ESSAI SUR LE RÈGNE DE L’EMPEREUR DOMITIEN

 

CHAPITRE VI. — GUERRES.

 

 

PREMIÈRE PARTIE — Guerres d’Agricola en Bretagne

Le commencement du règne de Domitien fut marqué par d’importantes campagnes en Bretagne[1]. Depuis 77[2], Cn. Julius Agricola était gouverneur de cette province où il avait déjà séjourné à deux reprises différentes, d’abord sous Suetonius Paullinus comme tribun militaire (Agricola, 5), puis sous Vettius Bolanus et Petillius Cerialis, comme légat de légion (Agricola, 8). — Par une expédition heureuse contre les Ordoviques, Agricola avait d’abord achevé la conquête du pays de Galles et occupé l’île d’Anglesey, foyer de la résistance des Celtes (Agricola, 18). Après la soumission d’autres peuples[3] qui ne sont pas nommés par Tacite, les Romains possédèrent la Bretagne au moins jusqu’à Eburacum (York), dans le pays des Brigantes[4].

Agricola chercha aussi, par sa bonne administration, à attacher à la domination romaine les peuples qui faisaient partie de la province : il les traita avec douceur, supprima des abus qui les appauvrissaient ou les humiliaient, appela des hommes intègres à le seconder, allégea les tributs et les fournitures de blé, engagea les Bretons à construire des temples, des maisons, répandit chez eus l’usage de la toge, fit instruire les fils de leurs chefs[5].

Mais son ambition ne se bornait pas là : il avait formé le projet d’annexer à l’empire l’Écosse et même l’Irlande. Il espérait, par cette conquête, illustrer son nom et enlever toute velléité d’indépendance aux Bretons qui n’auraient plus envié la liberté de leurs voisins, ni attendu aucun appui extérieur[6] : de plus, comme on croyait alors l’Irlande située à l’est de l’Espagne, il pouvait penser que l’occupation de ce pays faciliterait les communications maritimes avec l’ouest de l’empire[7]. — Pour accomplir ces desseins, Agricola avait une nombreuse armée sous ses ordres : quatre légions[8], avec environ trente cohortes et dis ailes de cavalerie[9].

A partir de la troisième année de son commandement, il entreprit vers le nord des expéditions qui, s’il faut en croire Tacite, furent toutes heureuses, malgré les difficultés de la marche, du ravitaillement, des combats dans un pays inconnu, couvert de forêts, de marécages et de montagnes. — En 79, il pénétra dans des territoires inconnus auparavant et s’avança jusqu’à l’estuaire du Tartans (Firth of Tay ?)[10]. — L’année suivante fut consacrée par lui à s’assurer la possession définitive des pays qu’il venait de parcourir. De l’estuaire de la Clota (Clyde), sur la mer d’Irlande, à celui de la Bodotria (Forth), sur la mer du Nord, estuaires qui s’enfoncent profondément dans les terres et ne lais-sent entre eux qu’un isthme étroit, il éleva une ligne de forts, et tout le pays environnant fut au pouvoir des Romains[11]. Plus tard, Antonin le Pieux ne lit que restaurer cette ligne de défense[12].

En 81, Agricola, dit Tacite dans des termes malheureusement trop vagues, s’embarqua dès que la saison le lui permit et dompta, à la suite de nombreux succès, des nations jusqu’alors inconnues, peut-être des peuplades établies en Écosse, au nord de l’estuaire de la Clota[13]. En même temps, il garnit de troupes la partie de la Bretagne qui regarde l’Hibernie (Irlande), préparant une expédition dans cette île. Il avait accueilli un des petits rois du pays, chassé par une révolte, et, sous le titre d’ami, il le gardait pour une occasion favorable (Agricola, 24).

Ce fut alors que Domitien succéda à Titus. Quoique Agricola gouvernât déjà la province depuis plus de quatre ans, il ne le rappela pas et lui permit d’abord de poursuivre ses projets, au moins dans Pile de Bretagne.

En 82, Agricola s’avança, en longeant le rivage[14], dans les pays situés au delà de la Bodotria. Les côtes furent reconnues par la flotte, qu’il employa alors pour la première fois comme partie active de ses forces, afin d’éclairer sa marche, et qui causa une grande terreur aux indigènes. Cependant les Calédoniens résistèrent : ils harcelèrent l’armée ; des postes furent même attaqués par des forces nombreuses[15]. Le découragement commençait déjà à se mettre parmi les soldats : beaucoup disaient qu’il fallait repasser la Bodotria et sortir du pays avant de s’en faire chasser. Mais Agricola ne s’arrêta pas à ces craintes. Informé que les Calédoniens se préparaient à l’attaquer de différents côtés, il voulut éviter qu’ils ne missent à profit la supériorité de leur nombre et la connaissance qu’ils avaient des lieux pour l’envelopper. Afin de ne pas leur en laisser le temps, il marcha droit à eus, divisant son armée en trois corps assez rapprochés pour qu’ils pussent se porter mutuellement secours (Agricola, 25). Les ennemis, changeant alors de tactique, se réunirent en une seule masse et assaillirent à l’improviste, pendant la nuit, la colonne la plus faible, formée de la neuvième légion[16]. Ils avaient déjà envahi le camp, lorsque Agricola, averti par ses éclaireurs, accourut et les attaqua par derrière. Vaincus, ils s’enfuirent par des forêts et des marécages qui empêchèrent les Romains de les poursuivre[17]. Nous ignorons le lieu où cette bataille fut livrée. — Les troupes victorieuses voulaient alors achever la conquête de la Calédonie, mais Agricola se contenta de ce succès et jugea prudent de revenir en arrière (Agricola, 27).

Pour l’année 83, il prépara une grande expédition. Son armée était peut-être affaiblie par suite du rappel d’une partie de ses troupes sur le continent[18] ; il la renforça à l’aide d’auxiliaires levés parmi les Bretons les plus braves et les plus fidèles. — Il fit partir la flotte la première, afin qu’en ravageant plusieurs points, elle répandît chez les ennemis l’incertitude et la terreur. Puis il s’avança avec son armée sans bagages (Agricola, 29). De leur côté, les différents peuples de la Calédonie s’étaient armés, avaient conclu une ligue entre eux et mis en lieu sûr les femmes et les enfants (Agricola, 27). Ils attendirent Agricola au mont Graupius, au nord de l’Écosse[19]. D’abord au nombre de trente mille[20], ils recevaient tous les jours de nouveaux renforts. Le plus noble et le plus vaillant d’entre eux était Galgacus[21]. — L’armée romaine comptait vingt-six mille hommes environ[22].

Agricola disposa ses troupes de manière à former le centre de bataille avec les fantassins auxiliaires, au nombre de huit mille. Aux ailes, il plaça trois mille cavaliers. Les légions furent rangées derrière ces troupes et devant les retranchements du camp : le général voulait ménager le sang romain en cas de succès, et se garder une réserve importante en cas de revers (Agricola, 35). Quatre escadrons de cavalerie furent tenus aussi en réserve (Agricola, 37).

Du côté des ennemis, les chars, les cavaliers et une partie des fantassins se trouvaient dans la plaine ; le reste était rangé sur les pentes des collines, qui formaient un amphithéâtre (Agricola, 35).

Le combat commença d’abord de loin. Les Calédoniens, agiles et braves, paraient les javelots et faisaient tomber sur les Romains une grêle de traits. Agricola lança alors sur les ennemis de la plaine la cavalerie des ailes et les plus braves de ses auxiliaires, c’est-à-dire trois (?)[23] cohortes de Bataves et deux de Tongres qui furent suivies bientôt par les autres auxiliaires. Armés de petits boucliers, d’épées longues et sans pointe, gênés par leurs chars et par les chevaux qui fuyaient en désordre devant la cavalerie romaine, les Calédoniens de la plaine furent culbutés. A la vue de la défaite des leurs, ceux qui occupaient les collines en descendirent. Confiants dans leur nombre, ils voulurent envelopper l’armée d’Agricola. Mais celui-ci avait dès le début de la bataille prévu ce danger : sur son ordre, les quatre escadrons de cavalerie tenus en réserve jusqu’alors furent lancés contre les ennemis et les renversèrent, puis, par une manœuvre rapide, les prirent à revers. Les Romains triomphèrent ce jour-là grâce aux habiles dispositions prises par leur général, ainsi qu’à la supériorité de leur armement et de leur cavalerie. Les auxiliaires eurent l’honneur de la victoire ; les légions n’intervinrent pas. — La déroute des Barbares fut complète ; ils furent poursuivis jusqu’à la nuit et ne purent se rallier : dix mille d’entre eux périrent. Du côté des Romains, il n’y avait, s’il faut en croire Tacite, que trois cent soixante morts[24].

La ligue des Calédoniens était détruite ; il ne restait qu’à vaincre des résistances isolées. Mais la saison était déjà trop avancée pour permettre une guerre d’escarmouches ; Agricola ramena son armée dans le pays des Borestes (on ne sait quel est ce peuple), où il reçut des otages, puis il revint prendre ses quartiers d’hiver en s’avançant à petites journées, afin d’effrayer par la lenteur même de sa marche ces peuples qui ne connaissaient guère les Romains (Agricola, 38). En même temps, il ordonna au préfet de la flotte de faire le tour de la Bretagne, qui semblait conquise tout entière. Ce hardi voyage de circumnavigation fut favorisé par les vents, et la flotte rejoignit l’armée après avoir reconnu que la Bretagne est une île, découvert et soumis les Orcades, enfin entrevu, à travers la brume et la neige, la terre de Thulé, sans doute une des îles Shetland[25].

Mais il ne fut pas permis à Agricola de prendre définitivement possession de la Calédonie. — Déjà Domitien avait diminué son armée, en faisant venir sur le Rhin une vexillation de la neuvième légion[26]. Peut-être aussi avait-il défendu à Agricola d’accomplir en Hibernie l’expédition que ce général préparait dès l’année 81[27]. Après la septième année de son commandement, il lui donna un successeur, en 84, et Agricola revint sans avoir rempli la double tâche qu’il s’était proposée : la soumission définitive de l’île et la romanisation du pays conquis avant lui.

Ces mesures furent-elles inspirées à l’empereur par des sentiments de malveillance à l’égard d’Agricola ? Tacite le prétend (Agricola, 39) : Domitien sentait bien qu’on s’était moqué de son triomphe récent sur les Germains, triomphe mensonger où avaient égaré comme prisonniers, avec le costume et la coiffure des barbares, des hommes achetés sur les marchés d’esclaves ; mais, cette fois, il n’était bruit que d’une véritable, d’une grande victoire et d’ennemis tués par milliers. Ce qu’il craignait le plus, c’était que le nom d’un simple citoyen fût élevé plus haut que celui du prince : à quoi lui aurait servi d’avoir étouffé l’éloquence et les arts de la paix, si un autre s’emparait de la gloire militaire ? Il aurait pardonné plus facilement tout le reste, mais la qualité de grand général est une prérogative de l’empereur.

Domitien, dont le caractère n’était rien moins que généreux, put en effet concevoir ces pensées ; cependant Tacite lui-même reconnaît qu’il sut les dissimuler. Ce prince permit à Agricola de rester sept ans gouverneur de Bretagne : c’était là une grande faveur, puisque les légations dans les provinces impériales ne duraient d’ordinaire que trois ans. A la nouvelle de ses dernières victoires, il lui fit décerner par le Sénat les plus grandes récompenses qu’un général prit recevoir sous l’Empire : les ornements triomphaux, distinction qu’il ne semble pas avoir prodiguée[28], la statue couronnée de laurier, et tout ce qui se donne au lieu du triomphe, en ajoutant à ces honneurs une foule d’éloges[29]. Après son retour de Bretagne, Agricola tomba au disgrâce, mais Domitien n’accueillit jamais les accusations portées contre lui (Agricola, 41) ; il accorda la préture[30], peut-être même un gouvernement de province ou un commandement de légion à son gendre Tacite[31].

Ce qui est certain, c’est que Domitien n’était pas, comme Agricola, partisan de la conquête de la Calédonie et de l’Hibernie. Il ne s’intéressait pas à la Bretagne autant que Vespasien et Titus, qui y avaient servi autrefois[32]. De plus, les guerres offensives d’Agricola étaient entreprises à un moment peu opportun. Sur le Rhin, Domitien avait dû faire en 83 une expédition et des annexions indispensables à la sécurité de l’empire ; sur le Danube, les Daces et d’autres peuples étaient menaçants. Les soldats de Bretagne se seraient donc trouvés dans une situation fort critique, le jour où ils auraient subi quelque échec, car des secours ne pouvaient leur être envoyés ; au contraire, les armées du continent avaient elles-mêmes besoin de renforts. Dans les dernières campagnes d’Agricola, les pertes d’hommes avaient été probablement assez considérables, et ces expéditions devaient paraître fort coûteuses à Domitien, désireux de restreindre les dépenses militaires. Les conquêtes qu’Agricola voulait faire ne semblaient d’ailleurs pas nécessaires. Déjà la Bretagne coûtait plus qu’elle ne rapportait[33] : la Calédonie et l’Hibernie étaient des contrées bien plus pauvres encore[34]. La romanisation aurait rencontré de grands obstacles dans des pays difficilement accessibles, habités par des tribus jalouses de leur liberté : il eût fallu toujours les occuper militairement sans en tirer aucun profit. Il était, semblait-il, moins utile de soumettre de nouveaux peuples que d’attacher à la domination romaine les Bretons, dont beaucoup regrettaient encore leur indépendance[35]. — Les Calédoniens menaçaient, il est vrai, la province par leur goût pour les aventures et l’appui qu’ils pouvaient prêter à des rebelles. Mais pour parer à ce danger, une forte défensive suffisait.

Après le rappel d’Agricola, Domitien renonça à la conquête de la Calédonie[36] : la ligne de la Clota à la Bodotria semble même avoir été abandonnée, ainsi que le pays situé au sud de cette ligne et au nord d’Eburacum. Mais cette ville resta la place militaire la plus importante de la province, et au deuxième siècle la défense de la Bretagne fut assurée par deux remparts, celui d’Hadrien (du golfe de Solway à l’embouchure de la Tyne), et celui d’Antonin le Pieux (de l’estuaire de la Clyde à celui du Forth)[37]. — Ce ne furent donc pas surtout, comme le dit Tacite, des sentiments de basse envie, mais des raisons très sérieuses qui déterminèrent Domitien à désapprouver les projets d’Agricola et à adopter en Bretagne une politique que ses successeurs suivirent.

 

DEUXIÈME PARTIE — Guerres sur le Rhin

Du côté du Rhin et du Danube, Domitien fit des guerres importantes et les dirigea lui-même[38]. Il eut plusieurs raisons pour les entreprendre. Sur plusieurs points, les barbares menaçaient les frontières : il fallait les rendre incapables d’attaquer l’empire, et rendre ainsi la tranquillité aux provinces. Depuis la ruine de Jérusalem et la révolte de Civilis, les armées romaines n’avaient pas eu, sauf en Bretagne, de guerres importantes à soutenir : il semblait utile de ranimer l’esprit militaire des troupes par des campagnes sérieuses. Voulant amoindrir la puissance politique du Sénat, Domitien sentait le besoin de se faire aimer des soldats par le prestige de grandes victoires. Avide d’honneurs, toujours éloigné des camps avant son règne, il ne voulait pas que la gloire militaire lui manquât ; enfin, il était peut-être jaloux des succès d’Agricola.

Sur le Rhin, Rome, depuis le désastre de Varus, ou tout au moins depuis Tibère, avait renoncé à la conquête de la Germanie[39]. Les légions échelonnées le long de la riva gauche du fleuve se bornaient à surveiller les barbares.

Au début du règne de Domitien, elles semblent avoir été au nombre de huit. C’étaient[40] :

Dans la Germanie Inférieure.

La X Gemina. Elle avait été appelée d’Espagne en Germanie Inférieure contre Civilis[41] et, au commencement du règne de Trajan, elle s’y trouvait encore[42]. On a découvert à Noviomagus (Nimègue) de nombreux monuments et briques attestant que son camp permanent était en cet endroit[43].

La VI Victrix. Comme la précédente, elle fut appelée en Germanie Inférieure contre Civilis[44]. Elle s’y trouvait au début du règne de Trajan[45], et elle y resta jusqu’à l’époque d’Hadrien. Son camp sons les Flaviens semble avoir été à Novesium (Neuss)[46].

La XXI Rapax. Après la mort de Néron, elle était à Vindenissa en Germanie Supérieure[47]. Elle fut aussi envoyée contre Civilis[48]. C’est à partir de cette époque que se place son second séjour en Germanie Inférieure (au début du règne de Tibère elle y était déjà)[49]. Son camp était à Bonn[50].

4° A ces trois légions, il convient probablement d’ajouter la XXII Primigenia. Elle a certainement fait partie de l’armée de la Germanie Inférieure, où elle a laissé de nombreuses traces de son séjour[51]. On sait qu’elle y était quelques années après l’an 100[52], quoique depuis peu, car en 97 elle se trouvait en Germanie Supérieure[53]. Cependant il y a de sérieuses raisons de croire que ce fut là son second séjour en Germanie Inférieure et que le premier out lieu à l’époque Flavienne, avant l’année 89. Nous verrons plus loin (chap. VII) qu’elle reçut les surnoms de Pia Fidelis, probablement en 89, en même temps que la VI Victrix et la X Gemina qui faisaient certainement partie à cette époque de l’armée de Germanie Inférieure. Ife plus, sur deux briques trouvées sur le territoire de la Germanie Inférieure, en Hollande, elle est qualifiée de leg(io) XXII Pr(imigenia) P(ia) F(idetis) D ou Do[54], c’est-à-dire, comme l’a supposé M. Ritterling (p. 15), Domitiana, surnom qu’elle n’a pu porter que du vivant de Domitien. Son camp était vraisemblablement à Noviomagus (Nimègue)[55].

Dans la Germanie Supérieure.

La XIIII Gemina. Elle y fut envoyée au début du règne de Vespasien[56] et en partit, au plus tard sous Trajan[57], mais probablement dès 89[58]. Son camp était à Mayence[59].

La VIII Augusta. Elle fut envoyée sur le Rhin contre Civilis[60], et ensuite attribuée à l’armée de Germanie Supérieure. Son camp était très probablement, dès cette époque, à Argentoratum (Strasbourg), où Ptolémée la place (II, 9, 9) et où elle a laissé des traces de son séjour[61]. Dès la dynastie Julio-Claudienne, il semblé qu’une légion ait été établie en ce lieu[62] et sous Vespasien une route qui passait sur la rive droite, se dirigeant vers Offenburg, en partait. Toute la légion ne paraît pas y avoir été campée. Elle avait des détachements en Gaule : à Mirebeau (Côte-d’Or) et à Néris (Allier), on a trouvé des briques de cette légion, datant certainement du règne de Domitien[63].

La XI Claudia. Envoyée en Germanie sous Vespasien[64], elle s’y trouvait certainement encore au commencement du règne de Trajan[65]. Elle dut quitter cette province lors de la conquête de la Dacie[66]. Son camp était à Vindonissa[67].

4° Mayence fut jusqu’en 89 un camp de deux légions[68]. Nous venons de voir que la XIIII Gemina y était établie. Quelle était l’autre légion habitant cette ville sous Vespasien, Titus et au commencement du règne de Domitien Y Il est bien difficile de le dire avec certitude, mais il y a quelques raisons de croire que c’était la I Adjutrix. Cotte légion fut appelée d’Espagne, où elle était en 69-70[69], pour combattre Civilis[70]. Elle a laissé des monuments attestant son séjour à Mayence et dans la vallée du Main[71]. Il est vrai qu’au début du règne de Trajan elle était en Germanie Supérieure[72] : elle n’y fit d’ailleurs qu’un court séjour, car sous Nerva nous la trouvons sur le Danube[73], où elle semble être retournée dés le règne de Trajan[74]. Il est d’autre part vraisemblable qu’en 88 elle se trouvait en Espagne, car une phrase du panégyrique de Trajan par Pline[75] laisse supposer qu’il y avait alors dans ce pays deux légions, dont l’une était la VII Gemina et dont l’autre ne peut guère avoir été que la I Adjutrix[76]. Cependant, si l’on supposait avec M. Mommsen[77] qu’après 70 elle rentra en Espagne et y resta jusqu’en 88, il serait difficile d’expliquer pourquoi on n’y a découvert aucun monument de cette légion[78]. Je serais plus disposé à croire qu’après 70 la I Adjutrix fut établie à Mayence et qu’elle n’en partit qu’après la première guerre cattique de Domitien ; la XXI Rapax l’aurait remplacée. Elle serait alors retournée en Espagne, mais seulement pour quelques années.

Ces deux armées de Germanie, dont l’effectif était d’environ soixante-cinq mille hommes, en comptant les troupes auxiliaires[79], se bornait à surveiller les barbares pour les empêcher de passer le Rhin. — Sur la rive droite, les Romains n’avaient que des possessions peu étendues à l’est de Mayence, dans la vallée inférieure du Main, qui a eu de tout temps une grande importance stratégique. Les habitants de cette région étaient les Mattiaques, tribu belliqueuse du peuple catie, qui, comme les Bataves, devaient fournir à l’Empire des corps auxiliaires, sans être soumis à un tribut[80]. Là se trouvaient les sources thermales appelées Aquæ Malliacas (Wiesbaden)[81], et un fort établi par Drusus, restauré par Germanicus[82]. — Plus au nord, les Usipiens[83] dépendaient de l’Empire au commencement du règne de Domitien, car en 82 une cohorte de ce peuple servait dans l’armée de Bretagne : peut-être furent-ils vaincus sous Vespasien[84], qui voulut ainsi les punir de la part qu’ils avaient prise à l’attaque de Mayence, en 69[85]. — Dans le bassin du Neckar et la Forêt Noire s’étendaient les Champs décumates que les Romains, par prudence, avaient forcé les Germains à évacuer[86]. Plus tard, des aventuriers gaulois, poussés par la misère, s’étaient établis sur ce sol que personne n’occupait[87]. Ils payèrent peut-être une redevance[88], et le pays dépendit ainsi de l’Empire sans en faire réellement partie[89]. Dès l’époque de Vespasien, une route militaire, partant d’Argentoratum (Strasbourg), passait sur la rive droite et se dirigeait vers Offenbourg[90]. Tels étaient les pays soumis à l’est du Rhin au protectorat ou la domination des Romains, lorsque Domitien devint empereur.

Par des alliances avec quelques-uns des peuples germains, par des rivalités habilement suscitées entre eux, la politique impériale détournait le plus souvent le danger qui menaçait les frontières. Domitien suivit, autant qu’il le put, cette règle de con-duite. II ne semble pas que, sous son règne, des expéditions militaires importantes aient été faites sur le Rhin inférieur. Peut-être y eut-il quelques hostilités contre les Sygambres ; un vers de la satire IV de Juvénal le laisserait supposer[91]. Les Bataves et les Frisons restaient en paix depuis la compression de la révolte de Civilis. Les Bructères, qui habitaient vers l’Ems supérieur et les sources de la Lippe, avaient pris une grande part à cette révolte : Velléda, dont les prophéties avaient rempli les combattants d’ardeur, appartenait à ce peuple. Mais, peut-être sous Titus, elle avait été prise par Rutilius Gallicus, légat de l’armée de Germanie Inférieure[92], et depuis cette époque les rois des Bructères étaient, semble-t-il, sous la dépendance des Romains[93]. Sur le cours moyen du Weser vivaient les Chérusques, qui avaient autrefois écrasé Varus, résisté énergiquement à Germanicus, contribué à abattre Marbode. Tombés en décadence depuis la mort d’Arminius[94], affaiblis par leurs discordes, ils étaient devenus les protégés de l’Empire : Claude leur avait même donné un roi en 47[95]. Domitien continua cette alliance : nous verrons qu’il soutint, insuffisamment il est vrai, le roi Chariomère. — Aussi n’ont-il pas besoin d’augmenter l’armée de la Basse Germanie[96], et en 89 la XXII Primigenia semble avoir quitté la province pour aller à Mayence[97].

Bilais sur le Rhin moyen, Domitien dut prendre l’offensive et annexer d’importants territoires. — Le plus puissant des peuples de la Germanie occidentale était les Cattes, dont le pays ne s’étendait pas jusqu’au fleuve : ils habitaient la Hesse actuelle, au nord et au nord-est des possessions romaines de la rive droite du Rhin[98]. Ils ont, dit Tacite (Germanie, 30), plus que les autres Germains, le corps robuste, les membres nerveux, le visage menaçant, une grande vigueur d’âme : Ils montrent, pour des Germains, beaucoup d’intelligence et de finesse. Ils savent se choisir des chefs, écouter ceux qui les commandent, garder leurs rangs, saisir les occasions, différer les attaques, profiter du jour, se retrancher la nuit, compter la fortune parmi les chances, le courage parmi les certitudes, et, ce qui est très rare et ne peut être que l’effet de la discipline, avoir confiance dans le général plus que dans l’armée. Toute leur force est dans l’infanterie, qu’ils chargent, outre ses armes, d’outils de fer et de provisions. Les autres barbares semblent n’aller qu’au combat, les Cattes vont à la guerre. Ils étaient redoutables par leur courage. C’était chas eux un usage général de se laisser croître la barbe et les cheveux, et de ne les couper qu’après avoir tué un ennemi. Il y en avait aussi qui prenaient un anneau de fer, signe d’ignominie, et le portaient jusqu’à ce qu’ils eussent accompli cet exploit (Germanie, 31). — Leur pays boisé, montueux, moins ouvert que celui des autres peuples de la Germanie (Germanie, 30), paraissait difficile à attaquer ; au contraire, les Cattes, braves et belliqueux, étaient naturellement portés à envahir et à piller le territoire romain, dont une partie leur avait jadis appartenu et était encore occupée par une de leurs anciennes tribus, les Mattiaques[99]. Drusus avait songé à les soumettre[100], et au début du règne de Tibère, Germanicus les avait vaincus[101]. — Plus tard, les légions de la Haute Germanie durent plusieurs fois repousser des bandes de Cattes qui passaient la frontière de l’Empire[102]. Pendant la révolte de Civilis, des Cattes, des Usipiens et même des Mattiaques, peut-être entraînés par les Cattes, vinrent assiéger Mayence et piller la Germanie Supérieure[103]. Au moment où Domitien les attaqua, ils étaient menaçants[104], quoique en paix avec Rome[105]. — Les Cattes avaient de plus des différends avec les Hermondures, qui s’étaient toujours montrés alliés fidèles de l’Empire[106] : sous Néron, ils leur avaient fait la guerre pour une contestation de frontières[107]. Ils étaient aussi les ennemis des Chérusques[108], qui entretenaient de bonnes relations avec les Romains. Une guerre contre eux était donc à peu près nécessaire.

