HISTOIRE ANCIENNE DE L'AFRIQUE DU NORD

TOME I — LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE - LES TEMPS PRIMITIFS - LA COLONISATION PHÉNICIENNE ET L’EMPIRE DE CARTHAGE

LIVRE PREMIER — LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE

CHAPITRE III — LE CLIMAT DE L’AFRIQUE DU NORD DANS L’ANTIQUITÉ

 

 

— I —

Le climat de l’Afrique du Nord s’est-il modifié depuis l’antiquité ? Cette question a été souvent posée[1], et les réponses ne concordent pas. Nous devons l’examiner de très près, car elle est fort importante. Pendant une partie de l’époque dont nous écrivons l’histoire, l’Afrique septentrionale a joui d’une grande prospérité agricole : il s’agit de savoir si cette prospérité a eu pour cause principale un climat plus favorable à la culture que le climat d’aujourd’hui, ou si elle a été surtout l’œuvre de 1’intelligence et de l’énergie des hommes : si nous devons nous borner à regretter un passé qui ne revivra plus, ou lui demander au contraire des leçons utiles au temps présent.

Indiquons tout d’abord les traits généraux du climat actuel[2].

L’Afrique du Nord est située dans la zone tempérée boréale, mais dans la partie méridionale de cette zone. Elle est comprise en effet entre le 29° de latitude Nord (extrémité occidentale de l’Anti-Atlas) et le 37° (extrémité Nord-Est de la Tunisie). Elle appartient donc à l’aire des pays chauds. Cependant le voisinage ou l’éloignement de la nier et la diversité des altitudes y déterminent des différences de température bien marquées.

Cette contrée offre une très grande étendue de côtes, le long desquelles l’influence régulatrice de la mer établit un climat où les maxima de chaleur et de froid ne présentent pas de grands écarts. Il est rare que le thermomètre descende au-dessous de zéro, du moins dans le cours de la journée, et qui il s’élève au-dessus de 30 degrés centigrades. Il faut néanmoins tenir compte, même à proximité du littoral, des refroidissements nocturnes, qui sont causés par le rayonnement dans les temps clairs, fréquents en Afrique, et qui affectent la couche inférieure de l’atmosphère, jusqu’à une hauteur d’environ un mètre ; il arrive souvent en hiver, et parfois même au printemps, que la température, pendant une partie de la nuit, tombe au-dessous de zéro dans le voisinage du sol[3]. Ces refroidissements peuvent être funestes à la végétation. En été, l’humidité de l’air est pénible pourtant, elle atténue l’ardeur des rayons du soleil, modère l’évaporation, et, quand le siroco sévit, tempère sa brûlante sécheresse. De mai à septembre, la brise de mer souffle au milieu de la journée et apporte une fraîcheur bienfaisante[4].

Mais l’Afrique du Nord est, dans son ensemble, un pays de hautes terres. A mesure qu’on s’élève et qu’on s’éloigne du littoral, l’écart entre les températures extrêmes augmente, en hiver, le thermomètre peut descendre dans la journée à 9 degrés à Tiaret, 11 à Sétif,13 à Batna, 5 au Kef, 6 à Maktar. Les froids nocturnes que le rayonnement provoque à la surface du sol sont souvent très vifs, même au printemps, dans une saison où la gelée est particulièrement redoutable aux cultures. Dans les jours d’été la transparence de l’atmosphère laisse toute leur force aux rayons du soleil ; la chaleur et l’évaporation sont intenses. Mais la fraîcheur des nuits exerce une action tonique sur les hommes et les animaux ; le rayonnement produit des rosées, qui réparent, dans une certaine mesure, les effets de l’évaporation diurne.

Parmi les vents, le siroco présente des caractères spéciaux. Ce nom, qui parait venir du grec (d’un mot signifiant dessécher), est donné, dans l’Europe méridionale et quelquefois même dans l’Afrique du Nord, à des vents d’hiver humides et chauds. Il en est résulté des confusions. Conformément à l’étymologie qui vient d’être indiquée, il convient de réserver le nom de siroco à un vent sec. Tantôt il ne se manifeste que sur une étendue tris limitée, tombant verticalement, sans perturbation apparente de l’atmosphère, et durant en général peu de temps. Tantôt c’est un vent d’origine saharienne, dont la direction varie par conséquent du Sud-Est au Sud-Ouest. Il peut traverser la mer et s’avancer jusqu’aux côtes méridionales de l’Espagne et au centre de l’Italie. Il souffle avec violence, obscurcissant l’air par les poussières qu’il entraîne, pompant l’humidité, amenant une chaleur de four, sauf lorsqu’il passe sur des montagnes couvertes de neige. Quoiqu’il puisse éclater en toute saison, il se déchaîne surtout en été et dure soit quelques heures à peine, soit plusieurs jours[5]. Son influence sur les êtres vivants est déprimante. Il dessèche la végétation et est particulièrement redoutable à la vigne ; les céréales, moissonnées au début de l’été, sont moins exposées à ses ravages[6].

Le siroco mis à part, les vents qui dominent pendant l’hiver sont ceux du Sud-Ouest et de l’Ouest au Maroc, du Nord-Ouest en Algérie et en Tunisie. Dans cette saison, ceux du Sud-Ouest et de l’Ouest sont fréquents aussi en Algérie. Les vents dominants d’été viennent du Nord et du Nord-Est au Maroc et en Algérie, du Nord-Est et de l’Est sur la côte orientale de la Tunisie[7].

C’est la quantité plus ou moins forte des pluies et leur répartition plus ou moins favorable à la végétation, beaucoup plus que la qualité des sols, qui font la valeur économique des régions : pays de cultures et d’arbres ; steppes où ne poussent que des plantes permettant l’élevage d’espèces animales sobres ; enfin déserts.

Les pluies sont amenées dans l’Afrique septentrionale par les vents du Sud-Ouest, de l’Ouest et du Nord-Ouest, qui, ayant passé sur de vastes surfaces marines, arrivent chargés de vapeur d’eau. En Algérie, pays où les conditions météorologiques ont été assez bien étudiées, on à constaté que les précipitations les plus fréquentes, les plus abondantes et les plus étendues sont dues aux vents du Nord-Ouest.

La saison pluvieuse coïncide à peu près avec l’hiver, en y comprenant la seconde moitié de l’automne et le début du printemps, entre les mois d’octobre-novembre et d’avril-mai : c’est la période de l’année où les vents dont nous venons de parler dominent et où la vapeur d’eau qu’ils contiennent, rencontre au-dessus des terres africaines des températures plus ou moins froides, qui la forcent à se condenser. Il y a souvent dans cette saison deux époques de précipitations plus abondantes, deux maxima séparés par une période de sécheresse.

Entre mai et octobre, les pluies tombent rarement et sont de courtes ondées, d’ordinaire sous forme d’orme. Elles font presque entièrement défaut en juillet et en août. Les vents dominants du Nord-Est et d’Est ne trouvent pus, au-dessus du sol surchauffé, les conditions atmosphériques nécessaires il la condensation de la vapeur d’eau dont ils se sont imprégnés en passant sur la Méditerranée. Les chaleurs précoces provoquera sur les montagnes la fusion rapide des musses neigeuses, qui, dans des pues plus septentrionaux, constituent des réserves, alimentant les rivières à la fin du printemps et pendant une partie de l’été. Les neiges disparaissent en mai des hauts sommets de la Kabylie. Elles durent plus longtemps sur l’Atlas marocain, beaucoup plus élevé, et ont une influence heureuse sur le débit des cours d’eau ; mais, même dans cette région, elles ont à peu près achevé de se fondre en juillet, sauf peut-être dans des anfractuosités que le soleil ne chauffe pas[8]. On sait ce que sont en été la plupart des rivières de l’Afrique du Nord.

Cette saison sèche est, il est vrai, un peu atténuée par l’humidité que la brise de mer porte parfois assez loin dans l’intérieur, et aussi par les rosées, Quand elle n’empiète pas trop sur l’automne et sur le printemps, elle n’entrave pas la culture des céréales, dont le développement a lieu pendant la saison des pluies. Elle ne peut être que profitable à la vigne et à l’olivier et, d’une manière générale, elle ne nuit guère à la végétation arbustive, assez résistante peur la supporter. Mais elle, crée de grosses difficultés il l’élevage.

Quant à la saison humide, elle se présente avec des irrégularités qui font courir des risques graves à l’agriculture. Quelquefois les pluies manquent presque entièrement c’est heureusement l’exception. Pour un même lieu, les variations dans la hauteur totale des chutes sont souvent très fortes d’un hiver à l’autre, sans qu’on puisse expliquer les causes de ces différences[9].

Mais la quantité des pluies a beaucoup moins d’importance que leur répartition. A Sidi bel Abbès, la moyenne annuelle des pluies n’atteint pas 0 m. 400, mais, grâce à leur bonne répartition, les récoltes donnent presque toujours les meilleurs résultats[10]. Il faut surtout que l’eau du ciel tombe en octobre-novembre, afin qu’on puisse labourer les terres desséchées et faire les semailles, puis en mars-avril, afin que les plantes déjà formées s’imbibent de l’humidité nécessaire pour résister au soleil déjà chaud et achever leur maturité. Dans l’intervalle, il faut des alternatives de pluie et de beau temps[11]. Or, souvent, les pluies d’automne se font attendre, ce qui retarde les semailles et, par contrecoup, l’époque de la maturité, qui doit s’effectuer lorsque le soleil est devenu très ardent et après la date normale du maximum des pluies printanières, Souvent, la sécheresse, se prolongeant pendant des semaines et même des mois[12], empêche la germination des grains et la croissance des plantes. Enfin, les pluies de printemps, décisives pour la récolte des céréales, peuvent manquer tout a fait ou être très insuffisantes.

Ces pluies si capricieuses ne sont pas toujours bienfaisantes. Elles ont fréquemment une allure torrentielle. C’est ce qui explique par exemple, pourquoi Alger, avec cent jours de pluie, a une tranche d’eau supérieure à celle de Paris, où la moyenne des pluies est de cent quarante jours (Alger, 0 m. 642 ; Paris, 0 m. 594)[13]. Au lieu de pluies fines et prolongées, qui humectent le sol sans l’inonder et le bouleverser, qui pénètrent jusque dans les profondeurs et y forment des nappes d’où jaillissent les sources, de véritables trombes se précipitent. Alors, surtout dans les terrains argileux, nombreux en Afrique, les eaux ruissellent rapidement sur les surfaces inclinées, sur les sols durcis par le soleil. Dans les ravins où elles convergent, des torrents se gonflent et roulent avec d’autant plus de force que les pentes sont souvent très raides et les différences de niveaux brusques dans cette contrée tourmentée ; ils entraînent d’abondantes quantités de terre végétale, provoquent des éboulements, creusent de profonds sillons, causent par leurs inondations de grands ravages ; presque aussitôt après, leur lit est vide. Ces méfaits du ruissellement ont été aggravés, depuis des siècles, par le déboisement, dont nous aurons à reparler[14]. Les surfaces planes peu perméables, sur lesquelles les eaux de ces pluies sauvages tombent directement du ciel ou dévalent des montagnes, se transforment subitement en des lacs, qui, du reste, disparaissent vite ; car l’évaporation est très forte par suite de l’ardeur du soleil, fréquemment aussi de la violence du vent[15]. Dans des terres plus faciles à pénétrer, il arrive que le sut se détrempe tellement que les labours d’automne se font dans de Mauvaises conditions, que les grains enfouis dans les champs et les racines naissantes pourrissent.

Les précipitations torrentielles prennent parfois la forme d’orages de grêle, qui sévissent dans les pays élevés du Tell, c’est-à-dire de la partie cultivable de la Berbérie. Ils ont lieu principalement en hiver et au printemps : dans cette dernière saison, ils peuvent être fort nuisibles à la végétation.

Les différentes régions de l’Afrique du Nord reçoivent des quantités de pluie fort diverses. Par exemple, à Aïn Draham, en Khoumirie, la moyenne annuelle est de 1 m. 641 ; à Philippeville, de 0 m. 766 ; à Constantine, de 0 m. 632 ; à Batna, de 0 m. 399 ; à Tébessa, de 0 m. 344 ; à Biskra, de 0 m. 170[16]. Ces inégalités tiennent à plusieurs causes : voisinage ou éloignement de la mer : différences d’altitude : accès plus ou moins facile que tel un tel pays offre par son exposition aux courants atmosphériques chargés de vapeur d’eau.

Les vents humides viennent, nous l’avons dit, du Sud-Ouest, de l’ouest et du Nord-Ouest, après avoir passé soit sur l’Océan, soit sur la Méditerranée. Les côtes occidentale et septentrionale du Maroc, les côtes de l’Algérie, la côte septentrionale de la Tunisie, que ces vents rencontrent tout d’abord, sont donc favorisées sous le rapport des pluies. Cependant elles ne le sont pas d’une manière uniforme. En face du Maroc et de la province d’Oran, la Méditerranée est beaucoup moins large qu’en face des provinces d’Alger et de Constantine et de la Tunisie ; elle offre par conséquent un champ d’évaporation moins vaste. A l’angle Nord-Ouest du Maroc, cet inconvénient est compensé par les cents qui viennent de l’Océan[17]. Mais, plus à l’Est, les vents du Sud-Ouest qui arrivent jusqu’à l’Oranie se sont dépouillés de la majeure partie de leur humidité sur l’Atlas marocain ; d’autre part, les vents, particulièrement pluvieux, du Nord-Ouest atteignent le rivage africain après s’être presque débarrassés de leur vapeur d’eau sur les hautes montagnes du Sud de l’Espagne, et sans avoir pu la remplacer suffisamment dans leur courte traversée de la Méditerranée[18]. Plus loin vers l’Est, et a peu près depuis l’embouchure du Chélif, ils se chargent d’humidité au-dessus de la mer intérieure, qui s’élargit de plus en plus, et ils viennent aborder de front le littoral, presque perpendiculaire à la direction qu’ils suivent. Il en résulte une augmentation des pluies, surtout au pied des massifs montagneux de la grande et de la petite Kabylie. Les moyennes sont, à Ténus, de 0 m. 594 ; à Alger, de 0 m. 766 ; à Bougie, de 1 m. 306 ; a Djidjeli, de 1 m. 007 ; à Bône, de 0 m. 738 ; à la Calle, de 0 m. 861 ; à Tabarca, de 1 m. 094.

Quant à la côte orientale de la Tunisie, les vents pluvieux d’hiver ne l’atteignent qu’après avoir soufflé sur des espaces terrestres auxquels ils ont abandonné la plus grande partie de leur vapeur d’eau. Aussi les moyennes annuelles y sont-elles beaucoup moins élevées : 0 m. 471 à Tunis, 0 m. 413 à Sousse, 0 m. 246 à Sfax, 0 m.190 à Gabès[19].

Soit dans le voisinage de la mer, soit à l’intérieur des terres, il faut tenir compte des altitudes pour expliquer les différences des précipitations. On sait que les montagnes provoquent la formation des pluies : les courants qui viennent les heurter se refroidissent par le mouvement d’ascension qu’ils subissent et par la rencontre de températures plus basses que la leur ; ce qui amine la condensation de la vapeur qu’ils contiennent et des chutes d’eau, ou, si l’air est au-dessous de zéro, des chutes de neige. Plus le massif est élevé, plus la barrière qu’il présente aux vents humides est abrupte, plus les précipitations sont abondantes. Mais les montagnes sont de véritables écrans, qui arrêtent la pluie, d’une manière plus ou moins complète, au détriment des pays qui s’étendent en arrière, surtout si ces pays sont des dépressions brusques et profondes : les courants, qui se sont déchargés d’une grande partie de leur humidité en gravissant les pentes, s’échauffent dans leur mouvement descendant et la vapeur d’eau qu’ils contiennent encore ne se condense que très difficilement. On peut poser en principe que, dans l’Afrique septentrionale, les côtés Nord-ouest et Nord d’une chaîne, d’un massif reçoivent beaucoup plus de pluie que les côtés Sud et Sud-Est.

Il s’ensuit qu’à proximité du littoral, les régions à altitude élevée ont, en règle générale, un climat d’hiver plus humide que les terres basses. A Fort-National, dans la grande Kabylie, il tombe 1 m. 121 de pluie ; à Taher, dans la petite Kabylie, 1 m. 153 ; le maximum est atteint en Khoumirie, à Aïn Draham, où, à une altitude de 1.019 mètres, on a constaté une moyenne de 1 m. 641[20]. Au contraire, certaines régions très voisines de la côte ne reçoivent que des précipitations peu abondantes, si des montagnes empêchent l’accès des vents humides. Tel est le cas de la vallée du Chélif, dépression séparée de la mer, au Nord, par les terrasses et les chaînes du Dahra, dominée en outre au Sud par le massif de l’Ouarsenis, qui attire les nuages : à Orléansville, la moyenne est de 0 m. 442. Il en est de même de la vallée profonde de la Soummane, au Nord et au Nord. Ouest de laquelle le Djurdjura forme nue puissante barrière. En arrière de la Khoumirie, la tranche annuelle s’abaisse à 0 m. 478 dans la plaine de la Medjerda, à Souk et Arba.

A l’intérieur, la diminution des pluies devrait être en proportion de la distance qui sépare les diverses régions de la mer, d’où viennent les courants humides, si le relief du sol et l’exposition ne déterminaient pas des variations importantes. Lorsque le relief est disposé de telle sorte que des plans successifs s étagent, se présentant de front aux vents chargés de vapeur d’eau, lorsque des couloirs inclinés vers la côte ouvrent à ces vents des voies d’accès, les pluies peuvent pénétrer fort loin. Ainsi, la partie centrale de la Tunisie, avec ses hautes plaines, avec ses plateaux, coupés par des vallées encaissées, avec le rempart que forme la chaîne Zeugitane, offre une aire étendue de condensations ; quoique les montagnes situées plus au Nord enlèvent aux vents une bonne partie de leur humidité, elles ne sont pas assez élevées pour l’accaparer. Le Kef reçoit 0 m. 513 de pluie ; Souk el Djemaa, 0 m. 508. Nous avons dit qu’en Algérie, le couloir de la vallée de la Mina permet aux courants humides de parvenir facilement à la région de Tiaret, où la haute altitude est favorable aux condensations[21] : la moyenne est de 0 m. 744. Loin dans le Sud, les massifs montagneux importants provoquent des recrudescences de pluie. Tandis que, dans les steppes des provinces d’Alger et d’Oran, les chutes ne dépassent guère 0 m. 200, elles atteignent presque le double dans l’Atlas saharien, qui forme la bordure méridionale de ces steppes : 0 m. 389 à Géryville, 0 m. 380 à Djelfa.

