HISTOIRE DE SAINT-JUST

DÉPUTÉ À LA CONVENTION NATIONALE

LIVRE CINQUIÈME

 

CHAPITRE CINQUIÈME.

 

 

Un mot de Cambacérès sur le 9 thermidor. — Discussion à ce sujet. — Robespierre abandonne les Comités. — Situation personnelle de Saint-Just. — Aveu de Billaud-Varennes. — Saint-Just au Comité. — Arrêtés signés de lui. — Le bureau de police. — Les thermidoriens et Fouquier-Tinville. — Saint-Just attaque l'arbitraire des Comités. — Réfutations. — Encore les Mémoires de Barère. — Trois lettres au représentant Joseph Le Bon. — Diverses créations révolutionnaires. — La commission du Muséum. — Les Listes. — Conjuration contre Robespierre et ses amis. — Comment ceux-ci comprenaient la République. — Saint-Just jugé par les thermidoriens.

 

Nous avançons rapidement vers l'époque critique et désespérée d'où la réaction sortira triomphante, furieuse, ivre. Tandis que la République resplendissait au dehors et plantait fièrement son drapeau, à la stupéfaction de l'Europe, elle se minait au dedans ; et l'heure n'était pas loin où l'œuvre si laborieusement conçue et enfantée allait commencer d'être battue en brèche sans relâche, pour s'abîmer bientôt dans les flaques de sang et de boue de la terreur blanche.

Un jour Napoléon, dont le jugement très-désintéressé est bien plus favorable à Robespierre qu'aux ennemis de ce grand homme, demanda à Cambacérès ce qu'il pensait du 9 thermidor. Sire, répondit l'archichancelier qui, dans cette néfaste journée, avait eu au moins le mérite de rester neutre, cela a été un procès jugé, mais non plaidé[1].

Depuis le jour où Cambacérès flétrissait ainsi implicitement cette date sombre, une des plus funestes qui soient dans l'histoire de notre pays, de grands écrivains n'ont pas eu de peine à démontrer que la dignité, la morale, la justice et le bon droit furent du côté des vaincus de thermidor. Je viens, à mon tour, en ce qui concerne Saint-Just, prendre la parole dans ce grand débat, et prouver que cette révolution, si chère aux réactionnaires de toutes les nuances, ce qui ne veut pas dire modérés, grand Dieu a été accomplie par ce qu'il y avait de plus impur et de plus vil dans la Convention, aidé cette fois par quelques envieux, quelques aveugles et quelques ennemis ; qu'elle a empêché la solution des grands problèmes sociaux agités depuis 1789, et. qu'elle doit être maudite par tous les sincères partisans de la démocratie, quand les sanglantes et déplorables conséquences de cet abominable coup d'État n'en seraient pas la plus sûre condamnation.

Un homme d'un grand caractère[2], un des écrivains les plus versés dans l'histoire de notre Révolution, me disait un jour : Mais que serait-il arrivé sans le 9 thermidor ? A quoi je répondis : Je ne sais ce qui serait arrivé sans le 9 thermidor, mais je sais trop quels en ont été les résultats. Assurément rien de pis ne pouvait survenir. Il fut bien obligé de me faire cette concession. Maintenant, pour ma part, puisque nous en sommes réduits à l'état d'hypothèse, je crois fermement que, si le parti de Robespierre et de Saint-Just avait triomphé, le gouvernement révolutionnaire, indispensable encore jusqu'à la paix, mais dégagé de ce que quelques hommes lui avaient imprimé d'odieux et d'arbitraire, terrible aux méchants, eût été le salut des bons, et que la République démocratique, si forte déjà au dehors, n'eût pas tardé à se consolider au dedans, sur les bases indestructibles de la morale, avec le désintéressement de ses fondateurs pour sauvegarde. Cette croyance est fondée sur tous les actes, sur toutes les paroles de Robespierre, de Saint-Just, de Couthon et de Le Bas, et quiconque aura profondément étudié, comme nous, la conduite de ces grands citoyens, n'aura pas d'autre opinion.

Quand Saint-Just arriva, Robespierre avait, depuis quinze jours. environ, abandonné les Comités, froissé par une de ces criantes injustices qu'il aurait voulu empêcher. L'affaire de Catherine Théot est assez connue ; j'en dirai seulement quelques mots pour prouver, contre l'opinion générale, à combien peu se réduisait,. en définitive, l'influence personnelle de Robespierre au sein des deux Comités. 11 lui paraissait souverainement absurde et odieux qu'on livrât au Tribunal révolutionnaire, comme conspirateurs, une diseuse de bonne aventure, quelques femmes convaincues de pratiques superstitieuses et l'ex-constituant dom Gerle, à qui, quelques jours auparavant, il avait délivré un certificat de civisme. Il s'y opposa donc de toutes ses forces. Après avoir essayé en vain d'empêcher Vadier de rédiger un rapport sur ce qu'il appelait une farce ridicule, il pria aussi inutilement Fouquier de laisser de côté ce procès-verbal. Tu es le tyran des Comités, lui aurait dit Vadier dans la discussion ; à quoi Robespierre aurait répondu, s'il faut en croire un témoin du temps : Ah ! je suis un tyran ! eh bien, je vous affranchis de ma tyrannie ; sauvez la patrie sans moi, je me retire des Comités. Il se retira en effet.

Mais, si Robespierre, blessé au cœur, déserta le gouvernement, il n'en fut pas de même de Saint-Just, qui à lui seul — Couthon, malade, était presque toujours absent[3] —, lutta contre l'excessive influence de quelques membres du Comité de Salut public et l'arbitraire qu'il leur reprochait.

Quand je revins pour la dernière fois de l'armée, lisons-nous dans son dernier discours, je ne reconnus plus que quelques visages les membres du gouvernement étaient épars sur les frontières et dans les bureaux ; les délibérations étaient livrées à deux ou trois hommes avec le même pouvoir et la même influence que le Comité même, qui se trouvait presque entièrement dispersé, soit par des missions, soit par la maladie, soit par les procès intentés aux autres pour les éloigner. Le gouvernement, à mes yeux, a véritablement été envahi par deux ou trois hommes. C'est pendant cette solitude qu'il me semblait avoir conçu l'idée très-dangereuse d'innover dans le gouvernement et de s'attirer beaucoup d'influence. Tout était changé, le gouvernement n'était point divisé, mais il était épars et abandonné a un petit nombre qui, jouissant d'un absolu pouvoir, accusa les autres d'y prétendre, pour le conserver. C'est dans ces circonstances qu'on a conçu la procédure d'hommes innocents ; qu'on a tenté d'armer contre eux de très-injustes préventions. Je n'ai point à m'en plaindre ; on m'a laissé paisible comme un citoyen sans prétention, et qui marchait seul.

