Ô Hérode, nous sommes tous des fragments de toi-même, s'écria lors de son passage à Athènes, Alexandre dit Péloplaton, de Séleucie, après avoir entendu déclamer son collègue[1]. Son exclamation était-elle tout à fait sincère ou voulait-il exagérer pour flatter le sophiste et en être payé de retour ? Nous ne savons. Mais il ne pouvait mieux marquer la place occupée par Hérode dans la seconde sophistique. Il la domine entièrement. Il la résume par la variété de son talent qu'admirait le Romain Ælianus[2]. Il est le λόγων βασιλεύς, le roi des orateurs de son temps, comme le qualifie Rufus de Périnthe[3] ; il les dépasse presque tous, ajoute un autre de ses disciples, Aulu-Gelle, par la gravité, l'abondance et l'élégance de la forme[4]. Son éloquence est nourrie[5] car il ne cesse de s'instruire même la nuit lorsqu'il a des insomnies, bien que la nature lui eût donné une facilité de travail extraordinaire[6]. D'autres sophistes sont aptes qu'à prononcer des discours longuement préparés ou ne brillent que dans l'improvisation : Hérode, lui, excelle dans tous les genres[7]. Mieux encore : bien, qu'étant par excellence le représentant de la sophistique atticisante, il n'a aucune peine, à l'occasion de montrer qu'il peut aisément rivaliser avec les asianistes un au moins, sinon deux des trois discours d'Hérode dont le sujet nous est connu, fut traité dans la manière de l'asianisme[8]. Ce n'est point qu'Hérode fut éclectique : il voulait probablement montrer qu'il était capable de rivaliser, dans leur propre genre, avec les collègues asianistes qu'il avait entendus. — Les sophistes, lorsqu'ils n'étaient pas en même temps avocats. n'avaient pas toujours l'occasion d'utiliser leur talent dans la vie pratique, comme Hérode qui eut à se défendre dans trois procès fameux, ou même d'employer leur éloquence dans la politique municipale, dans les cérémonies officielles et religieuses ou dans les ambassades auprès des empereurs. Leur art était avant tout un art d'apparat. Il ne se confinait pas seulement dans l'école, où l'on enseignait la manière de bien dire ; il aimait aussi et surtout à l'étaler dans έπιδείξεις, dans les séances publiques qui donnaient occasion aux sophistes de triompher soit devant leurs compatriotes soit dans les cités étrangères où l'appât du gain les attirait non moins que la nécessité de renouveler leur public. Philostrate nous a laissé plusieurs comptes rendus très vivants de séances de ce genre. L'un d'eux nous intéresse tout particulièrement parce qu'Hérode y joue un rôle important. Alexandre dit Péloplaton[9], se rendant en Pannonie[10] auprès de Marc-Aurèle, qui l'avait nommé secrétaire pour la correspondance en grec, s'arrêta à Athènes. Il promit aux Athéniens une séance d'improvisation. Ayant appris qu'Hérode se trouvait à Marathon avec toute la jeunesse, il lui écrivit pour le prier de lui envoyer les Hellènes, c'est-à-dire ses disciples. Et Hérode lui répondit : Je viendrai, moi aussi, avec les Hellènes. Donc les Athéniens s'étaient réunis au Céramique, dans le théâtre appelé Agrippeion. Le jour s'avançait et Hérode n'arrivait toujours pas. L'auditoire s'impatientait et accusait le sophiste de tarder à dessein. Alexandre dut donc commencer avant son arrivée. Il préluda par un éloge de la cité, comme c'était l'usage, et s'excusa de n'être pas venu plus tôt à Athènes. Bref, il fit un discours assez long qui était comme un raccourci de ceux que l'on prononçait lors des Panathénées. L'assemblée était favorablement disposée. L'orateur avait conquis son public même avant d'avoir ouvert la bouche : un murmure flatteur avait bourdonné dès son entrée en scène. Le sophiste était bien tourné et élégamment vêtu, qualités fort appréciées par le public athénien de tous les temps. Puis on passa à l'improvisation. Le sujet qui réunit le plus de suffrages fut : exhorter les Scythes à reprendre leur vie nomade, leur santé ne s'accommodant pas du séjour des villes. Alexandre avait déjà commencé depuis un certain temps à développer ce thème lorsqu'Hérode entra, coiffé du pilos arcadien qu'il portait d'habitude en été et dont il était resté couvert pour bien montrer qu'il arrivait de voyage et pour excuser son retard. Alexandre lui demanda alors s'il devait continuer à traiter le sujet déjà presque terminé ou si Hérode désirait lui en proposer un autre. L'auditoire consulté par Hérode fut unanime : Alexandre devait achever l'improvisation si brillamment commencée. Alexandre profita de l'occasion pour étaler sa virtuosité. Il reprit les idées qu'il venait de développer et leur donna une forme et des rythmes nouveaux si bien qu'il n'eut pas l'air de se répéter[11]. Lorsqu'il eut fini, il se précipita vers Hérode, l'embrassa et lui dit : Régale-moi à ton tour. A quoi Hérode répondit en continuant la figure employée par Alexandre : Pourquoi m'y refuserais-je après avoir été si splendidement traité ? Après cette mémorable séance, Hérode interrogea ses disciples les plus avancés, ne voulant sans doute pas laisser échapper cette occasion de mettre à l'épreuve leur sens critique. L'un d'eux, Skèptos de Corinthe, répondit par un mauvais jeu de mot sur le sobriquet d'Alexandre, plus préoccupé de faire de l'esprit que de rendre justice au sophiste qui venait de produire une si forte impression. Aussi Hérode conseilla-t-il à Skèptos de ne pas se faire tort en répétant ailleurs une appréciation qui voulait, sans y réussir, être spirituelle au détriment de la vérité. Lui même, en son langage volontiers imagé, caractérisa Alexandre comme un Scopélianos à jeun voulant dire, ajoute Philostrate, qu'il accommodait l'audace de la pensée de Scopélianos à une forme moins emphatique, plus mesurée. Hérode tint la promesse qu'il avait faite à Alexandre : il traita devant lui le thème pathétique, inspiré du récit de Thucydide[12], des blessés de l'expédition de Sicile suppliant leurs compatriotes athéniens, obligés à la retraite, de les achever au moment où ils étaient forcés de les abandonner. Hérode tint à rivaliser de virtuosité avec son collègue en pastichant son style et ses rythmes. L'émotion fut au paroxysme, nous assure Philostrate, lorsque les blesses, par la bouche d'Hérode, dont les yeux étaient mouillés de larmes, lancèrent à leur général, comme à leur père, une dernière et pathétique supplication sous forme de vœu, qui resta fameuse, mais dont l'émouvante concision est difficilement traduisible : ναί Νικία, ναί πάτερ, οΰτως Άθήνας ΐδοις — Oui, Nicias, oui, notre père c'est à ce prix que nous te souhaitons de revoir Athènes. C'est alors qu'Alexandre, enthousiasmé, ne put s'empêcher de s'écrier : Ô Hérode, nous autres sophistes, nous ne sommes tous que la monnaie de toi-même, louange assez juste, nous l'avons dit plus haut, puisque Hérode ne se contentait pas d'être lui-même, mais pouvait à l'occasion égaler, sinon dépasser ses collègues même en les pastichant. Hérode fut ravi de cet éloge qui était peut-être moins sincère qu'intéressé. Alexandre n'avait probablement pas oublié les fastueux honoraires touchés par Palémon. Cette fois, Hérode fit mieux encore. Philostrate énumère complaisamment les présents que reçut Alexandre : dix bêtes de trait, dix chevaux, dix échansons, dix sténographes[13] et la somme énorme de vingt talents d'or, beaucoup d'argent et même deux tout jeunes enfants de Kollytos, car il avait appris qu'Alexandre aimait à entendre les voix enfantines[14]. Un roi n'aurait pu se montrer plus généreux[15]. Le discours prononcé par Hérode devant Alexandre rentre dans la catégorie des μελέται, et des improvisations à sujets historiques, dont il a été question plus haut[16]. C'est un thème du même genre qu'Hérode développa à Athènes, lorsqu'il discourut, à l'exemple de Palémon et sans doute dans sa manière, Sur les trophées, c'est-à-dire sur les trophées de la guerre du Péloponnèse, qui auraient dû être renversés, parce qu'ils perpétuaient le souvenir de victoires remportées par des Grecs sur des Grecs[17]. Quant au troisième discours dont le sujet nous est connu, rentre plutôt dans la catégorie des διάλέξεις, sortes de conférences à sujets philosophiques ou simples causeries en manière de prélude employées par les sophistes pour se concilier la bienveillance du public et se présenter à lui[18]. C'était un véritable lieu commun de morale qu'Hérode avait eu a traiter dans ce discours, à Olympie, lieu commun sur lequel avaient notamment disserté avant lui le philosophe Musonius et son disciple Lucius. Il s'agissait de la nécessité de garder un juste milieu, thème devenu banal depuis Aristote, mais qu'Hérode avait su rajeunir par d'ingénieuses comparaisons comme celle du fleuve qui ne doit point sortir de son lit[19]. C'est aussi une véritable διάλεξις d'Hérode qu'Aulu-Gelle a notée et résumée dans ses Nuits attiques. Mais elle fut donnée non en public mais dans la somptueuse villa de Képhissia, où Hérode aimait à recevoir ses amis et ses disciples et à les régaler de sa parole et de sa science. Hérode venait de perdre son fils. Un philosophe stoïcien qui n'est pas nommé, lui reprochait l'excès de sa douleur qui n'était digne ni d'un sage ni d'un homme, Ce fut pour le sophiste l'occasion de s'élever contre l'apathie des stoïciens, comme aurait pu le faire son maitre Calvisius Tauros[20]. Aulu-Gelle nous a conservé le résumé de cette dissertation. Hérode y combattait, comme contraire la nature, l'insensibilité préconisée par les stoïciens. Un homme qui parviendrait à supprimer ses passions et ses affections, qui réaliserait l'idéal stoïcien de l'ataraxie, ne serait pas meilleur mais, au contraire, son âme tomberait dans une torpeur et une langueur préjudiciables. Il faut modérer les passions pour. qu'elles ne deviennent pas des vices mais non les arracher de l'âme sous peine de perdre ce qu'elles ont de bon et d'utile. En terminant, Hérode illustrait sa dissertation d'un apologue. Un Thrace, venu du fond des pays barbares dans un endroit civilisé, y acquiert un fonds de terre planté de vignes et d'oliviers. Il ignore tout de l'agriculture. Mais, voyant, par hasard son voisin occupé à arracher les buissons, à tailler ses frênes jusqu'au sommet, ses vignes et ses arbres fruitiers, il lui en demande la raison. Le paysan lui répond qu'il émonde pour augmenter la fertilité de ses arbres et de ses vignes. Le Thrace le remercie et s'en va, tout joyeux, croyant l'imiter, saccager sa propriété en émondant et en arrachant à tort et à travers ce qu'il aurait dû épargner. Ainsi, concluait Hérode, agissent les stoïciens en supprimant, le désir, la douleur, la colère, la joie : en amputant tous les grands élans de l'âme, ils se condamnent, sous prétexte d'ataraxie, à vieillir dans la torpeur d'une vie lâche et pour ainsi dire sans nerfs[21]. Un sophiste ne se bornait pas à se produire en public ; son activité se déployait la plupart du temps dans l'école. Hérode commença de bonne heure à enseigner : il avait débuté déjà, nous l'avons dit, avant l'époque où il était corrector des cités grecques d'Asie et entendit Palémon. Il n'interrompit pas son enseignement pendant son séjour à, Rome : il ne s'y consacra pas exclusivement à l'instruction des deux futurs empereurs Marc-Aurèle et Lucius Verus mais dut aussi y professer. Il improvisa, en tout cas, plus d'une fois en public et c'est même à Rome qu'il fit un de ses principaux disciples, Claudius Aristoklès de Pergame : après avoir entendu Hérode, il désertera la philosophie péripatéticienne pour passer à la sophistique[22]. Il deviendra le maitre d'Ælius Aristide et c'est à lui qu'Hérode, devant s'absenter pendant assez longtemps d'Athènes, enverra tous ses élèves à Pergame[23]. Hérode continua à enseigner jusqu'à l'extrême fin de sa vie après le procès de Sirmium, qui se plaça, nous l'avons montré, vers 174, la jeunesse affluait de toutes parts, nous assure Philostrate, pour entendre la parole du maître ; alors âgé d'environ 75 ans et qui s'était retiré dans ses propriétés de Képhissia et de Marathon[24]. Hérode, au dire de Sôpatros[25], occupa la chaire officielle de sophistique, à Athènes. Philostrate, chose étrange, ne nous en dit rien alors qu'il n'omet jamais d'en parler pour les autres sophistes, même lorsqu'ils furent médiocres[26]. Hérode dut remplir cette fonction après Lollianos, qui vivait encore sous Antonin, et avant Théodotos, éphèbe vers 145, mort à 50 ans passés, donc vers 177, après avoir détenu la chaire pendant deux ans[27]. A côté des cours communs à tous les