Le travail domestique eut toujours en Grèce une extension considérable. Longtemps après la dissolution des familles patriarcales, c’est-à-dire de ces petites sociétés qui primitivement pourvoyaient elles-mêmes à tous leurs besoins, on continua de faire à l’intérieur du ménage une foule de besognes qui chez nous par exemple en sont généralement séparées, et quoiqu’on recourût de plus en plus aux marchands et aux ouvriers du dehors, l’activité du personnel de la maison ne cessa jamais de s’étendre à des objets très divers. Il y avait partout des meuniers et des boulangers, et pourtant il n’était pas rare qu’on fabriquât à domicile sa farine et son pain. Plusieurs textes nous montrent des esclaves de l’un et l’autre sexe tournant la meule exclusivement pour leur maître[1]. Une peinture de vase nous représente une femme occupée à écraser le grain dans un mortier[2]. Cet Ischomachos qui, aux yeux de Xénophon, est le type du parfait Athénien, possède tout l’outillage de la boulangerie, et sa femme veille à ce que ce travail s’exécute bien[3]. Phocion mangeait le pain que la sienne avait pétri[4]. Théophraste signale un individu qui broie avec sa servante le blé destiné à le nourrir[5], et Aristophane, pour indiquer que .les Athéniennes n’ont pas dérogé à leurs habitudes traditionnelles, dit qu’elles font des gâteaux comme jadis[6]. L’industrie de l’habillement tenait aussi une grande place dans la maison. La plupart des opérations qui s’y rattachent, depuis le lavage de la laine en suint jusqu’à la couture, avaient lieu sous la direction de la maîtresse du logis, et avec sa participation[7]. La jeune fille y était initiée de bonne heure par sa mère, et plus tard, après son mariage, c’était là sa principale tâche, sauf à Sparte, où l’on estimait qu’une vie sédentaire empêchait les femmes de produire des enfants vigoureux[8]. Ce n’étaient pas seulement les pauvres qui se livraient par économie à ces travaux. Les riches y employaient également leurs esclaves, si bien qu’à chaque ménage se trouvait annexé un atelier de fileuses, de tisseuses et de couturières, d’où sortaient les vêtements de la famille et des serviteurs[9]. La persistance de cet usage s’explique en partie par la simplicité du costume hellénique. L’art de la confection était alors rudimentaire, et il n’était pas nécessaire d’être bien adroit pour tailler un chiton ou un himation d’homme ou de femme. Chacun s’habillait, pour ainsi dire, à sa fantaisie, non pas en s’emprisonnant dans une robe, une [tunique, ou un manteau étroitement ajustés, mais plutôt en drapant l’étoffe autour de son corps, et en lui donnant la forme qu’il lui plaisait, à l’aide de quelques agrafes et de quelques points de couture. A l’origine, les tissus étaient décorés de riches broderies en couleur, selon la mode orientale. Les Grecs les demandaient volontiers à l’étranger ; mais souvent aussi ils les faisaient fabriquer chez eux par des esclaves achetés en Syrie, en Lydie, en Perse, ou par leurs esclaves ordinaires, quand elles avaient acquis une habileté suffisante. Au Ve et au IVe siècles les goûts changèrent. Par réaction contre les mœurs asiatiques, par imitation des coutumes doriennes, peut-être enfin par suite du progrès des idées démocratiques, on en vint à préférer les étoffes unies, soit blanches, soit teintes, et dès lors il fut très facile de les tisser chez soi. Après Alexandre, la mode ancienne reprit une certaine faveur ; on s’engoua de nouveau des vêtements bigarrés et luxueusement ornés ; mais les Grecs étaient désormais en état de lutter contre la concurrence de l’Orient, d’abord parce que leurs ouvriers étaient beaucoup plus experts qu’autrefois dans la broderie, et en outre parce qu’il leur était bien plus aisé d’acquérir des esclaves exotiques. Si vaste que fût le domaine de l’industrie domestique, elle était loin de tout absorber. Dès l’époque homérique, il existait des individus qui travaillaient librement pour qui les payait, et le nombre s’en accrut ultérieurement d’une façon constante. Il est impossible de suivre cette évolution à travers les âges ; mais le fait lui-même est patent. A côté des artisans affectés uniquement au service d’un opulent personnage, il y en avait beaucoup plus dont les bras étaient au service de tout le monde[10]. On vit même des besognes d’ordre purement domestique, comme la cuisine, envahies peu à peu par des gens de métier, qui allaient de maison en maison préparer tout au moins les repas d’apparat[11]. La liberté du travail était absolue, mais sous certaines réserves[12]. Quand l’intérêt national paraissait le commander, l’État n’avait aucun scrupule à la violer. Le délit d’oisiveté inscrit dans plusieurs législations en est la preuve. On sait par contre qu’à Sparte les métiers étaient rigoureusement interdits aux citoyens[13]. Si la corvée n’existait pas, on avait toujours le droit de mettre les ouvriers en réquisition, et on usait fréquemment de cette faculté en temps de guerre, ou lorsqu’il s’agissait de la défense du pays. C’est peut-être le procédé qu’employèrent les Athéniens pour relever leurs remparts après Salamine[14], les Chalcidiens pour établir une digue entre l’Eubée et le continent[15], les Argiens pour construire leurs murailles et se procurer rapidement des armes[16], enfin Denys le tyran pour fortifier Syracuse[17]. Au moment de l’expédition de Sicile, on embarqua des meuniers fournis par chaque moulin en raison de son importance[18]. Ces travailleurs furent parfois payés[19] ; mais il n’est pas sûr qu’ils l’aient toujours été ; tout dépendait des ressources du Trésor. La loi ne prescrivait nulle part au fils de suivre la condition de son père. Hérodote signale comme une particularité de la république spartiate l’hérédité des professions de cuisinier, de flûtiste et de héraut[20]. Isocrate pareillement loue les Égyptiens d’avoir étendu cette règle il tous les arts manuels, et il ressort de son langage que rien de tel n’existait autour de lui[21]. On rencontrait de nombreuses familles où se transmettait d’une génération à l’autre la pratique de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Une vieille statue de la Victoire découverte à Délos fut l’œuvre du Chiote Mikkiadès et de son fils Archermos[22]. Le célèbre sculpteur Agélaïdas d’Argos eut pour fils le sculpteur Argéiadas[23]. Il y avait à Olympie, dans le trésor d’Épidamne, un groupe en bois de cèdre exécuté par Hégylos et son fils Théoklès[24]. Praxitèle eut deux fils, Timarchos et Képhisodotos, sculpteurs comme lui[25]. On commit une famille de sculpteurs où alternent les noms d’Euboulidès et d’Eucheiros[26]. L’Artémision d’Éphèse fut construit par le Crétois Chersiphron et son fils Métagénès[27]. Pline énumère plusieurs peintres qui eurent pour maîtres leur père[28], comme Parrhasios et Polygnote[29]. Apelle eut pour frère et probablement pour élève le peintre Ctésiochos[30]. Le potier Ergotimos laissa son atelier à son fils Eucheiros[31]. Ce sont là quelques exemples choisis presque au hasard parmi une infinité d’autres. Cette coutume n’était point propre au monde des artistes ; beaucoup d’artisans l’adoptaient aussi. Platon parle des ouvriers qui se livrent à la même occupation que leurs pères[32] Combien de temps, dit-il ailleurs, le fils du potier aide son père et le regarde travailler, avant de toucher lui-même à la roue ![33] Socrate apprit du sien l’art de tailler la pierre[34]. Le tanneur Anytos enseigna son métier à son fils, et Socrate plaint le jeune homme d’être condamné à une tâche si humble, alors que son père est une sorte de personnage dans l’État[35]. Le politicien Képhalos était fils d’un potier, et il semble bien qu’il eût hérité de la profession paternelle[36]. Le métèque athénien Athénogène possédait une parfumerie qui avait appartenu successivement à son père et à son grand-père[37]. Sur les chantiers publics plus d’un ouvrier associait ses enfants à sa besogne[38]. Enfin la facilité qu’on avait de confier à un préposé libre ou esclave la direction de ses affaires permettait de chercher son agrément ou son profit hors de l’industrie, tout en conservant l’atelier familial. Bien qu’elle fût très répandue, l’hérédité était si peu obligatoire qu’on voit une foule de gens embrasser des professions toutes nouvelles pour eux. Tel individu, jusque-là agriculteur, devenait tout à coup industriel[39] ; tel autre quittait son métier pour en choisir un qui fût plus noble ou plus lucratif ; souvent même c’était le père qui engageait son fils dans une carrière différente de la sienne. L’apprentissage n’était pas ignoré des Grecs. Si l’on veut, dit Xénophon, faire d’un homme un cordonnier, un maçon, un forgeron, un écuyer, on l’envoie auprès d’un maître capable de l’instruire[40], et il ajoute que nul ne peut se flatter d’acquérir une certaine habileté dans un métier quelconque, sans avoir reçu l’éducation nécessaire[41]. D’après lui, pour connaître l’agronomie, il suffit de regarder les autres et d’écouter leurs conseils, tandis que les métiers industriels exigent une préparation prolongée[42]. Platon parle en divers endroits de l’apprentissage du potier, du corroyeur et du tisserand[43]. Les poètes comiques insistent sur celui du cuisinier, qui, paraît-il, ne demandait pas moins de deux années[44]. Tout ceci donnait lieu à un contrat que l’on rédigeait volontiers par écrit, et qui spécifiait les conditions de prix et peut-être de durée, avec les garanties usuelles[45]. Si les mœurs étaient les même, jadis qu’au temps de