où sont harpes et luz Et ung enfer ou damnez sont boulluz : L'ung me faict paour, l'aultre joye et liesse. Mais il reste aussi très attaché aux superstitions antiques. Il se rend en procession aux fontaines et aux pierres druidiques ; il écoute, en frémissant, le bruit du vent dans les feuilles des forêts profondes: il observe, au matin, les traces légères, laissées sur le gazon par la ronde des fées ; parfois il trouve, au bout du sillon, la mâche pleine de poils de chèvre que le faitaud derrière un rocher surveille et voit rompre avec un éclat de rire. Les bois, les landes, les cavernes, les houles que la mer creuse sous le sol ébranlé, son imagination les peuple d'un monde subtil, prompt, ironique, apparaissant et disparaissant, souvent pour lui nuire, rarement pour lui venir en aide. Il croit aux sorciers et il les bride ; il craint les maléfices, les sorts, l'aiguillette nouée. À Noël, il chante au Gui l'an neuf, et à la Saint-Jean, dansant comme ses ancêtres autour des grands feux allumés en plein midi, il rend, comme eux, un culte inconscient au: soleil qui flamboie dans le ciel et qui va fécondant la terre maternelle. Son seul souci est la terre. Il ne pense qu'à elle. Il la couve ; il la veut. Où en est-il de cette lente conquête ? Plus avancé déjà que sa grande misère ne permettrait de le supposer, il commence à voir son rêve se réaliser. Il a tout sacrifié à ce progrès et à celui de la liberté civile, tous deux corrélatifs, et, en somme, ses sacrifices n'ont pas été vains. Il n'ira peut-être pas en Europe, à cette époque. un pays où il y ait moins de servitude rurale que chez nous. Sauf dans quelques régions de l'Est, encore à demi-allemandes, le paysan français est libre. Il a son bien à lui, dont il dispose à son gré et que, sentant sa mort prochaine, il partage entre ses enfants. Les petits propriétaires, ceux que le jurisconsulte définit en termes précis : Qui sua jura colunt et in rem suam villatica tractant negotia[28], ceux-là se multiplient. Le seigneur qui est venu à la cour, portant, comme nous l'avons dit, ses prés et ses moulins sur les épaules, ce seigneur a trouvé acquéreur : c'est le paysan, le vilain, le serf de jadis[29]. Une fois le coin de terre acquis, il est jalousement gardé. Il suit le sort de la chaumière habitée par des générations successives, ... et qui de père en fils, L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean transmis. C'est aux dépens de la noblesse laïque, de la noblesse de cour, militaire et dépensière, que s'esquisse cette mainmise sur la propriété rurale par le paysan. Le domaine ecclésiastique se défend mieux. Il est mieux géré. La vie d'ailleurs y est plus douce ; la durée des conductions plus longue ; le paysan y est plus ménagé. Au clé-but d'un établissement de trente années, parfois d'un demi-siècle, il peut se croire propriétaire. Il se dit que sa peine lui profitera, à lui ou à ses descendants. L'immensité des domaines ecclésiastiques n'en compte pas moins, avec la lourdeur des impôts royaux, et avec les dernières vexations seigneuriales, parmi les causes qui contribuent le plus à arrêter le progrès tenace du paysan français. La période qui va s'ouvrir pour lui est peut-être la plus pénible de toutes. Déjà il a entrevu une amélioration, déjà il a goûté aux charmes du travail indépendant et de la propriété libre, et il semble qu'une réaction se prépare. Moins bien défendu par la royauté, il doit attendre encore, sous le froid et la bise. Pendant tout ce siècle, c'est la guerre en permanence, ce sont les impôts, c'est la famine. Le pillage et la terreur vident les champs et repeuplent les forêts primitives. Tous ces maux le paysan les endurera encore, sans perdre son calme et sa confiance en l'avenir. A l'automne, il sort des bois et il sème. On dirait qu'il sait que des jours meilleurs se lèveront et que ce grand travail auquel le monde est en proie, que ces passions qui s'agitent, que cette unité qui se forge, que ce despotisme niveleur qui s'étend sur la nation, que toute cette besogne politique et sociale dont il ne connait encore que les maux, se fait pour lui et que l'heure approche où, en face des privilégiés qui le dédaignent et de la royauté qui l'oublie, se dressera, définitive, la Révolution des paysans. |
[1] CAREW, dans BIRCH.— V. aussi HURAULT dans ses Discours d'État (p. 80-81).
[2] V. aussi ROMAN, Récit inédit de la guerre des paysans du Dauphiné, en 1578, analysé par G. PICOT dans la Revue des sociétés savantes, VIIe série (1880, t. III, p. 70).
[3] Relation de CAREW, État de la France sous Henri IV, dans BIRCH (p. 427 et 461).
