Calomnies des thermidoriens sur Robespierre, Saint-Just et leurs amis. — Barras moraliste ! — Les libellâtes de la Restauration. — Madame de Sainte-Amaranthe. — Odieuses calomnies. — Une lettre de M. Philippe Le Bas (de l'Institut). — Défense de Saint-Just. — Une page des Mémoires de Levasseur. — Les Mémoires de Senar. — Alexis Dumesnil, auteur de l'Esprit des religions. — Affaire de la famille de Sainte-Amaranthe. — Bonne foi d'un prétendu biographe de Saint-Just. — Conclusion.Quand les thermidoriens eurent tué Robespierre, Saint-Just, Le Bas, Couthon, c'est-à-dire les hommes les plus intègres et les plus vertueux de la République, ils essayèrent de souiller la mémoire de leurs victimes, dont le prestige semblait déposer contre eux. Après s'être emparés de tous les papiers de leurs ennemis morts, ils s'empressèrent d'anéantir ce qui était de nature à les compromettre eux-mêmes, à prouver leurs dilapidations et leur infamie, et livrèrent à la publicité des pièces insignifiantes à l'aide desquelles ils bâclèrent contre les vaincus du 9 thermidor un acte d'accusation dont le ridicule égale seul la mauvaise foi. Mais si, à l'aide de mensonges habiles, savamment calculés et répétés sans cesse, ils parvinrent à envelopper d'une sanglante auréole le souvenir de ces grands citoyens, ils s'efforcèrent en vain de ternir leur réputation de probité, de désintéressement et d'honnêteté. Ce fut Barras, qui le croirait ? Barras le cynisme fait homme qui, le premier, se chargea d'attaquer cette réputation au sein de la Convention. Le 27 thermidor, il monta à la tribune, et après avoir lu quelques arrêtés concernant la prétendue conspiration, il insinua que Robespierre avait entretenu de nombreuses concubines, et que les conjurés s'étaient constamment livrés à d'excessives dépenses. Ces satyres, dit-il, avaient, dans presque toutes les communes environnant Paris, des lieux de plaisance où ils s'adonnaient à tous les excès. Et à l'appui de cette calomnie, quelle preuve, que dis-je ? quelle ombre de vraisemblance présente-t-il ? C'est curieux, en vérité ! Il paraît, voilà tout, il parait que Robespierre s'était réservé Monceau ; Bagatelle était pour Couthon ; Saint-Just avait le Raincy[1]. Jamais on n'avait vu la vertu si impudemment souffletée par le vice. Ah ! pour qu'à cette étrange accusation, l'Assemblée ne se soulevât pas indignée, il fallait qu'elle fût déjà tombée bien bas ! Courtois ne manqua pas de ramasser ces mensonges, et, dans son monstrueux rapport, il laissa entendre que les vaincus de thermidor avaient l'habitude de se plonger dans de royales orgies. Mais, si la Convention resta muette devant ces ridicules déclamations, le bon sens public en fit justice, et jusqu'à la chute de l'empire, ces stupides calomnies demeurèrent enfouies dans le mépris et dans la boue. Quand vint la Restauration, nombre d'écrivains royalistes, emportés, les uns par un zèle de réaction fougueuse, les autres par l'appât d'un gain facile et abondant, fouillèrent cette fange et en tirèrent ces sottises depuis longtemps oubliées. Alors parurent la Biographie des Conventionnels, l'Histoire pittoresque de la Convention, l'Histoire secrète du Tribunal révolutionnaire, les Mémoires de Senar et autres libelles de la même farine[2]. En effet, il ne pouvait entrer dans l'esprit de la réaction de laisser à des hommes comme Robespierre et Saint-Just cet éclatant reflet de pureté qui les couvre encore, qu'on a essayé vainement de leur enlever et qui, à lui seul, suffirait pour justifier et immortaliser leur mémoire. En 1794, vivait à Paris une femme de mœurs douteuses, âgée alors de 42 ans[3] ; elle se nommait madame de Sainte-Amaranthe, et se disait veuve d'un ancien garde du corps, tué dans les journées d'octobre. Sa maison était un rendez-vous de plaisir où s'étaient longtemps réunis des hommes appartenant à tous les partis ; on y jouait et l'on y conspirait à la fois ; le conspirateur de Batz en était le principal habitué. Madame de Sainte-Amaranthe avait deux enfants une fille, mariée à M. de Sartines, fils de l'ancien lieutenant de police, et un fils, âgé de 18 ans à peine. Toute cette famille, compromise par ses relations avec Proly et Desfieux, avait été arrêtée peu de jours après le supplice des hébertistes ; elle était détenue depuis cette époque, quand, sur le rapport d'Élie Lacoste, elle fut livrée au Tribunal révolutionnaire, avec Lamiral et Cécile Renaud. Ni Robespierre, ni Saint-Just ne se mêlèrent de ce grand procès dans lequel furent impliqués cinquante-quatre accusés, et, lorsqu'il se dénoua tragiquement sur l'échafaud, le 27 prairial (7 juin 1794), Saint-Just était en mission à l'armée du Nord. C'est cependant de la mort de madame de Sainte-Amaranthe, qu'à défaut d'autres sujets plus vraisemblables, les écrivains royalistes se sont servis pour les calomnier l'un et l'autre. Les uns, comme Nougaret, Beuchot et Georges Duval, ont prétendu que Robespierre avait fait périr