 

La plupart des historiens ont fait revenir Saint-Just quelques jours seulement avant la catastrophe dont il fut victime ; c'est une erreur. Dût sa part de responsabilité s'en trouver accrue aux yeux des réactionnaires, je dois à la vérité d'affirmer que du 11 messidor, date de son retour, au 9 thermidor il n'a point quitté Paris. D'ailleurs, il n'était pas dans les habitudes de cet âpre jeune homme de dissimuler aucun de ses actes, et s'il avait assez vécu pour expliquer sa conduite dans des Mémoires, il eût fièrement écrit, méprisant le lâche système et les faux-fuyants de son collègue Barère : J'ai fait tout ce que ma conscience m'a commandé de faire pour l'établissement et le maintien de la République. L'écrivain sincère doit donc le présenter tel qu'il a été à l'appréciation de ses concitoyens, et non en dessiner un portrait de fantaisie contre lequel, du fond de la tombe, protesterait son modèle cela même lui donne le droit de réfuter plus sévèrement les diatribes et les sottises des calomniateurs.

Saint-Just ne participa point aux actes les plus rigoureux du Comité de Salut public ; nous le prouverons bientôt en mettant les pièces mêmes sous les yeux de nos lecteurs. Dès son arrivée, ne voulant pas laisser exclusivement à ses collègues la direction de la République dans des voies qui ne lui paraissaient pas toujours justes, il retourna au poste où l'avait appelé la confiance de la Convention, et assista assidûment aux séances du Comité, où il gêna beaucoup par sa présence les autres membres, — sans doute Billaud, Collot-d'Herbois et Barère — s'écria ingénument Billaud- Varennes, à la Convention, avouant ainsi, sans s'en douter, combien ces autres membres supportaient impatiemment le contrôle de Saint-Just sur la dictature réelle qu'ils s'étaient arrogée.

Nous avons, le premier, je crois, le seul peut-être jusqu'à présent, pu suivre, jour par jour, sur les pièces mêmes du Comité de Salut public, la trace des travaux de Saint-Just, et nous rendre compte de la part qu'il a prise au gouvernement dans la période de temps qui s'est écoulée entre le 11 messidor et le 9 thermidor ; c'est ce qui nous permet aujourd'hui de répondre victorieusement à une foule d'assertions absurdes et mensongères.

Comme nous l'avons dit déjà, il n'est sorte d'accusations qu'après thermidor on n'ait lâchement cherché à faire peser sur Robespierre, Saint-Just, Couthon et Le Bas. Tandis qu'on s'attribuait le mérite de tout ce qui s'était fait de bien et d'utile, on tentait de les rendre responsables de rigueurs auxquelles ils étaient restés complètement étrangers. Les accusateurs étaient bien certains que les morts ne se lèveraient pas pour les démentir d'ailleurs, quiconque eût osé alors défendre la mémoire des vaincus de thermidor se fût tout simplement frayé un chemin à l'échafaud. David même les renia, David qui, la veille, voulait boire la ciguë avec eux. Et la France se croyait débarrassée de la terreur ; bonne France !

Cette terreur, on le sait, naquit d'un concours de circonstances fatales qui la rendirent inévitable et en quelque sorte nécessaire. Elle fut l'œuvre de tous et ne fut l'œuvre de personne. Ceux qui, sans le vouloir, y contribuèrent le plus, furent certainement les auteurs de cette loi des suspects en vertu de laquelle les prisons s'emplirent, cette loi fameuse contre laquelle s'exerça la verve railleuse de Camille Desmoulins, et dont les auteurs, déjà nommés, sont Merlin (de Douai), un thermidorien ! et Cambacérès. Une sorte de folie furieuse s'empara alors de la nation tout entière. Le trop de zèle des uns, la lâcheté des autres firent dépasser le but. On vit des nobles, des personnes d'un nom connu dans la haute société dénoncer leurs amis, leurs camarades de collège, leurs parents, se glorifier d'être espions du Comité de Salut public et arrêter eux mêmes les individus qu'ils dénonçaient[4].

J'ai été stupéfait, je l'avoue, quand j'ai eu sous les yeux cette masse de rapports dénonciateurs, adressés jour par jour, de tous les points de la France, au Comité de Salut public, et je me suis demandé comment, en effet, la bonne foi de quelques hommes surchargés de tant de travaux aurait pu ne pas être surprise quelquefois, et comment ils auraient pu ne pas commettre d'involontaires erreurs. Car, ce qu'il n'est pas permis de mettre en doute, c'est leur droiture, leur probité sans exemple, et leur volonté de sauver la patrie.

Dans l'innombrable série de ces dénonciations, comprenant à la fois des contre et des ultra-révolutionnaires, j'en note une qui m'a semblé curieuse. Elle est dirigée contre un individu nommé Bourget, qualifié ex-aristocrate et ultra-révolutionnaire ; il est accusé d'avoir, à la suite d'une orgie fait jurer à ses compagnons de ne point reconnaître de divinité, proposé de massacrer tous les détenus et de s'être écrié que la probité avait été mise à l'ordre du jour pour opérer la contre-révolution. Tous les ordres d'arrestation portent en marge : Sur l'avis du comité de surveillance de tel ou tel endroit, sur l'avis de tel ou tel directoire, etc. une vingtaine de ces ordres sont revêtus de la signature de Saint-Just, presque toujours en compagnie de celle de Carnot. En voici un du 7 thermidor, signé, pour extrait, de Carnot et de lui :

Le Comité de Salut public arrête que l'agent national du district de Laigle (Orne) fera sur-le-champ arrêter le nommé Housset-Desroches, prévenu d'être complice du ci-devant marquis de Laigle et de son valet de chambre, arrêtés comme soupçonnés d'avoir répandu de faux assignats.

En revanche, un grand nombre d'ordres de mise en liberté sont écrits et signés de sa main. Tel est, par exemple, l'arrêté suivant, concernant un homme devenu célèbre :

Le Comité de Salut public met en liberté le citoyen Drouot, ci-devant chef de brigade au 6e régiment de chasseurs à cheval, détenu injustement à l'Abbaye.

Voici encore, à la date du 26 messidor, une petite note dont la minute est écrite et signée par lui, sur un petit carré de papier portant le timbre du Comité :

Le Comité de Salut public renvoie à son poste l'agent national Denanès persuadé qu'il ne retombera jamais dans la faute que la vivacité de son caractère lui a fait commettre. Il écrira une lettre d'excuses aux représentants du peuple près l'armée de Sambre-et-Meuse.

 

Nous trouvons, en passant, l'ordre d'arrestation, pour actes vexatoires et oppressifs, du jeune ami de Danton, Rousselin, depuis Rousselin de Saint-Albin, qui a eu tort d'attribuer plus tard sa captivité à Saint-Just et à Robespierre. L'ordre de son arrestation est signé Billaud-Varennes, Carnot, Couthon, Collot-d'Herbois et Barère. Il est du 27 messidor.

Il n'est ici question que du Comité de Salut public, et non du Comité de Sûreté générale, qui, ayant plus spécialement dans ses attributions toute la policé de la République, a eu bien plus d'arrestations à ordonner. Puisque j'ai prononcé le mot de police, il est important de dire quelques mots du bureau de police générale organisé au sein même du Comité de Salut public, peu après la loi du 22 prairial, et qui datait à peine de quelques jours lorsque Robespierre abandonna les comités.