Ce fut en 83 que Domitien l’entreprit[109]. Le triomphe sur les Cattes était certainement célébré le 3 septembre 84, puisque, sur un diplôme daté de ce jour-là[110], Domitien est qualifié de Germanicus. Il ne l’était pas le 9 juin 83, date d’un diplôme sur lequel ce titre manque[111]. Sur plusieurs monnaies alexandrines, frappées du 29 août 83 au 28 août 84, Domitien ne porte pas le surnom de Germanicus[112] ; sur d’autres, il le porte[113]. Sur aucune des monnaies frappées à Rome en 83, on ne lit le mot Germanicus[114] ; sur toutes celles de 84, ce nom figure. Il est omis, il est vrai, sur l’inscription d’un bloc de marbre de 84[115], mais d’autres blocs de 86[116] le passent aussi. Nous savons par Dion Cassius qu’après son triomphe sur les Cattes, Domitien se fit décerner le consulat pour dix ans : et nous avons vu plus haut que ce fut probablement aux premiers comices de l’année 84, peut-être le 9 janvier. Le triomphe doit donc se placer, soit à la fin de 83, soit au commencement de 34. L’année 83 semble devoir être choisie. Ce fut très probablement cette année-là qu’après la fin de l’été Agricola remporta la victoire du mont Graupius[117] : or Domitien en reçut la nouvelle peu après son triomphe sur les Cattes[118]. On peut donc en conclure que le triomphe fut célébré vers l’automne de 83. — Le 19 septembre 82, des vétérans de l’armée de Germanie Supérieure reçurent leur congé[119] : il est donc probable que la guerre n’était pas commencée à cette époque. — Les salutations impériales que Domitien reçut en 83 se rapportent, en partie du moins, à l’expédition contre les Cattes. Le 19 septembre 82, il était imperator II[120] ; le 9 juin 83, imp. III[121] ; il ne dut pas longtemps garder le titre d’imperator III, non plus que celui d’imperator IV, car nous n’avons aucune monnaie portant ces deux chiffres. Sur une monnaie (Cohen, 590), où on lit trib(tinicia) pot(estate) III, co(n)s(ul) IX [du 13 septembre au 31 décembre 83], il est qualifié d’imp(erator) V. Les salutations III et IV durent être prises coup sur coup pendant la campagne contre les Cattes quant à la cinquième, elle rappela peut-être la victoire du mont Graupius.

Domitien partit donc pour la Gaule en 83, mais il feignit d’y être venu pour présider aux opérations du cens[122]. Puis il attaqua les Germains à l’improviste[123]. — Parmi les légions qui prirent part à cette guerre, il faut compter sans doute celles qui étaient cantonnées à Mayence, la XIV Gemina et la I Adjutrix, et aussi les deux autres légions de Germanie Supérieure, la XI Claudia, qui a laissé des traces dans la vallée du Main[124], et la VIII Augusta. La XXI Rapax semble avoir été appelée de la Germanie Inférieure. On a lu sur une plaque de bronze trouvée à Friedberg, en Hesse[125] : Leg(ionis) XXI Rapacis Sési Seveki, etc. Bergk[126] a pensé avec vraisemblance qu’il fallait lire Sosi Seneci(onis), et a vu dans ce personnage Q. Sosius Senecio, gendre de Frontin, ami de Pline le Jeune, protecteur de Plutarque, consul en 99, et pour la seconde fois en 107[127] ; il aurait été tribun de la XXI Rapax en 83, et aurait pris part en cette qualité à l’expédition contre les Cattes. On a trouvé, en outre, des briques de la XXI Rapax dans la vallée du Main. — Il y aurait donc eu cinq légions en Germanie Supérieure à l’époque de la guerre cattique. A Mirabeau (département de la Côte-d’Or) ont été recueillies des briques qui présentent les noms de ces cinq légions : Vexiliationes legiotaum I, VIII, XI, XIIII, XXI[128]. Par une conjecture assez probable, M. Ritterling[129] a pensé que les briques en question se rapportent précisément à cette époque. — Une vexillation de la IX Hispana, légion qui faisait partie de l’armée do Bretagne, fut appelée sur le continent pour prendre part à la guerre[130].

Parmi les grands personnages qui accompagnèrent Domitien étaient probablement Frontin, fauteur du livre des Stratagèmes, dans lequel l’expédition est mentionnée à plusieurs reprises[131], et A. Didius Gallus Fabricius Veiento, trois fois consul[132].

Nous ne savons presque rien sur cette guerre. Dion Cassius prétend que Domitien revint à Rome sans avoir combattu (LXVII, 4). Mais Frontin nous apprend que les barbares furent vaincus[133]. La campagne dut être difficile à cause du courage et de la discipline des Cattes, à cause aussi de la nature du pays, dont les forêts empêchaient le libre développement de la cavalerie et favorisaient la fuite et les embuscades des Germains[134]. — Domitien eut peut-être aussi à combattre les anciens alliés des Cattes, les Usipiens, mal soumis[135]. L’année précédente, des Usipiens, transportés en Bretagne peut y former une cohorte, avaient mas-sacré leurs chefs et les soldats qu’on avait placés auprès d’eux pour leur servir à la fois de chefs et de modèles. Ils s’étaient en-suite embarqués sur trois navires pris de force et avaient fait le tour de la Bretagne[136].

A la suite de la campagne de 83, Domitien agrandit le territoire romain sur la rive droite du Rhin. On lit dans Frontin (I, 3, 10) : L’empereur César Domitien Auguste, voyant que les Germains, selon leur habitude, sortaient à l’improviste de leurs bois et de leurs retraites secrètes pour attaquer les nôtres, et trouvaient en-suite un sûr refuge dans les profondeurs des forêts, traça des frontières sur une longueur de cent vingt mille pas, et ainsi il ne changea pas seulement les conditions de la guerre, mais il soumit encore à sa domination les ennemis, dont il avait déboisé les retraites. — Les Germains dont parle Frontin étaient des Cattes, comme le prouve la comparaison avec un autre passage du même auteur (II, 3, 23) : L’empereur César Auguste le Germanique, voyant que les Cattes évitaient les combats de cavalerie en se réfugiant précipitamment dans leurs forêts, ordonna à ses cavaliers, dès qu’ils furent entrés dans des terrains où leurs bêtes avaient de la peine à se mouvoir, de descendre de cheval et de combattre à pied.

On trouve dans les Stratagèmes de Frontin un autre renseignement sur les conséquences de cette guerre (II, 11, 7) : L’empereur César Domitien Auguste le Germanique, dans cette guerre où la défaite des ennemis lui valut le surnom de Germanique, faisant élever des forts sur le territoire des Cubii (?), paya les terrains qui furent compris à l’intérieur du rempart, et grâce à la réputation de justice qu’il acquit par cet acte, il s’assura la fidélité de tous. — Le titre du chapitre est : De dubiorum animis in ide retinendis.

Dans ce dernier passage, il s’agit certainement de mesures prises après la guerre de 83, cette guerre où la défaite des ennemis lui valut le surnom de Germanique. Il en est sans doute de même des deux autres passages. On ne voit pas, en effet, que Frontin ait parlé, dans ses Stratagèmes, d’aucune autre guerre de Domitien[137].

Des textes mentionnés ci-dessus, il résulte qu’après la guerre de 83 : 1° des territoires appartenant aux Cattes furent annexés à l’empire ; 2° une frontière artificielle, longue de cent vingt milles (176 kilomètres), y fut alors constituée ; — c’est donc au nord et au nord-est du Main, du côté des Cattes, qu’il convient de chercher ces territoires et cette frontière ; 3° sur le territoire des Cubii (nom inconnu et probablement altéré), Domitien paya les terrains qu’il annexa, afin de conquérir la fidélité de gens dont il n’était pas star ; 4° dans ce pays des Cubii, il fit construire des forts et un rempart. — Quels sont ces Cubii ? Il est difficile de le dire. M. Asbach[138] propose de lire Sueborum au lieu de Cubiorum ; il pense qu’il s’agit des Hermondures, habitant à l’est des Champs décumates, peuple sur le territoire duquel aurait été constituée cette frontière de cent vingt milles dont parle Frontin. Je suis peu disposé à accepter cette hypothèse. En premier lieu, les acquisitions de terrains que Frontin mentionne ne furent très probablement pas faites chez les Hermondures, car ceux-ci étaient non des ennemis, mais des clients de Rome[139], et le titre du chapitre, De dubiorum animis in ide retinendis, ne se comprendrait pas ; il convient plutôt de penser à des populations tout récemment soumises. En second lieu, si l’on admet que, dans ce passage sur les Cubii, Frontin a voulu parler des Hermondures, il ne faut pas le mettre en relation avec les cent vingt milles de l’autre pas-sage, qui concernent certainement le territoire des Cattes. — Pour ma part, je serais porté à croire que les deux passages doivent être rapprochés l’un de l’autre, et que par conséquent le mot Cubiorum est une mauvaise lecture pour Cattorum, ou bien désigne une tribu inconnue des Cattes.

La médaille de 85, portant l’exergue Germania capta, pourrait, comme le croit M. Asbach[140], indiquer la 8n de ces travaux du limes ; cependant elle petit aussi bien rappeler des faits de guerre qui auraient eu lieu cette année-là.

A l’intérieur de la nouvelle frontière, le pays fut eu partie déboisé pour empêcher les Germains de trouver des retraites et de préparer des embuscades au fond des forêts[141].

Une phrase de Tacite s’applique peut-être aussi aux annexions de Domitien dans la vallée du Main (Germanie, 29) : La tribu des Mattiaques se trouve vis-à-vis de Rome dans les mêmes rapports de dépendance que les Bataves, car la grandeur du peuple romain a porté le respect de l’empire au delà du Rhin et au delà des anciennes limites. Nous avons vu plus haut qu’une partie au moins du pays des Mattiaques appartenait aux Romains bien avant Domitien. II est possible cependant que Tacite veuille faire allusion, en même temps qu’à des annexions plus anciennes, aux nouvelles conquêtes de Domitien sur le Main : il évite de nommer un prince dont la mémoire était condamnée.

Au delà même du limes, les Romains s’assurèrent peut-être la possession d’une zone de territoire, où il était défendu aux Germains de séjourner. On lit dans un texte, de basse époque il est vrai[142] : Au delà du castellum Montiacese (lisez castellum Mogontiacense, sur le Rhin, en face de Mayence)... les Romains ont possédé quatre-vingts lieues au delà du Rhin. Si ce chiffre est exact, on doit en conclure, avec M. Mommsen[143], que le territoire romain s’étendait jusque vers Hersfeld, sur la Fulda.

Plus au sud, les Champs décumates furent définitivement annexés à la province de Germanie Supérieure. Dans un passage déjà cité, Tacite dit que des Gaulois occupèrent cette région et il ajoute (Germanie, 29) : Depuis peu, une frontière a été tracée, les postes ont été portés en avant et ce pays est occupé comme un territoire de l’empire et une partie de la province. Ces mesures ont été prises par Domitien (que Tacite ne nomme pas pour la raison indiquée plus haut). Nous avons vu en effet qu’en 77, quatre ans avant l’avènement de Domitien, les Champs décumates ne faisaient pas, à proprement parler, partie de l’empire. Elles durent suivre la conquête de la vallée inférieure du Main, qui autrement aurait formé une bande de territoire isolée et facile à cerner. Quant à la date exacte, elle est impossible à fixer. Frontin qui semble avoir écrit ses Stratagèmes peu après la guerre de 83[144], ne parait avoir fait aucune allusion à cette annexion définitive des Champs décumates : peut-être est-elle postérieure à la seconde guerre cattique qui date de 88-89. — Au cœur des Champs décumates, prés des sources du Neckar, s’éleva la ville d’Aræ Flaviæ (Rottweil)[145], centre religieux du pays, on devait y adorer la déesse Rome, les empereurs divinisés et le génie du prince régnant[146]. Un peu plus au nord-est, il y eut une autre ville importante, Sumelocenna (Rottenbourg), résidence du procurateur impérial[147]. Une inscription, datant à peu prés de la fin du premier siècle, mentionne peut-être une bande de territoire dépendant de l’empire au delà de cette partie du limes[148].

Un texte, déjà mentionné plus haut, semble indiquer les peuples qui, après les annexions de Domitien, firent partie de l’empire : Nomina civitatum trans Rhenum fluvium quæ sunt :

a) Usiphorum, les Usipiens, au nord du Taunus. Voisins des Cattes, dit Tacite (Germanie, 32), les Usipiens et les Tenctères habitent les bords du Rhin dont le lit est désormais fixé et qui peut suffire à servir de frontière. Dans ce passage, Tacite énumère les peuples germains en descendant le Rhin. Les Tenctères habitaient en face de Cologne[149], les Usipiens vivaient donc un peu au sud. D’autre part, c’est au delà de Bingen, où se termine le Taunus, que le Rhin entre dans un vaste plateau schisteux et s’y creuse un lit profond.

b) Tuvanium (= Tubantum). Les Tubantes avaient d’abord habité sur le Rhin inférieur[150]. Plus tard, ils devinrent voisins des Cattes[151]. Leur position exacte ne peut être déterminée.

c) Nictrensium (= Nicerensium) ; habitants des rives du Neckar[152].

d) Novarii (= Abnovariorum) ; habitants du mont Abnoba, ou Forêt Noire[153].

e) Casuariorum. Tacite (Germanie, 34) les indique à l’est des Chamaves et des Augrivariens, c’est-à-dire en face de la Germanie Inférieure, en dehors du territoire romain ; Ptolémée (II, 11, 11) les met à l’est du mont Abnoba que, du reste, il place mal[154]. Ce ne sont sans doute pas les mêmes.

L’occupation, à la fin du premier siècle, des territoires de la rive droite du Rhin qui sont situés à l’est de Mayence et de Strasbourg est attestée par de nombreuses découvertes archéologiques. On a trouvé des briques de la légion XXI Rapax à Wiesbaden, à Hofheim, à Höchst, à Nied, à Heidelberg[155] ; une inscription, nommant cette légion et datant peut-être du commencement du régner de Domitien, a été découverte à Friedberg. — Des briques de la XIIII Gemina ont été trouvées à Wiesbaden[156], à Hofheim[157], à Höchst[158], à Nied[159], à Francfort-sur-le-Main[160], à Heddernheim[161], à Friedberg[162], à Rödelheim[163], à Heidelberg[164], à Gernsheim (sur le Rhin, entre le Neckar et le Main)[165] ; une inscription à Bade[166]. La I Adjutrix a laissé des briques à Wiesbaden[167], à Heddernheim[168], à Gernsheim[169] ; la XI Claudia, à Friedberg[170] et à Rottweil[171]. Or la XXI Rapax semble avoir été détruite en 92, la XIIII Gemina n’était plus en Germanie sous Trajan, et semble avoir quitté le Rhin dès 89[172] ; la I Adjutrix et la XI Claudia se trouvaient encore, il est vrai, en Germanie Supérieure au début du règne de Trajan[173], mais elles en partirent très probablement sous cet empereur.

On sait qu’il existe en Allemagne, entre le Danube et le Rhin, des traces très importantes d’un rempart élevé par les Romains[174]. Il se divise en deux grandes sections, dites limes rheticus et limes germanicus. Le limes rheticus est un mur d’un mètre d’épaisseur, muni de tours, qui commence à Lorch sur la Rems, affluent du Neckar et finit à Kehlheim, au confluent de l’Altmilhl et du Danube. Il n’y a aucune raison d’attribuer la construction de, ce rempart à Domitien, et il semble dater du second siècle[175]. — Le limes germanicus est une levée de terre, surmontée d’une étroite chaussée et précédée d’un fossé ; des postes fortifiés, de forme carrée, se trouvent par derrière ; ils sont distants les uns des autres de huit à seize kilomètres. Cette levée de terre part d’Hönningen sur le Rhin, en face du confluent du Vinxtbach, qui marque la limite des deux Germanies. Se dirigeant au sud-est, elle atteint le Taunus à Langenschwalbach ; de là, prenant la direction de l’est, elle longe cette montagne jusqu’à la Saalburg ; elle fait ensuite un vaste coude au nord pour enfermer la Wetterau, puis se dirigeant au sud, elle atteint le Main à Grosskrotzenburg près d’Hanau. A cet endroit, elle cesse et le Main sert de frontière entre Grosskrotzenburg et Altstadt, près de Miltenberg. A Altstadt, la levée de terre recommence et se dirige an sud-sud-est pour atteindre Lorch sur la Rems[176]. La longueur totale du limes germanicus est de 372 kilomètres. Cette levée était moins un rempart qu’une ligne douanière et, au point de vue militaire, une ligne d’observation.

Convient-il, comme l’ont fait un certain nombre de savants[177], d’attribuer à Domitien l’établissement du limes germanicus ou tout au moins de la plus grande partie de ce limes, en y rapportant les testes de Tacite et de Frontin cités plus haut ? Peut-être des études plus approfondies, accompagnées de fouilles, permettront-elles de répondre un jour à cette question. On doit remarquer que, dans les castella situés immédiatement en arrière du limes, on n’a pas encore trouvé de marques de briques que l’on puisse faire remonter avec certitude au règne de Domitien.

Il est possible que le pont permanent en pierre, qui reliait Mayence à la rive droite du Rhin, ait été construit sous Domitien[178].

C’est peut-être aussi à cette époque quo les deux Germanies reçurent officiellement le nom de provinces.

Après cette guerre contre les Cattes, il y out des modifications dans la composition des armées du Rhin. La XXI Rapax, venue de la Germanie Inférieure, semble être restée en Germanie Supérieure, à Mayence, où elle a laissé des traces de son séjour[179]. Elle remplaça peut-être la I Adjutrix, qui paraît avoir été envoyée en Espagne. En Germanie Inférieure, la XXI Rapax fut rem-placée par une légion que Domitien créa à cette époque, la I Minervia qui, comme la XXI Rapax, fut établie à Bonn.

Domitien revint triompher à Rome[180], sans doute dans l’automne de l’année 83. Il reçut du Sénat le titre de Germanicus[181], le droit de paraître dans la curie vêtu de la stola triumphalis, de se montrer en public accompagné de vingt-quatre licteurs ; bientôt après, il fut élu consul pour dix ans ; ses succès lui permirent de manifester plus nettement ses tendances monarchiques. Des jeux splendides furent célébrés[182], de nombreuses monnaies commémorèrent la guerre contre les Cattes[183], et les poètes vantèrent la gloire du prince[184].

Les écrivains hostiles à Domitien cherchèrent plus tard à tourner en ridicule la campagne contre les Cattes, ainsi que le triomphe qui la suivit[185]. Cette expédition eut cependant d’utiles résultats. Les nouvelles annexions abrégeaient la distance entre le cours moyen du Rhin et le Danube ; les légions cantonnées sur ces deux points furent désormais plus capables de se porter mutuellement secours. Elles écartaient davantage les Cattes des bords du Rhin et de la Gaule, qu’ils avaient souvent envahie ; elles permettaient aux armées d’entrer plus facilement dans leur territoire par la vallée inférieure du Main. Enfin, elles ouvraient des pays, jusque-là couverts de forêts ou presque déserts, à la civilisation romaine qui, du reste, n’y exerça qu’une assez médiocre influence[186].

Les Cattes, il est vrai, ne furent pas abattus. Dès l’année 85, il se pourrait qu’il y ait eu de nouvelles hostilités sur le Rhin, comme l’indiquent des monnaies dont les types et les légendes apparaissent cette année-là pour la première fois :

Germanie assise sur un bouclier et Germain debout, les mains derrière le dos, avec l’exergue : Germania capta (Cohen, Domitien, 135).

Victoire debout, le pied sur un casque, écrivant De Ger(manis), sur un bouclier attaché à un trophée composé d’armes germaines ; à ses pieds, la Germanie en pleurs, assise sur un bouclier[187].

Domitien, debout, en habit militaire, tenant un parazonium et une haste ; à ses pieds, le Rhin couché, tenant une branche[188]. Etc.[189]

Il faut observer de plus qu’en 85, Domitien reçut les IXe, Xe et XIe salutations impériales[190], sans qu’on puisse dire d’une manière précise à quels faits de guerre ces salutations se rapportent. Peut-être faut-il en attribuer une partie à des hostilités survenues en Germanie.

Il semble qu’un traité ait été conclu à cette époque. Des monnaies de 85 représentent Domitien debout, donnant la main à un homme debout aussi, et accompagné de deux soldats dont l’un porte une enseigne et l’autre une haste et un bouclier ; entre eux, on voit un autel allumé[191].

A la fin de 88, quand Antonius Saturninus se révolta[192], les Cattes furent ses alliés[193]. Domitien se rendit alors sur le Rhin[194] et fit une campagne contre ce peuple germain[195]. Nous n’avons aucun détail sur cette nouvelle guerre, qui est appelée sur les inscriptions bellum Germanicum[196]. Un nouveau traité fut conclu avec les Cattes[197]. L’empereur alla ensuite sur la Danube, puis il revint à Rome, où il triompha des Cattes en même temps que des Daces[198].

II est possible d’indiquer avec précision la date de ce double triomphe. II n’eut pas lieu en 90, car il n’y est fait aucune allusion dans les Actes des Arvales de cette année-là, que nous possédons sans lacune[199], ni après 90, car depuis la fin de 89 jusqu’à 96, année de sa mort, Domitien ne reçut qu’une seule salutation impériale, la vingt-deuxième, qu’on peut rapporter avec beaucoup de vraisemblance à la guerre suévo-sarmatique de 92[200]. Au contraire, depuis le 13 septembre 88 jusqu’à la fin de 89, Domitien fut six fois imperator[201]. C’est donc à cette époque que doivent être rapportées les guerres qui furent l’occasion des deux triomphes. Ils furent postérieurs à la révolte de Saturninus, car Martial mentionne les triomphes dans ses livres V et VI[202], tandis qu’il parle déjà de la révolte au livre IV (11). Or, la révolte d’Antonins out lieu à la fin de 88 et au commencement de 89[203]. Il résulte de ces observations que les deux triomphes furent célébrés en 89. Mais d’autres textes semblent permettre de donner une date plus précise encore. Stace a écrit une Silve (I, 6) sur des fêtes, entre autres un repas, que l’empereur donna dans l’amphithéâtre un 1er décembre. L’année n’est pas indiquée dans le poème, mais nous croyons que ce fut en 89[204]. Martial fait sans doute allusion à la même fête[205] dans son livre V :

Hic error tibi profuit Decembri

tum cum prandia misit imperator (V, 19, 8).

Or, le livre V, postérieur à la fin de l’année 88[206] et antérieur au milieu de 90[207], fut édité au mois de décembre[208], et après le double triomphe, comme l’indique Clairement le vers :

Quando magis dignos licuit speceare triumphos ? (V, 19, 3)

Le poète ne s’exprimerait pas de la sorte si, à l’époque où fut écrit ce vers, Domitien n’avait célébré qu’un seul triomphe, celui de 83. De plus, le livre V contient la mention de grandes fêtes destinées très probablement h célébrer ces deux triomphes[209]. Enfin Domitien était certainement de retour en Italie quand le livre fut publié (voir V, 1).

Remarquons, d’autre part, que Dion Cassius parle ainsi des fêtes qui suivirent le triomphe sur les Daces : Domitien offrit au peuple un banquet qui dura toute la nuit. Souvent aussi, il donnait des combats de nuit, et parfois il mettait aux prises des nains et des femmes (LXVII, 8). Ce passage rappelle fort la Silve de Stace — combat de nains et de femmes (v. 51 & s.) ; fêtes qui eurent lieu la nuit, illuminations, festin[210].

On peut donc admettre que la fête du 1er décembre, décrite par Stace, fit partie des réjouissances qui suivirent les deux triomphes. Il en résulte que ces deux triomphes eurent lieu au mois de novembre 89. — Cette conclusion montre l’exactitude de la date que leur assigne Eusèbe : l’année 2106, qui commença le 1er octobre 89 et finit le 30 septembre 90.

Ce fut peut-être après 89 que Chariomère, roi des Chérusques, se vit dépouillé par les Cattes de sa couronne, à cause de son amitié avec les Romains. Il revint bientôt avec un certain nombre de compagnons et fut vainqueur, mais ses fidèles l’abandonnèrent parce qu’il avait envoyé des otages à Domitien. Il implora alors ce prince. Au lieu de troupes, il reçut de l’argent[211] et dut succomber. Les Cattes asservirent les Chérusques auxquels une longue paix avait fait perdre toute vertu guerrière. Les Foses, nation voisine, subirent le même sort[212].

Ces faits indiquent la puissance qu’avaient conservée les Cattes[213], et prouvent que Domitien avait voulu seulement écarter les périls qui menaçaient l’empire, et non pénétrer en maître dans la Germanie pour en régler les affaires intérieures. il suivait la politique traditionnelle de Rome : laisser les Germains se déchirer entre eux. — Cette conduite était prudente. Pour abattre les Cattes, il aurait fallu une guerre longue et pénible qui aurait mécontenté l’armée ; au fond do leurs forêts, un nouveau désastre de Varus était à craindre ; enfin la conquête d’un pays sans frontières naturelles, habité par un peuple fier et belliqueux, eût nécessité une augmentation de troupes et de dépenses, et causé à l’empire des alarmes sans fin. La politique de Rome, à l’égard des Cattes, devait être défensive[214] : il était seulement nécessaire de les éloigner des frontières. Ce but fut atteint par Domitien, dont Trajan compléta l’œuvre à cet égard[215]. Jusqu’au règne de Caracalla, on n’a plus de guerres à signaler contre les Cattes[216] ; l’armée de la Germanie Supérieure put être diminuée. Il est possible que, dès le règne de Domitien, après la guerre de 89, deux légions, la XIV Gemina et la XXI Rapax, aient quitté les bords du Rhin pour aller sur le Danube, et que l’armée de cette province ait été comme celle de la Germanie Inférieure réduite à trois légions[217]. Au second siècle, elle n’en compta plus que deux[218]. Ce fut seulement au troisième siècle que la faiblesse générale de l’empire, la décadence des armées, des troubles intérieurs en Germanie, poussèrent de nouveau les Barbares à passer les frontières romaines, et amenèrent la perte de la rive droite du Rhin[219]. — On peut donc dire que, de ce côté, Domitien fut habile et heureux.