Lucien, c’est souvent par des coups et des pleurs que l’apprenti était dressé à son métier[46]. Une ligne de Platon indique que les maîtres ne communiquaient pas toujours à leurs élèves tout ce qu’ils savaient eux-mêmes et qu’ils se réservaient, les secrets essentiels de leur industrie[47]. En tout cas, l’État se désintéressait entièrement de ces conventions privées, qui demeuraient sous l’empire du droit commun, et il laissait à chacun la faculté de se former comme il lui plaisait. Il n’existait chez les Grecs rien de comparable à nos anciennes corporations. Les associations diverses qui rapprochaient les gens de métier n’avaient aucun caractère professionnel et ne portaient pas la moindre atteinte à la liberté des travailleurs. Tout chef d’industrie organisait son atelier à sa guise. Il employait à son choix des esclaves, des étrangers ou des citoyens, des ouvriers expérimentés ou des novices. Il était maître chez lui, et l’État ne contrôlait ni le recrutement ni la direction de son personnel. Il ne surveillait pas davantage ses procédés de fabrication[48]. Le patron faisait à son gré des articles de bonne qualité ou de la camelote. S’il lui convenait de s’engourdir dans la routine, il n’y avait pas de loi qui l’obligeât à en sortir. Si, au contraire, il s’ingéniait à chercher du nouveau, ses inventions -tombaient aussitôt dans le domaine public, et il n’avait pas le droit d’en revendiquer la propriété exclusive. On ne signale qu’une dérogation à celle règle. Plutarque raconte qu’à Sybaris, lorsqu’un cuisinier avait imaginé un mets délicat, il avait seul le privilège de le confectionner pendant un an[49]. Les Grecs connaissaient les monopoles ; mais ils entendaient surtout par ce mot les accaparements. Ce genre de spéculation n’était illicite, du moins à Athènes, que s’il s’appliquait au blé ; pour tout le reste, il était autorisé. Le philosophe Thalès, ayant prévu dès l’hiver, à l’aide de sa science astronomique, qu’il y aurait à la saison beaucoup d’olives, afferma à bon compte tous les pressoirs de Milet ou de Chios ; puis, au moment de la récolte, comme tout le inonde en avait besoin à la fois, il les sous-loua aux conditions qu’il voulut[50]. Un Syracusain consacra cinquante talents à l’achat de tout le fer produit par les mines de Sicile, si bien que nul ne put s’approvisionner ailleurs que chez lui, et il lui suffit de hausser légèrement les prix pour doubler sa mise de fonds[51]. Ce n’étaient pas seulement les particuliers, c’étaient aussi les gouvernements besogneux qui agissaient de la sorte, et Aristote est loin de les en blâmer[52]. Même en laissant de côté les objets d’alimentation[53], on voit la ville de Byzance attribuer à une banque le monopole du change[54], et l’Athénien Pythoclès conseiller à ses compatriotes d’acheter à raison de deux drachmes tout le plomb du Laurion pour le revendre trois fois plus cher[55]. On devine les conséquences qu’entraînaient pour le travail industriel de pareilles opérations. On a soutenu que la ville de Milet avait érigé la manufacture de ses laines en monopole[56], et l’on s’est fondé pour cela sur une simple phrase de Cicéron. Je négligerai d’évaluer, dit l’orateur, la quantité de laines publiques que Verrès a dérobée aux Milésiens[57]. C’est beaucoup se risquer que de conclure de là à l’existence d’un monopole d’État. Il est plus naturel de penser que cette cité possédait des troupeaux, et qu’il est question ici de la laine que ce bétail fournissait. On a étendu la même hypothèse à la ville de Laodicée, dont les habitants, d’après Strabon, tiraient de leurs laines de beaux profits[58]. Il est clair pourtant que l’auteur vise dans ce passage soit les taxes qui pesaient sur cette denrée[59], soit les bénéfices qu’elle donnait aux éleveurs et aux fabricants de tissus. On a dit aussi qu’à Rhodes la fabrication des amphores était un monopole d’État, sous prétexte que ces vases portent Fréquemment une estampille officielle, comme le nom de la cité et celui d’un magistrat éponyme. Mais il se peut que ces marques aient eu plutôt pour but d’attester aux yeux des étrangers la provenance et la date du vin que renfermaient les récipients[60]. L’État décidait souvent des travaux d’embellissement ou d’utilité publique ; mais ce n’était pas d’ordinaire en vue d’assurer de l’ouvrage aux artisans[61]. Quand Thémistocle, par exemple, créa l’arsenal du Pirée, il ne songeait qu’a la puissance maritime d’Athènes et aux exigences de sa flotte. Malgré le souci qu’avaient les Rhodiens du bien-être de la classe pauvre, on ne voit pas que leurs chantiers de constructions navales eussent spécialement pour objet de faire vivre les indigents[62]. Le seul qui ait pratiqué à dessein une politique inspirée des principes du socialisme d’État, c’est Périclès, à supposer que Plutarque ait fidèlement exprimé sa pensée dans les lignes suivantes. Les hommes, disait-il, que leur âge et leurs forces rendent aptes au service militaire reçoivent leur paye sur les fonds du budget. Quant à la classe ouvrière qui ne va point à l’armée, je n’ai pas voulu qu’elle fût privée des mêmes avantages, sans cependant qu’elle les dût à la paresse et à l’oisiveté. J’ai donc réalisé, dans l’intérêt du peuple, ces projets de construction destinés à occuper longtemps les industries les plus variées. Ainsi la population sédentaire n’aura pas moins de droits à toucher sa part des deniers publics que les matelots, les garnisons et les soldats de l’armée active. Partout où se rencontraient les matières premières, pierre, cuivre, ivoire, or, ébène, cyprès, nous les avons fait mettre en œuvre par de nombreux artisans, charpentiers, mouleurs, forgerons, tailleurs de pierres, tourneurs en ivoire, peintres, mosaïstes, ciseleurs. Pour le transport de ces objets, il a fallu des armateurs, des matelots, des pilotes, des charrons, des maquignons, des charretiers, des cordiers, des corroyeurs, des paveurs, des mineurs. Par là, le service général répand et distribue en quelque sorte l’aisance parmi tous les âges et toutes les conditions[63]. Il est possible que quelques tyrans eussent une intention semblable, lorsqu’ils entreprenaient, comme Polycrate de Samos et Pisistrate d’Athènes, ces grands travaux qu’admirent les historiens. D’après Aristote, ils voulaient empêcher les citoyens de conspirer, en les occupant[64]. Mais il n’est pas certain qu’ils aient obéi vraiment à un pareil calcul. L’État ne se croyait pas obligé d’assumer à l’égard des particuliers le rôle d’une Providence chargée de faire à tout prix leur bonheur. Il préférait s’en rapporter au libre jeu de leur activité, et s’il secondait leurs efforts, c’était par des procédés indirects, et non par des mesures impératives. On sait notamment que Solon s’appliqua à multiplier la main d’œuvre en tournant les citoyens pauvres vers les professions manuelles[65]. Polycrate acclimata à Samos des moutons à laine fine et appela du dehors de bons ouvriers[66]. A Sybaris, ou accordait des exemptions d’impôt à quiconque introduisait de la pourpre ou teignait les étoffes en rouge[67]. Toute expédition victorieuse, eu amenant sur le marché une masse d’esclaves qui par suite de leur abondance même se vendaient à vil prix, était pour les industriels une occasion d’accroître ou de renouveler leur personnel servile à peu de frais. Lorsqu’on signait un traité avec un État étranger, on stipulait à l’occasion la libre exportation des matières premières qu’il produisait. Nous avons à texte d’une convention conclue au début du IVe siècle entre les habitants de la Chalcis et à roi de Macédoine Amyntas III ; ce dernier permet à ses alliés de se pourvoir chez lui de poix et de bois de construction[68]. Il n’était pas rare que ce privilège, au lieu d’être octroyé à tous les citoyens d’un même pays, fût restreint à des individus isolés. Le fanfaron de Théophraste se vante d’être en assez bons ternies avec Antipater pour avoir obtenu de lui la faveur d’exporter du bois de Macédoine, sans acquitter de droits[69]. Les villes grecques du Pont-Euxin donnaient fréquemment des licences du même genre[70], et ce n’était pas seulement du blé qu’on allait y chercher, c’étaient encore des peaux[71]. Les trois cités de l’île de Méos, Carthæa, Corésos et Ioulis, firent plus : elles accordèrent aux Athéniens l’autorisation exclusive d’exporter de l’île en franchise le vermillon qui leur était indispensable pour leurs meubles et leurs céramiques[72]. Enfin Aristote estime qu’il est essentiel pour un homme d’État de connaître les objets susceptibles d’être exportés ou importés, afin de former des arrangements diplomatiques avec tels et tels ; car, ajoute-t-il, il faut cultiver l’amitié des peuples qui peuvent nous être utiles sur ce point. Il est vrai que dans cette phrase il vise surtout les denrées alimentaires ; mais il est manifeste que sa réflexion s’applique également à tout le reste. Elle montre aussi le lien intime qui existait entre la politique extérieure des États grecs et leur production économique. L’exiguïté des cités helléniques les condamnait toutes à être tributaires de l’étranger, d’abord parce qu’elles trouvaient rarement sur leur territoire une quantité suffisante de matières à élaborer, et en outre parce qu’elles consommaient en général beaucoup moins qu’elles ne fabriquaient. Elles étaient donc forcées de s’ouvrir à l’extérieur des marchés d’approvisionnement et des débouchés. Pour se ménager cette double clientèle de vendeurs et d’acheteurs, le moyen le plus efficace