Mais, en arrière, c’est-à-dire au Sud et au Sud-Est des écrans que forment les montagnes dé l’intérieur, la diminution des pluies s’accuse nettement : 0 m. 398 à Sidi bel Abbés, derrière la chaîne du Tessala ; 0 m. 453 à Sétif, derrière le massif des Babors (où la moyenne dépasse un mètre) ; 0 m. 269 à Bou Saada, dans la dépression du Hodna, bordée au Nord par un cercle de hautes montagnes ; 0 m. 450 environ dans l’Enfida, derrière la chaîne Zeugitane ; moins encore à Kairouan (0 m. 361[22]). Au Sud du Maroc, immédiatement en arrière du rempart énorme de l’Atlas, le ciel est serein presque toute l’année dans la région de l’oued Sous et sur la lisière septentrionale du Sahara. Laghouat et Biskra, situées au pied méridional de l’Atlas saharien, ne reçoivent que 0 m. 187 et 0 m. 170 de pluie.

Ainsi, existence d’une saison presque entièrement sèche pendant quatre mois au moins (la durée de cette saison varie suivant les pays) ; quelquefois, sécheresse presque absolue pendant toute l’année ; fréquemment, au cours de la saison humide, insuffisance et mauvaise répartition des pluies, périodes de sécheresses prolongées ; régime torrentiel des chutes ; évaporation abondante et rapide ; distribution fort inégale des pluies sur les régions hautes ou basses, accidentées ou plates qui s’enchevêtrent souvent dans un grand désordre : tels sont les caractères principaux du climat actuel de l’Afrique septentrionale.

 

— II —

Quel était le climat de cette contrée dans l’antiquité ?

Depuis l’apparition de l’homme (les historiens n’ont pas à remonter plus haut), il s’est assurément modifié. A l’époque pleistocène ou quaternaire, pendant la période à laquelle appartiennent les plus anciens outils de pierre trouvés en Afrique, il devait être, d’une manière générale, plus chaud et plus humide qu’aujourd’hui[23], comme l’indiquent les ossements de certains animaux, recueillis avec ces instruments : éléphants (de l’espèce dite Elephas atlanticus), rhinocéros, hippopotames[24]. Le Sahara, sains doute plus sec que la région méditerranéenne[25], n’était cependant pas un désert[26]. Il est permis de supposer qu’il a pu être traversé par des animaux qui ont besoin de quantités abondantes d’eau[27], car on a constaté l’identité d’un certain nombre d’espèces qui existaient alors en Berbérie et qui rivent encore aujourd’hui au Soudan et dans l’Afrique australe[28].

Un climat chaud et très humide régna dans l’Europe centrale pendant une partie de l’époque quaternaire, dans le long intervalle de deux périodes glaciaires ; c’est alors qu’apparaissent dans cette contrée les plus anciens vestiges de l’industrie humaine. Puis vint une période de froid humide, suivie d’un climat à la fois sec et froid, caractérisé, au point de vue de la faune, par le renne ; les cavernes servirent de demeures aux hommes. Ce refroidissement dut aussi se faire sentir dans l’Afrique du Nord, y causant la disparition[29] ou la diminution de quelques espèces animales, amenant peut-être l’homme à s’abriter sous des grottes. Mais il fut beaucoup moins marqué que dans le centre de l’Europe[30]. Il n’y a probablement jamais eu de glaciers en Berbérie, même sur les montagnes très élevées de l’Atlas marocain[31].

Il est bien difficile de dire ce qu’a été exactement le climat de l’Afrique septentrionale pendant la longue série de siècles qui s’écoula entre cet âge primitif de l’humanité et l’époque à laquelle appartiennent les documents historiques les plus anciens, c’est-à-dire le milieu du premier millénaire avant Jésus-Christ. On peut seulement constater que, dans le Tell, la faune qui accompagne les restes de l’industrie paléolithique la plus récente et de l’industrie néolithique vit, ou pourrait vivre encore dans le pays ; des espèces aujourd’hui disparues ne sont que faiblement représentées[32]. Notons, d’une part, l’abondance des débris d’œufs d’autruche, animal auquel un ciel trop humide ne convient pas[33] ; d’autre part, celle des escargots, qui ne s’accommodent point d’un air trop sec. Les stations, les ateliers, a ciel ouvert ou dans des abris sous roche, que l’on a rencontrés sur divers points du Tell, occupaient des lieux où les conditions climatériques permettraient encore de fonder des établissements permanents[34].

Au Sud de la Berbérie, dans l’Oranie surtout, existent des gravures rupestres, exécutées, au moins en partie, dans les derniers temps de l’industrie néolithique. Elles semblent indiquer qu’un climat assez différent du climat actuel régnait alors dans les montagnes qui bordent le Sahara : les éléphants et les grands buffles apparaissent fréquemment parmi les animaux représentés[35]. De nos jours, l’Atlas saharien n’est pas assurément un pays désertique : il tombe prés de 400 millimètres de pluie dans le djebel Amour[36], autant qu’à Sidi bel Abbés, presque autant qui à Sétif et à Sousse ; les sources n’y manquent pas et on y voit des forêts et de bons pâturages. Il est cependant peu probable que des troupeaux d’éléphants y trouveraient encore, pendant la saison chaude, l’alimentation liquide et solide nécessaire à leur existence. Quant aux buffles, qui se baignent en été et craignent la chaleur sèche, on ne voit guère comment ils pourraient vivre dans l’Atlas saharien. L’hypothèse d’une modification de climat dans cette région n’est donc pas invraisemblable.

Le Sahara est en dehors de la contrée qui fait l’objet de notre étude. Pourtant il ne sera pas inutile d’en parler ici, au moins brièvement, car le climat de cette partie de l’Afrique a pu s’étendre ou exercer une influence plus ou moins marquée sur les pays qui l’avoisinent au Nord.

C’est un fait bien connu que des stations et des ateliers dits préhistoriques se rencontrent, en nombre vraiment extraordinaire, dans le Nord du grand désert[37]. L’importance de beaucoup de ces établissements atteste qu’ils ont été occupés pendant fort longtemps, soit d’une manière permanente, soit par intermittences. On y trouve des mortiers, des pilons, des rouleaux, qui servaient à écraser des grains[38]. Certaines parties du Sahara étaient-elles alors cultivables ? Ces découvertes permettent tout au moins de poser la question[39].

Les outils ; les armes en pierre que l’on a recueillis offrent, pour la plupart, des types néolithiques. Au Sud-Est de l’Algérie, dans l’Erg oriental, ils présentent une étroite parenté, souvent même une entière ressemblance avec ceux qui se rencontrent en Égypte et qui datent de plusieurs milliers d’années avant notre ère. Mais il serait imprudent d’établir un synchronisme entre les civilisations lithiques des deux contrées : il est possible, nous le verrons[40], que l’industrie de la pierre, conservant les mémé procédés, les mimes formes, se soit maintenue dans le Sahara plus longtemps qu’ailleurs.

Une population nombreuse a donc vécu dans le désert actuel pendant une période aux limites incertaines, mais très longue, qui descend peut-être jusqu’à l’époque historique et remonte sans doute beaucoup plus haut.

Il faut observer que les stations et ateliers du Sahara ne se trouvent guère que dans des régions qui sont encore ou ont été des dépressions, réceptacles naturels des eaux, plaines d’alluvions des anciens fleuves[41]. Mais ces vallées plus ou moins humides se creusaient à travers un pars, dont la climat était déjà assez sec pour que l’autruche y vécut[42] : des restes d’œufs de cet oiseau abondent dans presque toutes les stations néolithiques sahariennes.

Puis les dépressions elles-mêmes sont devenues de moins en moins habitables pour l’homme. Des dunes de sable, formées aux dépens des dépôts d’alluvions, façonnées par le vent, les ont peu à peu barrées, morcelées, obstruées, comblées[43]. L’eau qui coulait jadis à la surface ou à une faible profondeur est maintenant absorbée par les dunes et se cache sous le sol, ou bien elle s’évapore rapidement dans des cuvettes sans issue. Un peut cependant se demander si l’engorgement des vallées suffit à expliquer un changement aussi complet dans le régime hydrographique, si la diminution des pluies n’a pas contribué au dessèchement progressif du Sahara.

 

— III —

Passons à la période pour laquelle nous disposons de documents historiques. Elle commence, nous l’avons dit, au Ve siècle avant Jésus-Christ. D’autre part, l’invasion arabe, au VIIe siècle de l’ère chrétienne, marque, pour l’Afrique du Nord, la fin de l’antiquité.

Nous parlerons d’abord du Sahara[44]. Des textes, dont quelques-uns ont été souvent cités, prouvent que cette contrée était alors un désert. C’est Hérodote, indiquant, au delà de la zone maritime et de la zone habitée par des bêtes sauvages, une région de sables, terriblement sèche et vide de tout[45]..., une zone de sable, qui s’étend depuis Thèbes d’Égypte jusqu’aux Colonnes d’Héraclès[46]... Au delà, vers le midi et l’intérieur de la Libye, le pays est désert, sans eau, sans animaux, sans pluie, sans bois, et on n’y trouve aucune humidité[47]. C’est Théophraste, mentionnant la partie de la Libye où il ne pleut pas, avec des palmiers grands et beaux[48]. C’est Strabon, qui nous montre, au delà du littoral, la Libye intérieure, déserte, rocailleuse ; sablonneuse[49], stérile et sèche[50]. — La région, écrit Diodore de Sicile (III, 50), qui s’étend au Sud (de la Cyrénaïque)... est stérile et manque d’eau courante. Elle ressemble à une mer, ne présentant aux yeux aucune variété, entourée de déserts difficiles à franchir. On n’y voit ni oiseau, ni quadrupède, sauf la gazelle et le boeuf [c’est-à-dire, sans doute, l’antilope bubale], ni plante, ni rien qui puisse récréer le regard. Au loin, vers l’intérieur, la terre n’offre que des amas de dunes. — La plus grande partie de l’Afrique, dit à son tour Pomponius Mela (I, 31), est inculte et recouverte de sables stériles, ou déserte à cause de la sécheresse du ciel et des terres. Le vent violent du Sud y pousse les sables comme les vagues de la mer[51]. Citons enfin Sénèque[52] : Si les solitudes de l’Éthiopie[53] sont sèches et si l’on ne trouve dans l’intérieur de l’Afrique que peu de sources, c’est, dit-on, parce que la nature du ciel y est brillante et que l’été y règne presque toujours. Aussi les sables arides, qui ne reçoivent que rarement la pluie et la boivent sans retard, s’étendent-ils, sans arbres, sans cultures. Quoique ces divers passages[54] contiennent certains détails contestables, ils ne laissent aucun doute sur la nature désertique du Sahara à l’époque historique.

Il convient cependant d’observer qu’au delà du Maroc, en un point du littoral de l’Atlantique qui parait répondre à la Saguia et Hamra, entre les caps Juby et Bojador, le Carthaginois Hannon remonta un grand fleuve, émissaire d’un vaste lac ; celui-ci communiquait avec un autre grand fleuve, plein de crocodiles et d’hippopotames[55]. Ces indications, sur lesquelles nous reviendrons[56], montrent que, vers le Ve siècle avant notre ère, la région de la Saguia et Hamra offrait un aspect bien différent de celui qu’elle présente aujourd’hui. Mais d’autres textes prouvent aussi que le littoral de l’Océan, au Sud du Maroc, était déjà un désert[57], On doit chercher à expliquer par des causes particulières l’existence dey fleuves et du lac mentionnés par Hannon ; ou ne doit pas conclure de ses assertions que le Sahara, dans son ensemble, ait joui d’un climat beaucoup plus humide que de nos jours. Nous venons de citer les auteurs qui attestent le contraire.

Il est pourtant probable qu’on le traversait plus facilement. Si nous sommes très mal renseignés sur les relations que l’Afrique septentrionale a eues dans l’antiquité avec le Soudan, ce n’est pas une raison pour les nier[58]. Dès l’époque carthaginoise, des caravanes franchirent le Sahara[59]. Plus tard, vers la lin du premier siècle de notre ère, des troupes, conduites par des officiers romains et accompagnées par des Garamantes, firent de même[60]. Des pistes, partant du rivage des Syrtes, s’enfonçaient dans le désert. La grande prospérité des villes de la Tripolitaine, de Leptis Magna, d’Oea, de Sabratha, de Gigthi, de Tacapes[61], l’occupation par les Romains de certaines oasis, qui, au delà des frontières de l’empire, commandaient ces routes[62], ne s’expliquent guère que par un trafic actif avec le Soudan : trafic dont les maîtres du littoral profilaient et qu’ils cherchaient à protéger, mais qui ne pouvait pas se faire sans l’entremise des indigènes. Comme les Touaregs actuels, les Garamantes durent être les convoyeurs du Sahara[63].

Or, nous savons que l’emploi du chameau[64], comme bête de somme est assez récent dans le Nord de l’Afrique[65]. Il ne figure pas sur les gravures rupestres préhistoriques[66]. On ne connaît, selon M. Basset[67], aucun nom berbère qui le désigne. Il n’est jamais mentionné au temps de la domination carthaginoise[68]. Pline l’Ancien, qui parle des chameaux de la Bactriane et de l’Arabie, qui dit expressément que l’Orient est la patrie de ces animaux[69], parait ignorer leur existence dans l’Afrique septentrionale. Il y en avait cependant dans cette contrée dès l’époque de Jules César[70], mais on n’en faisait sans doute qu’un usage restreint[71]. Le premier texte qui nous montre un grand nombre de chameaux serrant à des transports, à la lisière du désert, date du Bas-Empire[72] ; il est confirmé par d’autres textes du VIe siècle[73] et par des documents archéologiques[74], qui sont aussi d’une époque tardive[75]. Peut-être des découvertes futures permettront-elles d’assigner une date plus reculée à l’emploi général du chameau dans les caravanes sahariennes[76], cependant le silence de Pline, qui était allé en Afrique, parait interdire de remonter plus haut que la fin du premier siècle[77]. Au temps d’Hérodote, au Ve siècle avant notre ère, c’était sur des chars attelés de quatre chevaux que les habitants du Fezzan actuel, les Garamantes, allaient donner la chasse aux Éthiopiens troglodytes[78], qui vivaient peut-être dans le Tibesti. Des éthiopiens occidentaux, établis sur la côte de l’océan, en face de l’île de Cerné, dans un pays privilégié, il est vrai, mais enveloppé par le désert, passaient pour de bons cavaliers, au IVe siècle avant Jésus-Christ[79]. Outre leurs chevaux, les Garamantes possédaient des bœufs[80], qui servaient de montures[81] et probablement de bêtes de somme. Ils ont pu employer aussi des ânes[82], quoique aucun texte n’en mentionne. Or, si le chameau peut rester une huitaine et même une dizaine de jours sans boire, le cheval, pour ne pas parler du bœuf[83], est beaucoup plus exigeant. Les indigènes qui s’avançaient à travers le Sahara à cheval ou sur des chars s’astreignaient-ils à emporter des provisions, destinées à abreuver et à nourrir leurs bêtes plusieurs jours ? C’est possible[84] : cependant on est en droit de supposer que les points d’eau, et aussi les pâturages, étaient alors moins espacés le long des pistes du désert. Leur nombre a pu diminuer par suite des progrès des dunes, qui s’accumulent de plus en plus dans les anciennes vallées du Sahara. Peut-être aussi les pluies qui alimentaient ces points d’eau sont-elles devenues plus rares. Mais il ne faut pas se faire illusion sur la fragilité d’une telle hypothèse.

 

— IV —

A-t-on au moins des raisons d’admettre que le climat se soit modifié à la lisière septentrionale du Sahara et dans la partie de la Berbérie qui borde le désert au Nord ? La Blanchère a écrit à ce sujet[85] : Il est une partie de la Libye du Nord où, certainement, s’est produit, et depuis les temps historiques, un grand changement hydrographique, hygrométrique, météorologique. Il est tout à fait hors de doute que le Sud de cette contrée, le Nord du Sahara, a été au moins en partie, une région très mouillée, pleine de marécages et, naturellement, de grands végétaux. Cette humidité s’étendait sur les espaces contigus. La cuvette des chotts, que les textes[86] ne nomment jamais que paludes, έλη : les fonds, également trempés, des plateaux les moins élevés ; le bassin de ce Nil, de ce Niger, de ce fleuve vague que les auteurs anciens entrevoient presque tous derrière la Berbérie ; la dépression qui existe en effet au pied de l’Atlas saharien ; les vallées, encore imprégnées, du djebel Amour, de l’Atlas Marocain ; les longs thalwegs de l’Igharghar, de l’oued Mia, de l’oued Ghir, de l’oued Djedi, ceux de l’oued Draa, de l’oued Guir, de l’oued Zousfana, qui, d’Igli à Figuig, est encore un marais : tout cela fut jadis une espèce de jungle, reliée ou non aux forêts du Nord... Comment s’est faite la transformation ? Comment la sécheresse a-t-elle triomphé, la flore disparue, la faune émigrée vers le Sud ? C’est ce que nous ne saurions dire. Mais il en a été ainsi... Au moment où l’Afrique du Nord est entièrement colonisée, l’agriculture, quand elle vient buter contre le Sahara, s’y heurte bien à un désert... Les colons le découvrent tel qu’il est aujourd’hui, en meilleur état toutefois, bien plus riche de sources, de puits et d’oasis.

