Espérances des partis monarchistes après le 24 mai. — Toujours la fusion. — Le comte de Paris à Frohsdorf. — Réconciliation des deux branches de la maison de Bourbon. — Divergences entre orléanistes et légitimistes. — Le pays et la campagne monarchique. — Réunion du 25 août de la commission de permanence. — Question du duc d'Audiffret-Pasquier sur la possibilité de la restauration. — Mission Merveilleux du Vignaux et de Sugny à Frohsdorf. — Note du comte de Chambord à M. Ernoul et lettre du même à M. de Rodez-Bénavent. — Réunion du 25 septembre de la commission de permanence. — On décide, pour le 4 octobre, une réunion des bureaux des quatre groupes de droite. — Mission Combier à Frohsdorf. I Le territoire était libéré ; la guerre de 1870 et ses suites funestes appartiennent désormais à l'histoire. La France mutilée se reprenait à l'existence. Mais elle n'avait pas retrouvé son équilibre intérieur. Elle ne savait pas encore sous quel régime elle s'organiserait pour mener la vie nouvelle et plus étroite à laquelle sa défaite l'avait réduite. Les événements s'enchaînent : les mêmes semaines qui virent la libération du territoire assistèrent à la crise qui surexcita et ruina les dernières espérances monarchiques. La dynastie des Bourbons, la plus ancienne de l'Europe, dont le passé était lié, depuis des siècles, au développement et la gloire de la France, la dynastie des Bourbons, trois fois renversée et trois fois restaurée, ayant gardé la confiance et l'amour d'un grand nombre de bons citoyens et, en somme, le respect de tous, allait perdre ses dernières chances ; et cela, non dans une de ces catastrophes héroïques ou sanglantes qui accompagnent d'ordinaire ces grandes chutes, mais dans la plus mesquine des dissensions verbales, en s'enlisant dans un marécage de pourparlers et de polémiques d'autant plus pénibles que la figure du prétendant n'en reste pas moins noble et digne. Peu de faits historiques furent, à la fois, plus considérables et plus minces, plus émouvants et plus médiocres, plus compliqués et plus simples. Une tragi-comédie aux cent personnages divers, un spectacle où apparurent au naturel les caractères, les traits, les qualités, les défauts de la nation et de la génération ; un débat où l'indiscipline de tous eût suffi pour démontrer l'impossibilité de restaurer l'autorité d'un seul ; des péripéties multiples ; une issue soudaine et obscure ; des incidents comiques mettant au premier rang des figures imprévues ; au chœur, une mélopée déplorant le sort du dernier descendant des rois ; en sourdine, l'accompagnement ordinaire de ces événements — le jeu des grandes et des petites passions humaines, — tel fut ce drame singulier. Rarement une cause plus haute eut une ruine plus soudaine et plus absolue ; rarement on abolit de plus fiers titres avec une loyauté plus parfaite ; rarement on s'égara plus complètement avec de meilleures intentions. Il s'agissait de la France, d'un peuple vigoureux et nerveux, à la tête chaude, à la main prompte, habitué, depuis près d'un siècle, à intervenir dans ses affaires, ou, du moins, à être consulté. On prétendit disposer de lui, sans lui. On négligea sa volonté, comptant qu'il accepterait par surprise ce qu'il rejetait ouvertement. On crut que des procès-verbaux de commission équivaudraient à des chartes solennelles. Ainsi, des hommes de bonne volonté se jetèrent, avec une pleine confiance, au-devant de la plus cruelle désillusion. Des esprits sérieux, de belles intelligences, de nobles cœurs, gonflés de l'importance représentative, s'appliquèrent à une œuvre vouée d'avance à l'insuccès. Les plus fins jouèrent au plus fin et furent pris à leur propre piège. On fit une grande dépense d'habileté, de talent et de candeur pour partager la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Cette histoire commence dès les derniers jours de juillet 1873 ; elle dure jusqu'à la rentrée de l'Assemblée nationale, y compris la journée et la nuit du 19 novembre, où fut votée la prorogation des pouvoirs du maréchal. Tous les incidents furent liés en une trame enchevêtrée qui aboutit au résultat prévu par peu, préparé par quelques-uns. Voilà ce qu'il faut bien comprendre pour mettre les choses à leur place et reconnaitre à chaque événement sa portée et ses proportions. Il faut encore admettre, dès le début, pour la clarté nécessaire, que la partie fut engagée surtout entre les deux branches de la dynastie, en présence de la galerie passionnée, mais mal renseignée. Ce furent de savantes passes d'armes exécutées selon les formes de la plus parfaite courtoisie, où personne ne voulut faire un pas ni reculer d'un pouce. Le tournoi eut pour juges du camp, d'une part le maréchal-président, et d'autre part la nation, qui, l'un d'abord, l'autre ensuite, curent le dernier mot et obtinrent le gage du combat. Sous le couvert d'une entreprise purement conservatrice, le 211 Mai avait été le prologue d'une tentative de restauration monarchique. On l'a discuté depuis : mais les témoignages et les faits concordent ; cette pensée était générale alors chez les principaux intéressés. Tout poussait les partisans de la royauté à précipiter les événements : les résultats alarmants des élections partielles de plus en plus favorables à l'idée républicaine ; la reprise normale de la vie de la nation par la libération du territoire ; la lassitude universelle de l'attente et du provisoire[1] ; l'espèce d'interrègne ouvert par ln chute de M. Thiers ; la constitution du nouveau cabinet composé d'hommes sûrs et, enfin, la présence, au palais de la présidence, d'un maréchal qui ne demandait qu'à en sortir[2]. Pour des raisons de doctrine et des raisons de tactique également fortes, la grande majorité des monarchistes pensait qu'une tentative de restauration n'aurait des chances de succès que si elle était précédée d'une réconciliation entre les deux branches de la famille de Bourbon et de la fusion entre les deux partis. Il fallait effacer 1830[3]. Là, également, les circonstances étaient favorables. Le comte de Chambord n'avait pas d'enfant, et comme il ne pouvait plus espérer en avoir, le comte de Paris était son héritier direct. En somme, la branche cadette avait été trop pressée : la nature l'avait, mieux qu'une révolution, rapprochée du trône ; la politique n'avait plus qu'à seconder la nature, eu abolissant les derniers obstacles qui s'opposaient à l'union complète des intérêts, des sentiments et des doctrines. On se souvient qu'aussitôt après l'élection de l'Assemblée nationale, certaines personnes, dont les relations avec les princes d'Orléans étaient notoires, et particulièrement, Mgr Dupanloup, s'étaient entremises. A la suite de la réunion de Dreux, à fa lin de mars 1871, on avait conçu le projet d'une entrevue entre le comte de Chambord et le comte de Paris. Le 10 juin, le comte de Paris annonçait sa visite au comte de Chambord. Celui-ci, par une note du 2 juillet, avait prié son cousin de surseoir. Le 5 juillet, il avait publié son premier manifeste sur le drapeau blanc. Cette précaution prise, il avait fait savoir qu'il recevrait volontiers le comte de Paris, du S au 16 juillet, à Bruges ; mais le comte de Paris avait alors renoncé à son projet, non sans faire remettre, entre les mains du chef de sa famille, la note suivante : Monsieur le comte de Paris est très reconnaissant à Monsieur le comte de Chambord de lui avoir donné connaissance de ses résolutions. Il rend justice à la loyauté parfaite du procédé. Il pense que la visite qu'il serait toujours disposé à lui faire risquerait, dans les circonstances actuelles, d'amener des explications qu'il lui paraît préférable d'éviter. C'est le motif qui la lui fait ajourner[4]. On comprend maintenant la portée des déclarations que le
comte de Chambord assénait, à coups répétés, sur le groupe des conciliateurs
trop zélés : La France m'appellera et je viendrai à
elle tout entier, avec mon principe et mon drapeau. A l'occasion de ce drapeau, on a parlé de
conditions que je ne dois pas subir... Le
seul sacrifice que je ne puisse faire, c'est celui de mon
honneur...[5] Le 25 janvier 1872, le prétendant avait écrit encore : Par mon inébranlable fidélité à ma foi et à mon drapeau, c'est l'honneur même de la France et son glorieux passé que je défends ; c'est son avenir que je prépare. Rien n'ébranlera mes résolutions, rien ne lassera ma patience, et personne, sous aucun prétexte, n'obtiendra de moi que je consente à devenir le roi légitime de la révolution... N'était-ce pas assez clair ? Le comte de Chambord avait
repris la plume pour adresser à Mgr Dupanloup, le 6 février 1873, la fameuse
lettre si dure, — si dure pour l'évêque et si dure pour les princes
d'Orléans, — où il stigmatisait directement ceux
qui, tout en reconnaissant la nécessité du retour à la monarchie traditionnelle,
veulent au moins conserver le symbole de la révolution[6]. La position
était donc exactement telle que la définissait M. de Falloux, dans la conférence
tenue, le 3 janvier 1872, chez M. de Meaux : M. le
comte de Chambord s'est prononcé récemment pour le drapeau blanc ; les
princes d'Orléans persistent il croire que la France ne peut être amenée à la
répudiation du drapeau tricolore... et le