peut-être était de fonder des colonies. Bien qu’elles fussent le plus souvent indépendantes et que leur liberté commerciale fût illimitée, les colonies avaient une tendance toute naturelle à entretenir des relations d’araires surtout, avec leur métropole, et chacune d’elles, tant par ses envois de matières premières que par ses achats d’objets manufacturés, contribuait à la prospérité industrielle de la mère-patrie. A plus forte raison en était-il ainsi lorsqu’elles lui demeuraient étroitement soumises, comme ce fut le cas des colonies corinthiennes du VIIe siècle et des colonies athéniennes du Ve. Il ne paraît pas que les négociants athéniens aient joui d’un traitement de faveur dans les nombreux établissements que leur ville possédait alors sur les côtes de la Méditerranée orientale ; mais il se créa fatalement entre les cités subordonnées et la cité maîtresse un courant régulier de transactions, qui fut pour celle-ci une source de bénéfices. Après les guerres Médiques, Athènes réussit à se former un empire maritime qui engloba plusieurs centaines de villes. Ici encore les rapports politiques engendrèrent des rapports économiques. L’objet de cette confédération était de grouper les forces de la Grèce contre l’ennemi commun, c’est-à-dire la Perse ; mais du même coup Athènes devint la capitale industrielle de la mer Égée. Un contemporain remarque que sa domination incontestée dans ces parages lui conférait une sorte de droit de préemption sur les produits de toutes les contrées voisines[73]. L’auteur n’ajoute pas, mais il va de soi, que la même raison facilitait l’écoulement des siens au dehors, si bien que la puissance territoriale de ce peuple le mettait en état de s’enrichir plus que tous les autres. C’est principalement par l’extension donnée au commerce extérieur que les cités grecques favorisaient l’industrie nationale. Elles n’ont jamais songé à lu protéger contre la concurrence étrangère par des tarifs douaniers. Les droits étaient très faibles, puisqu’ils ne dépassaient guère 2 %[74], et ce qui prouve qu’ils avaient un objet purement fiscal, c’est qu’ils frappaient les denrées de première nécessité, telles que le blé, alors même que le pays importateur en avait un besoin pressant[75]. Plutôt que de chercher à écarter les marchandises exotiques en imprimant, une hausse factice aux prix, on aimait mieux recourir à des mesures franchement prohibitives. Mais il faut noter que ces mesures étaient toujours suggérées par des motifs d’ordre politique. Ce qu’on voulait atteindre en les édictant, ce n’était pas un rival, c’était un ennemi. Ainsi, vers 432, l’accès du marché d’Athènes et de tous les marchés de son empire fut fermé aux produits de Mégare, parce que cette ville avait pris parti contre elle dans un conflit récent, avec Corinthe[76] On traitait de même ceux de Thèbes à cause de l’inimitié qui existait entre les deux républiques[77]. Enfin, en temps de guerre. on avait soin de défendre l’exportation des armes et des matières dont .l’adversaire aurait pu se servir pour sa flotte[78]. C’étaient là des actes de représailles ou de précaution politique, et l’intérêt économique n’y entrait pour rien[79]. Les artisans grecs, tantôt se bornaient à exécuter les commandes de leurs clients, tantôt les devançaient. Le cordonnier Kerdon, dont parle Hérondas[80], faisait l’un et l’autre. Il recevait les ordres des dames qui fréquentaient sa boutique, et en même temps il possédait un riche assortiment de chaussures toutes prêtes, qui attendaient l’acheteur. En pareil cas, le producteur vendait directement au public ses marchandises, ou bien il les cédait à un détaillant[81]. Si chaque industriel n’avait eu à sa disposition que les bras de ses esclaves, il aurait été obligé de travailler coûte que coûte durant toute l’année, sous peine de nourrir des bouches inutiles ; ce qui l’eût conduit parfois à s’encombrer d’objets fabriqués, avant d’en avoir trouvé le débit. Mais l’organisation de la main-d’œuvre était telle que, même dans cette société esclavagiste, les inconvénients de la surproduction pouvaient être évités. On n’était pas forcé d’occuper continuellement tout son personnel ; car on avait la ressource de le louer à ses voisins. On n’était même pas forcé d’avoir des esclaves à soi, puisqu’on avait la faculté de prendre en location ceux d’autrui et d’embaucher des ouvriers libres[82]. Rien n’empêchait par conséquent un industriel de limiter son travail à peu près comme il l’entendait, et même de le suspendre tout à fait. Il semble que le père de Démosthène n’aimait pas d’immobiliser ses capitaux dans son magasin sous forme d’objets manufacturés, et cela se conçoit lorsqu’on réfléchit au taux élevé de l’argent chez les Athéniens[83] A sa mort, il laissa de l’ivoire, du fer, du cuivre, du bois, de la noix de galle, c’est-à-dire des matières premières, mais point de lits ni de glaives[84]. Par contre, quand les Trente Tyrans confisquèrent les biens de Lysias et de son frère Polémarchos, on recueillit sept cents boucliers dans leur atelier du Pirée[85]. Il est vrai que la guerre du Péloponnèse venait de finir, et c’est peut-être là ce qui explique pourquoi on ne les avait pas vendus. A Thèbes, les armuriers avaient en réserve, assez de lances et d’épées pour armer immédiatement une foule d’insurgés[86]. Le salariat avait une large place dans l’économie industrielle des Grecs. Il était partout le refuge ordinaire des indigents. Les parents d’un certain Dicéogène étaient dans le besoin ; il refusa de les secourir, quoiqu’il en eût les moyens, et ils durent se résigner à la condition de μισθωτοί[87]. Ménédèmos, Asclépiadès et Cléanthès, pour être libres d’étudier la philosophie pendant la journée, allaient passer la nuit, comme valets, chez un boulanger[88]. Euthéros, ayant éprouvé des revers de fortune, se suffisait tant bien que mal à l’aide d’un médiocre salaire, et il redoutait le moment où la vieillesse viendrait lui enlever son gagne-pain[89]. Quand la ville de Platées eut été détruite par les Spartiates vers 373, ses habitants furent contraints soit à mendier, soit à vivre au jour le jour du travail de leurs mains[90]. Ceux que la pauvreté réduisait à cette nécessité avaient à compter avec la concurrence des esclaves, et il est clair que souvent elle leur était nuisible. Néanmoins ce dont on se plaignait le plus communément, ce n’était pas tant de chômer que d’être forcé de travailler, et il paraît qu’avec un peu de bonne volonté on trouvait toujours quelque emploi. En tout cas, les salariés abondaient dans le monde hellénique, notamment dans les pays industriels, et Platon dit qu’ils constituaient toute une classe de la société[91]. L’État avait recours à eux aussi bien que les particuliers ; il le faisait chaque fois qu’il mettait un ouvrage en régie. Plusieurs documents attestent que ce système était connu des Athéniens. Nous en avons du Ve siècle[92], et nous en avons également du IVe[93] ; preuve qu’il ne fut point spécial à une époque déterminée. M. Choisy est d’avis qu’on le préférait à l’entreprise ; quand tous les détails de la construction exigeaient la perfection la plus absolue, la régie offrant peut-être des garanties plus sérieuses[94]. Mais lorsqu’on remarque le soin que les fonctionnaires apportaient il rédiger les cahiers des charges imposées aux entrepreneurs et à surveiller les travaux[95], on hésite à accepter une pareille hypothèse. En réalité, nous ignorons les raisons qu’on eut de se décider pour tel ou tel procédé dans telle ou telle circonstance. A Délos, l’État avait coutume de donner à l’entreprise les gros ouvrages, tandis que pour les moindres il employait volontiers des salariés[96]. L’inscription d’Hermione montre des μισθωτοί au service de la cité[97], et celle de Trézène distingue les έργώναι, c’est-à-dire les entrepreneurs, des autres artisans[98]. Pour Delphes, il est difficile de se prononcer, car les textes manquent de précision[99] ; mais pour Epidaure, le doute n’est pas possible. Dans l’inscription 241 du recueil de Cavvadias, le mot εΐλετο désigne toujours une entreprise ; par conséquent, chaque fois que cette locution est absente, on est en droit de penser que le travail est fait en régie. A Corcyre, nous voyons des μισθωτοί en train de bâtir ou de réparer quelque monument religieux[100]. Denys le tyran réussit à fabriquer très rapidement une énorme quantité d’armes et de navires de guerre en attirant à Syracuse beaucoup d’ouvriers qu’il payait bien[101]. A Éphèse, d’après Vitruve, lorsqu’un architecte se chargeait de diriger un ouvrage public, il s’engageait à ne pas dépasser une certaine somme. Le devis était remis au magistrat, et les biens de l’architecte étaient hypothéqués. Quand les travaux étaient achevés, si la dépense répondait exactement aux prévisions, il était comblé de décrets honorifiques. Si les prévisions étaient dépassées d’un quart, l’excédent était fourni par le Trésor, et aucune peine n’atteignait l’architecte. Mais si l’excédent était supérieur au quart, tout le surplus était imputé sur ses biens[102]. Ces règles n’étaient évidemment compatibles qu’avec le système de la régie. Les salariés étaient souvent de simples manœuvres ou des portefaix[103], mais souvent aussi ils exerçaient un métier plus relevé. Ainsi, sur le chantier de l’Érechthéion, on aperçoit des scieurs et des charpentiers[104], sur celui d’Éleusis des maçons et encore des scieurs[105], à Délos des tailleurs de pierres et des charpentiers[106], et la liste serait