L’étude des textes ne permet pas d’adopter cette opinion. De l’Océan jusqu’au fond de la grande Syrte, la plupart des témoignages grecs et latins, les plus anciens comme les plus récents, nous montrent une suite de régions sèches, véritables vestibules du désert. Nous les examinerons tout d’abord[87] ; puis nous apprécierons la valeur de ceux qui semblent les contredire.

Vers le cinquième siècle avant Jésus-Christ, Hannon longe le désert dès qu’il a dépassé le Lixos, c’est-à-dire l’oued Draa, au Sud du Maroc[88]. Au milieu du premier siècle de notre ère, le général romain Suétonius Paulinus le rencontre dès qu’il a franchi l’Atlas marocain, en s’avançant dans la direction du fleuve Ger, peut-être l’oued Guir d’aujourd’hui. Il trouve des solitudes de sable noir, où, çà et là, font saillie des roches qui paraissent brûlées ; quoique l’expédition ait lieu en hiver, ce pays est inhabitable à cause de la chaleur[89]. La rivière que le roi Juba identifiait avec le Nil et qui prenait sa source dans une montagne au Sud de la Maurétanie, non loin de l’Océan, coulait à travers une région déserte, brûlante, sablonneuse, stérile[90].

Au Sud du massif de l’Aurès, Vadis (aujourd’hui Badès) était située dans des sables secs, brûlés par le soleil[91].

Dans le Sud de la Tunisie[92], le chott et Djérid et le chott el Fedjedje n’étaient pas plus étendus dans l’antiquité que nos jours[93]. La croûte de sel qui forme la surface de ces lacs, ne s’est pas abaissée. Au milieu même du chott et Djérid, sur une piste, en rencontre un puits ancien (Bir el Menzof), obstrué depuis longtemps, qui s’alimentait par une nappe d’eau douce. Or le rebord de ce puits ne dépasse que de deux ou trois pieds le sol environnant[94]. Il est évident qu’autrefois la croûte saline qui permettait de l’atteindre ne devait pas, ou du moins, ne devait guère s’élever au-dessus du niveau actuel. La grande voie militaire, établie au début de l’ère chrétienne, qui reliait Tébessa à Gabès, franchissait l’extrémité Nord-Est du chott el Fedjedje, et une borne, placée au 155e mille, a été trouvée sur le bord du chott, près des dernières terres cultivables[95]. On peut en conclure que, comme aujourd’hui, il n’y avait à cet endroit que des efflorescences salines, faciles à traverser, même pour de lourds chariots.

Tacapes (Gabès) était, au témoignage de Pline, qui parait l’avoir visitée, une oasis au milieu des sables[96]. Au Sud des chotts, au Sud-Est de Gabès et le long de la route qui reliait l’Africa à la Cyrénaïque, on essayait de remédier à la pénurie de l’eau courante par des puits et des citernes, si nécessaires aux voyageurs que les Itinéraires anciens les mentionnaient[97]. C’eût été un prodige, au dire d’un poète africain, de voir les ravins des Syrtes apporter de l’eau à la mer[98]. Entre le rivale, où s’élevaient les villes de Sabratha et d’Oea, et le rebord du plateau saharien, il n’y a pas de ruines dans la région plate appelée aujourd’hui la Djeffara ; on ne pouvait pas plus y vivre autrefois qu’aujourd’hui[99]. Le littoral de la grande Syrte est, dit Strabon[100], un pays sablonneux, desséchée, stérile. Les vers de Lucain[101] décrivent cette côte, où il ne pleut pas, où la chaleur et la poussière s’opposent à toute végétation. Cinq cents ans plus tôt, Hérodote indiquait déjà[102] que le pays situé dans le fond de la verte était dépourvu d’eau[103].

Tel était le littoral. A l’intérieur, au delà de la bordure du plateau saharien, dont les falaises dominent à pic la Djeffara, c’était le désert brûlant, inhabitable, de vastes déserts, dit Pline[104], s’étendant dans la direction du pays des Garamantes ; des lieux tristes, où il n’y a nul moyen d’aller ni de vivre, dit Corippus[105]. Pour se rendre de la côte chez les Garamantes, il suivait des pistes jalonnées par des puits. Il suffisait aux indigènes de combler ces puits avec du sable pour supprimer les communications[106].

Citons maintenant quelques témoignages qui paraissent aller à l’encontre de ceux que nous venons d’indiquer.

Sur l’Atlantique, Hannon arrivant à l’embouchure du Lixos, qui vient, dit-il, de hautes montagnes, trouve un grand fleuve, sur les rives duquel des nomades font paître des troupeaux[107]. Le Lixos, on le sait, est l’oued Draa. Or, de nos jours, sauf dans des crues exceptionnelles, l’oued Draa n’apporte guère d’eau à la mer. Depuis le coude à partir duquel il se dirige vers l’Ouest, sur une longueur de 600 kilomètres, c’est d’ordinaire un large fossé, n’ayant qu’un cours souterrain. Sans doute, il faut tenir compte des irrigations qui saignent le fleuve dans la partie supérieure de son cours, mais, même si cette cause d’épuisement disparaissait, le courant n’atteindrait probablement pas l’Océan. Il semble bien qu’il en ait été autrement au temps d’Hannon : celui-ci n’aurait pas qualifié de grand fleuve un lit desséché[108]. Plus tard, Polybe (ou Agrippa), décrivant la côte, signalait des crocodiles dans le Daral, qui parait correspondre aussi à l’oued Draa[109]. Cela ferait croire que les montagnes qui alimentent ce fleuve et ses affluents, c’est-à-dire le Haut-Atlas et l’Anti-Atlas, recevaient plus de pluie qu’aujourd’hui[110].

Il y avait aussi des crocodiles dans une ou plusieurs rivières qui, comme l’oued Draa, sortaient de l’Atlas et que des anciens identifiaient avec le Nil[111]. Avaient-elles plus d’eau que n’en ont de nos jours l’oued Ziz ou l’oued Guir ? Il ne faudrait pas l’affirmer trop vite[112]. Des crocodiles pourraient vivre dans les rivières que nous venons de nommer ; il en vit encore en plein Sahara[113].

A peu de distance au Sud de l’oued Djedi, qui naît près de Laghouat et se prolonge vers l’orient jusqu’au Sud-Est de Biskra, on peut suivre, sur environ soixante kilomètres, la trace d’un gigantesque fossé. Il parlait de la rivière et on l’a naturellement regardé compte un ouvrage d’hydraulique agricole. S’il en était ainsi, il serait nécessaire d’admettre que l’oued Djedi fournissait un volume d’eau assez considérable pour suffire à des irrigations très étendues[114]. Mais on n’a retrouvé aucun débris de l’immense barrage de dérivation qu’il aurait fallu construire sur le lit de la rivière ; d’ailleurs, d’autres raisons portent à croire que ce fossé marquait une frontière romaine et qu’il est resté toujours à sec[115].

Sur les bords de l’oued Itel, dont le lit est parallèle à celui de l’oued Djedi, à une cinquantaine de kilomètres au Sud, existent des vestiges de bourgs, construits par des maçons indigènes. Pourtant les dispositions de certains ouvrages défensifs prouvent que l’un s’est efforcé d’imiter les forteresses romaines on byzantines. Sur le sol du ces anciens établissements gisent des fragments de poteries vernissées, de fabrication romaine. De nombreux lambeaux sont des tumulus, type de sépulture qui remonte sans doute a une haute antiquité ; mais on y a trouvé des objets en fer, des poteries vernissées. Ils ont probablement été élevés par les villageois voisins[116]. Il n’est pas certain que ces ruines datent toutes de la même époque, car les centres habités ont pu se déplacer. En tout cas, elles attestent, sinon un peuplement très dense, du moins des mœurs sédentaires, dans un pays qui n’est plus occupé que par des nomades, et seulement pendant une partie de l’année. Faut-il admettre un changement de climat ? Suffirait-il, au contraire, de faire des barrages sur la rivière, de creuser des puits, pour ranimer la vie passée ? C’est ce que nous ignorons.

Les ruines romaines abondent au Sud et au Sud-Est du massif de l’Aurès, comme aussi au Sud-Est de Gabès, entre les monts des Matmatas et la mer. Les anciens, nous le savons, ont choisi pour l’exploitation de ces régions des cultures exigeant très peu d’eau, et ils ont utilisé de la manière la plus judicieuse et la plus attentive, les ressources que pouvaient leur offrir les oueds descendant des montagnes, les pluies, les nappes souterraines. On est cependant tenté de se demander si ces vestiges ne témoignent pas d’une densité de population que ne comporterait point le climat actuel, dans des conditions semblables d’exploitation du sol et d’emploi de l’eau disponible[117].

Pline l’Ancien, après avoir décrit la province d’Afrique, parle des deux Syrtes. Pour aller, dit-il (V, 26), à la petite Syrte[118], il faut traverser des déserts de sable, infestés de serpents. Viennent ensuite des saltus[119], pleins d’un grand nombre de bêtes sauvages et, plus à l’intérieur, des solitudes où vivent des éléphants ; bientôt, de vastes déserts et, au delà, les Garamantes, qui sont éloignés des Augiles de douze journées de marche. D’après ces indications, les saltus et les lieux habités par des éléphants devaient se trouver entre le golfe de Gabès et le Fezzan, sur la bordure du plateau saharien, dans la zone appelée par les indigènes le Djebel (monts des Matmatas, djebel Douirat, djebel Nefousa)[120].

Des bois très épais sont signalés par Hérodote (IV, 173) à deux cents stades de la mer, à la colline des Grâces, d’où sort le fleuve Cynips[121], c’est-à-dire dans le pays situé au Sud de Lebda (autrefois Leptis Magna). Le même historien parle avec enthousiasme du pays parcouru par ce fleuve (IV, 198) : La région du Cynips vaut les meilleures terres du monde pour les céréales et ne ressemble en rien au reste de la Libye. Le sol est noir, arrosé par des sources ; il n’a pas à craindre la sécheresse, ni l’excès des pluies, car il pleut dans cette partie de la Libye. Le produit des récoltes y est avec la semence dans le mêm rapport que sur la terre de Babylone.... de trois cent pour un.

Les terres élevées qui dominent presque le rivage, en arrière de Lebda, arrêtent les vents chartes d’humidité et reçoivent quelques pluies. On y voit encore de belles plantations d’oliviers, de vastes champs d’orge, d’innombrable, troupeaux de moutons[122]. Ce ri est plus cependant le paradis décrit par Hérodote. Peut-être l’informateur de celui-ci a-t-il exagéré[123].

Quoiqu’elle reçoive aussi un peu de pluie, la région du Djebel est moins favorisée. Il serait sans doute impossible à des éléphants d’y vivre.

L’examen des textes et des documents archéologiques dont nous disposons peut donc autoriser quelques hésitations. Pourtant il parait certain que, dans le demi-millénaire qui précéda l’ère chrétienne et dans celui qui le suivi, la lisière septentrionale du Sahara était déjà une zone sèche. Mais il est permis de croire que les montagnes qui la bordent recevaient un peu plus de pluie. Elles accaparaient l’eau du ciel ; plus boisées peut-être qu’aujourd’hui[124], mieux garnies de terre végétale, elles emmagasinaient mieux cette eau, qui ressortait ensuite par des oueds, ou formait des nappes souterraines, qu’on atteignait par des puits.

 

— V —

Il nous reste à étudier le climat de la Berbérie proprement dite. On produit quelques arguments pour soutenir qu’il était plus humide dans l’antiquité que de nos jours.

C’est d’abord le dessèchement ou l’abaissement d’un certain nombre de sources et de puits[125]. Plusieurs causes peuvent être invoquées pour expliquer ces faits : 1° la diminution des pluies ; 2° l’aggravation du ruissellement, conséquence du déboisement, de la destruction des terrasses construites eu étages sur les pentes, de la diminution des étendues ameublies par les labours ; 3° les mouvements du sol, qui ont pu modifier ou obstruer les issues des sources et bouleverser les nappes souterraines : on sait que les tremblements de terre sont fréquents dans l’Afrique du Nord. Dans les deux dernières hypothèses, il s’agirait de phénomènes locaux, qui n’intéresseraient pas le climat. Ajoutons que l’assèchement de certains puits, la disparition de certaines sources ne sont sans doutes qu’apparents. Sources et puits sont simplement obstrués, par la faute des indigènes, qui négligent de les curer[126]. Bien différente était la conduite des anciens, qui recherchaient les sources avec beaucoup de soin ; il y avait, dans l’Afrique romaine et même vandale, des ingénieurs spéciaux (aquilegi) dont c’était le métier[127]. D’autres fois, le point d’émergence de la source est seule ment déplacé[128]. Ailleurs, on constate qu’une source cesse de couler pendant quelque temps, puis reparaît[129], qu’une autre, importante à l’époque romaine, mais aujourd’hui misérable, coulait assez abondamment il y a peu d’années[130] : ces caprices doivent être attribués soit à des mouvements de terrain, soit aux alternatives de périodes d’années pluvieuses et de sècheresse.

Il faudrait donc, pour que l’argument ait une réelle valeur, l’appuyer sur des constatations certaines, nombreuses et embrassant des régions étendues. Jusqu’à présent, on ne dispose que de quelques observations, faites, pour ainsi dire, au hasard[131]. Plusieurs méritent de ne pas être perdues de vue, bien qu’on ne puisse pas encore en tirer une conclusion générale, Dans le pays des Némenchas, au Sud-Ouest et au Sud de Tébessa, M. Guérin[132] a remarqué que de nombreux puits antiques, déblayés de nos jours, sont demeurés à sec. Entre Gafsa et Sfax et autour de Sfax, le nettoyage de beaucoup de puits n’a pas donné de meilleurs résultats[133]. Il s’agit, on le voit, de pays peu éloignés du Sahara.

La plupart des sources qui alimentaient des centres romains existent encore : c’est même pour cette raison que nos villages de colonisation s’élèvent presque toujours sur l’emplacement de ruines. Leur débit a-t-il diminué depuis une quinzaine de siècles ? Il nous est impossible de répondre avec précision, mais de rares constatations permettent de croire qu’en divers lieux, ce débit ne s’est pas modifié[134].

Cependant, dans certains pays, qui sont couverts de ruines attestant l’existence d’une population nombreuse, les sources sont rares aujourd’hui et très peu abondantes, ou bien elles manquent tout à fait. Tel est le cas pour les régions situées à l’Est de Saïda, au Sud et au Sud-Est de Tiaret[135], au Sud de Sétif, au Sud-Est de Khenchela, au Sud de Tébessa[136] et aussi pour la Tunisie méridionale. Il fendrait étudier très attentivement les moyens que les anciens ont employés dans ces différentes régions, clin de se procurer, indépendamment des sources, Peau dont ils avaient besoin et dont ils paraissent s’être servis surtout pour l’alimentation ; il conviendrait d’examiner si ces moyens ne permettraient pus encore un peuplement aussi dense. D’autre part, nous répéterons ici une observation déjà faite plus haut. Ces ruines peuvent se répartir sur une assez longue série de siècles[137]. Deux bourgs, dont les vestiges se rencontrent à peu d’intervalle, ne sont peut-être pas contemporains : l’un a pu remplacer l’autre. Il ne serait pas prudent d’additionner les populations de ces divers centres, pour essayer de fixer un total s’appliquant à une époque déterminée. Il n’y a donc pas là une preuve péremptoire de la diminution des sources et, par conséquent, des pluies.

On a fait observer que certaines foras sont en décadence que les vieux arbres y meurent d’épuisement, sans être remplacés, en quantité suffisante, par de jeunes sujets[138]. La diminution des pluies en serait cause. Là encore, une enquête minutieuse serait nécessaire pour déterminer quelle est la part des hommes et du bétail, et quelle est celle du climat dans le dépérissement progressif de ces forêts[139]. Si le dessèchement est réel, il importerait de déterminer dans la mesure du possible, quand il a commencé : il peut être dû à des causes récentes.

Enfin, on a souvent indiqué, comme preuve d’une modification de climat, l’existence de l’éléphant dans l’Afrique du Nord à l’époque antique.

Les textes mentionnant des éléphants dans cette contrée sont très nombreux et se rapportent à une période de plusieurs siècles[140]. Hannon en signale, vers le cinquième siècle avant Jésus-Christ, dans le Maroc actuel[141] ; Hérodote, au même siècle, dans le Rys qui, selon lui, se trouve a l’Occident du fleuve Triton, c’est-à-dire en Tunisie (IV, 191). Puis viennent Aristote, qui dit qu’il y a dans la région des Colonnes d’Héraclès des éléphants, comme en Inde[142] ; Aratharchide[143] ; Polybe, qui affirme que la Libye est pleine d’éléphants (XII, 3, 5) et raconte, d’après le roi Gulussa, fils de Masinissa, que, dans le Sud de l’Afrique (Berbérie actuelle), aux confins de l’Éthiopie, les défenses d’éléphants sont tellement abondantes qu’on s’en sert pour faire des poteaux, des haies, des clôtures de parcs à bestiaux[144] ; le poète Manilius (IV, 664) ; le roi Juba[145], auquel sont probablement empruntés, la plupart des passages d’Élien relatifs aux éléphants africains[146] ; Strabon, qui mentionne des éléphants en Maurusie (Maroc)[147] ; Pline, qui en indique dans le même pays[148], ainsi qu’au Sud des Syrtes ; Juvénal (XI, 124-5) et Lucien[149], qui parlent de l’ivoire que les Maures expédient à Rome et des bandes d’éléphants qu’on rencontre en Maurétanie[150].