représentant du principe d'hérédité demeure séparé de ses héritiers[7]. Les dispositions du comte de Chambord étaient publiques. Quant à celles du comte de Paris, elles sont définies, non moins clairement, par un partisan zélé de la fusion, M. Audren de Kerdrel, dans une lettre qu'il adressait, en mai 1872, à ce prince. Je sais qu'une des principales raisons qui ont empêché Monseigneur d'aller voir M. le comte de Chambord a été la crainte de paraître, par cela même, adhérer à la proclamation du drapeau blanc faite par le roi, proclamation qui, acceptée par vous, vous aurait fait perdre toute influence sur le parti orléaniste, dont, vous ne vouliez ni ne pouviez vous séparer sans un notable préjudice pour la cause monarchique[8]. Le 28 mai 1872, le duc d'Aumale, au cours de la discussion de la loi militaire, affirma ces sentiments des princes d'Orléans au sujet du drapeau tricolore, qu'il qualifia de drapeau chéri. Il semblait qu'après cette manifestation si éclatante, il n'y avait plus qu'à constater le désaccord et à attendre les événements. Mais le besoin d'une combinaison était tel que deux députés éminents, MM. Audren de Kerdrel et de Dampierre, estimèrent, au contraire, que la visite du comte de Paris à Frohsdorf pouvait désormais avoir lieu sans inconvénient, puisqu'après la déclaration du duc d'Aumale, cette démarche ne pouvait plus être considérée comme une adhésion au drapeau blanc. L'ère des malentendus commençait. Ces deux députés gagnèrent à leur avis MM. de Maillé, de Meaux et de Cumont, délégués des légitimistes à Dreux en 1871, et vis-à-vis desquels l'engagement avait été pris, par les princes d'Orléans, de se réconcilier avec le chef de leur famille. Tous les cinq résolurent de pousser vers Frohsdorf le comte de Paris et le conjurèrent de donner ainsi aux royalistes le gage qu'on leur avait donné le droit d'attendre. Ils virent successivement le comte de Paris et le duc d'Aumale. Pressé vivement, le comte de Paris resta calme et froid. En suivant l'avis des délégués, il craindrait d'agrandir le fossé qui le séparait du chef de sa race, au lieu de le combler. Il demanda à ses interlocuteurs de voir le duc d'Aumale et il les annonça lui-même à son oncle : — J'ai là, lui dit-il, cinq gaillards qui viennent de me serrer furieusement l'écrou, vous me feriez plaisir de les recevoir. Le duc d'Aumale, raconte un des interlocuteurs, se montra peut-être encore plus conciliant que son neveu. —Il est de mode, dit-il, de faire de moi le démocrate de la famille, de me dire même républicain. C'est injuste et c'est faux. Je n'ai plus d'enfants, c'est le comte de Paris, héritier légitime du trône, qui est mon fils adoptif, je serais bien fou, dans ces conditions, de ne pas vouloir la monarchie. Eh bien, qu'il dise, là, devant vous, si c'est moi qui l'empêche de faire la démarche que vous lui conseillez, qu'il le dise ! Le comte de Paris était assis sur
le revers du canapé où était à demi étendu le duc d'Aumale, souffrant de la
goutte ; il répondit en souriant : — Non, non, mon oncle, ce n'est assurément pas
vous. Sur la question même, le prince dit
aux députés : — Ce que vous nous demandez est désirable, mais c'est difficile. Et il leur serra
la main à tous avec une force singulière et en laissant voir son émotion[9]. Les choses en
étaient là, quand éclata la crise du 24 mai. Le succès de cette journée ne pouvait
qu'accroître le désir de la fusion chez tous ceux qui en poursuivaient si
vivement l'entreprise. Avec une foi singulière, ces partisans de la monarchie unie, selon le mot de M. Thiers, crurent qu'il serait encore possible d'amener le comte de Chambord à modifier des sentiments si nettement exprimés et qui, pourtant, selon son expression, engageaient non seulement le principe, mais l'honneur. Ils le crurent, ou peut-être pensaient-ils qu'en dernière analyse, il fallait savoir à quoi s'en tenir, pousser le prince dans ses retranchements, et, comme on l'a dit encore, le mettre au pied du trône. L'initiative appartient au duc de Broglie. Dans le courant du mois de juillet, il s'adressa à un confident intime du comte de Paris, le vicomte d'Haussonville, et lui dit : Occupant la situation que nous occupons aujourd'hui dans l'Assemblée et dans le pays, nous serions impardonnables si nous.ne tentions pas de reconstituer la monarchie. Il y aurait lieu d'avertir le comte de Paris. A lui de faire ce qu'il croit devoir faire. Ainsi autorisé, le vicomte d'Haussonville écrivit au comte de Paris une lettre pressante. Il ne reçut aucune réponse. Cependant, dans l'entourage des princes d'Orléans, on remuait depuis longtemps le projet d'une visite à l'improviste du comte de Paris auprès du comte de Chambord. Vers la fin de 1872, M. de Villemessant, rédacteur en chef du Figaro, s'était présenté chez le comte de Paris, qu'il ne connaissait pas, et lui avait dit : Monseigneur, on prétend que vous êtes l'empêchement à la restauration et que si M. le comte de Chambord ne cède pas à la prière de ses amis... c'est qu'il redoute un piège. A votre place, j'irais chez M. le comte de Chambord en lui disant : Mon cousin, me voilà ! M. de Villemessant était rond en affaires ; mais il était bien renseigné. En effet, du côté du comte de Chambord, il y avait de la défiance. Depuis longtemps, M. Thiers, dont l'action occulte est très sensible dans tous ces événements, répandait sur le comte de Paris des propos peu bienveillants : — Je le connais, disait-il en propres termes, c'est un rusé, un ambitieux et celui de tous les princes de la famille dont il faudra le plus se méfier[10]. Ces appréciations avaient pu naitre d'elles-mêmes dans l'entourage du comte de Chambord. Quoi qu'il en soit, on se tenait là sur la réserve, lèvres pincées, aux écoutes[11] ! La vérité est que le comte de Paris, esprit très avisé et très prudent, dirigeait, d'une main ferme, son parti et ses amis. Rien ne se faisait sans lui. Le but de ses efforts était assurément la restauration de la dynastie par l'union de la famille royale. Mais il entendait aussi rester fidèle aux idées libérales qui avaient été le programme de la monarchie de Juillet et aux directions qu'il tenait de son père, le duc d'Orléans[12]. Le 17 juin 1871, le comte de Paris écrivait à M. Adrien Léon, député de la Gironde : ... Quant aux questions d'avenir, je comprends toutes les incertitudes qu'elles jettent dans certains esprits attachés comme vous, non seulement aux principes libéraux, mais à tons les souvenirs du gouvernement qui les avait appliqués. Quant à moi, j'en suis arrivé à la conviction qu'une entente des partis monarchistes est nécessaire pour fonder la monarchie constitutionnelle et libérale ; mais c'est au pays à dire s'il vent choisir cette forme comme celle de son gouvernement futur, et lui seul peut prendre une décision qu'aucun parti n'a le droit de lui imposer[13]. Un autre sentiment était non moins fort en lui, c'était la haine toujours vivace de l'empire. En somme, la succession des trois dynasties pendant la première moitié du XIXe siècle avait produit une cascade de discordes du prédécesseur au successeur qui subsistait sous l'apparent accord des partis conservateurs. Le jour même de la prorogation de l'Assemblée, le 29 juillet, le marquis de Dampierre réunit chez lui quelques-uns de ses amis, légitimistes et orléanistes, afin de s'entretenir avec eux des éventualités très prochaines, de la ligne à suivre et du but à atteindre. On délibéra et on pensa qu'il n'y avait pas de procédé plus efficace pour restaurer la monarchie que de proposer à l'Assemblée d'organiser la République : la proposition serait rejetée par un vote et, alors, la monarchie serait acclamée. On éviterait ainsi le grave débat pendant entre la souveraineté populaire et le droit héréditaire[14]. En outre, la réunion fut d'avis que la monarchie ne pourrait se faire qu'aux trois conditions suivantes : union étroite dans la maison royale, système constitutionnel sagement pondéré et accord — qu'on présumait très difficile — sur la question du drapeau. On parla de l'opportunité d'une visite du comte de Paris à Frohsdorf. Les amis des princes évitèrent de les engager et de se prononcer eux-mêmes. Cette réserve sur l'acte préalable à toute entreprise monarchique inquiéta, et M. de Meaux constate que plusieurs membres sortirent de la réunion fort découragés. Il est remarquable que, dès cette réunion préliminaire, l'expédient de la prorogation éventuelle des pouvoirs du maréchal de Mac Nation fut mis sur le tapis. Le 5 août, le vicomte d'Haussonville reçut la réponse à sa
lettre du mois de juillet. Elle était ainsi conçue : Vienne (souligné), 3 août 1873 : Mon cher ami, la date ci-dessus est, je crois,
la meilleure réponse que je pusse faire à votre lettre reçue à l'instant. Je
suis arrivé hier soir : j'ai demandé d'être reçu à F[rohsdorf] ; je n'ai
pas encore de réponse. J'ai la conscience tranquille. Je ferai pour le mieux
et désire, en tous cas, éviter tout ce qui ressemblerait à un éclat. Il vaut
mieux ne pas parler de moi et de mon voyage jusqu'à ce que je sois sorti du
défilé où je suis entré...[15] On voit combien la situation était délicate, même aux yeux de celui qui venait de la créer si résolument. Le voyage du comte de Paris avait-il été, comme on l'a dit, préparé par un échange de pourparlers officieux entre les cours de Belgique et d'Autriche[16] semble plutôt qu'il ait été tout spontané, quoique mûrement réfléchi. Le comte de Paris conservait des doutes sur le succès de sa démarche puisqu'il tenait beaucoup à ce qu'elle ne fût pas connue du public avant d'avoir réussi. On avait répandu le bruit d'un voyage du prince à Vienne pour visiter l'exposition universelle, où la France, malgré ses revers récents, occupait une place très brillante. Le 31 juillet, le comte de Paris avait quitté Eu pour se rendre ostensiblement, avec sa femme et ses enfants, à Villers-sur-Mer, petite plage près de Trouville ; mais il était venu le même jour à Paris et était parti immédiatement pour Vienne, en compagnie de son oncle le prince de Joinville et muni d'un passeport au nom du comte de Villiers. Arrivé dans la soirée du samedi 2 août, il était descendu au palais Cobourg. Dès le 2 août, les journaux de Paris, éventant le secret et l'incognito, annonçaient la présence du prince à Vienne et le projet d'une visite au comte de Chambord. Il avait été reconnu, en traversant la suisse, par un ami de la famille Bonaparte, qui prévint aussitôt l'impératrice Eugénie, alors à Arenenberg. Ou assure aussi que l'indication émanait de chez M. Thiers. M. Barthélemy Saint-Hilaire aurait communiqué la nouvelle au National et à la Correspondance républicaine[17]. Le dimanche matin, 3 août, le comte de Paris expédia un télégramme à Frohsdorf : Le comte de Paris, arrivé hier soir à Vienne, prie Monsieur le gentilhomme de service de demander à Monsieur le comte de Chambord quand et où il voudrait bien le recevoir. Signé : L.