DE LA MORALE DE PLUTARQUE

 

CHAPITRE II. — EXPOSITION CRITIQUE DE LA MORALE DE PLUTARQUE.

 

 

§ III. — LE TEMPLE - LA CRISE DU PAGANISME.

Les fonctions de grand prêtre du temple de Delphes sont les dernières que Plutarque ait remplies. Si l’on ne sait au juste combien de temps il les exerça, il est certain qu’elles remplirent plusieurs années de sa longue vieillesse, et il est probable qu’il ne les quitta qu’avec la vie. C’est donc sous les auspices d’Apollon et, pour ainsi dire, à l’ombre du sanctuaire, que furent composés, pour la plupart, ses Traités de morale religieuse[1].

Le temps était passé, nous l’avons dit, où, consulté sur les questions de guerre à entreprendre, de colonie à fonder, de législation à consacrer, d’apothéose à décerner, le dieu de Delphes régnait souverainement en Grèce et jusque chez les Barbares[2]. Son rôle était devenu plus modeste, comme la fortune des peuples qui recouraient à ses lumières. C’est Plutarque lui-même qui nous l’apprend[3]. Mais il nous apprend aussi que, tandis qu’en plus d’un endroit où jadis se pressaient les fidèles le dieu s’était tu pour ne pas parler dans le désert, à Delphes il avait continué de se faire entendre[4]. Interrogé sur de moindres objets, il n’avait jamais complètement cessé de l’être ; et après une période d’obscurcissement et de défaillance[5], vers le milieu du premier siècle de l’ère chrétienne, il semblait avoir retrouvé, en partie, son éclat et son crédit[6]. Il y avait longtemps, du moins, que le temple n’avait été aussi fréquenté. Les philosophes s’y donnaient rendez-vous des extrémités de la terre[7] ; les souverains y apportaient leurs offrandes[8]. L’enceinte de la vieille ville ne suffisait plus à l’affluence des visiteurs. Aux portes du sanctuaire une ville nouvelle avait pris naissance. Voyez, dit Plutarque, comme, semblable aux arbres dont la sève vigoureuse pousse sans cesse de nouveaux rejetons, le Pylée de Delphes s’accroît et se propage, pour ainsi dire, de jour en jour, par la multitude des sanctuaires, des bassins d’eau lustrale, des salles d’assemblées qui s’y élèvent avec un luxe qu’on ne connaissait plus depuis bien des années. Jadis les habitants de Galaxium, en Béotie, sentirent la présence du dieu par l’abondance des sources de lait qui tout à coup jaillirent comme l’eau des fontaines. Apollon nous a donné des signes de sa protection encore plus manifestes ; il nous a tirés de l’abandon et de la misère, pour nous rendre la richesse et l’honneur ; car il n’est pas possible qu’un si grand changement, accompli en un si court espace de temps, soit l’œuvre des hommes ; c’est le dieu qui, revenant parmi nous, a rendu à l’oracle son inspiration[9].

Cette recrudescence de foi à l’oracle n’était qu’un symptôme. Le paganisme n’avait jamais eu de principes arrêtés, de bases fixes, d’orthodoxie. Son histoire est celle d’une incessante transformation. Il avait grandi en même temps que les peuples dont il avait protégé le berceau ; il s’était modifié, épuré, élevé avec eux ; il les avait suivis aussi dans leur décadence. Mais la décadence des idées religieuses dont une société a vécu est d’autant plus lente, que l’effort qui l’a constituée a été plus puissant. Au deuxième siècle de l’ère chrétienne, le paganisme, luttant contre les éléments de corruption qui s’étaient développés dans son sein, cherchait, avec l’aide de la philosophie Platonicienne, à se relever en se réformant. Cette sorte de crise, dont le règne des Antonins marque l’apogée, avait commencé avant eux. De nombreux documents en attestent l’importance[10]. Mais aucun écrivain peut-être n’en fait, mieux que Plutarque, sentir le caractère[11]. C’est ce qui donne à ses traités de morale religieuse, indépendamment de leur intérêt propre, une certaine valeur historique.

Issus du même principe, le paganisme grec et le paganisme romain étaient arrivés, par des voies différentes, au même état de désorganisation.

Il y a, dans le développement de la religion hellénique, un moment où elle semble s’épanouir dans toute sa fleur de beauté. C’est le moment où le génie grec arrive, avec Sophocle, à la complète possession de lui-même et à son expression la plus pure, ce-lui où, sous la domination de Périclès, Athènes se couvre de chefs-d’œuvre. Représentée sous les images idéalisées par le ciseau de Phidias, la religion s’y était comme incarnée. On vous l’a démontré, et je le répète, disait Cicéron : de toutes les vexations que nos alliés et les puissances étrangères ont essuyées dans ces derniers temps, rien n’a été plus sensible aux Grecs que les spoliations de leurs autels[12]. Les statues n’étaient pas seulement l’ornement des temples grecs, elles en étaient l’âme. On les parait, on les vénérait, on les usait à force de baisers[13] ; chacune d’elles, dit Tacite, avait ses privilèges. Aimable et touchante idolâtrie, mais que sa grâce même exposait à toutes les faiblesses. La Grèce était hospitalière ; elle avait de bonne heure ouvert la perte aux cultes de l’Orient[14]. Au deuxième siècle de l’ère chrétienne, Pausanias signalait sur son passage huit temples consacrés à Sérapis ou à Isis[15]. Le plus célèbre et le plus fréquenté existait aux portes mêmes de Delphes, Plutarque comptait parmi ses disciples une jeune prêtresse, initiée aux mystères d’Apollon et vouée au service d’Isis[16]. Athènes enfin, la généreuse et spirituelle Athènes, avait élevé un autel au Dieu inconnu[17]. Les vieilles divinités de l’Olympe national étaient indignées, dit ironiquement Lucien ; elles se plaignaient que les sacrifices qui leur étaient dus leur tussent ravis par des monstres venus de la Libye[18]. Le sens même du culte auquel elles avaient été accoutumées s’était altéré ou perdu. Comme les statues des rois et des grands hommes dont on changeait la tête au fur et à mesure qu’un maître nouveau réclamait de nouveaux hommages[19], certains dieux dépossédés de leur caractère traditionnel avaient, sous le même nom, revêtu d’autres attribues. C’est ainsi que Jupiter était devenu le patron des mers et des vents, Neptune, le dieu de la génération[20]. L’ordre de l’antique théologie était bouleversé. La religion hellénique, fondue, pour ainsi dire, avec les religions de l’Orient, n’offrait plus qu’un mélange de croyances et de pratiques empruntées aux cultes de toutes les nations[21].

D’autres causes avaient produit à Rome les mêmes effets. Là, point de symbolisme, ni de poésie ; rien qui parlât à l’âme ; un culte austère : des règles inflexibles présidant à toutes les occupations de la vie, du berceau à la tombe[22] ; et, comme disait Varron, des dieux certains[23]. Le paganisme des Grecs était une religion d’artistes ; celui des Romains, une religion de jurisconsultes. Pendant deux siècles, ils n’avaient point connu les statues ; et les mystères, ces doux mystères qui, au dire de leurs propres philosophes, rendaient la vie plus aimable et la mort plus légère, la loi en interdisait formellement l’initiation à la foule[24]. Formalistes rigoureux, les Romains étaient en même temps très tolérants à l’égard des cultes étrangers, pourvu qu’ils ne fussent pas inconciliables avec la coutume nationale, patrio more[25]. On proscrivait les corporations et les sociétés secrètes ; mais on ne fait point difficulté d’autoriser les religions qui ne troublaient point la paix de la cité[26] ; bien plus, on les adoptait. En cela, comme en toute chose, la politique du sénat se prêtait avec souplesse aux besoins de la conquête. Rome s’incorporait régulièrement les dieux des peuples vaincus, comme elle faisait les familles et les cités. Parfois aussi, dans les jours de péril, elle cédait au vœu populaire et implorait l’aide des divinités étrangères : ainsi avait été admis, pendant les guerres Puniques, le culte de Cybèle[27]. Mais l’observation des règles politiques n’a qu’un temps. La domination romaine s’étendant saris cesse, les superstitions, comme on les appelait, avaient fini par envahir à ciel ouvert la capitale du monde[28]. Vers les dernières années de la république, il n’était pas de culte qui n’eût ses autels au Panthéon. Restaurateur des institutions politiques, Auguste avait, en vain, cherché à rétablir du même coup la religion nationale dans les âmes[29] ; le paganisme romain n’était plus qu’une ruine, l’Olympe, un chaos. Il y a, disait-on, plus de dieux au ciel que d’hommes sur la terre[30].

Ainsi à Rome, comme en Grèce, le paganisme avait perdu depuis longtemps toute autorité.