On sait qu’au IIIe siècle avant notre ère, les éléphants jouèrent un rôle important dans les armées carthaginoises. Pour ne citer que quelques chiffres, Polybe en mentionne 140, employés en Sicile pendant la première guerre punique[151] ; Hannon et Hamilcar eurent il leur disposition 10 et 80 éléphants pendant la guerre des mercenaires[152] ; Asdrubal, gendre d’Hamilcar, en eut 200 en Espagne[153] ; Asdrubal, fils de Giscon, 140 dans l’armée qu’il commanda près d’Utique, en 204[154] : Hannibal, 80 à Zama[155]. Les remparts de Carthage renfermaient des écuries pour en loger 300[156]. Les rois numides et maures possédèrent aussi des éléphants de guerre. Dans une bataille, Jugurtha en perdit 44[157] ; Juba Ier en amena 120 aux Pompéiens pour combattre Jules César[158].

Ces éléphants étaient capturés dans l’Afrique du Nord. Appien (Lib., 9) raconte que dans la seconde guerre punique, lorsqu’on apprit que Scipion s’apprêtait à passer en Afrique, les Carthaginois envoyèrent Asdrubal, fils de Giscon, à la chasse aux éléphants : il ne dut pas aller les chercher loin de Carthage, car le temps qu’il mit à accomplir sa mission fut très court[159]. Un autre Asdrubal, peut-être le gendre d’Hamilcar, put pénétrer chez les Numides, sous prétexte d’y capturer des éléphants, qui abondent eu Numidie, ajoute Frontin[160]. Pompée chassa l’éléphant en Numidie[161]. Les éléphants que Juba Ier mit en ligne à la bataille de Thapsus sortaient à peine de la forêt[162]. Pline l’Ancien (VIII, 21-23) et Plutarque[163] indiquent, d’après Juba II, comment on s’y prenait en Afrique pour capturer ces animaux. L’éléphant devint, en quelque sorte, le symbole de cette contrée. Il figura sur les monnaies des rois indigènes[164] et l’art hellénistique[165] coiffa l’Afrique personnifiée d’une dépouille d’éléphant[166]. Les Romains, qui avaient déjà eu à combattre les éléphants asiatiques de Pyrrhus, connurent les africains lors des guerres puniques. Ils apprirent le nom que leur donnaient les indigènes[167] et les Carthaginois[168], kaisar (ou quelque forme voisine).

Les éléphants africains, disent les auteurs, étaient plus petits et moins vigoureux que les indiens[169]. Des images, d’ailleurs imparfaites, nous montrent qu’ils avaient des défenses plus longues et surtout des oreilles plus larges, disposées en éventail[170], particularités qui se retrouvent dans l’espèce africaine actuelle (Elephas capensis)[171]. Quoique la question soit obscure, on peut admettre qu’ils descendaient de l’Elephas africanus[172], distinct de l’Elephas atlanticus et qui a survécu a ce dernier[173].

Parmi les textes qui mous font connaître l’existence des éléphants, la plupart n’apprennent rien de précis sur leur répartition géographique. Quelques-uns, cependant, nous donnent d’utiles renseignements à cet égard. Rappelons d’abord ceux qui indiquent des éléphants au Sud de la Berbérie, à la lisière du Sahara : les deux passages de Pline qui les signalent au delà des Syrte, le passage de Polybe, reproduit par le même auteur, où il est question de l’abondance des éléphants aux confins de l’Éthiopie. Il y en avait aussi, d’après Pline[174] et Élien[175], au pied du Haut-Atlas marocain, et, autant qu’il semble, sur les deux versants, car le texte de Pline parait en mentionner sur le versant méridional, dans le voisinage immédiat du désert. D’autres textes se rapportent à des régions plus septentrionales. Hannon, après avoir doublé le cap Solocis (le cap Cantin), arriva, en une demi-journée, à la hauteur d’une lagune, pleine de grands roseaux, où il y avait des éléphants, avec beaucoup d’autres bêtes[176]. Les environs de Sala, à l’embouchure du fleuve du même nom (c’est aujourd’hui l’oued Bou Begreg), étaient, au dire de Pline (V, 5), infestés de troupeaux d’éléphants, Aristote[177] et Pline[178] en signalent aux Colonnes d’Hercule. Nous ignorons où se trouvait le fleuve Amilo, situé dans les forêts de la Maurétanie, où, selon une légende rapportée par Pline (VIII, 2), sans doute écho de Juba, des éléphants venaient se purifier solennellement à la nouvelle lune[179]. Mais des documents de l’époque romaine indiquent, en Maurétanie Césarienne, en Numidie et dans la province d’Afrique, à peu de distance du littoral, des localités dont le nom est significatif[180] : Elephantaria[181], peut-être au pied des montagnes qui dominent la Mitidja ; le castellum Elephantum[182], non loin de Constantine : Elephantaria[183], dans le voisinage de Medjez et Bah (vallée de la Medjerda). De telles dénominations paraissent attester que ces lieux ont été habités par des éléphants ; il est vrai qu’elles ont pu persister longtemps après la disparition de ces pachydermes. C’est ainsi que dans la province d’Oran, à l’Est de Tlemeen, il existe elle source qu’on appelle Aîn Tellout : or telout (sic) est peut-être le féminin ou le fréquentatif du mot ilou, qui signifie éléphant dans plusieurs dialectes berbères[184].

Les éléphants disparurent de l’Afrique du Nord dans les premiers siècles de notre ère. Au IVe siècle, Thémistius dit qu’il n’y en a plus dans cette contrée[185]. Au vit’ siècle, Isidore de Séville écrit[186] : La Maurétanie Tingitane fut autrefois pleine d’éléphants ; maintenant, l’Inde seule en produit. Cette disparition n’a pas eu nécessairement pour cause une modification de climat. Les grandes chasses[187], entreprises pour capturer des animaux destinés aux spectacles[188], le désir de se procurer de l’ivoire[189] suffiraient à l’expliquer[190]. De nos jours, les lions se sont éteints très rapidement en Algérie, et il est à prévoir qu’il en sera de même des panthères. Pourtant le climat n’y est pour rien[191].

On ne rencontre plus, à l’époque classique, aucune mention d’hippopotames, ni de rhinocéros, dans la Berbérie proprement dite. Les hippopotames indiqués par Hannon vivaient plus au Sud, probablement dans la région de la Saguia el Hamra[192]. L’éléphant est le seul des grands animaux de l’Afrique centrale dont l’existence soit certaine dans l’Afrique du Nord dans la période qui nous occupe.

Pour qu’il pût y vivre dans des conditions normales[193], il y a moins de vingt siècles, il fallait qu’il trouvât en tout temps des quantités abondantes d’eau et d’herbe. Il existe encore des pays où il passerait la saison sèche sans mourir de soif et de faim : par exemple, au pied de l’Atlas marocain et dans le Rif, où les textes anciens le signalent. Mais, à en juger par les autres indications que nous avons sur le climat de la Berbérie, il est permis de supposer que dans les siècles qui précédèrent leur disparition, les conditions d’existence des éléphants devaient être ailleurs assez pénibles. On peut croire que c’étaient des survivants d’une faune appropriée à un climat plus humide, cantonnés peut-être dans certaines régions hors desquelles ils auraient succombé.

Tels sont les arguments invoqués en faveur de l’hypothèse d’un changement de climat. On voit qu’ils méritent l’examen, mais qu’ils n’entraient pas la conviction. En tous cas, ils ne prouvent pas que ce changement ait été profond.

Ceux qui l’admettent essaient de l’expliquer par différentes causes. Tantôt on fait intervenir des phénomènes généraux : influence du déplacement de l’axe de la terre[194], modification du régime des vents dans la partie méridionale de la zone tempérée boréale. Ce sont là des hypothèses très fragiles. Il est impossible de prouver que la position de la ligne des pôles ait varié, depuis les temps historiques, au point d’agir sur le climat[195] ; en ce qui concerne les vents, nous verrons tout à l’heure que les rares renseignements contenus dans les textes anciens cadrent bien avec le régime actuel.

Tantôt on allègue l’influence que, depuis l’antiquité, le déboisement a dû exercer sur le climat de l’Afrique du Nord[196]. Quoiqu’on en ait souvent exagéré l’importance[197], le déboisement a atteint beaucoup de régions plus ou moins étendues. Il a frappé, non seulement des forêts naturelles, mais aussi de grandes plantations d’arbres fruitiers[198]. Il a eu des conséquences graves, en rendant plus rapide et plus funeste le ruissellement, qui dénude les pentes et bouleverse le bas pays par les trombes d’eau, par les amas de boues et de terres qu’il apporte. Il a pu être cause de la diminution ou de la disparition d’un certain nombre de sources, en permettant aux eaux de pluie de glisser sur des surfaces lisses, au lieu de s’infiltrer lentement dans des terrains meubles. A-t-il eu aussi des effets importants sur le régime des pluies, comme on l’a soutenu maintes fois[199] ?

L’évaporation qui se dégage des forêts maintient l’humidité et la fraîcheur de l’air ambiant. Quand cet air est heurté, ce qui arrive surtout dans les lieux élevés et sur les fortes pentes, par des coûtants chargés de vapeur d’eau, il complète leur saturation, les refroidit et favorise par conséquent leur condensation ; les arbres font obstacle à leur marche en avant. Il en résulte des brouillards ou des pluies sur la forêt et les alentours immédiats[200]. Pour produire cet effet, il faut naturellement que la forêt soit étendue. Lorsqu’au contraire le sol des montagnes est dénudé, il s’échauffe facilement au soleil, et les vents, qui le balaient sans rencontrer d’obstacles, contribuent encore à le dessécher : à son tour, il échauffe l’air qui l’effleure et l’éloigne de son point de saturation[201].

Il convient évidemment de tenir compte a cet égard du déboisement qui a sévi sur bien des points de I’Afrique septentrionale, du ruissellement qui a dépouillé les ruches de leur revêtement de terre, d’herbe, de broussailles, et en a fait, pour ainsi dire, des plaques de réverbération. Cependant il ne faut pas ton plus en exagérer les conséquences. Ces pluies, plus fréquentes et plus régulières, ne devaient pas étendre beaucoup au delà des forêts qui les provoquaient ; elles tombaient surtout sur des terrains de montagne qui, soit par leur revêtement forestier, soit par leur constitution géologique, soit par leur altitude élevée, n’avaient guère de valeur agricole ; elles étaient tout au plus bonnes à entretenir, à la lisière des bois, quelques pâturages d’été. Mais, si les forêts qui n’existent plus aujourd’hui ont pu accroître les précipitations atmosphériques sur des espaces assez restreints, elles n’avaient aucune influence sur le régime ordinaire des pluies, qui tenait et tient à des causes très générales, agissent sur de vastes zones de notre globe.

 

— VI —

Certains jugements sommaires que l’un trouve dans des auteurs anciens pourraient nous faire croire que la Berbérie était alors, au point de vue du climat, encore plus mal partagée qu’aujourd’hui. C’est Timée, cité et d’ailleurs réfuté par Polybe (XII, 3, 12), qui prétend que la Libye tout entière est sablonneuse, sèche et stérile. C’est Posidonius, qui parle du manque de pluies dans le Nord de la Libye, de la sécheresse qui en résulte[202]. Ce sont ces mots fameux de Salluste[203] : caelo terraque penuria aquarum. Virgile fait dire à un personnage, forcé de s’éloigner de l’Italie : Nous irons chez les Africains altérés[204]L’Espagne, dit Justin (XLIV, 1), n’est pas, comme l’Afrique, brûlée par un soleil violent. Frontin[205] affirme que l’Afrique est une contrée très sèche, regio aridissima. Le rhéteur gaulois Eumène parle des campagnes assoiffées de la Libye. Libyae aroa sitientia[206].

Ces appréciations sont assurément exagérées. Pour que l’Afrique fût le pays dont la fertilité est proclamée par tant de témoignages, il fallait qu’il y tombât de l’eau, du moins pendant l’époque de l’année où la pluie est nécessaire aux cultures.

Nous allons citer une longue série de textes et de documents archéologiques qui paraissent prouver que le climat de cette contrée ne différait pas, ou ne différait guère dans l’antiquité classique, de ce qu’il est aujourd’hui.

Parmi les vents, le siroco est mentionné à plusieurs reprises. Je traduirai deux passages d’auteurs africains, qui donnent des descriptions très précises de ses effets : Victor de Vite, historien de la fin du Ve siècle, et Corippus, poète du siècle suivant. Le premier parle d’une sécheresse terrible dont l’Afrique souffrit de son temps. Voici ce qu’il dit, entre autres détails (III, 36) : Si, par hasard quelque gazon, végétant dans une vallée humide commençait à offrir la couleur pâle plutôt que verte du fourrage naissant, aussitôt un vent brûlant, enflammé, accourait et le desséchait complètement, car la tempête, grillant tout sous le ciel sec, était venue couvrir le pays entier de ses nuées de poussière. — L’Africus qui vomit des flammes, écrit Corippus[207], commence à incendier la terre de son souffle et abat la force et l’ardeur des troupes. Tous les corps se tendent sous l’haleine de ce vent de feu. La langue se dessèche, la figure rougit, la poitrine haletante respire avec peine, l’air qui passe par les narines est embrasé, la bouche brêle, âpre et vide de salive, le feu dévore la gorge sèche. Toute la sueur s’échappe des tissus et trempe la peau, mais la chaleur malfaisante de l’air la dessèche et l’enlève tiède de la surface du corps[208].

Comme on le voit, le siroco décrit par Corippus est appelé par lui l’Africus[209]. D’ordinaire, pour les Latins, l’Africus est le vent qui, en Italie, souffle du Sud-Ouest, c’est-à-dire de la direction de l’Afrique, vent violent et redouté des marins[210]. Le nom par lequel les écrivains désignent le plus souvent le siroco est Auster, en grec Νότος, le vent du plein sud. Tantôt ils indiquent exactement les effets de ce vent sec[211], qui peut se faire sentir jusqu’en Italie[212], tantôt ils appliquent le nom d’Auster à un vent violent et pluvieux, qui sévit parfois dans la péninsule et qui, en somme, ne diffère guère de l’Africus[213]. Pline a soin de distinguer l’Auster d’Italie, humide, de l’Auster africain, qui amène en Afrique une chaleur brillante par un temps serein[214]. D’autres, au contraire, parlent d’un Auster humide, même en Afrique[215]. Cette épithète n’est pus de mise pour le siroco véritable. On peut observer, il est vrai, qu’en hiver, le siroco est généralement suivi (et non accompagné) de pluie : mais il est plus simple d’admettre que ces écrivains se sont trop souvenus de l’Auster italien.

Par contre, c’est bien le siroco africain qu’Hérodote (IV, 173) et Lucain (IX, 403 et suiv.) mentionnent dans le voisinage de la grande Syrte, sous les noms de Νότος, et d’Auster, et dont ils exagèrent beaucoup les effets, c’est le même vent que Salluste[216] indique, sans le nommer, dans les mêmes parages, et qui soulève, dit-il, des tourbillons de sable. C’est aussi le siroco qu’un traité de la collection hippocratique[217] décrit exactement : Le Notos est chaud et sec en Libye. Il y dessèche les productions de la terre et il y exerce sur les hommes, à leur insu, la même action.

Nous avons dit que, pendant la saison d’hiver, les pluies sont surtout amenées par les vents du Nord-Ouest. Les anciens n’ignoraient pas qu’elles venaient en Afrique des régions septentrionales, comme l’attestent des vers de Lucain, de Stace et de Rutilius Namatianus[218]. Pendant la belle saison, les vents du Nord et du Nord-Est dominent sur le littoral, déterminés par les mêmes causes que ceux qui soufflent du Nord en Égypte (les vents étésiens des Grecs), on peut citer à ce sujet un passage de Galien[219] : En Égypte et en Libye, les pays voisins de la mer sont moins chauds en été que ceux de l’intérieur des terres, parce qu’ils sont rafraîchis par les vents du Nord. Sur la côte orientale de la Tunisie, le vent d’Est souffle très souvent durant la saison chaude : Procope[220] le signale en septembre.

En été, le soleil dardait ses brûlants rayons[221] ; la pluie ne tombait pas[222], ou, du moins, elle ne tombait que rarement[223] ; les rivières se desséchaient[224]. Cependant, la nuit, les rosées donnaient de l’humidité aux végétaux[225].

Il n’est pas possible de dire si les grandes chaleurs de l’été commençaient et finissaient plus tôt ou plus tard qui aujourd’hui ; si, d’une manière générale, elles étaient plus fortes[226]. Nous n’avons pas de renseignements précis pour l’époque des moissons[227]. Pour les vendanges, un texte indique la fin d’août[228], un autre l’automne[229] : dates qui sont encore exactes (elles varient selon la température, l’altitude et même les cépages). En 533, au mois de septembre, les soldats de Bélisaire trouvèrent en abondance des fruits mûrs sur le littoral de la Byzacène[230]. Procope ne donne pas de détails : s’il s’agit de figues, de grenades, de raisins, fruits que nous savons avoir été très répandus en Afrique dans l’antiquité, l’indication concorde avec l’époque actuelle de leur maturité. Quant aux olives, on les cueillait, comme de nos jours, depuis novembre jusque pendant l’hiver[231].

Les hivers étaient-ils plus ou moins rigoureux qu’aujourd’hui ? Nous l’ignorons[232].

Mais quelques renseignements nous sont donnés sur le régime des pluies. Parfois, comme il arrivé encore de notre temps, il y avait des années de très grande sécheresse. Quand Hadrien visita l’Afrique, en 128, la pluie qui, depuis cinq ans, avait manqué, dit le biographe de cet empereur[233], tomba a son arrivée et, pour cette raison, il fut aimé des Africains. Arnobe, à la fin du IIIe siècle, parle de sécheresses qui, dans l’année où il écrit, ont sévi sur les champs des Gétules et de la Maurétanie Tingitane, tandis que les Maures de la Césarienne et les Numides faisaient de très belles moissons[234]. En 484, affirme un écrivain contemporain, Victor de Vite[235], il n’y eut aucune pluie, aucune goutte d’eau ne tomba du ciel. Il est question dans quelques textes d’absences de récoltes, de disettes, causées évidemment par le manque de pluie. Tertullien[236] dit que, sous le gouvernement d’Hilarianus (vers 202), on ne fit pas de moisson. Une inscription de Rusguniae (près d’Alger) célèbre la libéralité d’un magistrat municipal, qui fournit du blé à ses concitoyens et empêcha ainsi le prix de cette denrée de monter[237]. À Thuburnica (dans la région de la Medjerda), une autre inscription, nous montre le blé atteignant le prix très élevé de dix deniers le boisseau[238] : ce qui ne peut expliquer que par une mauvaise récolte. Une inscription de Madauros mentionne une disette[239]. Sur une inscription de Rome, un personnage, qui fut proconsul en 366-367, est remercié solennellement d’avoir chassé la faim de la province d’Afrique[240]. En 383, les récoltes ne donnent pas de quoi suffire aux besoins du pays et il faut faire venir d’ailleurs des grains pour les semailles[241].