-P. d'Orléans. Quand la dépêche arriva, le comte de Chambord se promenait dans le parc, à la sortie de la messe[18], avec M. de Vanssay. C'était en pleine canicule : Il n'attendait personne ; il crut à quelque démarche importune et tendit le télégramme à M. de Vanssay. Celui-ci ouvrit le pli et poussa un cri d'étonnement. Le comte de Chambord en prenant connaissance de la dépêche du comte de Paris eut un mouvement de surprise et de joie[19]. Il réfléchit. Après un assez long silence, il tira sa montre : il était midi et demi. Le train express partait à trois heures. Il donna l'ordre à M. de Vanssay de le prendre et d'aller régler l'affaire avec la personne qui accompagnait le prince. M. de Vanssay déclina, d'abord, une mission si délicate ; la volonté du prince étant formelle, il demanda, du moins, des instructions écrites. Le comte de Chambord, très ému, rentra dans son cabinet et rédigea une note à la hâte. Les intérêts les plus chers de la France exigeant, d'une façon impérieuse, que la visite faite, dans la situation présente, par S. A. R. Monsieur le comte de Paris à Monsieur le comte de Chambord, ne puisse donner lieu à aucune interprétation erronée, Monsieur le comte de Chambord demande que Monsieur le comte de Paris, en l'abordant, déclare qu'il ne vient pas seulement saluer le chef de la Maison rie Bourbon, mais bien reconnaitre le principe dont Monsieur le comte de Chambord est le représentant, avec l'intention de reprendre sa place dans la famille. Dans ces conditions, Monsieur le comte de Chambord sera très heureux de recevoir la visite de Monsieur le comte de Paris. Frohsdorf, 3 août 1873[20]. Par ordre, le comte Henri de Vanssay adressa immédiatement au comte de Paris le télégramme suivant : l'honneur de me présenter dans la soirée au palais Cobourg pour porter à Son Altesse Royale la réponse à son télégramme. Le procès-verbal rédigé sur le moment même et les Souvenirs inédits du comte de Vanssay permettent de préciser les détails de cette importante journée : Je pris le train à 3 heures 45, dit M. de Vanssay, avant l'ordre de m'aboucher avec le Monsieur qu'on supposait devoir accompagner le prince, de m'en tenir rigoureusement, dans ma délicate mission, à l'esprit et à la lettre de la note ci-dessus et de tenir, avec l'assentiment du comte de Paris, un procès-verbal. M. de Vanssay rencontra le prince au moment où celui-ci entrait au palais. L'accueil du prince fut cordial, bon enfant et très simple. M. de Vanssay remercie et demande à être mis en rapport avec la suite du prince : — Mais je suis seul, répond celui-ci. Mon embarras fut grand, écrit M. de Vanssay, en apprenant que je serais obligé de remplir directement ma mission. Les premières paroles nie donnèrent aussitôt l'occasion d'entrer dans le vif de la question. — Voyons, me dit-il, ce que vous avez à me communiquer de la part de mon cousin, je désire lui porter le plus tôt possible mes respectueux hommages. — Monsieur le comte de Chambord, répondis-je, sera très heureux de recevoir la visite de Votre Altesse Royale, mais il entend donner à cette démarche, dont il a été vivement touché, une signification plus accentuée. les relations de famille ne pouvant être utilement renouées qu'après la reconnaissance du principe dont il est le représentant. Le comte de Paris était visiblement embarrassé : — Je comprends, dit-il, l'exigence de M. le comte de Chambord, et je suis prêt à m'y soumettre. — Et à part lui, le comte de Paris disait : C'est capital ! c'est capital ! Mais, mes amis ! mes amis ! M. de Vanssay fit allusion aux bruits qui couraient sur le stathoudérat possible du duc d'Aumale. Le comte de Paris l'arrête aussitôt et dit qu'il parle au nom de toute sa famille, que sa démarche est faite avec l'assentiment de tous ses oncles. Le combat se livrait dans l'âme du prince, sous les yeux de M. de Vanssay. C'est alors que celui-ci crut devoir tirer de sa poche la note que M. le comte de Chambord lui avait remise ; il la présenta au comte de Paris. Désappointement très marqué : je m'efforçai, relate M. de Vanssay, de l'atténuer en disant que cette note ne contenait rien de nouveau, que Monseigneur n'avait jamais tenu d'autre langage, et qu'il serait inébranlable sur ce point. Le comte de Paris, aussitôt, perd toute cordialité, prend un air froid, met la note qui lui est tendue dans sa poche sans la lire et dit à M. de Vanssay qu'il a besoin de réfléchir, que si M. le comte de Chambord croit qu'il serait mieux de remettre une fois encore la visite, il est prêt à retourner à Paris sans aller à Frohsdorf. M. de Vanssay s'efforce de rendre le calme à l'esprit du prince. Mais l'heure avançait. Le comte de Paris lui annonce sèchement qu'il est attendu à dîner chez sa tante, la princesse Clémentine. M. de Vanssay se retire, à demi satisfait. Il regagne Frohsdorf, où il trouve à comte de Chambord impatient et nerveux. Le lundi 4, continue M. de
Vanssay, j'étais à l'heure fixée au palais Cobourg.
Le prince paraissait moins pressé d'aller à Frohsdorf. Son projet était
toujours le male : mais il avait demandé une audience de l'empereur...
Il était plus froid encore que la veille... Enfin, le prince me déclara avec une certaine émotion,
qu'il avait très profondément réfléchi, que la condition imposée par
Monseigneur était très capitale, qu'il en comprenait toute la gravité, mais
qu'il n'en était pas moins résolu à prononcer la phrase demandée ; il me fit
une légère observation sur la rédaction relative à sa place dans la famille,
non pas qu'il fit la moindre objection sur l'esprit de l'engagement qu'il
prenait très sincèrement ; mais il pensait que la même idée pourrait être
exprimée dans les termes d'une note qu'il tira de sa poche et qu'il me remit
en me priant de la soumettre à l'agrément de Monseigneur. Je lui demandai
l'autorisation[21] de prendre connaissance de ce document, et, sur sa réponse
affirmative, je lus à haute voix la note suivante : Monsieur le comte de Paris pense comme Monsieur le comte de Chambord qu'il faut que la visite projetée ne donne lieu à aucune interprétation erronée. Il est prêt, en abordant Monsieur le comte de Chambord, à lui déclarer que son intention n'est pas seulement de saluer le chef de la maison de Bourbon, mais bien de reconnaître le principe dont Monsieur le comte de Chambord est le représentant. Il souhaite que la France cherche son salut dans le retour à ce principe, et vient auprès de Monsieur le comte de Chambord pour lui donner l'assurance qu'il ne rencontrera aucun compétiteur parmi les membres de sa famille. Vienne, 4 août 1873. A sa grande joie, M. de Vanssay constata que tout, ce que demandait le comte de Chambord était accordé. Bien plus, on avait dépassé les désirs du prince dans l'expression de la reconnaissance de sou droit et de son principe... Dans l'entretien que M. de Vanssay avait eu avec le comte de Chambord, la veille au soir, celui-ci ayant réfléchi lui avait dit, en effet, que du moment qu'on traitait directement avec le comte de Paris, il n'y avait aucun procès-verbal, aucune note, aucun papier à demander et que la parole du prince suffisait[22]. Je n'hésitai pas à dire au comte de Paris, relate M. de Vanssay, pie, quant à moi, j'acceptais la rédaction de cette note et que je ne croyais pas trop m'avancer en affirmant que Monseigneur l'accepterait sans modification. J'avais à peine achevé ma phrase que le comte de Paris se levait avec un mouvement de satisfaction très prononcée, en disant : — J'irai demain à Frohsdorf. — Effectivement, ce matin 5 août, j'allais le chercher à Neustadt, au train de huit heures, avec une petite voiture découverte à deux places et un char à bancs pour le valet de chambre. Le comte de Paris était très ému et trouvait la route longue... Nous arrivâmes au château à neuf heures moins un quart. Monseigneur nous attendait dans le salon rouge : l'entrevue a été des plus cordiales ; abordant Monseigneur, Monsieur le comte de Paris a prononcé mot pour mot, sans en omettre un seul, la phrase convenue, à très intelligible voix et en présence de MM. de Chevigné, René de Monti et moi. Monseigneur l'a alors emmené dans ses appartements, oui ils sont restés seuls une grande demi-heure. On entendait le comte de Chambord dire, dans l'escalier, de sa grosse voix joyeuse : — Vous avez fait une bonne action. Le bon Dieu vous en tiendra compte. Vous avez bien fait de venir ainsi tout seul et tout droit. Et on entendait le comte de Paris dire qu'il avait été tout d'abord question de nommer une commission composée de cinq de ses amis chargés de régler, avec cinq des amis du comte de Chambord les détails de la visite, mais qu'il avait préféré venir et traiter directement et lui-même les choses[23]. Puis eut lieu la présentation à Madame, à M. le comte de Bardi, suivie du déjeuner, lequel a été fort animé, sans gène ni contrainte ; nous avons repris, à onze heures et demie, le chemin de Neustadt, et Monseigneur va demain, à Vienne, rendre la visite à Monsieur le comte de Paris, qui l'attendra à deux heures au palais Cobourg[24]. Dans le tête-à-tête d'une demi-heure entre les deux princes, le comte de Chambord s'informa cordialement des membres de la famille de son cousin ; on parla de politique générale. Le 3 août, le comte de Paris avait fait au comte de Vanssay la déclaration suivante, montrant bien son acquiescement au désir du comte de Chambord qu'aucune question controversée ne serait abordée : — J'ai des idées qui me sont personnelles, dit-il ; mon cousin a les siennes. Ce n'est que par son accord avec la nation qu'il peut les faire prévaloir ou les modifier. Je n'ai pas plus à les examiner qu'il ne saurait lui demander d'abdiquer les miennes[25]. Faisant allusion à cette déclaration, le comte de Chambord dit à son cousin, à let fin de leur conversation : — Croyez que je trouve tout naturel que vous conserviez les opinions politiques dans lesquelles vous avez été élevé ; l'héritier du trône peut avoir ses idées comme le roi a les siennes...[26] Le 6 août, le comte de Chambord rendit au palais Cobourg, la visite qu'il avait reçue de son cousin. L'entretien fut non moins cordial que la veille, mais conserva son caractère familial. Après le comte de Paris, tous les princes d'Orléans allèrent à Frohsdorf ; seul, le duc d'Aumale, qui présidait alors le conseil de guerre chargé de juger Bazaine, s'abstint. L'entrevue de Frohsdorf eut un immense retentissement en France et en Europe. On l'interpréta comme le premier acte d'une restauration de la monarchie. Telle fut l'impression générale. Mais il faut essayer de préciser les sentiments qui, de part et d'autre, se firent jour à la réflexion. A Frohsdorf, raconte M. Aubry, on communiquait aux visiteurs, avec une sorte d'abandon, tous les détails de l'entrevue et des négociations qui l'avaient précédée. On leur livrait, pour en prendre copie, le papier même sur lequel le comte de Paris avait, écrit de sa main les paroles historiques qu'il prononça en entrant dans le cabinet de son royal cousin[27]. Mgr Pie, évêque de Poitiers, était le conseiller habituel