 

TROISIÈME PARTIE — Guerres du Danube

Sur le Danube, Domitien eut à soutenir de longues guerres avec la plupart des peuples qui habitaient la rive gauche du fleuve. — Les Hermondures, dont le territoire comprenait la partie septentrionale de la Bavière actuelle et la partie méridionale de la Saxe, restèrent cependant les alliés de Rome (Tacite, Germanie, 41). — Les Marcomans occupaient la Bohême, et les Quades la Moravie (Germanie, 42) ; peu après la chute du roi des Marcomans, Marbode, le Quade Vannius avait été établi comme roi dans ces deux pays par Tibère[220], et pendant trente ans il avait été le protégé de Rome[221]. Il fut renversé, en 50, par ses deux neveux, Vangio et Sido, qui se partagèrent son royaume et reconnurent comme lui la suprématie de Rome (Annales, XII, 30). On ne sait comment se fit ce partage : toujours est-il qu’à une époque postérieure, les Marcomans et les Quades ne cessèrent pas d’être étroitement unis, comme le montrera le récit des guerres de Domitien. En 69, Sido et Italicus, sans doute le successeur de Vangio, combattaient dans les rangs des Flaviens contre l’armée de Vitellius[222]. Cependant les Marcomans et les Quades étaient encore puissants, et les guerres du règne de Domitien prouvèrent qu’ils pouvaient devenir pour les Romains de dangereux ennemis.

Dans la grande plaine, située entre le Danube et la Theiss, vivaient en nomades les Jazyges, peuple Sarmate[223], qui s’y étaient établis par suite d’événements que nous ignorons[224] Leurs habitudes de pillage faisaient d’eux des voisins incommodes. Quand, en 69, les légions du Danube partirent pour aller combattre les Vitelliens en Italie, on appela dans les rangs de l’armée les chefs les plus puissants des Sarmates Jazyges, afin de ne pas laisser à leur merci les frontières dégarnies de troupes. Ils offrirent aussi toute leur cavalerie ; mais on les remercia de cette proposition ; on craignait qu’au milieu de la guerre, ils ne se souvinssent qu’ils étaient étrangers et qu’ils ne se vendissent à l’ennemi (Hist., III, 5). — Les Jazyges avaient des relations fréquentes avec les Marcomans. ils avaient autrefois soutenu le roi Vannius (Ann., XII, 29-30) ; au quatrième siècle encore, Ammien Marcellin constatait la similitude de mœurs des Jazyges et des Suèves et leur alliance constante (XVII, 12, 1). C’était surtout la cavalerie qui faisait leur force ; ils entendaient d’ailleurs beaucoup mieux la petite guerre que les batailles rangées[225].

Les Daces occupaient au premier siècle le pays situé entre la Theiss, les Carpates, le Sereth, le Danube[226]. Ce n’étaient pas des barbares : depuis plusieurs siècles, ils se trouvaient en contact avec les civilisations grecque et romaine[227]. Ils étaient belliqueux et leur croyance à l’immortalité de l’âme leur faisait braver tous les dangers[228]. Appartenant à la même race que les Thraces et les Mésiens, sujets de Rome[229], ils pouvaient espérer leur appui contre l’empire[230]. Bien des fois déjà, depuis un siècle et demi, ils avaient envahi les pays de la rive droite du Danube : c’était surtout quand leurs tribus, en général peu d’accord, obéissaient à un seul souverain, qu’ils devenaient redoutables pour les Romains. Vers le milieu du premier siècle avant Jésus-Christ, Burebista, devenu leur chef suprême, avait parcouru en maître les bords de la mer Noire, la Thrace, la Macédoine et l’Illyrie, mais il mourut assassiné. César, lorsqu’il fut tué, songeait à entreprendre une expédition contre les Daces. Octave eut, avant la bataille d’Actium, le même dessein : aussi Cotiso, roi de ce peuple, s’allia-t-il à Antoine, nouvelle qui causa à Home une grande terreur. Il est probable que des troubles intérieurs rendirent ensuite les Daces moins dangereux : Auguste se contenta dès lors de repousser Jours invasions fréquentes. Vers 29 avant Jésus-Christ, Crassus leur fit la guerre avec succès ; en 16, ils envahirent do nouveau les territoires de la droite du Danube ; en l’an 10 avant l’ère chrétienne ils ravagèrent la Pannonie, mais furent contraints de battre en retraite. Vers l’an 6 après Jésus-Christ, Lentulus passa le Danube, pénétra sur leur territoire et les vainquit : ce fut sans doute à la suite de cette expédition qu’Ælius Catus établit cinquante mille Daces sur la rive droite du fleuve. Les succès de Lentulus affaiblirent beaucoup ce peuple ; en outre, des révoltes avaient détruit la domination fondée par Burebista : son ancien royaume s’était partagé en cinq États. Strabon, lorsqu’il écrivit sa Géographie, put croire que les Daces feraient bientôt leur soumission. Cependant, il y eut peut-être encore une invasion à la fin du règne d’Auguste[231]. Sous Tibère, les Daces pillèrent la Mésie (Suétone, Tibère, 41). Sous Néron, vers 62-63, Ti. Plautius Silvanus Ælianus, imitant l’exemple d’Ælius Catus, en déplaça un grand nombre[232]. En 69, au moment où, par suite de la guerre civile, la Mésie était sans défense, les Daces entrèrent encore dans l’empire ; mais ils furent chassés par Mucien, qui marchait alors vers l’Italie pour combattre Vitellius (Hist., III, 46). Un traité de paix fut peut-être alors conclu avec eux[233].

Au nord des bouches du Danube vivaient les Bastarnes (dans les plaines de la Moldavie et de la Bessarabie)[234], de race germanique, mais très mélangés d’éléments scythiques et thraces[235], et, plus à l’est, les Sarmates, peuple auquel appartenaient les Jazyges et les Roxolans (sur la côte septentrionale du Pont-Euxin). Excellents cavaliers, ils avaient plus d’une fois envahi le territoire romain[236] et menaçaient sans cesse les villes grecques du Pont-Euxin[237].

Pour empêcher les invasions sur le cours moyen comme sur le cours inférieur du Danube, une surveillance active était nécessaire.

Vespasien avait réorganisé les flottes du Danube[238], reconstruit ou créé les camps de Carnuntum et de Vindobona (Petronell et Vienne), en face de la Moravie, passage ordinaire des invasions[239], retiré à la Dalmatie ses deus légions pour les envoyer plus près de la frontière, en Mésie[240], réorganisé des corps auxiliaires[241]. Au commencement de son règne, Domitien disposait d’environ cent mille hommes pour défendre une ligne de cinq cents lieues. — Dans la Rhétie et le Norique, il y avait seulement des troupes auxiliaires[242]. En Pannonie, se trouvaient deux légions :

La XIII Gemina, à Vindobona. En 69, elle était encore à Pœtovio (Hist., III, 1) ; sous Trajan elle fut établie en Dacie[243]. Son séjour à Vindobona, prouvé par des briques[244], se place entre ces deux dates.

La XV Apollinaris, à Carnuntum. Elle se trouvait en Asie à l’époque d’Hadrien[245] ; les nombreuses traces de son séjour à Carnuntum[246] se rapportent donc à une époque antérieure.

La Mésie avait, semble-t-il, quatre légions :

La IV Flavia, qui semble avoir été, dès le début de l’époque Flavienne, cantonnée à Singidunum (Belgrade), où Ptolémée la place (III, 9, 3), et où des inscriptions attestent son séjour[247].

La VII Claudia, qui avait probablement, dès cette époque, son camp permanent à Viminacium (Kostolatz), où elle a laissé des inscriptions[248].

3° et 4° La I Italica et la V Macedonica. On ne sait où elles étaient cantonnées avant la formation de la province de Mésie Inférieure.

A ces légionnaires étaient. adjoints des soldats de corps auxiliaires en nombre à peu près égal[249].

Par derrière, en Dalmatie et en Thrace, il n’y avait que des ailes et des cohortes[250]. Deux flottes avaient des stations sur le fleuve et ses principaux affluents[251] ; une autre protégeait les côtes du Pont-Euxin[252].

Sous Vespasien et sous Titus, ces troupes suffirent, mais il n’en fut pas de même sous Domitien. Comme au temps de Burebista, un grand empire se forma alors chez les Daces. Par suite de l’abdication d’un de leurs rois, Duras[253], et d’autres événements qui nous sont inconnus, Diuppaneus, que les écrivains anciens appellent d’ordinaire Décébale[254], les réunit tous sous sa domination. Pendant plus de vingt ans, il résista aux Romains et ne fut abattu qu’après quatre grandes guerres faites contre lui par Domitien et Trajan : C’était, dit Dion Cassius, un homme qui, dans les choses de la guerre, savait concevoir et agir, connaissant le moment opportun pour l’attaque comme pour la retraite, capable de préparer des embuscades et de livrer une bataille, de profiter d’une victoire et de se relever après une défaite (LXVII, 6). Les Romains l’emportaient sur ses sujets, non par le courage, mais par la tactique, la discipline, l’armement. Voulant leur enlever cette supériorité, il attira dans ses États un grand nombre de déserteurs romains, sans doute des Thraces et des Mésiens, eut des machines de guerre, éleva des fortifications[255]. Rusé et sans scrupule, il chercha plus d’une fois à tromper ses ennemis par des négociations qu’il ne voulait pas voir aboutir, conclut des traités qu’il viola[256]. Sous Trajan, il s’empara même par trahison d’un ambassadeur[257], et donna à des déserteurs l’ordre d’assassiner l’empereur[258]. Soit par la contrainte, soit par des négociations, il s’assura l’alliance des autres peuples du Danube[259] et peut-être aussi celle de Pacorus, roi des Parthes (voir plus loin).

Il y eut, semble-t-il, des troubles du côté du Danube dès le début du règne de Domitien, comme M. Asbach l’a fait remarquer[260]. Le diplôme du 19 septembre 82[261] nous apprend que l’aile de cavalerie Claudia nova et les cohortes III Gallorum et V Hispanorum, qui étaient en Germanie Supérieure en 74[262], se trouvaient alors dans la province de Mésie. On doit observer que le diplôme n’énumère, outre les trois corps indiqués ci-dessus, que des troupes appartenant à l’armée de Germanie Supérieure. Ils étaient considérés en droit comme faisant partie de cette armée et n’en avaient été détachés quo provisoirement pour aller renforcer l’armée de Mésie[263].

Au mois de septembre 84, la situation était assez grave, puisque les vétérans de l’armée de Pannonie, qui avaient fait leurs vingt-cinq années de service, ne reçurent pas leur congé[264]. Quelques succès militaires furent peut-être remportés alors ; en 84, Domitien prit deux salutations impériales entre le 1er janvier et le 3 septembre, la sixième et la septième[265].

Le royaume vassal du Bosphore Cimmérien avait été mis, en 63, dans une dépendance plus étroite de Rome[266]. Ses monnaies avaient depuis lors cessé de porter le monogramme royal[267]. Mais, à partir de 84, l’effigie et le nom du souverain du Bosphore, Rhescuporis II, apparaissent sur des monnaies d’or, derrière la tête et le nom de l’empereur romain[268]. Fut-ce par suite d’une concession de l’empereur, ou faut-il y voir une usurpation faite à la faveur des embarras que causèrent à Rome les guerres du Danube ? Il est difficile de le dire[269].

Au mois de septembre 85, tout danger semblait écarté sur le Danube. Il y eut à cette date, en Pannonie, un grand licenciement de troupes[270].

Cependant les Romains éprouvèrent bientôt un désastre. Les Daces passèrent le fleuve, peut-être sur la glace au milieu de l’hiver, et envahirent la Mésie[271]. Jordanes dit qu’ils agirent ainsi par crainte de la cupidité de Domitien[272]. II est plus probable qu’ils n’entrèrent dans l’empire que parce qu’ils voulaient le piller ; ce qu’ils avaient déjà tenté de faire à plusieurs reprises. Ils vainquirent le légat de la province, Oppius Sabinus, qui fut tué, et dévastèrent toute la contrée[273].

A cette nouvelle, Domitien quitta Rome et se rendit sur les bords du Danube[274].

La date de cette expédition est assez difficile à fixer. Selon Suétone, Domitien fit deux expéditions contre les Daces, la première après la défaite d’Oppius Sabinus ; la seconde, après celle de Cornelius Fuscus[275]. Nous verrons plus loin que la seconde date de 89. Quant à la première, elle eut lieu au plus tôt dans le courant de 84, puisque Sabinus ne devint légat de Mésie qu’après son consulat, qu’il géra dans les quatre premiers mois de 84[276]. Elle fut antérieure à la révolte d’Antonins (fin de 88)[277], car Martial, qui parle de la révolte dans son livre IV (IV, 11), mentionne déjà l’expédition contre les Daces au livre I (I, 22). Deux inscriptions du temps de Domitien mentionnent successivement une guerre dacique et une guerre germanique[278], qui est celle de 88.89, car il ne peut être question de celle qui se termina dès 83[279].

La première guerre dacique n’eut pas lieu en 87, non plus qu’au commencement de 88, car, dans cette période de son règne, Domitien ne prit aucune salutation impériale[280] ; de plus, il n’est fait aucune allusion à une expédition de Domitien dans les actes des frères Arvales de 87, que nous possédons en entier[281]. Elle n’eut pas lieu non plus dans l’été de l’année 88, car à cette époque Domitien était à Rome[282].

L’empereur se trouvait aussi à Rome au commencement du mois de janvier de 86, comme le montrent les actes des Arvales[283], et vers l’été de la même année, date de la célébration des premiers jeux Capitolins. Nous avons vu qu’en septembre 85 la frontière du Danube était en paix. Entre cette date et le mois de janvier 86, il me semble impossible de placer l’invasion de la Mésie par les Daces, la défaite d’Oppius Sabinus, le départ de Domitien pour le Danube, l’expulsion des Daces de la Mésie, les préparatifs, de l’expédition de Cornelius Fuscus, le retour de l’empereur à Rome[284]. Si l’on veut mettre l’expédition de Domitien entre l’été et la fin de l’année 86[285], on est contredit par Eusèbe, dont les données chronologiques ne sont pas à dédaigner pour cette époque. Nasamones et Daci bellum cum Romanis commiserunt et concisi sunt, fait qu’il place soit à l’année 2101 (1er octobre 84 - 30 septembre 85), soit à l’année 2102 (1er octobre 85 - 30 septembre 86)[286]. II semble donc qu’il faille se décider, soit pour la période qui s’étend du milieu de 84 au 5 septembre 85, soit pour le commencement de l’année 86. Dans le premier cas, on pourrait rapporter à la guerre dacique la huitième salutation impériale, que Domitien reçut après le 3 septembre 84, au plus tard vers le commencement de 85[287], ainsi que la neuvième, qui date du printemps de 85, à peu près. Dans le second cas, il faudrait attribuer à cette guerre la douzième salutation, reçue entre le 17 février et le 13 mai 86[288], peut-être aussi la treizième, reçue après le 13 mai et avant le 13 septembre[289]. Bien que je n’en puisse donner aucune preuve certaine, je croirais plus volontiers que l’expédition de Domitien date de 86. Il ne semble pas, en effet, que Domitien ait été absent de Rome en 85 ; ce fut cette année-là qu’il se fit conférer par le Sénat, d’abord la censoria potestas, vers le commencement de l’année, puis la censure à vie, vers l’automne. Je serais disposé à placer l’invasion de la Mésie vers la fin de 85 Pline le Jeune nous apprend que l’hiver était la saison la plus favorable aux peuples du Danube pour faire la guerre ; ils pouvaient alors passer le fleuve sur la glace[290]. En apprenant le désastre d’Oppius Sabinus, Domitien aurait quitté Rome vers la fin de janvier 86. Peut-être les vœux que les frères Arvales prononcèrent pour la première fois le 22 janvier de cette année-là pour le salut de l’empereur et l’éternité de l’empire, eurent-ils pour cause son départ[291]. Domitien serait resté plusieurs mois sur le Danube et il en serait revenu vers l’été pour célébrer les jeux Capitolins, tandis que Cornelius Fuscus entreprenait une expédition au delà du Danube. C’est ainsi que l’on peut fixer, je crois, la chronologie de cette première guerre dacique ; mais naturellement, en l’absence de tout témoignage précis, les hypothèses qui viennent d’être présentées sont douteuses.

En partant pour le Danube, Domitien se fit accompagner par Cornelius Fuscus, préfet du prétoire, et sans doute aussi par une partie de la garde prétorienne[292]. Martial prédisait alors que l’empereur triompherait des Daces sans aucune peine ; selon lui, Domitien dédaignait ces barbares autant que le lion apprivoisé dédaigne le lièvre qu’il tient dans sa gueule et qu’il relâche ensuite (I, 22). Des forces considérables furent appelées sur le théâtre de la guerre[293].

Les Daces furent vaincus et chassés du territoire romain[294]. Les Mésiens, qui avaient peut-être montré des sympathies pour les envahisseurs, semblent avoir été soumis. Décébale chercha alors à traiter, mais Domitien ne voulut pas y consentir[295]. L’empereur, désirant venger complètement Oppius Sabinus, prépara une invasion en Dacie. Soit par paresse, soit plutôt par défiance de lui-même (il n’avait jamais fait le métier de général), il ne voulut pas diriger l’armée. Il s’établit dans une ville de Mésie[296] et bientôt après il retourna à Rome[297]. La conduite de l’expédition fut confiée à Cornelius Fuscus[298]. Ce fut une faute : le préfet du prétoire n’avait pas une expérience suffisante des choses militaires, qu’il avait apprises, dit Juvénal, au fond de son palais de marbre[299] ; son élévation semble avoir été due surtout au zèle qu’il montra pour Vespasien, alors qu’il était procurateur de Pannonie, en 69[300]. D’humeur aventureuse, il aimait, dit Tacite, les dangers, moins pour le fruit qu’on en tire que pour les dangers mêmes[301]. A la tête de troupes nombreuses[302], il traversa le Danube sur un pont de bateaux et envahit le territoire ennemi[303]. Décébale, attaqué dans son propre royaume, que les Romains connaissaient mal, se crut dès lors sûr de la victoire. Il envoya, une seconde ambassade à Domitien, mais cette fois c’était pour le braver : il lui faisait dire que si les Romains voulaient lui payer deux oboles par tête tous les ans, il consentirait à la paix ; sinon, il combattrait contre eux et leur causerait de grands désastres[304]. Néanmoins, évitant une bataille rangée dans laquelle il n’aurait peut-être pas eu le dessus, il laissa Fuscus s’avancer dans la plaine. Mais quand ce général se fut engagé dans la vallée étroite et difficile de la Témès et de la Bistra, qui conduisait à Sarmizegetusa, capitale des Daces, il l’attaqua[305]. L’armée romaine, probablement cernée, succomba presque tout entière avec le général lui-même[306] : les armes, les machines, une aigle tombèrent entre les mains des ennemis[307]. C’était le plus grand désastre de Rome depuis la dé-faite de Varus. Tacite, dans ses Histoires, ne voulut pas, par patriotisme, faire connaître le nombre des morts[308].

Après l’expédition de Fuscus, les hostilités semblent avoir été suspendues pendant les années 87 et 88. Mais Domitien se prépara à une nouvelle guerre. Ce fut, semble-t-il, à cette époque que, pour faciliter la défense de la frontière et la surveillance des populations favorables aux Daces, il partagea la Mésie en deux provinces qui reçurent chacune deux légions. La IV Flavia et la VII Gemina furent attribuées à la Mésie Supérieure. Quant à la Mésie Inférieure, elle eut pour légions la V Macedonica et la I Italica[309] ; la première établie probablement dès cette époque à Trœsmis (Iglitza)[310], la seconde peut-être à Durostorum[311]. Les corps auxiliaires donnés à cette province sont à peu prés complètement connus, grâce à deux diplômes militaires datant l’un et l’autre de l’année 100[312]. Six ailes et treize cohortes y sont énumérées. Des troupes furent appelées d’autres provinces pour faire partie de cette armée ; ainsi nous savons que la cohorte I Lepidiana civium Romanorum qui, en 80, était en Pannonie[313], se trouvait en Mésie Inférieure en 100[314].

La guerre recommença en 89. Domitien fit alors sur le Danube une expédition dont la date peut être fixée avec assez de précision. Elle eut pour objet, dit Suétone, de venger la défaite de Cornelius Fuscus. Or, dans soit livre VI d’épigrammes, publié vers le milieu de l’année 90[315], Martial parle de cette défaite comme d’un événement assez lointain dont les Romains avaient tiré vengeance (VI, 76). La guerre n’eut pas lieu en 90, car cette année-là Domitien ne prit aucune salutation impériale ; de plus, il n’y est fait aucune allusion dans les actes des Arvales, conservés en entier pour cette même année. Nous avons vu que Domitien triompha des Daces et des Cattes à la fin de 89. Or, peu de temps avant ce double triomphe, il fit un séjour sur les bords du Danube. Stace dit, en effet, dans sa Silve sur la statue du forum, élevée très peu de temps après ce double triomphe :

Qualem modo frena tenentem

Rhenus et attoniti vidit domus ardus Daci[316].

Il y a sûrement dans ces vers une allusion à la deuxième guerre dacique de Domitien. — D’autre part, l’expédition de Domitien ne saurait, pour des taisons que nous avons déjà indiquées, être placée en 87 ni en 88. Certains textes prouvent même qu’elle est postérieure à la révolte d’Antonius et à la guerre contre les Germains qui suivit cette révolte (fin de 88, commencement de 89). Une inscription d’Afrique nous apprend que, sous Domitien, un soldat reçut successivement des récompenses militaires dans une guerre dacique (c’est la première, celle qui eut lieu peut-être en 86) ; dans une guerre germanique (celle de 88-89) ; enfin, dans une guerre dacique, qui est par conséquent la seconde guerre dacique de Domitien. Stace écrit, en suivant très probablement l’ordre des temps : Tu bella Jovis (guerre du Capitole en décembre 69), tu praclia Rheni (en 83), tu civile nefas (révolte d’Antonius), tu tardum in fœdera montem longe Marte domas[317]. Par ces mots tardum in fœdera montem, il faut entendre la Dacie, comme le prouvent d’autres vers du même poète :

Domus ardus Daci[318]

... Quæque suum Dacis donat Clementia montem[319] ...

Et conjurato dejectos vertico Dacos[320] ...

L’entrevue de Domitien avec Diegis, dont nous parlerons plus loin, entrevue qui amena la paix, fut postérieure à la révolte d’Antonius[321] et antérieure au double triomphe[322]. Or, elle eut lieu, non à Rome, mais sur les bords du Danube[323]. Nous savons en effet par Dion Cassius que Domitien venait de combattre les Marcomans sur le cours moyen du Danube, et qu’après avoir vu Diegis, il envoya à Rome des Daces et une lettre de Décébale[324]. La seconde expédition de Domitien sur le Danube eut lieu par conséquent en 89[325]. Or, au commencement de cette année-là, il avait fait une expédition sur le Rhin[326]. Revint-il en Italie dans l’intervalle ? Cela est peu vraisemblable et des vers de Stace semblent même indiquer le contraire[327]. — C’est aussi en 89 que doit se placer la campagne de Julianus en Dacie, campagne dont parle Dion Cassius : cet auteur dit en effet qu’elle fut à peu près contemporaine de la révolte d’Antonius[328], et d’autre part il laisse entendre que Diegis fut envoyé à Domitien à la suite des succès de Julianus[329].

La chronologie de la seconde guerre dacique étant fixée, j’entre dans le détail des événements. Domitien ne semble pas avoir combattu en personne contre les Daces. Il confia ce soin à Julianus, qui reçut probablement un grand commandement sur le Danube[330]. Ce personnage a été identifié par Borghesi[331] avec Calpurnius Julianus, mentionné dans une inscription découverte à Mehadia (au nord d’Orsova), sur le territoire de l’ancienne Dacie[332]. Mais, comme le fait observer M. Mommsen[333], cette pierre a été trouvée dans un lieu où l’on ne rencontre pas d’inscriptions antérieures à la conquête de la Dacie par Trajan. D’ailleurs Julianus, lors de son expédition contre Décébale, ne parait pas être passé par Mehadia. Enfin, le titre de vir clarissimus, qu’on lit sur cette pierre, n’est pas indiqué (surtout en abrégé) sur les inscriptions de ce genre à l’époque de Domitien[334]. — Un personnage du nom de T. Vinicius Julianus fut consul dans le dernier nundinum de l’année 80[335], mais nous ne savons rien de plus sur lui. — Tettius Julianus qui, comme nous l’apprend un diplôme militaire[336], était consul le 9 juin 83, est mieux connu. Dans ses Histoires, Tacite parle de lui à plusieurs reprises[337]. Entre autres choses, il dit que Tettius Julianus, légat de la VII Claudia en 69, contribua à la défaite des Roxolans qui, profitant de la guerre civile, avaient envahi la Mésie, et, qu’en récompense de ce service, il reçut les ornements consulaires[338]. D’après ces données, on peut conclure avec vraisemblance que le Julianus de Dion est identique à Tettius Julianus, comme l’a déjà supposé Imbof[339] : il était propre à la direction d’une guerre contre les Daces par la connaissance qu’il avait des pays du Danube et les succès qu’il y avait remportés. — Il est probable que c’est à lui que Stace fait allusion dans ces vers, où il parle du frère de la mère de Claudius Etruscus[340] :

Nec vulgare genus ; fasces summamque curulem

frater et Ausonios enses, mandataque fidus

signa tulit, cum prima truces amentia Dacos

impulit, et magno gens est damnata triumpho.

Ces vers prouvent que l’oncle maternel de Claudius Etruscus fut consul et qu’il reçut un grand commandement dans une guerre, à la suite de laquelle un triomphe fut célébré sur les Daces. Ils se rapportent bien au Julianus de Dion et à Tettius Julianus, consul en 83. De plus, il faut remarquer que le cognomen de la mère de Claudius Etruscus était Etrusca[341]. On sait que sous l’empire les cognomina devinrent héréditaires : il est donc fort probable qu’Etrusca reçut ce surnom d’un membre de sa famille, qui put aussi le transmettre à d’autres descendants. On doit par conséquent s’attendre à rencontrer réunis le gentilice Tettius et le cognomen Etruscus. Nous trouvons en effet parmi les propriétaires énumérés dans la table alimentaire des Ligures Bébiens[342] : Tettio Etrusco.