madame de Sainte-Amaranthe dans la crainte qu'elle ne trahît des projets qu'il aurait dévoilés chez elle, dans un dîner où il se serait laissé échauffer par le vin. Ils ne se sont pas demandé si, à l'époque où ils ont placé cette prétendue scène d'ivresse et ces prétendues révélations, madame de Sainte-Amaranthe n'était pas en prison depuis deux mois ; les calomniateurs n'y regardent pas de si près. D'autres, comme l'espion Senar, dans des Mémoires arrangés, ont attribué la mort de madame de Sainte-Amaranthe à Saint-Just, furieux de n'avoir pu obtenir les faveurs de cette dame, âgée alors, ainsi que nous venons de le dire, de 42 ans. Or, ni Robespierre ni Saint-Just ne mirent jamais les pieds dans la maison de madame de Sainte-Amaranthe ; au reste, il n'est pas d'historiens sérieux et honorables qui aient accepté ces fables grossières. Si quelques-uns, comme M. de Lamartine, ont pu croire qu'en effet Robespierre avait dîné un jour chez madame de Sainte-Amaranthe, ils ont au moins répudié cette ignoble scène d'ivresse, inventée par un libelliste sans conscience. L'auteur des Girondins suppose que Robespierre entr'ouvrit ses desseins pour y laisser lire l'espérance[4]. Ici, nous cédons pour quelques instants la place à l'honorable et savant membre de l'Institut, M. Philippe Le Bas, fils de l'ami de Saint-Just, qui a cru devoir répondre à l'assertion de M. de Lamartine, et qui a bien voulu nous communiquer sa réfutation. Les lecteurs nous sauront gré de mettre sous leurs yeux cette noble et digne réponse. Les chapitres consacrés à madame de Sainte-Amaranthe reposent sur des données qui ne méritent aucune confiance. M. Duplay, mon oncle, dont le témoignage ne saurait être récusé, m'a donné l'assurance formelle que Robespierre n'avait jamais eu aucune relation avec cette femme, qu'il regardait comme une intrigante de mœurs plus que suspectes, et que, par conséquent, le dîner au quel il aurait été conduit par Trial, n'est rien autre chose qu'une fable. Il ajoutait que ce comédien n'était point, comme on l'a dit, un des familiers de Robespierre, et ma mère, de son côté, atteste qu'elle ne l'a jamais vu dans la maison paternelle. Ce qui vient à l'appui de ces assertions, c'est que Trial fut nommé, le 11 thermidor, par le Comité de Salut public, pour recevoir les actes civils de la Commune de Paris, et que les actes de décès des cent cinq victimes delà journée du 9, actes qui n'ont été rédigés que dix-sept jours après l'exécution, sont tous revêtus de la signature de ce personnage, prenant le titre d'officier municipal. On doit donc en conclure que, loin d'avoir été l'ami de Robespierre, il était bien plutôt lié avec ses antagonistes, puisque ceux-ci, au lieu de le proscrire comme dévoué à leur ennemi, l'admirent au nombre des membres de la Commune régénérée. Mais, si Robespierre n'a jamais vu madame de Sainte-Amaranthe, s'il n'a jamais mis les pieds chez elle, on n'en peut dire autant de son frère. Longtemps avant le procès de Danton, Robespierre le jeune, mon oncle et Simon Duplay, neveux de mon grand-père, y furent conduits, un soir, au sortir de l'Opéra, par Michot, un des sociétaires du Théâtre-Français, et cette escapade fut si sévèrement blâmée par Maximilien, que, malgré tout l'attrait d'une pareille maison pour des hommes dont le plus âgé avait à peine vingt-neuf ans, ils se gardèrent bien d'y retourner. A-t-on, de cette visite qui n'avait rien de prémédité, conclu que des rapports existaient entre madame de Sainte-Amaranthe et Robespierre ? A-t on pris le jeune pour l'aîné, et bâti postérieurement sur cette erreur la fable qui a eu malheureusement trop de cours ? Je l'ignore ; mais il n'en reste pas moins démontré que le récit en question est tout ce qu'il y a de plus mensonger. Du reste, monsieur, vous paraissez avoir reconnu qu'il y a dans toute cette anecdote beaucoup d'invraisemblance, puisque vous n'avez pas admis, avec Nougaret, avec M. Beuchot et surtout avec Georges Duval, la prétendue scène d'ivresse où Robespierre aurait trahi ses projets. Il est à regretter que vous n'ayez pas cru devoir pousser la critique plus loin. Ce qui aurait pu vous y engager, c'est une autre version qu'on trouve dans les Mémoires de Senar. Suivant ce dernier, madame de Sainte-Amaranthe n'aurait dû son supplice et celui de sa famille qu'à une ignoble vengeance de Saint-Just, furieux de ce qu'elle lui avait refusé ses faveurs pour les accorder à un autre. De ces deux données, si contradictoires, il y en a nécessairement une qui est fausse, si elles ne le sont pas toutes deux. Je crois vous avoir prouvé que la première n'a aucune valeur historique, voyons ce qu'il faut penser de la seconde. Évidemment, vous n'y croyez pas, puisque vous n'en avez tenu aucun compte et que vous avez adopté la première, en en faisant disparaître ce qu'elle avait de trop odieux et de trop invraisemblable. Et cependant, monsieur, de ces deux versions, la seule qui eût quelque apparence