Quand une société est travaillée d’un mal profond, il vient un moment où ce mal monte, pour ainsi dire, à la surface, et s’aggrave en se manifestant. Les dernières années de Néron, les sanglantes discordes qui suivirent sa chute, les fléaux sans exemple qui signalèrent le règne des premiers Flaviens, avaient plongé le monde dans l’effroi. Le désordre dont les esprits étaient atteints éclata partout, mais nulle part plus manifestement qu’à Rome. Là, comme au foyer du mal, on vit tout ce que ce travail secret du paganisme corrompu avait amassé de ténèbres dans les âmes[31]. Le trouble avait pénétré jusque dans les temples de la science et de la sagesse. Lucain chante les effets surnaturels de la magie[32]. Pline le jeune raconte sérieusement des histoires de revenants[33]. C’est un songe qui détermine Pline l’Ancien à écrire son livre, aujourd’hui perdu, de la Germanie[34]. Tacite accumule dans ses récits les énumérations de prodiges[35]. Les lumières de la philosophie elle-même semblent obscurcies. Les plus fermes, les plus brillants génies essaient tour à tour toutes les doctrines, sans arriver à se fixer. Chez Sénèque, les observations de morale pratique mises à part, que d’incertitudes et d’inconséquences ! Il confond Dieu avec le monde, la providence avec le destin ; il admet et n’admet pas l’immortalité de l’âme ; il proclame la liberté humaine et il la nie[36]. Le grave auteur des Histoires et des Annales ne peut envisager, sans être ému au plus profond de son âme, le spectacle des vicissitudes humaines élevant Claude à l’empire comme par dérision[37], ou ramenant, sous Vespasien[38], les réformes auxquelles avaient applaudi les contemporains d’Auguste. La vue du mal étouffant le bien, du vice opprimant la vertu, le déconcerte. L’amère expression d’un doute douloureux lui échappe ; et telles sont ces angoisses de scepticisme attristé que les plus fervents admirateurs de son génie l’ont soupçonné d’incliner au fatalisme d’Épicure[39].

Ce malaise auquel n’échappaient pas les plus hautes intelligences précipitait la foule dans les désordres soit d’une superstition aveugle, soit d’un brutal athéisme. On admettait toutes les croyances ; on les reniait toutes. Sénèque, Perse, Josèphe, Pline, Suétone, Tacite, Juvénal, Lucien, Apulée, en témoignent[40] Les esprits ne sachant plus où se prendre, l’astrologie, la divination, la sorcellerie, toutes les formes du charlatanisme le plus raffiné ou le plus grossier, se donnaient carrière. Arrivé en Italie, au temps de Vespasien, Plutarque avait assisté à cette sorte d’explosion. De retour à Chéronée, ses fonctions de grand-prêtre non moins que son rôle de directeur lui permirent de sonder la profondeur de l’abîme. L’ignorance où les hommes sont tombés à l’égard des dieux, disait-il, s’est divisée en deux courants, dont l’un, faisant son lit dans les cœurs durs ainsi que sur un sol rocheux, a produit la négation des dieux, tandis que l’autre, se répandant sur les âmes tendres comme en un terrain humide, y a fait germer la crainte exagérée des dieux[41]. Et c’est contre ces deux courants que sont dirigés ses Traités de morale religieuse. Faire rentrer dans les âmes la croyance à un Dieu à la fois bon et juste, et les ramener aux pratiques d’un culte raisonnable, ainsi peut se résumer le double objet qu’il paraît s’être proposé.

 

I

En abordant un sujet qui touche aux sentiments les plus délicats de la conscience humaine, on est porté tout d’abord à demander à Plutarque quelle est sa règle de critique ; mais on ne peut se faire illusion sur la réponse : il n’a pas de théodicée. Toujours fidèle à la maxime de l’Académie, il cherche à persuader, il n’impose, il n’affirme rien[42]. Il semble même parfois s’envelopper dans une sorte de mysticisme. Du sein de son enveloppe matérielle, dit-il, l’âme humaine n’a aucun commerce véritable avec Dieu. Tout ce qu’elle peut faire par le moyen de la philosophie, c’est de le toucher légèrement, comme en songe[43]. Toutefois, ce voile sous lequel il laisse flotter sa pensée ne l’empêche pas d’être suffisamment transparente et ferme.

Il n’est pas de cause qu’il soutienne avec plus d’épanouissement de cœur que celle de l’existence de Dieu[44]. Avoir des idées justes sur la Divinité, disait-il, est la source la plus pure, le vrai principe du bonheur[45]. Et pour peu qu’on prenne la peine de recueillir dans ses divers Traités les éléments de l’opinion qu’il professe, on y reconnaît aisément que le Dieu qu’il adore est le Dieu de Platon.

Dieu est, dit-il, c’est-à-dire qu’à lui seul appartient l’existence. Placés entre la naissance et la mort, nous n’avons que l’apparence de l’être. Dieu seul n’a ni origine ni fin. Il ne tonnait pas la succession des temps. On ne peut pas dire qu’il a été, qu’il sera : il est[46]

Dieu est immuable et hors du monde. Supposer qu’il se produit en lui des changements, comme d’un l’eu qui tour à tour se répand et se condense, devient terre, mer, vent, animal ou plante, et subit toutes les vicissitudes des êtres animés et inanimés, est une impiété[47].

Dieu est unique. Ce qui est par excellence ne peut être qu’un. Il n’y a donc qu’un Dieu, le même pour les barbares et pour les Grecs, pour les peuples du Nord et pour les peuples du Midi. Comme le soleil, la lune, le ciel, la terre et la mer, sont communs à tous les hommes, bien que chaque nation leur donne des noms différents : ainsi la raison souveraine qui a formé l’univers est une. Les prêtres consacrés au culte dans les divers pays représentent l’être suprême sous divers symboles, plus ou moins obscurs, plus ou moins sensibles ; mais la pensée de tous se rapporte à un Dieu unique[48].

De quelques passages du traité d’Isis et d’Osiris on a induit à tort que Plutarque admettait le principe du dualisme Manichéen[49]. Les développements sur lesquels repose cette conjecture ont un caractère purement historique. Plutarque cherche toutes les explications vraisemblables des mythes égyptiens. L’explication Manichéenne se présentant à son tour à sols esprit, il l’expose comme il fait toutes les autres ; puis il passe, et là comme ailleurs c’est à la doctrine de Platon qu’il s’arrête.

Le dogme du Timée est son dogme. Au commencement, le mal régnait dans l’univers. Dieu y a introduit le bien, mais il n’a pu complètement en bannir le niai attaché à la matière ; et c’est la puissance aveugle et malfaisante de la matière qui contrarie les effets de sa sagesse et de sa bonté[50].

Cause parfaite, Dieu veille à la perpétuité de l’ordre qu’il a établi. Il ne peut être indifférent à une œuvre à laquelle il a donné la vie. Il ne saurait avoir tiré l’univers du néant pour le détruire, comme un enfant qui s’amuse à tracer sur le sable des figures pour les effacer aussitôt. Créateur et organisateur du monde, Dieu en est le conservateur et le père[51].

Ce monde n’est pas infini. Une matière infinie ne peut coexister à un Dieu infini. Mais rien n’empêche qu’il y ait plusieurs mondes, cinq, dix, cinquante, cent, — sur ce point, Plutarque s’écarte de Platon et se rapproche des Épicuriens, — régis par une seule volonté, dépendant d’un même maître[52]. Cette pluralité des mondes convient à la bonté et à la grandeur de Dieu[53].

Quel que soit le nombre de ces mondes, Dieu les embrasse tous dans son regard. C’est rabaisser sa toute-puissance que de l’enchaîner, comme la reine des abeilles, à un lieu déterminé. Il n’est pas besoin qu’il se transporte là où il lui plai1 d’étendre sa main. Castor et Pollux ne s’embarquent point sur, chacun des vaisseaux qu’ils veulent sauver de la tempête ; du haut des nues, ils les remettent dans leur route. Dieu, du haut de l’éther, préside au gouvernement des mondes et à leurs révolutions[54].

Mais quel est le caractère de ce gouvernement et comment s’exerce-t-il ? Quel lien rattache le ciel à la terre, l’homme à Dieu ? De quel œil Dieu voit-il les égarements de la superstition et les désordres de l’athéisme ? Nous sommes ainsi conduits à l’examen des deux questions qui nous occupent. Et, si pour recueillir les principes qui pouvaient nous éclairer sur le fond de la théodicée de Plutarque nous avons dû, comme toujours, chercher un peu partout dans ses œuvres, ici le terrain solide ne nous fait pas défaut. Le traité de la Superstition et celui des Délais de la justice divine sont au nombre des meilleurs ouvrages que l’antiquité nous ait légués.