Quand, après thermidor, les anciens membres des comités furent accusés à leur tour, ils prétendirent que par Couthon et Saint-Just Robespierre avait continué de diriger ce bureau, auquel ils attribuaient tous les excès commis. Mais le girondin Saladin, un des soixante-treize sauvés par Robespierre, proscrivant à son tour, et prenant cette fois en main la défense de leurs victimes, leur répondit avec raison :

Robespierre présidait-il, dirigeait-il ce bureau pendant le temps que, de l'aveu des membres dénoncés, il était absent du Comité de Salut public ? ou si, sans y paraître, son esprit y vivait, son influence y régnait, pourquoi le souffrait-on ? A-t-on oublié d'ailleurs que, pendant cet intervalle de temps, Saint-Just a fait un séjour presque habituel à l'armée du Nord ?

 

Puis, pour mieux les confondre, il leur cita ces paroles mêmes de l'homme qui les avait si bien servis en thermidor, de Fouquier-Tinville, qui répondait à Billaud, dans son Mémoire :

Je n'ai jamais eu connaissance que le bureau .de police générale fût un établissement distinct et séparé du Comité de Salut public... D'ailleurs, tous les ordres m'ont été donnés dans le lieu des séances du Comité, de même que tous les arrêtés qui m'ont été transmis étaient intitulés Extrait des registres du Comité de Salut public, et signés de plus ou moins de membres de ce Comité[5].

 

Voici maintenant les explications personnelles fournies par Robespierre, dans la séance du 8 thermidor.

J'ai été chargé momentanément, en l'absence de mes collègues, de surveiller un bureau de police générale récemment et faiblement organisé au Comité de Salut public. Ma courte gestion s'est bornée à provoquer une trentaine d'arrêtés, soit pour mettre en liberté des patriotes persécutés, soit pour s'assurer de quelques ennemis de la Révolution. Eh bien, croira-t-on que ce seul mot de police générale a suffi pour mettre sur ma tête la responsabilité de toutes les opérations du Comité de Sûreté générale, des erreurs des autorités constituées, des crimes de tous mes ennemis ? Il n'y a peut-être pas un individu arrêté, pas un citoyen vexé à qui l'on n'ait dit de moi : Voilà l'auteur de tes maux, tu serais heureux et libre s'il n'existait pas ! Comment pourrais-je ou raconter ou deviner toutes les espèces d'impostures qui ont été clandestinement insinuées, soit dans la Convention nationale, soit ailleurs, pour me rendre odieux et redoutable ? Je me bornerai à dire que, depuis plus de six semaines, la nature et la force de la calomnie, l'impuissance de faire le bien et d'arrêter le mal, m'ont forcé à abandonner absolument mes fonctions de membre du Comité de Salut public, et je jure qu'en cela même, je n'ai consulté que ma raison et la patrie.

Quoi qu'il en soit, voilà au moins six semaines que ma dictature est expirée et que je n'ai aucune espèce d'influence sur le gouvernement. Le patriotisme a-t-il été plus protégé ? les factions plus timides ? la patrie plus heureuse ? Je le souhaite. Mais cette influence s'est bornée, dans tous les temps, à plaider la cause de la patrie, devant la représentation nationale et au tribunal de la raison publique ; il m'a été permis de combattre les factions qui vous menaçaient ; j'ai voulu déraciner le système de corruption et de désordre qu'elles avaient établi et que je regarde comme le seul obstacle à l'affermissement de la République. J'ai pensé qu'elle ne pouvait s'asseoir que sur les bases éternelles de la morale. Tout s'est ligué contre moi et contre ceux qui avaient les mêmes principes.

 

Quant à Saint-Just, il n'était pas à Paris au moment de l'organisation de ce bureau de police qui, peu de temps après son retour, fut réuni au Comité de Sûreté générale, dont il avait éveillé les susceptibilités et qui, d'ailleurs, comme nous venons de le prouver, a toujours été dirigé en commun par les membres présents du Comité de Salut public. Il est donc évident, pour quiconque veut ouvrir les yeux et étudier de bonne foi cette sombre période de notre histoire, que les véritables pourvoyeurs du Tribunal révolutionnaire ont été ceux qui, pendant quatre décades avant thermidor, ont exercé la dictature en l'absence de Robespierre, et sans prendre garde à Saint-Just, qu'ils laissaient à l'écart, comme un citoyen sans prétention et qui marchait seul[6]. Comment, d'ailleurs, répéterai-je encore, Saint-Just et Couthon eussent-ils pu imposer leurs volontés à des hommes tels que Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois, Carnot, Robert Lindet, Prieur et Barère, et contre-balancer l'influence de ceux-ci, quand il fallait au moins trois signatures pour valider les actes du Comité de Salut public ? Et ce nombre, si commode pour trois hommes résolus à s'entendre, quel est celui des membres du Comité de Salut public qui le trouve insuffisant et dangereux pour la liberté ? Est-ce Barère ? est-ce Carnot ? est-ce Robert Lindet ? Non c'est Saint-Just. Il disait, dans son discours du 9 thermidor :

Je regarderais comme un principe salutaire et conservateur de la liberté publique, que le tapis du Comité fut environné de tous ses membres. Vous avez confié le gouvernement à douze personnes ; il s'est trouvé, en effet, le dernier mois, entre les mains de deux ou trois. Avec cette imprudence, on s'expose à inspirer aux hommes le goût de l'indépendance et de l'autorité. Vous devez regarder comme un acte de tyrannie toute délibération du Comité qui ne sera pas signée de six membres ; vous devez examiner aussi s'il est sage que ses membres fassent le métier de ministres qu'ils s'ensevelissent dans des bureaux ; qu'ils s'éloignent de vous, et altèrent ainsi l'esprit et les principes de leur compagnie[7].

 

Sont-ce là les paroles d'un homme qui aspire à la tyrannie et qui veut la continuation d'un régime arbitraire ? Pourquoi donc l'oublieuse génération qui a suivi la Révolution française, a-t-elle si injustement départi le blâme et l'éloge ? Pourquoi, avec l'impardonnable légèreté qui caractérise notre nation, a-t-elle accepté, sans contrôle, des jugements injustes et cruels ? Pourquoi a-t-elle attribué tout le mal aux uns, tout le bien aux autres, tandis qu'il eût fallu peser tout dans une balance égale ? Pourquoi l'exécration à ceux-là, et l'admiration à ceux-ci ? Si Carnot eut l'impérissable gloire d'organiser, du fond de son cabinet, des plans de campagne dignes de tout éloge, Saint-Just eut le mérite de les appliquer et de les rectifier, très-heureusement quelquefois, sur le terrain. Là, sans aucun doute, fut la cause des hostilités qui éclatèrent entre eux au sein du Comité de Salut public. Ainsi, Carnot avait prescrit à Jourdan de détacher dix-huit mille hommes de son armée pour les envoyer à Pichegru ; le général démontra le danger de cet ordre à Saint-Just, qui prit sur lui d'en empêcher l'exécution. Or, l'événement a donné raison à Saint-Just, car on était à la veille d'investir Charleroi et de livrer la bataille de Fleurus qui sait ce qui serait arrivé, si Saint-Just n'eût pas autorisé Jourdan à conserver la totalité de ses forces ? Déjà, au sujet de l'administration des armes portatives et de celle des poudres et salpêtres, quelques dissentiments s'étaient élevés entre Carnot et Saint-Just celui-ci reprochait.an premier la négligence avec laquelle ces administrations étaient conduites. Dans une discussion très-vive, s'il faut en croire le Mémoire justificatif de Collot, de Barère, de Billaud et de Vadier, Mémoire très-suspect et peu digne de foi en ce qui concerne Robespierre et Saint-Just, Carnot aurait accusé Saint-Just et ses amis d'aspirer à la dictature. Saint-Just, furieux, se serait alors écrié que la République était perdue si les hommes chargés de la gouverner se traitaient ainsi de dictateurs ; qu'il voyait bien le projet de l'attaquer, mais qu'il se défendrait.

