HÉRODE ATTICUS ET SA FAMILLE

 

CHAPITRE VIII. — L'OPPOSITION À HÉRODE. - LA MORT DU SOPHISTE.

 

 

Malgré toutes les largesses de son père, malgré les bienfaits dont il n'avait lui-même cessé de combler les Athéniens, Hérode n'était pas populaire dans tous les milieux à Athènes. Même il finit par se créer un parti qui lui était nettement hostile et où se rangèrent tous ceux qu'indisposaient ses allures de despote, tous les envieux aussi, pouvons-nous ajouter, que son talent et son immense fortune reléguaient au second plan.

D'après Philostrate, l'opposition commença à l'époque ou les deux Quintilii gouvernaient l'Achaïe et elle fut encouragée par eux[1].

Ces Quintilii étaient deux frères, Sextus Quintilius Condianus et Sextus Quintilius Valerius Maximus, originaires d'Alexandria Troas. Ces deux frères, unis dans l'amitié comme dans les honneurs, parvinrent tous deux au consulat en 151 ; ils gouvernèrent ensemble l'Achaïe, peu de temps avant. sans doute vers 148-150, Condianus au titre de proconsul, Maximus comme légat de son frère ou comme corrector, on ne sait au juste[2].

Ce qui est sûr, c'est que les deux frères qui s'entendaient si bien, s'arrangeaient fort mal avec Hérode[3], qui savait d'ordinaire flatter les gouverneurs de la province pour en obtenir ce qu'il voulait[4].

Du temps de Philostrate, on ne connaissait déjà plus très bien les causes de ce dissentiment. La plupart prétendaient qu'il était issu d'une discussion qui avait surgi lors des jeux Pythiques, entre Hérode et les Quintilii, qui n'avaient pas les mêmes goûts en musique[5]. Il faut entendre, sans doute, qu'ils firent tous trois partie du jury chargé de décerner les prix du concours musical et qu'ils ne s'accordèrent point à ce sujet. Nous ne savons si ces jeux Pythiques eurent lieu pendant le proconsulat de Condianus. Philostrate n'en dit rien mais c'est vraisemblable : tout ce que nous connaissons des démêlés du sophiste avec les Quintilii se place dans ce proconsulat. Il s'agirait alors des jeux de 147, l'année Pythique la plus rapprochée de la date approximative de ce proconsulat qui serait ainsi d'une année plus ancien qu'on le supposait[6]. C'est alors sans doute qu'Hérode, pour écraser ses adversaires de toute la supériorité de sa fortune, dut promettre de faire construire le stade de Delphes[7].

D'autres prétendaient que les Quintilii en voulaient à Hérode d'avoir, par une allusion homérique très transparente, reproché à Marc-Aurèle de les combler d'honneurs : Je blâme, aurait-il dit, le Zeus d'Homère d'aimer les Troyens[8]. Mais cette raison n'est sûrement pas la vraie. Ce mot d'Hérode accentua peut-être la brouille, elle ne la provoqua pas. La chronologie interdit pareille supposition il est sûr que les deux frères devaient être mal disposés pour Hérode avant 161, avant l'accession au trône de Marc-Aurèle, et l'on ne peut, sans solliciter le texte de Philostrate, supposer que Marc-Aurèle, n'était encore qu'héritier présomptif au moment où Hérode le blâma. Outre que la comparaison avec Zeus ne prend toute sa valeur que si Marc-Aurèle était déjà empereur, Philostrate dit expressément qu'il était déjà monté sur le trône à cette époque non seulement en lui appliquant le titre de βασιλεύς mais en ajoutant qu'il avait accordé de grands honneurs aux deux Troyens[9].

Pour Philostrate, la vraie raison serait la suivante. Lorsque les Quintilii gouvernaient l'Achaïe, les Athéniens, réunis en assemblée se plaignirent d'être tyrannisés par Hérode, qui avait, semble-t-il, hérité du caractère de son grand-père, et demandèrent que leurs doléances fussent transmises aux oreilles impériales. Les deux frères s'empressèrent de leur donner satisfaction, par commisération pour le peuple athénien, nous assure le biographe mais sans doute plutôt parce qu'ils haïssaient déjà Hérode et qu'ils ne voulaient pas laisser échapper cette occasion de se venger, s'ils ne l'avaient pas eux-mêmes provoquée sous main, comme l'affirmait le sophiste. Originaires d'Alexandria Troas, ils jalousaient sans doute depuis longtemps le richissime athénien qui avait amené à ses frais, dans leur propre patrie, l'eau qui lui manquait. Pour qui connaît le caractère grec, son extrême φιλοτιμία, c'est là une hypothèse qui n'a rien d'invraisemblable.

En tout cas, ajoute Philostrate, c'est après cette assemblée que surgirent les Démostratos, les Praxagoras et les Mamertinus et beaucoup d'autres qui constituèrent un parti politique opposé à Hérode[10].

Les Quintilii ne perdaient d'ailleurs aucune occasion de critiquer Hérode en s'immisçant même dans des affaires d'ordre privé où ils n'avaient rien à voir. Le sophiste avait trois τρόφμιοι, trois disciples préférés, Achille, Memnon et Polydeukès, suivant Philostrate et Lucien, Polydeukion, selon les textes épigraphiques. Lorsqu'il les perdit, on ignore comment, il les pleura comme ses fils parce qu'ils étaient dignes en tous points de son affection, par leurs qualités physiques et intellectuelles, par leur désir de s'instruire. Il leur avait élevé un peu partout dans ses propriétés, dans les bois, dans les champs, près des fontaines, à l'ombre des platanes, des statues les représentant en chasseurs partant pour la chasse, chassant ou revenant de la chasse, avec des imprécations contre ceux qui endommageraient ou enlèveraient leurs images[11], imprécations qui témoignent plutôt de son goût d'antiquaire que d'une mode courante[12] en Attique.

Nous n'avons pas conservé de ces statues d'Achille, de Memnon et de Polydeukion mais il nous est parvenu une série d'hermès décapités portant leurs noms et es imprécations semblables à celles que mentionne Philostrate[13]. Même, nous avons réussi, croyons-nous, à identifier avec Memnon, qui était éthiopien, comme le disent les textes et son nom, une magnifique tête de nègre du Musée de Berlin, trouvée dans une des propriétés d'Hérode, en Cynurie[14].

Aux reproches que lui adressaient les Quintilii au sujet de ces statues, qu'ils trouvaient inutiles, Hérode se borna à répondre : Que vous importe si je m'amuse avec mes pierres ?[15]

Ces hermès n'avaient pas été placés au hasard : ils rappelaient à Hérode les endroits où il s'était arrêté avec ses disciples pour converser avec eux[16], pour se baigner[17], pour chasser[18], pour manger et pour boire.