En rassemblant les traits qui nous ont servi à marquer l’état du paganisme, nous avons fait de nombreux emprunts à Sénèque, à Perse, à Juvénal, à Lucien. Ce qui caractérise les peintures de ces moralistes, philosophes ou poètes, c’est qu’elles tournent généralement à la satire. Sénèque, comme Lucien, se raille des faiblesses dégradantes des superstitieux ; c’est par le ridicule qu’il veut les atteindre et qu’il les frappe. Rien de semblable dans Plutarque. Il ne s’amuse point des travers de l’humanité ; ce n’e-t pas la première fois que nous en faisons l’observation. Le spectacle des misères de la superstition le touche. Il souffre de voir ces malheureux en proie à des charlatans qui les ruinent en consultations et leur font passer des journées entières, la tète couverte de fange, la face prosternée contre terre, le corps accroupi dans des attitudes honteuses, à célébrer des fêtes lugubres, à observer des sabbats, à adorer des idoles[55] ; il les plaint plus encore qu’il ne les blâme ; il voudrait les soulager. Pour y mieux arriver, comme le médecin qui ne craint pas d’employer les poisons, faute de remèdes assez actifs. il a recours ; une comparaison entre la superstition et l’athéisme, dams laquelle il cherche à démontrer au superstitieux d’abord qu’il est plus malheureux et ensuite qu’il est plus coupable que l’alliée. Comparaison pleine de vigueur et de hardiesse : il ne se borne pas à découvrir la plaie qu’il veut guérir ; il la sonde, il la presse, il la fait saigner.

Que l’athéisme, dit-il, soit la plus triste des erreurs, qui en doute ? Celui qui ne croit pas à l’existence des dieux a une taie sur les yeux de l’âme. L’athée, cependant, est moins malheureux que le superstitieux. Ceux qu’une surdité totale rend insensibles à la musique ne souffrent pas autant que ceux qui n’entendraient que des sons criards et faux. Quand hercule devint furieux, n’eût-il pas -vieux valu qu’il ne reconnût pas ses enfants, plutôt que d’en venir à traiter en ennemi ce qu’il avait de plus cher au monde ? Qu’il survienne à un athée quelque épreuve sérieuse, une maladie, un échec auprès du peuple, une disgrâce de la part du chef de l’État, il accusera la fortune, ses amis, tout le monde, lui-même ; mais bientôt, reprenant courage, il se remettra au train de la vie. S’il arrive au superstitieux le moindre accident, une indisposition, une mésaventure, le voilà cloué à son siége, abîmé dans les gémissements et dans les larmes, se forgeant toute espèce de terreurs. Ses malheurs sont pour lui autant de traits de la vengeance divine. Laissez, dit-il au philosophe qui cherche à le consoler, laissez souffrir un maudit, objet fatal de la colère des Génies. Et se tenant hors de sa maison, planté comme un poteau, enveloppé d’un sac, la tête couverte de guenilles infectes, il confesse je ne sais quelles fautes, comme d’avoir bu ceci, mangé cela, passé par ce chemin, sans l’aveu ne telle ou telle divinité. Ou bien il restera chez lui, accumulant victime sur victime, tandis que des charlatans ou des sorcières viendront suspendre à son cou des amulettes[56]. Il craint tout, la terre et le ciel, les ténèbres et la lu litière, le bruit et le silence. Le sommeil même n’est pas pour lui un temps de trêve ; il est poursuivi par des spectres qui le réveillent en sursaut[57]. La pensée de la mort, loin de le calmer, ne fait qu’accroître son effroi. Au delà du tombeau, il n’entrevoit que juges, bourreaux, fleuves enflammés, éternels supplices[58]. Les cérémonies religieuses, ces fêtes si douces, ne sont pour lui qu’une source de torture. L’athée du moins rit et plaisante pendant le sacrifice. Pour le superstitieux, il prie d’une voix entrecoupée ; il offre l’encens d’une main tremblante ; sa pâleur ressort sous sa couronne ; démentant cette belle parole de Pythagore, que nous devenons meilleurs en approchant des dieux, il entre dans les temples comme s’ils étaient des antres remplis de serpents[59].

De cette observation Plutarque passe à la seconde partie de sa thèse. J’admire, dit-il, que l’on considère les athées comme des impies, et qu’on ne traite pas de même les superstitieux. L’homme qui nie l’existence des dieux est-il moins coupable à l’égard de la Divinité que celui qui les croit tels que la superstition les figure ? Pour moi, certes, ajoute-t-il ingénument, j’aimerais mieux qu’on dit : Plutarque n’existe point, que d’entendre dire : Plutarque est un homme sans consistance, prompt à la colère, vindicatif ; si, ayant invité à souper d’autres amis, vous l’avez oublié ; si, faute d’un moment de loisir, vous n’êtes pas allé lui faire visite, il est homme à vous calomnier, à vous ruiner, à vous emporter votre enfant pour le maltraiter, à licher sur vos terres quelque bête féroce élevée tout exprès... Mais il ne s’en tient pas à ces protestations naïves. Il pénètre jusqu’au cœur du mal, il en met à nu le fond. Si le superstitieux avait le choix, dit-il, il serait athée. L’athée professe qu’il n’y a pas de dieux ; le superstitieux voudrait qu’il n’y en eût pas ; c’est malgré lui qu’il croit à l’existence de la Divinité[60]. Poussant enfin son raisonnement jusqu’à ses dernières conséquences : L’athéisme n’a jamais produit la superstition, s’écrie-t-il, et c’est la superstition qui a donné naissance à l’athéisme. Tandis que le spectacle de l’harmonie universelle avait fait pénétrer dans le cœur des hommes l’idée d’un Dieu sage et bon, présidant à la direction du monde, ce sont les pratiques de la superstition, avec ses formules, ses contorsions, ses sortilèges, ses charmes, ses courses effrénées, ses roulements de tambour, ses purifications impures, ses pénitences répugnantes, ce sont toutes ces ridicules cérémonies qui ont donné prétexte à l’impie de dire qu’il vaut mieux croire qu’il n’y a pas de dieux que de croire qu’ils sont assez insensés ou assez cruels pour se plaire à de tels hommages[61].

Telle est la substance remarquablement forte[62], tel est le mouvement passionné du traité de la Superstition : mouvement si passionné qu’il a presque induit la critique en erreur[63]. Rapprochant le fond du traité de la Superstition de quelques autres textes épars dans les œuvres de notre moraliste, on a soupçonné Plutarque d’incliner secrètement à l’athéisme, les uns s’en applaudissant, comme Bayle, qui, dans ses Pensées sur la Comète[64], reproduit presque textuellement le premier argument du livre ; les autres, en plus grand nombre, s’en affligeant, comme le bon Amyot[65]. Vivement attaqué, Plutarque n’a pas été défendu avec moins de zèle[66] ; et parmi ses défenseurs il faut compter au premier rang un des plus savants traducteurs du Traité, Tanneguy Le Febvre, le père de Mme Dacier[67].

Ni l’attaque ne nous parait justifiée, ni la défense nécessaire. Évidemment, dans la pensée de Plutarque, le rapprochement entre l’athéisme et la superstition n’est qu’une forme d’argumentation. S’il donne l’avantage à l’athéisme sur la superstition, c’est uniquement dans le but de mettre en lumière avec plus d’évidence les dangers de la superstition. Comment en douter, quand on voit avec quelle énergie heureuse il caractérise l’athéisme, cette cécité de l’âme[68], par opposition à la superstition qu’il compare à une simple tache dans la vue[69] ?

Ce qu’il poursuit d’ailleurs, c’est seulement le superstitieux outré, comme dit Le Febvre, c’est-à-dire celui dont l’âme ne considère eu Dieu ny amour, ny bonté, ny tendresse, et n’y voit que frayeur, que terreur, que chagrin, qu’ennui. — Il y a, en effet, une sorte de superstition aimable et douce, qui n’est qu’un tendre acquiescement de l’âme aux pratiques de la foi ; et un peu de passion, un peu d’exaltation même, ne messied pas au sentiment religieux dirigé par l’amour de Dieu ; le mysticisme n’est pas un danger vulgaire. Mais, quand c’est de la crainte de Dieu que la superstition s’inspire, au lieu de favoriser l’essor de l’âme, elle l’abaisse et la dégrade. Dieu est amour[70], dit Saint-Jean ; et y a-t-il un homme sur la terre qui voulût être craint par ses enfants, sans en être aimé ? ajoute Fénelon, commentant les paroles de l’Apôtre. Dieu mérite, sans doute, d’être craint ; mais il n’est à craindre que pour ceux qui refusent de l’aimer et de se familiariser avec lui. Les païens offraient de l’encens et des victimes à certaines divinités malfaisantes et terribles pour les apaiser. Ce n’est point là l’idée que je dois avoir de Dieu créateur[71]. Telle n’est point non plus celle qu’en veut donner Plutarque ; et c’est précisément la crainte de ces divinités malfaisantes et terribles dont parle Fénelon qu’il cherche à arracher du cœur de, ses contemporains[72]. Nulle part dans ses autres œuvres sil ne flétrit les désordres de la superstition, sans leur apposer les satisfactions généreuses de la piété véritable[73]. Dans ce Traité même, à chaque fois qu’il parle contre cette frayeur esperdue que les superstitieux ont de Dieu, remarque Le Febvre avec beaucoup de sens, il oste du même coup tout le venin qui se pourroit rencontrer dans ses paroles, en nous élevant à l’amour de Dieu[74]. Soutenir la piété jusqu’à la superstition, disait Pascal, c’est la détruire[75]. Telle est l’épigraphe que nous placerions volontiers en tête de l’argumentation de Plutarque. N’est-ce pas la pensée qu’il exprime lui-même, par une image familière, quand il appelle le sage sur ce terrain solide et sain, situé à égale distance des marais de la superstition et des fondrières de l’athéisme ?[76]