de vérité, c'était celle que vous avez rejetée, puisqu'il résulte d'une note de police, trouvée dans les papiers de Saint-Just, que la dame Sainte-Amaranthe était surveillée, comme suspecte de complicité, dans une conspiration royaliste dont elle tenait tous les fils et dont sa maison était le centre. Mais cette pièce a-t-elle toute la valeur qu'on paraît avoir voulu lui donner ? La surveillance en question était-elle vraiment exercée par ordre de Saint-Just ? Ne l'était-elle pas plutôt par ordre du Comité de Salut public ? Saint-Just a-t-il fait usage de la note dont il s'agit ? Ce qui porterait à admettre le contraire, c'est qu'elle était encore, au 9 thermidor, dans les papiers qui furent saisis à son domicile, et que le rapport sur la conspiration du baron de Batz et de l'étranger, où furent enveloppés madame de Sainte-Amaranthe et ses enfants, fut rédigé et présenté à la Convention, non par Saint-Just, mais par Élie Lacoste, un des vainqueurs du 9 thermidor. Prétendra-t-on que Saint-Just se cachait derrière le rapporteur ? Mais une pareille lâcheté n'était pas dans le caractère de celui qui, six semaines auparavant, dans son rapport du 11 germinal contre les dantonistes, n'avait pas craint de reprocher au chef de ce parti ses dîners avec l'infâme Sainte-Amaranthe, le fils de Sartines et Lacroix. Pour ma part, monsieur, je ne puis me persuader que les faits sur lesquels reposait l'accusation d'Élie Lacoste étaient entièrement dénués de fondement, quand je songe que les conclusions du rapport de ce conventionnel furent approuvées par l'Assemblée, quand je me rappelle le rôle que de Batz, le principal accusé, a joué dans cette circonstance, et pendant toute la durée de la République, et quand, enfin, je vois que, sous la Restauration, sans jamais avoir été militaire, il obtint le grade de maréchal de camp et fut chargé, en cette qualité, de commander le département du Cantal. Entièrement dévoué à la cause royaliste, Batz déploya une activité infatigable pour la faire triompher. Tous les moyens, tous les agents lui étaient bons, et un lieu de plaisir, comme la maison de madame de Sainte-Amaranthe, était pour lui et pour ses complices le quartier général le plus commode, puisqu'ils pouvaient s'y voir et s'y concerter sans trop craindre d'exciter les soupçons du gouvernement. Il paraît constant que, depuis assez longtemps, madame de Sainte-Amaranthe était dans le secret de ce conspirateur, et que l'attention du Comité de Salut public était éveillée à cet égard. On en voit la preuve dans les paroles de Saint-Just que j'ai citées plus haut. Si donc elle fut comprise dans l'acte d'accusation du 26 prairial, c'est que, probablement, les soupçons s'étaient changés en preuves. Assurément, tous ceux qui comparurent avec madame de Sainte-Amaranthe devant le Tribunal révolutionnaire n'étaient pas innocents. Le fait est hors de doute pour Desvaux, secrétaire de Batz ; pour Cortey et pour Michonis, qui, d'après les aveux mêmes de Desvaux et les témoignage des pièces que M. Eckard a pu vérifier aux archives du Tribunal révolutionnaire, avaient secondé de Batz dans ses tentatives pour délivrer Louis XVI, le 21 janvier, et pour faire évader Marie-Antoinette du Temple, puis de la Conciergerie. On peut conjecturer qu'il en était de même de beaucoup d'autres, et si la communication des dossiers de ce genre de procès n'était pas exclusivement réservée aux écrivains royalistes, il est probable que ce qui n'est aujourd'hui que conjecture deviendrait bientôt une certitude. D'après tout ce qui précède, monsieur, je ne puis admettre, avec les écrivains que j'ai nommés, que Robespierre ait ordonné la mort de la famille de Sainte-Amaranthe pour prévenir les dangers auxquels il s'était exposé par son intempérance ; mais je ne saurais non plus me persuader qu'il se soit opposé, comme vous le dites, à la mise en accusation de cette famille, si, comme le rapport de Lacoste le fait supposer, elle avait trempé dans le complot du baron de Batz, et si, en effet, Vadier avait entre les mains toutes les pièces qui prouvaient sa culpabilité. Je puis encore moins croire que l'indulgence de Robespierre ait eu pour cause, plus ou moins directe, l'initiation de madame de Sainte-Amaranthe et de ses filles aux mystères de Catherine Théot (et non pas Théos). Si ce fait eût eu la moindre vraisemblance, Vadier n'eût pas manqué de s'en faire un argument. Or, il n'en dit pas un seul mot dans son rapport, qui, permettez-moi de vous le faire observer, n'a point précédé, comme vous le dites, celui d'Élie Lacoste, mais qui l'a suivi, d'assez près, il est vrai, puisqu'il fut présenté le 27 prairial, c'est-à-dire le lendemain, et cela comme une affaire entièrement distincte de la conspiration de l'étranger. Assurément, monsieur, toute votre construction est de l'effet le plus dramatique ; mais, en définitive ce n'est rien autre chose qu'une construction ne reposant sur aucune base solide, et qui