La plupart étaient dédiés à Polydeukion[19]  : comme il résulte de textes de Lucien ce fut le préféré du sophiste et aussi de sa mère, Vibullia Alcia, comme l'écrit la dédicace de la statue qu'elle lui érigea à Képhissia[20] S'il lui était très cher, comme elle l'affirme, ce n'est pas seulement parce que son fils lui portait la plus vive affection. C'est sûrement aussi parce qu'il était son parent. Son gentilice l'atteste non moins que sa filiation[21]  : il avait pour père Hipparchos. Ce ne peut être que le frère de Vibullia Alcia, celui qui fut archonte en 117/8. Polydeukion aurait donc été le cousin d'Hérode mais un cousin probablement plus jeune. Sinon, on ne s'expliquerait pas pourquoi Hérode dit qu'il l'aima comme un fils, dans la dédicace de la statue, votée par le dème de Rhamnonte et consacrée à Némésis, qu'il érigea à son disciple en souvenir d'un sacrifice qu'ils avaient offert en commun à cette déesse[22].

Hérode, écrit Lucien, ne pouvait oublier Polydeukion, mort prématurément[23]. Pour se donner l'illusion qu'il était encore en vie, il continuait à faire atteler son char, et à lui faire servir ses repas. Le philosophe Démonax, le même qui viendra consoler Hérode lorsqu'il perdra son fils[24], vint alors trouver le sophiste et lui dire qu'il était porteur d'une lettre de Polydeukion. Hérode, croyant que le philosophe lui apportait, après beaucoup d'autres, ses condoléances, lui demanda : Dis-moi Démonax, ce que Polydeukès désiresIl te reproche de n'être pas encore allé le rejoindre, lui fut-il répondu, spirituelle répartie qui dut calmer la douleur d'Hérode ou tout au moins en réfréner l'excès.

Qu'Hérode pleurant la mort de Polydeukion et lui élevant de nombreux hermès ait imité Hadrien après la mort d'Antinoiis[25], c'est fort possible. Mais le rapprochement ne nous autorise pas à douter de la sincérité des sentiments d'Hérode. Ils sont bien conformes à sa nature dont la sensibilité réagissait à l'extrême aux jours de deuil. Nous voyons reparaître les mêmes excès de douleur lorsqu'Hérode perdit ses deux filles, son fils, sa femme et les deux filles de son affranchi Alkimédon qu'il chérissait comme ses enfants.

Il est étrange que les textes ne nous renseignent pas sur les circonstances de la mort des trois disciples préférés d'Hérode, alors qu'il semble résulter de ces textes qu'ils moururent à peu près en même temps. Ce qui est sûr, c'est que la mort de Polydeukion date de l'archontat de Dionysios, c'est-à-dire, semble-t-il, de 147/8[26].

Après cette digression sur les trois τρόφμιοι d'Hérode, revenons-en au parti politique qui se constitua à cette époque, avec l'encouragement des Quintilii. Les chefs de ce parti nous sont connus non seulement par Philostrate mais aussi par les textes épigraphiques.

Pour ce qui concerne Démostratos, nous avons déjà dit plus haut qu'on avait eu tort de l'identifier avec le Démostratus Petilianus défendu par Fronton. Les inscriptions l'appellent Tib. Claudius, Démostratos de Mélitè[27]. Elles nous apprennent aussi que Démostratos avait été archonte, vers le début du règne d'Antonin selon nous. Elles nous disent encore qu'il avait occupé les charges de stratège des hoplites, de héraut de l'Aréopage, de gymnasiarque, d'agonothète des Panathénées et des Éleusinies, d'exégète des Mystères et de prêtre de Poséidon Erechtheus[28]. Autant dire que c'était un personnage d'importance et probablement très riche : il avait été chargé des fonctions les plus hautes et les plus coûteuses de la cité.

Que ce Démostratos soit bien le même que l'ennemi politique d'Hérode, on n'en peut guère douter : il vivait à l'époque où l'opposition au sophiste commença à se manifester, et il était apparenté à deux autres personnages qui jouèrent un rôle en cette occasion, à savoir Praxagoras et Théodotos.

On a même prétendu qu'il était le gendre de cet Ælius Praxagoras qui fut archonte, en 157/8, selon nous[29]. Nous l'avons cru nous-mêmes un instant avec Dittenberger. Puis nous avons émis des doutes à ce sujet : Démostratos avait épousé la fille de Praxagoras mais ce Praxagoras est qualifié de dadouque, ce qui n'est pas le cas pour l'archonte homonyme[30]. Comme il est possible mais non vraisemblable que Démostratos ait été plus jeune que son beau-père, il vaut mieux supposer que ce beau-père n'a pas été l'archonte Praxagoras mais le père de celui-ci. Démostratos aurait alors été le beau-frère et non le gendre de cet archonte.

Ce qui est sûr, c'est qu'il était son parent, de même qu'il était également apparenté au sophiste Julius Théodotos que Philostrate cite parmi les disciples de Lollianos[31] et d'Hérode et parmi les ennemis de ce dernier. Éphèbe vers 145, ce Théodotos mourut à 50 ans passés, après avoir occupé le premier mais sans éclat, pendant deux ans, la chaire de sophistique, au traitement de 10.000 drachmes. Maré-Aurèle, qui l'avait créée, la lui avait confiée à cause de la renommée qu'il s'était acquise dans l'éloquence d'apparat. Avocat en même temps que sophiste, Théodotos était à la tête du peuple athénien lorsque celui-ci entra en conflit avec Hérode, nous dit Philostrate. Cette expression vague ne nous permettrait pas de deviner les fonctions que Théodotos remplit à Athènes, si les inscriptions ne nous apprenaient qu'il y fut βασιλεύς, stratège des hoplites et héraut de l'Aréopage. Mais ce ne fut certainement pas à l'époque où les Quintilii gouvernaient la Grèce : il sortait alors à peine de l'éphébie. Ce fut plutôt vers la fin du règne de Marc-Aurèle, vers le moment du procès de Sirmium dont il sera question plus loin. Philostrate ajoute que Théodotos était un homme habile à profiter des circonstances et qu'il évita d'attaquer ouvertement Hérode. Mais il était tellement lié avec Démostratos qu'il collabora au réquisitoire qu'il prononça contre le sophiste dans le procès susdit[32].

Quant au quatrième des ennemis d'Hérode cité par Philostrate, Mamertinus, c'est évidemment le même que le Marcus Valerius Mamertinus, qui fut archonte en 167/8, selon nous[33]. C'est à peu près tout ce que nous en savons.

Si les Quintilii s'empressèrent de transmettre à Antonin les plaintes de l'ecclésie Athénienne, il ne semble toutefois pas que l'empereur s'en émut. Ce n'est pas avant la fin du règne de Marc-Aurèle, nous le verrons, que les démêlés du sophiste avec ses concitoyens trouveront leur dénouement. Car, après cette assemblée mémorable, les adversaires d'Hérode ne désarmèrent pas : cela résulte du texte de Philostrate qui nous assure qu'après cette assemblée se constitua le parti d'opposition à Hérode dont Démostratos prit la tête avec ses amis Praxagoras, Mamertinus et Théodotos[34].

Mais Hérode trouvait moyen de se concilier les gouverneurs de la province[35]. De plus, il était l'ami personnel de Lucius Verus qui avait été son disciple et qu'il avait reçu chez lui[36] lorsqu'il se rendait, sans empressement, en Orient, pour y combattre les Parthes, accompagné de chanteurs et de musiciens, s'arrêtant partout en route et notamment à Corinthe et à Athènes[37]. Les ennemis d'Hérode ne songèrent sans doute pas à l'attaquer trop ouvertement du vivant de Lucius Verus : on le savait très lié avec cet empereur, si bien que Marc-Aurèle alla même jusqu'à soupçonner Hérode d'être de connivence avec Verus pour intriguer contre lui[38].