Du reste, Plutarque a explicitement déposé de ses sentiments sur l’action providentielle de Dieu, dans celle de ses œuvres qui forme comme la contrepartie, du traité de la Superstition. Après avoir rappris aux uns, par le tableau des hontes et des misères de la superstition, à honorer la Divinité avec amour et ans vaine terreur, il fallait, tirant les autres de leur indifférence, les ramener, par le spectacle des arrêts de la toute-puissance de Dieu, au sentiment de la crainte salutaire et du respect. C’est le sujet du Dialogue des Délais de la justice divine.

Deux voies s’offrent au moraliste pour démontrer la justice de la Providence dans la distribution des biens et des maux d’ici-bas. Il peut chercher pourquoi le malheur est si souvent le partage des bons ou pourquoi le bonheur est si souvent le lot des méchants ; pourquoi la vertu n’est pas toujours récompensée, ou pourquoi le vice n’est pas toujours puni.

De ces deux points de vue, Sénèque a préféré le premier[77]. Il était le plus conforme à l’esprit de la doctrine stoïcienne. Mais était-il le plus utile à considérer ? A vrai dire, l’honnête homme n’est jamais tour à fait malheureux : la conscience du bien accompli n’est pas seulement une force ; c’est aussi la plus pure des jouissances. D’autre part, si l’on regarde au jugement de la foule, le malheur immérité la touche d’abord, mais la pitié est une émotion sur laquelle on n’aime point à s’appesantir, et la malignité, venant en aide à l’égoïsme, nous fournit bientôt, hélas ! des raisons de ne pas entretenir longtemps un sentiment toujours mêlé de peine : après tout, on n’est jamais malheureux que par sa faute, disent volontiers les heureux du monde. De tous les spectacles de la vie, au contraire, il n’en est pas qu’on aime plus à se remettre sous les yeux, pour s’en indigner, que celui du vice impuni ou récompensé. Chacun se regarde, en quelque sorte, comme frustré par la fortune du méchant de la part de bonheur qu’il se croit due. Ajoutez que l’exemple de l’impunité du vice est une tentation pour les âmes faibles, qui sont les plus nombreuses. Enfin, tandis que les souffrances de l’homme de bien ne sont qu’un objet d’étonnement, les succès du méchant sont un sujet de scandale, et de la terre les imprécations remontent jusqu’au ciel : après avoir condamné la justice des hommes, on accuse celle de Dieu[78].

Plutarque nous semble donc avoir été bien inspiré en prenant la question en sens inverse de Sénèque[79]. Mieux posée, plus accessible, plus utile, la thèse lui a fourni des arguments plus solides et plus touchants. Les beaux développements de Sénèque sur l’excellence de la loi[80], les exemples de martyr e patriotique dont il les appuie[81], n’ont tout leur prix que pour le stoïcien qu’ils affermissent dans les principes de l’école. Trop souvent, d’ailleurs, ces raisonnements et ces exemples aboutissent à des exagérations contre nature[82]. Les idées de Plutarque, empreintes, d’une rigueur et d’une sagesse remarquables, n’ont pas la plus légère couleur de secte et de localité, dit J. de Maistre ; elles appartiennent à tous les temps et à tous les hommes.

Je viens de citer J. de Maistre. En effet, attiré par le traité des Délais de la justice divine, J. de Maistre avait d’abord conçu le dessein d’en prendre le cadre, se réservant de refaire le tableau. Puis, une lecture réitérée du Dialogue l’ayant convaincu qu’il avait affaire à une production excellente entre toutes celles de l’antiquité et digne des plus belles inspirations de la métaphysique chrétienne, il résolut simplement de le traduire[83]. Malheureusement, en mettant la main à l’œuvre, les idées de remaniement lui revinrent en tète. Au lieu de se borner à rendre, dans sa langue vigoureuse, les simples et mâles beautés du texte de Plutarque, il développa, retrancha, corrigea, prenant dans son interprétation toutes les libertés du commentaire. Ce sont des boutons que je fais éclore, dit-il, pour justifier ses développements ; je n’apporte aucune feuille, mais je les montre toutes. Ailleurs, il se disculpe d’avoir fait disparaître la forme du dialogue, qui le gênait en pure perte ; enfin, le début du Traité lui semblant abrupt et sans grâce, » il a cru devoir donner à ce bel édifice un portail qui fit une entrée naturelle. C’est trop de licence. Plutarque n’est pas un de ces écrivains qui laissent leurs pensées en bouton. D’autre part, la forme du dialogue qu’il avait donnée à son Traité est utile au jeu du discours et concourt à la clarté du raisonnement. Quant au portail que Joseph de Maistre a cru devoir ajouter à l’édifice, l’idée n’en est vraiment pas heureuse : on dirait une lourde construction du moyen âge appliquée à un léger monument de l’art grec. Quoi qu’il en soit de ces erreurs de goût, c’est urge bonne fortune de rencontrer un tel commentateur sur un tel sujet. Entrons donc avec lui dans le fond du Traité.

Un entretien était engagé sous le portique du temple de Delphes entre Plutarque, Timon, son frère, Patrocléas, un ami nommé Olympiens et un épicurien ; il roulait sur les lenteurs de la justice divine. L’épicurien avait la parole. Tout à coup, en sceptique qui ne se soucie point des objections qu’on peut lui opposer, sa phrase achevée, il tourne le dos a ses interlocuteurs et disparaît. Ceux-ci, étourdis d’un si brusque procédé, s’arrêtent court, se regardent sans mot dire ; et ce n’est qu’après un moment de réflexion qu’ils se décident à reprendre la promenade et l’entretien.

Patrocléas, qui, le premier, recouvre la parole, ne dissimule point qu’il est encore ému des arguments qu’il vient d’entendre ; peu s’en faut qu’il n’y adhère. Oui, s’écrie-t-il avec vivacité, il est certain que de toutes les dettes de la justice divine, la punition des crimes est celle dont il importerait le plus que le payement fût fait à point nommé : tout retard a le double inconvénient d’enhardir les coupables et de décourager les victimes... Aristocrate avait trahi les Messéniens et acheté par cette trahison un pouvoir qu’il conserva pendant vingt ans. Sa perfidie enfin découverte, il fut puni de mort. Mais qu’y gagnèrent les malheureux Messéniens qu’il avait trahis ? Pour la plupart, ils n’existaient plus[84]... — Ajoutez, continue Olympicus, qui a peine aussi à retrouver le sang-froid, que le châtiment différé ne parait même plus un châtiment. Quand un cheval a fait un faux pas et qu’on le corrige sur-le-champ, il comprend sa faute et se surveille ; mais que la correction tarde, le fouet ne fait plus que l’irriter. Ainsi en est-il du méchant. Si la main divine le frappe au moment où il fait mal, il rentre en lui-même et tremble ; mais, si le coup vient à se faire attendre, il n’y voit plus qu’un accident. Mauvaise est la meule qui moud lentement[85]. — Dirai-je à mon tour, reprend Timon... — Assez ! interrompt Plutarque : pourquoi ajouter un flot nouveau aux flots qui menacent de nous engloutir ? Il suffit pour le moment de deux objections ; nous allons les combattre. Toutefois prenons bien garde de paraître nous immiscer aux conseils de la Providence. Il serait téméraire à un homme qui n’aurait aucune notion de la médecine de demander pourquoi le médecin n’a pas ordonné l’amputation plus tôt, pourquoi il a prescrit le bain demain, et non aujourd’hui. A plus forte raison est-il dangereux pour des êtres mortels de rien affirmer sur les jugements de Dieu, sinon qu’il connaît les temps les plus propices pour, appliquer les châtiments aux crimes, de même que le médecin éclairé sait distribuer les remèdes, cri variant, suivant les circonstances, la dose et le moment ![86]

A ce langage si résolument discret on a reconnu le sectateur de l’Académie. Mais la vivacité même de cette réserve met la curiosité en éveil en même temps qu’elle garantit la sincérité de la discussion. En voici le résumé.