Carnot dans les Mémoires fort incomplets publiés sous son nom, ne parle qu'une seule fois de ses démêlés avec Saint-Just, qui, un jour, dit-il, lui reprocha la protection accordée par lui au général O'Moran, accusé de trahison à l'armée du Nord. Sur l'objection de Carnot, que l'accusateur du général était un concussionnaire[8], Saint-Just aurait répondu que des patriotes ne pouvaient être concussionnaires, puisque tout leur appartenait. Dans tout ceci, il n'y a certainement de vrai que la discussion relative au général irlandais O'Moran, qui, sans doute, n'était pas innocent, puisqu'il fut condamné à mort, le 16 ventôse de l'an n, à une époque où de pareilles condamnations étaient encore assez rares. Quant aux paroles prêtées à Saint-Just, on ne peut y ajouter aucune foi ; car un pareil langage n'était pas dans les habitudes de l'homme qui a été si terrible aux ultrarévolutionnaires et aux concussionnaires réputés patriotes.

Toujours est-il que Carnot, soit qu'il eût gardé rancune à Saint-Just des démêlés qui s'étaient élevés entre eux, soit qu'il n'eût pas vu grand inconvénient à défendre les vivants au détriment des morts, soit que sa bonne foi eût été surprise par les affirmations de Billaud Varennes, de Collot-d'Herbois et de Barère, crut devoir se joindre à ceux qui attaquèrent sans ménagement la mémoire de Robespierre et de Saint-Just.

Tandis que, dans la défense de ses anciens collègues, Robert Lindet avait courageusement invoqué, selon les règles de la justice, le principe de la solidarité commune, d'autres, dans la séance du 3 germinal de l'an m, rejetèrent tout le mal commis pendant les jours de la terreur sur Robespierre et sur Saint-Just, et attribuèrent à ce dernier la création du bureau de police, quand il est constant, comme nous l'avons fait observer plus haut, que Saint-Just était à l'armée du Nord à l'époque où fut organisé ce bureau, dirigé en commun par tous les membres du Comité de Salut public, ainsi que nous l'avons démontré par les paroles de Fouquier-Tinville. A l'aide de ces mêmes preuves irrécusables, nous allons également démontrer que Saint-Just n'eut jamais aucun rapport personnel et particulier avec le sinistre accusateur près le Tribunal révolutionnaire :

Je n'ai jamais concerté avec Robespierre ni avec aucun membre des comités, isolément et particulièrement, pour savoir de quelle manière je dresserais un acte d'accusation. J'ignorais même la demeure de Saint-Just et de Couthon quant à Robespierre, j'ai été une seule fois chez lui, le jour de l'assassinat de Collot-d'Herbois, comme je me suis présenté chez ce dernier ; je n'ai en ni relation, ni correspondance particulière avec ces conjurés, j'ai toujours écrit au Comité de Salut public, et je ne leur ai parlé qu'au Comité et comme membres du Comité, et jamais ailleurs, pas même aux Jacobins il est impossible de me prouver le contraire. Je n'ai point fourni de liste à Robespierre des personnes qui devaient être mises en jugement chaque jour, ni n'ai jamais reçu sa volonté personnelle à cet égard... Je proteste de nouveau que je n'ai eu aucune relation ni correspondance particulière avec Robespierre, Saint-Just, Couthon ; il n'en a été trouvé aucune trace dans mes papiers, il n'en sera pas trouvé davantage aucune trace émanée de moi dans les papiers de tous ces monstres[9].

 

Il fut convenu, en effet, dans les premiers jours qui suivirent thermidor, que Robespierre, Saint-Just et leurs complices étaient des monstres convaincus d'avoir voulu arrêter le cours majestueux, terrible de la Révolution française[10].

Au reste, aucun membre des comités n'eut, je crois, de rapports personnels et intimes avec Fouquier-Tinville ; aucun, excepté toutefois le thermidorien Vadier, vieux juge endurci de l'ancien régime, qui, dans deux lettres atroces, recommanda tout particulièrement dix prévenus de Pamiers au courage et à l'adresse de son cher ami[11].

Quant aux jurés du Tribunal révolutionnaire, un seul avait eu des relations d'amitié avec Saint-Just, c'était le respectable Duplay, qui siégea très-rarement et qui n'était nullement d'un caractère à se laisser dominer. Les autres lui étaient complètement étrangers ; plusieurs même lui furent toujours hostiles, et leur animosité perça assez dans le procès de Fouquier pour qu'on puisse tenir pour certain que jamais, dans leurs rigoureuses décisions, ils ne cherchèrent à lui complaire. Je n'ai pas à me prononcer ici sur la manière dont les jurés du Tribunal révolutionnaire ont compris leur cruelle mission. Il y aurait sur ce sujet une longue histoire à faire, pour laquelle il faudrait une plume dégagée de toute passion et de tout esprit de parti. Quant à moi je ne sache pas de plus affreux supplice que celui d'être l'arbitre de la vie de ses semblables, et je souhaite de n'y être jamais condamné. Trop fragile est la conscience humaine, et trop d'erreurs ont ensanglanté les fastes judiciaires ! Mais, en tous cas, les juges des Calas, des Lally, des Sirven, des Labarre, des Montbailli et de tant d'autres victimes avaient laissé un trop funeste exemple de partialité, de rigueur et de barbarie, et l'on n'était pas encore assez loin d'eux, pour que leurs successeurs pussent être bien doux et bien cléments, surtout en présence des machinations de toutes sortes qui, chaque jour, se dressaient contre la République.

Si les individus traduits au Tribunal révolutionnaire n'ont pas été tous consciencieusement jugés, terrible et profond mystère la faute n'en a certainement pas été au Comité de Salut public, qui s'en fiait à l'honnêteté du Tribunal et qui indemnisa généreusement les accusés dont la justice nationale avait proclamé l'innocence en les acquittant. Parmi une foule d'arrêtés concernant ces -sortes d'indemnités, je trouve, à la date du 28 messidor, celui-ci, écrit de la main de Saint-Just :

Le Comité de Salut public arrête qu'il sera délivré au citoyen Claude Thirion, juge de paix du canton d'Halsein, département de la Meurthe, acquitté par le Tribunal révolutionnaire, un mandat, sur la trésorerie nationale, de quinze cents livres, à titre d'indemnité.

Signé : SAINT-JUST, CARNOT, BARÈRE, COLLOT-D'HERBOIS, BILLAUD-VARENNES.

 

Ce gouvernement provisoire du Comité de Salut public savait donc mieux que beaucoup d'autres concilier avec les rigueurs qui lui semblaient indispensables, la juste réparation des erreurs commises et les droits de l'humanité.