Ce n'est que plusieurs années, nous l'établirons, après la mort de Lucius Verus, survenue au début de 169[39], qu'Hérode se vit obligé de porter l'affaire devant la justice, les attaques de ses ennemis ayant sans doute redoublé de violence, après la disparition de l'impérial ami du sophiste[40].

Donc Hérode intenta un procès à Démostratos et à ses amis, les accusant d'exciter le peuple contre lui[41]. La plainte fut adressée au gouverneur de la province[42], qui dut la transmettre à l'empereur comme les Quintilii l'avaient fait autrefois pour les doléances des Athéniens. En tout cas, nous dit Philostrate, les accusés prirent les devants et quittèrent secrètement Athènes, pour devancer Hérode auprès de l'empereur : Démostratos, écrit le biographe, escomptait les sentiments démocratiques de Marc-Aurèle et sa défiance envers le sophiste, à la suite des intrigues dont il l'avait soupçonné du vivant de Verus.

L'empereur avait alors son quartier général à Sirmium, en Pannonie. Démostratos et ses amis habitaient près du palais. L'empereur, dans l'audience qu'il leur accorda, leur témoigna la plus grande bienveillance et leur demanda à plusieurs reprises s'ils désiraient quelque chose[43]. Déjà bien disposé envers les ennemis d'Hérode, l'empereur était encore influencé par l'impératrice et même par sa fillette, âgée de trois ans, qui se jeta aux pieds de son père et, avec des câlineries d'enfant qui balbutie encore, le supplia de sauver les Athéniens[44]. Démostratos avait bien manœuvré et pouvait affronter sans crainte le procès, d'autant plus qu'un coup imprévu allait enlever à son redoutable adversaire, toute maîtrise de lui-même.

Hérode était descendu dans l'un des faubourgs de la ville. Il avait emmené avec lui les deux filles de son affranchi Alkimédon, le même sans aucun doute qu'on avait accusé d'avoir causé la mort de Régilla. Ces deux filles, deux sœurs jumelles, d'une remarquable beauté et en âge de mariage, servaient d'échanson à Hérode et faisaient la cuisine au vieillard qui les habillait en fillettes[45], les appelait ses petites filles et les embrassaient comme si elles l'eussent été. Une nuit qu'elles dormaient sur l'une des tours du château où habitait Hérode, elles furent frappées par la foudre et moururent[46]. Ce nouveau malheur accabla Hérode au point qu'il se présenta devant le tribunal de l'empereur fou de douleur et désirant la mort. Il parla sans retenue et se laissa même entraîner à accuser ouvertement Marc-Aurèle : Voilà, dit-il, la récompense de l'hospitalité que j'ai accordée à Lucius (Verus), que tu m'as toi-même envoyé : tu me juges en me sacrifiant à ta femme et à une enfant de trois ans[47].

C'en était trop : le préfet du prétoire Bassæus[48], le menaça de mort et Hérode lui répliqua : Mon cher, un vieillard craint peu de chose. Puis il sortit sans achever sa plaidoirie, alors que la clepsydre lui permettait de continuer à parler longtemps encore. Quant à l'empereur, il se comporta en cette occasion comme on pouvait l'attendre d'un philosophe : il ne fronça même pas le sourcil et son visage resta impassible alors qu'un simple arbitre, remarque Philostrate, n'aurait pas montré sa patience. Marc-Aurèle se contenta de se tourner vers les Athéniens, et de leur dire : Présentez votre défense, Athéniens, même si Hérode ne le veut pas. Ce fut un véritable réquisitoire que prononça Démostratos. Il est fort regrettable que nous n'ayons pas conservé sa plaidoirie : elle eût comblé bien des lacunes de la biographie de Philostrate, qui est plutôt une apologie d'Hérode et qui laisse dans l'ombre bien des points qu'il serait si intéressant de connaître. Nous le regrettons d'autant plus que Philostrate ne marchande pas ses éloges à cette plaidoirie. Il nous assure qu'on l'admirait et ajoute quelques renseignements généraux sur sa valeur. Il souligne la gravité du ton qui se soutenait depuis l'exorde jusqu'à la péroraison, gravité que se conciliait avec une variété et même une certaine inégalité d'expression[49], où se trahissaient peut-être les manières différentes des collaborateurs de Démostratos. Aidé par Théodotos[50], il avait accumulé tous les griefs possibles. Même, dans sa haine, il dépassa la mesure et alla jusqu'à reprocher à Hérode ce que les autres louaient chez lui[51]. Il fit notamment lire le décret où les Athéniens accusaient ouvertement Hérode d'engluer les gouverneurs de la Grèce dans beaucoup de miel. Miel amer, ajouta la défense, et heureux ceux qui meurent de la peste, allusion à la terrible épidémie qui désolait la Grèce et l'Italie depuis plusieurs années[52]. Jusque-là, Marc-Aurèle s'était contenu, il avait refoulé ses sentiments intimes de commisération pour les Athéniens. Mais, à ces passages pathétiques de la plaidoirie, l'excellent empereur ne pu s'empêcher de verser des larmes en plein tribunal[53].

La cause de Démostratos et de ses amis était gagnée. Non seulement il fut acquitté, mais l'empereur, ne voulant pas atteindre Hérode, tourna du moins sa colère contre ses affranchis. Une fois encore, ces affranchis étaient impliqués dans l'affaire comme ils l'avaient été lors des deux premiers procès plaidés à Rome. C'est eux qui avaient les instruments de la tyrannie qu'on reprochait à Hérode : sans doute abusant de leur qualité de citoyens romains, se montraient-ils plus insolents encore que leur patron, en trop fidèles serviteurs d'un maître autoritaire et qu'ils s'imaginaient tout puissant. Toutefois, Marc-Aurèle rendit un jugement digne d'un philosophe. Il épargna Alkimédon le jugeant assez puni par la mort de ses filles[54].

Ainsi se termina cette retentissante affaire. Il nous reste à essayer d'en préciser la date. Les opinions varient considérablement à ce sujet[55]. Ce qui est sûr, c'est qu'elle se place après la mort de Lucius Verus, au début de 169[56], et avant 176, année où Faustine mourut[57]. En outre, la guerre contre les Marcomans et les Quades était terminée : l'empereur avait déjà transporté son quartier général de Carnuntum, où il était resté 3 ans, c'est-à-dire jusqu'en 173, à Sirmium, pour combattre les Sarmates[58]. On ne saurait, en tout cas, descendre plus bas que juillet ou août 175, moment où Marc-Aurèle quitte Sirmium pour l'Orient[59]. Enfin, il résulte de la correspondance de Marc-Aurèle et d'Hérode que le procès fut de peu antérieur à 176.