1° Si Dieu punit lentement et, pour ainsi parler, à loisir, c’est qu’il veut nous apprendre à ne jamais user de violence et à ne point châtier dans l’effervescence de la passion[87].

2° La justice humaine ne sait que punir. Les hommes s’élancent sur la trace du criminel et le poursuivent, aboyant après lui comme des chiens après leur proie, jusqu’à ce qu’ils l’aient saisi : maîtres de lui, ils le frappent ; cela fait, ils ont atteint leur but. Dieu qui voit dans l’âme du coupable, estime sa faute avant de le châtier, et lui donne, s’il n’est pas incorrigible, le temps de s’amender[88].

3° Quelquefois Dieu se sert des méchants pour exécuter les arrêts de sa justice. Le coupable puni, il brise l’instrument de sa vengeance[89].

4° Ce qui importe, ce n’est pas que la justice soit faite sur-le-champ, c’est qu’elle soit fuite à propos. Dieu ne détruit pas la race avant qu’elle ait produit l’heureux rejeton qui doit en sortir[90].

5° Longtemps est un mot qui n’a de sens que par rapport à l’homme. A l’égard des dieux, la durée de la vie humaine n’est rien. Qu’un coupable soit puni sur l’heure ou trente ans après sa faute, il n’y a pas de différence : c’est comme s il était pendu le soir, au lieu du matin[91].

6° Enfin, comme le criminel marchant à la mort perte la croix sur laquelle il doit être attaché, de, même le méchant livré à sa conscience, que le remords agite, porte en lui-même l’instrument de son supplice. Quand les enfants voient sur 1a scène un misérable, vêtu de pourpre et d’or, le front ceint de la couronne, ils s’extasient sur sa félicité, jusqu’à ce qu’ils le revoient frappé de verges, percé de coups ou brûlé vif dans sa royale parure. Ainsi jugent la plupart des hommes. Tant que les coupables leur apparaissent dans l’éclat de leur pouvoir, ils s’étonnent, ils s’indignent ; pour eux, le châtiment ne se produit qu’au moment où la pointe du poignard les touche. Mais c’est moins là le commencement que la fin de la punition. Le méchant est la proie du remords qui le dévore. Les criminels qui semblent échapper à leur peine la subissent, non plus tardive, mais plus longue. Ils sont moins châtiés dans leur vieillesse qu’ils ne vieillissent dans le châtiment. Tout coupable est prisonnier de la justice divine. La vie est son cachot[92]. Affaires ou fêtes, en vain il cherche à se distraire. Il est comme le condamné à mort qui s’amuserait à jouer aux dés, tandis que la corde qui doit l’étrangler serait suspendue au-dessus de sa tête. Aussi pourrait-on presque dire qu’il n’est besoin pour punir, ni de la justice divine, ni de la justice humaine ; dès que le coupable a été touché par le remords, sa vie suffit à son supplice : sa conscience le traîne douloureusement, comme le poisson, saisi par l’hameçon, qui se débat sous la main qui l’attire[93].

Patrocléas et Olympicus se rendent à ces raisonnements[94]. La réponse de Plutarque est, en effet, une interprétation saisissante des lois de la vie, telles qu’elles nous apparaissent dans le développement de l’histoire des peuples et des individus. La richesse qui vient de Jupiter, disait Théognis, demeure et prospère. Quant à celle qu’on a acquise injustement, elle peut bien, sur l’heure même, paraître apporter quelque avantage ; mais elle finit par devenir un malheur, et la volonté des dieux prévaut toujours[95]. Tel est le thème dans sa brièveté sèche. Plutarque le développe avec une puissance et un éclat incomparables. Tous ses arguments portent. Son dernier mot seul manque d’habileté. Il combat un épicurien, et il conclut que la morale peut se passer d’une sanction divine. C’est ébranler inconsidérément la clef de voûte de l’édifice, au moment de retirer l’échafaudage. Aussi de Maistre supprime-t-il cette conclusion[96]. Mais, dans tout le reste, il s’attache au texte, il le presse, il l’amplifie. Deux arguments l’ont frappé entre tous : celui où Plutarque nous montre le coupable livré au remords[97], et celui dans lequel il transforme les tyrans en fléaux suscités par la justice divine. A sa traduction il joint un commentaire ; et la main de l’auteur des soirées de Saint-Pétersbourg s’y révèle par la rigueur de l’expression[98]. Mais le commentaire exposait à l’emphase ; de Maistre n’y échappe pas. Plus sobre, moins tendu, Plutarque rencontre naturellement des tours et des images qui rappellent la mâle simplicité de Pascal ; mais sa force consiste surtout dans la justesse frappante des exemples et dans la gradation des raisonnements.

Ainsi en jugeait une des lumières les plus pures du néoplatonisme alexandrin. Proclus, dans son dixième Doute sur la Providence[99] se demandant à son tour pourquoi la punition ne suit pas immédiatement le crime, ne fait que reproduire l’argumentation de Plutarque. En plus d’un passage on croirait lire, dans le latin barbare de la traduction qui nous a conservé sa dissertation, le traité des Délais de la justice divine. C’est avec plus de précision dans le détail peut-être, mais aussi avec plus d’aridité, le même enchaînement de raisons, ce sont les mêmes développements, les mêmes traits.

De Théognis à Proclus, M. Ch. Lévêque l’a remarqué avec autorité[100], nul parmi les maîtres de la philosophie ancienne n’a poussé plus loin que Plutarque l’analyse des phénomènes psychologiques du remords. Nous avons déjà montré avec quelle énergie il en indique les effets. C’est avec la même force qu’il en dépeint la marche envahissante et le progrès fatal. Rien ne manque à ce tableau des phases diverses que traverse la conscience du scélérat sous l’empire d’une loi inévitable, d’une justice infaillible, dit M. Ch. Lévêque. La première phase est celle de l’exaltation fiévreuse. La pétulance et l’audace du crime se conservent dans leur force et dans leur activité jusqu’à la consommation du forfait. Dès que la victime a succombé, aussitôt la réaction s’opère. Alors sa passion amortie, comme un vent qui tombe peu à peu, se dissipe insensiblement, et l’âme reste en proie aux terreurs de la vengeance divine. Ces terreurs ne sont d’abord que des troubles intérieurs, des craintes, l’appréhension du supplice ; mais elle deviennent de plus en plus violentes : ce sont des rêves effrayants. Bientôt aux visions du songe succèdent les hallucinations de la veille. En plein jour, on voit des spectres et l’on entend des voix accusatrices. Bessus avait tué son père, et ce parricide resta longtemps ignoré. Un jour enfin qu’il était allé souper chez un de ses amis, il abattit de sa pique un nid d’hirondelles et tua les petits. Tous les convives s’exclamèrent. Ne les entendez-vous pas, dit-il, crier depuis longtemps contre moi, et m’accuser d’avoir tué mon père ? Même chez les modernes, chez les poètes, sans excepter Shakespeare, ce vertige qui suit toujours, comme il précède le plus souvent les grands crimes, a-t-il été décrit avec une science psychologique plus profonde et plus sûre ? Quel cri que celui du coupable trahissant son crime et se désignant lui-même au châtiment !

Cependant Timon tenait en réserve, on se le rappelle, une troisième objection. Il la produit. Le reproche qu’Euripide ose adresser ouvertement aux dieux de faire retomber sur les enfants le châtiment des fautes de leurs pères, je le leur adresse aussi à part moi, dit-il. En effet, c’est une injustice à tous égards ; injustice, s’ils punissent deux fois une même faute ; injustice, si, après avoir épargné un coupable, ils frappent un innocent. Ainsi serait-il juste qu’Apollon inondât aujourd’hui le pays des Phénéates, sous le prétexte qu’Hercule enleva, il y a plus de mille ans, le trépied du temple de Delphes, pour le transporter à Phénée ? Serait-il juste... Et il cite plusieurs autres exemples[101].

Plutarque l’arrête en souriant ; de tels exemples ne sont pas sérieux. Timon défend ses exemples. N’y en eût-il qu’un seul, l’objection demeurerait dans toute sa force. Peut-être, réplique Plutarque : dans une fièvre ardente, c’est soulager d’autant le malade, que de diminuer le nombre des couvertures qui lui pèsent[102]. Mais il reconnaît que la question est délicate. Ce n’est plus seulement la justice de Dieu qui est mise en cause, c’est sa bonté. Il ne s’agit plus de montrer comment Dieu est toujours assez sévère, mais comment il ne l’est jamais trop. Après avoir expliqué son apparente indulgence, il faut justifier ses rigueurs. Plutarque sent toute la gravit, de l’objection ; elle le trouble ; et il ne se décide à en aborder l’examen qu’après avoir modestement renouvelé ses protestations de s’attacher seulement à la vraisemblance, comme au fil conducteur qui peut le guider[103].