Ce mot d'humanité nous force de revenir à Barère. Dans ses Mémoires, il accuse Saint-Just, dont il fait le bouc émissaire de tomes les rigueurs du Comité, d'avoir proposé qu'on n'accordât aux détenus qu'une allocation quotidienne de quinze sous, au lieu de quarante proposés par lui. Pour infirmer ce témoignage de Barère, il me suffirait de rappeler les innombrables erreurs, volontaires ou non, dont fourmillent les Mémoires de cet ancien membre du Comité. Croirait-on, par exemple, qu'il est assez oublieux pour faire retourner Le Bas à l'armée du Nord, quelques jours avant la bataille de Fleurus ? Il y a bien d'autres bévues et d'autres erreurs, sciemment commises, que nous réfuterons bientôt, comme, par exemple, celles-contenues dans les pages si invraisemblables où il prétend qu'un jour Saint-Just demanda, en plein Comité, la dictature pour Robespierre. En rédigeant ainsi ses Mémoires, Barère se répétait sans doute sa trop fameuse phrase : Il n'y a que les morts qui ne reviennent pas. Or, l'arrêté qui alloue quarante sous par jour à chaque détenu, est écrit, sans rature, de la main de Saint-Just et signé par lui. Jamais Saint-Just, au contraire, ne comprit les rigueurs inutiles, et, pour preuve, j'en puis citer cet autre arrêté, signé de lui et de Le Bas, à l'époque où, étant en mission à Strasbourg, ils crurent devoir ordonner l'arrestation des membres de la municipalité de cette ville :

Les représentants du peuple envoyés extraordinairement près les armées du Rhin et de la Moselle, ordonnent au directoire du département de la Moselle, séant à Metz, de prendre sur-le-champ toutes les mesures nécessaires pour que les membres des autorités de Strasbourg, détenus à Metz, soient traités avec les soins que réclame l'humanité.

Strasbourg, le 25 frimaire de l'an II[12].

 

Tandis que Saint-Just, absent de Paris, entendait ainsi la dignité de sa mission et tempérait par de pareils ordres la rigueur de certaines mesures, comment quelques membres du Comité, qui plus tard ont voulu revendiquer, à leur profit, le bénéfice de la modération, comprenaient-ils la conduite des représentants en mission, et en quels termes recommandaient-ils à Joseph Le Bon, notamment, de ne rien négliger pour le salut de la patrie ? Voici trois lettres adressées au proconsul d'Arras ; nous allons les mettre sous les yeux de nos lecteurs, non point dans l'intention de récriminer contre ceux qui les ont signées, mais parce que les historiens réactionnaires ayant représenté Le Bon comme un séide de Saint-Just, quand il est notoire qu'il n'y eut jamais entre eux de correspondance réciproque[13], il importe de bien constater de qui ce conventionnel tenait ses instructions. Les trois lettres trouvées dans les papiers de Saint-Just et écrites par Le Bon à Saint-Just et à Le Bas, dans le courant de floréal, à l'époque où ceux-ci étaient commissaires extraordinaires dans le département du Nord, ne sont point des réponses, mais des lettres spontanées, rédigées dans un style en rapport avec les passions et les fureurs de l'époque.

Dans la volumineuse correspondance du Comité de Salut public avec les représentants en mission, une seule minute de lettre à Le Bon, en date du 26 messidor, m'a paru être de l'écriture de Saint-Just. Elle ne porte pas de signature et est relative à une fourniture de mauvais pain. On y engage le commissaire de la Convention à prendre tous les renseignements possibles sur une distribution de mauvais pains de munition faite à la division sous Landrecies, à examiner sévèrement le fait, à punir, dans toute la rigueur des lois, les fournisseurs criminels qui ont osé commettre ce délit, et à instruire le Comité des mesures prises à ce sujet.

Citons maintenant les trois lettres de félicitation et de recommandation adressées au citoyen Joseph Le Bon, représentant du peuple et commissaire de la Convention dans le département du Pas-de-Calais. Voici la première :

Le Comité, citoyen collègue, vous fait observer qu'investi de pouvoirs illimités, vous devez prendre dans votre énergie toutes les mesures commandées pour le salut de la chose publique. Continuez votre attitude révolutionnaire ; l'amnistie prononcée lors de la Constitution captieuse, et invoquée par tous les scélérats, est un crime qui ne peut en couvrir d'autres. Les forfaits ne se rachètent point contre une République ; ils s'expient sous le glaive. Le tyran l'invoqua, le tyran fut frappé. Secouez sur les traîtres le flambeau et le glaive. Marchez toujours, citoyen collègue, sur cette ligne révolutionnaire que vous décrivez avec courage ; le Comité applaudit à vos travaux.

Salut et fraternité.

Signé : BARÈRE, CARNOT, BILLAUD-VARENNES.

26 brumaire, l'an II de la République.

 

La seconde est ainsi conçue :

Le Comité de Salut public, citoyen collègue, a transmis les détails intéressants que vous lui communiquez, au Comité de Sûreté générale ; c'est de lui que vous devez recevoir une réponse relativement à la masse des lettres. Nous vous observons que vous pouvez donner des ordres au tribunal criminel pour l'évacuation des prisons. Toutes les mesures révolutionnaires vous sont permises, ou plutôt commandées par vos pouvoirs et par le salut de la patrie.

Salut et fraternité.

Signé : BILLAUD-VARENNES, CARNOT.

 

Voici enfin la troisième, dont Barère ne s'est pas vanté non plus dans ses Mémoires :

Le fanatisme s'agite dans la commune de l'Ambre, la superstition lui prépare des armes, le mal est encore à sa source, sache l'arrêter. Étudie l'esprit de ces contrées, éclaire le peuple, il sent le besoin d'instruction, il profitera de tes lumières. Assure-toi de ceux qui l'égarent, arrête et frappe.

Salut et fraternité.

Signé : COLLOT-D'HERBOIS, BARÉRE.

 

A coup sûr, Robespierre et Saint-Just approuvaient bien peu la façon dont le proconsul d'Arras secouait sur les traîtres le flambeau et le glaive, puisque Joseph Le Bon déclara lui-même, dans sa défense devant la Convention, que, peu de temps avant thermidor le monstre avait annoncé publiquement le dessein de le faire guillotiner. Bien mieux ; dans le courant de messidor, on adressa à la Convention de nombreuses plaintes contre Joseph Le Bon. Qui prit la parole pour défendre le membre accusé ? Fut-ce Robespierre, qui avait déserté les comités, et qui, aux Jacobins, tonnait sans relâche et de toute son indignation contre les représentants continuateurs du déplorable système d'Hébert et de Ronsin ? Fut-ce Saint-Just, qui, dans l'isolement où on le laissait, ne cessait de gémir sur l'arbitraire que certains membres du gouvernement poussaient à d'intolérables limites ? Non, ce fut Barère, qui demanda l'ordre du jour sur les plaintes soumises à l'Assemblée, et, en effet, la Convention passa à l'ordre du jour[14].

Mais, si Saint-Just demeura complètement étranger aux instructions en vertu desquelles Joseph Le Bon crut devoir pousser si loin le zèle révolutionnaire, il ne coopéra pas plus à certaines créations qui contribuèrent à imprimer un mouvement ascensionnel au régime de la terreur. Il était absent quand la commission des administrations civiles, police et tribunaux, fut chargée de rechercher dans les prisons tous les détenus suspects d'avoir trempé dans les diverses factions anéanties parla Convention nationale ; il était absent quand fut autorisée par le Comité de Salut public l'installation de cette terrible commission populaire d'Orange ; il était absent encore quand, par arrêté du 14 floréal, les Comités de Salut public et de Sûreté générale organisèrent, en exécution d'un décret du 25 ventôse, la commission populaire du Muséum, dont le membre le plus influent, le citoyen Trinchard, était son ennemi personnel.