Après ce procès, Hérode était tombé malade et avait dû s'arrêter à Orikon, en Épire. Il y séjourna pendant quelque temps : non seulement il agrandit Orikon[60] mais son absence se prolongea au point qu'on répandit le bruit qu'il avait été exilé par l'empereur[61]. Rentré à Athènes, il écrivit à Marc-Aurèle non pour s'excuser ses intempérances de langage au cours du procès mais pour reprocher à Marc-Aurèle son silence : il lui écrivait jusqu'à trois fois par jour, lorsqu'il était son disciple[62]. L'empereur ne lui tenait cependant pas rancune : dans sa réponse, de peu postérieure à la mort de Faustine, en 176, il lui écrit non comme un juge mais comme un ami. Il regrette d'avoir été obligé de condamner les excès commis par les affranchis du sophiste et il ajoute : Donc, ne sois pas fâché contre moi. Si je t'ai causé et te cause encore de la peine, demande m'en raison dans le temple d'Athéna à Athènes, lors des mystères. Car j'ai fait le vœu, au plus fort de la guerre, de m'initier. Et je souhaite de t'avoir pour mystagogue[63].

On ne peut croire que la lettre qui lui valut cette réponse ait été écrite par Hérode bien longtemps après le procès. Celui-ci n'est sûrement pas postérieur, nous l'avons dit, à 175 nous croirions volontiers qu'il eut lieu l'été de cette année ou : plutôt de la précédente ; les circonstances de la mort des filles d'Alkimédon, foudroyées lorsqu'elles couchaient au sommet d'une tour ne permettent pas de croire qu'elles périrent en hiver. D'autre part, il faut laisser entre le procès et 176, année de la reprise des relations épistolaires entre Hérode et l'empereur, un intervalle assez long pour y placer le séjour prolongé  du sophiste à Orikon.

Les Athéniens ne tardèrent pas à regretter l'absence d'Hérode ; sa gloire et ses largesses manquaient à ses concitoyens, il faut croire que la plupart d'entre eux ne lui tenaient pas rigueur d'avoir été tyrannisés et que l'opposition ne groupait guère que quelques grandes familles jalouses du sophiste car ils lui firent une réception vraiment triomphale lorsqu'il se décida à rentrer à Athènes. Philostrate, chose étrange, n'en dit rien. Mais nous avons eu la chance de publier l'épigramme qui relate ce mémorable retour du sophiste dans sa patrie[64]. Tout Athènes se porta à sa rencontre sur la Voie Sacrée : il n'est pas douteux que ce fut officiellement, à la suite de décrets votés par le Peuple, le Sénat et l'Aréopage.

En tête du cortège venaient les statues des dieux, Athéna, Aphrodite, et les prêtres aux longs cheveux et en costume d'apparat. Puis c'étaient un chœur de jeunes garçons[65] et les éphèbes vêtus des chlamydes blanches que le sophiste leur avait données ; ils étaient suivis par les membres de l'Aréopage et de la Boulé tous en vêtements blancs. La foule des citoyens et des étrangers résidant à Athènes fermait le cortège. Tous, y compris les femmes et les enfants, avaient tenu à se porter au-devant du sophiste qui arrivait d'Éleusis précédé des statues de Dionysos, dieu des triomphes, et des deux déesses éleusiniennes. La déroute des ennemis d'Hérode était complète : Hérode l'emportait, à Athènes comme à Éleusis, quoique Démostratos appartint à une famille sacerdotale où les fonctions de dadouque étaient héréditaires et que le fils de Théodotos devint même archonte des Kèrykès[66].

La rencontre des deux cortèges eut lieu, nous dit encore l'épigramme, en avant d'Éleusis, dans la plaine de Thria, à l'endroit où les Rheitoi se jettent dans la mer.

Après cette réception grandiose, digne d'un souverain[67], qui a tout l'air d'une protestation officielle contre le jugement de Sirmium, Hérode se retira dans ses propriétés à Marathon et à Képhissia. Malgré son âge avancé, — il avait alors dans les 75 ans —, le sophiste reprit son enseignement : de tous les points du monde antique, la jeunesse accourait pour l'entendre[68].

C'était à peu près le moment où Avidius Cassius se posa en compétiteur de Marc-Aurèle[69]. Hérode lui écrivit alors ce laconique billet : Hérode à Cassius. Tu es fou[70].

On ne s'était guère demandé à quel propos cette lettre avait été écrite. Pourquoi cette brève épître d'une si brutale concision ? On ne s'exprime pas de la sorte sans y avoir été provoqué, fût-on un homme de caractère aussi violent que semble l'avoir été Hérode. Ce ne peut être qu'une riposte du sophiste à l'usurpateur malheureux. Celui-ci avait dû écrire à Hérode, comme il avait écrit à beaucoup d'autres[71], pour tenter de rallier à sa cause un personnage également puissant par sa fortune et son talent.

La révolte de Cassius coïncidait précisément avec le moment où Hérode semblait brouillé avec le souverain, où l'on prétendait même qu'Hérode avait été exilé. Cassius ne devait pas ignorer qu'on accusait Hérode d'avoir été de connivence avec Lucius Verus contre Marc-Aurèle. Hérode lui-même n'avait-il pas fait publiquement allusion à ces calomnies pendant le procès de Sirmium ?

L'usurpateur dut donc écrire à Hérode qu'il croyait en disgrâce, sans doute après là triomphale réception par laquelle Athènes n'avait pas craint de montrer qu'elle gardait toute sa sympathie pour le sophiste, au risque de mécontenter l'empereur qui l'avait condamné sinon lui-même du moins dans la personne de ses affranchis.

Mais si Cassius écrivit à Hérode, il se trompa en escomptant son appui. Hérode montra qu'il n'avait pas cessé d'être fidèle à celui qui avait été son disciple, avant de devenir son souverain. Et il ne se risqua pas dans l'aventure où Cassius voulait l'entraîner.

Peu de temps après, Marc-Aurèle tenant la promesse qu'il avait faite à Hérode, passait par Athènes avant de rentrer à Rome (176). Mais, s'il se fit initier, ce ne fut pas Hérode qui fut son mystagogue, comme il le désirait dans la lettre que nous avons citée[72]. Cependant la réconciliation entre le maître et son illustre disciple fut complète. Ce fut Hérode, passé en quelque sorte grand maitre de l'Université, qui désigna, à la demande de Marc-Aurèle, les titulaires des quatre chaires officielles de philosophie créées à Athènes par l'empereur et royalement appointées par lui[73].

Hérode ne dut pas survivre longtemps a l'impériale visite. Il mourut de consomption, à Marathon, à l'âge d'environ 76 ans, c'est-à-dire, vers 177, puisqu'il était né, nous l'avons dit, vers 101[74].

Il avait donné ordre à ses affranchis de l'inhumer à Marathon. Même, il s'y était fait construire un tombeau où l'on a trouvé, avec son propre buste, ceux de ses deux disciples impériaux, Marc-Aurèle et Lucius Verus[75]. Nous sommes sûrs de l'identification de ce tombeau ; le portrait du sophiste a pu récemment être identité avec certitude, grâce à l'heureuse découverte d'un hermès d'Hérode à Corinthe.