Toute cette scène, très rapide d’ailleurs, n’eût-elle d’autre mérite que de reposer l’attention, serait, par là même, agréable ; elle fait mieux, elle l’excite ; et l’on regrette, en vérité, que de Maistre en ait, sans raison, enlevé le bénéfice à sa traduction. La transition par laquelle il y supplée est maladroite et obscure[104].

Son parti pris de répondre, Plutarque entre vivement en matière. Nous ne pouvons qu’indiquer la succession de ses arguments.

Rappelez-vous, répond-il à Timon, la fête que nous avons vu célébrer, il y a peu de jours, et cette part de mets qu’on a réservée aux descendants de Pindare, pour lui faire honneur, ainsi que le héraut l’a proclamé à haute voix : combien ce spectacle vous parut noble et touchant ! Or, si vous admettez qu’il soit juste d’étendre jusqu’aux dernières générations d’une famille la récompense méritée par la vertu de ses ancêtres, pourquoi le serait-il moins de prolonger la punition du crime ? Se féliciter que les descendants de Cimon continuent à être honorés à Athènes, et s’indigner que ceux de Lacharès en soient à jamais bannis, c’est le fait de l’inconséquence ou de la mauvaise foi[105].

Il en est des maladies murales comme des maladies physiques ; elles se transmettent par héritage. Le bien et le mal passent de l’âme à l’âme, comme du corps au corps ; et le mal se perpétuant dans une famille, il est naturel que le châtiment se perpétue avec lui[106].

Une famille est semblable à une cité. Tous les membres en sont solidaires. Tant que l’identité ale la cité ou de la famille subsiste, quoi de plus juste qu’elle subisse la peine, comme elle reçoit la récompense pour ses mérites passés[107] ?

Le coupable, au surplus, est atteint par la peine infligée à sa race. Est-il, en effet, un supplice plus douloureux que celui d’assister au châtiment de ses descendants punis des fautes qu’on a soi-même commises ? Représentez-vous l’âme d’un criminel voyant, après sa mort, non pas ses statues détruites ou ses honneurs abolis, mais ses amis, ses parents, ses enfants, plongés à cause de lui dans des tourments affreux[108] !

Enfin, pour les descendants eux-mêmes, le châtiment qu’ils souffrent sans l’avoir mérité est un avertissement salutaire. Bion prétend qu’un dieu qui punirait les enfants pour les fautes de leurs aïeux serait plus ridicule qu’un médecin qui administrerait un remède au petit-fils pour guérir le grand-père. Bion se laisse abuser par un raisonnement spécieux. Jamais homme, sans doute, ne fut soulagé d’une ophtalmie parce qu’on a appliqué un emplâtre à son voisin. Mais autre chose est un traitement qui ne guérit que celui qui s’y soumet ; autre chose, un châtiment qui profite à tous ceux qui le voient subir. D’ail leurs la comparaison de Bion prouve justement ce qu’il cherche à nier. N’arrive-t-il pas tous les jours qu’un médecin assujettisse un jeune homme à un traitement pénible, pour le préserver d’un mal héréditaire ? On ne le traite pas parce qu’il est malade, mais de peur qu’il le devienne. Or il serait raisonnable de médicamenter un corps, uniquement parce qu’il provient d’un corps vicié ; et lorsqu’il s’agit d’une âme remplie de mauvais germes, il faudrait attendre que le malade, devenu incurable, découvrit à tous les yeux le fruit honteux mûri, comme dit Pindare ! Pour l’homme, sans doute, il est difficile de connaître l’âme de l’homme, avant qu’elle se révèle. Personne, toutefois, n’est assez simple pour croire que le scorpion ne reçoit son dard de la nature qu’à l’instant où il pique : ainsi le méchant porte en lui le principe de sa méchanceté. Dieu donc, qui connaît le fond des âmes, applique à chacun par anticipation le régime qui lui convient ; il n’attend pas que l’épileptique ait un accès, pour entreprendre de le guérir[109].

Cette seconde argumentation, soutenue d’une grande variété d’exemples, a, comme la première, emporté, chemin faisant, l’assentiment des interlocuteurs de Plutarque[110]. Ai-je besoin d’ajouter que de Maistre n’y contredit point ? Sauf quelques transitions qu’il ajoute[111], et deux ou trois passages qu’il renforce de l’autorité de Platon, il se borne à traduire. Ce fonds d’idées est le sien[112]. Nous ne saurions, pour nous, complètement y souscrire. Le système de l’hérédité des peines nous parait inconciliable avec les progrès de la morale. Certes, nous aimons à voir les grands noms honorés dans la personne de ceux qui en ont reçu la noble succession ; les grands noms sont le commun patrimoine de gloire d’une nation. Mais, s’il ne nous déplaît point qu’on attribue aux descendants de Pindare et de Cimon leur part de privilèges, nous nous refusons à faire peser sur la postérité de Lacharès le poids d’un éternel héritage d’infamie. Nos meilleurs instincts répugnent à cette iniquité : le principe en est effacé de nos lois ; le préjugé seul semble la soutenir encore dans les mœurs. Mais il n’est pas de préjugé qui résiste longtemps au progrès de la conscience publique mieux éclairée. Nous nous séparons donc de Plutarque sur ce point de sa thèse. Cette réserve faite, nous n’avons qu’à nous associer à l’admiration de Joseph de Maistre. L’argument de la solidarité des familles et des cités, renouvelé d’Aristote et de Platon, est développé avec force ; Proclus se l’est approprié dans son neuvième Doute, où il reprend l’objection de Timon[113], comme il a repris, dans le dixième, celle de Patrocléas. La conception d’un Dieu frappant les hommes pour les avertir et leur appliquant un traitement préventif qui les sauve est d’une élévation supérieure. Et quel tableau que celui des coupables, témoins du châtiment de leurs descendants punis pour leurs propres fautes[114] ! Penser à la souffrance de ceux auxquels on voudrait épargner toute souffrance, quoi de plus cruel ? Qu’est-ce donc de les voir souffrir et de s’en savoir la cause ? Est-il rien de plus saisissant enfin que le récit de la vision de Thespesius qui couronne le Dialogue, — que cette description des tourments de l’enter, digne de la plume de Dante et des pinceaux de Michel-Ange, qui nous met sous les Vieux le spectacle des coupables écorchés, mis à nu, contraints de tourner au dehors l’intérieur de leur âme viciée, comme ce poisson de la fable qui retournait sort estomac pour se, débarrasser de l’hameçon, plongés dans des étangs bouillants ou plus froids que la glace, un moment relâchés, puis ressaisis par les Génies qui président à leur supplice[115].

Toutefois, ce n’est pas vers ces idées de châtiment qu’inclinait naturellement l’imagination de Plutarque. S’il aime à suivre la destinée de l’homme au delà de la terre, c’est surtout pour lui en montrer l’accomplissement dans la réalisation du bonheur qu’il rêve ici-bas. Aussi ne serais-je pas éloigné de croire que le dialogue sur l’Immortalité de l’âme, dont nous ne possédons qu’un fragment, fût une suite de l’entretien sur les Délais de la justice divine. Ce sont les mêmes personnages qui conduisent la discussion ; et comme par une opposition calculée, tandis que le terrifiant tableau des peines du méchant était la conclusion du traité des Délais de à justice divine, ce sont ici les jouissances du juste dont Timon nous trace, en terminant, une description qui rappelle les pages les plus suaves de Champs-Élysées de Fénelon[116].

Il n’est pas impossible, d’ailleurs, de suppléer aux arguments qui devaient préparer cette description. Bien qu’il repousse formellement la pensée de l’immortalité des corps[117], Plutarque parait parfois confondre l’identité du corps avec l’identité de l’âme[118] ; parfois aussi, l’immortalité à terme des Stoïciens semble lui suffire[119]. Au fond, sur ce point comme sur tous les autres, sa religion est celle de Platon. L’amour de l’infini et de la perfection, le goût de la félicité, de la vérité, de la justice absolues, inné dans le cœur de l’homme et incomplètement satisfait sur la terre, lui semble témoigner invinciblement de la nécessité d’une seconde existence[120] ; il y trouve comme une promesse de Dieu[121]. Les preuves dussent-elles lui manquer, l’immortalité de l’âme est un espoir dont il ne laisserait pas de charmer sa pensée. Malheureux, s’écrie-t-il en s’adressant aux Épicuriens, celui qui se ferme les portes d’une autre vie ! il est comme le passager qui, battu par la tempête, dirait à ses compagnons de voyage : Nous n’avons ni pilote pour nous conduire, ni étoile pour nous guider ; mais qu’importe ? nous serons bientôt brisés contre les écueils et engloutis dans l’abîme[122].