bien plus longue, si on rattachait aux journaliers les petits tâcherons. L’ouvrier se louait pour un temps plus ou moins long, ou mente polar une période indéfinie, et alors à pouvait se faire qu’il demeurât jusqu’à sa mort au service du même patron[107]. Mais je doute qu’a Athènes tout au moins, il fût autorisé à s’enchaîner d’avance par un lien viager[108]. Agir ainsi, c’eût été renoncer à sa qualité d’homme libre, et l’on sait que la législation athénienne était absolument hostile aux conventions de ce genre[109]. Une l’ois embauché, l’ouvrier n’avait, plus le droit de refuser son travail, soit seul, soit par une grève collective. Nous connaissons un agoranome de Parus qui mérita de grands éloges pour avoir tenu la main à ce que les journaliers remplissent leurs obligations envers leurs employeurs[110]. Alcibiade ayant enfermé chez lui le peintre Agatharchos pour le contraindre à décorer sa maison, ce dernier s’évada au bout de quatre mois, et Alcibiade le menaça d’un procès, parce qu’il avait interrompu la besogne commencée[111]. Il est vrai qu’on blâmait son outrecuidance ; mais ce qui paraissait répréhensible chez lui, c’était moins le fait de la menace que le fait de l’adresser à un individu qu’il avait lui-même violenté. Le travail à la tâche offre de grandes analogies avec le travail à l’entreprise, puisque dans les deux cas une personne promet de mener à lin un certain ouvrage, moyennant une somme fixe. Il en diffère pourtant sur deux points. D’abord l’entrepreneur ne travaille guère de ses propres mains, tandis que le tâcheron est un ouvrier véritable, qui souvent fait tout par lui-même. En second lieu, le tâcheron ne vend à autrui que sa force et son habileté, tandis que l’entrepreneur vend à la fois son travail (ou celui de ses ouvriers) et les matériaux qu’il transforme. Chez les Grecs, la distinction était beaucoup moins nette que chez nous, vu l’habitude qu’avait le bailleur de fractionner le plus possible les adjudications et de fournir les matières qu’il fallait élaborer. Aussi appliquait-on à ces deux catégories de personnes la qualification de μισθωτής. On allait jusqu’à confondre avec l’entreprise le travail à la pièce ou au pied courant[112]. L’entreprise devait être usitée pour les travaux des particuliers, mais nous n’en connaissons guère d’exemple. Par contre, les témoignages abondent en ce qui touche les travaux publics. Le système de l’adjudication s’étendait aux objets les plus variés : construction des édifices civils et religieux, gravure des inscriptions, défrichement des marais, exécution des peintures et sculptures, réparation des navires, organisation des banquets sacrés, perception des impôts, parfois même police des villes, tout cela se donnait à l’entreprise. Nous savons les règles qui régissaient la matière dans toute la Grèce. Sauf quelques détails secondaires, elles étaient à peu près identiques[113]. Les marchés avaient lieu en général avec publicité et concurrence. (Dareste) On y conviait les étrangers comme les nationaux, et non content d’envoyer au dehors des commissaires pour les avertir[114], on s’efforçait de les attirer en leur accordant des indemnités de déplacement[115] et en multipliant Ies garanties en leur faveur. Le contrat passé entre la ville d’Erétrie et le métèque Chærephanès exempte de tout droit de douane, à l’entrée et à la sortie, le matériel et les matériaux nécessaires, comme c’est l’usage pour tous les .entrepreneurs de travaux publics. On le traite donc sur le même pied que les indigènes. On lui octroie en outre un second avantage. Pendant toute la durée de son séjour à Érétrie, il était exposé à se voir saisi dans sa personne et dans ses biens, non seulement par ses créanciers personnels, mais encore par tout Érétrien qui prétendrait être créancier d’un Mégarien (s’il était de Mégare) et n’avoir pu obtenir justice à Mégare. On le libère de toute crainte à cet égard, et on décide qu’il sera à l’abri du droit de prise sur terre et sur mer, en temps de paix et en temps de guerre, lui, ses associés et ses ouvriers[116]. Mêmes clauses dans le marché d’Oxford. Les entrepreneurs seront affranchis à Délos du droit de douane et du droit de prise, eux, leurs ouvriers, leur matériel et tous les objets importés ou exportés pour leur usage. Une fois les travaux achevés, ils auront trente jours Pour exporter en franchise tout ce qui leur appartient[117]. A Cyzique, on alla plus loin. Dans une inscription du 1er siècle de notre ère, il est question de certaines mesures destinées à empêcher le renchérissement de la vie par suite de l’affluence des ouvriers étrangers. Les magistrats veilleront à ce que les prix des denrées ne soient pas augmentés. Tout marchand qui essaiera de vendre au-dessus du tarif fixé, ou d’entraver l’approvisionnement de la ville, sera frappé d’une amende ; de plus, il perdra ses droits politiques, s’il est citoyen ; s’il est métèque ou étranger, il sera expulsé, et sa boutique sera fermée jusqu’à la fin des travaux[118]. Toutes ces précautions avaient pour objet d’amener aux adjudications le plus d’industriels possible, et par suite de susciter entre eux des rivalités dont bénéficiait l’Etat contractant. En 338 par exemple il ne se présenta pas moins de treize orfèvres à Delphes, pour se disputer la fabrication d’un cratère en argent et d’un bassin en or[119]. Les lots n’étaient jamais considérables, parce qu’on voulait les rendre accessibles aux plus modestes entrepreneurs. Pour tailler 388 madriers, longs de 0m 54 et larges de 0m 20, les Athéniens s’adressèrent non pas à un charpentier, mais à cinq, qui eurent à se partager 97 francs[120]. La cannelure de onze colonnes de l’Érechthéion fut répartie entre trente-quatre ouvriers qui touchèrent ensemble 879 francs[121]. Dans les comptes du temple d’Éleusis le plus gros chiffre qu’on relève est celui de 2.600 drachmes ; les autres se maintiennent, à un niveau bien inférieur ; quelques-uns même tombent au-dessous de 100 drachmes, et il y a des entrepreneurs, ou, si l’on veut, des tâcherons, qui reçoivent seulement 50, 25, 17 et 5 drachmes[122] Cette coutume n’était point limitée à Athènes, la cité démocratique par excellence ; elle était en vigueur dans toute la Grèce. A Délos, voici les lots que nous font connaître les comptes de l’année 279 av. J.-C. :
Pour l’année 269, nous avons des chiffres de 2.333 et de 7.000 drachmes[124]. A Trézène, on aperçoit plusieurs lots de 200 à 300 drachmes, un de 2.100 et un de 6.634[125]. A Hermione, les prix sont insignifiants, puisque le plus tort atteint à peine 43 drachmes et 1 obole[126]. Dans une inscription d’Épidaure, les entreprises supérieures à 1.000 drachmes sont assez nombreuses ; il y en a même une qui moule à 9.800 drachmes d’Egine, c’est-à-dire à 13.000 drachmes attiques[127]. Il est visible cependant qu’on avait une tendance à diviser les grosses adjudications. Il s’agissait une fois d’extraire et de transporter 16.000 drachmes environ de pierres destinées au temple d’Asklépios. Euterpidas soumissionna la moitié de la fourniture, et l’autre moitié fut partagée entre Archiclès qui se chargea de l’extraction et Lykios qui se chargea du transport[128]. Dans un texte épigraphique de même provenance, les lots sont beaucoup moindres, et souvent descendent très bas[129]. A Tégée, on défendait qu’il y eût plus de deux associés pour chaque ouvrage, afin d’empêcher les coalitions, et on interdisait les accaparements de plus de deux ouvrages par le même adjudicataire[130]. Mais ces règles étaient loin de prévaloir partout. Ainsi à Éleusis il arrive parfois que trois, quatre, cinq individus s’unissent pour exécuter une entreprise[131]. A Délos également on se groupait volontiers à trois pour faire un travail de maçonnerie ou de charpente[132]. D’autre part le retour des mêmes noms dans les comptes d’un même exercice financier semble signifier que lui, comme ailleurs peut-être, le cumul des entreprises n’était pas absolument illicite[133]. Les adjudications avaient lieu au rabais. C’est apparemment pour ce motif qu’à Épidaure les prix ne forment jamais des chiffres ronds. Damochoos, par exemple, et Mnasiclidas fournissent des poutres et des tuiles pour plusieurs centaines de drachmes moins une obole[134]. On dressait au préalable un devis très minutieux, qui énonçait notamment l’objet du travail, la nature des matériaux à employer et les délais de livraison[135]. Il existait dans plusieurs cités des règlements d’administration sur les adjudications d’État[136]. On était libre dans chaque cas particulier de s’y référer purement et simplement, ou au contraire d’y substituer d’autres arrangements, la loi des parties était la convention qu’elles signaient. Si on jugeait utile de modifier après coup les dimensions prescrites, ou même d’ajouter quelque ouvrage supplémentaire, l’entrepreneur était tenu d’obéir, sans pouvoir demander autre chose qu’une augmentation de prix, quand il en résultait pour lui un surcroît de besogne ou de frais[137]. Pour surveiller les travaux, les autorités régulières de la cité ne paraissaient pas suffisantes ; on désignait en outre des commissaires spéciaux qui, de concert avec l’architecte, exerçaient un contrôle assidu sur l’entrepreneur. On n’attendait pas, en effet, que tout fût terminé pour vérifier si les conditions du marché avaient été remplies ; à tout instant, les inspecteurs avaient le droit d’intervenir. Voici, à titre de spécimen, l’article du contrat de Lébadée qui concerne le dallage. L’entrepreneur