disciples, Hérode en avait institué un autre qui était réservé à ses meilleurs élèves. Ils étaient au nombre de dix, comme les Dix orateurs sans doute. Ce privatissimum, comme on dirait en Allemagne, s'appelait Klepsydrion. Cette académie devait son nom à ce qu'Hérode y parlait pendant la durée de cent lignes, mesurées par la clepsydre, sans que les disciples fussent autorisés à l'interrompre par leurs applaudissements, comme ils avaient le droit et le devoir de le faire aux leçons communes[28]. Ceux qui, comme Skèptos de Corinthe, Amphiklès de Chalcis, Pausanias de Césarée et Hadrien de Tyr, eurent l'honneur d'être admis à ce supplément de nourriture intellectuelle, en étaient très fiers et se considéraient comme les initiés d'un grand mystère[29]. Hérode était en effet un de ces maîtres qui ne se bornent pas à enseigner mais qui font travailler leurs élèves et prêchent eux-mêmes d'exemple. Lui-même, nous l'avons dit, tâchait sans relâche, même la nuit, à alimenter son intelligence et sa mémoire, labeur indispensable à un sophiste qui aimait par dessus tout à improviser et qui devait être prêt à traiter tous les sujets que le caprice des auditeurs pourrait lui imposer. Il exhortait même ses disciples à ne pas perdre tout à fait leur temps pendant leurs beuveries mais à les consacrer en même temps à l'étude[30]. Sans doute s'agit-il de ces beuveries qui réunissaient les favoris du Klepsydrion[31] et leur avaient même valu un surnom ironique, les altérés[32]. Le commerce même d'un homme aussi lettré était un perpétuel enseignement. Tout était prétexte à doctes entretiens dans sa maison ou dans ses villas de Marathon et de Képhissia, largement ouvertes, semble-t-il, à tout venant. Nous avons déjà eu l'occasion de rappeler plus haut que c'est à Képhissia que Calvisius Tauros fit la leçon à un médecin qui confondait les artères avec les veines, lorsqu'il soignait, dans la villa d'Hérode, Aulu-Gelle souffrant de la dysenterie et de la fièvre[33]. — Un autre jour, c'est un mendiant qui se présente et réclame de l'argent pour acheter du pain[34]. Lorsqu'Hérode lui demande qui il est, il s'étonne qu'on n'ait pas reconnu en lui un philosophe, car il porte la barbe et le pallium. C'était, dit-on au sophiste, un vagabond, un vaurien, habitué des mauvais lieux, qu'avait coutume d'insulter ceux qui lui refusaient l'aumône : Donnons-lui, dit alors Hérode, quelque argent, malgré tout, comme des hommes et non comme à un homme. Et il lui fit verser la valeur de trente jours de pain. Puis il profita de l'incident pour rappeler que Musonius avait un jour donné mille sesterces à un philosophe de ce genre, en ajoutant, avec un sourire qu'un vaurien de l'espèce était toujours digne de recevoir de l'argent. Ce que m'afflige et m'indigne plutôt, continua Hérode, c'est que des animaux de cette espèce sales et répugnants, usurpent un nom sacré en se prétendant philosophes. Mes ancêtres, les Athéniens, interdirent par décret de donner jamais, à des esclaves, les noms des jeunes gens très courageux, Harmodios et Aristogiton, qui tentèrent de tuer Hippias le tyran, pour rétablir la liberté. On ne jugea pas, qu'il fût permis de polluer au contact d'esclaves, les noms de ceux qui s'étaient dévoués pour la liberté de la patrie. Pourquoi donc, nous, tolérons-nous que le nom très noble de la philosophie soit souillé par les pires individus ? Semblablement, par une mesure contraire, les anciens Romains, dit-on, interdirent de donner les prénoms de certains patriciens condamnés à mort pour crimes envers la République, aux membres patriciens de leur sens, afin que leurs noms mêmes parussent déshonorés et morts avec eux. En cette occasion, Hérode n'eut pas affaire a un simple vagabond, comme ses amis le prétendirent, mais à un de ces philosophes populaires fréquents à cette époque, véritables prédicateurs de la morale cynico-stoïcienne, qui lançaient volontiers, sur la voie publique, leurs diatribes contre les vices et les travers du temps[35], personnages à l'extérieur sordide, aux fréquentations ignobles, médisants autant que mal disants[36] et fort mal vus des sophistes qui épanchaient volontiers leur bile sur eux. En tout cas, c'était alors un lieu commun que d'établir une distinction entre les philosophes et les imposteurs qui s'arrogeaient leur nom[37]. Ce serait se tromper que de se figurer Hérode adversaire de la philosophie : s'il est exact que les sophistes du temps ne s'attaquent volontiers aux philosophes de bas étage que parce qu'ils n'osent pas s'en prendre aux sommités[38], ce ne fut certainement pas vrai d'Hérode : n'est-ce pas lui que Marc-Aurèle chargera de désigner les titulaires des quatre chaires de philosophie créées à Athènes par cet empereur-philosophe ?[39] Une autre fois, la scène se passe en présence d'Aulu-Gelle, de Servilianus et de beaucoup d'autres Romains venus à Athènes pour parfaire leur culture intellectuelle[40]. C'est l'été, Hérode et ses disciples ont fui la chaleur de la ville pour venir chercher un peu de fraîcheur à Képhissia, dans les bois immenses, dans les longues allées ombreuses de la somptueuse villa, pourvue de bains tout resplendissants de marbre pentélique, et toute bruissante du murmure des sources et du gazouillis des oiseaux. Parmi les invités, un jouvenceau se prétendant stoïcien étourdissait les convives de sa jactance, dans les conversations qui suivaient les banquets. A l'entendre, nul philosophe ne lui était comparable ni en Attique ni chez les Romains. Seul, il était capable de résoudre les sorites et autres arguments captieux de ce genre. Nul plus que lui n'avait approfondi la morale et la psychologie des vertus et des vices. A le croire, il était arrivé à cet état de vie heureuse, idéal du stoïcien, où aucune douleur n'altère même plus la sérénité du visage. Sa loquacité et ses vantardises agaçaient et fatiguaient tout le monde. Hérode intervint alors pour y mettre fin et ce fut pour lui une nouvelle occasion de montrer la fidélité de sa mémoire, et l'étendue de ses lectures. Permets-moi, dit-il, ô le plus grand de philosophes, puisque nous ne pouvons te répondre, nous que tu traites d'incompétents, permets-moi de te lire un passage qui te montrera ce que pense et dit Épictète, le plus grand des stoïciens, et tes exagérations de langage. Et il se fit apporter le premier livre des Entretiens d'Épictète, où le vénérable vieillard prend à partie les jeunes gens qui se prétendent stoïciens et ne le sont qu'en paroles[41]. C'en fut assez : Le jeune homme se tut comme si ce n'était pas Épictète qui adressait ces reproches à d'autres mais Hérode lui-même qui le condamnait. Du récit d'Aulu-Gelle, il résulte qu'Hérode avait une bibliothèque à Képhissia, comme il devait en posséder une autre à Marathon et à Athènes, et même à Rome, s'il n'avait pas fait transporter en Grèce celle que lui avait léguée Favorinus avec sa maison[42]. On s'imagine aisément quelle admirable collection d'ouvrages devait posséder un homme aussi riche et aussi passionné pour les lettres[43]. On se plait à croire qu'il ne s'en réservait pas l'usage exclusif mais que, tel le sophiste Proklos de Naucratis[44], il en ouvrait volontiers les trésors à ses élèves, lorsque les bibliothèques comme celles d'Hadrien et du Ptolémaion à Athènes, ne leur suffisaient pas. Pour en terminer avec le professeur, il nous reste à dire quelques mots de ses disciples. Étaient-ce eux-mêmes qui s'étaient donné le nom d'Hellènes, était-ce à Hérode qu'ils le devaient ? Nous ne savons[45]. En tout cas, cette épithète, d'une orgueilleuse simplicité, atteste qu'ils se considéraient comme l'élite intellectuelle de la race de même qu'on proclamait Hérode la langue des Hellènes c'est-à-dire, sans doute, l'homme parlant la langue grecque avec le plus d'éloquence et de pureté[46]. Bien que les textes soient muets sur ce point, il faut supposer qu'Hérode, malgré sa fortune colossale, faisait payer et même très cher son enseignement : c'était un usage général chez les sophistes et rien ne permet de croire qu'il y ait dérogé. Lui-même se croyait obligé de rémunérer royalement des collègues comme Polémon et Alexandre[47]. Même Polémon, malgré sa très grosse fortune, refusa, nous l'avons raconté, les honoraires que lui offrait Hérode, les trouvant inférieurs à son mérite[48]. D'ailleurs, se faire payer très cher était encore, pour les sophistes, un moyen de rehausser leur prestige : les hauts prix étaient la rançon d'une vogue que les disciples riches ou les snobs qui sont de tous les temps, étaient fiers de verser. On peut, en effet, sans trop d'audace, conjecturer que ce n'était pas l'unique désir de s'instruire et d'entendre la parole du maître qui amenait, de tous les points du monde grec et de Rome, la jeunesse aux pieds de la chaire d'Hérode, jusque dans son extrême vieillesse[49]. C'est si vrai que certains d'entre eux comme Amphiklès de Chalcis et Skèptos de Corinthe, ne semblent pas avoir exercé la profession de sophiste, si bien que Philostrate ne les cite qu'en passant et ne leur a même pas consacré une brève notice. Les disciples du sophiste turent tellement nombreux qu'il faudrait refaire en grande partie l'histoire de la sophistique au IIe siècle, si notre sujet comportait l'étude de leur biographie[50]. Nous nous contenterons d'en dresser la liste et d'excerper, dans leur vie, les détails qui intéressent directement Hérode. Outre Marc-Aurèle, Lucius Verus, Achilleus, Polydeukion, Memnon et Aristoklès de Pergame, dont il a été question plus haut, Hérode eut pour disciples[51], Amphiklès de Chalcis[52], Ælius Aristide[53], Chrestos de Byzance[54], Claudius Hadrianus de Tyr[55], Héracleidès le Lycien (?)[56], Onomarchos d'Andros[57], Pausanias de Césarée en Cappadoce[58], Ptolémée de Naucratis[59], Rufus de Périnthe[60], Julius Théodotos d'Athènes[61], Skèptos de Corinthe[62], et, parmi les Romain, Domitianus, Flavius Macer et très probablement, Aulu-Gelle et Servilianus[63]. Pour Aristoklès de Pergame, contentons-nous d'ajouter que Philostrate compare son atticisme à celui d'Hérode, qui était donc considéré comme la pierre de touche du bon usage[64]. C'est même le seul dont il nous dise qu'il fut un atticiste. Il y faut joindre aussi Ælius Aristide qui se flatte d'être un pur attique[65]. On peut deviner qu'il en fut de même d'Amphiklès, du moins d'après ce que Philostrate nous rapporte de son altercation avec Philagros[66]. Lorsque Philagros, sophiste de Cilicie, vint à Athènes, c'était Amphiklès de Chalcis qui était le principal disciple d'Hérode[67]. Un soir que Philagros se promenait au Céramique, il vit passer sur sa droite un jeune homme entouré d'un groupe d'amis. Il crut que ce jeune homme se moquait de lui et l'interpella pour lui demander son nom : Amphiklès de Chalcis, lui fut-il répondu. Philagros lui interdit alors d'assister aux séances qu'il devait donner à Athènes. A son tour, Amphiklès le prie de lui dire son nom. Philagros s'indigne de ce que quelqu'un puisse ne le pas connaître. Dans sa colère, l'irascible sophiste laisse échapper un mot que les puristes n'employaient pas. Alors Amphiklès : Chez lequel des bons auteurs se mot se trouve-t-il ? Chez Philagros, lui répliqua fièrement celui-ci. Le lendemain, Philagros écrit à Hérode, qui résidait alors dans une de ses villas, pour lui reprocher le manque de tenue de ses disciples. Hérode lui répondit : Ton préambule ne me semble pas bon, voulant dire qu'il débutait mal et ne se conciliait guère la bienveillance de ses futurs auditeurs. Philagros ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre et courut à un échec en affrontant un public mal disposé : les élèves d'Hérode avaient appris qu'il n'improvisait que les premiers sujets qui lui étaient désignés. Pour les suivants, il récitait d'anciennes improvisations qu'il avait apprises par cœur. On lui proposa donc un thème qui lui avait valu un grand succès en Asie et lorsqu'il se mit prétendument à l'improviser, on lui en lut le texte. Pris sur le fait, Philagros se défendit misérablement en prétendant qu'on le dépouillait de son bien. Ainsi se termina un incident auquel Hérode fut mêlé bien malgré lui. Quant à Ælius Aristide, Hérode en aurait été jaloux, si l'on en croit Sôpatros[68]. Aristide aurait même dû employer une ruse pour n'être pas empêché par son maître de prononcer son célèbre Panathènaïkos. Au lieu de ce discours fameux, il en aurait montré et dédié un autre, fort médiocre, à Hérode, qui en aurait été enchanté