Quel que fût le lien du traité sur l’Immortalité de l’âme avec celui des Délais de la justice divine, la doctrine que Plutarque y défendait achève de mettre en lumière les idées qui le conduisent. Plutarque s’était proposé de faire rentrer dans la conscience de ses contemporains, entraînés vers l’athéisme et la superstition, la croyance au Dieu de Platon, au Dieu juste et bon du Timée. L’entreprise n’était pas, à ce qu’il semble, au-dessus de ses forces. Adversaire décidé et de ceux qui niaient Dieu et de ceux qui le dénaturaient[123], c’est avec une remarquable solidité d’arguments et une rigueur éloquente qu’il soutient la cause d’une Providence rémunératrice et vengeresse, punissant tôt ou tard le coupable, récompensant assurément le juste, commandant le respect et digne d’amour. Que ces idées ne fussent point absolument nouvelles, il n’importe. Le mérite des idées ne doit pas être mesuré seulement à la part de vérité ou de vraisemblance qu’elles renferment ; elles valent aussi par le tour qu’on leur donne. Ni la superstition n’a trouvé dans l’antiquité un adversaire plus sensé que Plutarque, ni la justice divine un défenseur plus chaleureux.

\lais, le Dieu de Platon rétabli dans les âmes, quel était le culte qu’il convenait de lui rendre ? dans quelle mesure fallait-il admettre la réalité de son action sur le monde, par la divination, les oracles et les autres intermédiaires que les traditions du paganisme avaient consacrés ? C’est ce que nous avons maintenant à étudier.

 

 

 



[1] De l’Inscription du temple de Delphes, 1 ; de la Cessation des oracles, 1 ; des oracles en vers, 1 ; des Délais de la justice divine, 17.

[2] Vie de Lycurgue, 5 ; Vie de Solon, 4, 12 ; Hérodote, I, 65, 67 ; Pausanias. VI, 9 ; VII, 5 ; VIII, 9 ; IX, 18 ; X, 37 ; Pindare, Olymp., VII, 55 ; Démosthène, Contre Midas, 52, 54 ; Diodore, liv. V, VII, VIII ; id., Fragm., 6, 10, 12, 25, 27 ; Pline, Hist. nat., VII, 35, 48.

[3] Des Oracles en vers, 28 ; de la Cessation des oracles, 5. Cf. Lucain, Pharsale, V, 110 et suiv. ; Juvénal, Satires, VI, 555.

[4] De la Cessation des oracles, 8. Cf. Sur l’oracle de Colophon, Tacite, Annales, II, 54 ; de Trophonius, Plutarque, de la Cessation des oracles, 45 ; Pausanias, I, 34 ; VII, 21 ; IX, 39 ; de Mallus, en Cilicie, Plutarque, ibid., et Pausanias, I, 34.

[5] Cicéron, de la Divination, II, 57.

[6] Strabon, IX, 3.

[7] De la Cessation des oracles, 1 et 2, ; de l’Inscription du temple de Delphes, 1 ; des Délais de la justice divine, 22.

[8] Suétone, in Néron, 40. Cf. Tacite, Annales, II, 54, 58, sur les visites que Germanicus fait aux oracles qu’il rencontre sur son chemin. Voir aussi Inscript. Delph., n° 468.

[9] Des oracles en vers, 29. Cf. Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, VI, 10 ; Inscript. Delph., n° 840. Sur les richesses du temple de Delphes, voir Pausanias, X, 5, 15 ; Athénée, VII, 2 ; Philostrate, Vie d’Apollonius, VI, 11.

[10] V. Entretiens d’Épictète, Discours de Dion Chrysostome ; Dissertations de Maxime de Tyr ; Pensées de Marc-Aurèle ; Philostrate, Apulée, etc.

[11] Benjamin Constant, Du polythéisme romain considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne, tome II, liv. XIII, ch. IV, p. 148. Cf. Thiersch, La politique et la philosophie dans leurs rapports avec la religion sous Trajan, Adrien et les deux Antonins, 1853.

[12] Cicéron, Verrines, II, IV, 59. Cf. Tacite, Annales, IV, 14, 43. V. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique, tome II, ch. IX, p, 69 et suiv.

[13] Philostrate, Vie d’Apollonius, VI, 19. Cf. V, 20. Plutarque, d’Isis et d’Osiris, 67, 71.

[14] Pausanias, I, 17, 24 ; X, 26 ; Athénée, V, 12 ; VI, 65. Voir Maury, ouv. cité, t. III, ch. XV, p. 70-71 ; t. II, ch. VII, p. 9 et suivantes.

[15] Pausanias, I, 17 ; Joseph., Antiq. jud., XVIII, III, 4 ; Tacite, Ann., II, 85 ; Pline, Epit., X, 42. Cf. Le Bas, Inscript., part. V, n° 595.

[16] D’Isis et d’Osiris, 1.

[17] Actes des Apôtres, XVII, 23.

[18] Lucien, Assemblée des Dieux, 9 ; Icaroménippe, 2-1. Cf. Juvénal, Satires, VI, 489, 527 et suiv. ; Tertullien, Apologétique, 6.

[19] Suétone, in Tibère, 58 ; in Caligula, 22. Cf. Pline, Hist. nat., XXXV, 2 ; Tacite, Annales, I, 74 ; Dion, LVIII, 7.

[20] Plutarque, contre Colotès, 22.

[21] Voir E. Havet, Le Christianisme et ses origines : l’Hellénisme, t. I, chap. II.

[22] Religiosi dicuntur qui faciendarum prætermittendarumque rerum divinarum, secundum morem civitatis, delectum habens (Festus, Verb. Religiosi.) Cf. Cicéron, des Lois, II, 8, 9 ; de la Divination, II, 72 ; Salluste, Catilina, 50 à 52 ; Tite-Live, IV, 35 ; XXV, 1 ; XXXIX, 10 ; Dion Cassius, Discours de Mécène, LII, 36 ; Macrobe, Saturnales, III, 9 ; Tertullien, Apologétique, 3.

[23] Varron dans St-Augustin, de la Cité de Dieu, VII, 2 ; IV, 212, 17, 31 ; VI, 5. Cf. Censor, De die nat., 5 ; Servius, in Georg., I, 21. V. G. Boissier, Étude sur la vie et les ouvrages de Varron, chap. VII, § 4.

[24] Cicéron, des lois, II, 14 ; Verrines, V, 72. Cf. Diogène Laërte, in Epimenid., I, X, 3.

[25] Tite-Live, XXV, 1. Cf. Valère Maxime, I, 3.

[26] Tite Live, XXXIX, 8, 14, 15, 16, 18. Cf. ibid., 46 ; Cicéron, Pour Balbus, 24 ; Servius, in Enéide, VIII, 187.

[27] Tite Live, XXIX, 10, 11, 14 Valère Maxime, I, III. Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, 4 ; Cf. XIX, 4, 5. L’usage même des immolations humaines avait été introduit au temps de la guerre contre les Gaulois (Plutarque, Vie de Marcellus, 2 ; Pline, Hist. nat., XXX, 1. Cf. inscriptions latines : Orelli. 1908 et suiv., 2340 et suiv. ; Henzen, 5844 et suiv.).

[28] Cicéron, de la Nature des Dieux, I, 24, 28, 50, 42 ; de la Divination, II, 12, 53, 35, 57, 82 ; des Réponses des aruspices, 6 ; Lucrèce, II, 63 et suiv. ; Salluste, Catilina, 52 ; Tite-Live, I, 19 ; Diodore de Sicile, I, II, 2 ; Deuils d’Halicarnasse, II, 20 ; VIII, 5 ; Valère Maxime, I, 11.

[29] Templorum omnium conditor ac restitutor (Tite-Live, IV, 201).

[30] Pline, Hist. nat., II, 7. Cf. Pétrone, Satyricon, 17 ; Æl. Spartianus, Vie d’Adrien, 22. Cf. Duruy, Histoire des Romains, tome V, chap. XII.

[31] Tacite, Annales, XV, 44.

[32] Pharsale, VI, VII.

[33] Épîtres, VII, 27.

[34] Ibid., III, 5.

[35] Annales, I, 4 ; II, 71 ; IV, 39 ; XII, 57, 64 ; XIII, 57 ; XIV, 12, 32 ; XV, 7 ; Histoires, II, 50, 78 ; V, 26 ; V, 13 ; XII, 43, etc.

[36] V. Crouslé, de Sencecæ naturalibus quœstionibus, appendix, § 2. Cf. Dict. des sciences philosophiques, art. Sénèque.

[37] Annales, III, 18.

[38] Ibid., III, 55. Cf. VI, 12 ; IV, 58.

[39] Voir Amelot de la Houssaye, Discours sur Tacite, p. 18. Cf. Annales, XIV, 12 ; Agricola, 46.