Les membres de cette commission, disait l'arrêté, ne perdront jamais de vue le salut de la patrie qui leur est confié et qui doit être la règle suprême de leurs décisions, ils vivront dans cet isolement salutaire qui concilie aux juges le respect et la confiance publique, et qui est le plus sûr garant de l'intégrité des jugements ; ils repousseront toutes sollicitations, et fuiront toutes les relations particulières qui peuvent influencer les consciences et affaiblir l'énergie des défenseurs de la liberté.

 

Cette commission était spécialement chargée d'examiner s'il se trouvait, dans les prisons de Paris, des patriotes injustement détenus, et de faire le recensement des gens suspects à déporter ou à renvoyer au Tribunal révolutionnaire. Si elle avait sérieusement accompli son mandat, selon les vues de ceux qui en avaient demandé la création dès le mois de ventôse, elle eût pu rendre d'immenses services ; bien des erreurs irréparables eussent été évitées, et la conscience de la Révolution ne serait pas si lourdement chargée. Mais les hommes qui la composaient crurent prouver leur patriotisme en déployant un zèle farouche et exagéré ; ils commirent précisément le crime, tant reproché par Robespierre et par Saint-Just, de désigner des citoyens inoffensifs et paisibles à la sévérité des comités. Le Comité de Salut public, surchargé de tant de travaux, était obligé de s'en rapporter aux lumières de la commission du Muséum, et il signait, presque sans examen, les listes de détenus à déporter ou à renvoyer au Tribunal. Eh bien, de toutes les listes de déportation qui sont restées et que j'ai eues sous les yeux, aucune ne porte la signature de Saint-Just, non plus que celles de Robespierre, de Couthon et de Le Bas[15].

Quant aux listes de détenus à renvoyer devant le Tribunal révolutionnaire, elles ont disparu également pour la plupart, et ont été très-certainement détruites par les thermidoriens, peu après thermidor, quand ils ont vu la réaction grandir et devenir menaçante. Des personnes dignes de foi, qui les ont vues à l'époque où elles furent dressées, ont affirmé qu'elles ne portaient ni la signature de Robespierre, ni celle de Saint-Just. Elles ont même nommé les signataires ; je ne les imiterai pas en ceci, parce qu'une simple affirmation ne me paraît pas suffisante[16]. Mais la meilleure preuve, suivant nous, qu'elles n'étaient signées ni de Robespierre, ni de Saint-Just, c'est que les thermidoriens les ont anéanties, ce dont ils se seraient bien gardés s'ils avaient pu s'en faire une arme contre ceux à la charge desquels ils ont essayé de mettre toutes les rigueurs de la Révolution. Et si l'on considère que sur les quelques grandes listes qui ont échappé, par miracle, à la destruction, une seule est signée de Saint-Just, on sera entièrement convaincu qu'en effet il est resté à peu près étranger à la confection de ces funèbres inventaires.

Et néanmoins, dans une petite note traîtresse, Barère a écrit triomphalement : Il a signé seul une liste de cent cinquante-neuf détenus qu'il a renvoyés au Tribunal révolutionnaire[17]. Barère ne manquait pas d'adresse, et il en fait preuve dans cette circonstance, en retournant contre Saint-Just quelques lignes du rapport de la commission des Vingt-et-un dirigées contre lui-même et deux autres membres du grand Comité ; mais une simple explication suffira pour réfuter cette nouvelle calomnie. J'ai vu, en effet, dans les cartons du Comité de Salut public, cette liste au bas de laquelle figure le nom de Saint-Just ; mais c'est un duplicata de celle qui a été trouvée dans le dossier de Fouquier-Tinville, laquelle, comme le fait observer Saladin, ne porte aucune signature[18]. Or, il en fallait trois au moins pour rendre valable un arrêté du Comité de Salut public, et Fouquier ne se fût pas exposé se mettre en défaut. La minute de cette liste, revêtue de la signature des membres du Comité a donc dû être anéantie, et du nom de Saint-Just, qui se trouve au bas d'une copie qui n'a pas servi, on peut tout au plus conclure qu'il avait avec Barère, Carnot et ses autres collègues, signé l'original de l'arrêté en vertu duquel ces cent cinquante-neuf détenus ont été traduits au Tribunal révolutionnaire[19]. La seule liste où figure légalement sa signature, en compagnie de celles de Carnot, de Prieur, de Billaud-Varennes, de Couthon et de Collot-d'Herbois, est une liste de quarante-neuf détenus traduits au Tribunal par arrêté du Comité de Salut public en date du 2 thermidor. Mais cette épouvantable liste du 3 thermidor contenant trois cent soixante-dix-huit noms, il ne l'a pas signée. Les signataires sont Voulland, Vadier, Élie Lacoste, Collot-d'Herbois, Barère, Philippe Rühl, Amar, Prieur et Billaud-Varennes, tous thermidoriens. Celle des cent trente-huit détenus, confectionnée, comme la précédente, par la commission du Muséum, n'est pas non plus signée de lui. Cependant il était à Paris, ne quittait pas le Comité de Salut public, et à ces mêmes dates, il a signé plusieurs arrêtés, entre autres celui concernant la mise en liberté de Drouot. Pourquoi donc cette abstention ? Était-ce une protestation contre ces listes trop chargées et trop rapidement faites, où se trouvaient confondus tous les rangs de la société, sans distinction d'âge ou de sexe ? C'est ce que seul il aurait pu expliquer, si, quelques jours plus tard, il n'eût été renversé par les signataires mêmes de ces listes. Mais son secret n'est pas descendu tout entier dans la tombe avec lui les quelques lignes de son dernier discours, où il demande la cessation de l'arbitraire, et les paroles prononcées par lui au sein du Comité de Salut public dans la nuit du 8 au 9 thermidor, sont pour nous la preuve qu'il condamnait ce qu'il y avait d'odieux dans de pareils moyens révolutionnaires.

La tension d'un tel système ne pouvait durer longtemps, et les ferments de discorde qui bouillonnaient au sein des comités rendaient une crise inévitable ; le salut de la République dépendait de la façon dont elle serait résolue. Le malheur de la France voulut qu'elle tournât contre ceux qui travaillaient sincèrement à la fondation d'une République conforme à la modération, à la justice et à la dignité qui conviennent à un grand peuple.