Voici comment l'éditeur décrit ce dernier portrait, malheureusement très mutilé : C'est un homme d'âge mûr, portant un collier de barbe à courtes mèches ondulées ; la moustache forte et saillante descend en crochets de chaque côté de la bouche, assez enfoncée, dont la lèvre inférieure est en retrait prononcé. Les cheveux sont courts. Librement arrangées, des boucles qui rappellent celles de la barbe, couvrent tout le crâne. Le front est plutôt étroit que large, avec une faible courbure ; les cheveux y descendent assez bas, par petites mèches, surtout au milieu du front, et sont ramenés aussi sur les tempes. Par sa forme, par ses rides légères, ce front donne à la figure un air sérieux et intelligent. Les grands yeux, allongés en amande sous les arcades sourcilières, rehaussent cette expression et donnent aussi un caractère un peu rêveur à la physionomie. Les pupilles forment à peu près des demi-cercles, de même que l'iris, de sorte que le regard semble dirigé légèrement en haut. Malheureusement, le nez est totalement brisé ; il semble du moins qu'il était fin à sa naissance, assez large à sa base. Quant aux lèvres, elles sont minces et serrées, ce qui paraît convenir à un homme éloquent, à un rhéteur dont la causerie séduisait[76].

Sur le pilier de l'hermès est gravée l'inscription : Ήρώδης | ένθάδε | περιεπάτει, Hérode se promenait ici[77]. Elle est conçue comme celles qui précèdent plusieurs fois les imprécations inscrites sur les hermès de Polydeukion, d'Achille et de Memnon. Elle doit être contemporaine, à en juger aussi d'après l'âge que paraît avoir eu Hérode au moment où fut sculpté le portrait de Corinthe. C'est celui d'un homme d'une cinquantaine d'années. Or Hérode avait à peu près atteint cet âge en 147/8, année probable, nous l'avons établi, de l'érection des multiples hermès de ses disciples préférés.

Quant au buste de Marathon (Probalinthos), qui est beaucoup mieux conservé, c'est celui d'un homme âgé de cinquante ans environ ; la tête, d'un bel ovale, est couronnée de cheveux épais, aux petites boucles rondes et courtes, ramenées sur un front ridé, un peu arrondi et saillant ; deux grands yeux en forme d'amande, enfoncés sous l'orbite, sont doux et rêveurs comme ceux de la tête de Corinthe ; le nez fin est légèrement arqué. La moustache, en crochets, la barbe épaisse, en collier, avec des mèches courtes et ondulées, rappellent d'une façon saisissante le portrait corinthien[78]. Il faut ajouter que le style est exactement celui des bustes du temps des Antonins, et que le portrait de Marathon, quoique étroitement apparenté à celui de Corinthe, présente cependant, malgré une indéniable ressemblance, une certaine différence. Mais c'est sans doute une simple différence d'âge. L'Hérode de Marathon nous parait plus âgé que celui de Corinthe. C'est un homme déjà fatigué : le dessin du buste, aujourd'hui au Louvre, qui a été exécuté par Lorichon, accuse bien l'air de légère tristesse désabusée qui assombrit le visage du sophiste[79].

Les Athéniens ne se crurent pas obligés de respecter les dernières volontés d'Hérode. Ils firent enlever le corps par les éphèbes pour l'inhumer ; nous assure Philostrate, dans le stade. Tout Athènes se porta encore une fois au-devant d'Hérode que tous les Athéniens pleurèrent comme des enfants privés d'un bon père[80]. Les éphèbes avaient des raisons particulières de le regretter. Hérode, en mémoire de son père, leur avait promis que, tant qu'il vivrait, ils ne manqueraient jamais de chlamydes blanches[81]. II faut savoir qu'avant cette nouvelle preuve de la munificence d'Hérode, les éphèbes étaient condamnés à revêtir des chlamydes noires dans les cérémonies officielles, en punition du meurtre de Kopreus, dont ils portaient le deuil parce que leurs lointains prédécesseurs avaient, disait-on, autrefois tué ce héraut lorsqu'il voulait arracher les Héraclides de l'autel où ils s'étaient réfugiés[82]. Hérode n'était ni stratège, comme on l'a prétendu[83], ni cosmète à cette époque[84], c'est-à-dire en 165/6[85], et il n'y d'ailleurs aucune preuve qu'il ait jamais occupé ces fonctions qui conféraient au titulaire une autorité officielle sur les éphèbes[86]. Ce qui est certain, c'est que ceux-ci, en cette occasion mémorable, lui offrirent des agrafes en électron, sans doute de ces agrafes qui réunissaient les deux bouts de la chlamyde sur l'épaule droite[87]. C'étaient des agrafes d'honneur qui rappelaient le don si généreux de leur bienfaiteur, du maître aussi dont ils devaient suivre les leçons[88]. Il semble que, précédemment déjà, ils avaient reçu d'autres preuves de la générosité d'Hérode et que c'est en reconnaissance qu'ils avaient institué une fête nouvelle, l'άγών περί άλκής, vers 145[89].

Philostrate paraît avoir commis une inexactitude en affirmant que les Athéniens enterrèrent Hérode dans le stade qu'il avait construit à ses frais[90]. Les fouilles n'ont pas confirmé cette affirmation[91]. Mais, s'il n'a pas été trouvé de tombeau dans lé stade même où il est peu croyable qu'il ait jamais été édifié, on a découvert, il n'y a pas bien longtemps, à l'extérieur du mur qui entoure, à l'est, la dernière rangée des gradins, une inscription qui parait bien se rapporter au sophiste et marquait peut-être l'emplacement de son tombeau[92]. Après une première ligne où l'on a dû marteler le nom d'Hérode lorsque le marbre a été remployé plus tard[93], avec d'autres stèles funéraires, dans. un mur entourant un grand sarcophage, on lit encore en caractères archaïsants, caractéristiques de l'époque du sophiste, la dédicace suivante : Έρωϊ | τώι | Μαραθωνιωι. L'endroit de la découverte, tout contre le plus vaste édifice construit par le fastueux Athénien, et le dème de ce héros, qui était également celui d'Hérode, rendent l'identification fort plausible.

On avait déjà conjecturé que le tombeau d'Hérode devait se trouver en cet endroit et qu'il fallait l'identifier avec une vaste construction de 11 mètres de large sur 55 mètres de long, dont les substructions sont conservées au sommet de la colline qui domine le stade à l'est[94]. Cette hypothèse est singulièrement renforcée par la découverte de notre dédicace.

Nous avons qualifié ce texte de dédicace, car il ne s'agit pas à proprement parler d'une épitaphe. Celle d'Hérode était conçue sous forme d'une épigramme, dont Philostrate vante l'éloquente concision[95] :

Άττικού Ήρώδης Μαραθώνιος, οΰ τάδε πάντα

κεΐται τώδε τάω, πάντοθεν εύδόκιμος.

Ce fut un disciple d'Hérode, Hadrien de Tyr, qui fut chargé de prononcer son éloge funèbre. Il s'en acquitta, nous dit Philostrate, d'une manière digne de celui qui en était l'objet, si bien que les Athéniens fondirent en larmes en l'entendant[96]. La tâche, il est vrai, fut aisée : jamais Athènes n'avait perdu un citoyen d'une aussi fastueuse générosité. Elle ne devait plus connaître pareil bienfaiteur. Et c'était un peu l'éloge funèbre d'Athènes que prononça Hadrien, d'Athènes qui allait achever de mourir après la disparition du grand homme qui avait réussi à la ranimer pendant plus d'un demi-siècle, de toute la force de son talent, de toute la puissance de sa fortune.