parce qu'il en escomptait un échec pour son disciple. Même si cette anecdote était une invention des détracteurs d'Hérode ou des admirateurs d'Aristide, elle montrerait qu'Hérode avait la réputation d'être très soucieux de garder la première place parmi les orateurs du temps. Dans l'éloquence de Chrestos de Byzance, assure Philostrate, on retrouvait les qualités de celle d'Hérode, avec l'abondance en moins. Comparée à celle de son maître, elle était ce qu'un dessin est à la peinture[69] : autant dire qu'elle n'était point colorée. Mais il aurait égalé Hérode s'il n'était mort trop jeune, car c'était le meilleur des disciples qu'il avait formés, Hadrien de Tyr était un des dix disciples privilégiés admis au Klepsydrion. Un jour qu'il buvait avec ses condisciples, en s'entretenant de choses sérieuses, suivant la recommandation du maître, la conversation tomba sur la manière des différents sophistes. Au lieu de la définir par des exemples, des membres de phrases, des idées, des passages, des rythmes, Hadrien se mit à improviser en les pastichant tous sauf Hérode. Amphiklès lui en fit le reproche. C'est, dit Hadrien, qu'on peut imiter les autres sophistes même lorsqu'on est ivre. Mais, pour Hérode, je préfère être à jeun et n'avoir pas bu. Répétés à Hérode, ces propos lui plurent beaucoup. Hadrien était sans doute moins ivre qu'il ne le prétendait lorsqu'il les tint et on peut le soupçonner d'avoir voulu flatter son maître. Ce même Hadrien, lorsqu'il était encore tout jeune, avait improvisé devant Hérode qui l'encouragea en lui disant dans sa langue imagée : Ce pourraient être là les grands fragments d'un colosse, éloge combiné avec une critique du manque de composition de l'improvisation[70]. C'est ce même Hadrien, nous l'avons dit plus haut, qui fut chargé de prononcer l'éloge funèbre d'Hérode[71]. Il dut sans doute cet honneur non seulement à sa qualité de disciple du sophiste mais surtout à ce qu'il devait être à ce moment titulaire de la chaire de sophistique[72]. Il l'était en tout cas lorsque Marc-Aurèle vint à Athènes en 176[73]. Pour Onomarchos d'Andros, si on retrouvait chez lui certaines caractéristiques de son maitre, on allait jusqu'à nier qu'il eût bien été disciple d'Hérode tant il s'était engoué de la manière asiatique[74]. Pausanias de Césarée reproduisait surtout, avec de nombreuses qualités d'Hérode, sa facilité d'improvisation[75]. Quant à Ptolémée de Naucratis, s'il fut disciple d'Hérode, il ne chercha pas à l'imiter, influencé davantage par Polémon[76]. Rufus de Périnthe, qui eut pour maître Hérode lorsqu'il était encore tout jeune, puis Aristoklès de Pergame, était surtout fier d'avoir été le disciple du premier. Dans son admiration, il allait jusqu'à l'appeler le roi des orateurs et la langue des Hellènes[77]. Pour Julius Théodotos, il fut surtout le disciple de Lollianos d'Éphèse et parait avoir moins apprécié Hérode. En tout cas, il fut de ses ennemis, non de ses ennemis déclarés mais il profita habilement des circonstances pour lui faire une guerre sourde et collabora à l'élaboration des discours dirigés contre lui par Démostratos et ses amis[78]. De Skèptos de Corinthe nous ne savons guère qu'une chose : c'est qu'il fit partie du Klepsydrion avec Amphiklès. Mais ils ne semblent ni l'un ni l'autre avoir justifié les espérances du maitre : Philostrate ne leur a pas consacré même une brève notice et la réponse faite par Skèptos à Hérode qui lui demandait son avis sur Alexandre Péloplaton ne donne pas une idée fort avantageuse de son esprit[79]. En somme, il ne semble pas que l'influence exercée par Hérode sur ses disciples ait été bien profonde. Trois, au plus, furent des atticistes et deux au moins, Onomarchos et Ptolémée auxquels il faut sans doute joindre Hadrien, optèrent pour l'asianisme. Sur le plus connu de tous, sur celui dont la renommée perdurera jusqu'à la Renaissance, Ælius Aristide, l'influence du maître n'a pas été prépondérante... et, en tout cas, ne suffit pas à expliquer le caractère si particulier de son œuvre[80]. Il en faut sans doute conclure que la valeur d'Hérode résidait principalement dans son talent personnel, surtout d'improvisateur et dans sa vaste culture, qualités qui n'étaient pas transmissibles et qu'une partie de son prestige était due à son immense fortune. Aucun de ses disciples n'a, en tout cas, ouvert de voies nouvelles. Deux d'entre eux, qui étaient parmi ses préférés, Amphiklès et Skèptos, ne semblent même pas avoir poursuivi leur carrière de sophistes. Et si Aristoklès abandonne la philosophie pour suivre Hérode, Marc-Aurèle, par contre, s'intéressera à la philosophie plus qu'à la sophistique. Enfin, on peut s'étonner qu'Hérode ait eu, comme professeur, si peu de succès auprès de ses compatriotes : le seul disciple athénien que nous lui connaissons, lui préféra Lollianos et devint même l'ennemi de son ancien maître. A l'époque de Philostrate, on possédait comme œuvres d'Hérode, outre un grand nombre de lettres, διαλέξεις καί έφημερίδες έγχειρίδιά τε καί καίρια τήν άρχαίαν πολυμάθειαν έν βραχεΐ άπηνθισμένα[81]. De cette volumineuse correspondance du sophiste, qui aurait té si précieuse pour l'histoire de sa vie et de son temps, nous connaissons malheureusement fort peu de chose. Il faut d'autant plus le déplorer qu'au dire de Philostrate Jeune, Hérode était celui des sophistes qui excellait le plus dans le style épistolaire, encore que ses lettres, ajoute-t-il, fussent trop souvent déparées par un atticisme excessif et par l'intempérance de son bavardage[82]. Dans son Lexiphanès, Lucien nous a laissé la caricature d'un de ces hyperatticistes contemporains d'Hérode, qui se créaient une langue sibylline au moyen de vocables complètement désuets. Le recueil des lettres d'Hérode n'était pas composé à la matière de celui de Pline le Jeune par exemple. Il était conçu comme la correspondance de Pline avec Trajan ou celle de Fronton, où les lettres de l'auteur sont accompagnées de celles de ses correspondants. C'est ce qui résulte du passage où Philostrate cite une partie de la réponse faite par Marc-Aurèle au sophiste qui se plaignait de son silence après le procès de Sirmium[83]. Comme dans la correspondance de Fronton aussi, les lettres devaient être classées d'après les noms de ceux avec qui l'auteur était en relations épistolaires. Outre la brève et brutale réponse à Avidius dont il a été question plus haut[84], Philostrate a encore conservé un extrait d'une des lettres qu'Hérode écrivit à Favorinus, extrait destiné à montrer l'intimité qui existait entre les deux sophistes : πότε σε ϊδω καί πότε σου περιλείξω τό στόμα[85]. Toute une série de lettres d'Hérode étaient adressées à un personnage que les éditions les plus récentes de Philostrate appellent Varus[86] : c'est à l'une de ces lettres que Philostrate emprunte les caractéristiques de la manière de Polémon. Hérode y racontait aussi dans quels sentiments il avait entendu les trois sujets que le célèbre sophiste avait développés devant lui : il avait écouté le premier comme un juge, le deuxième comme un amoureux, troisième comme un admirateur. Enfin, il y était question des 150.000 drachmes d'honoraires que Polémon avait refusées comme indignes de lui et de l'intervention de Munatius pour en faire ajouter 100.000 de plus[87]. Le prétendu Varus à qui cette lettre aurait été adressée est sûrement le même que le consul dont il est question dans la vie de Polémon et qui demande à Hérode quels ont été ses maîtres[88]. Dans les deux passages, les manuscrits donnent le même nom Βάρβαρος, qui a été arbitrairement corrigé en 13iip.ov par Valois et Meursius, correction admise, sans raison, par les éditions de Kayser, Westermann et Wright[89]. Cette correction est inutile et arbitraire : nous connaissons, à l'époque impériale, quatre consuls qui ont Barbarus pour surnom : C. Atilius Barbarus (71), Q. Fabius Barbarus (99) T. [Sab]inius B[arba]rus (118) et M. (Ceionius) Civica Barbarus (157). Il résulte de la lettre d'Hérode qu'elle ne peut se placer l'année même où il connut Polémon mais assez longtemps après. Le consul Barbarus lui avait demandé quels avaient été ses maîtres et Hérode lui avait répondu : Un tel et un tel lorsque j'étais encore un élève et Polémon lorsque j'enseignais déjà. Il n'est donc pas douteux que le Barbarus en question ne peut être que le consul de 157. D'ailleurs, en 118, Hérode, encore tout jeune n'avait pas encore entendu Polémon. Hérode, cela va de soi, fut aussi en correspondance avec Polémon, mais Philostrate ne nous a conservé que l'extrait d'une des lettres où le sophiste asiatique écrivait à son collègue au sujet de la terrible maladie qui devait le contraindre à s'enfermer vivant dans la tombe[90]. C'est aussi dans la correspondance d'Hérode que Philostrate a puisé ses renseignements sur celui qu'on appelait l'Héraklès d'Hérode[91]. C'était un rustre de huit pieds de haut dont le sophiste faisait la description dans une de ses lettres à un nommé Julianus[92]. Il se prétendait fils du héros Marathon. Les paysans le nommaient Agathiôn parce qu'ils considéraient sa présence comme de bon augure. Quand Hérode lui demanda où il avait appris à parler si purement la langue attique, il répondit que c'était avec les gens de la Mésogée, moins exposés que les Athéniens à corrompre leur langage au contact des étrangers qui accouraient de tous les points du monde barbare pour s'instruire à Athènes. A la question d'Hérode qui veut savoir s'il a assisté à de grandes panégyries, il répond qu'il a vu les jeux Pythiques du haut du Parnasse, blâme comme peu morales les tragédies qu'on y jouait et se moque de épreuves gymniques qui s'y disputaient : on devrait couronner non les hommes qui luttent contre des hommes mais ceux qui vaincraient à la course les cerfs ou les chevaux ou qui lutteraient avec des taureaux ou des ours comme il le faisait lui même. Invité par Hérode, il lui donne rendez-vous à midi dans le temple de Kanôbos[93] et lui demande de lui préparer un cratère de lait qui ne devait pas être trait par une femme, car il était misogyne. A l'heure dite, il arrive et refuse de boire le lait parce qu'il n'a pas été tenu compte de sa recommandation ; renseignements pris, son affirmation est reconnue exacte : c'était bien une main féminine qui avait trait ce lait. Cet Agathiôn-Héraklès est-il identique au Sostratos-Héraklès de Lucien, présenté ici sous un jour un peu différent[94], c'est fort douteux[95] pas plus qu'il n'est certain que ce soit par une fiction semblable à celle de Lucien qu'Hérode prétende avoir connu Agathiôn[96] : il n'est pas sûr, en effet, qu'il faille déduire d'un passage de Plutarque[97] que Sostratos était mort au moment où Lucien assure qu'il l'a rencontré. En tout cas, Agathiôn, par son genre de vie, par ses réparties par son identification avec Héraklès, représente comme lui et comme Sostratos une sorte de héros cynique, bien fait pour plaire à la société du IIe siècle qui, comme toutes les sociétés vieillies et raffinées, aimait à se tourner vers la vie simple et naturelle des champs. Nous sommes à l'époque où commence à se dessiner, dans les œuvres comme l'Euboïque de Dion de Pruse, dans des lettres comme celles d'Alciphron et d'Aelien, le genre de la pastorale romanesque qui devra son chef-d'œuvre à Longus. On a prétendu que la lettre à Julianus serait une invention de Philostrate[98] : s'il est vrai qu'elle porte la marque de son style, nous connaissons trop mal celui du sophiste pour lui dénier la paternité de cette épître. D'ailleurs, grand admirateur d'Hérode, Philostrate a pu subir son influence littéraire. Mais inutile d'insister ; l'hypothèse est arbitraire et insoutenable : on ne relève nulle part, dans les Vies de Philostrate, de trace de supercherie du genre de elle qu'on lui prête par pure hypercritique. Quant aux έφημερίδες d'Hérode que cite son biographe, il y faut reconnaître, d'après le nom, un journal dans le genre des Discours sacrés d'Ælius Aristide[99] et non pas sans doute un journal purement littéraire, comme on l'a dit[100], car Philostrate nous assure que ces Journaux étaient de bons maîtres pour apprendre à bien discourir sur tout sujet[101]. Nous n'avons point conservé non plus ses έγχειρίδια. Il faut se arder de se laisser tromper par le titre et de croire que le sophiste avait composé des manuels relatifs à son art. Il n'en est question elle part, tandis qu'Aulu-Gelle, dans sa préface[102], cite le titre de έγχειρίδια comme l'un de