ne peut avoir la durée de la vérité. Il nous reste à compléter la défense de Saint-Just nous allons le faire avec une exactitude d'analyse et une sévérité auxquelles, nous en avons la ferme assurance, tous les hommes de bonne foi donneront leur entière approbation. Un écrivain dont je regrette d'être obligé de tracer si souvent le nom sur ces pages, M. Edouard Fleury, s'est imaginé, vers l'année 1852, d'arracher à Saint-Just ce renom de pureté de mœurs qui ne lui a jamais été contesté par ses ennemis loyaux. Que certains romanciers, peu soucieux de l'honnêteté littéraire, aient trouvé piquant de transformer en Lauzun sanguinaires les grands hommes de notre Révolution, passe encore ; le public sérieux n'a pas à se préoccuper de ces puériles inventions et nous n'avons pas à y répondre ; mais quand, sous prétexte d'histoire, on ose inventer et rééditer de lâches et cruelles calomnies, à cette heure où, grâce à tant d'honorables travaux, la vérité commence enfin à luire sur l'épopée révolutionnaire, c'est un devoir pour nous de démasquer les calomniateurs et de les stigmatiser hautement. Nous avons déjà justifié Saint-Just de l'enlèvement de cette femme d'un notaire de Blérancourt, si perfidement mis à sa charge, par M. Fleury, et l'on a pu voir que certain passage d'une lettre de Thuillier, qui paraît être, à cet écrivain, la preuve convaincante de la culpabilité de Saint-Just, offre, au contraire, la plus éclatante manifestation de son innocence. Mais il n'a pas suffi à M. Edouard Fleury de gratifier Saint-Just de cette maîtresse équivoque, il le dépeint quelque part courant après Théroigne de Méricourt, oubliant que cette malheureuse avait été fouettée comme réactionnaire par quelques harpies, dans les premiers jours de 1793, et qu'elle était devenue folle des suites de cet indigne traitement. Cette fois, il ne cite aucune pièce à l'appui de la calomnie, et sa seule imagination en fait les frais[5]. Plus loin, avec une grâce de style dont nous serions fâché de ne pas donner un échantillon à nos lecteurs, il montre Saint-Just filant le parfait amour aux pieds de mademoiselle Le Bas, et convoitant la jeune madame de Sartines[6]. Senar est dépassé ! Il y a là un petit tour d'adresse sur lequel nous nous expliquerons tout à l'heure. Si nous défendons aujourd'hui cette réputation de continence qu'ont élevée à Saint-Just ceux qui ont vécu près de lui, et qu'il n'a jamais recherchée, ce n'est pas que nous lui ferions un crime d'avoir succombé à quelqu'une de ces faiblesses si audacieusement affichées par les rois et les grands seigneurs du bon temps, et pour lesquelles les écrivains royalistes se montrent d'ordinaire si indulgents ; mais il vanta dans ses discours la pureté des mœurs, et personne plus que lui n'en donna l'exemple. Que si, dans les premières années de sa jeunesse, il eut de ces liaisons faciles si communes à cet âge, il faut lui savoir gré d'avoir toujours conservé une grande dignité et un profond respect de lui-même par sa réserve et sa discrétion. Nos patientes recherches nous ont fait découvrir que, il y a une vingtaine d'années, est morte, à Versailles, une femme qui, dans sa jeunesse, avait été comédienne, et qui portait publiquement le nom de madame de Saint-Just, avouant tout bas, à ses intimes, qu'elle avait gardé ce nom en souvenir de ses rapports avec l'illustre conventionnel. Qu'une liaison intime ait existé entre cette femme et Saint-Just, il n'y a rien là que de très-possible, et nous signalons ce fait sans trop savoir ce qu'il faut en penser. Mais, dans tous les cas, cette liaison eût été antérieure à 1792, car, depuis cette époque, nous possédons sur la vie privée de Saint-Just les renseignements les plus positifs, et nous pouvons affirmer que, du jour où il fut question de son mariage avec mademoiselle Le Bas, il se renferma dans la plus stricte austérité de mœurs. Dès lors, jeune homme, il n'eut qu'un amour ardent et fiévreux la patrie, et lui sacrifia tout ; poète, il n'eut qu'une Muse, la République, qui l'inspira si magnifiquement dans quelques-uns de ces rapports dont j'ai cité les plus lyriques passages. Les sentiments qui l'attachaient à mademoiselle Le Bas étaient graves et réels sans doute, mais son affection pour cette jeune personne n'avait rien de romanesque, comme l'ont prétendu quelques écrivains et il faut ranger au nombre des assertions imaginaires, quoique bien innocentes, les lettres brûlantes qu'il lui aurait adressées. Le roman y perd, mais l'histoire y gagne. A cet égard, les affirmations de madame Le Bas, qui ne quittait pas sa belle-sœur, ne peuvent souffrir aucune contradiction. Un mariage, retardé par les circonstances politiques, devait unir Henriette et Saint-Just ; malgré le léger nuage dont nous avons déjà parlé, et qui s'éleva entre eux peu de jours avant le départ de Saint-Just pour sa seconde mission à l'armée du Nord, il se serait très-probablement accompli, sans les événements de thermidor ; mais une fiancée n'est point une maîtresse ; dans la sœur de son ami, Saint-Just respectait avant tout la femme qui devait être un jour l'honneur et la joie de son foyer domestique. En dehors de cette liaison, si réservée, Saint-Just n'eut, pour ainsi dire, pas de vie privée ; tous ses instants étaient absorbés par les affaires publiques ; ce dont on se convaincra aisément en songeant aux immenses travaux dont il accepta le poids, dans le court espace qui s'écoula entre sa mission sur le Rhin et ses missions dans le Nord. Il est bon de citer ici, au sujet des membres du Comité de Salut public, le passage suivant des Mémoires du représentant Levasseur (de la Sarthe) qui, dans l'amertume de l'exil, déplora jusqu'à son dernier jour l'erreur d'avoir applaudi un moment, de loin, à la catastrophe de thermidor[7]. On conçoit à peine comment huit hommes pouvaient suffire à tant de travail ; seuls, ils composaient toute l'administration supérieure fardeau qui, même dans un temps calme, écrase souvent neuf ministres entourés de la plus vaste bureaucratie. Chaque jour, les mêmes hommes rédigeaient une foule de lois et décrets sur toutes les matières d'intérêt public ; chaque jour aussi on les voyait à la tribune lire de longs rapports et soutenir dans leurs discours tout le poids des discussions. Lois de circonstance, lois générales, mesures de salut public, direction de la police et des tribunaux, direction du chaos immense de nos finances que compliquaient et l'aliénation des domaines nationaux et la création des assignats, enfin direction de quatorze armées dépourvues encore de généraux illustres tout partait du Comité de Salut public et revenait aboutir à lui. Quand on examine ce dédale et qu'on songe au petit nombre de têtes chargées de le débrouiller, on trouve presque impossible ce qu'ont su faire ces hommes si décriés. Cependant les écrivains mercenaires du royalisme et de l'émigration ont voulu peindre les républicains comme plongés dans les plus sales orgies. C'est une calomnie, au moins, que je n'ai pas à réfuter aucun homme qui se respecte n'oserait la rappeler aujourd'hui[8]. Lorsque l'honnête Levasseur écrivait ces lignes, il ne se doutait guère que, près de trente ans plus tard, un homme qui parle bien haut de modération de morale et d'honnêteté, trouverait le moyen de renchérir sur Senar. Il est temps de dire quelques mots des Mémoires de cet ancien agent des Comités, Mémoires livrés à la publicité par Alexis Dumesnil, vingt-huit ans après la mort de Senar[9]. C'est un tissu d'absurdités et de mensonges ; c'est là qu'on retrouve toutes les expressions odieuses et cruelles mises dans la bouche des républicains par certains écrivains royalistes. Quand, bien jeune encore, je lus pour la première fois ces infâmes Mémoires, il me vint à l'esprit une réflexion qui certainement a dû venir à l'esprit de tous les gens sensés, qui les ont lus comment ce misérable a-t-il pu entendre et voir tout ce qu'il raconte avec un si dégoûtant cynisme ? Aujourd'hui, après avoir étudié ce libelle avec le soin le plus minutieux, j'ai acquis l'intime conviction qu'excepté ce qui a trait à Tallien, il n'est pas l'œuvre de Senar, mais bien celle de Dumesnil lui-même, qu'avec tant de raison, dans une lettre indignée et charmante, madame Tallien, devenue princesse de Chimay, appelait : Ce reptile[10]. Voici maintenant sur quelles preuves repose ma conviction le manuscrit de Senar a été acheté à un ancien employé de police nommé Dossonville, plusieurs fois compromis dans des conspirations royalistes et déporté le 18 fructidor. Ce Senar, entièrement inconnu à Robespierre et à Saint-Just, ainsi que cela résulte de quelques mots dits par Couthon aux Jacobins, le 3 thermidor, fut cependant arrêté comme partisan de Robespierre, quelque temps après la chute de celui-ci, et mourut en 1796, à Tours, où il avait occupé le poste d'agent national. Pendant sa captivité, il rédigea une dénonciation dirigée contre ceux des thermidoriens à qui il attribuait son arrestation, et principalement contre Tallien, comme on peut s'en convaincre par ces paroles de Cambon, prononcées à la Convention, dans la séance du 13 nivôse de l'an III. Un nommé Senar, que je ne connais pas, m'a envoyé des pièces où j'ai trouvé un tissu de calomnies contre Tallien[11]. Et Garnier (de Saintes) ajouta : Senar est un conspirateur. Or, il est évident que, si dans ces pièces il y avait eu la moindre accusation contre Robespierre et contre Saint Just, la réaction thermidorienne n'eût pas manqué d'en tirer parti, au moment où, chaque jour, la tribune de l'Assemblée retentissait de récriminations calomnieuses contre ces illustres vaincus ; il est évident que Senar, qui avait le courage de s'en prendre au héros Tallien, tout-puissant alors, n'avait aucun intérêt à calomnier ceux à l'occasion desquels il était persécuté ; il est évident enfin que ce sont ces mêmes pièces qui, tombées dans les mains de l'agent