 

 

 



[1] PHILOSTR., II, 1, 25 (p. 166 W.).

[2] PIR, II, pp. 116, n° 19, 117, n° 24. C'est VON PREMERSTEIN, RE, IV, p. 1646, qui suppose que Maximus fut corrector des cités libres d'Achaïe.

[3] PHILOSTR., II, 1, 24-25 (p. 166 W.).

[4] PHILOSTR., II, 29 (p. 172 W.) : τούς άρχοντας τής Έλλάδος ύποποιουμένου πολλώ τώ μέλιτι. WRIGHT, p. 173, continue à traduire τούς άρχοντας par magistrats. Mais on ne voit pas quel intérêt Hérode aurait eu à corrompre les magistrats des cités grecques, tandis qu'il lui était indispensable de gagner les faveurs des gouverneurs de la province. Philostrate évite d'employer les termes courants pour les magistrats romains. Cf. d'ailleurs όπότε ήρχον τής Έλλάδος, employé à propos des Quintilii lorsqu'ils gouvernaient l'Achaïe (II, 1, 24 p. 165 W.) et άρχων dans le sens de gouverneur (II, 10, 6, p. 228 W.).

[5] PHILOSTR., II, I, 25 (p. 166 W.). SCHULTESS, p. 28, n. 38, Sung par MÜNSCHER, p. 931, a supposé qu'Hérode, en sa qualité d'archaïsant, préférait en musique, l'άρχαΐος τρόπος (PLUT., de Mus., 32), tandis que les Romains (?) aimaient les airs modernes à effet (FRIEDLÄNDER, Sittengeschichte8, pp. 359 sqq). Mais les Quintilii ne sont pas romains du moins d'origine et l'hypothèse n'est que plausible sans être certaine. Sur l'importance prise, à cette époque, par les jeux musicaux, cf. BOULANGER, Ælius Aristide, pp. 29 sqq., (bibliographie, p. 29, n. 3).

[6] C'est ce qui résulte aussi du fait que les Quintilii reprochèrent à Hérode d'élever de nombreuses statues à ses trois disciples préférés, (cf. infra). L'une d'elles, érigée en l'honneur de Polydeukion, est datée de l'archontat de Dionysios (IG, III, 810). Or, cet archontat, contemporain du temps où les Quintilii gouvernaient la Grèce (PHILOSTR., II, 1, 10), ne peut être placé après 147/8 : les années 148/9 à 150/1, les seules où l'on pourraient placer avec quelque vraisemblance, leur proconsulat, ne sont pas disponibles. Elles sont occupées par deux archontes contemporains des 10e et 11e années du pédotribat d'Abaskantos (qui n'a pu débuter, selon nous, qu'en 139/40 ; cf. notre Chronologie, pp. 152, n° 110 et 153, n° 111 et notre réponse à KOLBE, AM, XLVI, 1921, pp. 131 sqq., dans notre Album, pp. 6 sqq.) et par un archonte en charge la 27e année de l'ère d'Hadrien à Athènes (150/1. Cf. notre Chronologie, p. 153, n° 112). Les deux frères ayant été consuls en 151, cette année Pythique est exclue.

[7] PAUSANIAS, X, 32, 1 ; PHILOSTR., II, 1, 9 (p. 148 W.).

[8] PHILOSTR., II, 1, 25 (p. 166 W.).

[9] PHILOSTR., II, 1, 25 (p. 166 W.).

[10] PHILOSTR., II, I, 26 (p. 160 W.).

[11] PHILOSTR., II, 1, 24 (p. 166 W.). SCHULTESS, pp. 10 et 27, n. 25, a eu raison d'affirmer qu'il n'y avait rien d'immoral dans cette affection d'Hérode pour ses τρόφμιοι. Sinon, on ne comprendrait guère pourquoi la mère d'Hérode élève une statue à l'un d'entre eux, Polydeukion très cher à son fils Hérode (IG, III, 815. Cf. Έφ. άρχ., 1906, p. 189. Cf. ci-dessous). D'ailleurs, les Quintilii, si malveillants pour Hérode, ne lui reprochent rien de tel mais le blâment seulement d'élever à ces τρόφμιοι des statues qu'ils jugent inutiles. Cf. PHILOSTR., I, 1, 24 (p. 166 W.).

[12] SEYRIG, BCH, LI, 1927, pp. 149 sqq.

[13] Nous avons dressé la liste de ces hermès dans le BCH, XXXVIII, 1914, p. 358 ; IG, III, 813 (complétée dans AJA, XXXIII, 1929, pp. 402 sqq.), 814, 1418-1422, [3839-3841 : fragments suspects édités par Fr. Lenormant] ; Άθήναιον, X, p. 538 ; AM, XII, 1887, pp. 308, n° 341 ; 314, n° 384 ; 315, n° 387 ; BCH, XVII, 1893, p. 630 (Άθηνά, XI, 1899, p. 298, n° 23) ; WILHELM, Beiträge zur griech. Inschriftenkunde, p. 97, n° 82 ; Άθηνά, 1906, p. 443. Il faut y ajouter ceux que nous avons publiés BCH, XXXVIII, 1914, pp. 355, n° 2 ; 360, n° 3 (= Album, p. 40, n° 58, pl. XLII) ; RA, 1917, VI, p. 25 n° 13 ; Album, p. 39, n° 57, pl. XLVI. D'après A. WILHELM (Sup. ep. Gr., III, 304, note), il existerait dans un mur, à Képhissia, un vingtième exemplaire encore inédit des imprécations d'Hérode.

C'est à tort que MÜNSCHER, p. 927, d'après SCHULTESS, p. 10, affirme que le récit de Philostrate n'est confirmé par les inscriptions que pour Polydeukion. Deux des hermès cités ci-dessus (AM, XII, 1887, p. 387 : texte corrigé par nous BCH, XXXVIII, 1914, p. 362, n° 4 ; BCH, l. l., p. 355, n° 2) portent le nom d'Achilieus, un autre (Άθήναιον, X, p. 538) celui de Memnon. Les autres sont en l'honneur de Polydeukion ou sont incomplets.

Ces monuments nous permettent de dresser, au moins partiellement, la carte des propriétés d'Hérode dans lesquelles ils avaient été érigés. La plupart ont été trouvés à Képhissia et à Marathon où le sophiste possédaient ses deux domaines préférés. Les autres proviennent de Ninoï, de Souli (région de Marathon), de Varnava et de Masi, dans le nord de l'Attique, de Loukou, en Cynurie, de l'Eubée (au milieu de l'île, à Tragounera. Cf. Άθηνά, XI, p. 298). A cette liste des propriétés d'Hérode, il faut ajouter, outre celle de la voie Appienne devenue le Triopion, le domaine qu'il devait posséder près de Corinthe, d'après l'hermès du sophiste qu'on y a trouvé, avec l'inscription Ήρώδης ένθάδε περιεπάτει (BCH, XLIV, 1920, pp. 170 sqq.), enfin le groupe de maisons que son père possédait près du théâtre de Dionysos (PHILOSTR., II, 1, 3, p. 140 W.) et dont il avait dû hériter.