de la petite cour de Frohsdorf ; on ne faisait rien sans lui. Le comte de
Vanssay lui adressa sans retard le procès-verbal du 5 août, en l'accompagnant
du commentaire suivant : Quel événement,
Monseigneur, que celui dont toute l'Europe s'entretient en ce moment ! Nous
sommes entrés bien évidemment dans cette phase providentielle où le bon Dieu
procède par des coups imprévus, inattendus, improbables, qui plongent dans le
néant les pauvres petites combinaisons humaines, afin de prouver que l'œuvre
est tout entière de sa main. Vous aurez compris, à la lecture de la dépêche adressée
à l'Union, que tout s'était passé, pour le fond et la forme, dans les
conditions de dignité, de sérieux et de cordialité qui donnent à cette
réconciliation un caractère vraiment rassurant pour l'avenir. Je n'ai pas
besoin d'ajouter que Mgr le comte de Chambord a exigé non seulement une
visite au chef de la famille, mais une reconnaissance expresse du principe
dont il est le représentant, excluant toute compétition sur le terrain
monarchique. La condition a été acceptée, après mûre réflexion, et, dans les
deux entrevues, le comte de Paris a fait preuve, dans les moindres détails,
d'un tact parfait[28]. Le comte de Chambord se déclarait personnellement très satisfait. Le fils du marquis de Dampierre passa les journées des 12 et 13 août à Frohsdorf. Le prince lui parla de l'événement de la semaine précédente. Monseigneur ne tarissait pas sur le bonheur qu'il éprouvait d'une démarche qui semblait lever tous les obstacles, raconte le marquis de Dampierre. Il parlait de se prochaine arrivée en France ; il avait trouvé le comte de Paris charmant. Cependant, il y avait, à ce tableau, une ombre que le marquis de Dampierre signale, non sans hésitation : Mais, faut-il le dire ? Quand, le soir, les princes se furent retirés et que mon fils et ma belle-fille allèrent terminer leur soirée chez Mme de Vanssay, ils entendirent chez elle un langage qui jurait avec le rôle que venait de jouer son mari. On y était mécontent, presque irrité de l'acte qui rendait. Monseigneur si heureux, et ces souvenirs portent à croire que les femmes, dans la royale demeure, ne pensaient pas tout à fait comme les hommes[29]. La comtesse de Chambord n'avait, évidemment, aucun goût pour les effusions familiales. Le comte de Chambord, plus sensible à la démarche du comte de Paris, gardait, au point de vue des conséquences politiques, un silence rigoureux. Le silence royal fut souvent, dans cette crise, une rude épreuve pour les dévouements les plus sûrs. Dans une lettre datée du 20 août, M. Vital de Rochetaillée relate un entretien qu'il eut alors avec le comte de Chambord sur la question capitale, celle du drapeau. Il y a, dit le prince, deux catégories de gens qui font opposition au drapeau blanc. Les uns, pour lesquels le drapeau n'est qu'un chiffon ; pour eux, la couleur ne doit rien faire. Il y a ensuite ceux qui voient un principe derrière le drapeau tricolore : c'est pour cela qu'il faut le refuser. Après avoir reconnu que son drapeau n'est pas populaire, le comte de Chambord ajouta : — Mais l'autre est révolutionnaire. — L'est-il toujours ? répondit M. de Rochetaillée. Il pouvait l'être il y a quinze jours, mais depuis que à représentant des idées de 1830 est venu s'incliner si franchement devant la légitimité, ne peut-on pas dire que le drapeau tricolore n'est plus l'emblème de la révolution, qu'il est venu s'incliner devant vous ? M. Vital de Rochetaillée écrit : Le prince n'a rien répondu. Encouragé par ce silence, M. de Rochetaillée se crut autorisé à pousser plus avant : — Nous voici à la veille de la lutte, dit-il. Si Monseigneur en a le désir, qu'il veuille bien le dire, et nous entamerons une campagne énergique dans le sens du drapeau blanc. Non, répondit le prince. Je fais cette recommandation à tous nos amis. Je compte sur le temps et sur les événements pour arranger bien des choses[30]. Le comte de Chambord ne voulait pas compromettre son succès. Il avait vu l'héritier de la branche cadette venir vers lui et s'incliner devant lui. Il avait embrassé le cousin ; c'était la réconciliation. Mais ce n'était pas la fusion[31]. Du moins, ce n'était pas la fusion telle qu'on l'eût désirée dans le camp orléaniste, et telle que M. Guizot, dès 185o, sur la demande du roi Louis-Philippe, en avait tracé le programme dans une note destinée à passer sous les yeux du comte de Chambord : La France, écrivait M. Guizot, doit reconnaître que le respect du droit monarchique et l'union des partis monarchistes sont indispensables la monarchie. M. le comte de Chambord doit reconnaître que la monarchie de 1830 a été nationale et légale, et qu'elle a sauvé la France de l'anarchie. Par cette attitude simultanée, ni M. le comte de Chambord ni la France n'abandonnent leur dignité et leur droit. Ils se rapprochent sans se renier. Ils rendent ensemble hommage à la vérité et à la nécessité[32]. Le comte de Chambord, en rédigeant la note soumise par M. de Vanssay au comte de Paris, ne s'était en rien départi de son inflexible rigueur : il avait obtenu la reconnaissance du principe dont il était le représentant. Or, ses diverses déclarations ne laissaient, sur ce point, aucun doute : le principe, le drapeau, l'honneur de la dynastie et de la France, ces mots exprimaient les faces diverses d'une même idée, celle de la légitimité opposée fit la souveraineté, populaire. Le petit-fils de Louis-Philippe, s'il adhérait à ce principe, réprouvait l'autre avec toutes ses conséquences. Telle était l'exigence du comte de Chambord. Avait-il obtenu l'adhésion pleine et entière du comte de Paris ? Une lettre écrite immédiatement à M. le vicomte d'Haussonville par M. le comte Bernard d'Harcourt, député, qui accompagnait le comte de Paris, nous renseigne à ce sujet : Mon cher ami, le comte de Paris vient d'arriver de Frohsdorf, ou il a passé quatre heures ce matin. Il est satisfait de sa visite ; la réception a été cordiale ; aucune allusion n'a été faite ni aux récriminations contre le passé, ni aux questions brûlantes. En politique, on s'en est tenu aux généralités. J'ai écrit une longue lettre à Decazes et le comte de Paris lui-même a envoyé un rapport à son frère. Fais-toi montrer ces lettres à ton prochain voyage à Paris et tâche de voir aussi les deux notes écrites : l'une apportée par M. de Vanssay au nom du comte de Chambord contenant les mots : reprendre son rang dans la famille ; l'autre, envoyée par le comte de Paris et écrite de sa main, ne contenant plus ces mots, mais une affirmation des droits de la France de choisir son gouvernement[33]. C'est une bonne chose que ce soit fait ; j'en suis bien content' comme tu le seras toi-même[34]. Ou voit, même aux termes de cette lettre, écrite dans la joie et un peu dans le soulagement de l'acte accompli, qu'il restait, au fond, de ce côté, une certaine inquiétude. Le désaccord s'était affirmé dans la rédaction de la phrase un peu ambiguë qui faisait allusion au souhait de voir la France chercher son salut dans le retour au principe dynastique. Le comte de Chambord tenait cette phrase pour une adhésion au principe lui-même ; le comte de Paris n'y reconnaissait qu'une affirmation du droit souverain du pays. Le malentendu persistait. Le comte de Paris le sentait bien lorsqu'il écrivait, quelques jours après, le 17 août, une fois rentré à Villers... Nous y verrons maintenant plus clair que lorsque je suis revenu de Vienne. Il n'y a à discuter que sur des nuances ; mais lorsque la conduite des conservateurs libéraux peut avoir une si grande importance, les nuances ont beaucoup de valeur. Quant à moi, persuadé que la consécration des principes de la monarchie constitutionnelle et traditionnelle à la fois est devenue aujourd'hui une nécessité de salut pour mon pays, je voudrais voir les conservateurs se proposer avant tout cette consécration, quel que fat l'expédient auquel on recourrait le lendemain pour tourner les obstacles auxquels il vaudrait mieux éviter de se heurter auparavant[35]... Il y avait donc des obstacles. Le même jour, 18 août, le comte de Paris s'exprimait
cependant avec plus de précision dans une lettre adressée au marquis de
Dampierre. Celui-ci, qui continuait à poursuivre -ardemment la solution qu'il
jugeait la seule réalisable, avait écrit au comte de Paris, à la date du 13
août : Ce grand acte de patriotisme rend possible
l'union qui était la condition indispensable de toute tentative sérieuse du
parti conservateur et laisse la parole à la représentation nationale pour
dire dans quelles conditions elle veut le rétablissement de la royauté.