Dossonville, ont été vendues à Dumesnil, puisque en effet les Mémoires publiés par ce dernier portent presque exclusivement sur Tallien et sur les vainqueurs de thermidor. Au reste, les calomniateurs, malgré toute leur adresse, laissent toujours quelque prise à la vérité, et ce Dumesnil s'est trahi lui-même, en écrivant dans sa notice sur Senar : On a aussi éclairci le sens de l'auteur dans plusieurs endroits. Mais aucun de ces changements, qui ne portent, en général, que sur des mots, n'a fait perdre aux Mémoires de Senar leur couleur originale[12]. Or, on sait ce que c'est, dans de pareils libelles, que des changements qui ne portent, en général, que sur des mots. Et puis quelle belle occasion de flétrir la mémoire de tous ceux qui avaient trempé dans la Révolution et surtout celle des anciens membres du gouvernement révolutionnaire, que de publier contre eux des Mémoires qu'on intitulé : Révélations puisées dans les cartons des Comités de Salut public et de Sûreté générale, comme s'il eût été loisible à un infime agent de fouiller dans les pièces des Comités, et que l'on attribue en entier à un homme auquel on donne mensongèrement le titre de secrétaire-rédacteur du Comité de Sûreté générale, afin de leur ajouter plus de poids[13]. Senar n'était nullement secrétaire de ce dernier Comité, mais simplement agent, et non pas à Paris, mais à Tours, où il cumulait en même temps les fonctions d'agent national de cette commune ; en conséquence, il devait être bien imparfaitement renseigné sur tout ce qui se passait à Paris, au sein des Comités, car il ne fut guère employé, comme espion, que dans l'affaire de la malheureuse Catherine Théot, tandis qu'il pouvait en savoir beaucoup sur Tallien, puisque celui-ci avait été en mission à Tours. De tout ce qui précède, on doit donc conclure, suivant nous, que, dans ces Mémoires, les passages relatifs à Tallien appartiennent seuls à Senar, et que le reste est de l'invention du sieur Dumesnil auteur de l'Esprit des Religions, qui, pour décorer son libelle d'un plus grand air de vérité, a mis le tout sur le compte de Senar, lequel, étant mort depuis vingt-huit ans, en 1824, n'était assurément pas en état de réclamer contre cet abus de son nom. Au reste, quel que soit l'auteur de ces Mémoires, et qu'ils aient été plus ou moins revus, corrigés, augmentés et embellis par Alexis Dumesnil, ils sont, dans tous les cas, comme l'a fort bien dit M. Michelet, l'œuvre d'un coquin devenu à moitié fou. Veut-on avoir une idée des gentillesses qui s'y rencontrent ? On y accuse, en termes formels, le duc d'Orléans, appelé le roi des assommeurs, d'avoir fait massacrer la princesse de Lamballe, sa belle-sœur, pour se libérer d'un payement annuel de cinq cent mille livres de douaire qu'il avait à lui servir. Évidemment, cette accusation ne vient pas de Senar. Comment pouvait-il connaître les affaires privées de la famille d'Orléans ? N'y aurait-il pas là plutôt une ignoble vengeance royaliste, dont le sieur Dumesnil a été l'exécuteur ? Je ne puis m'empêcher de le croire, pour ma part, quand je songe que la censure de 1824 a laissé passer ces lignes : Déjà la princesse de Lamballe avait passé la porte, comme libre, lorsque par malheur survient un chef-égorgeur qui, la reconnaissant d'abord, se rappelle que le roi des assommeurs a donné l'ordre de tuer et d'immoler à sa cupidité sa faible sœur[14]. N'est-ce pas à fermer le livre de dégoût ? Le libraire a beau avertir, par une note de commande sans doute, que l'assertion est dénuée de tout fondement (ce qu'il eût dû répéter pour presque tout le reste s'il eût été un tant soit peu honnête), la calomnie est lancée, et toute calomnie lancée fait son chemin les experts en ces sortes de choses le savent bien. De nos jours même, n'avons-nous pas entendu circuler et vu prendre consistance, auprès de gens d'une trop complaisante crédulité, les fables les plus grossières et les plus absurdes, répandues sur le compte des membres du gouvernement provisoire de 1848 ? Si l'atrocité mise, dans ces Mémoires, à la charge du duc d'Orléans, est invraisemblable, celle attribuée à Saint-Just l'est mille fois plus encore ; la fausseté peut en être démontrée mathématiquement. Dans ce libelle, il n'est presque point question de Saint-Just ; un seul passage lui est consacré, et son nom ne figurait certainement pas dans les pièces envoyées par Senar à Cambon. Cependant on ne pouvait laisser debout cette réputation d'honnêteté encore intacte ; une note de police, relative à madame de Sainte-Amaranthe, et trouvée, après la mort de Saint-Just, dans ses papiers, fournit, à coup sûr, l'idée de la calomnie infâme à l'aide de laquelle on se flattait de ternir sa mémoire. Voici cette dénonciation anonyme, et non point de la main de Saint-Just, comme l'avance mensongèrement M. Éd. Fleury La citoyenne veuve Amaranthe demeure à Paris, rue Vivienne, n° 7. Il y a longtemps qu'elle n'y est venue. Elle demeure maintenant à