[40] Sénèque, Fragments, dans St. Augustin, de la Cité de Dieu, VI, 10 ; Cf. Épîtres, 24, 25 ; Perse, Satires, II, 51 et suiv. ; Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, 3, 4 ; Pline, Hist. nat., II, 7 ; Suétone, in Tibère, 36 ; in Néron, 56 ; in Domitien, 1 ; in Othon, 4, 6 ; Tacite, Annales, II, 54, 59, 85 ; XII, 68 ; Juvénal, Satires, II, 149-152 ; VI, 511 et suiv. ; Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, I, 8 ; III, 34, 39 ; Lucien, Philopseudès, 16, 54 ; Alexandre, 3, 11, 39, 42 ; Apulée, Métamorphose, II, 39.

[41] De la Superstition, 1.

[42] De l’Inscription du temple de Delphes, 21 ; de la Cessation des oracles, 30, 34 ; des Délais de la justice divine, 4, 5, etc.

[43] D’Isis et d’Osiris, 73. Cf. 77. Cf. de l’Inscription du temple de Delphes, 21. Voir Vacherot, Hist. crit. de l’Ecole à Alexandrie, liv. III, t. I, introduction, p. 316.

[44] Du Bonheur dans la doctrine d’Épicure, 20 à 24 ; des Notions du sens commun contre les Stoïciens, 31 à 34 ; de l’Inscription du temple de Delphes, 17 à 20 ; de la Cessation des oracles, 29, etc.

[45] De la Passion des richesses, 10 ; de la Tranquillité de l’âme, 13 ; du Progrès dans la vertu, 6. Cf. De l’Exil, 5 ; d’Isis et d’Osiris, I, 68, etc.

[46] De l’Inscription du temple de Delphes, 17 à 20.

[47] Ibid., 21 ; des Notions du sens commun contre les stoïciens, 48 ; des Contradictions des stoïciens, 38. Cf. A un Prince ignorant, 5.

[48] De l’Inscription du temple de Delphes, 20 ; d’Isis et d’Osiris, 67. Cf. De la Cessation des oracles, 29 ; de l’Exil, 5.

[49] D’Isis et d’Osiris, 45 à 48. V. Cudworth, Intellectual System, V, 43.

[50] D’Isis et d’Osiris, 48, 56. Cf. De la Création de l’âme, 5, 6, 7 ; du Bonheur dans la doctrine d’Épicure, 21, 22, 25 à 30 ; des Notions du sens commun contre les stoïciens, 11 à 21, 32 à 34 ; des Contradictions des stoïciens, 37 ; des Opinions des philosophes, 3 ; de la Manière d’entendre les poètes, 6, 12 ; Vie de Paul-Émile, 34 à 36, etc.

[51] De l’Inscription du temple de Delphes, 21. Cf. Propos de table, VIII, 2 ; de la face qui parait dans la lune, 13 à 15.

[52] Questions platoniques, II ; Propos de table, VIII, 2 ; de la Cessation des oracles, 23 à 26, 29, 30 ; des Opinions des philosophes, 5 ; du Destin, 9.

[53] De la Cessation des oracles, 24 à 29.

[54] Ibid., 20, 30.

[55] De la Superstition, 3, 4.

[56] De la Superstition, 5 à 7.

[57] Ibid., 10.

[58] Ibid., 8.

[59] Ibid., 9.

[60] De la Superstition, 11.

[61] Ibid., 12, 13.

[62] Liber veré Plutarcheus, dit Wyttenbach.

[63] Plutarchus in atheismum videtur fuisse propensior. Quippe, libro in eam rem edito, probare conatur atheismum tolerabiliorem esse superstitione. Pierre de Molina, De cognitione Dei, p. 81.

[64] §§ 178 et 193.

[65] Ce Traité est dangereux à lire et contient une doctrine fausse ;car il est certain que la superstition est moins mauvaise et approche plus près du milieu de la vraie religion que ne fait l’impiété et l’athéisme. Amyot. Cf. les Observations de Clavier, éd. de 1819.

[66] Voir particulièrement Buddée, Theses theologicæ de atheismo et superstitione (1710) (traduit en français, 1740), chap. XXXII, § 21, p. 90 ; Reimann, Historia atheismi, 1725), cap. XXXII, § 52, p. 323 et suiv. ; de Mosheim, traduction latine du Traité de Cudworth, Intellectual System (1788), t. I, p. 274, 298 et suiv., 649 et suiv. ; t. II, p. 235 et suiv., 405, etc. Cf. Fabricius, Biblioth. grecq.. t. V, p. 79, note 63.

[67] Traité de la Superstition composé par Plutarque, et traduit par M. Le Febvre, à Saumur, 1666.

[68] De la superstition, 5. Cf. 2, 3, 6, 11.

[69] Du Bonheur dans la doctrine d’Épicure, 21.

[70] Épître de Saint-Jean, I, 4. Cf. Saint Paul à Timothée, II, 7.

[71] Lettres sur la religion.

[72] J’aimerais mieux, dit Jean Paul, vivre dans le brouillard le plus épais de la superstition que sous la machine pneumatique de l’athéisme : là on respire difficilement ; ici on étouffe.

[73] Du Bonheur dans la doctrine d’Épicure, 21. Cf. De la Colère, 9, 14 ; Propos de table, IV, 5 ; d’Isis et d’Osiris, 75 ; de la Manière d’écouter les poètes, 4, 15 ; de la Manière d’écouter, 12 ; de la Tranquillité de l’âme, 2 ; du Flatteur et de l’Ami, 9, 10, 22 ; du Vice et de la Vertu ; Vie de Paul-Émile, 1 ; de Nicias, I ; de Périclès, 6 ; d’Aristide, 10, etc.

[74] Le Febvre, Préface. Voir les §§ 1, 3, 5. 6, 9, 12 du Traité.

[75] Pascal, Pensées, art. XIII, édit. Navet, p. 185. Cf. Cicéron, qui a dit presque dans les mêmes termes : Détruire la superstition, ce n’est pas détruire la religion (De la Divination, II, 72). Voir aussi Sénèque, Épîtres, 123.

[76] De la Superstition, 14, Cf. D’Isis et d’Osiris, 67 ; Vie d’Alexandre, 75.

[77] De la Providence, 7,

[78] V. Platon, des Lois, X.

[79] De la Providence, 1, Quæsisti a me, Lucili, quid ita, si Providentia mundus ageretur, multa bonis viris acciderent...

[80] De la Providence, 5.

[81] Ibid., 2, 3.

[82] Ibid., 6.

[83] Sur les délais de la justice divine dans la punition des coupables, ouvrage de Plutarque nouvellement traduit, avec des additions et des notes, par M. le conte de Maistre. Préface.

[84] Des Délais de la justice divine, 2.

[85] Ibid., 5.

[86] Ibid., 4.

[87] Des Délais de la justice divine, 5.

[88] Ibid., 6 et 7.

[89] Ibid., 7.

[90] Ibid., 8.

[91] Ibid., 9.

[92] Φρουρούμενον έν τώ βίω, καθάπερ έν είρκτή, § 9. Cf. Pascal, Pensées, article IX.

[93] Des Délais, etc., 9, 10, 11.

[94] Ibid., 7.

[95] Théognis, Sentences.

[96] Voir sa traduction, 25.

[97] Des Délais de la justice divine, §§ 13, 17, 20.

[98] Voir sa traduction, 15, 21.

[99] Proclus, édit. de M. Cousin. Cf. Vacherot, Hist. critique de l’École d’Alexandrie, t. II, IIe partie, liv. III, p. 264 et suiv.

[100] Mémoire cité.

[101] Des Délais de la justice divine, 12.

[102] Ibid., 13.

[103] Ibid., 14.

[104] V. sa traduction, 24 et 25.

[105] Des Délais de la justice divine, 13.

[106] Ibid., 14, 15.

[107] Des Délais, etc., 16, 21.

[108] Ibid., 18.

[109] Des Délais, etc., 19 à 21.

[110] Ibid., 17, 10.

[111] Voir les pp. 29 et 51 de la traduction.

[112] Voir les notes 18 et 20.

[113] Cf. Vacherot (ouv. et passage cité,), et le jugement qu’il porte sur cette remarquable argumentation.

[114] Cf. Aristote, Morale à Nicomaque, I, 7, § 16 ; 9, § 6.

[115] Des Délais, etc., 22.

[116] Dialogue d’Isis et d’Osiris, 44. Après la destruction du mauvais principe, les hommes n’auront plus besoin de nourriture ; ils ne donneront plus d’ombre.

[117] Vie de Romulus, 28.

[118] De l’Inscription du temple de Delphes, 18.

[119] Du Bonheur dans la doctrine d’Epicure, 31.

[120] Ibid., 26 et suiv. ; de l’Exil, 17 ; Consol. à Apollonius, 36 ; d’Isis et d’Osiris, 1 ; De la Tranquillité de l’âme, 20.

[121] Des Délais de la justice divine, 17.

[122] Du Bonheur dans la doctrine d’Epicure, 23. Cf. 28, 29.

[123] Quid enim interest utrum Deos neges an infames ? Sénèque, Épit., 123.