Ces sécheresses, qui avaient des résultats désastreux pour l’agriculture, se prolongeaient parfois pendant plusieurs années : nous venons de voir que, sous Hadrien, cinq ans s’étaient écoulés sans pluie. Un siècle plus tard, saint Cyprien cite, comme un argument en faveur de sa thèse sur la vieillesse du monde, la diminution des pluies qui nourrissent les semences[242]. On était sans doute alors dans un cycle d’années sèches.

Cependant, la sécheresse absolue était, comme aujourd’hui, un phénomène exceptionnel, du moins pour la région du littoral. Dans un discours prononcé à Hippone, saint Augustin fait remarquer qu’au lieu où il se trouve, sur le bord de la mer, il pleut presque tous les ans[243]. Il lui arrive même de se plaindre d’un hiver trop pluvieux[244].

Il est vrai qu’alors comme aujourd’hui, la répartition des chutes d’eau laissait souvent à désirer. La pluie se faisait attendre et l’anxiété s’emparait des cultivateurs. On implorait le secours divin[245] ; les païens s’adressaient surtout à la déesse Céleste, la prometteuse de pluies, comme l’appelle Tertullien[246]. Nous voyons en particulier qu’une sécheresse persistante pouvait retarder le temps des semailles[247]. Saint Augustin, parlant aux fidèles le jour anniversaire du martyre de sainte Crispine, le 5 décembre, nous apprend que la pluie, depuis longtemps souhaitée, venait seulement de tomber : Le Seigneur a daigné arroser la terre de sa pluie pour nous permettre de nous rendre d’un cœur plus joyeux au lieu où l’on vénère les martyrs[248]. De son côté, Corippus[249] nous montre des paysans africains attendant la pluie avec angoisse au printemps et prenant leurs dispositions pour qu’elle produise sur leurs champs les meilleurs effets possibles : Les cultivateurs de la terre altérée de Libye regardent les nuages, quand les premiers éclairs brillent dans le ciel agité et que le vent du Sud frappe l’air de coups de tonnerre répétés. La foule des paysans court par les campagnes desséchées, espérant la pluie. On nettoie, on nivelle les lieux par lesquels l’eau doit passer, on règle par avance sa course, afin que les ruisseaux coulent par les prés verdoyants (la triste sécheresse l’exige !) ; on forme des obstacles en dressant des tas de sable ; en barre les pentes du sol fertile.

Quand la pluie tombait, elle se précipitait souvent d’une manière torrentielle, comme de nos jours. Lors de la guerre de Jugurtha, l’armée romaine marchant sur Thala reçut tout à coup des trombes d’eau[250]. Au début de l’année 46 avant notre ère, les troupes de César, campant dans la région de Sousse, furent surprises pendant la nuit par un orage terrible : un nuage immense s’était formé soudain ; la pluie, la grêle tombèrent si dru que les tentes furent bouleversées ou rompues[251]. En 212, Tertullien parle des pluies de l’année précédente, qui avaient été un véritable déluge[252]. D’autres pluies torrentielles sont signalées, soit au voisinage du littoral méditerranéen, soit à l’intérieur des terres[253]. Saint Cyprien, saint Augustin, Corippus[254] mentionnent aussi des orages de grêle, funestes à l’agriculture. Ces avalanches inondaient les campagnes et les couvraient de boues[255], gonflaient les torrents et causaient des dégâts[256], endommageant en particulier les routes[257].

Dans l’antiquité comme de notre temps, la quantité des pluies variait beaucoup selon les régions.

Il y avait de l’eau dans les pays voisins du littoral. La partie de l’Afrique, dit Solin[258], qui est exposée au Nord est bien arrosée. Cette eau était-elle plus abondante qu’aujourd’hui ? Les documents dont nous disposons ne le prouvent pas. Nous avons déjà noté que, le plus souvent, on trouve encore des sources auprès des agglomérations antiques.

L’Océan recevait le Sububus, fleuve magnifique et navigable, dit Pline (V, 5). C’est l’oued Sebou, qui est encore navigable sur une cinquantaine de kilomètres en toute saison, et bien plus haut en hiver[259]. A l’Est du détroit de Gibraltar, la disposition des montagnes du Tell empêche la formation de fleuves aussi importants[260]. Quelques rivières du Nord du Maroc sont cependant indiquées comme navigables par Pline (V, 18) : le Tamuda, le Laud, la Malvane ; ce sont l’oued Martil, l’oued Laou, la Moulouia[261]. Si le mot navigable veut dire que, pendant une partie de l’année, ces oueds peuvent être remontés par des barques jusqu’à une certaine distance de leur embouchure, l’assertion est encore vraie. Dans le Nord de l’Algérie et de la Tunisie, on rencontre quelques ruines de ponts romains[262] ; ils n’ont pas été construits pour traverser des lits plus larges que les lits actuels, qui, il faut le dire, sont rarement remplis. Ce qui est plus digne de remarque, c’est le nombre assez peu élevé de ces ponts, dans un pays qui était sillonné par beaucoup de routes. Sur bien des points, le tracé des voies n’est pas douteux : on constate qu’elles franchissaient des rivières sur lesquelles il ne reste aucune trace de pont. On peut supposer que ces cours d’eau se passaient sur des bacs ou des ponts de bateaux, mais l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’ils se traversaient à gué[263]. Il y a donc lieu de croire qu’à l’époque romaine, leur débit maximum ne différait guère de ce qu’il est aujourd’hui.

Suffisamment humectées, les régions voisines de la côte étaient fertiles, sauf dans quelques parties. Polybe (XII, 3, 1), réfutant Timée, dit que la fécondité de la Libye est admirable. Strabon écrit[264] que le littoral, de Carthage aux Colonnes d’Héraclès, est en général fertile. Il dit ailleurs[265] que tous s’accordent pour déclarer que la Maurusie (le Maroc) est un pays fertile et bien pourvu d’eau, à l’exception de quelques déserts peu étendus — il indique, parmi ces régions arides, le canton de Métagonion, au cap de l’Agua, près de l’embouchure de la Moulouia (XVII, 3, 6) —. Du Métagonion au cap Tréton (cap Bougaroun), les terres du littoral sont fertiles[266]. Méla affirme que l’Afrique est extrêmement fertile partout où elle est habitée (I, 21). Il fait l’éloge de la côte océanique du Maroc (III, 106).

A l’intérieur des terres, les pluies ne manquaient pas tout à fait. Salluste[267] en mentionne à Capsa (Gafsa), à Thala (probablement dans la même région que Capsa). Mais, bien souvent, elles étaient insuffisantes pour assurer la bonne venue des céréales. C’est ce que remarque saint Augustin[268] : La Gétulie a soif, tandis que la mer reçoit de la pluie... Ici (Hippone), Dieu fait tomber la pluie tous les ans, et, tous les ans, il nous donne le blé... (en Gétulie), il ne le donne que rarement, quoique en grande quantité. Le climat étant humide sur le littoral et sec en Gétulie, les grains se conservaient beaucoup mieux chez les Gétules.

Après avoir dit que la côte est fertile entre les caps Métagonion et Tréton, Strabon[269] ajoute qu’au-dessus, sauf quelques parties cultivées, appartenant aux Gétules[270], on ne trouve qu’une suite de montagnes et de déserts jusqu’aux Syrtes. Le géographe grec mentionne bien un pays de marais et de lacs, que les Pharusiens, indigènes du Sud du Maroc, traversent pour aller de chez eux jusqu’à Cirta (Constantine)[271]. Mais ces lacs existent encore, au milieu des steppes du Maroc oriental et de l’Algérie centrale ; ils s’appellent chott Gharbi, chott Chergui, les deux Zahrès. Ce sont, nous l’avons dit, des bas-fonds, humides en hiver, desséchés en été, s’allongeant dans un pays stérile ; les indigènes dont parle Strabon voyagent en emportant des outres pleines d’eau, qu’ils attachent sous le ventre de leurs chevaux. Nous n’avons aucune preuve que ces chotts aient été plus étendus dans l’antiquité que de nos jours. Au contraire, on constate l’existence de ruines romaines à El Khadra, au bord du chott Chergui[272]. C’est le seul point des steppes que les maîtres du Tell aient occupé, pour barder un passage de nomades. Ils ne se soucièrent pas d’annexer à leur empire di grandes plaines arides.

Au Sud-Ouest de la province de Constantine, il y a aussi des ruines antiques à la lisière des terres couvertes par le chott et Hodna pendant la saison d’hiver[273]. Il est vrai que, dans le bassin de ce chott et autour des sebkhas ou lacs dont nous allons parler, les irrigations ont pu diminuer sensiblement les apports des oueds. Mais les habitants de ces régions n’auraient pas eu l’imprudence de pincer leurs demeures de telle sorte qu’elles eussent été inondées, si les irrigations avaient été suspendues pour une cause quelconque ; il eût été absurde de leur part de s’infliger l’obligation d’irriguer au moment où quelque pluie survenait et, tout en grossissant les oueds, rendait l’irrigation des champs superflue[274]. Il faut donc admettre que ces habitations étaient situées en dehors des terres recouvertes par les lacs en hiver, à l’époque où les oueds recueillaient le plus d’eau. Les pluies étaient rares, du reste, dans le bassin du Hodna. A la fin du Ve siècle, les environs de Macri et de Thubunae, au Nord-Est et à l’Est du chott[275], passaient pour des déserts[276].

Les sebkhas situées au Sud-Est de Sétif, celles qui s’étendent au Nord de l’Aurès et qui sont alimentées par des cours d’eau descendant de ce massif, n’étaient pas plus grandes qu’aujourd’hui, car on rencontre aussi des ruines sur leurs bords[277].

Le Muthul, dit Salluste, — il s’agit de l’oued Mellègue, principal affluent de droite de la Medjerda[278], — traverse une région sèche et sablonneuse ; le milieu de la plaine est désert, par suite du manque d’eau, sauf les lieux voisins du fleuve[279]. Capsa, dit encore Salluste, se trouve au milieu d’immenses solitudes ; sauf dans le voisinage immédiat de la ville, qui possède une source intarissable, tout le pays est désert, inculte, dépourvu d’eau[280]. Thala, ville dont le site est semblable à celui de Capsa, est bien entourée de quelques sources[281], mais, entre elle et le fleuve le plus voisin, sur un espace de cinquante milles, la contrée est sèche et déserte[282]. Métellus, marchant sur Thala, Marius marchant sur Capsa, doivent charger leurs troupes d’abondantes provisions d’eau[283]. Salluste observe qu’à l’intérieur de l’Afrique (c’est-à-dire de l’Afrique du Nord), les indigènes évitant de manger des aliments qui les altéreraient : l’eau pourrait leur faire défaut pour étancher leur soif[284].

A l’époque de la domination romaine, l’eau courante manque presque partout entre Kairouan, Gafsa et Sfax. On ne rencontre en effet dans cette région que de très rares vestiges de barrages sur les ravins[285] : l’abondance d’autres travaux hydrauliques prouve que, si l’on ne tirait pas parti de ces ravins, c’était parce qu’ils restaient généralement vides.

Sur le littoral mime de la Tunisie orientale, qui, nous l’ayons dit, est aujourd’hui assez sec, les troupes de César, faisant campagne aux environs de Sousse, manquent d’eau en hiver et au commencement du printemps[286]. Six siècles plus tard, en septembre, les soldats de Bélisaire, après avoir débarqué un peu plus au Sud, au cap Kaboudia, se trouvent dans un pays entièrement desséché, et à est par un hasard providentiel que des terrassements font rencontrer une nappe d’eau, enfouie sous le sol[287]. Des villes qui furent importantes à l’époque romaine, Leptis Minor, Thysdrus, se passaient d’eau de source[288].

Dans les premiers siècles de notre ère, le travail opiniâtre de l’homme, les façons données au sol pour retenir l’humidité qu’il pouvait emmagasiner, le choix de cultures fort peu exigeantes au point de vue de l’eau ont transformé en de riches campagnes une bonne partie des régions africaines où la pluie ne tombait guère, où les sources, étaient rares, où d’ordinaire les ravins étaient vides. Dans ces pays, on voit partout des restes de bassins, de réservoirs, de citernes, de puits, qui servaient à l’alimentation des hommes et du bétail, bien plus qu’à l’irrigation des cultures[289]. Les eaux qui tombaient du ciel, celles que recélait le sol étaient si précieuses qu’on ne négligeait rien pour les recueillir et qu’on ne les gaspillait pas à des usages vulgaires.

Les travaux hydrauliques ne manquaient pas non plus dans des régions, plus favorisées sous le rapport des pluies. Ceux qui alimentaient des villes, des bourgs témoignent surtout du désir que les habitants avaient de boire une eau aussi pure, aussi saine que possible[290]. Mais d’autres attestent que, même dans ces régions, l’eau du ciel ne suffisait pas toujours aux besoins agricoles. Quand on le pouvait, on recourait aux irrigations, soit pendant la saison d’été, pour les cultures maraîchères et fruitières, soit même pendant l’hiver, dans les périodes de sécheresse persistante qui, nous le savons, n’étaient pas rares en cette saison. Une remarque de Frontin mérite d’être citée : En Italie et dans quelques provinces, vous causez un grave préjudice à votre voisin si vous faites pénétrer l’eau dans sa propriété ; en Afrique, si vous empêchez l’eau de passer chez lui[291].

Les textes que nous venons d’étudier manquent souvent de précision ; ils ne doivent pas être tous accueillis avec une confiance aveugle. Ils permettent cependant quelques conclusions. Au Sud de la Berbérie, le Sahara était déjà un désert dans les siècles qui précédèrent et suivirent I’ère chrétienne, Niais il était peut-être un peu moins sec que de nos jours.

II est inexact de dire que, pendant une partie de l’époque historique, la lisière septentrionale du Sahara ait été une zone humide. On a cependant quelques raisons de supposer que les montagnes qui bordent le désert recevaient un peu plus de pluie qu’aujourd’hui.

Quant à l’Afrique du Nord proprement dite, elle jouissait d’un climat, sinon semblable, du moins très analogue au climat actuel sécheresse habituelle en été, sécheresse parfois pendant toute l’année, pluies irrégulières et souvent torrentielles, bien moins abondantes, d’une manière générale, à l’ultérieur du pays que dans le voisinage de l’Océan et de la Méditerranée, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’au cap Bon. Que cette contrée ait été un peu plus humide qu’aujourd’hui, cela est possible : à défaut de preuves, on peut invoquer quelques indices, qui ne sont pas dénués de valeur. Mais, en somme, si le climat de la Berbérie s’est modifié depuis l’époque romaine, ce n’a été que dans une très faible mesure.

 

 

 



[1] Voir en particulier : Th. Fischer, Studien über das Klima der Mittelmeerlander, dans Petermanns Mitteilungen, Ergânzunscheft, LVIII, 1879, p, 44-49 ; le même, dans Petermanns Mitteil., XXIX, 1883, p. 1-4 ; Partsch, dans Verhandlanger des achten deutschen Geographentages (Berlin, 1899), p. 110-123 ; Cat., Essai sur la province romaine de Maurétanie Césarienne, p. 40-48 ; La Blanchère, dans Nouvelles Archives des missions, VII, 1887, p. 23 et suiv. ; Carton, Climatologie et agriculture de l’Afrique ancienne, dans Bulletin de l’Académie d’Hippone, XXVII, 1594, p. 14 ; le même, Variations du régime des eaux dans l’Afrique du Nord, dans Annales de le Société géologique du Nord, XXIV, 1896, p. 29-17 ; le même, Historiens et physiciens, dans Bull. de l’Acad. d’Hippone, XXVIII, 1800, p. 77-89 ; le même, Note sur la diminution des pluies en Afrique, dans Revue tunisienne, III, 1896, p. 87-94 ; Leller, Die Frage der Klimaänderung während geschichtlicher Zeit in Nord-Afrika, dans Abhandlungen der geographichen Gesclischaft in Wien, 1909, n° 1.

[2] Pour la Tunisie, voir surtout Ginestous, Études sur le climat de la Tunisie (Tunis, 1906) ; pour l’Algérie, Thévenet, Essai de climatologie algérienne (Alger, 1896) ; pour le Maroc, Th. Fischer, Mittelmeer-Bilder, II, p. 303-366, et L. Gentil, le Maroc physique, p. 244-271. Résumé dans A. Knox, the Climate of the continent of Afrika (Londres, 1911), p. 32-63.

[3] Rivière et Lecq, Cultures du Midi de l’Algérie et de la Tunisie, p. 12, 24, 37.

[4] Surtout sur la côte occidentale du Maroc, longée par un courant marin froid, qui modère la chaleur en été : voir Gentil, l. c., p. 232-4.

[5] La fréquence du siroco varie beaucoup selon les régions, Le vent chaud du Sud est très rare au Maroc, au Nord du Haut-Atlas, qui l’arrête. A Alger, il ne souffle qu’un petit nombre de jours par an. Il est au contraire fréquent dans l’Est et le Sud de la Tunisie, où il ne rencontre pas d’obstacle. M. Ginestous (l. c., p. 401) compte 113 jours de siroco à Sousse, 134 à Kairouan.

[6] Surtout l’orge, qui mûrit un mois plus tôt que le blé.

[7] Les vents d’Est soufflent presque toute l’année dans le Sud de la Tunisie.