une campagne, à S..., près de B... route de Maisons. Il est certain qu'il s'y fait un rassemblement, soit pour le jeu ou toute autre chose. J'observe qu'il n'est pas besoin de passeport pour se rendre chez elle, et que cela facilite soit les joueurs, soit les conspirateurs qui s'y rendent journellement. Sart... fils, pour n'être point soupçonné, demeure rue Caumartin, chez Bourlier, et c'est là qu'on suppose qu'il voit les différentes personnes qui vont journellement chez la citoyenne Amaranthe, sa belle-mère, et qui les instruit de tout ce qui se passe[15]. Les membres des Comités de Salut public et de Sûreté générale étaient assaillis de ces sortes de dénonciations, provenant d'un patriotisme plus ou moins éclairé, et, trop souvent, de vengeances particulières. Ceux qui les recevaient les transmettaient à leur Comité respectif, où ces pièces étaient examinées et où il y était donné suite, s'il y avait lieu. Or, Saint-Just demeura tellement étranger à l'affaire de madame de Sainte-Amaranthe, qu'il ne se servit même pas de cette note de police, car s'il en avait fait usage, elle n'eût pas été retrouvée dans ses papiers, et serait aujourd'hui, parmi toutes les autres dénonciations, aux archives de la préfecture de police, où elle manque à la collection. Mais poussons plus loin la critique, et citons les onze lignes, bien certainement interpolées, qui concernent Saint-Just dans les Mémoires de Senar, en demandant pardon au lecteur de l'obscénité des expressions que nous sommes obligé de mettre sous ses yeux : Le cruel et féroce Saint-Just avait fait arrêter la Sainte-Amaranthe par ressentiment de n'avoir pu jouir d'elle, et par crainte ou soupçon qu'un autre, en cet instant, ne lui eût été préféré. Elle était en prison ; elle avait osé se plaindre du despotisme révoltant de ce monstre Saint-Just demanda sa tête en la déclarant complice de cette conspiration à laquelle elle était absolument étrangère. Saint-Just l'exigea, et on la lui sacrifia sans preuve, sans aucun indice de suspicion[16]. Autant de mots, autant de mensonges révoltants. Aucun historien n'y a cru, non, pas même M. de Barante. Lorsque ces misérables forgeaient de pareilles calomnies, ils ne se doutaient pas qu'on pourrait un jour, pièces en mains, rétablir la vérité dans tout son lustre ; car, en cette année 1824, la monarchie de droit divin semblait reconstituée sur des bases inébranlables, et la communication des documents originaux était absolument refusée aux écrivains suspects de quelque tendresse pour la Révolution française. Grâce à Dieu nous possédons aujourd'hui tous les éléments nécessaires pour anéantir ces odieuses inventions, et à l'égard de la famille Sainte-Amaranthe, voici la vérité tout entière, telle qu'elle nous a été révélée par nos recherches aux archives de la préfecture de police Madame de Sainte-Amaranthe fut arrêtée et enfermée à Sainte-Pélagie le 12 germinal an II, sur la proposition et par les soins du comité révolutionnaire de la Halle au blé l'ordre d'écrou est signé : Voiriau, Fleury, Collet et autres, membres de ce comité[17]. Elle fut transférée aux Anglaises avec une foule d'autres détenus, sur l'ordre du Comité de Sûreté générale, le 27 germinal, et deux mois après, tandis que Saint-Just était en mission dans le Nord, quand déjà la scission avait éclaté entre les divers membres des deux Comités, elle fut livrée au Tribunal révolutionnaire, comme complice de Batz, sur le rapport d'Élie Lacoste, un des plus ardents thermidoriens, qu'il serait souverainement absurde de faire passer pour un complaisant de Saint-Just. Voilà, je crois, des preuves matérielles, positives, et il me paraît impossible que l'esprit le plus prévenu conserve encore le moindre doute sur l'absolue abstention de Saint-Just dans cette affaire Sainte-Amaranthe ; mais il y a, en outre, des considérations morales d'un grand poids, et que je me reprocherais de passer sous silence elles seront la conclusion de ce chapitre. Pour persuader que Saint-Just s'était laissé prendre à une passion effrénée, il fallait au moins la présenter dans des conditions naturelles et la rendre compréhensible. A l'époque où, suivant les Mémoires de Senar, Saint-Just se serait mis à aimer et à désirer madame de Sainte-Amaranthe, cette dame avait 42 ans accomplis, comme nous avons eu soin déjà d'en faire la remarque[18]. Or, si bien conservée que puisse être une femme, j'en appelle à tous les jeunes gens, ce n'est pas à cet âge qu'elle exerce de puissantes séductions ; et madame de Sainte-Amaranthe, avec sa réputation équivoque et d'ancienne date, entourée d'une fille, d'un gendre, et d'un fils, bientôt homme lui-même, n'était nullement dans la position de subjuguer un jeune homme de 26 ans, surtout quand ce jeune homme était Saint-Just. Mais, si Saint-Just avait voulu, de combien de femmes jeunes, charmantes et de tout rang, n'eût-il pas touché le cœur ? Il était beau, de cette beauté qui fascine et attire