[14] H. SCHRADER, Ueber den Marmorkopf eines Negers in den königlichen Museen (60e Winckelmanns-Programm, Berlin, 1900) ; ARNDT-BRUCKMANN, Griech. und röm. Porträts, 689/90 ; VON BISSING, AM, XXXIV, 1909, p. 31 ; HERLER, Portraits antiques, pl. 281, pp. XXXVI et 335 ; Bullet. Acad. Danemark, 1913, pp. 418 et 427. Pour l'identification que nous avons proposée cf. BCH, XXXIX, 1915, pp. 402 sqq. Cf. aussi R. KEKULE VON STRADONITZ, Die griechische Skulplur3, bearbeitet von B. SCHRŒDER, Berlin, 1922, p. 369, qui veut bien reconnaître la grande vraisemblance de notre hypothèse. Pour Memnon, cf. PHILOSTR., Vit. Soph., II, 1, 24 (p. 164 W.) et Apoll. Tyan., III, 11 : dans ce dernier passage, Memnon est appelé, par erreur, Μένων, à corriger en Μέμνων. Nous n'avons pu consulter G. H. BEARDSLEY, The Negro in Greek and Roman civilisation, Baltimore, 1929.

[15] PHILOSTR., II, 1, 24 (p. 166 W.).

[16] IG, III, 1418.

[17] IG, III, 814 = KAIBEL, Epigr. Gr., 1091.

[18] IG, III, 813 ; Άθήναιον, X, p. 538 : Μέμνων | ΤΟΠΑΛΕΙΝ | Άρτέμιδος φίλος. La seconde ligne est d'une lecture certaine. Nous avions cru d'abord qu'il fallait y chercher le nom éthiopien de Memnon (BCH, XXXIX, 1915, p. 406 n. 3). Nous estimons maintenant qu'il faut plutôt y retrouver l'infinitif absolu τοπάζειν, destiné à atténuer l'affirmation de la l. 3 : Memnon, ami, je le pense, d'Artémis. L'erreur du lapicide proviendrait sans doute de ce qu'à cette époque déjà le son du Δ se rapprochait, comme aujourd'hui, de celui du Z.

[19] IG, III, 810, 811, 814, 815, 816 (add., p. 505), 818, 1418.

[20] LUC., Demon., 24 et 33 ; le philosophe Démonax se présenta devant Hérode comme s'il venait de l'Hadès et lui dit que Polydeukion lui reprochait de ne pas l'y rejoindre. IG, III, 815 : publiée d'après une copie de FOURMONT. Retrouvée par DRAGOUMIS, Έφ. άρχ., 1906, p. 189 : au lieu de φίλτυτον τώ [έαυτής άνδρί] Ήρώδη, il faut lire [έαυτής υίώ] maintenant que nous savons d'une façon certaine que Vibullia Alcia était la mère et non la femme d'Hérode. Une autre base de statue érigée par Vibullia Alcia a été trouvée entre Vrana et Marathon (IG, III, 816. Cf. add., p. 505). De ces monuments, il faut déduire qu'Alcia avait survécu à son mari et vivait encore vers 150.

[21] IG, III, 811 : Πολυδευκίωνα Ίππ[άρχου υίον]. C'est donc sans raison que DITTENBERGER, IG, III, 810, add. p. 505, pense après KEIL, RE, II, p. 2103, que Polydeukion pourrait être un affranchi de Vibullia Alcia. C'est évidemment par erreur que BOULANGER, o. l., p. 101, n. 1, considère Polydeukion comme l'affranchi d'Hérode, auquel cas son gentilice serait Claudius. Sur Polydeukion, cf. aussi p. 431, n° 424.

[22] IG, III, 811. — Quatre autres monuments furent élevés à Polydeukion après sa mort, par Delphes (SIG3, 861) et par des amis d'Hérode : 1°) par L. Octavius Restitutus de Marathon (IG, III, 817 : actuellement à Képhissia, où nous avons revu cet hermès acéphale, dans le jardin de M. Christomanos. Le buste est drapé dans un chiton et une chlamyde dont les bouts, lestés par des balles de plomb, sont rejetés dans le dos et pendent symétriquement à droite et à gauche, par derrière) ; 2°) par Asiaticus, Lampireus (IG, III, 818), petit autel qui provient d'Athènes ou de Képhissia ; 3°) par les 'ραβδοφόροι, en fonctions sous l'agonothète Vibullius Polydeukès, l'année de l'archonte Dionysios III, 810), Képhissia ; vers 147/8. Cf. notre Chronologie, p. 151, n° 109). De ce que ces monuments se dressaient tous à Képhissia, il faut déduire que c'est là que Polydeukion avait son tombeau, de même que la femme et l'une des filles d'Hérode. L'agonothète Vibullius Polydeukès est sans doute un parent de Polydeukion, sans qu'on puisse préciser le degré de parenté. — Pour en terminer avec Polydeukion, ajoutons encore avait consacré à Dionysos, une statue dont la base a été retrouvée (AM, 1885, p. 279. Cf. FRAZER, Pausanias's description of Greece, II, p. 43) à l'est de Pyrgos, en Attique.

[23] LUC., Dem., 24.

[24] LUC., Dem., 25.

[25] SCHULTESS, o. l., p. 10.

[26] IG, III, 810. Cf. notre Chronologie, p. 151, n° 109.

[27] IG, III, 676, 679, 907, 1283 ; BCH, VI, 1882, p. 437 + Έφ. άρχ., 1895, p. 108, n° 21 les deux fragments ont été rapprochés. Έφ. άρχ., 1897, p. 62, n° 49. Sur ce personnage, cf. DITTENBERGER, IG, III, 676 ; STEIN, RE, V, p. 192, n° 13 ; PIR, I, p. 358 et II, p. 7, n° 43 ; GRAINDOR, Chronologie, p. 140, n° 104 ; SCHULTESS, p. 23.

[28] IG, III, 676, 679, 907, 1283.

[29] IG, III, 1121. Cf. notre Chronologie, p. 160, à 119 et notre Album, pp. 6 sqq., où nous réfutons la théorie de KOLBE, AM, XLVI, 1921, pp. 131 sqq., suivant qui le pédotribat d'Abaskantos, dont Praxagoras occupe la 19e année, aurait débuté en 136/7 et non en 139/40, comme nous le croyons. Sur Praxagoras cf. SCHULTESS, p. 23 ; MÜNSCHER, p. 943 ; PIR, III, p. 94, n° 689.

[30] Cf. notre stemma de la famille BCH, XXXVIII, 1914, p. 428 et les doutes que nous avons émis ensuite dans notre Chronologie, p. 141, n. 3 : les archontes qui ont été en même temps détenteurs de sacerdoces éleusiniens ne manquent généralement pas d'en faire mention (cf. IG, III, 1126, 1156, 1175, 1279). Il ne faut pas confondre ce Praxagoras, comme on l'a fait plus d'une fois, avec l'archonte homonyme de 138/9 (Chronologie, p. 137, n° 101).

[31] Sur Lollianos, cf. en dernier lieu O. SCHISSEL, Lollianos aus Ephesos. Philol., LXXXII, (NF. XXXVI), pp. 181 sqq., et RE, s. v., p. 1373, n° 15.