[8] Cf. Gentil, le Maroc Physique, p. 263-5.

[9] On connaît la théorie de Brückner. Ce savant admet des cycles d’une durée moyenne de 35 ans, comprenant chacun une suite de variations dans la température et la pluie, variations qui se reproduiraient au cycle suivant. Mais nous n’avons pas les moyens de contrôler cette théorie pour l’Afrique du Nord. Notons cependant qu’à Alger, il s’est écoulé 36 ans entre les deux maxima des pluies des périodes 1830-4 et 1886-1890 : Gauckler dans Annales de Géographie, XII, 1903, p. 331.

[10] Lecq, L’Agriculture algérienne (Alger, 1900), p. 13.

[11] Lecq, L’Agriculture algérienne (Alger, 1900), p. 9-10.

[12] Sur sept années, de 1887 à 1893, M. Saurin (l’Avenir de l’Afrique du Nord, Paris, 1896, p. 31) a compté, à Tunis six hivers ayant eu des sécheresses d’au moins deux mois.

[13] Je donne ici les chiffres indiqués par M. Gauckler, dans Annales de Géographie, XII, p. 233.

[14] Voir chapitre IV.

[15] M. Bernard (Une Mission au Maroc, Paris, 1904, p. 9) observe que, dans le Maroc occidental, l’évaporation paraît être moins intense qu’en Algérie, le temps restant souvent couvert après les pluies.

[16] Les chiffres que je cite ici et plus loin sont empruntés à M. Thévenet (p. 62, 63) et à M. Ginestous (p. 201 : Tunisie, années 1896-1900). Ils ne peuvent prétendre qu’à une exactitude approximative.

[17] En dehors du détroit, au cap Spariel, la moyenne des pluies a été de 0 m. 819 pour la période 1894-1904 : Fischer, Mittelmer-Bilder, II, p. 337.

[18] Bernard et Ficheur, dans Annales de Géographie, XI, 1902, p. 233. Cf. Thévenet, l. c., p. 62, 71. — Moyenne annuelle à Oran : 0 m. 486.

[19] Chiffres donnés par M. Ginestous (p. 201), pour la période 1886-1900. Pour la période 1900-1904, M. Ginestous (p. 218) indique les chiffres suivants : Tunis, 0 m. 399 ; Sousse, 0 m. 367 ; Sfax, 0 m. 130 ; Gabès, 0 m. 139.

[20] Années 1896-1900 ; 1 m. 670 pour la période 1900-1904.

[21] Cf. Bernard et Ficheur, l. c., p. 317.

[22] 0 m. 308 pour la période 1900-1904.

[23] Mais non pas, semble-t-il, pendant toute la durée de l’époque pleistocène : voir Pomel, dans Comptes rendus de l’Académie des sciences, CXIX, 1891, p. 314 et suiv. ; Gautier, Annales de Géographie, XX, 1911, p. 44 : ; Flamand, Recherches géologiques et géographiques sur le Haut-Pays de l’Oranie, p. 744-5. — Noter que, même pendant la période dont nous parlons, il y avait dans l’Afrique du Nord des animaux qui s’accommodent aujourd’hui d’un climat chaud, mais sec : la girafe, le zèbre, le chameau.

[24] A Gafsa, dans le Sud de la Tunisie, des alluvions superposées sur une grande épaisseur contiennent des outils paléolithiques offrant les types les plus primitifs. L’étude de la formation de ces alluvions a convaincu M. de Morgan qu’il y avait eu à cette époque des précipitations atmosphériques très abondantes et très violentes (Revue de l’École d’anthropologie, XX, 1910, p. 220).

[25] Gautier, Sahara algérien, p. 20.

[26] L’argument, tiré de la botanique, que Schirmer (le Sahara, p. 133) invoqua pour affirmer la très haute antiquité du désert au Sahara, n’est nullement péremptoire. Voir Claudeau, Sahara soudanais, p.139.

[27] La question est, il est vrai, très obscure, car il y a lieu d’admettre que, dans une période du quaternaire, peut-être celle dont nous parlons, un désert, coupant les communications, s’étendait sur le Nord du Soudan : Claudeau, l. c., p. 232 et suiv.

[28] Voir chap. IV. Plus tard, la faune de la Berbérie et celle du Soudan se distinguèrent très nettement ; le Sahara ne fut plus un pont, mais une barrière : Kohelt, Stadien zur Zongeographie, I, p. 32 et suiv., 83 ; II, p. 233.

[29] Elephas atlanticus, puis hippopotames et rhinocéros.

[30] Ce ne rut pas l’absence de communications terrestres qui empêcha le renne de venir habiter l’Afrique du Nord ; eu Europe même, il ne pénétra pas dans la péninsule italique, et il paraît s’être arrêté en Espagne au Nord-Est de la Catalogne.

[31] Bernard, le Maroc, p. 40.

[32] Voir chap. IV.

[33] Il faut ajouter que cette affirmation n’est certaine que pour les autruches actuelles.

[34] Même pour le Sud de la Tunisie, M. Collignon écrit (Matériaux pour l’histoire primitive de l’homme, XXI, 1887, p. 201 et 197) : Partout où, de nos jours, on trouve une source, les silex abondent et où il n’y a pas d’eau, ils manquent, ou sont plus rares... Dans les plaines et le fond des vallées, on ne trouve que des pièces isolées, il en est de même sur les montagnes : mais d’une manière presque constante, le pied de celles-ci est couvert d’ateliers. Partout où il y a de l’eau à l’heure actuelle, ceux-ci sont considérables ; ils sont moins importants au niveau des thalwegs actuellement arides. Il faut avouer, cependant, qu’aux environs et au Sud de Gabés, l’extrême abondance des stations néolithiques parait indiquer un climat moins sec que le climat actuel. — A Gafsa, M. de Morgan, étudiant les alluvions de l’oued Baïache, a cru reconnaître qu’elles témoignent de pluies beaucoup moins intenses et moins torrentielles depuis l’époque de l’industrie paléolithique récente (Revue de l’École d’anthropologie, XX, 1910, p. 220).

[35] Voir Livre II, chap. III.

[36] 0 m. 389 à Géryville, 0 m. 369 à Allou.

[37] Voir Livre II, chap. 1.

[38] Gautier, Sahara algérien, p. 130.

[39] Gautier, Sahara algérien, p. 133.

[40] Livre II, chap. 1.

[41] Gautier, Sahara algérien, p. 134.

[42] Cette observation est de M. Schirmer (le Sahara, p.134).

[43] Cela a été très bien expliqué par M. Gautier, l. c., p. 41 et suiv.

[44] Pour le climat du Sahara dans les temps historiques, voir Schirmer, l. c., p. 120-138.

[45] Hérodote, II, 32.

[46] Hérodote, IV, 181 (c’est-à-dire jusqu’à la longitude des Colonnes d’Héraclès).

[47] Hérodote, IV, 183.

[48] Théophraste, Hist. Plant., IV, 3, 3.

[49] Strabon, II, 5, 33.

[50] Strabon, XVII, 3, 23 (il s’agit de la région située au delà de la grande Syrte et de la Cyrénaïque).

[51] Pomponius Mela, I, 39. — Voir encore Mela, I, 32 : à l’Ouest des Garamantes (Fezzan actuel) s’étend sur un vaste espace une région inhabitable. Cf. Pline l’Ancien, V, 43.

[52] Naturales quæstiones, III, 6.

[53] Pour les anciens, l’Éthiopie commençait qu Sud de notre Berbérie.

[54] Voir encore Lucien, Dipsad., I.

[55] Skylax, Périple, 9 et 10 (Geogr. gr. min., I, p. 8-9).

[56] Voir Livre III, chap. III.

[57] Outre le passage d’Hannon dont nous parlerons plus loin, voir Strabon, XVII, 3, 1 (la Libye, à l’intérieur et le long de l’Océan, est en majeure partie déserte) ; XVII, 3, 5 (le pays des Éthiopiens occidentaux, au-dessus de la Maurusie, le long de la mer extérieure, est très peu habité) ; XVII, 3, 8, d’après Artémidore (le pays des Éthiopiens occidentaux est sec et très chaud) ; Mela, III, 100 (le littoral de l’Océan, au milieu de l’Afrique, est ou torride, ou enseveli sous les sables).

[58] Cf. Schirmer, l. c., p. 323.

[59] Athénée (II, 22, p. 44, c) parle d’un Carthaginois, Magon, qui traversa trois fois le désert. — Hérodote (IV, 183) indique qu’on mettait trente jours pour aller de chez les Lotophages (c’est-à-dire du littoral entre les deux syrtes, où il y avait des villes de commerce phéniciennes) au pays des Garamantes. Peut-être n’était-ce que la première partie d’une route de caravanes conduisant au Soudan. Les Garamantes, chasseurs d’Éthiopiens (Hérodote, ibid.), ont pu être les convoyeurs, et aussi les pourvoyeurs de ces caravanes.

[60] Gsell, Essai sur le règne de l’empereur Domitien, p. 230.

[61] Cf. Schirmer, p. 321-5, 328.

[62] Voir Toutain, dans Mélanges de l’École française de Rome, XVI, 1896, p. 63 et suiv.

[63] Toutain, l. c., p. 63.

[64] Ou, pour parler exactement, du dromadaire. Seule, l’espèce à une bosse existe en Afrique.

[65] Sur cette question, voir entre autres : Tissot, Géographie de la province romaine d’Afrique, I, p. 342-354 ; Reinach, dans Collections du musée Alaoui, p. 33-44 ; Cagnat, Armée romaine d’Afrique, 2e édit., p. 331-3 ; Flamand, dans Bull. de la Société d’anthropologie de Lyon, XX, 1901, p. 210-4.

[66] Le chameau a pourtant existé dans la Tell à une époque très ancienne. Des ossements de cet animal ont été trouvés à Ternillne, avec des outils du type chelléen et des restes d’éléphants, d’hippopotames, de rhinocéros : voir chap. III (remarquer que le chameau actuel craint les climats humides). On a aussi constaté l’existence du chameau (dromadaire) dans quelques stations néolithiques. Il n’est pas impossible qu’il ait disparu avant l’époque historique et qu’il n’ait été réintroduit dans l’Afrique du Nord qu’aux environs de notre ère.

[67] Actes du XIVe congrès des Orientalistes, II, p. 69 et suiv. (cf. Revue africaine, XLIX, 1903, p. 341) : tous les dialectes berbères se servent, pour désigner le chameau, d’un mot que M. Basset croit d’origine arabe.

[68] Les Romains, qui firent des expéditions en Afrique au cours des première et seconde guerres puniques, ne connurent le chameau que plus tard, dans leur guerre contre Antiochus : Plutarque, Lucullus, 11.

[69] Pline, Hist. nat., VIII, 67.

[70] César, Bell. afric., LXVIII, 4 (vingt-deux chameaux de l’armée de Juba, pris par les Romains).

[71] Une terre cuite de Sousse, qui date probablement du second siècle de notre ère, représente un homme sur un chameau (Reinach, l. c.). Il n’est pas certain, cependant, que cette figurine ait été faite sur un moule fabriqué dans l’Afrique latine. Voir aussi une peinture murale de la région de Sousse, qui date du Haut-Empire : Catalogue du musée Alaoui, Supplément, p. 40, n° 88.

[72] Ammien Marcellin, XXVIII, 6, 3 : en 267, le général Romanus exige des habitants de Leptis Magna quatre mille chameaux pour faire ses transports. — Voir aussi Végèce, III, 23 (cf. Cagnat, l. c., p. 333, n° 4) ; Vibius Sequester, dans Geographi latini minore, édit. Riese, p. 147, l. 29-30.

[73] Procope, Bell. vand., I, 8, 23 et suiv. ; II, 11, 17 et suiv. Corippus, Johannide, II, 92, 474 ; IV, 397 ; V, 331, 377, 422 et suiv., 489 ; VI, 83, 194 ; VII, :26, 341 ; VIII, 40.

[74] Dessins et bas-reliefs : Mélanges de l’École de Rome, X, 1890, p. 580, et Corpus inscr. lat., VIII, 17978, n° 33 (au Sud-Ouest de Biskra) ; Bull. de l’Académie d’Hippone, XVIII, p. XXIV et 123, pl. VII, fig. 3 (au Sud-Ouest de Tébessa) ; Bull. archéologique du Comité, 1902, p. 407, pl. XLVII, fig. 7 ; ibid., 1906, p. 116 (Sud de la Tunisie) ; Denham et Clapperton, Narrative of travels and discoveries, pl. à la p. 303 (cf. Tissot, I, p. 313, fig. 22) ; Méhier de Mathuisieulx dans Nouvelles Archives des missions, XII, 1904, pl. X (Ghirza en Tripolitaine ; plusieurs images de chameaux, dont l’un est attelé à une charrue). Aucune de ces images ne parait être antérieure au Bas-Empire. — Lampe chrétienne : Catalogue du musée Alaoui, Suppl., p. 246, n° 1456, pl. XCVII, fig. 6.

[75] Les chameaux furent aussi employés dans le Tell : voir Ammien Marcellin, XXIX, 5, 53 ; Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1900, p. 118. Mais ils s’y répandirent peu, semble-t-il, le climat du Tell ne leur convient pas. Au VIe siècle, les chevaux des troupes vandales et byzantines qui allaient combattre dans le Sud n’étaient encore accoutumés ni à leur aspect, ni à leur odeur.

[76] La prospérité économique de la Tripolitaine prit certainement un grand essor sous la dynastie des Sévères, dont le chef était originaire de Leptis Magma. Ce fut à cette époque que Rome mit des garnisons dans les oasis situées sur les routes du Soudait, ce qui favorisa évidemment le commerce des caravanes. Peut-être le développement du trafic transsaharien fit-il alors adopter définitivement l’usage du chameau. — Notons qu’à la fin du IIIe siècle, l’Africain Arnobe (II, 271) parle du chameau comme d’un animal qu’il connaît bien : (discit) camelus sese submittere, sive cum sumit onera, sive cum ponit.

[77] Rohlfs (cité par Schirmer, p. 131) a soutenu que le méhari est un animal propre au Sahara, distinct du chameau d’origine arabe. Mais cette opinion est certainement erronée. Le méhari est un chameau dont les qualités de vitesse et d’endurance ont été obtenues par sélection et dressage : cf. Gautier, la Conquête du Sahara, p. 84-87.

[78] Hérodote, IV, 183.

[79] Pseudo-Skylax, Périple, 112 (Géogr. gr. min., I, p. 94).

[80] Hérodote, IV, 183. — Il existe au Sahara (dans le Fezzan, à Telliz Zarhène, et dans le Tibesti) des gravures rupestres représentant des bœufs. Celles de Telliz Zarhène paraissent être antérieures aux temps dont nous parlons ici ; l’âge de celles du Tibesti est incertain.

[81] Quæstiones ex utroque Testamento mixtim, 113 (écrit attribué à saint Augustin, dans Migne, Patrologie latine, tome XXXIV-V, p. 2350) : Garamanium, qui supra Tripolim Afrorum sunt, regibus tauri placuerunt ad sessum.

[82] Cf. Gautier, Sahara algérien, p. 51.

[83] Il y a des bœufs à bosse (zébus), d’origine soudanaise. Non seulement dans l’Adrar des Horass et dans l’Aïr, qui sont à la lisière méridionale du Sahara, mais aussi plus au Nord, dans l’Ahaggar ; Duveyrier eu a signalé dans l’oasis de Ghat : voir Gautier, p. 118, 137, 318 ; Claudeau, Sahara soudanais, p. 203. Mais, quoique la chose ne soit pas absolument impossible (Schirmer, p. 128 ; Gautier, p.135), il serait déraisonnable de traverser le Sahara avec des bœufs.

[84] Cf. Strabon, XVII, 3, 7 ; il dit que, pour traverser le désert, les Pharusiens (peuple vivait au Sud du Maroc) attachent des outres pleines d’eau sous le ventre de leurs chevaux.

[85] Nouvelles Archives des missions, VII, 1897, p. 31-33.

[86] Les textes se réduisent, je croit, à Mela, I, 36 : ingens palus... Tritonis... Cf., si l’on veut, Hérodote, IV, 178 ; Ptolémée, IV, 3, 6 (λίμνη, λίμναι).

[87] A ceux que nous allons citer, ajoutez Solin (XXVII, 8). Il dit de l’Africus c’est-à-dire de la Berbérie : Latere quod ad meridiem vergit fontium inops et infamis siti.

[88] Skylax, Périple, 8 (Geogr. gr. min., I, p. 6).

[89] Pline, Hist. nat., V, 14.

[90] Pline, Hist. nat., V, 31 et 32.

[91] Corippus, Johannide, II, 138.

[92] Il ne faut pas, pour cette région, chercher des arguments en faveur d’une modification de l’hydrographie dans les indications qu’Hérodote, le Pseudo-Skylax et Ptolémée donnent sur le lac Titronis et le fleuve Triton. Voir dans Tissot, Géographie, I, p. 100 et suiv., la critique de ces textes, qui contiennent manifestement de graves erreurs.

[93] Cf. Partsch, p. 123-124.

[94] Tissot, I, p. 125. Thomas, Essai d’une description géographique de la Tunisie, I, p. 111 et fig. 19, à la p.112 (d’après un croquis de Tissot).

[95] Toutain, dans Mémoires des Antiquaires de France, LXIV, 1903, p. 204 et carte.

[96] Pline, Hist. nat., XVIII, 188.

[97] Table de Peutinger : Puteo (au Sud des chotts) ; Putea Pallene, Ad Cisternos (cf. Ptolémée, IV, 3, 4). Putea nigra (sur la route du littoral). - Voir aussi Enquête sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 2113 et suiv. ; II, p. 17 et suiv. ; Carton, Étude sur les travaux hydrauliques des Romains en Tunisie (Tunis, 1897), p. 34.

[98] Anthologia latina, édit. Riese, p. 273, n° 349. — En 347, les Byzantins et les indigènes se livrèrent une grande bataille pour la possession d’une rivière qui donnait de l’eau, à une quarantaine de kilomètres au Sud-Est de Gabès : Corippus, Johannide, VI, 473 et suiv., 493 et suiv., 513.