soumettra la façon et la pose à l’architecte ; mais au sous-architecte il soumettra les joints et les lits des pierres, s’assurant que les dalles siègent bien à la place qui leur est propre, qu’elles sont entières, qu’elles ne bronchent pas, qu’elles n’ont point de défaut, qu’elles ne sont point cassées en dessous, qu’elles s’ajustent exactement les unes contre les autres, éprouvant par le son le vide des surfaces de contact, constatant que ce qui porte sur les éperons est fait au taillant dentelé, à dents serrées, affûté, que ce qui porte sur la substruction longitudinale est fait au taillant mousse, que les joints sont faits au lissoir lisse, affûté... Le scellement au plomb se fera en présence du préposé. Si quelque chose est scellé en secret, on recommencera[138]. C’est aux commissaires qu’incombait l’appréciation des malfaçons, des dégâts, des retards, en un mot des fraudes et des fautes de toute espèce dont l’entrepreneur se rendait coupable, et ils les réprimaient tantôt sans recours, tantôt avec faculté d’appel à un tribunal local. L’amende était la pénalité la plus fréquente. Il en est perpétuellement question dans les documents, et nous remarquons qu’elle était souvent très onéreuse. Un Corinthien eut à réparer la barrière du stade d’Épidaure pour une somme de 200 drachmes. Les amendes qu’il encourut montèrent à 500 drachmes, il resta donc débiteur de 300 drachmes. Il négligea de se libérer à l’échéance, et sa dette fut augmentée de moitié, si bien que son entreprise se liquida pour lui par une perte sèche de 450 drachmes[139]. Les inspecteurs pouvaient atteindre directement l’ouvrier maladroit ou indocile en l’expulsant du chantier, avec défense d’y jamais rentrer[140]. Parfois le marché était résilié en tout ou en partie. À Lébadée, si l’entrepreneur gâte une pierre et ne la remplace pas, on fait faire ce travail par voie d’adjudication aux frais de l’entrepreneur primitif, avec une majoration de prix égale à la moitié de la somme[141]. Le contrat d’Oxford renferme une allusion très nette à une opération du même genre, portant non sur une portion de l’ouvrage, mais sur l’ouvrage entier[142]. D’après le contrat d’Érétrie, si une guerre arrête les travaux, il est accordé un supplément de délai équivalent à la durée de l’interruption[143]. Il en est de même à Lébadée, si la suspension est imputable aux préposés[144]. A Tégée, si la guerre empêche de commencer les travaux, les commissaires peuvent résilier le marché, sauf restitution des avances encaissées par l’entrepreneur ; si les travaux sont, déjà entamés, c’est au Sénat des Trois-Cents de décider s’ils seront poursuivis[145]. La mort de l’adjudicataire rompait habituellement le marché. Mais on avait toujours la liberté de déroger à cette règle. A Érétrie, par exemple, il est bien entendu que si Chæréphanès meurt avant d’avoir desséché le nuirais, le contrat tiendra avec ses héritiers[146]. Une inscription de Délos donne des détails très précis sur le mode de réception des travaux. L’entrepreneur avertit l’architecte et les inspecteurs, à dater de ce moment, ceux-ci ont dix jours pour examiner l’ouvrage, passé ce délai, ils sont censés l’avoir agréé. On vérifie d’abord chaque sorte de travaux, puis l’ensemble[147]. La responsabilité de l’entrepreneur était partagée par les cautions qu’il devait constituer immédiatement après l’adjudication sous peine de déchéance. Cette obligation, commune à tous les contrats grecs, était ici d’autant plus nécessaire qu’il n’avait jamais de cautionnement à verser[148], et que souvent l’État lui fournissait les matériaux[149]. Les payements n’étaient pas effectués en bloc, mais par fractions. A Tégée, l’adjudicataire touchait, sûrement une provision[150]. Dans la partie du contrat de Lébadée qui a trait à la confection de plusieurs stèles, il est dit que la taille et la pose seront payées avant tout travail, et la gravure des lettres aussitôt après la pose ; on déduira un dixième pour couvrir les amendes éventuelles, et on ne le rendra que lorsque le tout aura été terminé et reçu[151]. A Épidaure, les paiements avaient lieu au moins en trois fois[152]. A Délos, la règle n’était pas uniforme. Le marché d’Oxford prévoit un à compte égal à la moitié du prix après la constitution des cautions, un à compte du quart après l’achèvement qu tiers des travaux, un à compte du quart après le second tiers, et après réception la reluise du dixième de garantie[153]. Dans un autre document, il n’est point parlé du dixième de garantie, et les à comptes sont payés, moitié au début, un quart au milieu des travaux, un quart à la fin[154] Le rapport financier de l’année 279 contient ces mots : Nous avons donné à Phanéas et Peisiboulos 2.250 drachmes comme premier versement, puis après qu’ils eurent l’ait la moitié de l’ouvrage, 1.800 drachmes comme second versement, et quand ils l’eurent achevé nous leur avons donné le dixième de garantie[155]. Plus tard, des procédés différents furent parfois préférés[156]. A Delphes, un suivait à volonté un de ces trois systèmes : 1° paiement de la somme totale après l’exécution des travaux, sauf déduction qu dixième de garantie ; 2° paiement de la somme en trois fois, comme à Délos ; 3° retenue à titre de garantie, non pas du dixième, mais de la moitié[157]. On voit qu’il existait d’une ville à l’aube, et même dans chaque ville, une grande variété de règles. Le seul principe universellement admis était l’habitude d’anticiper et d’échelonner les paiements. De cette manière, c’était avec les fonds même de l’État que les entrepreneurs faisaient face à leurs dépenses. Le Trésor était pour eux un banquier qui n’exigeait aucun intérêt. On trouve dans le contrat d’Érétrie une combinaison fort originale. L’entrepreneur s’engage à dessécher un marais pour rien ; mais il se réserve la jouissance pendant dix ans du terrain émergé, à charge d’acquitter par annuités un prix de fermage de trente talents. Si quelque guerre vient troubler son usufruit, il aura droit à une prolongation égale à la durée du trouble[158]. Les Grecs n’ont pas connu la grande industrie, c’est-à-dire celle qui réunit dans une même usine une niasse considérable d’ouvriers. La plus grosse manufacture qu’on nous signale est la fabrique de boucliers que Lysias et son frère avaient héritée de leur père, et qui groupait cent vingt esclaves[159]. Les autres ateliers sont toujours de moyenne ou de petite dimension. Telles étaient la fabrique d’armes et la fabrique de meubles qu’exploitait le père dé Démosthène, la première, avec trente-deux ou trente-trois esclaves, la seconde, avec vingt[160]. Aujourd’hui elles paraîtraient assez modestes. A Athènes, on en jugeait autrement, car l’orateur leur attribue une réelle importance. La fabrique de boucliers d’Apollodore en avait une bien supérieure encore, du moment qu’elle était louée à raison d’un talent par an[161], tandis que celle de Démosthène procurait un revenu deux fois moindre. Timarque., par contre, n’avait qu’une dizaine d’ouvriers dans sa boutique de corroyeur, et Kerdon treize dans sa cordonnerie[162]. Il est vrai que les témoignages des anciens sont peu explicites en cette matière, puisqu’ils ne relatent guère de chiffres précis. Ils donnent néanmoins à entendre que les vastes agglomérations ouvrières ont été étrangères au monde grec. Ce qu’on aperçoit le plus souvent, ce sont des artisans isolés, ou des patrons qui ont sous leurs ordres un personnel très restreint. Ce phénomène tient en partie à ce fait que les machines étaient à peu près ignorées des Grecs. Le dieu Héphaistos pouvait être capable de faire des trépieds automobiles[163] ; mais l’habileté humaine n’allait pas jusque-là. C’est par pure hypothèse qu’Aristote envisage le cas où la navette tisserait d’elle-même la toile, et où, par conséquent, la machine serait substituée à l’homme[164]. Une chose pareille n’était possible que dans le pays d’Utopie ; là seulement on rêvait de remplacer la main d’œuvre par des procédés mécaniques[165]. Dans la pratique, l’ouvrier grec n’avait qu’un outillage élémentaire. Il ne savait même pas demander à la nature la force motrice dont il avait besoin. Ainsi les moulins à eau n’apparaissent que sous l’empire romain[166] ; quant aux moulins à vent, on n’en parle nulle part. On ne voit pas non plus qu’antérieurement personne ait songé dans les contrées helléniques à utiliser les bêtes de somme pour la mouture[167]. C’était l’homme qui faisait bout, au moyen de quelques instruments très simples, comme ceux qu’on emploie pour soulever de lourds fardeaux[168]. Or c’est la machine qui crée la manufacture. L’histoire de tous les temps établit qu’il y a un rapport étroit entre le développement du machinisme et le progrès de la grande industrie. Le petit atelier se contente de la main-d’œuvre humaine, partout, au contraire, où la machine est prépondérante, le riche industriel tend à supplanter l’artisan. Comment lutter en effet contre un individu armé de ces puissants engins qui favorisent la production hâtive et à bon marché, qui même en font une nécessité ? Les Grecs ont échappé aux inconvénients d’une concurrence semblable. Chez eux, le travail fut à peu près exclusivement le travail de l’homme, et la machine n’y contribua que pour une faible part. Dès lors l’artisan put rester jusqu’au bout ce qu’il était primitivement, c’est-à-dire l’agent essentiel de la vie industrielle. L’usine fui une rareté, et à côté d’elle continuèrent de pulluler une multitude d’ateliers familiaux