Le prince lui répond le 18 : Vous avez bien apprécié
les motifs qui m'ont déterminé et vous définissez avec une heureuse précision
la tâche qui, après ma démarche à Frohsdorf, incombe aux représentants du
parti conservateur dans l'Assemblée nationale. Le prince ajoute : Il était de mon devoir de faire taire, une fois pour
toutes, ces arguments d'après lesquels les divisions des princes rendaient la
monarchie impossible. Aujourd'hui, la monarchie à la fois traditionnelle et
constitutionnelle, définie d'une manière si ferme et si claire dans le
manifeste de la droite de février 1872, peut être le programme commun de tous
les conservateurs, à quelque nuance qu'ils appartiennent[36]. Le manifeste de la droite de février 1872 ? Mais c'était le système Falloux auquel le comte de Chambord n'avait jamais personnellement adhéré ! Il est vrai, ces lignes étaient destinées à rester confidentielles. Le comte de Paris se montrait plus réservé dans une autre lettre de la même époque : Par ma récente démarche auprès de M. le comte de Chambord, écrivait-il, j'ai voulu écarter tout ce qui pouvait faire obstacle à cette union-des conservateurs, fondée sur des intérêts communs, et sur un respect des opinions de chacun, partout où il peut y avoir divergence[37]. A travers ces nuances et ces précautions, on sent une sorte de résignation déçue. Certains amis des princes étaient franchement mécontents : On met plus de façons pour acheter ou pour vendre un cheval ! s'écriait M. Jules de Lasteyrie[38]. II Les fortes têtes du parti en délibéraient. Le duc de Broglie, qui était le deus ex machina, ne se faisait pas grande illusion. Il écrivait, le 24 août, au comte de Falloux : Eh bien, oui ! nous avons aplani la route et il ne reste guère d'obstacle à ce que vous avez souhaité toute votre vie. Mais ce n'est pas tout d'avoir un chemin ouvert ; il faut marcher. Une nation ne peut aller au-devant d'un homme, quelque auguste que soit son origine. Il lui faut au moins faire la moitié du chemin. Le fera-t-on ? Fera-t-on même un pas ? Rien ne m'autorise à le penser... Le duc de Broglie priait le comte de Falloux de s'arracher aux douceurs de l'été angevin pour venir de causer avec lui. Or, le comte de Falloux avait reçu quelques avis peu favorables au sujet de l'attitude du duc de Broglie. On accusait le ministre de jouer double jeu et de mener un travail souterrain. On disait qu'il n'était pas un partisan sincère de la restauration légitimiste et que, ne se sentant pas en confiance du côté du comte de Chambord, il n'avait pas confiance lui-même. Le comte de Falloux voulait en avoir le cœur net. Il se rendit. à Versailles, où le ministère tout entier était établi : Rien n'était plus calme que cette magnifique résidence, à laquelle la solitude et la tristesse semblent mieux convenir que le tumulte parlementaire[39]. Là, les deux hommes distingués retournèrent le problème dans les entretiens péripatétiques dont le récit nous a été conservé par l'un des interlocuteurs. Le duc de Broglie parla d'abord : — Les princes d'Orléans, après avoir longtemps délibéré entre eux, ont été demander une réconciliation sans restriction et sans réserve. On leur avait affirmé maintes fois que cette manière était la seule qui pût toucher le cœur de M. le comte de Chambord, mais que, cette satisfaction une fois accordée, l'abandon du prince serait à son tour sans limites. Il n'en a pas été tout à fait ainsi : le comte de Chambord a témoigné avec effusion ses sentiments de famille ; il a très affectueusement, très chaleureusement parlé à ses deux cousins de leur femme, de leurs enfants, de leurs voyages, de leurs combats ; mais il a toujours professé que les décisions politiques devaient lui appartenir et ne pouvaient être prises avec utilité, que lorsque la France, de son côté, aurait reconnu et rappelé le droit monarchique. Le comte de Paris, qui avait à
cœur de ne point troubler une entrevue dont il jouissait sincèrement, et qui,
en outre, tenait à ne l'apporter que de bonnes paroles à ses oncles et à ses
amis, n'a pas insisté davantage. Toutefois, de quelques mots mêmes du comte
de Chambord et des paroles plus explicites de son entourage, le comte de
Paris est revenu avec une impression conforme à nos espérances communes,
c'est-à-dire que le comte de Chambord s'opiniâtre dans un point d'honneur
exagéré, mais qu'au fond il regrette son manifeste de Chambord[40] et que, s'il ne veut pas céder d'avance pour ne point
acheter le trône au prix d'un démenti qu'il s'infligerait à lui-même, il
n'opposera point de résistance aux vœux de la France, régulièrement exprimés. Le comte de Falloux répondit : — Mais c'est un cercle vicieux : le prince croit ne pouvoir céder avec dignité qu'une fois rappelé en France ; or, il ne sera point rappelé sans avoir cédé ou, du moins, sans avoir donné, sous une forme ou sous une autre, la garantie qu'il ne rentrerait pas pour élever, dès le lendemain de son retour, un conflit avec la nation tout entière. Comment êtes-vous sortis de là ? — Nous n'en sommes pas sortis, répliqua le duc de Broglie. Nous travaillons à en sortir... Le comte de Falloux quitta Versailles, rassuré sur la droiture et la sagesse du duc de Broglie, mais non sans préoccupation au sujet du nouvel effort qui, même après la visite du comte de Paris, paraissait déjà nécessaire. De partout, on sentait les résistances se produire. Le pays, qui savait peu de choses de tout ce travail et qui ne comprenait rien à cette logomachie à propos de doctrines et d'emblèmes qui lui paraissaient surannés, continuait à donner des majorités écrasantes aux candidats républicains. Les candidats monarchistes en étaient réduits à taire leurs opinions et à cacher leur drapeau. A la session ordinaire des conseils généraux, la présidence fut attribuée à des républicains dans quarante-trois départements. Les plus optimistes déclaraient, comme le fait M. Chesnelong, dans une lettre à M. de Meaux, datée du 11 septembre, que l'opinion publique se réserve sans s'opposer et que le plus grand nombre se résignera à la monarchie. On espère, dit-on encore, qu'en raison de la proximité de la Commune, une journée n'est pas à craindre. Dans l'Assemblée, rien n'était moins certain qu'un vote favorable. Le duc d'Audiffret-Pasquier, après la séance du 25 août de la commission de permanence, dans une conférence improvisée avec ses collègues de la droite et du centre droit, disait était nécessaire que le comte de Chambord fit connaitre ses intentions, afin qu'on sût, avant l'ouverture de la prochaine session, si la restauration monarchique était possible ou ne l'était pas[41]. C'était le prendre de haut à l'égard du Roi. Mais était-on d'accord sur le fond ? On
cherchait un moyen pour sortir d'embarras. Quelqu'un eut une idée : prier Mgr
Pie de se faire, auprès du comte de Chambord, l'avocat
du drapeau tricolore. Mgr Pie donna, en réponse, le conseil inverse et
l'accompagna d'un paquet de bonnes raisons : Je ne
puis ni ne dois me faire l'intermédiaire de ce que vous me communiquez...
Le drapeau tricolore est irrémédiablement
révolutionnaire. Il signifie la souveraineté populaire ou il ne signifie
rien. En tant que drapeau politique et militaire à la fois, il est
essentiellement et logiquement napoléonien, et ce n'est qu'avec le régime
dictatorial qu'il devient relativement et très précairement conservateur.
Pour les princes de Bourbon, qU'ils soient aînés ou cadets. il produira de
nouveau ce qu'il a fait en 1830 et ce qu'il n'a pu conjurer en 1848. Et,
comme l'opposition est bien autrement développée qu'alors, le système de
transaction et de faux équilibre parlementaire qu'il symbolise conduira le
pouvoir à un renversement beaucoup plus précipité encore que par le passé. Pour ma part, je pense que nul de nous n'a le droit d'exiger du Roi, si résigné qu'il puisse être à tous les sacrifices pour nous sortir de l'abîme, qu'il se jette dans un courant où il a la certitude de se noyer avec nous. C'est trop demander au sauveteur qu'il veuille bien s'attacher au cou la pierre qui a entraîné les meilleurs nageurs au fond de l'eau. Si Dieu veut sauver la France, il lui inspirera de meilleures dispositions. Sinon, elle périra victime de ses stupides antipathies[42]. Cette thèse était juste à l'opposé de celle que soutenait, à cette même date, l'autre évêque, l'évêque libéral, Mgr Dupanloup. Celui-ci se tenait prudemment en dehors des négociations ; mais, avec une ardeur infatigable, il travaillait sous main, secouant les endormis, réchauffant les tièdes et ne perdant pas l'habitude de traiter de haut la médiocre mentalité du prince que son zèle indulgent voulait, bon gré mal gré, hisser jusqu'au trône. Il faut faire la monarchie sans
retard, écrivait, le 15 septembre, Mgr Dupanloup à M. A. Costa de
Beauregard, député, sinon la fusion faite si
heureusement aura l'air d'avoir fait long feu... On pourra nous dire : — Vous
êtes enfin réunis et vous ne pouvez rien. Et l'évêque ajoutait : Il n'y a plus qu'une seule difficulté. M. le comte de
Chambord peut seul la résoudre. Mis au pied du trône chrétien, comme il
l'est, sa responsabilité ne peut manquer de lui apparaître et de l'éclairer.
Que s'il peut persuader l'armée, tout est dit, il n'y a plus de difficulté.
Que s'il ne le peut pas, rien ne se fera et la France périra. Et l'Assemblée
la plus monarchique du monde n'aura travaillé qu'au profit de la démagogie.