[99] Méhier de Mathuisieulx, Nouvelles Archives des missions, XIII, 1904, p. 82. — Cf. Corippus, II, 116-117.

[100] Strabon, XVII, 3, 20 et 23.

[101] Lucain, IX, 431 et suiv. ; cf. ibid., 402-3, 323-5.

[102] Hérodote, IV, 173 ; cf. IV, 175.

[103] Voir aussi Diodore, XX, 42 (à la fin du IVe siècle avant J.-C., l’armée d’Ophettas, s’engage, le long de la grande Syrte, dans un désert sans eau, infesté de serpents) ; Salluste, Jugurtha, LXXIX, 3.

[104] Pline, Hist. nat., V, 26 : cf. V, 33.

[105] Corippus, Johannide, VI, 283-6 : cf. ibid., 294.

[106] Pline, Hist. nat., V, 38.

[107] Skylax, Périple, 6

[108] Je noterai cependant, sans insister sur cette remarque, que les riverains du fleuve étaient, au dire d’Hannon, des pasteurs nomades, et non des sédentaires qui auraient utilisé l’eau du Lixos pour des cultures.

[109] Pline, Hist. nat., V. 9. Il est malaisé de dire si c’est une citation d’Agrippa (voir Riese, Geographi latini minores, note à la page 3) ou de Polybe (comme on le dit généralement : opinion défendue par Klolx, Quæestiones Plinianæ geographicæ, dans Quellen und Forschungen de Sieglin, Xl, 1906, p. 11-13.

[110] Kubelt (Studien zur Zoographie, I, p. 79) suppose qu’il existait autrefois, sur le cours supérieur de l’oued Draa, un ou deux lacs, qui lui servaient de réservoirs et lui assuraient un débit abondant en toute saison. Mais ce n’est là qu’une fragile hypothèse.

[111] Pline, Hist. nat., V, 31 (d’après Juba) ; Pausanias, I, 33, 6 ; Dion Cassius, LXXV, 13. Voir aussi Mela, III, 96 ; Ammien Marcellin, XXII, 15, 8 ; Paul Orose, I, 2, 29. — Pline (V, 3) indique également, d’après Juba, des crocodiles dans un lac situé chez les Masæsyles, dans la Maurétanie Césarienne.

[112] Pausanias (I, 33, 5), dont les indications sont très sujettes à caution, parle de trois rivières qui descendent de l’Atlas, mais qui sont aussitôt absorbées par le sable.

[113] Crocodile (espèce du Nil) capturé en 1909 par le capitaine Nieger, dans le Tassili der Azdjers ; la dépouille, adressée à M. Flamant, a été envoyée par ce dernier à Paris, au Muséum (indications de M. Flamant). Voir aussi Schirmer, le Sahara, p. 128.

[114] Cf. Dinaux, dans Enquête administrative sur les travaux hydrauliques anciens en Algérie, p. 142.

[115] Gsell, dans Mélanges Boissier, p. 227 et suiv. ; le même, Atlas archéologique de l’Algérie, Ier 48, n° 69.

[116] Hamy et Lerny, Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1896, p. 10-13. Blanchet, Bull. archéologique du Comité, 1899, p. 137-142.

[117] Cf., pour le pays au Sud-Est de Gabès, Carton, Annales de la Société géologique du Nord, XV, 1887, p. 44. — Dans le Nefraoun, à l’Est du chott el Djerid, l’existence de citernes, qui ne pourraient plus être alimentées aujourd’hui, permet de croire que le régime des pluies s’est modifié défavorablement depuis l’époque romaine ; Toutain, Bull. archéologique du Comité, 1903, p. 339.

[118] En venant du Nord, comme le prouve le contexte.

[119] C’est à dessein que nous ne traduisons pas ce mot, qui signifie, d’une manière générale, lieu couvert de végétation naturelle : soit forêt, soit maquis, soit pâturage. Ici le sens paraît être maquis.

[120] Dans un autre passage (VIII, 32), Pline reparle de ce pays où l’on trouve des éléphants.

[121] Le Cynips est l’oued Oukirré, qui débouche dans la mer à peu de distance au Sud-Est de Lebda et dont le cours est plus étendu que ne le croit Hérodote. Voir Méhier de Mathuisieulx, Nouvelles Archives des missions, XIII, 1904, p. 96.

[122] Méhier de Mathuisieulx, dans Publications de l’association historique de l’Afrique du nord, V, 1906, p. 67.

[123] S’il pleuvait dans cette région, les pluies n’y étaient pas plus abondantes, du moins sous la domination romaine. On y a aménagé les eaux avec le plus grand soin. M. de Mathuisieulx (l. c.) parle de barrages colosseaux, de vastes citernes, de puits profonds.

[124] Les bois épais de la colline des Grâces ont disparu, de même que ceux qui sont indiqués par Strabon (XVII, 3, 18) au cap Céphales, aujourd’hui cap Misrata, à l’Est de l’embouchure du Cynips : cf. Tissot, I, p. 213-6.

[125] Carton, dans Annales de la Société géographique du Nord, XXIV, 1896, p. 32. La Blanchère dans Archives des missions, troisième série, X, 1883, p. 63.

[126] Voir, par exemple, Paulle, dans Recueil de Constantine, XVIII, 1876-7, p. 368-370 ; Maugel, dans Bull. de l’Académie d’Hippone, XX, 1883, p. 166-7 ; Notice sur l’hydraulique agricole en Algérie (Alger, 1900), p. 62-63 ; Bourde, Rapport sur les cultures fruitières dans le centre de la Tunisie (édit. de 1899), p. 6 ; Payen, Recueil de Constantine, VIII, 1864, p. 3.

[127] Cassiodore, Var. epist., III, 53. - Une inscription du troisième siècle (C. I. L., VIII, 8809) mentionne dans le Medjaun, au Sud-Ouest de Sétif, une source qui, depuis longtemps, avait disparue. Des travaux y remédièrent.

[128] Enquête sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 66 et 70 ; II, p. 149, 150. Carton, dans Bull. archéologique du Comité, 1888, p. 128.

[129] Papier, dans Recueil de Constantine, XIX, 1878, p. 286.

[130] Enquête Tunisie, I, p. 73.

[131] Mercier, dans Bull. archéologique du Comité, 1888, p. 109 (région de Guelma). Carton, Étude sur les travaux hydrauliques des Romains en Tunisie, p. 80 (au Sud de la Medjerda) ; M. Carton observe : C’est le seul exemple bien net que j’aie rencontré d’une source complètement disparue depuis l’époque romaine. Germain de Montauzan, dans Nouvelles Archives des missions, XV, 1908, p. 87 : le débit de l’aqueduc de Carthage devait être à l’époque romaine notablement supérieur au débit actuel. Mais l’auteur ajoute : On peut attribuer cet appauvrissement soit au déboisement des montagnes, soit à l’obstruction des veines d’eau souterraines.

[132] Nouvelles Archives des missions, XVII, 1909, p. 76.

[133] Enquête Tunisie, I, p. 236. Carton, Étude, p. 12.

[134] À Lambèse : Moll, dans Annuaire de Constantine, III, p. 159-160. A Thelepte, Cillium, Sufetuia : Bourde, Rapport, p. 6.

[135] La Blanchère, dans Archives des missions, 3e série, X, 1883, p. 60-61, WI. Cf. Joly, dans Association française pour l’avancement des sciences, Lille, 1900, II, p. 883.

[136] Guérin, l. c., p. 76.

[137] Les archéologues oublient trop que l’Afrique est restée très cultivée, très peuplée pendant les siècles qui ont suivi l’invasion arabe. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les géographes, El Yacoubi, Ibn Haucal, El Bekri. Beaucoup de ruines qu’on qualifie de romaines pourraient bien être des ruines de constructions berbères dans lesquelles avaient été employés des matériaux datant de l’époque romaine. Je parle ici des habitations, et non pas des édifices officiels et religieux, qu’il est aisé de dater, au moins approximativement.

[138] Pour les forêts de l’Oranie, voir Ballandier et Trabot, dans Bull. de la Société botanique de France, XXXVIII, 1891, p. 320 (ces forêts semblent s’éteindre, naturellement par suite d’un changement climatologique, survenu à une époque relativement récente). Les forêts de cèdres des mont de Batua et du massif de l’Aurès sont aussi en décadence : Vaissière, Revue africaine, XXXVI, 1892, p. 128 ; Ballandier et Trabot, l’Algérie, p. 40.

[139] On attribue la décadence actuelle des forêts de cèdres de la province de Constantine à une cause accidentelle, — une période de grande sécheresse, qui a duré de 1873 à 1881 et qui a tué beaucoup de vieux arbres, — et aux ravages causés depuis lors aux jeunes sujets par les chèvres. M. Lapie (dans la Revue de Géographie, III, 1909, p. 119), qui constate aussi la décadence des boisements de cèdres du Djurdjura, croit que la faute en est aux indigènes et à leurs troupeaux.

[140] Sur les éléphants de l’Afrique du Nord, voir en particulier Armandi, Histoire militaire des éléphants, p. 13 et suiv., 131 et suiv. ; Lacroix, dans Revue africaine, XIII, 1869, p. 170-3, 330-1 ; Tissot, Géographie, I, p. 363-373 .

[141] Skylax, Périple, 4.

[142] De Cuelo, II,14, 13.

[143] Geogr. gr. min., I, p.117, n° 9.

[144] Cité par Pline, Hist. nat., VIII, 31.

[145] Voir Fragmenta historicorurn græcorum, édit. Müller, III, p. 474-5.

[146] Nat. Animes, VI, 36 ; VII, 2 ; IX, 38 ; X, 1 ; XIV, 3. Var. hist., XII, 33.

[147] Strabon, XVII, 3, 4 ; XVII, 3, 7 et 8. — Cf. Mela, III, 104 (il indique l’abondance de l’ivoire dans une région qui correspond au Sud du Maroc).

[148] Pline, Hist. nat., V, 5 ; V, 13 et 14 ; VIII, 2 et 32.

[149] Quomodo historia conscribenda sit, 28.

[150] Tous ces textes montrent combien est fausse l’hypothèse de Kobelt (Studien zur Zoogeographie, I, p. 70-71), qui se demande si les éléphants dont les Carthaginois firent usage à la guerre ne venaient pas d’ailleurs (du Sénégal ou de pays situés plus au Sud) ; pour éviter des expéditions coûteuses, on aurait établi un certain nombre de ces animaux dans des lieux de Tunisie, où ils auraient vécu en demi liberté et se seraient reproduits. Il suffit de faire remarquer : 1° que les Carthaginois n’employèrent pas d’éléphants à la guerre avant le IIIe siècle, tandis qu’Hannon et Hérodote en signalent dans l’Afrique du Nord, à une époque bien antérieure ; 2° qu’une bonne partie des régions où l’on indique des éléphants n’étaient pas soumises à la domination de Carthage. Il n’y a pas lieu non plus d’admettre l’existence de deux races, l’une indigène, l’autre introduite par les Carthaginois : aucun texte ne justifie cette hypothèse.

[151] Polybe, I, 38, 2. Voir aussi Pline, Hist. nat., VIII, 16.

[152] Polybe, I, 74 et 75.

[153] Diodore, XXV, 12.

[154] Appien, Lib., 13.

[155] Polybe, XV, 11. Tite-Live, XXX, 33, 4. Appien, Lib., 40.

[156] Appien, Lib., 93.

[157] Salluste, Jugurtha, LIII, 4.

[158] César, Bell. Afr., I, 4 ; XIX, 3.

[159] Armandi, l. c., p. 17-18.

[160] Frontin, Stratagèmes, IV, 7, 18.

[161] Plutarque, Pompée, 12.

[162] Florus, II, 13, 67.

[163] Plutarque, L’intelligence des animaux, 17.

[164] Monnaies de Juba Ier : Müller, Numismatique de l’ancienne Afrique, III, p. 43 ; de Juba II, ibid., p. 103, 108 ; Revue numismatique, 1908, pl. XIII, fig. 28. — Les monnaies d’argent publiées par Müller, III, p. 17 et 34, paraissent avoir été frappées par les Carthaginois en Espagne ; elles ne doivent donc pas être citées ici.

[165] L’exemple le plus ancien est, je croie, une monnaie d’Agathocle : voir Lezikon der Mythologie de Bescher, s. v. Libye, p. 2039.

[166] Claudien, De Consultatu Stilichonis, II, 236 ; De Bello Gildonien, 137-8. Doublet et Gauckler, Musée de Constantine, p. 41-42. Etc. — Il faut remarquer qu’Alexandrie personnalisée porte parfois la même coiffure. Pourtant, l’éléphant avait disparu de l’Égypte depuis des siècles. Cet attribut a peut-être été donné à Alexandrie, parce qu’elle formait le trait d’union entre l’Afrique du Nord, l’Éthiopie orientale et l’Inde, les trois contrées où les anciens connaissaient des éléphants.

[167] Spartien, Ælius, II, 3.

[168] Servius, Énéide, I, 286 : Elephantem, qui cæsa (sic) dicitur lingua Pœnorum. Ce nom parait se retrouver sur des inscriptions puniques de Carthage : Corpus Inscriptionum semiticarum, Pars I, n° 336, 389 (Kaiser). Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, I, p. 230-4.

[169] Pline, Hist. nat., VIII, 27 ; Tite-Live, XXXVII, 39, 13 ;Diodore, II, 16 et 33 ; Strabon, XV, 1 43.

[170] Monnaies reproduites dans Tissot, I, p. 363. [Le reste de la note est très peu lisible].

[171] Pourtant les éléphants de la Berbérie étaient de plus petite taille que les africains actuels, puisque ceux-ci sont plus grands que les indiens. Ils paraissent avoir été faciles à dresser, tandis que le dressage des éléphants modernes d’Afrique offre des difficultés, qui, du reste, ne semblent pas insurmontables (voir Bourdaric, Association française de l’avancement des sciences, Saint-Étienne, 1897, II, p. 367 et suiv.).

[172] Sur cette espèce, voir Pomel, Éléphants quaternaires (Alger, 1893), p. 20 et suiv.

[173] Pomel, l. c., p. 64 et 67.

[174] Pline, Hist. nat., V, 13 (citant Suétonius Paulinus).

[175] Élien, Nat. Anim., VII, 2

[176] Skylax, Périple, 4.

[177] Aristote, De Cuelo, II, 14, 13.

[178] Pline, Hist. nat., V, 18. Cf. Solin, XXV, 1.

[179] Il n’est pas certain que l’Amilo soit l’oued Amlilou (ou oued Melillo), affluent de la Moutonia, comme le veut Tissot, Géographie, I, p. 368.

[180] Sur le détroit de Gibraltar. Strabon (XVII, 3, 6) mentionne l’Éléphant. Mais ce nom s’explique peut-être par une vague ressemblance de la montagne qu’on appelait ainsi avec la silhouette d’un éléphant : Tissot, dans Mémoires présentés à l’Académie des Inscriptions, IX, Ire partie, 1878, p. 193

[181] Géographe de Ravenne, III, 8 (édit. Pinder et Pathry, p. 137). Ce lieu peut être un évêché : Notice épiscopale de 484, Maur. Cæsar., n° 96.

[182] Bull. archéologique du Comité, 1899, p. CCV. Gsell, Atlas archéologique de l’Algérie, Ier 17, n° 93.

[183] Table de Peutinger : Elephantaria (cf. Géographe de Ravenne, III, 6, p. 131). Ce fut probablement un évêché : Mesnage, l’Afrique chrétienne, p. 22. Pour l’emplacement, voir Tissot, Géographie, II, p. 249.

[184] Indication de M. Bassot.

[185] Discours, X, p. 166 de l’édition Dindorf.

[186] Isidore de Séville, Etymolog., XIV, 3, 12 ; cf. ibid., XII, 2, 16.

[187] Cf. Élien, Nat. Anim., X, 1.

[188] Friedlænder, Sittengeschitche Roms., II, p. 490 de la cinquième édition.

[189] Élien, l. c., VI, 36. Properce, II, 31, 12. Ovide, Pontiques, IV, 9, 28. Pline, Hist. nat., V, 12 ; VIII, 17. Martial, II, 43, 9 ; IX, 22, 3 ; XIV, 3, 2. Juvénal, XI, 123.

[190] Jamais, à notre connaissance, les éléphants ne furent employés dans l’armée romaine d’Afrique, sous l’Empire. Mais l’utilité de ces animaux au point de vue militaire était fort contestable : très souvent, ils s’affolaient au milieu de la mêlée et s’enfuyaient, ou se retournaient contre les troupes qui combattaient de leur côté. Quand même les Romains auraient pu disposer de nombreux éléphants, on peut admettre qu’ils ne voulurent pas s’embarrasser d’auxiliaires aussi dangereux.

[191] Cf. Armandi, l. c., p. 21-22. M. Eugell (Verbreitrung und, etc., CLXXI, 1911, p. 6) croit aussi que la destruction de l’éléphant dans l’Afrique du Nord a été l’œuvre de l’homme.

[192] Rien n’empêche d’identifier avec le fleuve d’Hannon le flumen Bambotum, crocodilis et hippopotamus renfertum, mentionné par Pline (V, 10), d’après Polybe ou Agrippa. — Vitruve (VIII, 2, 7) indique un fleuve qui sortait de l’Atlas, en Maurétanie, et qu’il regarde comme le Nil ; il ajoute : Ex Mauretania autem caput Nili profluere ex eo maxime cognoscitur, quod ex altera parte montis Atlantis sunt alia capita item profluentia ad occidentem in Oceanum, ibique nascuntur ichneumones, crocodili et aliae similes bestiarum pisciumque naturae praeter hippopotamos. Mais le mot praeter, qu’on traduit d’ordinaire par outre, ne signifierait-il par ici excepté ?