Tettius Julianus rétablit la discipline : entre autres mesures, il décida que les soldats mettraient leurs noms et ceux de leurs centurions sur leurs boucliers, afin qu’on distinguât mieux les bons et les mauvais soldats[343]. Le dessin de Julianus était de pénétrer en Dacie et d’atteindre Sarmizegetusa, par la Témès et son affluent, la Bistra. Les camps de la Mésie Supérieure, Viminacium (Kostolatz) et Singidunum (Belgrade), points les plus rapprochés de l’Italie et la Pannonie, durent lui servir de base d’opérations. Il suivit la route que prit Trajan dans sa première guerre dacique et qui, plus tard, est indiquée sur la carte de Peutinger comme passant par Lederata, sur le Danube, près de Viminacium, Arcidava, Centumputea, Bersovia, Azizis, Caput Bubali et Tibiscum, au confluent de la Témès et de la Bistra[344].

Cette route traversait d’abord la plaine, à l’ouest et le long des montagnes où la Témès, la Maras et la Nara, prennent leurs sources. A partir de Tapæ, aujourd’hui Tapa ou Tapia, près de Luges, elle suivait la vallée étroite de la Témès, dans un pays montagneux et boisé. Tapæ était donc une des portes de la Dacie[345]. Les Daces y attendaient Julianus : il les vainquit et en tua un grand nombre. Vezinas, qui parmi eux tenait le second rang après Décébale, n’échappa à la mort que par une ruse : il se laissa tomber comme s’il avait été frappé mortellement. On ne s’inquiéta pas de lui, et il put s’enfuir pendant la nuit[346].

Après cette victoire, Julianus continua à s’avancer vers Sarmizegetusa. Mais la marche de l’armée dut être fort pénible à travers les montagnes, les forêts, les torrents, les précipices où, presque à chaque pas, il fallait combattre[347]. Dion Cassius (LXVII, 10) raconte que Décébale, craignant de voir les Romains, à la suite de leur victoire, s’avancer jusqu’à sa capitale, fit couper les arbres sur la route qu’ils devaient suivre et planter des armes dans les troncs, afin que l’ennemi, croyant avoir devant lui dos soldats prêts à combattre, prit peur et retournât ou arrière : ce qui eut lieu en effet. Cette anecdote est des plus suspectes : Frontin en raconte une à peu près semblable au sujet de Spartacus[348]. Il est probable que la retraite de l’armée, romaine eut une cause plus sérieuse : Julianus comprit, sans doute, les difficultés et les dangers de cette guerre et craignit le sert de Fuscus. Toujours est-il que la campagne de Julianus avait été marquée par de grands succès[349] ; Décébale offrit la paix, mais sans pouvoir l’obtenir de l’empereur[350].

Ces succès furent compromis par Domitien lui-même. Il voulut se venger des Marcomans et des Quades, qui ne lui avaient pas fourni d’auxiliaires contre les Daces[351]. Ce fut peut-être à cette époque qu’eut lieu chez ces peuples un changement de dynastie, qui put modifier pendant quelque temps leur conduite à l’égard de Rome. Tacite dit, en effet, dans la Germanie (XLII) : Les Marcomans et les Quades ont eu, jusque de nos jours, des irais de leur nation, issus des nobles familles de Marbode et de Tuder ; maintenant ils en souffrent d’étrangers. On ne sait pas d’ailleurs à quels événements il est fait allusion dans cette phrase.

Les Marcomans et les Quades eurent peur, ils demandèrent la paix à deux reprises, mais l’empereur mit à mort leurs envoyés et les attaqua[352]. II fut battu par les Marcomans et dut s’enfuir[353].

A la suite de cet échec, il consentit à traiter avec Décébale, encore accablé par les victoires de Julianus, et lui envoya des députés pour lui faire des ouvertures de paix ; mais le roi des Daces, craignant un piège, ne voulut pas entrer lui-même en pourparlers avec Domitien et lui envoya Diegis[354] qui était peut-être son frère[355]. — Décébale se reconnut vassal de l’empereur, qui, en signe de suzeraineté, posa solennellement un diadème sur la tête de Diegis, représentant du roi. Il remit des otages ; il rendit les armes et les prisonniers romains. Il ne restitua cependant pas le butin de guerre et les trophées pris à Fuscus[356]. Domitien lui donna des sommes d’argent importantes, avec promesse de lui en remettre d’autres plus tard, des ouvriers habiles dans différents métiers et qui pouvaient rendre des services à son armée, en construisant des fortifications, des machines, etc.[357] A distribua des décorations et de l’argent à ses soldats et envoya à Rome des ambassadeurs de Décébale avec une lettre qu’il prétendait être de ce roi, mais qu’on disait écrite par lui-même[358].

Domitien revint ensuite à Rome où, comme nous l’avons vu, il triompha des Daces en même temps que des Cattes, à la fin de l’année 89[359]. S’il faut en croire les écrivains hostiles à l’empereur, les trophées qu’il lit porter devant son char n’avaient pas été pris sur l’ennemi, mais tirés du garde-meuble impérial[360]. Le Sénat lui décerna le titre de Dacicus[361] et décréta l’érection d’une statue équestre de l’empereur sur le forum romain[362]. On lui décerna, dit Dion Cassius, tant d’honneurs que, pour ainsi dire, tout l’univers qui était sous sa domination fut rempli de ses images et de ses statues d’argent et d’or[363]. Des jeux somptueux furent célébrés et les poètes redoublèrent de flatteries[364]. Martial fit l’épitaphe de Cornelius Fuscus qui il regardait désormais comme vengé (VI, 76) : Ici repose Fuscus, qui veilla sur la personne sacrée de César, du Mars en toge ; Fuscus, à qui fut confiée la garde de la demeure du maître de l’univers. Ô fortune ! il est permis maintenant de l’avouer : cette pierre n’à plus à craindre les menaces de l’ennemi. Le Dace a courbé sa tête sous le joug et l’ombre victorieuse du mort repose dans une forêt soumise à l’esclavage.

Cependant cette guerre ne terminait rien : Domitien lui-même le comprit. Malgré sa vanité, il ne porta pas le nom de Dacicus[365], et, trois ans après, il dut retourner sur le Danube pour faire une nouvelle expédition contre les Barbares. Cette fois, ce ne furent pas les Daces qu’il combattit, mais les Jasyges, ainsi que les Marcomans et les Quades devant lesquels il avait dû s’enfuir dans la guerre précédente.

Contre eux, il s’était assuré, l’alliance de plusieurs peuples germains. Les Semnons, qui étaient des Suèves, habitaient au nord de la Bohême[366]. Leur territoire était très étendu, et ils exerçaient sur tous les peuples qui appartenaient à la même race qu’eux une sorte de suprématie religieuse[367]. Domitien entretint avec eux des relations amicales[368]. Leur roi Masyos et la vierge Ganna qui, comme Velléda, rendait des oracles[369], vinrent le trouver[370] et s’en retournèrent dans leur pays après avoir été traités par lui avec honneur[371]. Les Lygiens, qui habitaient la Silésie actuelle[372] et étaient depuis longtemps en hostilité avec les peuples de la Bohême et de la Moravie[373], avaient été battus par des Suèves. Ils envoyèrent demander du secours à l’empereur. Celui-ci ne voulut pas faire intervenir son armée dans des querelles de barbares[374], mais, pour témoigner sa sympathie aux Lygiens, qui pouvaient au besoin opérer une utile diversion contre les Marcomans et les Quades, il leur envoya cent cavaliers. Les Suèves, irrités de ce secours donné à leurs ennemis, s’allièrent aux Sarmates Jasyges et s’apprêtèrent à passer le Danube[375]. Par ce mot Suèves, dont se sert Dion Cassius, il faut entendre les Marcomans et les Quades[376]. Nous savons, en effet, par Stace[377], que Domitien fit, en 92, la guerre aux Marcomans en même temps qu’aux Sarmates, et, d’autre part, ces Suèves devaient être voisins des Sarmates dont ils devinrent les alliés. C’étaient donc les habitants de la Bohème et de la Moravie[378].

Suétone nous apprend que les Sarmates massacrèrent une légion avec son légat[379]. Certains savants[380] ont pensé que ce fut la V Alaudæ, mais cette légion dut être supprimée par Vespasien[381]. Il convient plutôt de penser à la XXI Rapax[382], qui avait dû quitter Mayence en 89, après la révolte d’Antonius[383]. Elle n’est pas mentionnée, semble-t-il, à une époque postérieure à Domitien[384].

L’empereur partit alors de Rome et entreprit une troisième expédition sur le Danube[385]. La date peut en être fixée avec certitude[386]. On sait par Martial que l’empereur resta absent de Rome un peu moins de huit mois[387] et qu’il y revint un 1er ou un 2 janvier[388]. Il partit donc en mai. Quant à l’année, les épigrammes de Martial prouvent que cette campagne fut postérieure au double triomphe de la fin de 89, puisque ce triomphe était célébré lors de la publication des livres V et VI, tandis que l’expédition suévo-sarmatique n’était pas complètement terminée quand le livre VII parut (VII, 6 & 8). Depuis 89 jusqu’à sa mort, Domitien ne reçut plus qu’une salutation impériale, la XXIIe, entre le 14 juin 92[389] et le 13 juillet 93[390]. C’est sans doute à l’expédition dont il s’agit qu’il faut la rapporter. Par conséquent, la guerre contre les Suèves et les Sarmates doit se placer soit entre le mois de mai 92 et le mois de janvier 93, soit entre le mois de mai 93 et le mois de janvier 94. Mais nous savons d’autre part que, dans la seconde moitié de 93, Domitien était eu Italie. Tacite dit qu’à l’époque de la mort d’Agricola, le 23 août 93, Messalinus insinuait ses perfides conseils au fond du palais d’Albano (Agricola, 45). Les procès de Rusticus Arulenus, d’Herennius Sénécion, etc., et l’expulsion des philosophes, faits qui eurent lieu à la fin de 93[391] ; supposent la présence de Domitien à Rome. Tacite nous apprend d’ailleurs (l. c.) que Domitien assista aux débats judiciaires. En outre, si l’empereur avait reçu sa XXIIe salutation entre le mois de mai et le 13 juillet 93, dés le début de l’expédition, il aurait dû, semble-t-il, en recevoir d’autres pendant le reste de la campagne, de juillet à décembre. Enfin, la chronologie des épigrammes de Martial s’établit mieux si l’on admet que la guerre suévo-sarmatique eut lieu en 92, non en 93[392]. L’expédition de Domitien commença donc en mai 92, et se termina en janvier 93.

Elle porte sur les inscriptions le nom de bellum suebicum-sarmaticum[393]. On connaît plusieurs légions qui participèrent à cette guerre : la XIII Gemina et la II Adjutrix[394] qui appartenaient à l’armée de Pannonie[395] ; une légion de Mésie, peut-être la IIII Flavia ou la VII Claudia[396].

Domitien se rendit en Pannonie[397]. Peut-être traversa-t-il le Danube pour aller combattre les Sarmates[398]. Nous n’avons pas de détails sur cette longue guerre. Il est possible que l’empereur ne se soit pas contenté de combattre les Sarmates et les Suèves. Peut-être visita-t-il les bords du Danube inférieur[399], alla-t-il même sur le Rhin : Les régions glacées de l’Ourse, lui dit Martial[400], la sauvage Peucé (aux embouchures du Danube), l’Ister échauffé par le piaffement des chevaux et le Rhin à la corne rebelle déjà trois fois brisée te retiennent, je le sais, à dompter des nations perfides. Quant aux Daces, il ne semble pas qu’il y ait eu alors d’hostilités contre eux. Martial, dans les livres VII et VIII, où il parle si souvent de la campagne de l’empereur, ne les mentionne qu’une fois en passant (VIII, 11, 3).

Domitien ne prit qu’une seule salutation impériale au cours de cette longue expédition[401], et quand il revint à Rome, il ne triompha pas ; il se contenta d’aller déposer une couronne de laurier dans le temple de Jupiter Capitolin[402]. Son arrivée fut cependant marquée par de grandes fêtes[403] ; il reçut peut-être du Sénat le surnom de Sarmaticus[404] ; en éleva un arc de triomphe au lieu où il était rentré dans Rome ; des sacrifices solennels furent offerts[405] ; Martial qui, pendant l’absence du maître, avait exprimé, — il le prétendait du moins, — les regrets du peuple tout entier[406], salua son retour par des vers enthousiastes[407].

Les guerres du dernier empereur Flavien sur le Danube ne furent pas heureuses : les légions y subirent quatre grandes défaites, une sous Oppius Sabinus, une autre sous Cornelius Fuscus, une troisième sous Domitien lui-même, une quatrième en 92. Le territoire romain fut plusieurs fois envahi. Tacite, dans la vie d’Agricola[408], déplore la perte de tant d’armées en Mésie, en Dacie, en Germanie, en Pannonie, de tant de braves guerriers forcés et pris avec les cohortes qui les accompagnaient : Ce ne furent plus les limites de l’empire et la rive d’un fleuve, ce furent les camps des légions et la possession de nos provinces qu’il fallut disputer. Les désastres succédèrent aux désastres et chaque année fut marquée par des funérailles et des revers. Tettius Julianus seul remporta de grands succès. Le traité conclu avec Décébale ne fut pas honteux, il est vrai, car le roi des Daces se reconnut alors vassal de Rome ; mais, par ce traité même, Domitien garantissait l’existence d’un royaume dont l’établissement récent était une menace pour l’empire, et il lui donnait les moyens d’augmenter sa puissance militaire. Tous les Romains comprenaient la nécessité d’une revanche ; Trajan, devenu empereur, ne cessa d’y songer[409] et, avant de retourner à Rome, lors de la mort de Nerva en 98, il se rendit sur le Danube[410]. Pline le Jeune, au mois de septembre de l’année 100, appela de ses vieux cette guerre nécessaire à la sécurité de l’empire[411]. Dans une première expédition (101-102), Trajan vainquit complètement Décébale[412]. Les trophées pris autrefois sur Cornelius Fuscus furent enlevés aux Daces ; l’empire cessa de payer ces barbares[413] ; Décébale dut rendre les armes, les machines, les ouvriers qu’il avait reçus sous Domitien, ne plus prendre de Romains à son service, détruire ses forteresses, abandonner les conquêtes qu’il avait faites en dehors de la Dacie, renoncer à ses alliances[414]. Dans une seconde guerre (105-106), la Dacie fut conquise[415]. Quant aux Marcomans et aux Quades, il fallut faire une expédition contre eux sous Nerva[416], expédition qui les décida sans doute à reconnaître de nouveau la suprématie de Rome[417]. Au deuxième siècle, dix légions (douze à partir de Marc-Aurèle), établies sur le Danube, surveillèrent, de ce côté, la frontière[418].

Domitien eut le tort de ne pas consacrer à l’augmentation du nombre des légions l’argent qu’il dépensa à des prodigalités peu utiles ; au contraire, il diminua pendant quelque temps, nous l’avons vu, l’effectif des troupes. De plus, il affaiblit la discipline par l’antagonisme que sa politique suscita entre les soldats et leurs chefs ; ses soupçons, à l’égard des généraux, entravèrent leur liberté d’action contre les ennemis[419]. Mais on doit reconnaître qu’il se trouva en face de difficultés exceptionnelles. Il eut à combattre un homme de génie, il se vit attaqué par tous les peuples établis sur la rive droite du Danube, depuis la Bohême jusqu’aux embouchures du fleuve. Les forces auxquelles Vespasien avait confié la défense de cette frontière de l’empire étaient insuffisantes. Depuis longtemps, elles n’avaient pas fait de campagnes sérieuses ; elles furent, à plusieurs reprises, commandées par des généraux incapables et peu dévoués à l’empereur[420]. Domitien ne put les augmenter que peu à pou avec des troupes appelées d’Espagne, de Bretagne, où Agricola fit jusqu’à la fin de l’année 83 une guerre inopportune, et de Germanie, où les Romains durent combattre les Cattes. Ce fut à cette époque que la II Adjutrix vint sur le Danube. Nous avons vu plus haut qu’il en fut probablement de même la XXI Rapax. A ces deux légions, il faut peut-être ajouter la XIIII Gemina et la I Adjutrix. La XIIII Gemina quitta vraisemblablement Mayence après la révolte d’Antonins pour aller en Pannonie[421]. Quant à la I Adjutrix, elle semble avoir quitté l’Espagne lors de cette révolte[422] et n’y être pas retournée : sous Nerva, nous la trouvons sur le Danube. Des troupes auxiliaires furent aussi appelées sur cette frontière[423]. Mais ces mesures ne furent pas suffisantes. Domitien lui-même, par suite de la méfiance que Vespasien et Titus lui avaient témoignée, n’avait aucune expérience militaire. Enfin, il dut détourner son attention du Danube en 88, pour étouffer la révolte d’Antonius Saturninus, soutenue en secret à Rome par une partie de l’aristocratie et appuyée par les Germains[424].

 

DOMITIEN ET LES PARTHES. — Guerre en Afrique.

Nous ne savons pas s’il y eut de sérieuses hostilités en Orient sous le règne de Domitien[425]. Depuis l’année 63, les Parthes avaient été les alliés de Néron et l’Arménie était devenue un pays vassal de l’empire, sous la domination de princes arsacides[426]. Ces bonnes relations, qui continuèrent au début du règne de Vespasien[427], furent bientôt compromises. Vespasien refusa d’envoyer à Vologèse, malgré les prières de ce roi, des secours contre les Alains[428] ; Vologèse, de son c8t6, affecta de ne pas donner à Vespasien le titre d’empereur[429]. En 72, le roi de Commagène fut accusé de vouloir trahir Rome avec l’aide des Parthes et perdit sa couronne[430]. La Cappadoce, jusque-là gouvernée par un procurateur, devint une province impériale, dans laquelle fut envoyé un légat consulaire avec au moins deux légions[431]. Dans le pays des Ibères (entre le Caucase et l’Arménie), une forteresse fut construite, en 75, par les Romains, peut-dire à la fois contre les Alains et contre les Parthes[432]. L’Arménie même semble avoir été pendant quelque temps occupée militairement[433]. Sur l’Euphrate, il y eut sans doute des hostilités assez sérieuses : M. Ulpius Trajanus, gouverneur de Syrie en 76, reçut les insignes triomphaux pour des succès remportés contre les Parthes[434]. Sous Titus, le roi Artabane IV accueillit dans son royaume Terentius Maximus qui se faisait passer pour Néron.

A l’époque de Domitien, les Parthes restèrent mal disposés pour l’empire. Ils se montrèrent favorables au faux Néron, qui parut vers 88[435]. Il est possible que leur roi Pacorus II[436] ait entretenu, dès cette époque, des relations avec Décébale[437]. La porte Caspienne, important passage stratégique au nord du pays des Ibères, fut peut-être alors gardée par des troupes pour empêcher une invasion des Alains[438].

Au début du règne, la Cappadoce et la Galatie, qui ne formaient auparavant qu’une seule province, avaient été séparées et placées l’une et l’autre sous un légat prétorien ; dans les derniers temps de Domitien, elles furent de nouveau réunies et gouvernées par un légat consulaire qui dut disposer d’au moins deux légions.

A Rome, on s’inquiétait beaucoup de Pacorus[439]. On désirait une guerre en Orient, guerre qui eut vengé complètement Crassus, ouvert aux négociants les routes les plus directes vers l’Inde, effacé la gloire d’Alexandre[440]. Stace prévoyait cette guerre. Il faisait dire à la Sibylle, parlant à Domitien[441] : L’Ourse glacée obéit déjà à tes lois ; maintenant l’Orient va te donner de grands triomphes, tu iras jusqu’où sont allés le vagabond Hercule et Bacchus. Dans Silius Italicus[442], Jupiter prophétise qu’un jour les guerriers du Gange mettront aux pieds de Domitien leurs arcs devenus inoffensifs, que les Battrions lui montreront leurs carquois vides, qu’après avoir vaincu les régions de l’Ourse, il traversera la ville sur un char de triomphe, vainqueur de l’Orient comme autrefois Bacchus, qui fut moins grand que lui[443]. C’était contre ces espérances que Tacite protestait, en 98, dans la Germanie (XXXVII). La liberté des Germains est plus redoutable que la monarchie des Arsacides. Que pouvons-nous, en effet, reprocher aux Parthes si ce n’est Crassus massacré. Mais Pacorus périt à son tour, et Ventidius mit l’Orient sous ses pieds.

Domitien partageait-il les ambitions de beaucoup de Romains ? Songeait-il, vers la fin de sa vie, à entreprendre une expédition contre les Parthes ? Nous l’ignorons. Ce fut Trajan, provoqué d’ailleurs par le roi Osroès, qui fit cette guerre.

En Afrique, il y eut, sous Domitien, une expédition contre les Nasamons, qui habitaient au sud de la Grande Syrte[444]. Zonaras raconte, d’après Dion Cassius[445], que ces Barbares, tributaires des Romains, se soulevèrent parce qu’ils étaient pressurés outre mesure[446]. Ils tuèrent les collecteurs du tribut, et quand le légat de Numidie Flaccus[447] vient les attaquer, ils le battirent si bien, qu’ils purent s’emparer du camp romain et le piller. Y ayant trouvé des vivres et du vin, ils en prirent à satiété et s’endormiront. Flaccus en fut informé, tomba sur eux et les tua tous. même ceux qui ne portaient pas les armes. La victoire de Flaccus eut lieu probablement à la fin de 85 ou en 86[448], et dut valoir à Domitien une des nombreuses salutations impériales qu’il prit à cette époque[449]. Il aurait dit au Sénat, selon Zonaras : J’ai empêché les Nasamons d’exister[450]. Quarante ans plus tard, un versificateur parlait du pays désert des Nasamons, contempteurs de Jupiter, dont la race avait été exterminée par la lance ausonienne[451]. Il semble cependant que ce peuple ait continué à exister, mais qu’il ait été refoulé plus au sud dans l’intérieur des terres : Ptolémée et Pausanias en parlent[452].

C’est peut-être sous Domitien que se place une expédition militaire très importante dans le cœur de l’Afrique. On lit dans Ptolémée (I, 8, 4) : Au sujet de la route qui conduit de Garama chez les Éthiopiens, voici ce que dit Marinus de Tyr : Septimius Flaccus, venu de la Libye avec des troupes[453], est arrivé chez les Éthiopiens, en partant du pays des Garamantes et en faisant une route de trois mois vers le sud. Quant à Julius Maternus, venu de Leptis Magna, il partit de Garama avec le roi des Garamantes et se rendit chez les Éthiopiens en marchant toujours vers le sud. Au bout de quatre mois, il arriva au pays des Éthiopiens, appelé Agisymba, où les rhinocéros se rencontrent. Garama répond à Djerma qui se trouve à trois journées au nord-ouest de Mourzoukj[454]. Quant à cette contrée d’Agisymba, elle est bien difficile à déterminer. peut-être s’agit-il de l’oasis d’Asbèn (Agadès), comme l’a pensé M. Vivien de Saint-Martin[455]. — Marinus de Tyr écrivait vers le commencement du second siècle. D’autre part, Pline l’Ancien, qui a parlé en détail de la campagne de Cornelius Balbus contre les Garamantes, ne dit rien de ces expéditions au sud du Fezzan, bien plus étonnantes encore. Il y a donc quelque raison de croire qu’elles sont postérieures à la publication de l’Histoire naturelle (en 77). Elles supposent la sou-mission du pays des Garamantes. En 69, les habitants d’Œa, en querelle avec ceux de Leptis Magna, appelèrent à leur aide les Garamantes, a nation indomptée, dit Tacite, et habituée au brigandage. : Le légat de l’armée d’Afrique, Valerius Festus, les mit en fuite et leur reprit leur butin. Ces détails nous sont don-nés par Tacite (Hist., IV, 50) ; nous apprenons d’autre part de Pline qu’à la suite de ces événements, les Romains firent une campagne dans le pays des Garamantes[456]. Les expéditions dont parle Marinus de Tyr et qui ont ou pour point de départ Garama semblent donc avoir été faites à une époque postérieure — Quelques savants[457] ont supposé pour ces motifs que le Septimius Flaccus de Marinas de Tyr n’est autre que le Flaccus de Zonaras. J’avoue cependant que le silence complet des contemporains, surtout de Martial et de Stace, sur des expéditions qui avaient dû provoquer à Rome une vive curiosité, peut paraître assez étonnant. De plus, Marinus ne nous dit pas que Septimius Flaccus et Julius Maternas aient été des légats de l’empereur. — Peut-être faut-il mettre en relation avec ces expéditions lointaines les progrès faits par l’occupation militaire dans la région saharienne, au sud de la Proconsulaire, à la fin du premier siècle[458].

 

 

 



[1] La seule source, pour ces campagnes, est l’Agricola de Tacite (cf. quelques mots de Dion Cassius, LXVI, 20). — Voir l’édition de Wex (1852), p. 191 et suiv. ; Hübner, Römische Herrschaft in Westeuropa, p. 32 et suiv. et Hermès, XVI, 1881, p. 542 et suiv. ; Urlichs, De vita et honoribus Agricolæ (Wurzbourg,1868) ; Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 167 et suiv.

[2] Agricola fut consul en 77 (Agricola, 9 : voir Urlichs, l. c., p. 26 et suiv.). Aussitôt après, il reçut le gouvernement de la Bretagne : Au cours de son consulat, il m'accorda la main de sa fille. Je n'étais qu'un jeune homme et il fondait sur elle bien des espoirs. Nous nous sommes mariés quand Agricola sortit de charge. Il obtint immédiatement le gouvernement de la Bretagne (Agricola, 9). Il arriva dans sa province au milieu de l’été : Voilà ce qu'il en était de la Bretagne... quand Agricola débarqua en plein milieu de l'été (Agricola, 18), et il y fit sept campagnes. Domitien le rappela après avoir reçu la nouvelle de la victoire du mont Graupius, remportée à l’extrémité de la Bretagne, quand l’été était déjà terminé, exacta jam æstate (Agricola, 38). Ce fut sans doute au commencement de l’année qui suivit cette victoire, qu’il quitta la province. La question est de savoir si Agricola fut légat depuis l’été de 77 jusqu’au début de 84, ou depuis l’été de 78 jusqu’au début de 85. — On doit observer que Dion Cassius (LXVI, 20) dit qu’à la suite des victoires d’Agricola, Titus prit sa quinzième salutation impériale. Or dès la fin de 79, Titus était imperator XV (Chambalu, de Magistratibus Flaviorum, p. 24) ; la campagne faite cette année-là, par Agricola fut donc marquée par un important succès. Pendant la deuxième année de son commandement, il ne semble pas avoir fait de grande expédition (Agricola, 20-21) ; au contraire, dans la troisième année, il s’avança peut-être jusqu’au Firth of Tay. Il faut probablement en conclure que cette troisième année correspond à l’année 79, que par conséquent Agricola arriva en Bretagne dans l’été de 77. Il dut être consul du 1er mai 77 au 30 juin, et partir dès le mois de juillet pour sa province. M. Asbach (Bonnische Jahrbücher, LXXIX, 1885, p. 114 et 115 ; Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 17) place aussi le gouvernement d’Agricola en Bretagne entre 77 et 84, en se servant d’autres arguments.