ceux que l'on donnait à des ouvrages semblables à ses Nuits attiques. Ce qui ne laisse aucun doute à cet égard, c'est que Philostrate explique έγχειρίδια et καίρια qui suit, par τήν άρχαίαν πολυμάθειαν έν βραχεΐ άπηνθισμένα. C'était donc bien un recueil de petites dissertations sur une foule de points concernant la littérature, la grammaire, la philosophie, les institutions, les mœurs antiques, et qui intéressait par le fait même au plus haut point, les apprentis-sophistes qui devaient enrichir leur mémoire d'un grand nombre de faits, d'anecdotes, pour se préparer à improviser sur lé sujets les plus variés. Il devait en être de même des καίρια, qui doit être une faute pour κηρία, titre cité aussi par Aulu-Gelle dans sa préface[103]. Certes καίρια signifie improvisations[104] mais on ne peut pas dire d'improvisations qu'elles sont des florilèges, comme le fait Philostrate à propos du mot litigieux. Par contre, la figure commencée par κηρία se continuerait dans άπηξθισμένα. Ce titre, faisant image comme beaucoup de ceux que mentionne Aulu-Gelle, comparerait l'ouvrage d'Hérode à des rayons de miel que l'auteur aurait butinés parmi les fleurs de la science antique. Et si Suidas a rendu ce terme par λόγοι αύτοσχέδιοι, c'est une erreur de plus à ajouter à toutes celles qu'il a commises, concernant Hérode, et qui prouve que κηρία avait déjà dû être altéré, de son temps, en καίρια. Mais, objectera-t-on, Philostrate aurait alors omis dans sa liste ces improvisations où Hérode excellait ? Rien d'étonnant puisqu'il n'y est pas question non plus des nombreuses μελέται qu'il avait certainement composées. Un seul de ces discours étudiés nous est parvenu. Encore y a-t-il quelques raisons de douter de son authenticité. Il est intitulé : Ήρώδου περί πολιτείας. Ce titre ne peut émaner de l'auteur lui-même : il est trop vague et d'ailleurs inexact[105]. Un orateur, qui se croit autorisé, par la gravité des circonstances, à prendre la parole malgré sa jeunesse, montre, devant ses compatriotes de Larissa, qu'il est utile et indispensable d'accepter l'offre de Sparte de s'allier avec elle contre Archélaos de Macédoine (413-399), qui a imposé, après des luttes sanglantes, un oligarchie extrême à la cité. Le jeune orateur laisse entendre à ses auditeurs, sans le leur dire nettement, qu'il faut d'abord renverser cette oligarchie. Les historiens sont à peu prés d'accord pour denier la paternité de l'œuvre à Hérode[106], tandis qui les philologues ne sont pas unanimes sur ce point, bien que la plupart soient partisans de l'authenticité[107]. Nous ne voulons pas prolonger encore une controverse déjà trop longue. Faute de faits nouveaux, il n'y a pas d'espoir d'arriver à une solution définitive. Nous nous bornerons à prendre position dans un débat dont il résulte, tout au moins que le doute est permis. Même si l'authenticité était certaine, le discours ne nous apprendrait a peu près rien sur la manière d'Hérode[108], tant le style diffère de celui du sophiste, tel que nous le connaissons par les témoignages des anciens, par les fragments qui nous en restent, par les inscriptions. D'abord, il n'est dit nulle part que cet Hérode soit bien Hérode Atticus : le nom est fréquent et contrairement à ce qu'on a prétendu[109], il pourrait très bien s'agir d'un homonyme plus ancien que le sophiste et moins connu. De plus, le sujet du discours est bien spécial pour avoir pu intéresser les auditeurs ou les lecteurs de μελέται du IIe siècle. Il sort absolument du cercle habituel des thèmes traités par les sophistes du temps soit dans les improvisations soit dans les discours longuement préparés. C'est ce qu'avait déjà observé depuis longtemps W. Schmid, un partisan convaincu de l'authenticité[110]. Ces thèmes gravitent tous autour de périodes de l'histoire grecque mieux connues que celle d'une cité de Thessalie, qui avait perdu toute importance au IIe siècle et n'avait jamais joué un rôle de premier plan dans la Grèce classique[111]. Ce qui intéresse les contemporains d'Hérode, ce sont les sujets qui font revivre pour eux les moments les plus glorieux ou les plus passionnants du passé de leur pays et surtout des deux cités les plus illustres, Sparte et Athènes ; ils aiment qu'on évoque devant eux les guerres médiques, la guerre du Péloponnèse, les luttes contre Philippe pour l'indépendance. On peut même se demander si un discours comme le Περί πολιτείας aurait été bien compris par les Grecs du IIe siècle. Il est obscur pour nous sur plus d'un point et ne devait pas l'être beaucoup moins du temps d'Hérode. Avec cela, il est si bien documenté[112] sur la période qu'il traite qu'on a pu aller jusqu'à prétendre que ce discours n'était autre que celui d'un contemporain, de Thrasymachos de Chalcédoine, auteur d'un Ύπέρ Λυρισαίων[113]. Cette hypothèse, ajoutons le tout de suite, n'est pas soutenable : nous possédons un fragment du discours de Thrasymachos[114] qui le figure pas dans l'œuvre qu'on attribue à Hérode, sans compter que celle-ci n'est pas un plaidoyer pour les habitants de Larissa (ύπέρ), mais un discours prononcé ou censé prononcé devant eux. On ne peut donc même pas supposer que nous avons affaire à l'œuvre de Thrasymachos remaniée par un sophiste. Évidemment, Hérode, si tant est qu'il soit l'auteur du Περί πολιτείας, aurait pu utiliser l'œuvre de Thrasymachos. Mais il y a dans le Περί πολιτείας une précision de détails qui n'est guère dans les habitudes des sophistes[115] : ils cherchent moins à reconstituer l'histoire du passé qu'à en tirer des effets oratoires, des occasions de briller, d'étaler leur virtuosité. Qu'on se souvienne du Panthénaïque d'Ælius Aristide qui semble prendre à tâche de dépouiller le récit de toute précision[116], ou les διαλέξεις de Lesbonax et de Polémon, où tout l'effort d'un esprit singulièrement inventif et exercé n'aboutit qu'à de sottes antithèses, à des jeux d'esprit ridicules, à des fanfaronnades et à des hyperboles enfantines[117]. Et cependant Polémon était considéré par Hérode comme un maitre qu'il admirait plus que tout autre, et Ælius Aristide comme un redoutable concurrent, ainsi que l'a montré l'anecdote rapportée plus haut. Si Hérode était bien l'auteur du Περί πολιτείας, on ne s'expliquerait guère pourquoi, dans l'exorde, il se serait donné pour un homme encore tout jeune. Rien ne l'y obligeait, même si le discours datait de sa jeunesse. Si l'auteur était un sophiste, on s'attendrait au contraire à ce qu'il se conciliât la faveur de son auditoire en faisant état de son âge et de son expérience. Ce serait plus habile et plus conforme à ce que nous connaissons des sophistes dont la formation exigeait pas mal de temps et qui ne s'aventuraient généralement pas en public lorsqu'ils étaient encore tout jeunes. D'ailleurs, un sophiste débutant n'aurait probablement pas choisi un sujet aussi spécial. On ne peut non plus prêter à un sophiste aussi lettré qu'Hérode la fiction maladroite qui consisterait à s'adresser, dans une oligarchie, à l'assemblée du peuple. Cette prétendue maladresse s'explique au contraire fort bien s'il s'agissait non d'un véritable discours mais d'un écrit politique de propagande en faveur de Sparte. Quant à la langue du Περί πολιτείας, il serait dangereux d'en tirer des conclusions trop absolues. D'excellents philologues comme Drerup[118] et W. Schmid[119], l'un adversaire, l'autre partisan de l'authenticité nous affirment que rien, dans la grécité du Περί πολιτείας l'interdit de le placer à la fin du Ve ou au début du IVe siècle. D'autres, par contre, nous assurent que l'on trouve, dans le vocabulaire, dans les constructions[120], dans les rythmes[121] la preuve que le discours est d'époque tardive. De ces affirmations contradictoires, il résulte tout au moins que le doute est permis. Même si l'œuvre était de basse époque, il ne saurait être question de l'attribuer à Hérode. Nulle part on n'y retrouve l'abondance et l'élégance du style du sophiste, vantées par Aulu-Gelle[122]. D'après Philostrate, la richesse d'images était une des caractéristiques de la manière d'Hérode[123] : les propos qu'il lui prête[124], les inscriptions rédigées par le sophiste[125], attestent que le biographe ne se trompe pas sur ce point. Or, on l'avait remarqué depuis longtemps, les expressions imagées manquent complètement dans le Περί πολιτείας[126]. Où sont les accumulations de synonymes chères à Hérode, la savante variété de son style et l'originalité de sa pensée[127] ? Le pathétique qu'on vantait dans les discours d'Hérode y fait complètement défaut[128]. De plus, rien qui sente l'emphase, la recherche de l'effet, rien du style maniéré, précieux, tel qu'on l'observe dans les nombreux fragments de sophistes cités notamment dans les biographies de Philostrate, rien de ce que l'on attendrait d'un disciple et de l'admirateur d'un asianiste comme Polémon. Le ton mesuré, la simplicité de l'expression, du choix des mots, la grande sobriété des figures, le naturel de l'argumentation un peu sèche[129], tout trahit les débuts d'un art encore jeune. On cherche vainement ici les tares de la décadence. L'auteur du Περί πολιτείας semble un proche parent de Thucydide dont il partage la concision et l'obscurité : il n'a rien de commun avec un Ælius Aristide ou un Palémon. Si, par impossible, la déclamation était d'Hérode ; il faudrait admettre que le sophiste à réussi à pasticher pour le fond, le vocabulaire, la composition, le style, la manière des orateurs de la fin du Ve siècle, avec une perfection capable de dérouter les historiens et les philologues les plus avertis. Encore si le modèle pastiché par Hérode était Kritias, auteur qu'il avait étudié à fond, au dire de Philostrate[130]. Mais ce n'est sûrement pas le cas : le style du Περί πολιτείας, nous le dirons plus loin, diffère notablement de ce que nous connaissons de Kritias. A supposer même que nous ayons affaire à un pastiche aussi habile, il ne nous apprendrait rien de plus, sur la sophistique du Ile siècle, que ne nous enseignent, sur la sculpture des basses époques, le copies plus ou moins fidèles des néo-attiques, dont le principal intérêt est de nous renseigner sur des chefs-d'œuvre aujourd'hui perdus. Pour nous, répétons-le, le discours serait bien d'un Hérode, homonyme moins célèbre du sophiste et probablement d'un Thessalien, à en juger d'après le sujet très spécial[131]. Le nom d'Hérode n'est point rare et, encore une fois, il n'est dit nulle part que l'auteur du Περί πολιτείας, soit Hérode Atticus dont il ne possède aucune des qualités maîtresses. Une autre hypothèse, qui nous parait beaucoup moins probable pourrait, à la rigueur, expliquer pourquoi l'œuvre nous serait parvenue sous le nom d'Hérode. Cette hypothèse, Drerup l'avait déjà émise mais pour la rejeter[132]. Elle consiste à attribuer le discours à Kritias. Si nous y revenons, en la modifiant quelque peu, ce n'est point que nous la préférons ; c'est parce qu'elle nous donnera l'occasion de traiter du style de cet auteur, dans ses rapports avec celui d'Hérode, qui l'avait pris pour modèle. Exilé d'Athènes, Kritias s'était réfugié en Thessalie. Non seulement il avait écrit une Πολιτεία Θετταλών[133], mais il s'était immiscé dans les affaires politiques du pays. Même, d'après Xénophon, il y avait établi la démocratie et armé les Pénestes contre leurs maîtres[134]. Ce texte, il est vrai, est contredit par le témoignage de Philostrate : celui-ci nous affirme, au contraire, que Kritias aida les oligarques à faire peser plus lourdement leur tyrannie sur les Thessaliens[135]. L'affirmation de Philostrate paraît plus conforme à ce que nous connaissons du caractère et des idées politiques du plus farouche des Trente tyrans. Mais on ne peut révoquer en doute le témoignage de Xénophon, qui fut son contemporain. Si Kritias provoqua un mouvement démocratique en Thessalie, c'est qu'il devait profiter ici aux Lacédémoniens dont il était un des plus chauds partisans. Et nous aurions conservé dans le Περί πολιτείας un souvenir de son activité politique en Thessalie. Le discours aurait été mis sous le nom d'Hérode ou bien parce que l'archétype de nos manuscrits aurait appartenu à la bibliothèque d'Hérode, grand admirateur de Kritias, ou bien à cause de la parenté de style qui existait entre Hérode et Kritias, au dire de Philostrate, qui nous a conservé les caractéristiques de la manière du sophiste[136] : La composition[137] du discours est suffisamment châtiée[138]. Il s'insinue habilement plutôt qu'il ne