[193] Je n’ignore pas que cette question est très délicate et qu’on a souvent exagéré les difficultés qu’éprouvent les animaux à s’adapter à des climats différents de ceux qui paraissent leur convenir le mieux. Je n’irai pas cependant jusqu’à dire, avec Lucien (Dipsad., 2), que les éléphants peuvent supporter la soif et l’ardeur du soleil dans les déserts de la Libye, où, assure-t-il, les Garamantes vont les chasser.

[194] Voir, entre autre, Péroche, dans Annales de la Société géologique du Nord, XXIV, 1896, p. 69 et suiv. ; Carton, la Restauration de l’Afrique du Nord (extrait du Compte rendu du Congrès colonial de Bruxelles, 1897), p. 17 ; Gauckler, dans Enquête sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 122.

[195] Hann, Handbuch der Klimatologie, I, p. 372 et suiv. (de seconde édition). Leiter (l. c.), p. 139. Voir aussi de Lamothe, le Climat de l’Afrique du Nord pendant le pliocène supérieur et le pleistocène (extrait des Comptes Rendus du Congrès géologique de Mexico, 1906), p. 6.

[196] Carton, dans Bull. de l’Académie d’Hippone, XXVII, 1894, p. 3, 14. Le même, dans Revue tunisienne, 1896, p. 90.

[197] Voir chap. IV.

[198] Carton, Étude sur les travaux hydrauliques des Romains en Tunisie, p. 124.

[199] Par exemple, Carton, Bull. d’Hippone, XXVII, p. 5 ; Revue tunisienne, l. c.

[200] Voir, entre autres, Buffault, dans Bull. de géographie historique, 1910, p. 131.

[201] Voir à ce sujet Hann, l. c., I, p. 104-107 ; Brückner, dans les Geographische Abhandiungen de Penck, IV, 2 (1890), p. 12.

[202] Cité par Strabon, XVII, 3, 10.

[203] Salluste, Jugurtha, XVII, 5.

[204] Bucoliques, I, 64 : At nos hinc alii sitientis ibimus Afros. Cf. Martial, X, 20, 7 : sicci... Poenis ; Saint Augustin, Lettres, XXXI, 4 : Africam... siccitatis nobilatitate laborantem ; etc.

[205] De controversii agrorum, dans Gromitici veteres, p. 36.

[206] Orat. pro restaurandis scholis, 21.

[207] Johannide, VII, 322 et suiv. Ce siroco dura dix jours (ibid., 370-1).

[208] Voir encore Corippus, ibid., VI, 272-3 ; VIII, 84.

[209] Il ne parait pas le distinguer nettement du Notos, ou Auster : voir Johannide, I, 387 ; II, 197 ; VII, 387 et 430.

[210] Voir, entre autre, Virgile, Énéide, I, 83-86 ; Horace, Odes, III, 29, 37-38 ; Tacite, Annales, XV, 16.

[211] Par exemple, Saint Augustin, Annot in Job, 38, 24.

[212] Horace, Satires, II, 6, 18. Ailleurs, Horace (Odes, III, 23, 5) appelle ce vent Africus.

[213] Virgile, Géorgiques, III, 278 ; Ovide, Métamorphoses, I, 63-66

[214] Pline, Hist. nat., XVIII, 329. Cf. Aristote, Meteorol., II, 3, 28 : le vent du Sud (Notos) est serein en Libye.

[215] Stace, Silves, I, 6, 78. Claudien, De consulatu Stilichonis, II, 393. Cf. Lucain, IX, 320.

[216] Jugurtha, LXXIX, 6. Cf. Silius Italicus, XVII, 246-8.

[217] Hippocrate, du Régime, II, 38 (tome VI, p. 532 de l’édition Littré).

[218] Lucain, III, 68-70 ; IX, 112-3. Stace, Thébaïde, VIII, 410-1. Rutilius Namatianus, I, 147-8 (s’adressant à Rome).

[219] Galien, édition Kühn, tome XVII B, p. 597. Cf. Oribase, édit. Bussemaker et Daremberg, II, p. 294.

[220] Procope, Bell. vand., I, 14, 17.

[221] C. I. L., VIII, 11824, vers 13 (inscription de Maktar) : Bis senas messes rabhlo sub sole totendi.

Corippus, Johannide, III, 31.25 (en septembre). Columelle, III, 13, in fine. Etc. - Naturellement, les étés pourraient être plus ou moins chauds. Dans un ouvrage écrit en 352, saint Cyprien (Ad Demetrianum, 3) indique qu’on traversait alors une période d’étés tempérés.

[222] Aristote, Histor. animatium, VIII, 28 (27), 7 : manque de pluies en Libye ; manque d’eau pendant l’été. Pline, X, 201. Columelle, I, 6, 24. — Strabon (XVII, 3, 7) indique, sans s’en porter garant, que des pluies tomberaient abondamment en été chez les Pharusiens et les Nigrètes (peuples qui habitaient le Sud du Maroc actuel) ; au contraire, la sécheresse régnerait chez eux en hiver. Mais il est permis de douter de l’exactitude de ce renseignement, contraire à la règle générale de la climatologie du l’Afrique du Nord : sécheresse en été, pluies en hiver. Peut-être a-t-on transporté au pays des Pharusiens et des Nigrètes des indications qui s’appliquaient à des régions du Soudan ou de la lisière méridionale du Sahara.

[223] Saint Augustin (Enarr. in Psalm., LXXX, 1, et LXXVI, 5) parle de pluies qui peuvent compromettre le battage des récoltes ou la Vendange.

[224] Appien, Bell. civil., II, 45.

[225] Pline, Hist. nat., II, 153 ; XVIII, 186.

[226] Pline (H. N., V, 14) affirme, d’après Suétonius Paulinus, que le sommet de l’Atlas est, même en été, couvert de neiges épaisses (cf. Dion Cassius, LXXV, 13, et, d’après Dion, Zamarus, XII, 9, t. II, p. 551 de l’édition de Hann ; voir aussi Virgile, Énéide, IV, 240). Actuellement, la neige ne demeure pendant toute l’année que dans quelques coins bien abrités du Haut-Atlas. Mais il serait sans doute bien imprudent d’en conclure que les chaleurs de l’été étaient autrefois moins fortes. — D’autre part, rien ne prouve que le dattier, qui, pour fructifier, a besoin d’étés très chauds et très secs, ait porté des fruits ailleurs que dans les oasis du Sud où il fructille encore aujourd’hui. Dans l’Ouest du Maroc, Pline (H. N., V, 13) indique des restes d’anciennes palmeraies sur un fleuve Ivor, ou Vior, qu’il place entre le Fut (oued Tensif) et l’Atlas. Mais produisaient-elles de meilleurs fruits que les dattiers qui sont si nombreux dans la région de Marrakech ? — Appien (Lib., 71) dit que, chez les Numides, l’hiver n’est pas très froid et que l’été n’est pas d’une chaleur excessive, comme chez les Éthiopiens et chez les Indiens : ce qui ne nous apprend pas grand’chose. Appien lui-même (Lib., 73) parle de la chaleur de l’été africain.

[227] En Italie et en Sicile, on constate qu’aux environs de notre ère, elles se faisaient environ un mois plus tard qu’aujourd’hui : les chaleurs étaient donc plus tardives et, sans doute, plus modérées. Une pièce de vers, insérée dans une anthologie africaine (Anthologie latine, édit. Riese, p. 133, v. 13), indique la moisson en juillet. Actuellement, la récolte de l’orge se fait en Afrique en mai-juin, celle du blé en juin et dans la première quinzaine de juillet.

[228] Columelle, XI, 2, 60. C’est l’époque où, de nos jours, on commence, la vendange sur le littoral.

[229] Saint Cyprien, Ad Donatum, 1 ; cf. Arnobe, I, 21. — Une pièce de vers d’un recueil africain (voir à la note 227) indique (v. 18-20) que les raisins sont mûrs en septembre ; elle place la fabrication du vin en octobre : ce qui, actuellement, serait une date bien tardive pour l’Afrique.

[230] Procope, Bell. vand., I, 16, 1 ; I, 17, 10.

[231] Saint Augustin (Enarr. in Psalm., CXXXVI, 9) dit qu’on met les olives sous le pressoir à la fin de l’année. Sur une mosaïque de la région de Sousse, la figure de l’Hiver est accompagnée d’un homme ramassant des olives : Catalogue du musée Afaoui, Suppl., pl. XVI, fig. 2. Dans le poème du recueil africain cité plus haut, la fabrication de l’huile est indiquée en novembre (v. 21-22).

[232] On admet d’ordinaire, que la limite d’altitude pour les oliviers fructifères est d’environ 900 mètres dans l’Afrique du Nord (en Kabylie) et qu’ils ne doivent pas être exposés à des froids persistants de -0°. Cependant nous trouvons, dans la province de Constantine, des restes de pressoirs à huile à des altitudes dépassant 1.000 mètres. Mais cela ne prouve pas que les hivers aient été moins froids qu’aujourd’hui dans les parties hautes de la Berbérie. Les anciens ont pu planter des variétés plus résistantes à la gelée que les variétés cultivées actuellement à des altitudes moins élevées. D’ailleurs, au Maroc, il existe encore des oliviers fructifères à 1.300 mètres, et même à près de 1.500 mètres d’altitude : Fischer, Der Oelbaum (Petermanns Mitteilungen, Ergânzungsheft CXLVII, 1904) 26, 79 et 81.

[233] Histoire Auguste, Hadrien, XXII, 14. Ce fut peut-être alors que le légat de la légion fit à Lambèse deux dédicaces : Ventis, bonarum Tempeslatium potentibus et Iovi O(ptimo) M(axima), Tempestatium divinarum potenti : C. I. L., VIII, 2010 et 2609.

[234] Arnobe, Adversus gentes, I, 10.

[235] Victor de Vite, III, 53. — L’année 547 fut aussi très sèche : Corippus, Johannide, VI, 217 (sterilis nam cernitur annus).

[236] Tertullien, Ad Scapulam, 3.

[237] C. I. L., VIII, 9230.

[238] Bull. archéologique du Comité, 1891, p. 183.

[239] Martin, dans Recueil de Constantine, XLIII, 1909, p. 1 et 6.

[240] C. I. L., VI, 1736. Cf. Ammien Marcellin, XXVIII, 1, 17.

[241] Symmaque, Lettres, IV, 74 (au proconsul d’Afrique).

[242] Ad Demetrianum, 2, 3 et le début du 8.

[243] Augustin, Enarr. in Psalm., CXLIII, 10.

[244] Augustin, Lettres, CXXIV, 1 (hiver de 410-411).

[245] Augustin, Enarr. in Psalm., XCVIII, 14.

[246] Apologétique, 23. Cf. une inscription de Sidi Youcef (C. I. L., VIII, 16810).

Les indigènes recouraient, comme aujourd’hui encore, à des procédés magiques : voir Dion Cassius, LX, 9.

[247] Augustin, Enarr. in Psalm., LXXX, 1.

[248] Augustin, Enarr. in Psalm., CXX, 13.

[249] In laudem Iuitini, IV, 213.

[250] Salluste, Jugurtha, LXXV, 7.

[251] César, Bell, afric., XLVII, 1 et 6.

[252] Tertullien, Ad Scapulam, 3.

[253] Orage subit pendant une bataille que Marius livre à Jugurtha et à Bacchus, dans la région de Circa : Paul Orose, V, 13, 15-16. Pluie torrentielle et vent violent lors d’une bataille livrée par Pompée prés d’Utique : Plutarque, Pompée, 12. Pluie torrentielle en 42 environ après J.-C., dans le désert : Dion Cassius, LX, 9. Orage violent en 238, probablement près de Carthage : Histoire Auguste, Gordiani tres, XVI, 2.

[254] S. Cyprien, Ad Demetrianum, 7. — S Augustin, Enarr. in Psalm., LXX (Ire partie), 17 ; LXXVI, 5 ; CXXIX, 8 ; CXXXVI, 3. - Dans la lettre XCI, 8, il est question d’une grêle qui éclata sur Calama (Guelma) au commencement de juin. — Corippus, Johannide, III, 236. Cf. Ibid., II, 210 et suiv. ; VIII, 513 et suiv. — Voir aussi Actes des martyrs d’Abitine, 3 (dans Ruinart, Acta primorum martyrum, Paris, 1680, p. 410).

[255] Frontin (De controversiis agrorum, dans Gromatici veteres, p. 47) parle des inondations qui modifient l’aspect des champs en Attique.

[256] Bull. archéologique du Comité, 1908, p. CCXLIII (inscription de la région du Mornag, au Sud de Tunis). Ibid., 1809, p. CLXXXI (inscription de Tigzirt).

[257] C. I. L., VIII, 10218-9, 10302, 10304, 10308-9, 10313, 10320, 10323, 22371-3, 22379 (bornes milliaires de la route de Cirta à Rusicade). Ibid., 22307, 22399 ; Procès-verbaux de la Commission de l’Afrique du Nord, mars 1912, p. XVI (bornes de la région de Djemila, entre Constantine et Sétif).

[258] Solin, XXVII, 5. Cf. Strabon, XVII, 3, 10.

[259] Des bateaux à fond plat pourraient le remonter jusqu’à 230 kilomètres de son embouchure : Annales de Géographie, XXI, 1912, p. 281.

[260] Mela (1, 28) parle des parva flumina de la côte méditerranéenne de la Maurétanie, c’est-à-dire du Maroc.

[261] Tissot, dans Mémoires présentés à l’Académie des Inscriptions, IX, Ier partie, p. 156-7.

[262] Gsell, Monuments antiques de l’Algérie, II, p. 9-10 ; p. 11, n° 2, n° 1 et 4. Tissot, Géographie, II, p. 231, 260, 273, 282, 336, 371, 441, 449, 530, 570, 576. Saladin, dans Nouvelles Archives des missions, II, 1892, p. 403-414, 437-439.

[263] Certains de ces gués correspondent à ceux d’aujourd’hui. Pour celui de  Medjez Sfa, entre Duvivier et Souk Auras, voir Mercier, Bull. archéologique du Comité, 1888, p.118 et 119 ; Gsell, Atlas archéologique de l’Algérie, Ier 9, n° 223.

[264] Strabon, II, 5, 33. Cf. XVII, 3, 1.

[265] Strabon, XVII, 3, 4. Cf. XVII, 3, 7.

[266] Strabon, XVII, 3, 9. Cf. XVII, 3, 15.

[267] Salluste, Jugurtha, LXXXIX, 6 ; LXXV, 7.

[268] S. Augustin, Enarr. in Psalm., CXLVIII, 10.

[269] Strabon, XVII, 3, 9. Cf. XVII, 3, 10.

[270] Ce membre de phrase est altéré dans la texte : le sens est donc incertain.

[271] Strabon, XVII, 3, 7. Cf. XVII, 3, 10, où Strabon indique aussi de grands lacs à l’intérieur des terres.

[272] La Blanchère, dans Archives des missions, 3e série, X, 1883, p. 73 : Cagnat, Armée romaine d’Afrique, 2e édit., p. 665.

[273] Gsell, Atlas archéologique de l’Algérie, Ier 26.

[274] Cela pour répondre aux observations de Th. Fischer, dans Verhandlungen des achten deutschen Geographentages (1889), p. XV.

[275] Gsell, Atlas, Ier 26, n° 111 ; Ier 27, n° 10.

[276] Victor de Tonnenna, Chronique, à l’année 470 (dans Mommsen, Chronica minora, II, p. 189). Cf. Victor de Vite, II, 26, ibid., 87.

[277] Gsell, l. c., Ier 16, 26, 27, 28.

[278] Gsell, l. c., Ier 18, n° 319 et 333.

[279] Salluste. Jugurtha, XLVIII, 4-5. — La plaine de Cilla, que mentionne Appien (Lib., 40) et qui se trouvait peut-être dans cette région, était sans eau.

[280] Salluste, Jugurtha, LXXXIX, 4, 5.

[281] Salluste, Jugurtha, LXXXIX, 6.

[282] Salluste, Jugurtha, LXXV, 2.

[283] Salluste, Jugurtha, LXXV, 3 ; XCI, 1 (il faut dire que l’expédition de Marius eut lieu à la fin de l’été : XC, 1).

[284] Salluste, Jugurtha, LXXXIX, 7. Cf. ce que Pline (H. N., X, 201) dit sur un moyen que les Gétules ont trouvé pour se désaltérer.

[285] Blanchet, dans Enquête sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 49 ; le même, dans Association française pour l’avancement des sciences, Tunis, 1839, II, p. 899. — Aucun reste de barrage n’a été relevé dans la région de Kairouan : Enquête, I, p. 263.

[286] César, Bell. Afric., LI, 3 : César choisit pour établir son camp un endroit où putei fieri complures poterant: aquatione enim longa et angusta utebantur ; LXIX, 5 l’ennemi s’efforce de faire camper César ubi omnino aquæ nihil esset ; LXXIX, 1 : aquae penuriam.

[287] Procope, Bell. vand., I, 15, 34 ; Édifices, VI, 6.

[288] Enquête Tunisie, I, p. 9, 11, 59.

[289] Cf. Blanchet, dans Enquête, I, p. 40.

[290] Les aqueducs qui amenaient des eaux de source dans certaines villes importantes étaient parfois très longs (aqueduc principal de Cirta, 35 kilomètres ; aqueduc de Coesares, 28 ; aqueduc de Carthage, 132). Cela ne prouve pas que les sources manquassent dans le voisinage de ces villes. Mais ou bien l’eau qu’elles fournissaient n’a pas été jugée assez bonne, ou bien elle eût été insuffisante pour alimenter de très fortes agglomérations, Cf. Fischer, Verhandlungen des achten Geographentages, p. XV.

[291] De controversiis agrorum, dans Gromatici veteres, p. 67. — Cf. Agenius Urbicus, ibid., p. 88. — Frontin dit encore (l. c., p. 36) : Cum sit regio aridissima (il s’agit de l’Afrique), nihil magis ia querela habent quam si quis inhibuerit aquam pluviam in suum influere ; nam et aggeres faciunt et excipiunt et continent eam, ut ibi potius consumatur quam effluat.