Voilà à quoi les meilleurs amis du prince doivent sérieusement penser, et
devant Dieu[43]. Ainsi, des deux côtés, on pronostiquait à la France les pires catastrophes. L'antagonisme si frappant entre les deux écoles ne résultait pas seulement d'une divergence sur les principes et sur le point d'honneur ; le dissentiment existait également sur l'opportunité politique. Le comte de Chambord lui-même n'omettait nullement les considérations de cet ordre. Il disait : Si on ne veut qu'une monarchie de circonstance, destinée à légaliser les courants révolutionnaires et à leur apporter une digue temporaire, que la première génération renversera, alors il est inutile de m'appeler. Je sais bien que j'ai des principes impopulaires, mais ces principes sont ma force, ma raison d'être et je ne puis pactiser, au fond, avec ce que je considère comme l'erreur, comme la cause du désarroi de la France[44]. Au moins, celui-ci ne se faisait pas d'illusion. Rentrant avec son système, sans équivoque, sans contrainte, sans journée, acclamé par le parlement, par la nation, il était une force, il était, comme on disait autour de lui, le salut. Sinon, qu'était-il ? — Rien. Rien qu'un gros homme boiteux ; et le mot était encore de ce prince, qui se jugeait lui-même, avec cette clairvoyance rude et méfiante qu'il appliquait aux autres. De là, une obstination, qui venait, en somme, de la vue exacte des réalités et des responsabilités. Comment, saisir ce fagot d'épines, comment plier cette volonté inflexible, armée de bonnes raisons et aidée d'un jugement désabusé ? D'autre part, comment se refuser à la pression des parlementaires et des fusionnistes qui se montaient la tête à qui mieux mieux dans leurs conciliabules, dans leurs correspondances, dans leurs confidences haletantes, si près du but ? Ce fut encore le gouvernement qui prit l'initiative. M. Ernoul, garde des sceaux, appartenait à cette catégorie des partisans de la royauté amenés à la foi monarchique, surtout par leur foi religieuse. Confident de Mgr Pie, il avait des entrées particulières auprès du comte de Chambord. Dans le cabinet, il représentait, avec M. de La Bouillerie, la droite légitimiste. On faisait bruit de son talent ; on le prônait à l'égal d'un Berryer ; on le croyait appelé à jouer un grand rôle. Le duc de Broglie n'avait aucune raison de se défier de lui. Sans se mêler ostensiblement à la démarche, le chef du cabinet laissa à son collègue le soin de faire, du côté de Frohsdorf, une nouvelle reconnaissance et, si possible, de tenter un premier assaut. Cette façon d'agir était un peu différente de la méthode préconisée par le confie de Paris, à savoir de ne pas heurter l'obstacle. Mais, à la suite de ses entretiens avec le comte de Falloux, le duc de Broglie pensait qu'il fallait se faire le cœur net. M. Ernoul pria donc deux de ses amis, MM. Ch. Merveilleux du Vignaux et le comte de Sugny, de se rendre auprès du comte de Chambord, en les autorisant à faire connaitre au prince, à titre officieux, les réalités positives et les vues du gouvernement. Les deux ambassadeurs secrets arrivèrent munis d'un programme extrêmement complet, où toutes les questions de droit constitutionnel, parlementaire et autres, étaient inscrites et où l'on prenait d'avance des garanties positives contre les dispositions qu'on supposait trop rétrogrades du prince et de son entourage. M. Ernoul, en particulier, demandait un point d'appui solide et un moyen de résistance contre l'idée, prête à surgir, de prolonger le provisoire. Il y avait là une sommation très mesurée avec une pointe d'intimidation. Le comte de Chambord reçut les deux envoyés ensemble, le 15 septembre, puis chacun d'eux séparément, le 16. Avant cette dernière audience, M. de Blacas leur avait communiqué la note suivante expédiée, le 13, à M. Ernoul. M. le comte de Chambord s'étonne d'avoir à revenir sur ce qu'il a dit tant de fois, relativement au pouvoir absolu. Toutes ses déclarations, depuis trente ans, n'ont été qu'une même protestation contre cette forme de gouvernement. Il ne saurait oublier que la monarchie traditionnelle est une monarchie essentiellement tempérée. Sous ce régime, le souverain exerce l'autorité en faisant appel au concours de deux chambres, dont l'une est nommée par lui dans des catégories déterminées, et l'autre est nommée par la nation, selon le mode de suffrage réglé par la loi. Il ne peut donc y avoir place, sous un pareil régime, pour un pouvoir arbitraire ou despotique. Un très grand nombre de projets de constitution sont journellement soumis à M. le comte de Chambord. On comprendra qu'il ne peut entrer dans l'examen de ces divers projets, aucun de leurs auteurs n'ayant mandat ni qualité pour traiter isolément avec lui de ces graves matières. Si, comme il en a le ferme espoir, la majorité conservatrice veut donner satisfaction aux vœux du pays, par la restauration de la monarchie traditionnelle, M. le comte de Chambord pense que l'Assemblée doit se borner à le proclamer purement et simplement, en faisant suivre cette proclamation de la nomination d'une commission de trente ou cinquante membres, chargée de poursuivre, d'accord avec le roi, l'étude des questions constitutionnelles et des lois organiques. Quant à la question du drapeau, que des passions d'origines diverses ont cherché à raviver dans ces derniers temps, M. le comte de Chambord, à son entrée en France, se réserve de la traiter lui-même, directement avec l'armée. Il se fait fort d'obtenir une solution compatible avec son honneur et ne croit pas devoir recourir, dans cette circonstance, à aucun autre intermédiaire...[45] La note une fois expédiée, avec une lettre d'envoi de M. de Blacas à M. Ernoul, disant que c'était la pensée intime et dernière du prince, il n'y avait pas d'inconvénient à écouter les mandataires du garde des sceaux. Durant l'entretien où le comte de Chambord ne fit que paraphraser la note, la question du drapeau fut abordée. M. Merveilleux du Vignaux attira l'attention du prince sur la difficulté matérielle et le grave danger qu'il y aurait à appeler l'armée à délibérer à l'heure de la restauration, et quand le drapeau tricolore serait peut-être aux mains de l'émeute. Le comte de Chambord l'interrompit : — Si le drapeau blanc était repoussé, JE REVIENDRAIS ICI, dit-il presque
à voix basse. M. Merveilleux du Vignaux relate qu'il protesta
avec un douloureux respect, et que le comte de Chambord garda le
silence devant cette protestation, mais qu'il reprit presque aussitôt : — Si la question était soumise à l'Assemblée, M. Ernoul
défendrait-il le drapeau blanc à la tribune ? — Je le crois, dans le cas où, rentré en France, le roi
imposerait cette épreuve à M. Ernoul, répondit M. Merveilleux du
Vignaux, heureux de voir apparaître la possibilité d'un sursis. Mais, ajouta-t-il, devant
l'Assemblée, l'échec serait certain et si M. Ernoul pouvait croire au succès,
il ne songerait pas sans crainte aux conséquences de cet acte, qui mettrait
le drapeau tricolore aux mains de l'émeute. En dernière analyse, l'envoyé du garde des sceaux rappela au prince la lettre qu'il avait adressée en 1857 au duc de Nemours, relativement au drapeau : Ce n'est pas loin de la France et sans la France qu'on peut disposer d'elle et lui dit que cette formule, saisissante et heureuse, pourrait être remise entre les mains de M. Ernoul. Le prince répliqua doucement, mais d'une voix ferme, dit M. Merveilleux du Vignaux : — Je n'avais pas écrit alors mon manifeste[46]. Au cours de la conversation, le roi avait cru devoir faire une allusion à la question du personnel et calmer les inquiétudes répandues au sujet de son entourage : — Aucun de mes amis n'ignore, et vous le leur direz au besoin, que, si je dois rentrer en France, ils seront les derniers à qui je penserai. On eût dit que le comte de Chambord faiblissait. Il consent à ne plus exiger que le drapeau blanc soit adopté avant son entrée en France. Mais, il laisse entrevoir, en même temps, une éventualité nouvelle : si, plus tard, le drapeau blanc n'était pas accepté par l'Assemblée et par la nation, le roi reprendrait le chemin de l'exil. On croit volontiers ce que l'on désire : la note optimiste domina de nouveau dans les cercles où ce travail occulte se poursuivait. Ces sentiments se confirmèrent à la lecture d'une nouvelle lettre du comte de Chambord, lettre écrite sous l'impression de la visite qu'il venait de recevoir et où le prince protestait très vivement contre l'opinion qu'on essayait de répandre, au sujet de ses sentiments absolutistes et rétrogrades. Il l'adressa à M. le vicomte de Rodez-Bénavent, député de l'Hérault, qui lui avait signalé le parti que, dans les provinces, on tirait de ces bruits contre la cause monarchique : Le sentiment qu'on éprouve, mon cher vicomte, en lisant les détails que vous nie donnez sur la propagande révolutionnaire dans votre province, est un sentiment de tristesse : on ne saurait descendre plus bas pour trouver des armes contre nous, et rien n'est moins digne de l'esprit français. En être réduit, en 1873, à évoquer le fantôme de la lime, des droits féodaux, de l'intolérance religieuse, de la persécution contre nos frères séparés ; que vous dirai-je encore ? de la guerre follement entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres, de la prédominance des classes privilégiées ! Vous avouerez qu'on ne peut pas répondre sérieusement à des choses si peu sérieuses. A quels mensonges la mauvaise foi n'a-t-elle pas recours lorsqu'il s'agit d'exploiter la crédulité publique ? Je sais bien qu'il n'est pas toujours facile, en face de ces manœuvres, de conserver son sang-froid ; mais comptez sur le bon sens de nos intelligentes populations pour faire justice de pareilles sottises. Appliquez-vous surtout à faire appel au dévouement de tous les honnêtes gens sur le terrain de la conciliation sociale. Vous savez que je ne suis point un parti : et que je ne veux pas revenir pour régner par un parti : j'ai besoin du concours de tous, et tous ont besoin de moi... La lettre se terminait par une allusion assez vague à la réconciliation accomplie dans la maison de France et à ceux qui cherchent à dénaturer ce grand acte. Tout bien pesé, on crut qu'on pouvait faire un pas de plus. Le 25 septembre, à trois heures, environ soixante députés de la droite, parmi lesquels les membres de la commission de permanence, sont réunis dans la salle du budget, à Versailles, sous la présidence du duc d'Audiffret-Pasquier. Celui-ci parle : il déclare que l'heure est venue pour tous de s'expliquer ; il expose rapidement où en sont les choses en ce qui concerne les chances d'une prochaine restauration monarchique. Il demande