[3] Agricola, 20 (campagne de l’année 78).

[4] Eburacum, dans le pays de Brigantes, appartenait sans aucun doute aux Romains en 79, à l’époque où Agricola commença ses campagnes vers le Nord, car il lui fallait un point d’appui et de concentration pour attaquer les Calédoniens. Cette ville fut peut-être occupée par Petillius Cerialis, qui vainquit les Brigantes (Agricola, 17 : Immédiatement Petilius Cerealis répandit la terreur en attaquant le territoire des Brigantes, qui passe pour le plus peuplé de la province. Il livra de nombreux combats, parfois sanglants, et neutralisa une grande partie des Brigantes par ses victoires ou en prolongeant la guerre. — Le texte de Pline sur la forêt Calédonienne, Hist. nat., IV, 102, n’est pas contraire à cette hypothèse). Il serait possible aussi qu’elle ait été prise par Agricola avant 79, mais, dans ce cas, Tacite l’aurait peut-être dit. — Les expéditions d’Agricola augmentèrent certainement l’importance d’Eburacum qui devint le siège d’une légion et la résidence du légat (voir Hübner, Römische Herrschaft, p. 35 ; C. I. L., VII, p. 61).

[5] Agricola, 19 et 21.

[6] Agricola, 24 : Il a souvent soutenu devant moi qu'on pourrait venir à bout de l'Hibernie et la tenir sous notre coupe avec l'aide d'une seule légion et d'à peine quelques troupes auxiliaires. Cela renforcerait aussi notre position en Bretagne, car l'armée romaine serait présente partout et la liberté serait, pour ainsi dire, soustraite à la vue des Bretons.

[7] Agricola, 24 : [Agricola] nourrissait l'espoir que l'Hibernie, située à mi-chemin entre la Bretagne et l'Espagne et aussi à portée du Golfe de Gascogne, pourrait contribuer à faire de la partie la plus forte de notre empire une entité pour d'importantes transactions.... Cf. Agricola, 10 et 11.

[8] La IX Hispana, peut-être à Eburacum, où elle était certainement en 108 : voir C. I. L., VII, 241. — La II Adjutrix, soit à Lindum (Lincoln) : voir C. I. L., VII, 185 ; soit à Chester : voir Cagnat, Revue des publications épigraphiques, 1892 nos 59, 60, 61, 62 (d’après l’Athenæum). Ces inscriptions datent de l’époque Flavienne, car la II Adjutrix fut envoyée par Vespasien en Bretagne et ne s’y trouvait plus en 89 au plus tard. — La II Augusta à Glevum (Gloucester), on plutôt à Isca (Cærleon), dans le pays des Silures, qui fut soumis sous Vespasien par Frontin (Agricola, 17). — La XX Valeria Victrix à Deva (Chester), d’où elle surveillait le pays des Ordoviques, récemment soumis. — Voir à ce sujet Hübner, Hermès, loc. cit., p. 530 et suiv., et Archeologischer Anzeiger, 1889, p. 49 ; Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 162 et 166.

[9] Voir Urlichs, Die Schtacht am Berge Graupius, p. 6.

[10] Agricola, 22 :... jusqu'à l'estuaire appelé Tyne. On ne sait pas d’une manière certaine où cet estuaire se trouve. — Sur la marge d’un manuscrit, on lit Taum. Ce serait en ce cas l’estuaire du Tay (Ptolémée, II, 3, 4 : Ταούα εϊσχυσις) : Mommsen, Rom. Gesch., V, p. 167. Il est possible que, dès 79, Agricola se soit avancé jusque-là : l’année suivante, il s’assura la possession des pays qu’il avait parcourus alors : Agricola passa le quatrième été à consolider notre emprise sur les régions qu'il avait parcourues (Agricola, 23), ce qu’il fit en fortifiant l’isthme de la Clyde et du Forth. De plus, Tacite dit qu’en 79 Agricola parcourut des pays jusqu’alors inconnus : La troisième année de campagne fit découvrir de nouvelles peuplades (Agricola, 22). Or, en 77, date à laquelle fut publiée l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien, les Romains connaissaient la grande île jusqu’à la forêt Calédonienne : triginta prope jam annis notitiam ejus (de la Bretagne) Romanis armis non ultra vicinitatem silvæ Calidoniæ propagantibus (IV, 102). — En tout cas, Agricola était allé au delà de la Tyne, dans laquelle Wex (p. 191 et suiv.) veut voir le Tanaum æstuarium. Hübner (Hermès, p. 543), l’identifie avec le Δοϋνον xόλπος de Ptolémée (11, 3, 4), qui est, selon Müller (édit, de Ptolémée), la baie de Dunsley, prés de Whitby. Mais ce point est trop méridional.

[11] Agricola, 23 : Atque omnis proprior sinus tenebatur. Le mot sinus ne signifie pas ici golfe, mais étendue de terre.

[12] Voir Lacour-Gayet, Antonin le Pieux et son temps, p. 170.

[13] Agricola, 24. Les préparatifs contre l’Hibernie prouvent qu’Agricola tourna cette année-là son attention vers la partie occidentale de la Bretagne. L’année suivante, au contraire, il s’avança vers l’Est. — Les nations inconnues dont parle Tacite ne pouvaient habiter qu’au nord de la Clota, atteinte par Agricola en 81.

[14] En effet, Tacite dit que les soldats de terre et les soldats de mer avaient souvent occasion de se voir.

[15] Agricola, 25 : Castella adorti (lire ainsi plutôt que castellum). S’agit-il des forts établis entre les deux estuaires de la Clota et de la Bodotria ? Dans ce cas, l’armée aurait été menacée de se voir couper les derrières, et l’on comprendrait le désir de beaucoup de soldats de revenir en deçà de la Bodotria. — S’agit-il de forts situés plus au nord ? fin 79, Agricola en avait fait construire ad Tanaum æstuarium (Agricola, 22).

[16] Agricola, 26 : Tous ensemble, ils fondirent en pleine nuit sur la neuvième légion, qui passait pour la plus faible. Tacite n’explique pas la cause de cette faiblesse. Peut-être veut-il dire simplement que la troisième colonne, formée de la IXe légion, était moins forte numériquement que les deux autres (Agricola avait sans doute emmené avec lui la plus grande partie des effectifs des quatre légions de Bretagne avec de nombreuses troupes auxiliaires). — En 61, la IXe légion avait été très éprouvée dans une bataille livrée près de Camulodunum (Tacite, Annales, XIV, 32), mais on l’avait renforcée peu après avec des soldats appelés de Germanie (Ann., XIV, 38). Son infériorité par rapport aux autres légions, si c’est là ce qu’entend dire Tacite, ne tenait donc pas à cette défaite subie vingt et un ans auparavant. Mais elle avait dû probablement laisser un détachement dans son camp ordinaire, Eburacum, pour surveiller les Brigantes (voir Hübner, Hermès, p. 545, n. 4).

[17] Agricola, loc. cit. A la suite de cette victoire, Domitien prit peut-être sa deuxième salutation impériale. Il l’avait certainement le 19 juillet 82 (C. I. L., IX, 5420). Les monnaies sur lesquelles cette salutation est indiquée portent toutes : co(n)s(ul) VIII, desig(natus) VIIII P (Cohen, Domitien, 607-610 ; cf. C. I. L., II, 862 ; III, 4176 ; — il ne faut pas tenir compte des monnaies 257 et 200 de la première édition de Cohen : voir deuxième édition, p. 520, n. 1 et 2). La victoire d’Agricola fut remportée en été (voir Agricola, 25 et 28 début).

[18] Voir plus loin, au sujet d’un détachement de la IX Hispana.

[19] Agricola, 29. — La bataille du mont Graupius eut lieu dans l’année qui suivit l’attaque de la neuvième légion (Agricola, 34, début), c’est-à-dire en 83. Au commencement du discours d’Agricola (33), il faut, sans aucun doute, lire septimus, non octavus (voir Nipperdey, Rheinisches Museum, XIX, 1864, p. 106 et suiv.). Wex, par une série d’hypothèses compliquées, place cette bataille en 85 ; mais Tacite dit que Domitien en reçut la nouvelle peu après le triomphe sur les Cattes, qui fut célébré à la fin de 83. — On a beau-coup discuté sur l’emplacement du mont Graupius. II était situé au nord de l’ïle, comme l’indiquent les passages suivants : C'est tous ensemble que vous êtes ici réunis, vous qui n'avez jamais connu l'esclavage... Nous occupons les confins du monde... voilà que s'ouvre l'extrémité de la Bretagne... Au-delà, il n'y a plus un seul peuple. Il n'y a plus rien... (Agricola, 30, discours de Galgacus). — Le bout de la Bretagne est à nous. Nous ne le connaissons plus seulement par la réputation qu'on lui a faite... Ce ne serait pas non plus une moindre gloire que de tomber aux confins du monde et de la nature (Agricola, 33, discours d’Agricola). Voir Wex, édition, p. 195. Cependant, on doit observer que ces phrases se trouvent dans des harangues où il y a beaucoup de déclamation. Il est impossible d’en tirer une indication géographique précise.

[20] Il n’est pas sûr cependant que ce chiffre soit exactement conservé : il semble trop faible.

[21] Agricola, 29 et suiv.

[22] Voir Urlichs, Die Schtacht am Berge Graupius, p. 6 et suiv. — Agricola avait sous lui :

a) 3.000 hommes de cavalerie (Agricola, 35), c’est-à-dire environ cinq ailes ; et, de plus, quatre autres ailes (Agricola, 37), c’est-à-dire 2.000 hommes environ. Un tout 5.000 cavaliers, presque toute la cavalerie de l’armée de Bretagne.

b) 8.000 auxiliaires à pied (Agricola, 35), répartis en treize cohortes environ. Ces troupes auxiliaires étaient formées de Germains, de Gaulois, de Bataves, de Bretons (Agricola, 29, 32, 36).

c) Quant aux légionnaires, on ne sait pas leur nombre. On peut l’évaluer à peu prés à 13.000 hommes, chiffre équivalent à celui des soldats auxiliaires.

[23] Il faut remarquer que le chiffre a disparu dans les manuscrits : voir Urlichs, p. 9.

[24] Agricola, 36 et 37. Le récit de la bataille par Tacite est très peu Clair : de plus, le texte est corrompu en plusieurs endroits.

[25] Agricola, 10 : En suivant cette côte sur une mer encore inexplorée, la flotte romaine a confirmé que la Bretagne est une île et en a soumis d'autres jusqu'alors inconnues, qu'on appelle Orcades. Nos équipages virent même distinctement Thulé, mais ils avaient reçu l'ordre de ne pas aller plus loin dans leurs investigations. — Agricola, 38 : [Agricola] chargea alors le commandant de la flotte de longer la côte bretonne et lui accorda un soutien logistique alors que la terreur des Romains s'était déjà installée dans ces confins... la flotte, favorisée par de bonnes conditions atmosphériques et maintenant bien connue, mouilla au Portus Trucculensis, son point de départ, qu'elle avait regagné après avoir longé de très près toute la côte bretonne (la lecture des derniers mots prælecto omni redierat n’est pas sûre). On ignore ce qu’est le Trutulensis portus. — Cf. Dion Cassius, LXVI, 20 ; Stace, Silves, V, 1, 91 ; Juvénal, II, 159.

[26] Voir plus loin, note 130. — La II Adjutrix qui, au début du règne de Vespasien, fut envoyée d’abord en Germanie Inférieure (Tacite, Hist., IV, 68 ; V, 14 ; V, 16 : V, 20), puis en Bretagne, où elle a laissé des traces (voir C. I. L., VII, 48), et qui prit part à l’une des deux guerres daciques de Domitien, en 89 au plus tard (voir plus loin, aux Guerres du Danube), ne quitta probablement l’île qu’après le rappel d’Agricola : autrement Tacite aurait peut-être mentionné le fait pour montrer les sentiments hostiles de l’empereur à l’égard de son beau-père, d’autant plus qu’il rapporte qu’Agricola disait souvent qu’avec une légion de plus il aurait conquis l’Irlande (Agricola, 24). — Selon M. Mowat (Revue archéologique, XLII, 1881, p. 142 et suiv.), une vexillatio de la XXI Rapax aurait été au contraire envoyée en Bretagne pendant qu’Agricola en était légat. Il s’appuie sur cette inscription : M[...]us Se[...], miles [legionis XXI ?] R(apacis) F(elicis ?), vex[illari(i) q(ue) l]eg(ionis) ejusdem moniment[u]m euntes [ad] expedi(tionem) Britan(n)icam [d(e)] s(uo) f(aciendum) c(uraverunt). — Mais il n’est pas sûr du tout qu’il s’agisse, dans cette inscription très mutilée, de la XXI Rapax qui disparut probablement sous Domitien. M. Mommsen (Korrespondanzblait der Westdeutschen Zeitschrift, V, 1886, p. 49) a lu sur la pierre : P(iæ) F(idelis). Dès lors, il n’est pas nécessaire de faire remonter à la fin du premier siècle l’expeditio Britannica qui y est mentionnée.

[27] Cependant les difficultés qu’Agricola rencontra en Calédonie pendant les deux années suivantes suffisent à expliquer les retarde qu’il apporta à l’accomplissement de ses projets en Hibernie.

[28] C’est le seul exemple certain qu’on en connaisse pour cette époque. Borghesi (Œuvres, V, p. 38) et Renier (Mémoires de l’Académie des inscriptions, XXVI, p. 320) croient que T. Haterius Nepos, personnage consulaire qui reçut les ornements triomphaux (ainsi que nous l’apprend une inscription de Foligno), dut cet honneur à Domitien. Mais rien ne le prouve. Pline le Jeune (Lettres, II, 7, 1) se plaint que les ornements triomphaux aient été, avant Nerva, donnés seulement à des gens qui n'ont jamais vu de camp, jamais entendu la trompette que dans les théâtres. Mais il n’est pas nécessaire de voir, dans ce passage, une allusion au règne de Domitien, comme le veut Borghesi (loc. cit., p. 30). — S. Peine (De ornamentis triumphalibus, Berlin, 1885, p. 78) pense que T. Haterius Nepos reçut les ornements triomphaux sous Trajan ou Hadrien. Cet auteur (ibid., p. 74) croit, à tort, je pense, que Vestricius Spurinna les reçut sous Domitien, et non sous Nerva.

[29] Agricola, 40. Dion Cassius, LXVI, 20.

[30] Annales, XI, 11. — Tacite, Hist., I, 1 : Vespasien commença mes honneurs ... Domitien les accrut encore. Comme le fait observer Urlichs (De vite et honoribus Taciti, p. 3), le mot a (et non sub) semble indiquer que Tacite fut candidat du prince.

[31] Tacite était absent de Rome lors de la mort d’Agricola, au mois d’août 93 (Agricola, 45).

[32] Tacite, Agricola, 13. Dion Cassius, LXV, 8. Suétone, Vespasien, 4 ; Titus, 4.

[33] Appien, Préface, 5.

[34] Tacite fait dire à Galgacus, Agricola, 31 : Il n'y a ici ni champs, ni mines, ni ports à exploiter pour lesquels nous serions réquisitionnés.

[35] Tacite dit d’eux (Agricola, 13) : pour eux la défaite justifie l'obéissance, mais pas encore l'asservissement. Sous Hadrien encore, les Brigantes se révoltèrent (Voir Mommsen, R. Geschichte, V, p. 171, n. 2.). — On doit ajouter qu’Agricola pensait que la conquête de la Calédonie et de l’Hibernie enlèverait aux Bretons leur esprit d’indépendance.

[36] Tacite, Hist., I, 2 : la Bretagne entièrement conquise et bientôt délaissée.

[37] Voir Mommsen, R. Geschichte, V, p. 169 et suiv. Il pense même que les postes établis par Agricola au nord d’Eburacum furent conservés. Mais on n’en a aucune preuve, et le contraire est probable : voir Hübner, C. I. L., VII, p. 191 ; Römische Herrschaft, p. 38.

[38] Sur ces guerres, voir en particulier deux articles d’Asbach : Die Kaiser Domitien und Trajan am Rhein, dans la Westdeutsche Zeitschrift hir Geschichte und Kunst, III, 1884, p. 1 et suiv. ; et Die Kriege der flavischen Kaiser an der Nordgrenze des Reiches, dans les Bonnische Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 26 et suiv. — Roth, Schweizeriches Museurn, II, 1838, p. 30 et suiv.- Rossler, Des vorrömische Dacien, dans les Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften, Wien, XLV, 1864, p. 337 et suiv. — Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 136, 200 et suiv. — Zwanziger, Der Chattenkrieg des Kaisers Domitien, Würzbourg, 1885.

[39] Voir, en particulier, Tacite, Annales, XI, 19 et 20 pour la Germanie Inférieure. — Mommsen, R. G., V, p. 115.

[40] Sur les légions du Rhin à l’époque de Domitien, voir en particulier l’ouvrage de Ritterling, De legione Romanorum X Gemina (1885).

[41] Tacite, Histoires, V, 19 et 20.

[42] Ritterling, p. 40 et suiv. Elle fut ensuite envoyée sur le Danube, où elle semble avoir eu d’abord son camp à Aquincum (von Domaszowski, Rheinisches Museum, XLV I, 1891, p. 604).

[43] Ritterling, p. 43.

[44] Tacite, Histoires, IV, 68 ; V, 14 et 16.

[45] Brambach, Corpus inscriptionum Rhenanarum, nos 660, 662, 686.

[46] Ritterling, p. 69.

[47] Tacite, Histoires, IV, 70 ; cf. I, 61 et I, 67.

[48] Tacite, Histoires, IV, 68.

[49] Tacite, Annales, I, 31 ; cf. Ritterling, p. 70.

[50] Ritterling, ibid.

[51] Ritterling, p. 68.

[52] Brambach, n° 660.

[53] C. I. L., III, 550 comparé avec Spartien, Vie d’Hadrien, 2.

[54] Brambach, n° 140 d, 3 et 4.

[55] Ritterling, p. 68.

[56] Tacite, Histoires, V, 19.

[57] Ptolémée, II, 14, 3 (Ptolémée décrit l’état des légions du Danube au temps de Trajan).

[58] Voir plus loin, chapitre VII.

[59] Voir Brambach, Index, p. 387.

[60] Tacite, Histoires, IV, 68.

[61] Brambach, n° 1884 (probablement de l’époque Flavienne), et n° 1894.

[62] La II Augusta : voir Mommsen, Korrespondamblait der Westdeutschen Zeitschrift, III, 1884, p. 131.

[63] Voir chapitre VII. D’autres briques de la VIII Augusta ont été trouvées à Viviers (Ardèche). Voir ibidem.

[64] Tacite, Histoires, IV, 68. — Mommsen, Hermès, XIX, 1884, p. 440, n. 1.

[65] Brambach, n° 1666.

[66] Voir Mommsen, Ephem. epigr., IV, p. 528 ; von Domaszewski, Arch.-epigr., Mittheilungen aus Œsterreich, X, 1886, p. 27, 28.

[67] Mommsen, Inscriptiones confœdemtionis Helveticæ Latinæ, n° 251, 253 et suiv.

[68] Suétone, Domitien, 7. — Voir plus loin, chapitre VII.

[69] Tacite, Histoires, II, 67 ; II, 85 ; III, 44.

[70] Tacite, Histoires, IV, 68. — Mommsen, Hermès, XIX, 1884, p. 440, n. 1.

[71] Ritterling, p. 71, n. 1. Korrespondenzblatt der Westdeutschen Zeitschrift, VIII, 1889, p. 246.

[72] Brambach, n° 1666.

[73] C. I. L., V, 7425.

[74] Ptolémée, II, 14, 3. C. I. L., III, p. 539.

[75] Chapitre XIV : Cum legiones duceres. Il n’y a pas lieu, ce semble, de considérer ce pluriel comme emphatique.

[76] Hübner (C. I. L., II, Supplément, p. LXXXIX) pense cependant qu’après 70 la I Adjutrix ne revint jamais en Espagne.

[77] Römische Geschichte, V, p. 59, n. 1 ; p. 145, n. 1.

[78] Les inscriptions la mentionnant en Espagne sont toutes des cursus honorum.

[79] L’armée de la Germanie Supérieure avait environ dix mille hommes de troupes auxiliaires (dix-neuf cohortes et ailes, dont une au moins de mille hommes). CF. entre autre les diplômes militaires de 74 (C. I. L., III, p. 852) ; de 82 (Ephem. epigr., IV, p. 495) ; de 90 (Ephem. epigr., V, p. 652), et de 116 (C. I. L., III, p. 870). Voir aussi Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 108, n. 2.

[80] Tacite, Germanie, 29. Dans un diplôme de l’année 100 est mentionnée une cohorte II Mattiacorum (Arch.-epigr. Mittheilungen sus Œsterreich, XI, 1887, o. 25). Le pays des Mattiaques dépendait si bien des Romains avant Domitien, que, sous Claude, Curtius Refus, légat de Germanie Supérieure, y lit ouvrir une mine d’argent (Tacite, Annales, XI, 20). Voir Mommsen, R. G., V, p. 135.

[81] Pline, Hist. Nat., XXX, 20. Cf.  Ammien Marcellin, XXIX, 4, 3.

[82] Dion Cassius, LIV, 33. Tacite, Annales, I, 56 ; XII, 28. C’est sans doute le lien appelé par Ptolémée (II, 11, 14) ”Αρxταυνον. — Peut-être ce fort se trouvait-il à Heddernburg : Hübner, Römische Herrschaft in Westeuropa, p. 99.

[83] Les Usipiens vivaient d’abord sur les bords de la Lippe (Tacite, Annales, 1, 51 ; XIU, 55 ; Dion Cassius, LIV, 32 et suiv.). — A la fin du premier siècle, Tacite indique des Usipiens au nord du Taunus, contre le Rhin (Germanie, 32). Si l’on voulait identifier avec les Usipii les Οϋισποί que mentionne Ptolémée (II, 11, 6), il faudrait, semble-t-il, admettre l’existence d’un autre groupe d’Usipiens près des Champs décumates, sur la rive gauche du Rhin. Mais cette identification est bien douteuse.

[84] Il y eut des hostilités sous Vespasien en Germanie (voir, à ce sujet, Asbach, Bonnische Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 28). Cn. Pinarius Cornelius Clemens, qui était légat de l’armée de Germanie Supérieurs en 74, reçut les ornements triomphaux : [ob res] in German[ia prospere gestes(?)] (Wilmanns, Exempta, 1142). — Dans le diplôme du 21 mai 74 (C. I. L, III, p. 852), les soldats des troupes auxiliaires servant sous Clemens reçurent le droit de cité, mais non l’honesta missio : on dut les retenir à l’armée pour combattre. En 74, Vespasien prit ses douzième et treizième salutations impériales (voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum ; p. 22). Les deux frères Cn. Domitius Tullus et Cn. Domitius Afer Titius Marcellus Curtius Lucanus furent à cette époque præfecti auxiliorum omnium adversus Germanos (Wilmanus, Exempta, 1148 et 1149).

[85] Tacite, Hist., IV, 37.

[86] Mommsen, R. G., V, p. 138.

[87] Tacite, Germanie, 29.

[88] Dans la phrase de Tacite, on doit rapporter le mot decumates à agros, non à eos : Non numeraverim inter Germanise populos, quamquam trans Rhenum Danuviumque consederint, eos qui decumates agros exercent. Voir Mommsen, Römische Geschichte, V. p. 138, n. 1.

[89] Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, terminée en 77, ne dit rien qui puisse laisser supposer que la vallée du Neikar fit partie de l’empire.

[90] Zangemeister, Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 246 et suiv.

[91] Vers 147 (il s’agit d’un conseiller de Domitien auquel l’empereur a demandé son avis sur le turbot) :

tamquam de Cattis aliquid tervisque Sygambris

dicturus.

[92] Voir Nohl, dans Friedlænder, Sittengeschichte, III, 6e édit., p. 482.

[93] Sous Nerva, le roi des Bructères fut rétabli par une armée romaine que commandait Vestricius Spurinna (Pline le Jeune, Lettres, II, 7, 2). Dans la Germanie, publiée en 98 (chap. Ier), Tacite écrit : Cetera [Germanise] Oceanus ambit, laies sinus et insularnm immense spatia compiectens, nu-per cognitis quibusdam gentibus ac regibus, quos bellum aperuit (Le reste [de la Germanie] est environné de l'Océan, dont les rivages forment de grandes sinuosités, et qui enferme des îles spacieuses, séjour nouvellement découvert de nations et de rois que la guerre nous a révélés). Est-ce à cette expédition de Spurinna qu’il fait allusion ? Ces événements sont fort obscurs. — Dans un autre passage de la Germanie (chap. XXXIII), Tacite parle comme d’un événement tout récent de la défaite complète et de la dépossession des Bructères par les Chamaves et les Angrivariens : ce fait de guerre se passa, dit l’historien, en présence même des Romains. Voir, à ce sujet, Mommsen, Étude sur Pline le Jeune, trad. Morel, p. 10 ; Asbach, Westdeutsche Zeitschrift, III, p. 13.

[94] Tacite, Germanie, 36.

[95] Tacite, Annales, XI, 16 et 17.

[96] La I Minervia remplaça sans doute la XXI Rapax à Bonn.

[97] Voir plus loin, chapitre VII.

[98] Voir Zeuss, Die Deutschen und die Nachbarnstämme, p. 95 et suiv.

[99] A l’époque des guerres de Germanicus, la capitale des Cattes s’appelait Mattium (Tacite, Annales, I, 56 ; cf. Ptolémée, II, 11,14 : Ματτιαxόν). Elle était donc située dans le pays des Mattiaques, annexé plus tard à l’empire.

[100] Dion Cassius, LIV, 33 ; LV, 1. — Sur les hostilités entre les Romains et les Cattes sous l’empire, voir A. Duncker, Geschichte der Chatten, dans la Zeitschrift des Vereins für hessische Geschichte und Landeskunde, XIII,1888, p. 287 et suiv.

[101] Tacite, Annales, I, 56 ; II, 7 ; II, 25.

[102] En 41 (Dion Cassius, LX, 8 ; Suétone, Galba, 6) ; en 50 (Tacite, Annales, XII, 27 et suiv.).

[103] Tacite, Hist., IV, 37.