[4] Perroniana (p. 231).
[5] Relation de MATTEO DANDOLO, 1512 (Albéri, série I, vol. IV, p. 32). — Je citerai encore les paroles si dures de RICHELIEU dans son Testament politique : Tous les politiques sont d'accord que si les peuples étaient trop à leur aise, il seroit impossible de les contenir dans les règles qui leur sont prescrites par la raison et par les Lois... Il les faut comparer aux mulets qui étant accoutumés à la charge, se gîtent par un long repos plus que par le travail. Éd. FONCEMAGNE (t. I, p. 225).
[6] Livre des proverbes, de LEROUX DE LINCY, au mot France.
[7] LOYSEAU. — Les grosses cités, que font-elles, dit LANOUE, sinon tirer tous les profits qu'elles peuvent, sinon faire bruire leurs privilèges et jeter sur le pauvre peuple champêtre toutes les charges et misères, lequel estant encore pincé par la subdile main des financiers, c'est merveille de quoi il subsiste. (Discours polit. et milit. cité par DE RIBBE, p. 111.) — M. LÉOPOLD DELISLE lui-même, dont les conclusions sont plutôt optimistes et dont le travail est consacré à une des régions les plus fertiles de la France, dit: Sous le règne de Henri IV, la plupart des paysans étaient plongés dans une misère dont les plus mauvais temps du Moyen âge peuvent à peine fournir un second exemple. — Voir aussi le passage vraiment touchant que cet auteur emprunte au Formulaire des Esleus, de LA BARRE, écrivain du seizième siècle, Classes agricoles en Normandie (t. I, p. 648), et enfin la relation de PIETRO DUODO (p. 157).
[8] Lettres (t. II, p. 31).
[9] C'est le proverbe français : Contentement passe richesse ; et l'autre, extrait du Proverbe au Vilain : Ki pains a et sauté — riches est, si ne l'sait — ce dist le villain ; et l'autre enfin, si modeste et si résigné : de petit petit et d'assez assez.
[10] Voir les textes réunis par BONNEMÈRE, Histoire des paysans, 1874, in-12° (t. II, p. 93).
[11] Ce serait être injuste pour l'histoire de l'ancienne France que de méconnaître ces heureux moments. La gaieté rustaude du paysan, quand la moisson avait été bonne ou la vendange abondante, est rendue, en des traits souvent expressifs, dans le poème de CLAUDE GAUCHET, le Plaisir des champs, publié en 1583. On dirait une copie des fameuses tapisseries, les Quatre Saisons. Voir les extraits qu'en donne BABEAU, dans sa Vie rurale dans l'ancienne France (p. 327).
[12] Paroles d'un géographe du quinzième siècle, citées par L. DELISLE, Études sur la classe agricole en Normandie, Introduction (t. I, p. 8).
[13] Sur les sentiments de la classe agricole au Moyen âge et sur son bien-litre relatif, il n'y a pas de renseignements plus complets que ceux qui ont été réunis par L. DELISLE, dans l'ouvrage qui vient d'être cité.
[14] Sur l'origine, la destinée, les avantages et les inconvénients de l'indivision agricole ; sur les principes du Moyen âge en cette matière, si différents de ceux de notre Code civil et de la maxime anti-féodale : nul n'est tenu de rester dans l'indivision, il faut comparer : DONIOU, Classes rurales (p. 74 et suiv.) ; DARESTE, Classes agricoles (p. 232-244) ; BONNEMÈRE, Histoire des paysans (t. II, p. 476 et suiv.).
[15] Voir le chapitre de M. FUNCK-BRENTANO dans son Introduction au Traité de l'Économie politique de MONTCHRESTIEN (p. 32) : Le régime patronal et le Moyen âge.
[16] Ch. LXV, n° 37. Texte cité par DONIOU (p. 72). Voir d'ailleurs toute la dissertation de celui-ci (p. 106, 121-123, etc.).
[17] Les forêts couvraient encore au seizième siècle le sixième du territoire. — Sur la façon dont on divisait les forêts en longs boyaux, sur lesquels les paysans installaient leurs cabanes, et, au centre de ces villages, la Grange abbatiale et l'église, Voir L. DELISLE (t. I, p. 393-397).
[18] C'est le titre d'un ouvrage de LOYSEAU.
[19] Ordonnance de Blois de 1499, d'Orléans de 1561, etc.
[20] Tous les commentaires des coutumes contiennent de longs développements sur la matière des droits seigneuriaux. Beaucoup d'entre eux admettent sans conteste non seulement le droit, mais l'exaction seigneuriale, comme la coutume du Nivernais quand elle dit : Hommes et femmes de condition servile sont taillables par le seigneur à volonté raisonnable, une fois l'an, pour payer la taille à eux imposée, au terme de la Saint-Barthélemy. Voir le commentaire de GUY COQUILLE, Œuvres (t. II, p. 150).