et de boutiques modestes. Dans l’industrie minière on distingue quelques gros concessionnaires. J’écarte Pisistrate et Thucydide, qui tiraient d’abondants revenus de leurs mines de Thrace, parce que cette région était extérieure au monde hellénique[169]. Mais en Attique même on citait des personnages qui s’étaient enrichis dans les mines du Laurion. Tel était Nicias, dont la fortune montait à cent talents (600.000 fr. environ) ; il exploita d’abord lui-même sa concession avec mille esclaves, puis il sous-loua le tout à un certain Sosias pour une redevance fixe[170]. Celle d’Épicratès et Cie fournissait un bénéfice annuel de cent talents[171]. Diphilos avait gagné beaucoup d’argent en négligeant de prendre dans la sienne les mesures de sécurité prescrites par la loi, c’est au point que, lorsque ses biens furent confisqués, il fut distribué cent soixante talents (960.000 francs) entre les citoyens[172]. Tous ces lots étaient assurément fort considérables, mais ils formaient une infinie minorité. La multiplicité des travaux anciens, le nombre des puits, le réseau si serré des galeries, tout laisse supposer que le partage des terrains miniers était extrême et les concessions très morcelées[173]. Aussi étaient-elles à la portée des plus petites bourses ; témoin cet Athénien qui, avec un patrimoine de 4.500 francs, en acquit une où il fit la besogne d’un simple ouvrier[174]. Il en était de même des ateliers de métallurgie. L’examen attentif des lieux a conduit M. Ardaillon à celle conclusion qu’il n’y avait pas au Laurion de vastes ensembles organisés sous une même direction et par un seul maître pour traiter en grand des masses énormes de minerai, mais plutôt une foule de petits ateliers, ayant chacun leur indépendance et leurs moyens propres, et appartenant chacun à un propriétaire distinct[175]. Cette assertion est confirmée par les textes. Nous connaissons notamment deux ateliers de ce genre, dont l’un fut hypothéqué, esclaves compris, pour la somme de 6.000 francs[176], et dont l’autre, garni de trente esclaves, servit de garantie à une créance de 10.500 francs[177]. Le morcellement des lots dans les adjudications de travaux publics atteste également la prédominance de la petite industrie. S’il y avait eu en Grèce de gros industriels, ils auraient réussi d’une façon ou d’une autre à se faire réserver quelques grands travaux, du moins dans les cités qui n’avaient pas de raison pour favoriser à tout prix les gens du peuple. Ces sortes d’entreprises se modèlent sur l’état général de l’industrie, et on peut être sûr que là où elles sont très divisées, l’industrie elle-même l’est aussi. Pour exercer une profession, il fallait un local, qu’on était souvent obligé de louer, un matériel habituellement peu coûteux, parfois une escouade d’esclaves quand on voulait avoir des ouvriers à soi, enfin un fonds de roulement. Si on n’avait point de capitaux, on avait plusieurs manières de s’en procurer ; mais il va sans dire qu’on n’y réussissait pas toujours[178]. La plus avantageuse était l’éranos ou emprunt gratuit. Il arrivait fréquemment qu’un individu dans l’embarras se tirât d’affaire au moyen d’un prêt que lui consentaient ses amis, sans stipulation d’intérêt. Le principal était seul remboursable, et on accordait au débiteur toute facilité pour se libérer par annuités. Parmi les occasions qui donnaient lieu à de pareils services, il semble qu’on doive compter le cas où un homme avait besoin d’argent pour son industrie[179]. A défaut de cette ressource, on tachait de contracter un emprunt ordinaire, soit auprès d’une maison de banque, soit auprès d’un particulier. Les Grecs, en effet, connaissaient la puissance du crédit, et ils disaient que de tous les capitaux le plus productif est la confiance qu’on inspire[180]. A Athènes et dans les villes riches, il y avait toujours beaucoup de fonds disponibles ; chacun y faisait valoir de son mieux son argent, et dans la plupart des inventaires de succession on voit figurer des créances. On ne se montrait peut-être pas trop méticuleux sur le degré de solvabilité de l’emprunteur, car nous constatons qu’on prêtait volontiers à des gens sans fortune[181] ; seulement, ou ne manquait pas de prendre hypothèque sur l’atelier et les esclaves[182], et d’exiger des cautions. Le plus souvent, on payait au prêteur un intérêt fixe. Le taux normal était de 12 % par an ; mais parfois il s’élevait bien plus haut. Eschine le philosophe, au moment de se charger d’une parfumerie, ne trouva crédit qu’il raison de 18 %[183] et Théophraste introduit dans sa galerie de portraits un type qui devait être assez commun, celui de l’usurier qui va de boutique en boutique toucher des intérêts exorbitants[184]. Si les Grecs aimaient à se grouper pour faire le commerce, ils préféraient en général demeurer isolés, quand il s’agissait d’exploiter une industrie ; du moins les sociétés industrielles sont chez eux extrêmement rares, et elles comprennent fort peu de membres. La loi de Gortyne parle d’un contrai intervenu entre deux individus, dont l’un, suppose-t-on, a fourni son travail et l’autre de l’argent ou des marchandises[185]. L’entrepreneur Chaeréphanès avait des associés, qui étaient sans doute ses bailleurs de fonds[186]. Ergasion et Duos paraissent avoir exercé conjointement la profession de carriers à Éleusis[187]. A Delphes et à Délos/il était assez usuel que deux ou trois individus se rendissent adjudicataires d’une même entreprise[188]. A Tégée la loi ne prohibait dans les travaux publics que les associations de plus de deux personnes[189]. C’est surtout dans l’industrie des mines que ces unions se constituaient. Démosthène rappelle les procès qui surgissent entre gens ayant des intérêts dans une mine[190]. Un de ses contemporains dit que les plus riches citoyens d’Athènes avaient des parts dans celle d’Épicrate[191]. Les textes font encore allusion à la concession de Philippos et de Nausildès[192], et peut-être à celle d’Hypéridès, d’Eschylidès et du fils de Dikaiokratés[193]. Trois Athéniens s’entendirent pour acheter une mine, et il est curieux de noter que l’un d’eux était seul responsable des amendes infligées à la société[194]. Peut-être deux inscriptions témoignent-elles que l’association avait encore sa place dans la métallurgie[195]. Mais, somme toute, ce n’étaient là que des exceptions, et la forme d’industrie qui prévalait en Grèce était la forme individualiste. On a prétendu que la petite industrie eut de plus en plus de difficultés à lutter contre la grande, et que celle-ci ne cessa de gagner du terrain[196]. Voilà, je le crains, une de ces assertions que les esprits aventureux énoncent sans trop savoir pourquoi, et qui ne résistent pas à l’examen. On croit remarquer dans le présent un phénomène économique ; on suppose qu’au lieu d’être particulier à notre temps, il est de tous les temps, et on veut absolument le retrouver dans toutes les sociétés, en dépit des faits les mieux établis. Mais où sont les preuves à l’appui de l’opinion que je viens d’indiquer ? Quels sont les documents où se manifeste cette tendance il la concentration de la production industrielle ? A vrai dire, on n’en aperçoit aucun. S’il existait au IVe siècle de grosses concessions de mines, comme l’atteste le cas d’Épicratès, il y en avait aussi au Ve, à en juger par l’exemple de Nicias. C’est au Ve siècle, et non pas dans la suite, que se place l’atelier le plus vaste dont on fasse mention, celui de Lysias. Vers l’époque de Philippe de Macédoine, le Phocidien Mnason acheta mille esclaves ; mais il. n’est pas à présumer qu’il comptât les entasser dans une manufacture, puisque la Phocide était une contrée purement agricole ; il suffit d’ailleurs de lire le texte où ce détail est consigné, pour se convaincre que ces esclaves étaient destinés par lui au service domestique[197] L’auteur du traité des Revenus demandait que l’État athénien acquît dix mille esclaves qui seraient employés dans les mines ; mais, dans sa pensée, ce personnel devait être loué aux concessionnaires qui se partageaient les gisements du Laurion[198] ; et au surplus, son projet ne fut pas adopté. J’ajoute que la Grèce se prêtait moins que tout autre pays au progrès de la grande industrie. Les fortunes individuelles n’y étaient pas considérables, et y avaient peu de stabilité. Elles se formaient assez rapidement, sans dépasser du reste un chiffre peu élevé ; mais elles se détruisaient encore plus vite, sous l’empire de causes très diverses, dont la plus efficace était le système des impôts, aggravé par l’abus des confiscations. Or les vastes entreprises industrielles ne s’improvisent pas ; pour s’étendre, il faut qu’elles durent ; elles sont d’ordinaire l’œuvre de plusieurs générations successives, et leur prospérité n’est guère conciliable avec l’excessive mobilité des capitaux. Ce qui donne naissance aujourd’hui aux grandes usines, c’est la formation des sociétés par actions. Les Grecs n’ont pas eu cette ressource. Il n’y eut jamais chez eux que des associations tout à fait rudimentaires, composées d’un nombre très restreint de personnes. Ils n’ont pas eu l’idée ou n’ont pas senti le besoin de créer par la coalition des moyennes et des petites bourses cette espèce de capital anonyme et collectif qui alimente actuellement tant de puissantes industries et par là ils se sont condamnés à n’avoir que des ateliers modestes, jusque dans la dernière période de leur histoire. |
[1] LYSIAS, I, 18 ; DÉMOSTHÈNE, XLV, 33 ; HÉRONDAS, VI, 8184.