[104] Frontin, Stratagèmes, I, 1, 8 : Germanos qui in armis erant (les Germains, qui étaient en armes).

[105] Zonaras, XI, 19, p. 500.

[106] Tacite, Germanie, 41.

[107] Tacite, Annales, XIII, 57.

[108] Tacite, Annales, XII, 28 : Cherusci cura quis æternum discordant (les Chérusques, leurs éternels ennemis).

[109] Voir en particulier, pour cette date, Asbach, Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 5 et 17 ; Chambalu, Philologue, XLVII, 1888, p. 571-572.

[110] Ephem. epigr., V. p. 93.

[111] Ephem. epigr., V, p. 612.

[112] Mionnet, VI, p. 89, nos 389, 390, 391.

[113] Mionnet, nos 392, 393.

[114] La monnaie d’argent Cohen, 602 (cf. Chambalu, loc. cit., p. 571) porte, il est vrai : Imp. Cæs. Domitianus Aug. Germanicus, et au revers : In pot. II, Cos VIIII, des X, p. p. (année 83, avant le 13 septembre) ; mais c’est un exemplaire tout à fait isolé, qui doit être hybride.

[115] Bruzza, Annali dell’ Instituto, XLII, 1870, p. 184, n° 194.

[116] Ibid., p. 182, nos 168 et 170.

[117] V. la chronologie des guerres de Bretagne, indiquée plus haut.

[118] Tacite, Agricola, 39 : nuper falsum e Germania triumphum (son faux triomphe au sortir de sa récente campagne de Germanie).

[119] Ephem. epigr., IV, p. 496.

[120] Ephem., loc. cit.

[121] Ephem., V. p. 612.

[122] Frontin, Stratagèmes, I, 1, 8, édition Gundermann : Imperator Cæsar Domitianus Augustus Germanicus, cum Germanos qui in armis erant, vellet opprimere, nec ignoraret majore bellum molitione inituros, si adventum tanti ducis præsensissent, profectioni suæ census obtenuit Galliarum, sub quibus inopinato bello adfusus contusa inmanium ferocia nationum provinciis consuluit (L'empereur César Domitien Auguste Germanicus, voulant accabler d'un seul coup les Germains, qui étaient en armes, et ne doutant pas qu'ils feraient des préparatifs de guerre d'autant plus grands s'ils étaient instruits d'avance de l'arrivée d'un tel générai, cacha son départ, sous le prétexte de tenir les états des Gaules. Ayant pu leur faire ainsi la guerre inopinément, il comprima la férocité de ces peuples sauvages, et veilla en même temps aux intérêts des provinces de l'empire). — Ce passage se rapporte certainement à la guerre de Germanie de 83, car en 88, la guerre commença dans de tout autres conditions (voir au chap. VII, ce qui est dit de le révolte d’Antonius Saturninus).

[123] Frontin, loc. cit. Suétone, Domitien, 6 : Expeditionem sponte suscepit. Zonaras, XI, 19, p. 500. Allusion possible dans Pline, Panég., 16 : Decertare cupere cum recusantibus.

[124] Brambach, 1417 b.

[125] Brambach, 1416.

[126] Zur Geschichte und Topographie der Rheinlande, p. 69.

[127] Voir Mommsen, Index de Pline, édit. Keil.

[128] Mommsen, Hermès, XIX, 1884, p. 439. Mowat, Bulletin épigraphique, IV, 1884, p. 66. Lejay, Inscriptions antiques de la Côte-d’Or, n° 219.

[129] De legione Romanorum X Gemina, p. 75, n. 1.

[130] C. I. L., XIV, 3612 : L. Ro[s]cio, M. f(ilio), Qui(rina tribu), Æliano Mæcio Celeri, co(n)s(uli), etc. trib(uno) mil(itum) leg(ionis) IX Hispan(æ), vexiliarior(um) ejusdem in expeditione Germanic(a), donato ab Imp(eratore) Aug(usto) militarib(us) donis, corona vallari et murali, vexillis argenteis II, hastis puris II, etc. Ce personnage fut consul en l’an 100 (Klein, Fasti consulares, p. 53) ; il put donc être tribun militaire en 83 (plutôt qu’en 89, date de la seconde guerre contre les Cattes) ; l’empereur, qui n’est pas nommé, est certainement Domitien dont la mémoire fut abolie par le Sénat. — Le fragment d’inscription C. I. L., VIII, 9372, pourrait se rapporter à une des deux guerres germaniques de Domitien.

[131] Voir les passages cités ci-après. Les objections de Zwanziger (Der Chattenkrieg des Kaisers Domitian, p. 14 et suiv.) contre l’hypothèse de la participation de Frontin à cette guerre ne me paraissent pas fondées.

[132] Plaque de bronze trouvée à Loh, dans la Hesse rhénane (Korrespondentblatt der Westdeutschen Zeitschrift, t. III, 1884, p. 86 : A. Didius Gallus [F]abricius Veiento, co(n)sul III... et Attica ejus Nemeton(æ) v(otum) s(olverunt) l(ibentes) m(erito). Ce troisième consulat se place en 83. — Il est vraisemblable de placer en 83, plutôt qu’en 97 (comme le fait Mommsen, Korrespondenzblatt der W. Z., l. c., p. 103), le séjour de Fabricius Veiento sur le Rhin, séjour attesté par cette plaque de bronze.

[133] I, 1, 8 (passage cité) ; II, 11, 7 : victis hostibus ; voir aussi note suivante. Zonaras (XI, 19, p. 500) dit [d’après Dion] que leur territoire fut ravagé.

[134] Frontin, II, 3, 23 : Imperator Cæsar Augustus Germanicus, cum subinde Catti equestre prœlium in silvas refugiendo diducerent, jussit suos equites, simulatque ad inpedita ventum esset, equis desilire pedestrique pugna confligere : quo genere consecutus, ne quis non loci ejus victoriam moraretur (Germanicus, dans un combat de cavalerie contre les Cattes, vit qu'ils évitaient une défaite complète en se retirant toujours dans les bois quand on les pressait. Il fit mettre pied à terre à sa cavalerie lorsqu'elle fut arrivée vers ces lieux embarrassés, et parvint à fixer la victoire). Cf. I, 3, 10.

[135] Martial dit d’eux (VI, 60, 3) :

Sic leve flavorum valent genus Usiporam,

quisquis et Ausonium non amat imperium.

Vive de même la race inconstante des Usipiens au poil roux, et tous ceux qui n'aiment pas l'empire de l'Ausonie !

[136] Tacite, Agricola, 28. Dion Cassius, LXVI, 20.

[137] Le passage I, 1, 8 se rapporte certainement aussi à la première guerre contre les Cattes.

[138] Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 20 ; Bonnische Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 29. — M. Zwanziger (loc. cit., p. 28) admet la correction Sueborum ; il croit qu’il s’agit des Champs décumates, autrefois habités par des Suèves. Mais le souvenir de ces Suèves devait y être bien effacé à la fin du premier siècle.

[139] Voir ce qu’en dit Tacite (Germanie, 41) : Hermundurornm civitas, fida Romanis (la cité des Hermondures fidèle à notre empire) etc.

[140] Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 6-7 ; Bonn. Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 30.

[141] Voir les passages de Frontin cités plus haut.

[142] Laterculus Veronensis, édition O. Seeck dans la Notitia dignitatum, p. 253 : Trans castellum Montiacense... LXXX leugas trans Rhenum Romani possederunt.

[143] Römische Geschichte, V, p. 137, n. 2. L’interprétation que M. Risse (Rheinisches Museum, XLI, 1886, p. 639) a donnée de ce passage, ne me paraît pas conforme au texte.

[144] Je crois que c’est forcer le sens du texte que de voir, dans le passage de Frontin, II, 11, 7, une allusion à une guerre postérieure de Domitien. Cette opinion est soutenue par M. Gundermann, Jahrbücher für classische Philologie, 16ter Supplementband, p. 319.

[145] Voir Herzog, Bonn. Jahrbücher, LIX, 1876, p. 62 et suiv. D’autres croient que l’emplacement d’Aræ Flaviæ est à Unterilfingen (voir Nâher, Bonn. Jahrbücher, LXXIX, 1885, p. 29). Le nom de cette ville permet d’en attribuer la fondation à Vespasien ou à Titus, aussi bien qu’à Domitien ; mais comme ce fut seulement sous le dernier empereur Flavien que les Champs décumates furent annexés définitivement à l’empire, il est plus probable que ce fut à lui que la ville d’Aræ Flaviæ dut son origine.

[146] Voir Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 139, n. 2. — M. Miller (Korrespondenzblatt der Westdeutschen Zeitschrift, VIII, 1889, p. 33 et suiv.), qui a étudié en cet endroit les restes d’un grand camp, est porté à croire qu’à partir de la guerre de 83, la XI Claudia fut transférée de Vindonissa, où était jusqu’alors son camp permanent, à Rottweil.

[147] Inscription publiée par Mordtmann (Mittheil. des arch. Instituts, Athen. Abtheilung, XII, 1887, p. 181) : ...... ου χώρας Σ[ου]μελοxεννησίας xαί έ[παρχ.] Γερ(μανίας) Λιμιτανής, etc. La lecture Γερ(μανίας) n’est pas sûre. Au début, il faut restituer, avec Mommsen (Korrespondanzblatt, V, 1866, p. 260 ; cf. Staatsrecht, III, p. 830) : [έπίτροπον... Σεβασ]τοϋ. — Sur Rottenbourg, à l’époque romaine, voir Herzog et Kallee, Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 326 et suiv.

[148] Pour l’inscription citée note précédente, Mommsen en donne cette lecture : xαί [ύ]περλιμιτάνης.

[149] Tacite, Histoires, IV, 64.

[150] Tacite, Annales, I, 51 ; XIII, 55.

[151] Ptolémée, II, 11, 11.

[152] Müller, édition de Ptolémée, p. 263 et suiv.

[153] Müller, loc. cit.

[154] Voir Müller, p. 253.

[155] Voir Ritterling, De legione Romanorum X Gamina, p. 74, n. 2.

[156] Brambach, Corpus inscr. Rhen., 1537 d, 1999 a.

[157] Brambach, 1503 a.

[158] Brambach, 1502 a.

[159] Brambach, 1501 b.

[160] Bonnische Jahrbücher, LXXXVIII, 1889, p. 76.

[161] Brambach, 1491 b.

[162] Brambach, 1417 c.

[163] Brambach, 1423 a. — A la Saalbourg, a été trouvée une roue de voiture avec l’estampille de la XIIIIe légion (Westdeutsche Zeitschrift, VIII, 1889, p. 293.

[164] Brambach, 1708 addit.

[165] Bonn. Jahrbücher, LXXXVIII, 1889, p. 31.

[166] Brambach, 1658.

[167] Brambach, 1537 a.

[168] Brambach, 1491 a.

[169] Bonn. Jahrbücher, LXXXVIII, 1889, p. 31.

[170] Brambach, 1417 b.

[171] Brambach, 1615 a. Korrespondentblatt der Westdeutschen Zeitschrift, VII, 1888, p. 1.

[172] Voir plus loin, chapitre VII.

[173] Brambach, 1666.

[174] Pour la bibliographie du limes romanus en Germanie, voir, en particulier, les résumés de Hübner, Bonnische Jahrbücher, LXVIII, 1878, p. 17 et suiv. ; LXXX, 1885, p. 23 et suiv. ; LXXXVIII, 1889, p. 1 et suiv. Cf. l’article de Zangemeister, Westdeutsche Zeitschrift, IX ; 1890, p. 1 et suiv., et le résumé officiel des résultats obtenus et des recherches à faire, imprimé dans l’Archeologischer Anzeiger, 1892, p. 1-6. Une étude d’ensemble se trouve dans le livre de Hübner, Römische Herrschaft in Westeuropa, p. 71 et suiv. — Les deux principaux ouvrages sont ceux de von Cohausen, Der römische Grenzwall in Deutschland (1884) et d’Ohlenschlager, Die römische Grenzmark in Bayern (1887).

[175] Hübner, Römische Herrschaft, p. 87-88.

[176] Par derrière cette ligne de Miltenberg à Lorch, se trouve une ligne de forts se dirigeant aussi du nord au sud, depuis Wörth, sur le Main, et atteignant, à Neckarmülhbach, le Neckar qu’elle suit jusqu’à Rottweil. Il est difficile de dire actuellement si cette ligne est antérieure à celle de Miltenberg-Lorch, ou si elle avait simplement pour objet de la renforcer.

[177] Cohausen (Der römische Granzwall, p. 350), Mommsen (Römische Geschichte, V, p. 136), Zwanziger (Der Chattenkrieg des Kaisers Domitianus, p. 28), Hübner (Römische Herrschaft, p. 97) rapportent le passage de Frontin (les cent vingt milles) à la partie du limes qui s’étend du Rhin au Main, quoique la distance indiquée par Frontin soit trop faible. M. Mommsen est du reste d’avis (p. 141, n. 1) que le rempart qui bordait le limes, ou route-frontière, fut, jusqu’à une époque postérieure à Hadrien, formé seulement d’abattis d’arbres que l’on remplaça ensuite par une levée de terre (cf. Spartien, Hadrien, 12). — Asbach (Bonn. Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 29 ; Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 20-21 ; V, 1886, p. 371) pense que le limes germanicus fut constitué par Domitien en deux fois : 1° en 83, la tronçon qui s’étend de Lorch jusqu’à Hunnenburg, près de Butzbach : ce seraient les cent vingt milles de Frontin ; 2° en 89, la ligne du Taunus. Nous avons indiqué, plus haut, les raisons qui nous empêchent d’accepter les hypothèses de M. Asbach. — M. Miller, Korrespondenzblatt der Westdeutschen Zeitschrift (VIII, 1889, p. 38), croit que les cent vingt milles de Frontin répondent à une ligne tracée de l’est à l’ouest, du Rhin au Danube, par Offenburg et Aalen, à la frontière de la Rhétie. Au milieu de cette ligne se serait trouvé le grand camp de Rottweil (Aræ Flaviæ). Quant au rempart qui s’étend du Rhin à Lorch, il daterait, selon M. Miller, de l’époque d’Antonin (Korrespondenzblatt, X. 1891, p. 124). Outre que l’existence de cette ligne n’est nullement démontrée, il me semble résulter du passage de Frontin que le limes de cent vingt milles fut tracé sur le territoire des Cattes, c’est-à-dire dans la vallée du Main, non dans las Champs décumates.

[178] Ce pont fut fait à une époque où la XIIIIe légion était à Mayence (voir Hübner, Römische Herrschaft, p. 131, et Bonn. Jahrbücher, LXXXVIII, 1889, p. 49-50). Or, elle quitta probablement la Germanie en 89, comme nous l’avons dit plus haut. Mais on peut supposer aussi que le pont fut construit sous Vespasien ou Titus. — Suétone (Domitien, 6) dit qu’un dégel subit du Rhin, survenu à l’heure même de la bataille, empêcha les Barbares de porter secours au rebelle L. Antonins Saturninus. Mais (comme le fait remarquer M. Risse, Rheinisches Museum, XLI, 1886, p. 636), pour en conclure que le pont de Mayence n’existait pas alors (en 89), il faudrait auparavant prouver que la bataille eut lieu à Mayence même.

[179] Brambach, 1206, 1207, 1377 f.

[180] Tacite, Agricola, 39. Allusion à ce triomphe dans Martial, I, 4, 3 (cf. VI, 4, 2). Dion Cassius, LXVII, 4. — Ce fut peut-être alors que fut frappée la monnaie qui a pour avers : Imp. Domit. Aug. Germ. ; Buste casqué de Pallas ; et pour avers : Io, io, triump. ; Olivier (Cohen, Domitien, 300).

[181] Frontin, II, 11, 7. Martial, XIV, 170 : cui nomina Rhenus vera dedit (à celui que le Rhin décora du nom de Germanique). II, 2, 3 : nobilius [nomen] domito tribuit Germania Rheno (Le Rhin te vaut un titre encore plus glorieux, celui de Germanique). Ce titre se trouve sur toutes les monnaies et presque toutes les inscriptions depuis 84. Martial et Stace l’emploient à satiété, ce qui s’explique en partie par la difficulté de faire entrer le mot Domitianus dans un vers. — Suétone (Domitien, 13) fait erreur, quand il dit qu’après deux triomphes, Domitien prit le surnom de Germanicus : Post duos triumphos Germanici cognomine assumpto ; car il célébra son second triomphe (avec son troisième) en 89. Cette erreur se comprend dans une certaine mesure par le fait que l’un des deux triomphes de 89 fut célébré sur les Germains, et qu’alors le titre de Germanicus eut une sorte de renouveau.

[182] Dion Cassius, LXVII, 4. Martial, I, 5, 6, 11, 14, 21, 22, 26, 43, 48, 51, 60, 104.

[183] Cohen, Domitien, 139, 357, 424, 425, 463, 464, 465, 467, 646, sans doute aussi 138.

[184] Martial, II, 2 :

Creta dedit magnum, majus dedit Africa nomen,

Scipio quod victor quodque Metellus habet ;

nobilius domito tribuit Germania Rheno,

et puer hoc dignus nomine, Caesar, eras (allusions à l'expédition de 79).

Frater Idumaeos meruit cum patre triumphos :

quae datur ex Chattis laurea, tota tua est.

La Crète à Métellus valut un nom fameux ;

L'Afrique à Scipion en donne un plus illustre ;

Le Rhin dompté par toi, dès ton troisième lustre,

César, te vaut un titre encor plus glorieux,

Celui de Germanique. Aux lauriers d'Idumée

Ton frère avec son père eut une égale part ;

Mais les Daces vaincus, jamais la renommée

N'en peut donner l'honneur qu'à toi seul, ô César !

Martial (X, 7, 7) écrivait en 98, en s’adressant au Rhin : [sic semper] Romanus eas utraque ripa. Cf. IX, 6, 1, et IX, 1, 3. — Stace célébra les guerres de Germanie dans un on plusieurs concours d’Albano : voir p. 125, n. 12. II songea même à écrire une épopée sur ces guerres (Silves, IV, 4, 95 ; Thébaïde, I, 17 ; Achilléide, I, 18). On lit dans une scolie de Juvénal un fragment d’un poème de cet auteur, carmen de bello Germanico.

[185] Dion Cassius, LXVII, 4 : Après avoir entrepris une expédition en Germanie, Domitien revint à Rome sans avoir combattu. Est-il besoin de dire qu’il reçut à cette occasion les honneurs décernés aux autres empereurs qui lui ressemblaient, de peur qu’ils ne se crussent convaincus d’imposture, parce qu’on ne les glorifiait pas assez et qu’ils ne se missent en colère ? Pline le Jeune, Panég., 16 : mimicos currus et falsæ simulacra victoriæ (les pompes théâtrales et les vains simulacres d'une victoire supposée), allusion qui peut se rapporter aussi aux triomphes de 89 : (voir plus loin). Tacite, Agricola, 39.

[186] Elle y fut introduite presque exclusivement par les soldats et ne put s’y développer que pendant un siècle et demi.

[187] Cohen 469, 470 (cf. 472, 639-642).

[188] Cohen, 503. Cf. 504.

[189] Cohen, 177, 181, 182, 183. 184, 188, 483, 488, 489, 509, 536, 537, 539. Peut-être aussi Mionnet (Monnaies d’Alexandrie), VI, p. 90-91, n° 398, 399, 400.

[190] Sur dix monnaies frappées entre le 1er janvier et 13 septembre 85, Domitien apparaît avec le titre d’imperator VIII ; sur six autres, il est qualifié d’imperator IX, titre qui lui est donné sur un diplôme du 5 septembre 85 (C. I. L., III, p. 855). Il reçut donc sa neuvième salutation vers le printemps de cette année-là. — Cinq monnaies frappées après le 13 septembre 85 et avant le 1er janvier 86 indiquent encore la neuvième salutation ; deux, la onzième. Ce fut dont à la fin de 85 que Domitien devint imp. X et imp. XI. Voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 25.

[191] Cohen, 496, 497 (cf. 501). Ce type se répète les années suivantes.

[192] Voir chapitre VII.

[193] Suétone, Domitien, 6 : Transituras ad Antonium copias barbarorum (le dégel subit du Rhin empêcha les troupes des Barbares de se joindre à celles d'Antonius). C’étaient les Cattes.

[194] Voir chapitre VII.

[195] Stace, I (Silve écrite vers la fin de 89), 1, 6 :

qualem modo ftena tenentem

Rhenus, et attoniti vidit domus ardus Daoi.

Le cheval de la statue impériale, élevée sur le forum romain à la fin de 89, foulait le Rhin (Stace, loc. cit., vers 51) :

ærea captivi orimen torit ungula Rheni.

Martial, quand il écrit en 92 (VII, 7, 3) :

... fractusque cornu jam ter improbo

Rhenus...

fait sans doute allusion aux expéditions de Domitien en 70 (cette fois, il n’alla d’ailleurs pas jusqu’au Rhin), en 83 et en 89. — Cf. Stace, Thébaïde, 1, 19 :

Bisque jugo Rhenum (en 88 et en 89), bis adectum legibus Histram.

[196] Voir chapitre VII.

[197] Stace, Silves, I, 1, 27

... das Cattis Dacisque fidem.

III, 3, 168 :

Hæc est quæ victis percentia fœdera Cattis

quæque suum Dacis donat elementia montem.

[198] Eusèbe (Chronologie, p. 160, 161), à l’année 2106 (1er octobre 89 - 30 septembre 90) : Domitianus de Dacis et Germanis triumphavit. — Suétone, Domitien, 6 : De Cattis Dacisque, post varia prælla duplicem triumphum egit (Après divers combats contre les Cattes et les Daces, l'empereur célébra un double triomphe). Le mot duplicem indique deux triomphes célébrés en même temps. — Martial, VI (livre édité en 90, voir Friedlænder, préface de l’édition de Martial, p. 57), 10, 8 :

Et Capitolines itque reditque vias.

Cf. VI, 4, 2 ; V, 19, 3. — Ce fut sans doute en 89 que l’on frappa des monnaies (Cohen, 140-148), portant en exergue, au revers, les simples mots : Germanicus, cos. XIIII. Elles rappellent le second triomphe sur les Germains. Les revers représentent : Domitien dans un quadrige, tenant une branche de laurier et un sceptre ; une esclave germaine en pleurs assise sur un bouclier, auprès d’une haste brisée ; etc.

[199] C. I, L., VI, 2067. L’observation a été faite par Hirchsfeld, Göttingische gelehrle Anzeigen, 1869, p. 1507.

[200] Voir plus loin, aux guerres du Danube.

[201] Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 26. Il fut imperator XVI-XIX entre le 13 septembre 88 et le 12 septembre 89 ; XX et XXI entre le 13 septembre et le 31 décembre 89.

[202] V, 19, 3 ; VI, 4, 2 ; VI, 10, 8.

[203] Voir plus loin, chapitre VII.

[204] Kerckhoff (Duæ quæstiones Papinianæ, p. 12 et suiv.), indique sans raison plausible l’année 83. Friedlænder (Sittengeschichte, III, p. 476 et édition de Martial à V, 49) se prononce pour l’année 88, parce qu’il croit à tort que le livre V de Martial, où la même fête est mentionnée, fut édité dans l’automne de 89. — Les autres Silves du même livre furent composées : la première, peu après les deux triomphes ; la seconde, avant le milieu de l’année 90 (cf. Martial, VI, 21 ; le livre VI de Martial fut édité à cette époque, voir Friedlænder, édit., p. 57) et après les triomphes (voir le vers 180) ; la quatrième, après l’été de 88, pendant lequel furent célébrés les jeux séculaires (vers 17 et 96) et très probablement en 89, car Stace y mentionne comme un événement récent l’expédition du Domitien contre les Daces (vers 91 et suiv.), qui eut-lien à cette époque (voir plus loin, aux Guerres du Danube) ; la cinquième, avant 90 (cf. vers 65, et Martial, VI, 83). Pour la troisième, il n’est pas possible de fixer une date.

[205] C’est aussi l’avis de Friedlænder, édition de Martial, ad locum.

[206] Date de la publication du livre IV : voir Friedlænder, édition, p. 55.

[207] Date de la publication du livre VI : voir note 204.

[208] V, 30, 5 :

Sed lege fumoso non aspernanda decembri

carmina mittuntur quæ tibi mense tue.

Mention des Saturnales : épigr. 18, 59, 84.

[209] V, 65, chasses splendides qui durèrent plusieurs jours. Cf. V, 31.

[210] Vers 65 et suiv. ; préface du livre I.

[211] Dion Cassius, LXVII, 5. Nous ignorons la date de ces événements qui sont rapportés dans un fragment isolé de Dion.

[212] Tacite, Germanie, 36. — Les rapports de Dion Cassius et de Tacite sont tout à fait indépendants l’un de l’autre. Cependant rien n’empêche d’admettre que l’événement rapporté par Tacite ait été la conséquence de la défaite de Chariomére. — les Foses semblent avoir habité les bords de la Fuhse, rivière se jetant dans l’Aller à Colle (voir Forbiger, Handbuch der alien Geographic von Europa, 2e édit, p. 288).

[213] Tacite dit des Germains (Germanie, 37) : Proximis temporibus triumphati magis quam victi sunt (dans ces derniers temps on a triomphé d'eux plutôt qu'on ne les a vaincus). — C’est une allusion aux deux triomphes de Domitien sur les Cattes.

[214] Ce fut l’opinion de Tacite (voir Germanie, 33 fin).

[215] Voir de la Berge, Trajan, p. 23 et suiv. Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 139. Asbach, Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 11 et suiv. Zangemeister, ibid., p. 237 et suiv.

[216] Cependant, sous Marc-Aurèle, les Cattes menacèrent la Germanie Supérieure et la Rhétie. Voir Capitolin, Vie de Marc-Aurèle, 8.

[217] La XXII Primigenia, de l’armée de Germanie Inférieure, semble avoir alors remplacé à Mayence la XIV Gemina et la XXI Rapax. Voir chap. VII.

[218] La VIII Augusta et la XXII Primigenia (C. I. L., VI, 3492). Ce fut, semble-t-il, dès Trajan que la XI Claudia quitta la province.

[219] Voir Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 147 et suiv.

[220] Il est en effet probable que le royaume de Vannius comprenait la Bohême et la Moravie : voir Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 196, n. 1.

[221] Tacite, Annales, II, 63 ; XII, 29 et 30.

[222] Tacite, Hist., III, 5 ; III, 21.

[223] Pline, Hist. nat., IV, 80. Tacite (Annales, XII, 29 ; Hist., III, 5) les appellent les Sarmates Jazyges, Sarmatæ Jazyges.