il avait un nom célèbre et respecté ; quand il entrait dans l'Assemblée, son aspect causait une sensation singulière, on se levait dans les tribunes, en disant Le voilà[19] ; enfin c'était un des puissants de l'époque, et qui ne sait comme, avec le prestige du pouvoir, on trouve peu de cruelles ? Il était donc ridicule au dernier point de le présenter comme amoureux fou d'une intrigante sur le retour ; l'accusation tombe par son absurdité même. C'est ce qu'a parfaitement compris M. Édouard Fleury : aussi, pour réparer la maladresse de Senar ou plutôt celle de Dumesnil, auteur de l'Esprit des religions, a-t-il essayé de faire prendre le change aux lecteurs et mis la fille à la place de la mère, madame de Sartines au lieu de madame de Sainte-Amaranthe. Si M. Édouard Fleury procède quelquefois du père Loriquet, comme, par exemple, lorsqu'il se demande si les gentilshommes français qui combattaient dans les rangs des Prussiens et des Autrichiens étaient bien l'ennemi[20], il procède ici de Basile. Lisez plutôt, je ne voudrais pas priver mes lecteurs des grâces de ce style primesautier et galant : Saint-Just livrera aux baisers de la guillotine la jeune madame de Sartines, qui a repoussé son amour. Et plus loin Saint-Just aime mademoiselle de Sainte-Amaranthe, se voit repoussé et jure de se venger[21]. Nous voilà loin des Mémoires de Senar. Que dire d'une pareille impudence ? Je laisse au lecteur le soin de la flétrir, ne trouvant pas de flagellation assez forte. Ah ! grand calomnié que je défends aujourd'hui avec la conscience d'un homme de bien, si la justice n'est pas un vain mot sur la terre, tu seras vengé de ces calomnies par le mépris déversé sur les calomniateurs, et ta mémoire occupera une place glorieuse dans les souvenirs de cette patrie que tu as aimée avec tant de désintéressement, et qui t'a dû une bonne part de ses victoires. |
[1] Voyez le Moniteur du 29 thermidor an II, n° 529. M. Éd. Fleury, qui ne s'est même pas donné la peine de lire le Moniteur, suppose que Barras parut, une lettre dénonciatrice à la main. Cet écrivain, grand pourfendeur des réputations révolutionnaires, accepte comme des réalités et développe complaisamment ces .odieuses calomnies, trop niaises et trop bêles pour être réfutées. Il est donc bien naïf ou de bien mauvaise foi. Nous le défions de sortir de ce dilemme. Voyez Saint-Just et la Terreur, t. II, p 210-213.
[2] Si l'on veut savoir jusqu'à quel point la calomnie se donnait carrière à cette époque, on n'a qu'à lire les Souvenirs et anecdotes sur la Révolution, par M. Harmant, ancien député et préfet du Bas-Rhin. Voilà un de ces fantaisistes de la calomnie que l'implacable justice doit clouer au pilori de l'histoire. C'est dans son livre qu'on lit que Saint-Just, ayant envoyé la guillotine une jeune fille dont il avait vainement sollicité les faveurs, avait fait tanner sa peau et s'en était fait confectionner une culotte qu'il portait toujours.
[3] Archives de la préfecture de police.
[4] Histoire des Girondins, t. VIII, p. 255.
[5] Voyez Saint-Just et la Terreur. Mentionnons, pour mémoire, une lettre de Théroigne écrite à Saint-Just, le 8 thermidor, de la Salpêtrière, où elle était enfermée, lettre dans laquelle, au milieu des choses les plus incohérentes, elle demande de l'argent et la liberté.
[6] Voyez Saint-Just et la Terreur, t. II, p. 10 et 220.
[7] Levasseur était en mission à Namur lors du 9 thermidor. M. Éd. Fleury, toujours exact, en fait un témoin oculaire.
[8] Mémoires de Levasseur, t. III, p. 83-84.
[9] Lettre à M. Pougenu, Bruxelles, 18 juin 1824.
[10] Éd. Fleury, toujours exact et sincère, ose écrire : Senar publia, en des Mémoires qu'il intitula..... etc. Voyez Saint-Just et la Terreur, t. II, p. 223.
[11] Voyez le Moniteur du 12 nivôse an III, n° J02,
[12] Voyez dans les Mémoires de Senar (1 vol. in-8°. Paris, 1824), la notice par Dumesnil, p. viij et ix.
[13] Voyez la notice par Dumesnil, p. iij.
[14] Mémoires de Senar, ch. VII, p. 54 et 44. Qu'en pense M. Cuvillier-Fleury, qui a accepté sans examen et avec tant d'empressement les calomnies édites par M. Ed. Fleury sur Saint-Just ?
[15] Voyez Papiers trouvés chez Robespierre, Saint-Just, Payan et autres, collection Baudoin.
[16] Mémoires de Senar, ch. XIII, p. 102.
[17] Archives de la préfecture de police.
[18] Son âge est constaté sur le registre d'écrou. Voyez, d'ailleurs, le Moniteur du 5 messidor an II, n° 275, à l'article Tribunal révolutionnaire.
[19] J'ai entendu raconter ce détail par M. Dubois-Dubais, fils du conventionnel de ce nom, qui a été témoin du fait.
[20] Voyez Saint-Just et la Terreur, t. II, p. 14. M. Éd. Fleury, qui a reproché à Saint-Just quelques fautes d'orthographe échappées à la plume dans la rapidité de l'exécution, écrit des gentilshommes, t. II, p. 14 ; et, plus loin, p. 271, en parlant des thermidoriens avant qu'ils n'eussent, etc., etc.
[21] Voyez Saint-Just et la Terreur, par M. Éd. Fleury, t. II, p. 9 et 226.