[2] BLÜMNER, Technologie, I, p. 22.
[3] XÉNOPHON, Économiques, IX, 7 ; X, 10.
[4] PLUTARQUE, Phocion, 18.
[5] THÉOPHRASTE, Caractères, 4.
[6] ARISTOPHANE, Assemblée des femmes, 223.
[7] BLÜMNER, I, p. 119 et 357 ; Dictionnaire des Antiquités, I, fig. 998.
[8] PLATON, Lois, VII, p. 806 A ; XÉNOPHON, Gouvernement des Lacédémoniens, I, 3 et 4 ; PLUTARQUE, Apophthegmes des Lacédémoniennes, 8.
[9] PLATON, Lois, p. 805 E. XÉNOPHON, Économiques, VII, 6 ; VII, 36. POLYEN, VI, 1, 5.
[10] PLATON, Politique, 29. ARISTOTE, Politique, III, 3, 3.
[11] ANTIPHANE, 225 Kock ; DIPHILE, 43 ; POLLUX, IX, 48.
[12] ESCHINE (III, 158) signale une légère restriction à cette règle. Si un batelier qui faisait le service du Pirée à Salamine causait en route quelque accident de personnes, on pouvait lui interdire l’exercice de son métier C’était là une mesure de police qui se justifiait d’elle-même.
[13] XÉNOPHON, Gouv. des Lacédém., VII, 1 et 2.
[14] THUCYDIDE, I, 90.
[15] DIODORE, XIII, 47.
[16] THUCYDIDE, V, 82 ; POLYEN, III, 8.
[17] DIODORE, XIV, 18.
[18] THUCYDIDE, VI, 22 : Σιτοποιούς έκ τών μυλώνων πρός μέρος ήναγκασμένους έμμίσθους.
[19] Remarquer le mot έμμίσθους à la note précédente.
[20] HÉRODOTE, VI, 60.
[21] ISOCRATE, XI, 16-17.
[22] LOEWY, Inschriften griechischen Bildhauer, n° 1 (1885).
[23] Ibid., n° 30.
[24] PAUSANIAS, VI, 19, 8 ; COLLIGNON, Hist. de la sculpture grecque, I, p. 230.
[25] PLUTARQUE, Vies des X orateurs, VII, 39 ; PAUSANIAS, I, 8, 4 ; IX, 12, 4.
[26] COLLIGNON, II, p. 619-620 ; LOEWY, n° 133-135, 223-229.
[27] COLLIGNON, I, p. 178. Vitruve dit que jadis les architectes non erudiebant nisi suos liberos aut cognatos. (VI, préf.)
[28] PLINE, Histoire naturelle, XXXV, 108, 110, 111, 123, 131 (Detlefsen).
[29] HARPOCRATION, Παρράσιος ; SUIDAS, Πολύγνωτος.
[30] SUIDAS, Άπελλής.
[31] RAYET et COLLIGNON, Hist. de la céramique grecque, p. 94.
[32] PLATON, Protagoras, 16.
[33] PLATON, République, V, p. 467 A.
[34] TIMÉE, fragm. 100.
[35] XÉNOPHON, Apologie de Socrate, 20-30.
[36] ARISTOPHANE, Assemblée des femmes, 248 et 253 (avec les scholies).
[37] HYPÉRIDE, Contre Athénogène, IX, 3 et 4. Cf. HÉRONDAS, II, 74-77.
[38] CIA, I, p. 173-175.
[39] HYPÉRIDE, Contre Athénogène, XII, 1-3.
[40] XÉNOPHON, Mémorables, IV, 4, 5.
[41] Ibid., IV, 2, 2.
[42] XÉNOPHON, Économiques, XV, 10.
[43] PLATON, République, IV, p. 421 E ; Gorgias, 70 ; Ménon, 27 ; Cratyle, 8. Cf. W F, 239.
[44] PHILETAEROS, 14, 15 Kock ; HÉGÉSIPPOS, 1 ; POSIDIPPOS, 26.
[45] XÉNOPHON, De l’équitation, II, 2. PLATON, Euthydème, 1 ; Théagès, 8 ; ISOCRATE, XIII, 6 ; THÉOCRITE, VIII, 85.
[46] LUCIEN, I, 3.
[47] PLATON, Protagoras, 16. Peut-être y a-t-il encore une allusion à cela dans DIODORE, I, 74.
[48] ATHÉNÉE (XV, p. 686 F) prétend que les Lacédémoniens bannissaient de Sparte τούς τά έρια βάπτοντας ώς άφανίζουτας τήν λυκότητα τών έρίων. L’assertion est suspecte, si l’on réfléchit qu’il la guerre les soldats spartiates portaient στολήν φοινικίδα (XÉNOPHON, Gouv. des Lacédém., XI, 3).
[49] PHYLARQUE, fragm. 45.
[50] ARISTOTE, Politique, I, 4, 5.
[51] Ibid., I, 4, 1.
[52] Ibid., I, 4, 8.
[53] PS.-ARISTOTE, Économiques, II, 2, 7 et 17.
[54] Ibid., II, 2, 3.
[55] Ibid., II, 2, 36.
[56] MAQUARDT, Vie privée des Romains, II, p. 108 (tr. franç.).
[57] CICÉRON, in Verrem, I, 34, 86.
[58] STRABON, XII, p. 578.
[59] Impôt sur la laine à Cos (MICHEL, 720, l. 8 ; Cf. TH. REINACH dans la Revue des études grecques, IV, p. 368).
[60] RAYET et COLLIGNON, Histoire de la céramique grecque, p. 359-362.
[61] FROHBERGER (De opificum apud veteres Græcos conditione, p. 28, note 94) a cru voir dans POLYEN, III, 8, quelque chose d’analogue à nos ateliers nationaux de 1848. C’est plutôt la mise en réquisition des citoyens pour fabriquer des armes dans une circonstance pressante.
[62] STRABON, XIV, p. 653.
[63] PLUTARQUE, Périclès, 12.
[64] ARISTOTE, Politique, VIII, 9, 4.
[65] PLUTARQUE, Solon, 22.
[66] ATHÉNÉE, XII, p. 540.
[67] PHYLARQUE, fragm. 45.
[68] MICHEL, 5.
[69] THÉOPHRASTE, Caract., 23. Cf. ANDOCIDE, II, 11.
[70] MICHEL, 335. Cette formule revient souvent dans les décrets similaires.
[71] DÉMOSTHÈNE, XXXIV, 10 ; XXXV, 34.
[72] CIA, II, 546.
[73] PS.-XÉNOPHON, Gouv. des Athén., II, 11.
[74] BÖCKH, Staatsh. d. Athener, I, p. 382 (3e éd.) ; GILBERT, Handbuch gr. Staatsalt., I, p. 331, et II, p. 366 ; BCH, XXI, p. 575. Ce chiffre n’était pas invariable (Voir par ex. BCH, XIV, p. 470).
[75] DÉMOSTHÈNE, LIX, 27.
[76] THUCYDIDE, I, 67 ; CURTIUS, Hist. grecque, III, p. 20.
[77] ARISTOPHANE, Acharn., 910 et suiv.
[78] Idem., Grenouilles, 362-36 (avec les Scholies) ; DÉMOSTHÈNE, XIX, 286.
[79] La mesure attribuée par Hérodote (V, 88) aux Argiens et aux Éginètes a un caractère tout à fait spécial.
[80] Dans son VIIe mime.
[81] PLATON, Politique, 4.
[82] Cf. Chapitre VII.
[83] Voir BILLETER, Geschichte des Zinsfusses im gr.-röm. Altertum, p. 10 et suiv.
[84] DÉMOSTHÈNE, XXVII, 10.
[85] LYSIAS, XII, 19.
[86] PLUTARQUE, Pélopidas, 12.
[87] ISÉE, V, 39.
[88] ATHÉNÉE, IV, p. 168 ; DIOGÈNE LAËRCE, VII, 168.
[89] XÉNOPHON, Mémorables, II, 8, 1-2.
[90] ISOCRATE, XIV, 48.
[91] PLATON, Politique, 29.
[92] CIA, I, 301, 312, 321, 324 ; IV, 1, 297 a et b, 311 a ; IV, 1, p. 75 ; MICHEL, 574.
[93] CIA, IV, 2, 192 c, 830 b.
[94] CHOISY, Études épigraphiques sur l’architecture grecque, p. 159.
[95] Voir plus bas au même chapitre.
[96] BCH, VI, p. 6 et suiv. ; XIV, p. 303 et suiv. (MICHEL, 594, l. 44. et suiv.).
[97] DI, 3385.
[98] Ibid., 3362, et BCH, XVII, p. 116.
[99] BCH, XXII, p. 304 et 320.
[100] DI, 3195.
[101] DIODORE, XIV, 41-43. Cf. XIV, 18.