[21] C'a été de tout temps, l'honneur de la noblesse française d'habiter aux champs n'allant aux villes que pour faire service au Roy et pourvoir aux affaires pressées. OLIVIER DE SERRES, Théâtre d'agriculture (II, 1001).
[22] Voici un fait, entre mille autres, raconté par l'abbé LEDRU, dans son Étude sur le maréchal de Bois-Dauphin (p. 116) : Les habitants de Grange apprennent la présence des troupes dans leurs parages (anno 1615) ; ils se réfugient dans l'église bonne pour coups de main. Bois-Dauphin arrive à Grange, fait tirer des coups de canon, forcer la porte et finalement fait pendre quatre paysans qui, au dire même de Bassompierre, n'avaient commis d'autre crime que de vouloir se garer de la rapacité du prévôt de l'armée, assez bon voleur.
[23] Dans les Variétés histor. et litt. (I. VI, p.51 et suiv.).— On a souvent cité un passage du discours de SAVARON aux États : Sire, ce ne sont point des insectes et des vermisseaux qui réclament votre justice et miséricorde : c'est votre pauvre peuple ; ce sont des créatures raisonnables ; ce sont des enfants dont vous êtes le père... Que diriez-vous, Sire, si vous aviez vu, dans ces pays de Guyenne et d'Auvergne, les hommes paître l'herbe à lu manière des bêtes !... et cela est tellement véritable, que je confisque à V. M. mon bien et mes offices, si je suis convaincu de mensonges. Personne ne protesta contre ces affirmations qui empruntent aux circonstances dans lesquelles elles se produisirent, un caractère d'authenticité incontestable. V. FLOR. RAPINE (1re partie, p. 198).
[24] Voir tout le texte de la chanson, publiée par BABEAU, La Vie rurale dans l'ancienne France (p. 359). — Presque toujours, le paysan est armé, de peur des brigands : Un paysan armé, comme ils le sont presque tous, en ce pays-là. Mém. de J.-CH. DE THOU (p. 82). — En 1592, des paysans Lafleur, Davideau. Colombet, sont au cabaret dans un village du Poitou. Une rixe s'élève entre eux. Lafleur tire l'épée, Colombet aussi, et Lafleur est tué. V. la lettre de rémission dans Archives des Aff. Étrangères. FRANCE, Galeries (n° 20, f° 19).
[25] Sur tous ces points, voir les textes réunis par BABEAU dans sa Vie rurale. Il est important de distinguer, dans son travail, ce qui se rapporte au dix-septième ou au dix-huitième siècle. C'est vers 1750 seulement qu'une sorte d'aisance générale commence à se répandre dans les campagnes. — Observons encore qu'il n'y avait pas ou peu d'argent comptant, pas de valeurs mobilières, et que les meubles ou les animaux étaient toute la fortune, en dehors de la terre. Aussi, chez les gens riches, chez les nobles ou chez les bourgeois, on trouve un luxe de mobilier qui fait un contraste d'autant plus marqué avec la pénurie du paysan. Voir, à ce sujet, Livre de raison d'une famille de Brive au seizième siècle (La famille Maillard). Lecture faite au concours des sociétés savantes, 1879, préface (p. 37).
[26] Dans le conte populaire de Petite bagnette, la vieille mère veut mettre son fils à la besogne, dès sept ans. Il lui demande d'attendre qu'il ait atteint sa quatorzième année. SÉBILLOT, Contes des paysans et des pécheurs, 1881, in-12° (p. 137).
[27] LA FONTAINE, la Mort et le Bûcheron.
[28] R. CHOPPIN, cité par DONIOU, (p. 326).
[29] Ce mouvement avait été marqué, surtout dans la première moitié, du seizième siècle, avant les guerres civiles : Au cours du seizième siècle, dit PIGEONNEAU, il se produisit, par suite de la découverte des mines d'or du Pérou, une surabondance de numéraire qui eut pour résultat le renchérissement général des salaires et des denrées. Tous les anciens droits et arrérages, cens, rentes, etc., se trouvent diminués proportionnellement, d'autant, au montent où la vie cade plus cher ; la noblesse s'endette: elle engage ou vend ses terres au bourgeois, elle traite avec ses vassaux du rachat des droits féodaux ; tandis que le paysan qui vit de sa terre, qui n'achète rien. qui profite tout à la fois de la dépréciation de l'argent pour le paiement des uns et de la hausse des denrées pour la vente de ses produits, s'enrichit à mesure que le seigneur s'appauvrit. Il marche peu à peu à la conquête du sol. Histoire de Commerce (I, p. 198) — Dans le même sens, DONIOU (p. 305).