s'impose. Il allie l'ampleur[139] à la simplicité. Son style rappelle celui de Kritias[140]. On y admire l'originalité de la pensée[141]. Il était spirituel avec aisance : plaisanterie naissait sans effort du sujet[142]. Son style agréable, fort imagé et d'une belle tenue, était habilement varié[143]. Le souffle n'en était pas violent, mais doux et calme. Bref, c'était comme de paillettes d'or brillant au fond d'un fleuve aux ondes d'argent[144]. Plus loin, Philostrate ajoute qu'Hérode était un orateur très nourri ; à la différence des autres sophistes, il brillait à la fois dans l'improvisation et dans les discours étudiés. Il tirait son pathétique non seulement de la tragédie mais aussi de la vie[145]. Ailleurs, Philostrate nous dit encore qu'un de ses disciples avait pris de lui l'habitude d'accumuler les synonymes[146]. C'était aussi, selon Ælianus, le plus varié des sophistes[147]. Cette variété était-elle celle du style dont il a été question plus haut. Ou faut-il entendre par là qu'Hérode était capable de traiter les sujets de manières fort différentes ? C'est ce qu'il est difficile de déterminer aujourd'hui que ses œuvres sont perdues. Toutefois, le mot d'Alexandre Péloplaton, rapporté au début de ce chapitre, et d'après lequel Hérode aurait pour ainsi dire résumé à lui seul tous !es autres sophistes, rend la seconde de ces hypothèses plus vraisemblable. Aulu-Gelle vante encore chez Hérode la gravité, l'abondance et l'élégance[148]. D'autre part, nous connaissons par Hermogène et Philostrate les caractères du style de Kritias qu'Hérode avait particulièrement étudié et qu'il avait remis à la mode et imité[149]. Parmi ces caractères, ceux qui concordent avec le style d'Hérode sont d'abord la concision[150], non mentionnée par Philostrate à propos du sophiste mais qui apparaît nettement dans ses inscriptions, ensuite l'agrément et la douceur, que le biographe compare chez Hérode au souffle du zéphyr[151]. Philostrate relève aussi chez Kritias l'imprévu de la pensée et de l'expression[152], qui est à rapprocher de l'originalité de la pensée dont il fait honneur à Hérode. De toutes ces caractéristiques, il n'y en a guère qu'une qui reparaisse dans le Περί πολιτείας, outre l'habitude de l'asyndeton entre les propositions, chère aux deux écrivains : c'est la concision. Non seulement les autres en sont absentes niais, comme l'a montré Drerup[153], il existe, pour tout le reste, dialecte, choix des mots, syntaxe, emploi des procédés de Gorgias, un contraste complet entre le discours attribué à Hérode et le style de Kritias, tel que nous le connaissons par les fragments qui nous en restent ou les auteurs qui nous en parlent. Il n'y a donc pas lieu d'insister sur une hypothèse qui ferait de Kritias l'auteur du discours du pseudo-Hérode : elle ne résiste pas à un examen sérieux du style des deux auteurs. Ce ne sont en tout cas pas seulement des préférences littéraires qui durent orienter l'atticisme d'Hérode vers l'imitation d'un auteur fort oublié et même peu estimé, selon Philostrate[154]. Si le sophiste prit pour modèle le plus fougueux des Trente Tyrans, c'est probablement aussi que ses idées politiques devaient lui plaire, à lui l'aristocrate, dont la famille se plaisait à faire remonter les origines jusqu'aux dieux, à lui qui fut accusé de tyranniser ses concitoyens, à l'exemple de son grand-père Hipparchos. Vu la disparition de ses écrits et le silence de son superficiel biographe sur ce point, il est assez difficile de préciser le rôle joué par Hérode dans le mouvement littéraire du IIe siècle et c'est encore par le nombre et la qualité de ses disciples qu'on peut le mieux mesurer l'influence qu'il a exercée sur la sophistique contemporaine. Qu'il ait, comme on l'a prétendu[155], été le premier à rapprocher la sophistique de la philosophie, c'est là une assertion qui ne repose sur aucun texte. Même elle parait en contradiction avec ce que nous savons des sophistes qui furent ses aînés, tel Favorinus d'Arles. pour n'en point citer de plus anciens, et qui eurent la réputation d'être des sophistes-philosophes, autrement dit des vulgarisateurs de la philosophie[156]. Qu'Hérode ait eu une solide formation philosophique, la chose n'est pas contestable ; les Nuits attiques suffiraient à l'attester. N'est-ce pas d'ailleurs pour cela que Marc-Aurèle le chargea de désigner les titulaires des quatre chaires de philosophie qu'il avait créées à Athènes ?[157] Ce qui est sûr aussi c'est que ses lectures fort étendues devaient le placer bien au-dessus des sophistes contemporains, auxquels Ælius Aristide reproche de parler de choses qu'ils ne connaissent pas[158]. De plus, Hérode ne s'est pas contenté d'être un sophiste fort érudit : il s'est efforcé de communiquer son amour du travail[159] à ses disciples sans doute pour essayer de donner à la sophistique le sérieux el le fond qui lui manquaient. Et c'est grâce à sa vaste culture qu'il dut de devenir un improvisateur de premier ordre. Mais il est fort probable que c'est au prestige de sa fortune non moins que de son talent personnel qu'il exerça une profonde influence sur ses contemporains. Si ses œuvres, à la différence de celles d'Ælius Aristide, ne nous sont pas parvenues, c'est peut-être moins par suite d'un hasard malheureux que parce qu'elles n'étaient guère plus lisibles que celles d'un Polémon. Sans doute aussi ses discours empruntaient-ils la plus forte part de leur intérêt à l'art avec lequel il les débitait. En tout cas, c'est en grande partie grâce à Hérode que la sophistique devint la reine incontestée de l'activité intellectuelle du temps. Il ne faut point lui en faire un grief. La pensée grecque, épuisée par des siècles d'enfantement, n'était plus guère en état de produire des œuvres originales de la valeur de celles d'un Lucien et ne pouvait plus que se donner l'illusion de revivre le passé en le répétant et en l'accommodant aux besoins du temps. Si on compte parfois Hérode parmi les asianistes[160], ce n'est pas par erreur, comme, on l'a prétendu[161]. C'est parce qu'il savait, lorsqu'il le voulait, imiter la manière de ses collègues d'Asie. C'est aussi et surtout, parce qu'il avait dû contribuer plus que tout autre à acclimater en Grèce un genre particulièrement en faveur en Ionie, qui n'était en tout cas guère pratiqué en Attique avant lui. Mais il ne se borna pas à le transplanter : il le greffa sur une souche attique et lui enleva son excès d'emphase asiatique. Son atticisme dut consister non seulement dans le choix des mots mais aussi dans le retour à la manière plus simple, sans enflure de maîtres encore archaïques comme Kritias, tout en conservant de l'asianisme la richesse de figures et d'images. Mais il vaut mieux avouer que nous sommes mal informés sur cet atticisme d'Hérode. Son biographe n'en parle guère que pour le comparer à celui de son disciple Aristoklès, qui était plus subtil mais avait moins de force et d'éclat[162]. Nous savons aussi qu'Hérode était un hyperatticiste, tout au moins dans ses lettres, ce qui permet d'assurer qu'il ne l'était pas dans ses discours[163]. Enfin, un autre disciple d'Hérode, Amphiklès, dans son altercation avec le sophiste Philagros, lui reproche d'avoir, dans sa colère laissé échapper un mot étranger aux bons auteurs[164]. Dans ces divers témoignages, il n'y a rien qui autorise à affirmer qu'Hérode ait été autre chose qu'un puriste dont les élèves, à l'exemple du maître sans doute, étaient choqués par l'emploi de termes étrangers au bon usage attique, même dans la conversation. Mais Hérode fut-il le créateur de cet atticisme de vocabulaire et de syntaxe, qui sévit au lie siècle, dont Lucien à raillé les excès, dans son Maitre de rhétorique[165] mais que prônait l'auteur du traité de rhétorique attribué à Ælius Aristide ?[166] Nous ne sommes pas en droit de le prétendre[167]. Mais il est sûr qu'avec son talent, son prestige, sa fortune, Hérode, en fut tout au moins le principal propagateur et ce.qui subsistera de son œuvre, lorsque la génération suivante de sophistes l'aura relégué au second plan, c'es l'influence exerça sur la langue. Cette influence ne fut pas heureuse. Aux anciens, il aurait fallu avant tout demander, comme le voulait Denys d'Halicarnasse, le sentiment de la beauté. Au lieu de pénétrer au fond des choses, de s'attacher à ce qu'ils recèlent d'éternel, Hérode dut rester à la surface ; il voulut faire revivre non leur esprit mais leur langue, une langue qui était morte et obscure, tout au moins pour la masse. Son principal modèle est un orateur fort oublié. Il s'attache à ce qui est rare, précieux et enferme la langue dans un archaïsme étroit[168] bon pour cénacles littéraires : ses inscriptions nous ont conservé quelques spécimens de cette prose d'une simplicité prétentieuse, cherchant à éviter les formules[169], employant des tournures rares[170] et tombant même, au moins une fois, dans le solécisme[171], pour avoir voulu trop archaïser, même jusque dans l'écriture, comme Hérode le fait parfois. L'influence du sophiste, nous l'avons dit, ne semble guère s'être étendue sur les Athéniens : on n'en compte pas parmi ses disciples, sauf Théodotos, qui devint d'ailleurs son ennemi et se réclamait surtout de Lollianos. A quoi faut-il attribuer cette abstention à peu près complète ? Les Athéniens, si friands de séances de déclamation auraient-ils montré peu de propension pour la profession de sophiste ? Il est de fait que l'on connaît peu d'Athéniens qui l'aient exercée au Il siècle : en dehors de Secundus, le maitre d'Hérode, on ne trouva guère à citer que deux noms médiocres, ceux de Théodotos et d'Apollonios[172]. Mais il se pourrait que la raison fût tout autre. Les sophistes se recrutaient souvent parmi les familles les plus fortunées. A Athènes, Hérode les écrasait toutes par sa prodigieuse fortune, par sa naissance, par son talent. De là, en partie, l'impopularité qui le suivit jusqu'à la fin de sa vie ; de là l'opposition dont Démostratos prit la tête et qui aboutit au procès de Sirmium. De là, peut-être aussi, le peu d'empressement des Athéniens à suivre les leçons de celui qui donna cependant tant de lustre à leur cité, en lui conservant son rang de capitale intellectuelle qu'elle eût risqué de perdre, si la sophistique, reine des lettres, n'avait trouvé en lui son plus illustre représentant. Il va de soi qu'il faut faire la part de l'exagération dans les éloges dont Philostrate comble Hérode en tant qu'écrivain. Sa biographie, nous l'avons dit, ressemble fort à un panégyrique. Si Hérode admirait Polémon au point de ne pas oser rivaliser avec lui, il faut croire que ses déclarations ne dépassaient guère le niveau de elles de son collègue asiatique, si tant est qu'elles valussent mieux. Or, ces déclamations nous l'avons constaté, ne donnent pas une très haute idée de la littérature sophistique du temps. D'ailleurs, si l'on prenait à la lettre les éloges dithyrambiques accordés par son biographe, à Hérode, celui-ci aurait été, pour les idées comme pour le style, un écrivain de premier ordre. On ne peut en attendre autant d'un sophiste du IIe siècle, un peu plus âgé qu'Ælius Aristide, dont les œuvres, malgré leur médiocrité, se sont cependant conservées, tandis que celles d'Hérode ont péri. Philostrate n'est d'ailleurs pas le seul à s'être illusionné sur la valeur d'Hérode. Ses contemporains le comparaient à Démosthène[173] ou le comptaient au nombre des Dix Orateurs, éloge que le sophiste acceptait sûrement tout en feignant d'en plaisanter, en répliquant qu'il était supérieur à Andocide[174]. Mais lorsqu'on a lu les puériles déclamations de Polémon qu'Hérode proclamait le Démosthène phrygien, on est édifié sur la valeur de ces jugements ce sont moins des éloges mérités que des flatteries, qui entendaient être payées de retour. Heureusement pour Hérode, il nous a laissé mieux que des œuvres, qui avaient déjà des détracteurs de son temps et dont il avait lui même deviné qu'elles seraient éphémères[175]. Tandis que la renommée d'Ælius Aristide se prolongera jusqu'à la Renaissance[176], la réputation littéraire d'Hérode ne dépassera guère le IIIe siècle[177]. Mais son immense fortune lui permit d'édifier des monuments moins périssables que ses discours et ses écrits. C'est à ces monuments qu'il doit de n'être pas tout à fait oublié, avec nombre d'autres médiocrités d'une littérature aussi riche et aussi féconde en génies que la littérature grecque. |
[1] PHILOSTR., II, 5, 8 (p. 198 W.).