[102] VITRUVE, Livre X, préface : Architectus cum publicum opus curandum recipit, pollicetur quanto somptu sit futurum ; tradita æstimatione magistratui boni ejus obligantur, donec opus sit perfectum : absoluto autem eum ad dietum impensa respondet, decretis et honoribus ornatur. Item si non amplius quam quarta ad æstimationem est adjicienda, de publico præstatur, nuque ulla pœna tenetur : cum vero amplius quam quarta in opere consumitur, ex ejus honis ad perficiendum pæcunia exigitur. C’était là une lex vetusta majoribus constituta.
[103] ARISTOPHANE, Grenouilles, 172 ; DÉMOSTHÈNE, XLIX, 51 ; POLLUX, VII, 130-131 ; CIA, I, p. 174, col. 1.
[104] CIA, I, p, 173, col. 2. IV, 1, p. 70, col. 2.
[105] CIA, II, 834 b (add.), col. I, l. 20. Col. II, l. 23.
[106] MICHEL, 594, l. 69, 70, 83.
[107] PLATON, Euthyphron, 4 ; XÉNOPHON, Mémorables, II, 8, 3.
[108] Voir l’opinion contraire dans BEAUCHET, Histoire du droit privé de la république athénienne, IV, p. 226.
[109] ARISTOTE, Gouv. des Athén., 6.
[110] RANGABÉ, Antiquités helléniques, 770 c.
[111] PS.-ANDOCIDE, IV, 17.
[112] CIA, I, 324, fragm. a, col. I, l. 43. CIA, II, 834 b (add.), col. I, l. 17.
[113] Sur les entreprises de travaux publics chez les Grecs, voir notamment DARESTE, Annuaire de l’Association des études grecques, 1877, p. 107-117, et B. KEIL, Die Rechnungen über den Epidaurischen Tholoshau (AM, XX, p. 20-115).
[114] Ainsi d’Épidaure on envoie des κήρυκες et des άγγελοι à Hermione, Argos, Thèbes, Corinthe, Athènes, Tégée, Trézène (MICHEL, 584, l. 165 et s.).
[115] DI, 3385 (FOUCART, Inscr. du Péloponnèse, 159 h) ; BCH, XXI, p. 478, l. 23 et suiv.
[116] IJ, I, p. 144 et suiv. ; l. 2-5 et 36-30. Cf. p. 154.
[117] CIG, 2266 A, l. 17-19.
[118] Revue des études grecques, VI, p. 8. Cf. p. 286, note 1 pour une rectification de détail.
[119] BCH, XXI, p. 478.
[120] CIA, IV, 1, p. 76, col. III, l. 4 et suiv.
[121] CIA, I, p. 175.
[122] CIA, II, 834 b (add.).
[123] MICHEL, 594, l. 44 et suiv.
[124] BCH, XIV, p.163, note 5.
[125] DI, 3385.
[126] Ibid., 3362 et BCH, XVII, p. 114.
[127] MICHEL, 584, l. 45-47.
[128] Lignes 14-19.
[129] CAVVADIAS, Fouilles d’Épidaure, n° 212.
[130] MICHEL, 585, l. 21 ; l. 25.
[131] CIA, II, 834 b (add.), col. I, l. 49, 50, 52, 59.
[132] MICHEL, 594, l. 53 : Dinocratès, Xénophanés, Théophantos ; l. 59 : Nikon, Alexiclès, Démophilos ; l. 62 : Molpion, Alexiclès, Démophilos.
[133] Dinocratès, Xénophanès, Théophantos, Nikon, Alexiclès, Détnophilos, Théodémos, Ameinonikos. Remarquer que parfois un individu travaillait tantôt comme entrepreneur (ou tâcheron), tantôt comme journalier (Ex. : Théodémos et Nikon).
[134] MICHEL, 584, l. 32 et 55. Cf. CAVVADIAS, Fouilles d’Épidaure, p. 83.
[135] Voir par ex. le cahier des charges relatif à l’arsenal du Pirée (CIA, II, 1054).
[136] Telle est l’inscription de Tégée (MICHEL, 585). Cf. le contrat de Lébadée, l. 81-89 (CIGS., I, 3073 = MICHEL, 589).
[137] Contrat de Lébadée, l. 22-24.
[138] Ibid., l. 160 et suiv. J’emprunte la traduction de M. CHOISY (Études épigraphiques sur l’architecture grecque, p. 197).
[139] CAVVADIAS, Fouilles d’Épidaure, n° 237. Autres amendes perçues à Épidaure (Ibid., n° 242, 1. 17, 19, 51, 111, 115, 116, 117). Contrat de Lébadée, l. 1-5. Pour Délos, voir HOMOLLE dans BCH, XIV, p. 459.
[140] Contrat de Lébadée, l. 19-21.
[141] Ibid., l. 32 et suiv. Dans ce document le mot ύπερεύρεμα (l. 2) désigne le prix de la réadjudication.
[142] CIG, 2266, l. 11.
[143] Contrat d’Érétrie, l. 13-15 (IJ, I, p. 144).
[144] Contrat de Lébadée, I, 45-47.
[145] MICHEL, 585, l. 6 et suiv.
[146] Contrat d’Érétrie, l. 27-29.
[147] CIG, 2266, l. 19-22.
[148] Un cautionnement de 100 drachmes est prévu dans l’inscription de la note précédente ; mais l’exemple est unique.
[149] CIG, 2266, l. 23 (Délos). Pour le temple de Zeus Soter au Pirée, l’État fait extraire les pierres par voie de régie (CIA, II, 834). Ailleurs on stipule que l’entrepreneur recevra le plomb et le fer destiné aux scellements (Ibid., IV, 2, 1054, l. 80), ou encore des tuiles (II, 167, l. 99). A Délos, il doit se pourvoir de tout ce qu’il lui faut, sauf les tuiles et le bois (MICHEL, 594, l. 46, 51, 65). A Épidaure, la charge de toutes ces fournitures incombe au bailleur (MICHEL, 584). Choisy (p. 220) remarque que dans CIA, II, 834 b (add.) tous les matériaux sont aussi fournis en régie. A Lébadée, on n’adjuge que la main-d’œuvre (l. 31 et suiv., l. 90 et suiv.). Voir pour Oropos CIGS, I, 4255 (MICHEL, 586).
[150] MICHEL, 585, l. 12-14.
[151] Contrat de Lébadée, l. 47 et suiv.
[152] CAVVADIAS, p. 84.
[153] CIG, 2266, l. I2-16.
[154] CIA, IV, 2, 1034 g. l. 21 et suiv.
[155] MICHEL, 594, l. 47-49.
[156] BCH, VI, p. 19.
[157] BCH, XXI, p. 486-487.
[158] Contrat d’Érétrie, l. 5-6, 15-17.
[159] LYSIAS, XII, 10.
[160] DÉMOSTHÈNE, XXVII, 9.
[161] DÉMOSTHÈNE, XXXVI, 11.
[162] ESCHINE, I, 97. HÉRONDAS, VII, 44.
[163] Iliade, XVIII, 373 et suiv.
[164] ARISTOTE, Politique, I, 2.
[165] CHATÉS, 14, Kock.
[166] BLÜMNER, Technologie, I, p. 45 et suiv.
[167] BLÜMNER, Technologie, I, p.35-36.
[168] MICHEL, 501, l. 12. L. 45 et 40. Cf. BCH, XX, p. 210 et 218 (Delphes).
[169] THUCYDIDE, IV, 105 ; ARISTOTE, Gouvern. des Athén., 15.
[170] XÉNOPHON, Revenus, IV, 14 ; PLUTARQUE, Nicias, 4.
[171] HYPÉRIDE, Pour Euxénippos, 37.
[172] PLUTARQUE, Vies des X orateurs, Lycurgue, 34.
[173] ARDAILLON, Les mines du Laurion dans l’antiquité, p. 181.
[174] DÉMOSTHÈNE, XIII, 20-22.
[175] ARDAILLON, p. 74.
[176] IJ, I, p. 41.
[177] DÉMOSTHÈNE, XXXVII, 4.
[178] PLATON, République, IV, p. 421 D.
[179] TH. REINACH dans le Dict. des antiquités, au mot Éranus.
[180] DÉMOSTHÈNE, XXXVI, 44.
[181] ARISTOTE, Gouv. des Athén., 52. ISOCRATE, VII, 32.
[182] DÉMOSTHÈNE, XXVII, 4 et 5.
[183] LYSIAS, fragm. 1.
[184] THÉOPHRASTE, Caractères, 6.
[185] Loi de Gortyne, IX, l. 43 et suiv. Cf. IJ, I, p. 480.
[186] IJ, I, p. 148, l. 30.
[187] CIA, II, 834 b (add.), col. I, l. 53-54.
[188] MICHEL, 594, l. 46, 52, 57, 59, 62, 66 ; MICHEL, 591, I, l. 14, 45, 97.
[189] MICHEL, 585, l. 21-22.
[190] DÉMOSTHÈNE, XXXVII, 38.
[191] HYPÉRIDE, Pour Euxénippos, 37.
[192] HYPÉRIDE, Pour Euxénippos, 36.
[193] CIA, II, 782. L’interprétation de ce texte est quelque peu conjecturale. Cf. ARDAILLON, Les mines du Laurion, p. 154.
[194] DÉMOSTHÈNE, XIII, 3. Voir l’explication de ce passage dans ARDAILLON, p. 186-187.
[195] CIA, II, 781, 782 b (add.). Cf. ZIEBARTH, Das griechische Vereinswesen, p. 19.
[196] Voir par exemple, G. PLATON, La démocratie et le régime fiscal, p. 5.
[197] TIMÉE, fragm. 67.
[198] XÉNOPHON, Revenus, IV, 13 et suiv.