[224] On les nommait, pour cette raison, μετανάσται, émigrés (Ptolémée, III, 5, 1 ; III, 7, 1). — Tacite les indique dans cette région, à la fin du règne de Claude (Annales, XII, 29).

[225] Tacite, Annales, XII, 30 ; Hist., III, 5. Cf. Ammien Marcellin, XII, 12, 2 et 3.

[226] Ptolémée, III, 8, 1 et 2. Voir de la Berge, Trajan, p. 29 et 55.

[227] Voir Rossier, Das vorrömische Dacien, dans les Sitzungsberichte der Akademie der Wissenachaften zu Wien, XLV, 1864, p. 337 ; Mommsen, Histoire de la monnaie romaine (traduction de Blacas), III, p. 289 et suiv. ; Jung, Die romanischen Landschaften des römischen Reiches, p. 320.

[228] Voir de la Berge, Trajan, p. 32.

[229] Strabon, VIII, 3, 2. Voir à ce sujet Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 189.

[230] Les Thraces n’acceptèrent la domination romaine qu’après une longue résistance. Sous Claude encore, ils se soulevèrent (Voir Mommsen, loc. cit., p. 21 et suiv., 191 et suiv.).

[231] Sur tous ces événements, voir Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 2e édit., p. 129 et suiv.

[232] C. I. L., XIV, 3608. Il est vrai que l’inscription dit : Transdaunvianorum. Il peut dire question de Bastarnes et de Sarmates aussi bien que de Daces.

[233] Jordanes, Getica, XIII. 76, p. 76, édition Mommsen : Domitiano imperatore regnante... fœdus quod dudum cum aliis principibus pepigerant Gathi (= Daci) solventes...

[234] Il y avait aussi des Bastarnes établis dans l’estuaire même du Danube (voir Tacite, Germanie, 46 ; Strabon, VII, 3, 15). Strabon indique même des colonies de Bastarnes au sud du fleuve (VII, 3, 13).

[235] Strabon, VII, 1, 1 ; 3, 2 ; 3, 17. Pline l’Ancien, Hist. Nat., IV, 81 et 100. Tacite, Germanie, 46. — Voir sur eux Müllenhorff, Deutsche Altertumshunde, II, p. 104 et suiv.

[236] Dion Cassius, XXXVIII, 10 ; LI, 23 et suiv. Florus, II, 29. Ovide, Pontiques, I, 2, 79 ; Tristes, II, 191. Suétone, Tibère, 41. C. I. L., XIV, 3608. Tacite, Hist., 1, 79. Josèphe, Guerre de Judée, VII, 4, 3.

[237] C. I. L., XIV, 3608. Dion Chrysostome, Discours, 36 (tome I, p. 49, édition Dindorf).

[238] Ces flottes s’appelèrent dès lors classis Flavia Pannonica, classis Flavia Mœsica. Voir Héron de Villefosse, art. Classis dans le Dictionnaire des antiquités de Daremberg et Saglio, II, p. 1236.

[239] Pline l’Ancien, Hist. nat., IV, 80. Archeologisch-epigraphische Mittheitungen aus Œsterreich, II, 1878, p. 182 ; V, 1881, p. 209 : XI, 1887, p. 8-9. Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 187, n. 1.

[240] Josèphe, VII, 4, 3. Voir Mommsen, Römische Geschichte, p. 200, n. 1.

[241] Voir plus haut, l’énumération des corps auxiliaires portant l’épithète de Flavia ; ils doivent avoir été créés, pour la plupart, par Vespasien. Il en est de même de l’ala I Vespasiana Dardanorum (C. I. L., III, p. 863 : en Mésie Inférieure, en 100).

[242] Tacite, Hist., I, 68 ; III, 5 ; IV, 70. En 107, la Rhétie avait au moins onze cohortes et quatre ailes (voir C. I. L., III, p. 867).

[243] C. I. L., III, p. 160.

[244] C. I. L., 111, 4660. Cf. l’inscription 4563.

[245] Arrien, Histoire des Alains, p. 251, édit. Müller.

[246] Hirschfeld, Arch.-epigr. Mitth. aus Ossterreich, V, 1881, p. 217.

[247] C. I. L., III, 1665, 6326, 8276.

[248] C. I. L., III, 1650, 1651, 1700 (1 et 2), 8103, 8275, etc.

[249] En Pannonie, il y avait, en 84-85, six ailes et dix-sept cohortes environ (voir C. I. L., III, p. 855 ; Ephem. epigr., V, p. 93).

[250] En Thrace, deux mille hommes de troupes sous Néron (voir Josèphe, Guerre de Judée, II, 16, 4, p. 118, édit. Dindorf).

[251] C. I. L., III, p. 858, etc. Voir Héron de Villefosse, art. Classis, p. 1236.

[252] Josèphe, loc. cit. Tacite, Hist., II, 83. A. Dumont, Mélanges d’archéologie, p. 381, n° 72 a.

[253] Dion Cassius, LXVII, 6 (p. 353, n. 7 de l’édition Gros-Boissée).

[254] Dion Cassius (LXVII, 6, etc.) le nomme Δεxέβαλος ; Pline le Jeune (Correspondance avec Trajan, 74), Decibatus. Dans une inscription (C. I. L., VI, 1444), on lit : Gentem Dacor(um) et regem Decebatum bello superavit. La forme Decibatus se lit aussi sur des inscriptions : C. I. L., III, 4150 ; VIII, 866 ; Auch : epigr. Mitth. aus œsterreich, XI, 1887, p. 23. Voir encore Trebellius Pollion (Trente Tyrans, 10, 8) : Decibali ipsius ut fertur adfinis. — Dans Paul Orose (VII, 10), le roi est nommé Diurpaneus ; dans Jordanes (Getica, XIII, 76), Dorpaneus. La véritable forme semble être Diuppansus. Voir C. I. L., VI, 16903 : Diuppaneus qui Euprepes, Sterissæ f(ilius), Dacus. — Pline le Jeune (VIII, 4, 3) dit que le nom du roi des Daces entrerait difficilement dans un vers grec et y ferait mauvais effet. Cette remarque s’appliquerait plutôt au mot Δϊΰxxανεΰς, qu’au mot Δέxέβαλός. Il n’est pas possible de déterminer la signification exacte de ces deux mot : voir Rossier, Das vorrömische Dacien, p. 353, n. 108.

[255] Dion Cassius, LXVIII, 9 et 10.

[256] Voir plus loin, et Dion Cassius, LXVIII, 8, 9, 10.

[257] Dion Cassius, LXVIII, 12.

[258] Dion Cassius, LXVIII, 11.

[259] Dion Cassius, LXVIII, 10 et 11.

[260] Bonnische Jahrbücher, LXXI, 1886, p. 331

[261] Ephem. epigr., IV, p. 496.

[262] C. I. L., III, p. 582.

[263] Ils ne retournèrent cependant pas en Germanie, la situation s’étant aggravée sur le Danube dans les années qui suivirent. Plus tard on retrouve la III Gallorum en Mésie Inférieure (C. I. L., III, p. 863 : diplôme de l’an 100 ; C. I. L., III, p. 865 : diplôme de l’an 105) ; la V Hispanorum en Mésie Supérieure (C. I. L., VIII, 4416) ; quant à l’ala Claudia nova, elle est peut-être identique à l’ala Claudia Gallorum que l’on trouve en Mésie Inférieure en 105 (C. I. L., III, p. 865).

[264] Ephem. epigr., V, p. 93.

[265] Sur cinq monnaies frappées entre le 1er janvier et le 13 septembre 84, Domitien est qualifié d’imperator V, titre qu’il portait déjà en 83 ; sur quatre autres, d’imperator VI. Il reçut donc cette salutation vers le printemps de l’année 84. — Le 3 septembre 84 (Ephem. epigr., V, p. 93) il était imperator VII. Voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 25.

[266] Voir von Domaszewski, Rheinisches Museum, XLVII, 1892, p. 208 et suiv. Latyschev, Inscriptions antiquæ oræ septentrionalis Ponti Euxini, II, p. XLV.

[267] Von Sallet, Zeitschrift für Numismatik, IV, 1877, p. 304-305. — En 69, cependant, pendant le court régner de Vitellius, le monogramme royal reparut.

[268] Mommsen, Monnaie romaine, traduction Blacas, III, p. 298. Eckhel, II, p. 377. Mionnet, II, p. 371, n° 70 ; Supplément, IV, p. 501, nos 93 et 94 ; p. 503, n° 99.

[269] Il semble cependant que ce fut plutôt une concession qu’une usurpation, car même quand les Romains n’eurent plus aucune difficulté sur le Danube, sous Trajan par exemple, l’usage introduit sous Domitien se main-tint (voir Mionnet, II, p. 372 et suiv. ; Supplément, IV, p. 504 et suiv. Sallet, loc. cit., p. 307).

[270] C. I. L., III, p. 855.

[271] Jordanes, Getica, XIII, 76.

[272] Loc. cit. : Domitiano imperatore regnante ejusque avaritiam metuentes, fœdus... Gothi solventes.

[273] Suétone, Domitien, 6. Jordanes, loc. cit.

[274] Suétone, loc. cit. Dion Cassius, LXVII, 6.

[275] Suétone, loc. cit. Cf. Martial, IX, 101, 17 :

Cœnua Sumatici ter perfida contudit Histri.

Il s’agit, dans ce vers, des deux expéditions daciques et de l’expédition suévo-sarmatique de 92. Dans cette troisième expédition sur le Danube, Domitien n’eut pas à combattre les Daces : du moins aucun texte ne les mentionne.

[276] Asbach, Bonnische Jahrbücher, LXXIX, 1885, p. 119.

[277] Voir, pour cette date, le chapitre VII.

[278] C. I. L., VIII, 1026. Q. Vilanius, Q. f(ilius) Vol(tinia), Nepos, Philippis, (centurio) coh(ortis) XIII urb(anæ), donis donatus a Domitiano ob belhtm Dacicum, item ab eodem ob bellum Germanicum, item torquib(us), armillis ob bellum Dacicum.

C. I. L., III, 7397 : M. Julius Avitus, V(o)ltinia Rois Apollinar(ibus), centurio leg(ionis) XV Apol(linaris), item centurio log(ionis) V Mac(edonicæ) et legionis XVI Fl(aviæ) Fir(mæ), bis donis donatus Bello Dacic[o] et Bello Garmanico...

[279] Mommsen (Röm. Geschichte, V, p. 200, n. 2) a, je crois, tort de penser qu’il s’agit de cette guerre de 83.

[280] Ce fut seulement vers l’été de 88 qu’il devint imperator pour la quinzième fois, peut-être à la suite de la révolte du faux Néron.

[281] C. I. L., VI, 2065. Ces actes nous apprennent, en outre, que, quelques jours avant le 22 janvier 87, Domitien était à Rome.

[282] Il célébra alors les jeux séculaires. Il y était probablement aussi le 24 octobre : voir les vers de Martial (IV, 1) qui datent de ce jour ; si Domitien avait été sur le Danube à ce moment, Martial y aurait sans doute fait quelque allusion.

[283] C. I. L., VI, 2064 : ... [id]us Ianuari(æ) in ædem Concordiæ astantibus fratribus Arva[libus], magisterio [Imp(aratoris)] Cæsaris Domitiani Augusti Germanici.

[284] Domitien devint à cette époque imperator X et imperator XI ; mais ces salutations peuvent se rapporter à des succès sur le Rhin ou en Afrique.

[285] Domitien reçut alors sa XIVe salutation impériale. Entre le 13 septembre 86 et le 31 décembre de la même année, deux monnaies portent le titre imp(erator) XIII ; deux autres, imp(erator) XIV (Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 26).

[286] En 2101, selon la version arménienne (édit. Schöne, p. 160) ; en 2102, selon saint Jérôme (p. 161).

[287] Le 3 septembre 84, il était imperator VII (Eph. epigr., V. p. 93). On ne connaît aucune monnaie portant ce chiffre. Le chiffre VIII n’apparaît que sur des monnaies frappées après le 1er janvier 85 ; mais Domitien a pu recevoir cette salutation dès la fin de l’année précédente.

[288] Le diplôme C. I. L., III, p. 856, portant la première date, indique la onzième salutation ; le diplôme C. I. L., III, p. 857, portant la seconde date, la douzième. Pour la période du 1er Janvier au 13 septembre 86, on a huit monnaies avec imp. XI, sept avec imp. XII (Chambalu, loc. cit., p. 25-26).

[289] On a une monnaie antérieure au 13 septembre, où se lit imp(erator) XIII (Cohen, Domitien, 207).

[290] Panég., 12 : eo tempore quod amicissimum illis (populis), difficillimum nobis, cum Danubius ripas gelu jungit, duratusque glacie ingentia tergo bella transportat, cum feræ gentes non tolis magis quam suo cælo, suo sidere armantur (vos camps furent assis en face des nations les plus belliqueuses, dans la saison la plus favorable pour elles, la plus difficile pour nous; lorsque l'hiver unit les deux rives du Danube, et que le fleuve, durci par la glace, ouvre à la guerre de vastes chemins). Cf. Panég., 82. — Martial fait dire à la faux (XIV, 34) :

Pax me porta ducis placidos carvavit in usus :

agricolæ nunc cum, militis ante fui.

Le livre XIV de Martial fut édité en décembre 84 on en décembre 85 (voir Friedlænder, préface de l’édition de Martial, p. 52). Si l’on se décide pour 85, on peut supposer que, vers la fin de cette année là, la nouvelle de l’invasion de la Mésie n’était pas encore parvenue à Rome. La chronologie que Dau (De M. Valerii Martialis libellorum ratione temporibusque, 1887) propose pour les livres XIII et XIV de Martial ne repose que sur des rapprochements forcés et me paraît inadmissible.

[291] C’est ce que pense Henzen, Acta fratrum Arvalium, p. 110. — Je dois remarquer cependant que, si l’on admet cette hypothèse, on peut s’étonner que les vœux ne soient pas faits aussi pro victoria et reditu.

[292] C’est peut-être à la première guerre dacique que l’on doit rapporter les récompenses militaires que C. Vedennius Moderatus Antio, soldat de la neuvième cohorte, reçut sous Domitien (C. I. L., VI, 272b).

[293] Jordanes, loc. cit. : Domitianus cum omni virtute sua Illyricum properavit et totius pæne reipublicæ militibus ductore Fusco prælato... On ne connaît pas d’une manière exacte les troupes qui furent employées dans cette guerre, non plue que dans la seconde guerre dacique de Domitien. Les légions de Pannonie et de Mésie y prirent certainement part. Voir, pour la première guerre dacique, l’inscription de M. Julius Avitus, citée plus haut ; la XVI Flavia étant une légion de Syrie, ce fut soit dans la XV Apollinaris, soit dans la V Macedonica qu’il fit la guerre contre les Daces. — C. I. L., XII, 3167, inscription d’un personnage qui reçut des récompenses militaires comme tribun de la V Macedonica dans une guerre dacique, probablement sous Domitien. — Inscription de Mésie (Arch.-epigr., Mitth. aus Œsterreich, XV,1891, p. 209), mentionnant un centurion de la légion V Macedonica, récompensé bel(lo) Dac(ico) ; l’empereur n’y est pas nommé. — L. Funisulanus Vettonianus, légat de la Mésie Supérieure après 85, reçut en cette qualité des récompenses de Domitien, bello Dacico. — Peut-être la légion II Adjutrix, qui était certainement sur le Danube en 92 (voir plus loin), y fut-elle appelée dès le commencement des guerres daciques. Elle a certainement combattu dans une des deux guerres : voir Rheinisches Museum, XLVI, 1891, p. 604 : épitaphe d’un centurion de cette légion, trouvée à Sirmium ; il reçut des récompenses militaires dans une guerre dacique : donis donatus ab Imp(eratore) Cæsare Aug(usto) bello Dacico... L’empereur qui n’est pas nommé est sans doute Domitien. — Une inscription de la Chersonèse de Thrace (Bulletin de correspondance hellénique, t. IV, 1880, p. 507) mentionne un préfet de l’aile II Pannonicrum : τετει[μη]μένψ δώροις στρατιωτιxοϊς πάσιν έν τώ [Δ]αxιxώ πολέμψ. Il s’agit peut-être d’une des deux guerres de Domitien. Cette aile se retrouve plus tard en Dacie (C. I. L., III, 1100 ; 1483 ; 1663, 3). — Au contraire, l’inscription d’un certain Ti. Claudius Vitalis (C. I. L., VI, 3584), qui reçut des récompenses dans deux guerres daciques successives, en servant d’abord dans la I Italica, puis dans la I Minervia, semble devoir être rapportée à l’époque de Trajan, bien que l’empereur n’y soit pas nommé. On sait que la I Minervia combattit dans la seconde guerre dacique de Trajan (voir C. I. L., III, 550).

[294] Eusèbe, Chronologie, p. 160 et 161 : Daci bellum cum Romanis commiserunt et concisi sunt. Ce fut peut-être alors que Domitien fut proclamé imperator pour la douzième fois.

[295] Pierre le Patrice (d’après Dion Cassius), dans Müller, Fragmenta historicorum Græcorum, IV, p. 185.

[296] Dion Cassius, LXVII, 6.

[297] Où il célébra alors les Jeux Capitolins, si l’on admet la chronologie proposée plus haut.

[298] Suétone, Domitien, 6. Pierre le Patrice, loc. cit. Jordanes, loc. cit.

[299] IV, 112: Fuscus marmorea meditatus prælia villa.

[300] Tacite, Histoires, II, 86 ; III, 4 ; 1II, 66. Pour la suite de sa carrière, voir Hist., III, 12 ; IV, 4.

[301] Tacite, Hist., II, 86.

[302] Pierre le Patrice : μετά πολλής δυνάμειος.

[303] Jordanes, Getica, XIII, 77. Cf.  Martial, VI, 76, 6.

[304] Pierre le Patrice, loc. cit.

[305] Fuscus, selon tordeuse, fut vaincu dés la première rencontre, primo conflictu. Cependant cette rencontre ne semble pas avoir eu lieu prés du Danube. Ce fut dans la vallée de la Témès et de la Bistre, entre Tapæ, lieu où la Témès sort des montagnes pour entrer dans la plaine, et Sarmigezetusa, que Trajan trouva les armes, les machines, l’enseigne et les autres trophées pris sur Fuscus (Dion Cassius, LXVIII, 9). Fuscus dut donc suivre la route que prirent plus tard Tettius Julianus et Trajan (voir plus loin), et sa défaite eut lieu dans la vallée de la Témès.

[306] Suétone, Domitien, 6. Martial, VI, 76. Juvénal, IV, 111 :

et qui vulturibus ærvabat viscera Dacis

Fuscus...

Scoliaste : Fuscus sub Domitiano exercitui præpositus in Dacia periit. Jordanes, XIII, 78.

[307] Jordanes, loc. cit. : Divitias de castris militum spoliant. Sur la colonne Trajano (Fröhner, planche XXXII : début de la première guerre dacique de Trajan), un porte-enseigne représenté auprès de l’empereur, tient dans ses mains une hampe, mais l’aigle manque. Est-ce, comme le dit Fröhner (Description des bas-reliefs, p. 4), parce que l’aigle de la légion, à laquelle ce porte-enseigne appartenait, avait été prise par les Daces lors du désastre de Fuscus ?

[308] Paul Orose, VII, 10 : Nam quanta fuerint Diurpanei, Dacorum regis, cum Fusco duce prœlia, quantaque Romanorum elades, longo textu evolverem, nisi Cornelius Tacitus, qui hanc historiam diligentissime contexuit, de reticendo interfectorum numero, et Sallustium Crispum, et alios auctoras quam plurimos sanxisse, et se ipsum idem potissimum elegisse dixisset.

[309] Ptolémée (3, 10, 5) place ces deux légions dans la Mésie Inférieure (cf. les colonnettes légionnaires : C. I. L., VI, 3492), où elles devaient se trouver dès l’époque de Domitien. Il fallait, en effet, donner des légions au nouveau légat consulaire. De plus, nous savons positivement, qu’à la fin du règne de Domitien, la V Macedonica était en Mésie Inférieure. Spartien (Hadrien, 2) dit qu’Hadrien fut envoyé dans cette province comme tribun militaire, extremis jans Domitiani tomporibus, et l’inscription C. I. L., III, 550 prouve que la légion dans laquelle servit alors le futur empereur était la V Macedonica.

[310] Où elle a laissé de nombreuses traces : C. I. L., III, 776, 6166, etc., cf. Ptolémée, loc. cit. Peut-être dans ces vers de Stace (Silves, V, 2, 136) faut-il voir une allusion au camp de la V Macedonica à Trœsmis :

An te septenus habebit

Pater et undoso circumflua conjuge Poueo ?

(Le poète énumère les pays où un jeune homme, Vottius Crispinus, pourra être envoyé comme tribun militaire). Cf. Martial, VII, 84, 3.

[311] Où Ptolémée (édit. Müller, p. 465, n. 1) la place et où elle aurait été remplacée au second siècle par la XI Claudia (C. I. L., III, p. 1349). Mais le fait n’est nullement certain, la I Italica n’ayant laissé aucune trace à Durostorum.

[312] C. I. L., III, p. 863. Arch.-epigr. Mitth. aus Œsterreich, XI, 1884, p. 24.

[313] C. I. L., III, p. 854.

[314] C. I. L., III, p. 863.

[315] Voir Friedlænder, édition de Martial, p. 58.

[316] Silves, I, 1, 6.

[317] Silves, I, 1, 79.

[318] Silves, I, 1, 7.

[319] Silves, III, 3, 169.

[320] Thébaïde, I, 21

[321] Martial mentionne la révolte au livre IV (IV, 11) et l’ambassade de Diégis au livre V (V, 3).

[322] Dion, LXVII, 7.

[323] Dans ce vers de Martial (V, 3, 1) :

Accola num nostræ Degis, Germanice, ripæ

ripa désigne le pays frontière de l’empire sur le Danube. Cf.  C. I. L., XIV, 3608 : (Plautius Silvanus, gouverneur de Mésie) reges signa Romana adoraturos in ripam, quant tuebatur, perduxit.

[324] Dion, LXVII, 7.

[325] Je crois que M. Asbach (Bonnische Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 36) la place à tort en 88.

[326] Voir plus loin chapitre VII.

[327] Silves, I, 1, 6-7 :

qualem modo frena tanentem

Rhenus et attoniti vidit domus ardua Daci.

[328] Dion, LXVII, 11 (au début) : xατά τοϋτον τόν χρόνον.

[329] Il dit que Décébale envoya Diegis demander la paix parce qu’il avait souffert de terribles malheurs : δεινώς γάρ έτεταλαιπώρητο (LXVII, 7) : ce qui est une allusion aux succès que Julianus remporta sur lui.

[330] Dion, LXVII, 10 : Ίουλιανός έπιταχθείς ύπό τοϋ αϋτοxράτορος τώ πολέμω. Le commandement que reçut Julianus semble avoir été de même nature que ceux qu’exercèrent Corbulon sous Néron, et Avidius Cassius sous Marc-Aurèle (voir Mommsen, Staatsrecht, II, 3e édit., p. 853).

[331] Œuvres, III, p. 184 et 378 ; IV, p. 214.

[332] C. I. L., III, 1566 : Calpurnius Julianus, v(ir) c(larissimus), leg(atus) leg(ionis) V Mac(edonicæ), leg(atus) Aug(usti) pr(o) pr(ætore) [prov(inciæ)]. Mæsiæ [Superiori ou Inferiori]s.

[333] C. I. L., ad locum.

[334] Voir Friedlænder, Sittengeschichte, I, 6e édit., p. 399.

[335] C. I. L., VI, 2059.

[336] Ephem. epigr., V, p. 612.

[337] I, 79 ; II, 85 ; IV, 39 et 40.

[338] I, 79.

[339] T. Flavius Domitianus, p. 58, n. 2.

[340] Silves, III, 3, 115 et suiv.

[341] Vers 111 et 207.

[342] C. I. L., IX, 1455, col. 2, lig. 23.

[343] Dion Cassius, LXVII, 10.

[344] Julianus livra bataille aux Daces à Tapæ. Pour arriver à cet endroit, il dut nécessairement suivre la route que nous indiquons. Voir Table de Peutinger, édit. Miller, segment, VII, 2-4 ; Priscien, Institutions grammaticæ, VI, 13, p. 205, édit. Keil. Cf., sur cette route, De la Borge, Trajan, p. 41 et suiv. : Xénopol, Revue historique, XXXI, 1886, p. 293 et suiv.

[345] Jordanes, Getica, XII, 74 : [Dacia] corona montium cingitur, duos tantum habens accessus, unum per Tapas, alterum per Bontas.

[346] Dion Cassius, LXVII, 10. Stace fait peut-être une allusion à cette victoire (Thébaïde, I, 20) :

Et conjurato dejectos vertice Dacos.

[347] Les reliefs de la colonne Trajane nous donnent une idée des difficultés que Trajan rencontra dans ce pays lors de sa campagne de 102 (voir Fröhner, La Colonne Trajane, pl. 61-99). — Un vers de Stace (Silves, I, 1, 8) est, autant qu’il semble, une allusion à cette expédition de Julianus :

tu [Domitien] tardum in fædera montem

longe Marte domas.

[348] Stratagèmes, I, 5, 22.

[349] Asbach (Bonnische Jahrbücher, LXXIX, 1585, p. 123) suppose que Tettius Julianus devint, en récompense, consul pour la seconde fois en 90. Rien ne l’indique. Si un deuxième consulat lui avait été accordé alors, Stace l’aurait certainement dit dans sa Silve, écrite au commencement de l’année 93 (voir, pour cette date, les vers 170-171).

[350] Dion Cassius, LXVII, 7, dit au sujet du traité conclu plus tard avec Décébale : [δ Δομετιανός] ές σπονδάς αύτόν ύπηγάγετο, άς πολλαxις αίτησαντι αϋτώ πρότερον ούx έδεδώxει.

[351] Dion Cassius, LXVII, 7. Ce fragment de Dion se rapporte vraisemblablement à la seconde expédition de Domitien sur le Danube, expédition pendant laquelle l’empereur, nous le savons par un autre fragment de Dion (ibid.), fut vaincu par les Marcomans et réduit à fuir, défaite qui amena la paix avec Décébale.

[352] Les mots de Pline le Jeune (Panég., 16) : decertare cupere cum recusantibus (il suffirait de le passer pour vaincre) pourraient se rapporter à cette guerre.