[2] PHILOSTR., II, 31, 3 (p. 306 W.).
[3] PHILOSTR., II, 17, 2 (p. 250 W.).
[4] GELL., Noct. Att., XIX, 12, 1.
Cf. aussi SOPATR., Prolegom Aristid., III, p. 737 (DINDORF).
[5] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.).
[6] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.). Cf. aussi
LIBAN, Or., IV, 7 (p. 289 FOERSTER).
[7] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 180 W.). — Il semble qu'Hérode disposait de nombreux esclaves sténographes pour noter ses improvisations. C'est ce qu'on peut déduire du passage de la vie d'Alexandre Péloplaton (II, 5, 8, p. 198 W.) où Philostrate cite, parmi les cadeaux que lui fit Hérode, dix σημείων γραφέυς.
[8] PHILOSTR., II, 5, 8 (p. 198 W.) : Hérode, après avoir entendu le sophiste Alexandre Péloplaton, traite dans sa manière le sujet : Les blessés de l'expédition de Sicile supplient leurs compatriotes athéniens, qui opèrent leur retraite, de les achever. Cf. aussi ibid., I, 25, 17 (p. 122 W.) : Hérode reprend un thème traité par Palémon. Du contexte, il parait résulter que ce fut dans la manière du sophiste asiatique. Le troisième sujet développé par Hérode est une διάλέξις de caractère philosophique, prononcée à Olympie (ibid., II, 1, 20, p. 160 W.).
[9] II, 5, 3-7 (pp. 192 sq. W.).
[10] L'épisode se place donc tout à la fin de la carrière d'Hérode, Marc-Aurèle nous l'avons vu plus haut ayant transporté son quartier général : à Sirmium, en Pannonie, en 173 et y étant resté jusque juillet-août 175.
[11] PHILOSTR., II, 27, 9 (p. 294 W.) rapporte un tour de force semblable à propos du sophiste Hippodromos.
[12] THUC., II, 75.
[13] Pour la sténographie, cf. H. VON ARNIM, Leben und Werke des Dio von Prusa, Berlin, 1898, pp. 173 sqq. Je n'ai pu consulter A. MENTI, Antike Stenographie, Munich, 1926.
[14] Si Hérode avait choisi des enfants de Kollytos c'est, sans doute, parce que, au dire de TERTULLIEN, de an., 20, ils étaient particulièrement précoces et commençaient à parler un mois plus tôt que les autres.
[15] PHILOSTR., II, 5, 8 (p. 198 W.).
[16] PHILOSTR., I, 25, 16-17 (pp. 122 sq. W.). Comme on admirait ce discours Hérode répondit : Lisez celui de Polémon et vous saurez ce que c'est qu'un homme. C'est également une μελέτη que le discours Περί πολιτείας, qui nous est parvenu sous le nom d'Hérode et dont il sera question plus loin.
[17] Pour ce thème, cf. aussi APSIN., 219.
[18] Sur les προλαλιαί, cf. A. STOCK, De protaliarum usu rhetorico, Diss. Königsberg, 1911 ; O. SCHISSEL, DLZ, 1912, pp. 1435 sqq. ; E. NORDEN, Agnotos Theos, Leipzig, 1913, pp. 34, n. 1, 38, n. 1 ; CHRIST-SCHMID, II6, p. 689, n. 6. — Pour la διάλεξις, DÜRR, Philol. Suppl., VIII, p. 5 ; BOULANGER o. l., pp. 51 sq.
[19] PHILOSTR., II, 1, 20 (p. 160 W.)
[20] GELL., Noct. Attic., II, 5, 5.
[21] GELL., XIX, 12.
[22] PHILOSTR., II, 3 (p. 184 W.).
[23] PHILOSTR., II, 3 (p. 184 W.). Sur Aristoklès, cf. CHRIST-SCHMID, II6, p. 697 ; PIR, I, p. 349, n° 643. Cette suppléance dut se placer soit lorsqu'Hérode alla plaider sa cause à Rome, à la mort de Régilla, soit plutôt lors du procès de Sirmium.
[24] PHILOSTR., II, 1, 30 (p. 172 W.).
[25] SOPATR., Prolegom Arist., III, p.
739 (DINDORF).
[26] PHILOSTR., II, 2, 1 (p. 182 W. Théodotos) ; II, 10, 7 (p. 226 W. Hadrien de Tyr) ; II, 11, 2 (p. 236 W. les Athéniens veulent envoyer une ambassade l'empereur pour défendre la candidature de Chrestos qui refuse) ; II, 13 (p. 42 W. Pausanias) ; II, 20, 1 (p. 254 W. Apollonios) ; II, 27, 6 (p. 290 W. Hippodromos) ; II, 30, 1 (p. 300 W. Philiskos).
[27] M. NAECHSTER, De Pollucis et Phrynichi controversiis, Diss. Leipzig, 1908, p. 45 ; RE, XIII, p. 1374 (Lollianos) ; PHILOSTR., II, 2 (p. 182 W.).
[28] PHILOSTR., 10, 1 (p. 222 W.). Cf. aussi II, 13. On ne peut, avec W. SCHMID, Atticismus, I, p. 194, traduire έπη par mots. Cent mots font une dizaine de lignes et c'est vraiment trop peu. WRIGHT, p. 223, comprend qu'il s'agit de vers expliqués par Hérode, interprétation inadmissible car ce n'était pas là affaire du sophiste mais du κριτικός. — SCHMID, Ibid., WRIGHT, l. l. et SCHULTESS, p. 22, comprennent έπεσιτίζοντο comme s'il s'agissait d'un véritable repas offert aux disciples préférés. Il faut évidemment le prendre au figuré comme nous l'avons fait. La préposition έπί marque que le Κλεφύδριον est un supplément à l'άκρόασις ouverte à tous. En outre, Alexandre Péloplaton (II, 5, 7) emploie une expression équivalente pour demander à Hérode de lui faire le plaisir de parler après lui et Hérode lui répond en reprenant la même figure.
Mais si les membres du Κλεφύδριον ne participaient pas à un banquet, ils ne se privaient pas de boire (II, 10, 2). De là, sans doute, l'épithète de les altérés ou assoiffés qu'on leur donnait ironiquement, il semble (II, 13), et que SCHULTESS, p. 23, comprend tout autrement : Weil sie beim vorträge nichts zu trinken hatten.
Mais comme ces conférences étaient très courtes, la privation de boire n'aurait pas été bien dure et ne motiverait pas une plaisanterie comme celle que suppose Schultess, sans compter que, dans son hypothèse, on ne comprend guère un repas où il serait interdit de boire. Cf. d'ailleurs II, 10, 2 (p. 224 W.), passage qui empêche de se rallier à l'opinion de WRIGHT, p. 240, n. 1, suivant qui les membres du Klepsydrion n'auraient été assoiffés que du désir de s'instruire.
[29] PHILOSTR., II, 10, 2 (p. 224 W.) ; II, 13
(p. 240 W.).
[30] PHILOSTR., II, 10, 2 (p. 224 W.).
[31] PHILOSTR., II, 10, 2 (p. 224 W.).
[32] PHILOSTR., II, 13, (p. 240 W.).
[33] GELL., XVIII, 10.
[34] GELL., IX, 2.
[35] Cf. sur ces philosophes populaires, BOULANGER, pp. 261 sqq. (bibliographie à la n. 2).
[36] BOULANGER, p. 265.
[37] Cf. notamment LUC., Ikarom., 6 sqq. ; Pisc., 31 sqq. ; Tim., 54 ; Fugit., 12 sqq. Dans une épitaphe d'Aphrodisias (I—IIe s. ?), le défunt est qualifié de όντως φιλόσοφον (REG, 1906, p. 137, n° 70).
[38] BOULANGER, p. 255.
[39] PHILOSTR., II, 2 (p. 182 W.).
[40] GELL., I, 2.
[41] ARRIAN., Dissert., II, 19, 12 sqq.
[42] PHILOSTR., I, 8, 4 (p. 26 W.).
[43] RUDOLPH, Comment. Fleckeisenianæ, Leipzig, 1890, p. 211, a même proposé d'identifier avec Hérode, Larensios, le riche romain possesseur d'une magnifique bibliothèque, dans la maison duquel est censé avoir eu lieu le Banquet des sophistes d'Athénée (ATH., Deipnosoph., I, 4). Cette hypothèse n'est pas soutenable. Outre que Larensios est qualifié de 'Ρωμαΐος, il est certain qu'à la différence d'Hérode, il n'était pas un Grec citoyen romain mais un Romain authentique : Athénée (I, 4), après l'avoir qualifié de καθεσταμένον έπί τών ίερών εΐναι καί νυσιών ίπό τοΰ... βασιλέως Μάρκου, titre qui ne convient pas à Hérode, ajoute καί μή έλαττον τών πατρίων τό τών Έλλήνων μεταχειρίζεσθαι ! Inutile donc de s'arrêter sur cette hypothèse nettement condamnée par Athénée lui-même, comme l'avait déjà vu MÜNSCHER, pp. 940 sq.
[44] PHILOSTR., II, 21, 3 (p. 262 W.).
[45] PHILOSTR., II, 5, 3 (p. 192 W.). — Il ne semble pas que le terme apparaisse avant Hérode. Mais, dans la suite, on emploie fréquemment l'équivalent, τό Έλληνικόν, pour désigner les étudiants-sophistes. Cf. WRIGHT, Philostratos and Eunapius, p. 569.
[46] PHILOSTR., II, 17, 2 (p. 250 W.) où l'on
appelle Hérode Έλλήνων
γλώτταν καί
λόγων βασιλέα.
[47] PHILOSTR., I, 25, 16 (p. 122 W.) ; II, 5, 8
(p. 198 W.).
[48] PHILOSTR., I, 25, 16 (p. 122 W.).
[49] II, 1, 30 (p. 172 W.).
[50] Pour les disciples d'Hérode, cf. M. NAECHSTER, De Pollucis et Phrynichi controversiis, Diss. Leipzig, 1908, passim.
[51] Liste incomplète, dans PIR, I, p. 359 et SCHMID, Atticismus, I, p. 201.
[52] PHILOSTR., II, 8, 1-2 (pp. 206 sq. W.) ; II, 10, 1-2 (p. 222 W.). Cf. SIG3, 1240 ; WILHELM, Beiträge zur gr. Inschriftenkunde, p. 88 ; RE, I, p. 1903, n° 5. Dans notre Chronologie, p. 132, n. 1, nous avons émis l'hypothèse qu'il pourrait peut-être être identifié avec le Flavius Amphiklès archonte (des Panhellènes, selon TOD, JHS, XLII, p. 177) vers le second tiers du IIe siècle (Έφ. άρχ., 1894, p. 184, n° 29).
[53] PHILOSTR., II, 9, 1 (p. 214 W.). Bien que le texte ne le dise pas d'une façon catégorique, il faut comprendre qu'il a été disciple d'Hérode, contrairement à l'opinion de M. NÄCHSER, o. l., pp. 81, 87. Cf. CHRIST-SCHMID, II6, p. 698, n. 8 ; MÜNSCHER, p. 942 ; SCHULTESS, p. 30, n. 58 ; BOULANGER, Ælius Aristide, p. 118. Aristide nous dit en tout cas lui-même qu'il visita Athènes dans sa jeunesse (LI, 64, KEIL) et ce fut en partie sans doute pour y entendre Hérode Atticus, qui tenait alors le premier rang parmi les sophistes.