aux membres de la droite de faire connaître leurs intentions. Quant à lui, parlant au nom du centre droit, il estime que la seule monarchie, à laquelle il puisse accorder son concours est la monarchie tricolore. S'adressant aux amis du comte de Chambord, il conclut : C'est celle que vous devez faire accepter du prince, parce que la France n'en accepterait pas d'autre. Le duc d'Audiffret-Pasquier était connu pour ses attaches avec les princes d'Orléans et, notamment, avec le duc d'Aumale. C'est un esprit ardent, ouvert, un cœur chaud, une parole véhémente. Par tradition de famille, par tendance, par un mouvement spontané de sa nature, il incline vers les solutions libérales. Il aime la lumière, les combats de la parole, le cliquetis brillant des idées et des mots. Il s'élance et se laisse emporter parfois par son imagination, qui est prompte, et par son éloquence, qui est grande. Son attitude énergique à l'égard du bonapartisme l'avait écarté du ministère, où sa place était marquée. Mais sa situation était d'autant plus haute qu'elle était indépendante. Dans le parlement, sou influence était considérable. Seul peut-être, il eût entraîné les esprits et les cœurs à une heure décisive. La confiance où il était auprès des princes d'Orléans assurait à ses interventions, par elles-mêmes si savoureuses, une autorité particulière et un accent. Sa parole eut, sur ses collègues de droite, son effet habituel. Les plus fidèles amis du comte de Chambord, le comte de Maillé, le baron de Jouvenel approuvèrent chaleureusement. M. de Carayon-Latour se leva, les larmes aux yeux, et proclama, lui aussi, la nécessité de l'union. Sa vie, dit-il, avait été jusqu'ici consacrée au service du comte de Chambord ; il est prit maintenant à la donner aussi pour le comte de Paris et pour son fils, le jeune duc d'Orléans, l'espoir de la monarchie. Quand l'émotion fut calmée, le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia demanda au duc d'Audiffret-Pasquier de substituer à l'expression de monarchie tricolore celle de monarchie du drapeau tricolore. Résumant le débat, un autre due, non moins orléaniste que le duc Pasquier, et plus politique peut-être, le duc Decazes, exprima l'avis que la réunion n'étant pas qualifiée pour prendre une résolution définitive, il y avait lieu de convoquer, à bref délai, une conférence des bureaux des quatre groupes de la majorité qui arrêteraient les résolutions que les circonstances réclamaient. Cette proposition fut adoptée à l'unanimité. On fixa cette nouvelle réunion du 4 octobre. L'impression optimiste s'affirmait. Le comte de Paris, tout en gardant un reste d'inquiétude, se laisse entrainer au mouvement de confiance qui se dessine. Il écrit quelques jours après (3 octobre) : Chaque jour développe les résultats excellents de votre réunion du 23 et le langage des légitimistes les confirme. Ils sont anxieux, parce qu'ils redoutent qu'une inspiration malheureuse ne vienne tout gâter ; mais ils s'enhardissent chaque jour à parler plus haut, comme la raison et la politique le leur conseillent. Ils cherchent une procédure pour lever le gros obstacle. Sans doute, la partie est grosse et pleine de périls ; mais les périls ne seraient pas moindres à la jouer moins franchement que ne le fait le centre droit, et je suis convaincu qu'il recueillera les fruits de cette franchise, même dans le cas d'un insuccès auquel j'aime à ne plus croire. La lettre du comte de Chambord est excellente, non pas seulement par le fond, mais par le ton, et nous ne pouvons qu'applaudir à la manière dont il caractérise la réconciliation du 5 août. Ce mot, si grave dans sa bouche, est bien celui qu'il convenait d'adresser, non pas seulement. à nous, mais aux monarchistes constitutionnels qui sont en communauté d'idées avec nous[47]. Cependant, les plus prudents conservent un doute. Ils voudraient que le comte de Chambord fût amené à s'expliquer sur la question du drapeau. Suivant le conseil de M. de Falloux, on voudrait rompre le cercle vicieux. Le duc de Broglie eut quelque velléité de faire intervenir soit le président de la République, soit le président de l'Assemblée nationale : Je fis, dit-il, part de ma pensée à M. Buffet, qui ne me parut pas éloigné de s'y associer, sauf, bien entendu, à discuter le moyen d'exécution. Cette réserve n'était qu'une défaite. Nous connaissons les véritables sentiments de M. Buffet sur le comte de Chambord et sur la campagne politique qui se poursuivait alors : c'était an mois d'août 1873, à un dîner chez M. Aubry, député des Vosges. Celui-ci racontait au président de l'Assemblée nationale sa récente visite à Frohsdorf et, incidemment, protestait contre des épigrammes haineuses par lesquelles, dans des salons académiques, des ambitions inassouvies cherchaient à dénigrer le prince de Frohsdorf, sa mère, sa femme, sa vie intime, puis concluait que l'Assemblée nationale allait restaurer la monarchie, comme elle en avait reçu le mandat. Le président Buffet répondit, en substance, qu'il ne suffisait pas à des représentants du peuple de décider la restauration d'un gouvernement, mais qu'il fallait que ce gouvernement fût acceptable et durable : ce n'était pas le cas, disait-il, du système politique représenté par un prince exilé depuis quarante ans, devenu étranger aux besoins modernes et inconnu des masses[48]. Le maréchal s'abstint également. Son opinion sur le drapeau, conforme à celle des chefs de l'armée, était bien connue ; il ne faisait pas difficulté de l'exprimer assez haut dans des termes d'une énergie familière. Il reconnait que le prince doit être informé de la situation : mais ce sont là affaires de parlementaires et où il n'a pas à se mêler[49]. Toutefois, pour ne rien laisser ignorer de ses intentions, le maréchal crut devoir, vers la fin de septembre, envoyer son aide de camp, le marquis d'Abzac, auprès du comte de Blacas, avec mission de déclarer celui-ci qu'avec le maintien du drapeau tricolore, auquel l'armée tenait, il ne ferait aucun obstacle au rétablissement de la monarchie ; mais que, s'il s'agissait du drapeau blanc, il considérait comme de son devoir d'agir autrement, toutes les informations prises auprès des chefs de corps lui donnant la conviction que la suppression du drapeau tricolore constituerait un grand péril et pourrait entrainer la désunion de l'armée, qui, seule, maintenait l'ordre et la paix sociale[50]. Au fond, le président et le duc de Broglie étaient d'avis — ce sont les paroles du duc de Broglie lui-même — que le maréchal, chef de l'armée, étant responsable de la tranquillité publique, ne pouvait accepter indéfiniment des réponses évasives et une situation équivoque[51]. On se résigna donc à confier une nouvelle mission à un membre de la majorité. Cette fois, on jeta les yeux sur M. Combier, député de l'Ardèche, ancien élève de l'École polytechnique très carré en ses formules, dit M. de Falloux. Il devait se rendre à Frohsdorf, porter une réponse de M. Ernoul, garde des sceaux, à la note du 12 septembre, et insister pour demander une modification à la phrase sur le drapeau : le polytechnicien montait à l'assaut du grand redan. M. Combier fit diligence. Il arriva à Frohsdorf le 29, et s'y trouva en même temps que le duc de Chartres. Ce fut un contretemps. Au milieu de la satisfaction provoquée par la visite du jeune et brillant officier, dont la conduite pendant la guerre avait fin t une si grande impression, le comte de Chambord, dont on célébrait aussi ce jour-là l'anniversaire de naissance, n'accorda qu'une attention distraite au mandataire de M. Ernoul[52]. Dans une très courte audience, M. Combier remit au prince la note du garde des sceaux, mais il dut repartir pour Paris sans obtenir la réponse précise impatiemment attendue. C'est une acceptation plutôt qu'un refus, dit M. de Falloux, mais ce n'est ni l'un ni l'autre, avec un caractère définitif. M. Combier rentra à Paris le 3 octobre. La réunion était fixée au 4. On n'était pas plus avancé. Dès ce moment, les sentiments du duc de 13roglie, au sujet de l'essai de restauration, sont fixés. Ayant déjà, depuis longtemps, des doutes sérieux sur le succès, il perd toute confiance. Chargé de responsabilités graves, soucieux d'assurer ou, du moins, de réserver l'avenir, n'espérant plus vaincre ce que M. Merveilleux du Vignaux appelle les défiances aisément éveillées du comte de Chambord, il prépare la retraite, en remettant. sur le tapis, par les journaux qu'il inspire, l'expédient de la prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac Mahon. Le 24 août 1873, au banquet du conseil général de l'Eure, il avait déjà prononcé ces paroles significatives : Rangeons-nous tous autour du nom vénéré du maréchal de Mac Mahon, c'est le chef naturel des gens de bien ; et si nous assurons avec lui le salut de la France, nous aurons mis en lumière un grand enseignement moral, plus nécessaire que jamais à recueillir dans les temps de révolution : c'est que dans la vie privée comme dans la vie publique, la vraie, la suprême habileté, c'est encore l'honneur et la vertu. Le duc de Broglie écrivait, vers le même temps, à M. de Falloux : Nous devons prévoir l'obstination dont M. le comte de Chambord a déjà donné plus d'une preuve : nous devons, dans cette hypothèse, nous réserver une seconde solution qui prévienne le complet désarroi du parti conservateur. Cette combinaison, ajoutait-il, serait un pouvoir temporaire, mais d'une assez longue durée, que nous confierions au maréchal[53]... |
[1] Il
est manifeste que le provisoire n'est plus possible sous aucune forme,
écrivait Mgr DUPANLOUP. Tout le monde en a assez.
Abbé LAGRANGE,
Vie de Mgr Dupanloup (t. III, p. 264).
[2] Comte D'HAUSSONVILLE, Le comte de Paris.
Souvenirs personnels, (p. 29).
[3] Le plan de restauration monarchique
est expliqué avec la plus grande précision dans une conversation que Guillaume
Guizot eut avec TAINE et que celui-ci relate dans une lettre inédite, datée
d'Orsay, le vendredi 7 avril 1871, et dont je dois la communication à la
gracieuse obligeance de Mme Taine :
Voici l'abrégé d'une conversation que j'ai eue hier avec Guillaume
Guizot : Des députés légitimistes sont allés récemment trouver le prince de
Joinville et le sonder sur ses dispositions. Il a répondu ces propres mots : Si
j'avais entre les mains la couronne de France et devant moi le comte de Paris
avec le duc de Bordeaux, je mettrais la couronne sur la tête du duc de Bordeaux.
Le duc d'Aumale a approuvé. Ils ont ajouté : Ceci est notre opinion
personnelle ; mais nous ne sommes pas les maitres de notre parti ; il ne nous
obéit pas par principe comme le parti légitimiste. Nous ne pouvons que lui
indiquer nos préférences.