La terreur eût entièrement disparu alors, au lieu de reparaître sous d'autres formes, avec la plus profonde hypocrisie qui fut jamais. Cependant Robespierre, Saint-Just et leurs amis avaient-ils l'intention d'ouvrir les prisons et de mettre tous les détenus en liberté, comme l'ont pensé beaucoup d'historiens ? Je ne le crois pas. Dans la situation critique où l'on se trouvait, c'eût été fournir aux ennemis de la Révolution le moyen de faire incarcérer les républicains à leur place, comme cela est si bien arrivé après thermidor ; Robespierre et Saint-Just étaient trop habiles pour ne pas prévoir un semblable résultat. Mais ils voulaient la justice, et non la terreur ; mais ils voulaient arrêter l'effusion de sang inutile qui couvrait la France ; mais ils voulaient punir ceux qui en étaient les auteurs, frapper les traîtres et les ennemis actifs, et non cette masse d'indifférents emprisonnés comme suspects et ne demandant à la République que de les laisser vivre : Ici, on calomnie ouvertement les institutions républicaines, disait Robespierre ; là, on cherche à les rendre odieuses par des excès. On tourmente les hommes nuls ou paisibles... Ce qu'il y a de certain, ce qu'on ne saurait révoquer en doute, ce que nous allons prouver, c'est que Saint-Just, Robespierre, Le Bas et Couthon furent abattus comme modérés, comme contre-révolutionnaires, comme ayant voulu arrêter le cours terrible de la Révolution, et, pour me servir d'une expression de nos jours, comme hommes d'ordre. Le 9 thermidor fut la revanche de l'hébertisme[20].

Qu'avait reproché Javogues à Couthon, dans sa dénonciation contre lui ? D'avoir été trop clément à Lyon. Pendant ton séjour d'un mois et demi à Lyon, disait-il en le prenant à partie, trente rebelles seulement, malgré les réclamations du peuple, sont tombés sous le glaive des lois[21]. Aussi Couthon pouvait-il, à bon droit, s'écrier, la veille même de la journée fatale : Si je croyais avoir contribué à la perte d'un seul innocent, je m'immolerais de douleur[22].

Et le 3 thermidor, que répondait Robespierre jeune à ceux qui l'accusaient d'être modéré ? Écoutez :

Il existe un système universel d'oppression. Tout est confondu par la calomnie ; on espère faire suspecter tous les amis de la liberté. On a eu l'imprudence de dire, dans le département du Pas-de-Calais, qui méritait d'être plus tranquille, que je suis en arrestation comme modéré. Et bien, oui, je suis un modéré, si l'on entend par ce mot un citoyen qui ne se contente pas de la proclamation des principes de la morale et de la justice, mais qui veut leur application ; si l'on entend un homme qui sauve l'innocence opprimée, aux dépens de sa réputation. Oui, je suis un modéré en ce sens je l'étais encore lorsque je déclarais que le gouvernement révolutionnaire devait être comme la foudre, qu'il devait anéantir en un instant, écraser tous les conspirateurs ; mais qu'il fallait prendre garde que cette institution terrible ne devînt un instrument de contre-révolution par la malveillance qui voudrait en abuser, et qui en abuserait au point que tous les citoyens s'en croiraient menacés[23].

 

Enfin la lutte inégale et acharnée entreprise par Robespierre contre les représentants en mission qui avaient dilapidé les finances de la République, qui avaient noyé à Nantes, fusillé à Marseille, mitraillé à Lyon, contre ces Fréron, ces Tallien, ces Fouché, ces Rovère, qui avaient inondé la France de sang, comme ultra-révolutionnaires, en attendant qu'ils l'en inondassent comme modérés, ne prouve-t-elle pas le désir qu'il avaient d'arrêter ce débordement de passions insensées et féroces. C'est lui qui, dénonçant les misérables agents dont se servait le Comité de Sûreté générale, disait : En vain une funeste politique prétendrait-elle environner les agents dont je parle d'un certain prestige superstitieux je ne sais pas respecter des fripons j'adopte encore moins cette maxime royale, qu'il est utile de les employer. Les armes de la liberté ne doivent être touchées que par des mains pures. En même temps, il attaquait violemment Fouché, le digne collègue de Collot-d'Herbois Lyon, de ce Collot-d'Herbois qui s'était plaint de Couthon parce qu'il avait été trop modéré lors de la prise de Lyon par l'armée républicaine ; il attaquait Bourdon (de l'Oise) qui, disait-il, s'est couvert de crimes dans la Vendée et joint la perfidie à la fureur ; il attaquait Rovère et Tallien, qui ne lui pardonnait pas son rappel, et Carrier, dont son jeune ami Julien lui avait décrit les sanglantes turpitudes et qu'il avait également fait rappeler.

Les représentants attaqués s'allièrent à certains membres du Comité de Sûreté générale auxquels Robespierre et Saint-Just reprochaient de prodiguer les arrestations an moyen d'agents impurs, et de multiplier les actes d'oppression pour étendre le système de terreur et de calomnie[24]. Tandis que les uns les accusaient d'être des modérés, les autres, plus adroits, tentaient avec succès de les charger de la responsabilité de leurs propres méfaits. Écoutez Robespierre lui-même :

En développant cette accusation de dictature mise à l'ordre du jour par les tyrans, on s'est attaché à me charger de toutes leurs iniquités, de tous les torts de la fortune, ou de toutes les rigueurs commandées par le salut de la patrie. On disait aux nobles C'est lui seul qui vous a proscrits ; on disait en même temps aux patriotes Il veut sauver les nobles on disait aux prêtres C'est lui seul qui vous poursuit ; sans lui, vous seriez paisibles et triomphants ; on disait aux fanatiques C'est lui qui détruit la religion ; on disait aux patriotes persécutés C'est lui qui l'a ordonné ou qui ne veut pas l'empêcher. On me renvoyait toutes les plaintes dont je ne pouvais faire cesser les causes, en disant Votre sort dépend de lui seul[25]...

 

Mais, au moment du 9 thermidor, avant que les thermidoriens se sentissent enveloppés dans les réseaux d'une réaction sanguinaire, de quoi accusaient-ils surtout Robespierre, Saint-Just, Le Bas et Couthon ? D'avoir méprisé Marat, d'avoir voulu opérer la, contre-révolution, d'avoir ordonné l'arrestation du comité révolutionnaire de l'Indivisibilité, le plus pur de Paris, disait Billaud-Varennes, c'est-à-dire composé des hommes les plus violents et les plus féroces[26]. Ainsi, pour disculper ces grandes victimes, il nous suffit des seules accusations de leurs ennemis.

Que leur reprochait Barère dans son discours du 10 thermidor ? D'avoir voulu détruire le gouvernement révolutionnaire, d'avoir tenté de remuer les prisons et de rendre à l'aristocratie son influence. Puis, après avoir dépeint la situation des faubourgs, il ajoutait :

Quelques aristocrates déguisés parlaient d'indulgence, comme si le gouvernement révolutionnaire n'avait pas repris plus d'empire par la résolution même dont il a été l'objet ; comme si la force du gouvernement révolutionnaire n'était pas centuplée depuis que le pouvoir, remonté à sa source, a donné une âme plus énergique et des comités plus épurés. De l'indulgence ! Il n'en est que pour l'erreur involontaire ; mais les manœuvres des aristocrates sont des forfaits, et leurs erreurs ne sont que des crimes[27].

 

Enfin, après avoir fait un crime à Robespierre d'avoir exercé le despotisme de la parole et dominé l'opinion publique ; après avoir insisté sur la complicité de Saint-Just, de Robespierre jeune, de Le Bas et de Couthon, Barère prononça ces paroles, qu'il est bon de répéter pour l'édification du lecteur :

Étrange présomption de ceux qui veulent arrêter le cours majestueux, terrible de la Révolution française et faire reculer les destinées de la première des nations !