[353] Dion Cassius, l. c. Pline, Panég., 11 : [Domitianus] cujus pulsi fugatique non aliud majus habebatur iudicium, quam si triumpharet ([Du temps de Domitien] nos défaites n'étaient jamais plus certaines que quand on étalait des pompes triomphales). Cf. Panég., 20.

[354] Dion Cassius, l. c.

[355] Martial, V, 3 :

Accola jam nostræ Degis, Germanice, ripæ,

a famulis Histri qui tibi venit aquis,

lætus et attonitus vivo modo præside mundi,

adfatus comites dicitur esse suos :

Sors mea quam fratrie melior, cui tam prope fas est

œrnere, tam longe quem colit ille deum !

Ô Germanique, ce Dégis, arrivé sur nos rives, des bords asservis de l'Ister, ce Dégis, heureux et surpris d'avoir vu récemment le maître du monde, adressa, dit-on, ces paroles à ses compagnons : Que mon sort est préférable à celui de mon frère ! car je puis contempler de si près le dieu qu'il honore de si loin.

[356] Dion, LXVIII, 9.

[357] Dion, LXVII, 7 ; cf. LXVIII, 6. — Martial, VI, 76, 5 :

Grande jugum domita Dacus cervice recepit

et famulum victrix possidet umbra [Fusci] nemus.

Le Dace a courbé son front sous un joug illustre, et l'ombre victorieuse de Fuscus repose dans un bois soumis à l'esclavage.

VI, 10, 7 :

Talia supplicibus tribuit disdemata Dacis.

Tel il rendit aux Daces suppliants leurs lois et leur empire.

Stace, Silves, I, 1, 25 :

Discitur e vultu quantum tu mitior armis,

qui nec tu externos facilis sævire furores,

das Cattis Dacique fidem.

III, 3,170 :

suum Dacis donat clementia [Domitiani] montem.

Pline, Panég., 11 et 12 : [Barbari] sustulerant animos et jugum excusserant, nec jam nobiscum de sua libertate, sed de nostra servitute certabant, ac ne indutias quidem nisi acquis condicionibus inibant, logesque, ut acciperent, dabant... Accipimus (sous Trajan) obsides ergo, non emimus, nec ingentibus damnis immensisque muneribus paciscimur ut vicerimus (Les barbares avaient-ils relevé la tête et secoué le joug; ce n'était plus pour être libres, c'était pour nous asservir, qu'ils nous faisaient la guerre ; les trêves même, ils ne les concluaient que d'égal à égal ; et, pour leur donner des lois, il fallait en recevoir d'eux ... Nous recevons donc des otages, nous ne les achetons plus. Nous ne négocions plus, au prix d'énormes sacrifices et d'immenses présents, des victoires imaginaires).

[358] Dion Cassius, loc. cit.

[359] Cf. Dion Cassius, LXVII, 7 et 8. Stace, Thébaïde, I, 18 : Arctoos triumphos ; Silves, III, 3, 118.

[360] Dion Cassius, LXVII, 7. Pline, Panég., 16. Tacite disait, — car c’est peut-être à lui qu’Orose (VII, 10) emprunte cette phrase (De la Berge, Trajan, p. 37, n. 5) — : Pravissima elatus jactantia sub nomine superatorum hostium de extinctis legionibus [Domitianus] triumphavit. Cf. Dion, LXVII, 9, in fine. Pline le Jeune considère le triomphe de Trajan, à la suite de la guerre de 101-102, comme le premier qui ait été célébré sur les Daces (Lettres, VIII, 4, 2).

[361] Martial, préface du livre VIII : Imperatori Domitiano Cæsari Augusto Germanico Dacico.

[362] L’inscription C. I. L., VI, 1207, ne se rapporte pas aux victoires de Domitien sur le Rhin et le Danube ; voir Asbach, Westdeutsche Zeitschrift, III, 1884, p. 16, n. 8 ; VI, 1887, p. 232.

[363] Dion Cassius, LXVII, 8.

[364] Stace, Silves, I, 1 ; cf. IV, 2, 66. Martial, V. 19 ; VI, 4 ; VI, 10. Voir aussi Florus, p. 106, édit. Hahn (cf. Lafaye, De pœtarum et oratorum certaminibus apud veteres, p. 83).

[365] On ne trouve ce nom que dans le texte de Martial mentionné plus haut. Il n’est guère probable que Domitien n’ait pas pris le titre de Dacicus parce que les Daces étaient peu estimés, de même qu’à cause du mépris qu’inspiraient les Juifs, Vespasien et Titus ne se firent pas appeler Judaïci (Dion Cassius, LXVI, 7). Les guerres qui avaient précédé le triomphe de 89 avaient prouvé que les Daces n’étaient pas des ennemis à dédaigner.

[366] Velleius Paterculus, II, 106. Ptolémée, II, 11, 8. Voir Riese, Rheinisches Museum, XLIV, 1889, p. 342.

[367] Tacite, Germanie, 39.

[368] Ils devaient être mal disposés pour les Marcomans. Marbode les avait autrefois soumis (Strabon, VII, 1, 3) ; mais ils s’étaient révoltés ensuite avec l’aide d’Arminius (Tacite, Annales, II, 45).

[369] Sur l’autorité de ces prophétesses, voir Tacite, Histoires, IV, 61 ; Germanie, 8.

[370] Probablement pendant que Domitien était sur le Danube, car il est peu vraisemblable qu’ils soient allés jusqu’à Rome.

[371] Dion Cassius, LXVII, 5.

[372] Ptolémée, II, 11, 10. Tacite, Germanie, 43. L’auteur de l’extrait de Dion Cassius, qui rapporte ce fait, dit : έν τή Μνσίφ Λύγιος ; mais c’est manifestement une erreur.

[373] Marbode les avait autrefois soumis (Strabon, VII, 1, 3). En 50, ils renversèrent Vannius, roi des Marcomans et des Quades (Tacite, Annales, XII, 29 et 30).

[374] Claude avait agi de même en 50 (Annales, XII, 29).

[375] Dion Cassius, LXVII, 5 (extrait isolé). — L’affaire des Lygiens ayant provoqué l’alliance des Suèves et des Jazyges contre l’empire, alliance que d’autres textes nous permettent de constater lors de la guerre de 92 (voir note 377 et les inscriptions citées plus bas), c’est ici que j’ai cru devoir placer le récit de cette affaire.

[376] Cf. Tacite, Germanie, 42 ; Histoires, III, 5 ; les inscriptions citées plus bas, et C. I. L., V, 7425.

[377] Silves, III, 3, 170 :

(clementia Dominant)

quæ modo Marcomannos post horrida bella, vagosque

Sauromatas Latio non est dignata triumpho.

[378] Les Marcomans et les Quades sont toujours présentés comme unis à cette époque (Dion Cassius, LXVII, 7 ; Tacite, Germanie, 42).

[379] Domitien, 6. — C’était une légion de Pannonie (Cf. Tacite, Agricola, 41).

[380] Grotefend, dans Pauly, Real-Encyclopädie, IV, p. 881 ; Pfitzner, Geschichte der römischen Kaiserlegionen, p. 76 ; Pichimayr, T. Flavius Domitianus, p. 89 ; Ritterling, De legione Romanorum X Gemina, p. 66, n. 1 ; p. 72, n. 2.

[381] Borghesi, Œuvres, IV, p. 217 ; Asbach, Bonnische Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 41, n. 1 ; Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 130.

[382] Comme le font Borghesi (Œuvres, IV, p. 251), Renier (Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1872, p. 427), Schiller (Geschichte der römischen Kaiserzeit, I, p. 531), Robert (Légions du Rhin, p. 22-23).

[383] Voir chapitre VII.

[384] Le nom de la légion XXI Rapax semble avoir été martelé sur une inscription de Vindonissa (Mommsen, Inscr. confoeder. Helvet., n° 248 : c’est du reste le seul exemple que l’on puisse citer) : ce qui s’explique peut-être par la délaite honteuse subie par cette légion en 92.

[385] Suétone, loc. cit. — Martial, IX, 101, 17 :

Cornua Sarmatici ter perfida contudit Histri,

sudantem Getic ter nive lavit equum.

Trois fois franchissant l'Ister, il a dompté le perfide Sarmate ; et trois fois dans les neiges de la Gétie il a plongé son coursier baigné de sueur.

Sur la guerre suévo-sarmatique, voir Mommsen, Étude sur Pline le Jeune, traduction Morel, p. 89 et suiv. ; Asbach, Bonnische Jahrbücher, LXXXI, 1886, p. 37 et suiv.

[386] Voir, à ce sujet, Stobbe, Philologus, XXVI, 1867, p. 48 et suiv. ; Marquardt, Staatsverwaltung, I, 2e édit., p. 362, n. 4. Friedlænder, édition de Martial, p. 58 et suiv.

[387] IX, 31, 3 :

Inua quater binos non tota peregerat orbes.

La lune n'avait pas encore parcouru huit fois sa carrière.

[388] VII, 8 ; VIII, 2 ; VIII, 4 ; VIII, 8, et Friedlænder, loc. cit., p. 60.

[389] C. I. L., III, p. 858 : il était, à cette date, imperator XXI.

[390] C. I. L., III, p. 859, où il est qualifié d’imperator XXII.

[391] Voir chapitre IX.

[392] Voir, en particulier, ce qu’il dit de la publication de ses livres : X, 70.

[393] C. I. L., III, 6818 : ... Sos[pi]li..., le[g(ato)] leg(ionis) XIII Gem(inæ), donat(o) don(is) militarib(us) expedit(ione) Suebic(a) et Sarm(atica). — C. I. L., X, 135 : [......]atrio, Q. f(itio) Hor(atia tribu), Sep [......]to.... tribuno militum l[eg(ionis) se]cundæ Adjuiricis P(iæ) F(idelis), donis [miti]taribus bello Suebico, it[em Sar]matico..., optioni tribun[or(um) le]gionum quinq(ue). — Wilmanns, 1589 : L. Aconio, L. f(ilio) Clu(stumina), Staturæ, (centurioni, leg(ionis) IIII F(laviæ) F(idelis), leg(ionis) V Maced(onicæ), leg(ionis) VII C(laudiæ) P(iæ) F(idelis), donis donato ab Imp(eratore) Trajano Aug(usto) Germ(anico) ob bellum Dac(icum).. et a priorib(us) principibus eisd[em do]nis donato [ob bellum Suebicum] et Sarmatic(um). Il s’agit de Domitien, l’empereur n’étant pas nominé dans ces inscriptions. — Cf. encore Tacite, Histoires, I, 2 (dans le résumé des événements de l’époque Flavienne) : coortæ in nos Sarmatarum et Suevoram gentes (les populations des Sarmates et des Suèves levées contre nous).

[394] Voir note précédente.

[395] La II Adjutrix semble avoir eu son camp permanent, à la fin du premier siècle et au commencement du second, à Acumincum, en face du confluent du Danube et de la Theiss (voir von Domaszewski, Rheinisches Museum, XLVI, 1891, p. 603-604).

[396] La manière dont est rédigée la troisième inscription citée note 393, ne permet pas de dire avec certitude dans quelle légion L. Aconius Statura combattit alors. — Dans cette guerre, un certain Velius, probablement Velius Paulus (voir Appendice II, à la Bithynie), fut comes de l’empereur (Martial, IX, 31).

[397] Martial, VIII, 15, 1 :

Dum nova Pannonici numeratur gloria belli...

Tandis qu'on célèbre les nouvelles victoires remportées dans la Pannonie...

[398] Deux vers de Silius Italicus (Punica, III, 616) le laissent supposer :

Idem (Domitianus) indignantem transmittere Dardana signa

Sarmaticis victor compescet sedibus Histrum.

Mais c’est une prophétie mise dans la bouche de Jupiter. Était-elle réalisée lorsque Silius écrivait ces vers ? — Stace (Silves, IV, 7, 49) dit d’un personnage qui fit cette campagne avec Domitien :

Ille [memorabli] ut Invicti rapidum secutus

Cæsaris fulmen, refugis amaram

Sarmatis legem dederit, sob uno

vivare cælo.

— Martial, VII, 7, 2 :

(quamvis) ungularum pulsibus calens Hister...

tenant domantem regna perfidæ gentis

te...

l'Ister échauffé par le piaffement des chevaux ... te retiennent, je le sais, à dompter des nations perfides...

[399] Les Sarmates qui vivaient au nord des embouchures du Danube, sur la côte septentrionale du Pont-Euxin, entretenaient des relations avec leurs frères de race, les Jazyges du Danube moyen (Dion Cassius, LXXI, 19) ; peut-être étaient-ils menaçants à cette époque.

[400] VII, 7. Voir aussi VIII, 11, 1 :

Pervenisse tuam jam te scit Rhenus in urbem ;

nam populi voces audit et ille tui.

Déjà le Rhin sait ton retour dans ta capitale ; car les acclamations de ton peuple retentissent jusqu'à lui.

Pour Peucé, voir encore VII, 84, 3.

[401] Il annonçait cependant à Rome de nombreux succès : Martial, VII, 5, 4 ; VII, 6, 5.

[402] Suétone, Domitien, 6 : De Sarmatie lauream modo Capitolino Jovi rettulit (En commémoration de sa victoire sur les Sarmates, il se borna à déposer un laurier dans le temple de Jupiter Capitolin). Stace, Silves, III, 3, 170. C’est ce que Martial (VIII, 15, 5) appelle secretos triumphos.- Cf. Stace, Silves, IV, 1, 39 :

Mille trophæa feres : tantum permitte triumphos.

Martial, IX, 109, 19 :

Sæpe recusatos parcus duxisse triumphos...

Quoiqu'il ait bien des fois refusé les honneurs du triomphe...

Martial (VIII, 78, 3) dit au sujet des jeux donnés par Stella après la guerre suévo-sarmatique :

Hyperborei celebrator Stella triumphi.

Stella nous les a donnés à l'occasion des victoires remportées sur le Nord

Mais il ne faut pas prendre le mot triumphi dans son sens propre. — Avant le retour de Domitien, on s’attendait, il est vrai, à le voir triompher (Martial, VII, 2, 7 ; VII, 6, 7 ; VII, 8, 7).

[403] Martial, VIII, 11, 15, 26, 30, 50, 54, 55.

[404] Martial, IX, 93, 7 :

Nunc bis quina mihi da busia, flat ut illud

nomen ab Odrysio quod deus orbe tulit.

Donne-moi deux fois cinq baisers, autant qu'il faut de lettres pour former le surnom que notre dieu rapporta des régions du Nord.

Le mot Sarmaticus a dix lettres. Cf. IX, 101, 19 :

Sæpe recusatos parous duxisse triumphos

victor Hyperboreo nomen ab orbe tulit.

Quoiqu'il ait bien des fois refusé les honneurs du triomphe, vainqueur, il a rapporté un nom glorieux des Contrées Hyperboréennes.

Cependant le mot Germanicus a dix lettres aussi (cf. Martial, XIV, 170).

[405] Martial, VIII, 4 ; VIII, 15, 2.

[406] VII, 5 ; VII, 6 ; VII, 7 ; VII, 8.

[407] Voir surtout VIII, 15.

[408] Agricola, 41. — Tacite exagère moins quand il dit, au début des Histoires (I, 2) : coortæ iu nos Sarmatorum ac Suevorum gentes ; nobilitatus cladibus mutuis Dacus (les populations des Sarmates et des Suèves levées contre nous ; le Dace illustré par ses défaites et les nôtres).

[409] Voir Ammien Marcellin, XXIV, 3, 9.

[410] Pline, Panég., 12, 16.

[411] Pline, Panég., 16 et 17.

[412] Voir de La Berge, Trajan, p. 38 et suiv.

[413] Au commencement de son règne, Trajan payait encore cette sorte de tribut (Dion Cassius, LXVIII, 6).

[414] Dion Cassius, LXVIII, 9.

[415] De la Berge, Trajan, p. 48 et suiv.

[416] Voir Mommsen, Vie de Pline, traduction Morel, p. 91.

[417] Tacite dit dans la Germanie (42), au sujet des rois des Marcomans et des Quades : Vis et potentia regibus ex auctoritate Romana ; raro armis nostris, sæpe pecunia juvantur (Ces rois doivent à la protection de Rome leur force et leur grandeur : nous les aidons rarement de nos armes). Il n’aurait pas écrit cette phrase si, en 98, les Marcomans et les Quades avaient été en guerre avec les Romains.

[418] Voir les colonnettes légionnaires : C. I. L., VI, 3499.

[419] Pline, Lettres, VIII, 14, 7 : in castris... suspecta virtus, inertia in pretio (dans les camps ... la vertu était suspecte, le vice honoré) ; Panég., 18 [l’orateur parle de Trajan] : Quippe non is princeps qui sibi imminere, sibi intendi putet quod in hostos paretur ; quæ persuasio fuit illorum qui, hostilia cum facerent, timebant. Iidem ergo torpere militaria studia, nec animos modo sed et corpora languescero, gladios etiam incuria hebetari retundique gaudebant. Ducos porro nostri non tain regum exterorum quam suorum principum insidias, nec tam hostium quam commilitonum manus ferrumque metuebant (Cette faiblesse était bonne pour ceux qui, ennemis eux-mêmes, craignaient des représailles. De tels princes aimaient à voir toute ardeur militaire s'éteindre, les corps languir aussi bien que les âmes, et jusqu'aux glaives oubliés s'émousser et se couvrir de rouille. Alors nos généraux redoutaient moins les embûches des étrangers que celles de leurs princes, le fer des barbares que le bras et l'épée de leurs compagnons d'armes). — Cf.  Dion, LXVII, 6.

[420] Tacite, Agricola, 41 : Tot exercitus... temeritate sut per ignaviam ducum amissi (Tant d'armées avaient été perdues ... par l'audace aveugle ou la lâcheté de leurs chefs). L’historien parle un peu plus loin de l’inertia et formido des généraux de cette époque.

[421] Voir chapitre VII.

[422] Voir même chapitre.

[423] Pour l’aile Claudia Nova et les cohortes III Gallorum et V Hispanorum, voir plus haut. — L’ailé I Singularium qui, en 90, était en Germanie Supérieure (Ephem. epigr., V, p. 653), se trouvait, en 107, en Rhétie (C. I. L., III, p. 867) : elle y fut peut-être envoyée par Domitien. Les cohortes I et II Batavorum miliariæ qui, en 98, se trouvaient en Pannonie (C. I. L., III, p. 862), semblent avoir fait auparavant partie de l’armée de Bretagne (Tacite, Agricola, 36). Cette observation s’applique aussi à la cohorte III Batavorum miliaria qui, en 107, était en Rhétie (C. I. L., III, p. 867). Pour la cohorte I Lepidiana civium Romanorum, voir plus haut.

[424] Voir chapitre VII.

[425] Nous ignorons pourquoi, le 9 juin 83 (Ephem. epigr., V, p. 612), les soldats des troupes auxiliaires d’Égypte, qui avaient atteint ou dépassé leurs vingt-cinq années de service, ne reçurent pas leur congé en même temps que le droit de cité.

[426] Voir Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 392 ; von Gutschmid, Geschichte Irans, p. 132-133.

[427] Tacite, Hist., II, 82 ; IV, 51. Suétone, Vespasien, 6. Josèphe, Guerre de Judée, VII, 5, 2.

[428] Dion Cassius, LXVI, 15. Suétone, Domitien, 2.

[429] Dion, LXVI, 11.

[430] Josèphe, Guerre de Judée, VII, 7, 1. Marquardt, Staatsverwaltung, I, 2e édit., p. 399.

[431] Suétone, Vespasien, 8. Josèphe, VII, 1, 3. Marquardt, I, p. 367.

[432] Journal asiatique, série VI, t. XIII, 1869, p. 96.

[433] Stace, Silves, I, 4, 79 :

[Rutilium Gallicum timuit]

Armenia et patiens Latii jam pontis Araxes.

Voir Mommsen, Römische Geschichte, V, p. 395, n. 2.

[434] Voir Waddington, Fastes des provinces asiatiques, n° 100.

[435] Peut-être y eut-il alors de réelles hostilités entre les Romains et les Parthes. Quelques mots de Stace sembleraient l’indiquer le poète parle d’heureuses nouvelles militaires venues du bord de l’Euphrate (Silves, V, 1, 89) ; cf. IV, 3, 110 : Eoæ citius vente laurus.

[436] Pacorus semble avoir régné fort longtemps, peut-être de 78 à 110 ; voir von Gutschmid, Geschichte Irans, p. 137 et 140.

[437] Pline (Correspondance avec Trajan, 74) nous apprend qu’un certain Callidromus, fait prisonnier par les Daces, avait été envoyé en présent par Décébale à Pacorus qui retint cet homme pendant plusieurs années.

[438] Stace disait à Vitorius Marcellus, en passe de devenir légat de légion (Silves, IV, 4, 61) :

Forsitan Ausonias ibis frenare cohortes...

aut lustrant servare latus metuendaque portæ

limina Caspiacæ.

[439] Martial (IX, 35, 3 vers publiés on 94), dit à un nouvelliste :

[Scis quid in Arsacia Pacorus deliberet aula.

Tu sais ce qu'a décidé, dans son conseil, le roi des Parthes, Pacorus.

Il disait vers l’année 92, à Mæcius Celer, nommé légat d’une légion de Syrie (Silves, III, 2, 136) :

Te [reversus narrabis] rapidam Euphratem et regia Bactra sacrasque

antiquæ Babylonis opes et Zeugma, Latinæ

pacis iter.

[440] Voir de la Berge, Trajan, p. 149 et suiv.

[441] Silves, IV, 3, 153 et suiv. (vers écrits en 95).

[442] Puniques, III, 612 et suiv. (ces vers furent écrits après 92, car, dans le même passage, le poète fait allusion à la guerre suévo-sarmatique).

[443] Voir encore Stace, Silves, IV, 1, 39 et suiv. (vers écrits en 95) :

Mille trophaca fores, tantum permitte triumphos !

Restat Bactra novis, restat Babylona tributis

frenari : nondum in gremio Jovis Indica laurua,

nondum Arabes, Seresque rosant.

Si l’Apocalypse de salut Jean a été écrite, comme le vent la tradition, à la fin du règne de Domitien, on pourrait y voir une trace des craintes que l’attitude menaçante des Parthes inspirait au monde romain (Apocalypse, IX, 14 et suiv.).

[444] Hérodote les y indique déjà (II, 32 ; IV, 172).

[445] XI, 19, p. 500, édition Pinder. — Il n’y a pas lieu de tenir compte d’un passage de Dion Cassius (LXVII, 5) sur le roi Masyos : ce personnage était roi des Semnons et non des Nasamons, comme on l’a cru, en corrigeant à tort le texte.

[446] Cela est possible, mais on ne doit pas oublier que ces Nasamons étaient des pillards que les Romains avaient déjà dû punir (voir Lucain, Pharsale, IX, 438 et suiv. ; Silius Italicus, Puniques, I, 40 et suiv. ; Scoliaste de Denys le Périégète, dans les Geographi græci minores, édit. Müller, II, p. 440 ; Eustathe, Commentaires de Denys le Périégète, ibid., p. 253 ; Josèphe, De bello Judaïco, II, 14, p. 120 de l’édition Dindorf).

[447] Zonaras dit simplement Flaccus. Dans le premier nundinum de 87, les Actes des Arvales (C. I. L., VI, 2065) indiquent comme suffect de l’empereur C. Calpu..., c’est-à-dire, sans aucun doute, Calpurnius. M. Asbach (Bonnische Jahrbücher, LXXIX, 1885, p. 121) voit dans ce personnage Calpurnius Flaccus, ami de Pline le Jeune (Lettres, V, 2), et fait observer qu’il était naturel de récompenser Flaccus de sa victoire récente en lui conférant le consulat. Mais ces rapprochements sont loin de s’imposer. Rien ne prouve, en somme, que le C. Calpurnius, consul en 87, s’appelât Flaccus. On peut penser à Calpurnius Crassus qui conspira contre Nerva et Trajan (Stevenson, Bullettino dell’ Instituto, 1885, p. 23-24) ou à un Calpurnius Piso.

[448] Eusèbe, édition Schöne, p. 160,161 : Nasamones et Daci bellum cum Romanis commiserunt et concisi sunt, à l’année 2101 (1er oct. 84 - 30 septembre 85) ou à l’année 2102 (1er oct. 85 - 30 sept. 86). Mais l’année 2102 semble devoir être préférée.

[449] Les salutations X-XIV ; voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 25-26.

[450] Cf. Ælius Aristide, Lettre sur Smyrne, I, p. 765, édition Dindorf. Il parle d’un empereur qui aurait dit, en jouant aux dés, qu’il ne voulait plus que les Nasamons existassent : pour lui obéir, on massacra ce peuple.

[451] Denys le Periégète, Description du monde, vers 208 et suiv., édition Müller, Geographi græci minores, II, p. 112. Denys écrivait sous Hadrien (voir Leue, Philologus, XLII, 1883, p. 175 et s.).

[452] Ptolémée, IV, 5, 21 et 30. Pausanias, I, 33, 5. Cf.  Vivien de Saint-Martin, Le Nord de l’Afrique dans l’antiquité, p. 47-48.

[453] έx τής Λιβόης στρατευσάμενον. Ce dernier mot indique qu’il ne s’agit pas simplement d’un marchand romain.

[454] Voir Duveyrier, Les Touareg du Nord, p. 276. Cf.  Barth, Travels and discoveries in north and central Arica, I, p. 156.

[455] Le Nord de l’Afrique dans l’Antiquité, p. 219 et suiv.

[456] Pline, V, 38 : Ad Garamantes iter inexplicabile adhuc fuit... Proximo bello quod cum Oeensibus gessere initiis Vespasiani Imperatoris, compendium vise quatridui deprehensum est.

[457] Frérot, Observations générales sur la géographie ancienne, édition Walckenäer, p. 114. Marcus, dans sa traduction de la Géographie ancienne des États barbaresques de Mannert, p. 217. Vivien de Saint-Martin, Le Nord de l’Afrique dans l’antiquité, p. 223. Pallu de Lessert, Recueil de la Société archéologique de Constantine, XXV, 1888, p. 39-40.

[458] Une inscription, découverte récemment entre Tôzeur et Gafsa, date de 97, elle fait connaître un castelius (= cestellum) Thigensium, avec la mention de Q. Fabius Barbarus Valerius Magnus Julianus ; légat d’Auguste propréteur (Héron de Villefosse, Comptes rendus de l’Académie des inscriptions, 1891, p. 293). Une borne milliaire du temps de Nerva (C. I. L., VIII, 10016), trouvée aux environs de Gabès (Tacape), jalonnait une route unissant Tacape à Leptis Magna (Lebda).