Actuellement, on s'en tient au programme de M. Thiers : rester
d'accord, réorganiser, payer les Allemands, remettre la France sur ses pieds,
ne point se battre ou s'engager pour une forme quelconque de gouvernement. Les
républicains modérés admettent eux-mêmes cet atermoiement... L'impression est
que la Chambre actuelle est moins réactionnaire que la province... Les
fusionnistes essayent de faire prévaloir le compromis suivant : faire toutes
les grandes lois essentielles, loi électorale, municipale, etc. ; puis,
l'édifice construit, mettre la clef de voûte : Henri V appuyé sur tous les
Orléans, ses héritiers, ministres et principaux officiers ; au besoin et pour
donner plus d'autorité à ce choix, se dissoudre, convoquer une nouvelle Chambre
ad hoc, afin qu'il soit bien entendu que la nation est avertie. Comme
constitution, deux Chambres, la haute élue, non héréditaire, choisie par ou
dans les grands intérêts, les grandes corporations, université, clergé, armée,
magistrature, Institut, chambres de commerce, conseils généraux. La première
Chambre ne devant avoir que cinq cents membres, les deux cent cinquante places
de la seconde offriraient l'espérance d'un siège aux députés non réélus.
Mon objection, ajoute M. Taine, est toujours l'éducation cléricale,
absolutiste, autrichienne du duc de Bordeaux. On me répond qu'on l'enchaînerait
par les grandes lois préalables et par la collaboration des Orléans. On présume
qu'en présence d'une proposition pareille, il accepterait.
Le fond du raisonnement est celui-ci : il y a quatre partis en
France, il en faut au moins deux ensemble pour empêcher la démagogie et les
Bonaparte, la dictature d'en bas ou d'en haut... Document inédit.
[4] Marquis DE DREUX-BRÉZÉ, Notes et Souvenirs, 4e
édit. (p. 391.)
[5] Manifeste du 5 juillet 1871.
[6] Dans son premier acte public
comme chef de la maison de Bourbon, le comte de Chambord avait tracé la ligne
de conduite à laquelle il devait demeurer fidèle. Voici le texte de la
notification qu'il adressa aux puissances, à la mort du comte de Marnes (3 juin
1844) :
Devenu par la mort de M. le comte de Marnes, chef de la maison de
Bourbon, je regarde comme un devoir de protester contre le changement qui a été
introduit en France dans l'ordre légitime de la succession à la couronne et de
déclarer que je ne renoncerai jamais aux droits que, d'après les anciennes lois
françaises, je tiens de nia naissance.
Ces droits sont liés à de grands devoirs qu'avec la grâce de Dieu
je saurai remplir. Toutefois, je ne veux les exercer que lorsque, dans ma
conviction, la Providence m'appellera à être véritablement utile à la France.
[7] Comte DE FALLOUX, Discours et Mélanges
(t. II, p. 319).
[8] Marquis DE DAMPIERRE, Cinq années de vie politique
(p. 168).
[9] Marquis DE DAMPIERRE (pp. 168 à 170) et vicomte DE MEAUX, Correspondant, 10 oct.
1902 (pp. 10 et 11).
[10] Comte D'HAUSSONVILLE, Le comte de Paris (p.
23).
[11] Sur les sentiments du comte de
Chambord à l'égard des princes d'Orléans, avant l'entrevue du 5 août, V. les
Mémoires de la comtesse DE LA FERRONNAYS : Je
demande au comte de Chambord quelle conduite je dois tenir vis-à-vis des
princes d'Orléans que je rencontre dans les salons : — Tant qu'ils ne seront
pas rentrés dans le devoir, vous ne les connaitrez pas (p. 254). —
Un soir de janvier 1873, la comtesse de La Ferronnays s'est enfuie sans
voiture, sans manteau, de chez la duchesse de Galliera, pour éviter de se
trouver en face de la comtesse de Paris qui arrivait et qu'il lui était
interdit de saluer (p. 267).
[12] V. le testament du duc
d'Orléans, dans ses Lettres, publiées par le comte DE PARIS et le duc DE CHARTRES, 1889, in-16° (p. 311). Que le comte de Paris soit roi ou qu'il demeure le défenseur
obscur et méconnu d'une cause à laquelle nous appartenons tous, il faut qu'il
soit avant tout un homme de son temps et de sa nation : qu'il soit catholique
et serviteur passionné, exclusif de la France et de la Révolution.
[13] Document privé inédit.
[14] Général DU BARAIL, Mes Souvenirs (t. III,
p. 420).
[15] Vicomte D'HAUSSONVILLE, Le comte de Paris (p.
30).
[16] V. Mémoires de Mme DE LA FERRONNAYS (p. 264)
[17] E. DAUDET, La Vérité sur l'essai de
restauration (p. 25).
[18] Depuis la chute de M. Thiers,
on chantait à la grand'messe, à Frohsdorf, le Domine salvum fac regem. —
Mémoires de Mme DE LA FERRONNAYS (p. 247).
[19] Souvenirs inédits du
comte DE
VANSSAY
recueillis et communiqués par le marquis COSTA DE BEAUREGARD. — V. aussi DE FLERS, Le comte de Paris (p. 166).
[20] Sur la rédaction et la portée
de cette note, V. La Vraie République, 1902, in-8°, Documents (p.
XII).
[21] Cette
note brûlait mes doigts, dit M. DE VANSSAY. — Souvenirs inédits.
[22] Documents inédits.
[23] Souvenirs inédits.
[24] Souvenirs inédits. — Cf.
Marquis DE DREUX-BRÉZÉ (p. 90).
[25] V. DE SAINT-ALBIN, Histoire d'Henri V (p.
398) ; la déclaration du comte de Paris est reproduite à peu près dans les
mêmes termes, sauf en ce qui concerne le dernier membre de phrase.
[26] Marquis DE FLERS (p. 168).
[27] Maurice AUBRY, député à l'Assemblée
nationale, Mémoires inédits.
[28] Mgr BAUNARD, Histoire du cardinal Pie
(t. II, p. 504).
[29] Marquis DE DAMPIERRE (p. 179).
[30] Marquis DE DAMPIERRE (p. 213).
[31] DUBOSC DE PESQUIDOUX, Le comte de Chambord (p.
452). M. Henry de Vanssay écrivait à M. Dubosc de Pesquidoux : La fusion ! mot que Monseigneur blâmait, comme impliquant
une fusion de doctrines politiques, comme impropre à caractériser la situation,
et qu'on devrait toujours remplacer par celui de réconciliation. —
C'est, d'ailleurs, le terme qu'emploie constamment le prince : dans ses lettres
du 5 février 1857, au duc de Nemours ; du 8 février 1873, à l'évêque d'Orléans
; du 19 septembre 1873, à M. de Rodez-Bénavent ; du 17 octobre 1873, à M.
Chesnelong ; dans son manifeste du 2 juillet 1874.
[32] Lettres de M. GUIZOT à sa famille et à ses amis,
in-12, 1884.
[33] Lignes soulignées dans le
texte.
[34] Document inédit.
[35] Document inédit.
[36] Marquis DE DAMPIERRE (p. 178).
[37] Marquis DE FLERS (p. 177).
[38] Comte DE FALLOUX, Mémoires d'un royaliste
(t. II, p. 549).
[39] Comte DE FALLOUX, Mémoires d'un royaliste
(t. II, p. 554).
[40] Sur les causes qui
provoquèrent la publication du manifeste du 5 juillet 1871 relatif au drapeau
blanc, voir une curieuse lettre de M. E. de Monti, l'un des secrétaires du
comte de Chambord, à M. le vicomte de Maquillé, datée de Nantes, le 7 février
1872, publiée par le marquis DE DREUX-BRÉZÉ, dans ses Notes et
Souvenirs, 4e édition, (p. 387). M. de Dreux-Brézé accompagne cette lettre
d'une note, dans laquelle il allègue que le propagateur
en Anjou des paroles imprudentes qui
pouvaient compromettre le prince et faire croire au comte de Paris que la
question du drapeau était tranchée en faveur du drapeau tricolore, n'était
autre que le comte de Falloux (p. 392). C'est alors que le comte de Chambord se
prononça et trancha la question du drapeau, qu'il avait
réservée pendant quarante et une années d'exil et qu'il comptait réserver
encore.
Une
anecdote empruntée aux Mémoires de Mme DE LA FERRONNAYS tend à prouver que le comte de
Chambord n'avait rien décidé avant le manifeste du 5 juillet 1871. Au moment de
la révolution de février, le comte de La Ferronnays emporte à Frohsdorf un
uniforme de lieutenant-général qu'il emballe lui-même dans le plus grand secret.
Il dit à sa femme : — Vous voyez, ma chère, que Mgr
acceptera le drapeau que la France lui apportera ; car pour conserver entière
sa liberté, il n'a jamais porté de cocarde à ses chapeaux ni à ses vêtements
(p. 88).
V.
aussi, sur ce point : comte DE FALLOUX (t. II, p. 57) ; Henri DE PÈNE, Henri de France (p.
346).
[41] DAUDET (p. 84).
[42] Mgr BAUNARD (t. II, p. 506).
[43] Abbé LAGRANGE (t. III, p. 286).
[44] Ernest DAUDET (p. 8).
[45] Ch. MERVEILLEUX DU VIGNAUX, Un peu d'histoire à propos
d'un nom, Ernoul (p. 87).
[46] MERVEILLEUX DU VIGNAUX (p. 92).
[47] Document privé inédit.
[48] Souvenirs de M. Maurice
AUBRY.
— Document inédit (p. 10).
[49] Vicomte DE MEAUX, Correspondant du 10
juin 1899 (p. 839).
[50] Marquis DE DAMPIERRE (p. 234).
[51] Comte DE FALLOUX (t. II, p. 557).
[52] Il semble bien que le comte de
Paris n'ait pas été au courant de la mission de M. Combler ; car il écrit, dans
sa lettre du 3 octobre : Je reçois une lettre de mon
frère, très satisfait de sa visite à Frohsdorf. Il a trouvé M. Combler qui
était venu, évidemment, raconter la conférence du 25 à laquelle il assistait.
Le comte de Chambord a dit à mon frère qu'il était très content des nouvelles
que M. Combier lui apportait. (Mots soulignés dans le texte.) L'impression
personnelle de mon frère est excellente, surtout par la manière dont on lui a
parlé du rôle de l'Assemblée. — Document inédit.
[53] Comte DE FALLOUX (t. II, p. 568).