 

Et ici, quand les thermidoriens accusent si hautement de modération Robespierre, Saint-Just et leurs amis, ils doivent être crus, car ils étaient loin de penser alors qu'ils travaillaient pour la contre-révolution et que bientôt, pressés par elle, ils se verraient obligés de rejeter sur ces mêmes hommes la responsabilité de cette terreur dont ils revendiquaient à si bon droit le monopole.

Cela est-donc bien constant et hors de doute Robespierre, Saint-Just, Couthon, Le Bas et tous ceux qui leur étaient dévoués voulaient le triomphe de la République d'après les principes de la morale et de l'éternelle justice ; mais ils voulaient bannir du gouvernement l'arbitraire et l'oppression mais ils ne voulaient pas que des ambitieux sanguinaires profitassent du désordre présent pour tourmenter des milliers de citoyens inoffensifs, et s'enrichir en tirant parti de la détresse générale accrue par leurs coupables manœuvres. Voilà ce qu'ils ont tenté. Si cette noble tentative a été la cause de leur défaite et de leur mort, que ce soit aussi leur justification devant l'histoire et leur plus beau titre de gloire à nos yeux.

 

 

 



[1] Voyez le Mémorial de Sainte-Hélène, t. I, p. 424, éd. 1825.

[2] Que Edouard Carteron me permette de le nommer ici et de saisir cette occasion de le remercier publiquement des excellents conseils et des renseignements utiles que je lui dois.

[3] Barère l'avoue lui-même dans ses Mémoires : Quant à Couthon, dit-il, il était infirme et venait peu au Comité, Voyez t. II, p. 105.

[4] Montgaillard, Histoire de France, t. IV, p. 88.

[5] Voyez le rapport de Saladin, imprimé par ordre de la Convention, chez Rondonneau, 28 ventôse an III, p. 10 et suiv.

[6] Dernier discours de Saint-Just.

[7] Voyez ce discours, reproduit en entier dans l'Histoire parlementaire de la Révolution française, t. XXXIV, p. 6 et suiv.

[8] MM. de Barante et Éd. Fleury, si bien dignes de s'entendre ensemble quant à la manière dont ils comprennent la vérité historique, auraient bien dû se mettre d'accord. Carnot produisit les preuves des dilapidations, écrit le premier ; on brûla les pièces, car le concussionnaire était un conventionnel. (Histoire de la Convention, t. IV, p. 549.) Comme si le Comité de Salut public avait ménagé les membres de l'Assemblée convaincus de concussion. Nous pensons qu'il s'agit ici de Thuillier et de Gatteau, dit le second, tous deux amis de Saint-Just et qu'il dut défendre plusieurs fois, même devant la Convention, contre des accusations de concussion. (Voyez t. II, p. 247.) Quel excès d'impudence Saint-Just ne défendit jamais à la tribune de l'Assemblée que le dantoniste Daubigny, qui se montra si ingrat envers la mémoire de son protecteur. Thuillier était un homme fort doux et fort honorable : il périt après thermidor, victime de son amitié pour Saint-Just.

[9] Voyez le Mémoire de Fouquier-Tinville, dans l'Histoire parlementaire de la Révolution française, par MM. Bûchez et Roux, t. XXXIV, p. 234, 239 et 245.

M. Éd. Fleury a donc calomnié Saint-Just avec un rare cynisme en écrivant : Le soir venu, Fouquier-Tinville lui apportait ses dossiers c'est ensemble qu'ils préparaient toutes les affaires présenter au Tribunal révolutionnaire. (Voyez t. II, p. 274.) Pourquoi, puisque Fleury a admis l'accusation intentée par Billaud, pour le besoin de sa cause, accusation si victorieusement réfutée, n'a-t-il pas reproduit la réponse de Fouquier-Tinville, où la vérité éclate dans tout son jour ?

[10] Paroles de Barère dans la séance du 10 thermidor.

[11] Voyez ces deux lettres à la suite du rapport de Saladin.

[12] Archiver nationales.

[13] Saint-Just ne répondait pas aux lettres qu'il plaisait à Joseph Le Bon de lui écrire ; et, de cela, nous avons acquis une nouvelle certitude, par une lettre du proconsul d'Arras que nous avons eu la bonne fortune de trouver dans la collection d'autographes de M. Failly. Il y a, en effet, à la fin de cette lettre écrite de Cambrai, à la date du 18 floréal an II, à Saint-Just et à Le Bas, lettre où il est question d'un discours au peuple, d'arrestations d'émigrés et du mauvais vouloir des autorités constituées, un post-scriptum ainsi conçu : Accusez-moi, du moins, la réception de mes lettres, afin que je sache si elles vous parviennent.

[14] Voyez le Moniteur du 22 messidor an II, séance du 21.

[15] Voyez ces listes imprimées à la suite du rapport de Saladin. Les signataires sont Voulland, Élie Lacoste, Vadier, Amar, Collot-d'Herbois, Billaud-Varennes et Barère, tous thermidoriens !

[16] Voyez, à cet égard, la discussion a laquelle se sont livrés MM. Buchez et Roux dans le tome XXXVI de l'Histoire parlementaire, p. 12, 15 et suiv.

[17] Mémoires de Barère, t. II, p. 415.

[18] Rapport de Saladin, p. 164.

[19] Voici la réponse de Billaud à Lecointre, qui l'accusait d'avoir signé cette liste avec Barère, Collot-d'Herbois, Vadier et autres, à l'exclusion de Robespierre. Cette réponse est l'aveu positif qu'en effet, cette liste était signer des membres précités : C'est donc sur une signature présumée que Lecointre fonde cette accusation ? Mais il est tout aussi présumable que celle de nos autres collègues se trouve jointe à la nôtre, est en supposant qu'un renvoi à un tribunal, conforme à la loi, pût être regardé comme un crime, j'aurais encore à demander à Lecointre pourquoi il ne l'attribue qu'à nous seuls ? Car, si Robespierre n'assistait pas au Comité, Couthon et Saint-Just, ses deux complices, y étaient à sa place. Réponse de Billaud, p. 108.

[20] Saladin, un de ces modérés de la réaction qui ont envoyé tant de victimes il l'échafaud après thermidor, et encouragé tant de massacres, a fait lui-même cette remarque : Dans les quarante-cinq jours qui ont précédé la retraite de Robespierre du Comité, le nombre des victimes est de 577. Dans les quarante-cinq jours qui l'ont suivie, jusqu'au 9 thermidor, le nombre est de 1.286. (Rapport de Saladin, p. 100.) Mais après thermidor !!! Nous nous proposons de révéler bientôt ce qu'a coûté de sang à la France la réaction thermidorienne.

[21] Voyez dans le Moniteur du 22 pluviôse de l'an II la belle et digne réponse de Couthon à la dénonciation de Javogues.

[22] Moniteur du 11 thermidor an II, n° 311.

[23] Discours de Robespierre jeune aux Jacobins. Voyez le Moniteur du 9 thermidor an II, n° 309.

[24] Séance des Jacobins du 23 messidor de l'an II.

[25] Discours du 8 thermidor.

[26] Séances des 9 et 10 thermidor.

[27] Voyez ce discours de Barère reproduit en entier dans l'Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 79 et suiv.