[54]
PHILOSTR., II,
11, 1 (p. 234 W.). CHRIST-SCHMID, II6, p. 697 ; RE,
III, p. 2450, n° 5.
[55] PHILOSTR., II, 10 (p. 222 W.). Cf. RE,
VII, p. 2176 ; CHRIST-SCHMID, II6, p. 696 ; NAECHSTER, o. l., pp. 47 sqq.
[56]
Du temps de Philostrate (II, 26, 6 p. 284 W.), on ne savait déjà plus si
Héracleidès avait bien été l'élève d'Hérode. CHRIST-SCHMID, II6, p. 697. MÜNSCHER, RE, VIII, p. 470, n° 44.
[57] PHILOSTR., II, 18, 1 (p. 250 W.). Cf. CHRIST-SCHMID, II6, p. 697.
[58] PHILOSTR., II, 12 (p. 240 W.). Cf. CHRIST-SCHMID, II6, p. 697.
[59] PHILOSTR., II, 15, 1 (p. 244 W.). Cf. CHRIST-SCHMID, II6, p. 697.
[60] PHILOSTR., II, 17, 2 (p. 250 W.). CHRIST-SCHMID, II6, p. 697 ; GERTH, RE,
Ia, p. 1207, n° 16 ; PIR, III, p. 136.
[61] PHILOSTR., II, 2 (p. 182 W.). CHRIST-SCHMID, II6, p. 694.
[62] PHILOSTR., II, 5,
7 (p. 196 W) ; II, 10, 1 (p. 222 W.). FLUSS, RE, IIIa, p. 515.
[63] Il semble qu'il faille également compter Aulu-Gelle au nombre des auditeurs d'Hérode : en tout cas, on a eu tort (HOSIUS, RE, VII, p. 993) de prétendre qu'il résulte des Noct. Att., I, 2, 1 ; IX, 2, qui ne disent rien de tel, qu'il n'a pas été de ses élèves. Au contraire, il paraît bien résulter de I, 2, 1, qu'Aulu-Gelle fut un des disciples d'Hérode, de même que Servilianus, avec qui il fut souvent appelé à Képhissia et à Marathon par le sophiste, lorsqu'il faisait ses études à Athènes. S'il avait suivi les leçons d'autres maîtres, il n'y avait nulle raison pour Hérode de l'inviter. D'ailleurs est-il vraisemblable que lui, qui fut disciple de plusieurs maîtres à Athènes (cum apud magistros Athenis essemus) ait négligé le plus célèbre d'entre eux ? L'accueil qu'il avait reçu chez Hérode, qui le fit même soigner dans sa villa de Képhissia (XVIII, 10), ne laisse pas de doute à cet égard. — Aulu-Gelle n'a dû rester qu'un an à Athènes (SCHANZ, Gesch. d. Latein. Litt., III3, p. 176), comme il résulte de son ouvrage. D'autre part, il assiste à des jeux Pythiques avec Calvisius Tauros (XII, 5, 1) et fait la connaissance de Pérégrinus (VIII, 3 ; XII, 11, 1) qui mourut en 165. Comme Aulu-Gelle est né vers 130 (SCHANZ, ibid.) et qu'il vint à Athènes lorsqu'il était encore juvenis (II, 21. 4), on ne peut supposer, avec SCHULTESS, (p. 30, n. 53) que les jeux Pythiques en question sont ceux de 163. Nous croirions plutôt qu'il faut remonter jusqu'à 151, date vers laquelle fut sans doute inauguré le stade construit par Hérode à Delphes. C'est peut-être la raison pour laquelle Aulu-Gelle s'y rencontra avec Calvisius Tauros. En tout cas, il est douteux que ce philosophe, qui fut le maître d'Hérode, ait encore été en vie en 163. —Servilianus n'est connu que par GELL., I, 2, 1. Cf. PIR, III, p. 225, n° 406.
[64] PHILOSTR., II, 3, 2 (p. 184 W.).
[65] ARIST., XXVIII, 65 (KEIL). Sur son atticisme, cf. en dernier lieu BOULANGER, o. l., pp. 305 sqq.
[66] M. NAECHSTER, o. l., pp. 63 sqq., a aussi tenté de prouver qu'Hadrien de Tyr aurait été un atticiste, contrairement à l'opinion de E. ROHDE, Rhein Mus., XLI, 1886, pp. 189 sqq., qui le considère plus justement comme le type du sophiste asianiste. Cf. les fragments d'Hadrien publiés par HEUCK, après les déclamations de Polémon (Teubner, 1873). D'après NAECHSTER, auraient été aussi des atticistes, ceux qui, comme Théodotos, Hérakleidès, Hippodromos, Pausanias, ont occupé la chaire de sophistique (pp. 73. sqq.).
[67]
PHILOSTR., II,
8, 1-4 (pp. 206 sqq. W.).
[68] Proleg. in Arist., III, ps 739 (DINDORF) ; MÜNSCHER, p. 942 ;. SCHULTESS, p. 30, n. 58. CHRIST-SCHMID, II6, p. 705, n. 11, doutent de l'authenticité de l'anecdote. A. BOULANGER, Ælius Aristide, pp. 148 sq., la trouve suspecte.
[69]
PHILOSTR., II,
XI, 1 et 3 (pp. 234 sq. W.).
[70] PHILOSTR., II, 10, 1-3 (pp. 222 sqq. W.).
[71] II, 10, 3 (p. 226 W.).
[72] PHILOSTR., II, 10, 7 (p. 230 W.) ; II, 11, 2
(p. 234 W.).
[73] II, 10, 7 (p. 228 W.).
[74] II, 18, 1 (p. 250). Sur έπιβολή, cf. WRIGHT, p. 569, qui explique, dans son glossaire, par abundant use of synonyms, d'après DIO CHRYSOST., Or., XVIII, 14.
[75] II, 13 (p 240 W.).
[76] II, 15, 1 (p. 244 W.).
[77] II, 17, 2 (p. 250 W.).
[78] II, 2 (p. 182 W.).
[79] PHILOSTR., II, 5, 7 ; II, 10, 1 (pp. 196,
222 W.).
[80] BOULANGER, o. l., p. 105.
[81] II, 1, 36 (p. 180 W.).
[82] PHILOSTR., Epist., II, p. 257 (KAYSER) ; p. 337 (WESTERMANN), dissertation sur le style épistolaire, qui suit les lettres de Philostrate.
[83]
PHILOSTR., II,
11, 3 (p. 172 sq. W.).
[84] II, 1, 32 (p. 176 W.).
[85] I, 8, 4 (p. 24 W.).
[86] I, 25, 15 (p. 120 W.).
[87] I, 25, 15-16 (pp. 120 sq. W.).
[88] I, 25, 18 (p. 124 W.).
[89] KAYSER, dans son édition annotée, publiée à Heidelberg en 1838, avait conservé la vraie leçon Βάρβαρος, tout en l'estimant (p. 277) corrompue. Variantes πρός τόν μάρμαρ, πρός τών βαρβάρων ; pour le second passage : Μάρκου, d'où l'on peut déduire que certains manuscrits avaient conservé aussi le prénom du consul de 157, dont nous proposons de rétablir le nom.
Si la conjecture de Valois devait être admise, ce qui parait inutile, le consul Varus devrait être identifié avec le Ti. Clodius Vibius Varus qui fut collègue de Bradua, beau-frère d'Hérode, en 160. Les autres consuls du nom de Varus connus au IIe siècle ne peuvent entrer en ligne de compte. T. Vibius Varus fut, en effet, en fonctions en 134 ; or, il résulte de la lettre d'Hérode qu'elle ne peut se placer l'année même où il entendit Polémon mais assez longtemps après. Quant à A. Julius Pompilius Varus, il fut seulement consul désigné en 77, c'est-à-dire l'année même où mourut probablement Hérode (CIL, VIII, 582).
[90] PHILOSTR., I, 25, 26 (p. 132 W.).
[91] PHILOSTR., II, 1, 12-16 (pp. 152 sqq. W.).
[92] D'après SCHULTESS, p. 30, n. 52 et MÜNSCHER, p. 948, ce Julianus serait le même que le Cl. Julianus, ami de Marc-Aurèle et de Fronton (ad M. Cæs., V, 1, p. 59 ; IV, 2, p. 60 ; ad amic., I, 17-et 18). D'après WRIGHT, p. 153, il s'agirait du rhetor Antoninus Julianus mentionné par GELL., Noct. Att., XIX, 9.
[93] Sur ce temple, cf. notre dernier chapitre.
[94] CHRIST-SCHMID, II6, p. 735, n. 9. Cf. LUC., Dem.,
1.
[95] Sostratos est un Béotien, tandis que Agathiôn est un Attique. Agathiôn est plutôt comme une réplique du Sostratos.
[96] MÜNSCHER, p. 949 ; REITZENSTEIN, Hellenistische
Wundererzählungen, 1906, p. 70.
[97] PLUTARQUE, Quæst. symp., IV, 1, 1. Cf. MÜNSCHER, l. l. et CHRIST-SCHMID, II2, p. 736, n. 2.
[98] DE JONG, Sectum Nabericum, 1908, p. 185. Cf. par contre MÜNSCHER, Bursians Jahresber., CXLIX, p. 119 et RE, VIII, p. 949.
[99] Ils sont qualifiés aussi d'έφημερίδες par PHILOSTR., II, 9, 1 (p. 214 W.). Sur ces discours sacrés, cf. BOULANGER, pp. 163 sqq.
[100] CROISET, Hist. de la litter. gr., V2, p. 555.
[101] PHILOSTR., II, 9, 1 (p. 214 W.).
[102] GELL., Noct. Att., præf., 7. Cf. P. FAIDER, Auli Gellii Noctium Atticarum præfatio. Texte revu, publié, avec une traduction et un commentaire exégétique. Extrait du Musée Belge, XXXI, p. 21 du tirage à part.
[103] GELL., Noct. Att. præf., 6. Cf. P. FAIDER, l. l., p. 18, qui trouve, avec HERTZ, la correction fort vraisemblable.
[104] Cf. KAIBEL, Epigr. Gr., 618 = IGR, I, 350. SCHMID, Berl. phil. Woch., 1904, p. 1552 ; MÜNSCHER, p. 948 ; CHRIST-SCHMID, II6, p. 696, n. 4. WRIGHT, p. 181, traduit καίρια par collection of suitable passages.
[105] Le Περί πολιτείας est conservé dans un manuscrit du British Museum, Burneianus (Crippsianus) 95 (166b-170a), du XIIIe siècle sur lequel ont été copiés tous les autres, qui datent du XVe siècle (Laurent., IV, 11 ; Marcian., append. VIII, 6 ; Brun., 96 ; Vratisl. Gymn. Magdalen., 1069). — Inutile de répéter une fois de plus la bibliographie, très copieuse, des éditions et des travaux, auxquels a donné lieu ce discours. On les trouvera énumérés dans E. DRERUP, [Ήρώδου] περί πολιτείας, ein politisches Pamphlet aus Athen, 404 v. Chr., Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums, II, 1, Paderborn, 1908, pp. 2 sqq., et dans l'article de MÜNSCHER, l. l., pp. 951 sqq. Cf. aussi CHRIST-SCHMID, 16, p. 546 et n. 2, II6, p. 695, n. 7 et ajouter TH. THALHEIM, Zu [Herocles] περί πολιτείας Berl. phil. Woch., 1919, pp. 765 sq. ; WILAMOWITZ, Der Rhetor Aristeides, p. 335 et n. 5.
[106] C'est à tort que CHRIST-SCHMID, II0, p. 1395, n. 7, prétendent qu'ED. MEYER, Theopomps Hellenika, Halle, 1909, pp. 202 sqq., est le seul historien qui partage l'opinion de Drerup, lequel place le discours en juillet-août 404 ou vers cette époque (Meyer le daterait de 399). Cf. aussi PÖHLMANN, Griech. Gesch., p. 201, n. 5 (fin du Ve s.) ; BELOCH, Griech. Gesch., III2, 2, pp. 16 sqq. (400 ou 399) ; COSTANZI, Studi ital. di fil. class., VII, 1899, p. 137 (410/9) ; W. NESTLE, Neue jahrb., XI, 1903, p. 191 ; BOULANGER, Ælius Aristide, pp. 101 sq. ; F. LEVER, Makedonien bis zur Thronbesteigung Philipps II, München-Berlin, 1930, pp. 95 sq. (400/399).
[107] A. FIORELLO, Herodes Attici quæ supersunt, Leipzig, 1801, avait déjà émis des doutes sur l'authenticité (pp. VI-VII, p. 12). Cf. aussi, outre Drerup, M. CROISET, Hist. de la Litt. grecque, V2, p. 555, n. 4 (l'authenticité de ce morceau ne semble pas pouvoir être défendue) ; ADCOCK, Klio, XIII, 1913, pp. 249 sqq. et KNOX, ibid., pp. 255 sqq., 502 sqq. (serait d'époque basse mais on l'œuvre d'Hérode) ; VIDAL-LABLACHE, o. l., pp. 2, n. 2, 134 sq.
[108] C'est ce que reconnaissent des partisans de l'authenticité comme WILAMOWITZ, Aristides, p. 335, qui écrit que ce discours ne prouve certainement pas qu'Hérode employait le même style dans les déclamations qu'il prononçait en public.
[109] SCHMID, Rhein. Mus., LIX, 1904, p. 523 ; DRERUP, p. 119, n. 1.
[110] SCHMID, Atticismus, I, p. 34, n.
10.
[111] A la rigueur, on s'expliquerait le choix d'un sujet si spécial si le discours était l'œuvre d'un sophiste de Thessalie, comme Philiskos (PHILOSTR., II, 30, p. 300 W.) ou, surtout, comme Hippodromos, qui était originaire de Larissa (II, 27, 1, p. 284 W. ; RE, VIII, p. 1745, n° 4).
[112]
KOEHLER, Sitzungsb.
Akad. Berl., 1893, II, pp. 504 sqq ; GEYER, o. l.,
p. 95.
[113] W. NESTLE, Neue jahrb., XI, 1903, p. 191. Cf. aussi BOULANGER, l. l., p. 101, qui considère ce discours comme la réfection, suivant les règles de l'éloquence sophistique de la harangue de Thrasymachos. WILAMOWITZ, Marcellus von Side, p. 21, n. 4, affirme que le Περί πολιτείας est un pastiche de Thrasymachos et que l'imitation est trahie, sans contestation possible, par le fait que l'auteur évite l'hiatus. Cependant HASS, o. l., p. 20 et SCHMID, Atticismus, I, p. 198, avaient déjà relevé, dans ce discours, des hiatus dont certains sont inexcusables.
[114]
CLEM. ALEX., Strom., VI, 2, 16, p. 746
P.
[115] On fait valoir, en faveur de l'authenticité, une erreur commise par l'auteur (§ 19) : il confond Archélaos avec son prédécesseur Perdiccas II, à propos de l'expédition de Brasidas en Thrace, en 424. Mais est-il vrai qu'un contemporain n'aurait pas commis pareille bévue ? ED. MEYER, Theopomps Hellenika, pp. 215 sq., cite des exemples d'erreurs semblables imputables à des orateurs qui parlent même d'événements auxquels ils ont été mêlés. Ce n'est pas non plus un argument en faveur de l'authenticité (MÜNSCHER, p. 954) que les historiens modernes ne sont pas d'accord sur la date de ce discours. Il n'est pas toujours aisé ni même possible d'arriver à dater exactement des œuvres littéraires intéressant même des périodes mieux connues de l'histoire grecque, par exemple, certains discours de Démosthène.
[116] BOULANGER, p. 71.
[117] M. CROISET, Histoire de la litt. gr., V2, p. 553.
[118] O. l., pp. 36 sqq.
[119] Atticismus, I, pp. 192 sqq. ; Rhein. Mus., LIX, 1904, p. 512 ; Berl.
phil. Woch., 1909, p. 385 ; CHRIST-SCHMID, II6, p. 696.
[120] MÜNSCHER, Deutsche Litter. Zeit., 1909, p. 1437 ; RE, VIII, p. 954. — Comme l'a fait observer BELOCH, o. l., p. 17, les passages du Περί πολιτείας qui ont choqué KNOX, Klio, l. l., se réduisent à cinq et sont ou corrompus ou sans importance.
[121] HEIBGES, De clausulis Charitoneis,
Diss.-Münster,
[122] GELL., Noct. Attic., XIX, 12.
[123] PHILOSTR., II, 1, 34 (p. 178 W.).
[124] PHILOSTR., I, 25, 17 (p. 124 W. Jugement d'Hérode sur Polémon) ; II, 1, 2, (p. 140 W.) ; II, 1, 11 (p. 150 W.) ; II, I, 25 (p. 166W.) ; II, 5, (p. 196 W.) : Hérode appelle Alexandre Péloplaton un Σκοπελιανος νήφοντα ; I, 10, 3 (p. 224 W. Jugement sur Hadrien de Tyr encore jeune).
[125] IGR, 193 .
[126] SCHMID, Atticismus, I, p 198.
[127] PHILOSTR., II, 1, 34 (p. 178 W.).
[128] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.).
[129] Cf. E. ROHDE, Rhein. Mus., XLI, 1886, p. 185, n. 1, qui a très bien exprimé les caractères du style du Περί πολιτείας, caractères qui sont en contradiction à peu près complète avec ce que nous connaissons de celui d'Hérode. Aussi ROHDE, partisan de l'authenticité, est-il obligé d'ajouter : Aber Herodes muss auch andere Töne gehabt haben (wie das bei einem so vielseitig angelegten Manieristen nur naturlich ist).
[130] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.).
[131] Cf. BELOCH, Griech. Geschichte, III2, 2, p. 17 ; ED. MEYER, Geschichte des Altertums, V, pp. 56 sqq. ; POEHLMANN, Grundriss der griech. Geschichte5, p. 201, n. 5.
[132] DRERUP, o. l., p. 66 ; HASS, De Herodis Attici oratione Περί πολιτείας, Leipzig, 1880, pp. 18 sq.
[133] DIEHL, RE, XI, p. 1908.
[134] XEN., Hell., II, 3, 36.
[135] PHILOSTR., I, 16, 3 (p. 48 W.).
[136] PHILOSTR., II, 1, 34 (p. 178 W.).
Ce passage a été plusieurs fois traduit (WESTERMANN, SCHMID, Atticismus, I, p. 193, WRIGHT, MÜNSCHER, p. 950, BOULANGER, p. 102) mais jamais d'une manière satisfaisante. Et il n'en saurait être autrement : les lexiques sont insuffisants et il nous manque un travail d'ensemble sur le vocabulaire de Philostrate. Le glossaire qui suit l'édition de WRIGHT n'y supplée que très insuffisamment.
[137] BOULANGER, o. l., p. 102, traduit par disposition des phrases, le mot άρμονία, que SCHMID et MÜNSCHER donnent plus exactement comme le synonyme de σύνθεσις.
[138] SCHMID, traduit par sehr vorsichtig, expression qui n'est pas l'exacte équivalent de ίκανώς κεκολασμένη.
[139] Le mot κρότος, comme l'a observé BOULANGER, p. 97, n. 1, est assez difficile à traduire chez Philostrate, où il reparait plusieurs fois.
MÜNSCHER, l. l., le rend par volle Ton, SCHMID par Ton, WRIGHT, par plain style, BOULANGER, par noblesse, WESTERMANN par magnificentia. LUCIEN, Dem. enc., 15 et 32, l'emploie à propos de Démosthène. Comme κρότος est plusieurs fois rapproché de ήχώ, chez Philostrate, notamment dans son jugement sur le style d'Hérode (cf. aussi II, 3, 2, p. 184 W., et II, 10, 7, p. 234 W.) il semble faire là une image qui se continue ; à en juger d'après le passage (II, 3, 2) où Philostrate l'utilise pour définir l'atticisme d'Aristoklès de Pergame, les deux mots peuvent servir à caractériser la langue d'un auteur aussi bien que son style. Dans le passage qui nous occupe, il semble opposé à άφελεία et doit sans doute être traduit par un mot comme grandeur ; nous avons préféré ampleur pour essayer d'évoquer le sens primitif de κρότος qui signifie bruit.
[140]
C'est ainsi que nous essayons de rendre avec SCHMID, l'expression κριτιάζουσα
ήχώ ; MÜNSCHER traduit par wohllaut, BOULANGER, par une magnificence digne de Kritias, traduction qui
parait peu convenir au style de cet auteur. WESTERMANN : elegantia qualis in Critia est conspicua.
WRIGHT : sonorous after the manner of Critias.
[141] C'est ainsi que nous rendons έννοιαι οΐαι μή έτέρω ένθυμηθήναι. Il ne s'agit pas de la richesse de l'invention, comme parait le croire MÜNSCHER, p. 40, auquel cas on attendrait όσαι au lieu de οΐαι. BOULANGER traduit littéralement pour éviter la difficulté, des pensées telles que nul autre ne pourrait les concevoir. SCHMID donne à peu près le même sens : seine Gedanken sind so wie sie kein anderer erfinden kann. De même WESTERMANN : sententiæ quæ non alter in mentem veniant.
[142] La traduction de MÜNSCHER, scherzende Anmut, ne rend pas εύγλωττία. Quant à celle de BOULANGER, une abondance digne de la comédie, elle est tout à fait inexacte. SCHMID : Aus der Komödie stammt seine... Redefertigkeit, traduction que contredit ούκ έπέσακτος.
[143] BOULANGER traduit varié avec mesure, comme si le texte donnait μετρίως et non σοφώς.
[144] La même figure est employée par LUC., Dial., mar., 3.
[145] II, 1, 35 (p. 178 W.).
[146] II, 18, 1 (p. 250 W.).
[147] II, 31, (p. 306 W.).
[148] GELL., Noct. Att., 12 ; SUID., s. v. Ήρώδης, vante aussi τό
μεγαλοφυές καί
ύψινοΰν τοΰδε
τοΰ άνδρός.
[149] PHILOSTR., I, 16, 5 (p. 48 W.) ; HERMOG., π. ίδ., p. 415.
[150] PHILOSTR., I, 16, 5 (p. 50 W.). Sur Kritias, cf. outre l'article de DIEHL, cité plus haut, BLASS, Attische Beredsamkeit2, I, pp. 272 sqq. ; DRERUP, Jahrbücher für Klass. Philol., Suppl. XXVII, 1900, pp. 314 sq.
[151] PHILOSTR., I, 16, 5 (p. 50 W.).
[152] PHILOSTR., I, 16, 5 (p. 50 W.).
[153] DRERUP, p. 66.
[154] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.). Cf. Sitzungsb. Wien. Akad., 1913, 170, IX, pp. 1 sqq., où l'on montre que c'est par Hérode que l'auteur de l'épigramme IG, XIV, 1539 (KAIBEL, Epigr. Gr., 616) a dû connaître Kritias dont il s'inspire.
[155] SCHMID, Atticismus, I, p. 203.
[156] PHILOSTR., I, 8, 7 (p. 28 W.).
[157] PHILOSTR., II, 2, 2 (p. 182 W.).
[158] ARIST., Or., XXXIII, 32 (KEIL).
[159] LIBAN., Or., IV, 7 (p. 289 FOERSTER). Cf. aussi le passage de PHILOSTR., II, 10, 2 (p. 224 W.) où il est dit qu'Hérode conseillait à ses disciples de continuer à travailler même pendant leurs beuveries.
[160] ARIST., Panath., proleg., (III, p.
737 DINDORF).
[161] SCHMID, Atticismus, I, p. 200, n.
13.
[162] PHILOSTR., I, 3, 2 (p. 184 W.).
[163] PHILOSTR., Epist., II, p. 257 (KAYSER), 337 (WESTERMANN).
[164] PHILOSTR., II, 8, 1 (p. 206 W.).
[165] Rhet. præc., 16-20.
[166] I, 6.
[167] Comme l'a fait SCHMID, Atticismus, I, p 4.
[168] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.).
[169] BCH, XXXVIII, 1914, p. 365, n° 5.
[170] BCH, XXXVIII, 1914, p. 362, n° 4.
[171] IGR, 193 ; 10, XIV, 1391.
[172] PHILOSTR., II, 20 (p. 254 W.).
[173] PHILOSTR., I, 25, 17 (p. 124 W.).
[174] PHILOSTR., II, 1, 35 (p. 178 W.).
[175] PHILOSTR., II, 1, 11 (p. 150 W.).
[176] Cf. BOULANGER, Ælius Aristide, pp. 450 sqq.
[177] C'est à peine si l'on trouve, dans une inscription de Termessos, un personnage qui se flatte d'être un nouvel Hérode. Cf. LANCKORONSKI, Städt. Pamphyliens und Pisidiens, II, Vienne, 1892, p. 197, n° 11.