[32] Sur Julius Théodotos, cf. la brève notice de PHILOSTRATE, II, 2 (p. 182 W.).  Il est cité parmi les éphèbes de la liste Έφ. άρχ., 1893, p. 71, col. 1, 1. 39, que Lolling place en 143 (mais cf. nos observations Musée belge, 1922, p. 201, n.5). Cf. aussi DITTENBERGER, IG, III, 676, 680, 775 et la dédicace que nous avons publiée BCH, XXXVIII, 1914, p. 429, n° 29, avec stemma de la famille, p. 428 ; SCHULTESS, p. 23 ; MÜNSCHER, p. 943 ; PIR, II, p. 216, n° 390.

[33] IG, III, 1029. Cf. notre Chronologie, p. 172, n° 126 (date contestée par KOLBE, AM, XLVI, 1921, pp. 134 sqq. Mais cf. notre Album, pp. 6 sqq.) ; SCHULTESS et MÜNSCHER, ibid. ; PIR, II, p. 326, n° 91.

[34] PHILOSTR., II, 1, 26 (p. 166 W).

[35] PHILOSTR., II, 1, 29 (p. 171 W.).

[36] PHILOSTR., II, 1, 28.

[37] Vit. Ver., 6, 9 : apud Corinthum et Athenas inter symphonias et cantica navigabat. Sur le voyage de Verus, cf. en dernier lieu SCHWENDEMANN, Der historische Wert der Vita Marci, pp. 143 sqq.

[38] PHILOSTR., II, 1, 26 (p. 168 W.).

[39] Il dut mourir en janvier. Cf. SCHWENDEMANN, o. l., p. 176.

[40] C'est à tort, nous avons essayé de le montrer plus haut, que STEIN, SCHANZ et MÜNSCHER, p. 943, ont admis l'identification proposée PIR, I, p. 358, de Démostratus Petilianus avec Démostratos et supposent que le procès où Fronton fut son avocat contre Asklèpiodotos, était dirigé contre un ami d'Hérode.

[41] Toute cette affaire est racontée par PHILOSTR., II, 1, 26-29 (pp. 168 sqq. W.) auquel nous renvoyons une fois pour toutes. Nous citerons en note deux autres allusions faites par le même auteur à ce procès.

[42] PHILOSTR., II, I, 26 (p. 168 W.). Cf. PIR, I, p. 357. MÜNSCHER, p. 944, comprend à tort que l'affaire fut portée devant le préteur, dont la compétence est cependant limitée aux affaires civiles. Τήν ήγεμονίαν est évidemment l'équivalent de τόν ήγεμόνα, terme général employé pour désigner les gouverneurs de province. C'est également devant le gouverneur de la province que fut portée l'accusation de meurtre contre le sophiste Hadrien (II, 10, 6, p. 228 W.). C'est donc à tort que ARNOLD, The Roman system of provincial administration to the accession of Constantine the Great, 3e éd., p. 229, affirme encore que les cités libres étaient exemptes de la juridiction des gouverneurs de provinces.

SCHULTESS, p. 24, écrit que la plainte fut adressée à l'empereur. Cette opinion ne peut se concilier avec le texte de Philostrate : il est impossible qu'il ait employé ήγεμονίαν pour désigner l'empereur. Il aurait vraisemblablement écrit έπί τόν βασιλέα. Ce qui est sûr, c'est que le texte de Philostrate manque de précision et de clarté sur la manière dont le procès arriva finalement devant l'empereur.

[43] PHILOSTR., II, 1, 26 (p. 168 W.).

[44] II, 1, 27 (p. 168 W.).

[45] Le texte porte άς έκνηπιώσας ό Ήρώδης οίνοχόους έαυτώ καί όψοποιούς έπεποιητο θυγάτρια έπονομάζων. WESTERMANN traduit έκνηπιοΰμαι par quas excultas pincernas sibi... fecerat, WRIGHT, (p. 169), par Herodes had brought them up from childhbod. Tous les lexiques omettent ce verbe et ne donnent que έκνηπιοΰμαι, avec le sens de retomber en enfance. A l'actif, il ne peut guère signifier ce que lui font dire Westermann et Wright mais bien rajeunir. La traduction que nous proposons explique en outre mieux pourquoi Hérode appelle θυγάτρια des jeunes filles en âge de mariage. Έκνηπιώ est l'équivalent de έκνεάζω, rajeunir, qu'emploie notamment un contemporain d'Hérode (LUC., Am., 33).

VAN HERWERDEN, Lex. suppl.2, I, p. 458, traduit έκνηπιοΰν par sapientem reddere, sens qui convient peut-être à Vit. Apol., V, 14 (p. 175, 23 KAYSER) mais non au passage relatif aux filles d'Alkimédon.

[46] II, 1, 27 (pp. 168 sq. W.).

[47] II, 1, 28 (p. 170 W.).

[48] Sur ce personnage, M. Bassæus Rufus, cf. PIR, I, p. 230 ; n° 57 ; RE, III, p. 103, n° 2 ; LESQUIER, L'armée romaine d'Égypte, Mém. Inst. franç. d'Arch. orient. du Caire, t. XLI, p. 514, n. 1 ; SCHWENDEMANN, o. l., p. 175.

[49] PHILOSTR., II, 1, 32 (p. 176 W.).

[50] PHILOSTR., II, 2, 1 (p. 182 W.).

[51] PHILOSTR., II, 1, 17 (p. 158 W.).

[52] Cette peste avait débuté en 167. Mais on n'en peut tirer argument pour rapprocher le procès de cette date car elle sévissait encore à la fin du règne de Marc-Aurèle (Vit. Marc., 38, 4), sinon plus tard. Cf. SCHWENDEMANN, o. l., p. 55 et les références citées dans la n. précédente. Y ajouter BOULANGER, o. l., pp. 146 et 480 sq.

[53] PHILOSTR., II, 1, 28-29 (p. 170 W.).

[54] PHILOSTR., II, 1, 29 (p. 172 W.).

[55] HERTZBERG, Geschichte Griechenlands unter der Herrschaft der Römer, II, p. 403 et p. 401, n. 75a, choisit 168 avec CLINTON, Fasti Rom., I, p. 161 et d'autres qu'on trouvera cités dans sa note ; TILLEMONT, Histoire des empereurs, II, p. 403 et KEIL, RE, II, p. 2103 préfèrent 171 ; KLEBS, PIR, I, p. 357 (170/1) ; VIDAL-LABLACHE, Hérode Atticus, pp. 128-130 (172) ; GAGNAT-GOYAU, Chronologie de l'Empire romain, p. 223 (172) ; SCHULTESS, p. 30, n. 61 (170 ou 173) ; MÜNSCHER, p. 944 (169/0 ou 173/5), p. 1310 (173) : MÜNSCHER a changé d'avis après avoir eu connaissance de notre article du Musée belge, 1912, pp. 77 sq., où nous proposions fin de 174 ou début de 175. MÜNSCHER, p. 1310, estime à tort que la date proposée par nous est en contradiction avec le texte de Philostrate (II, 1, 30 p. 172 W.) où il est dit qu'après le procès, Hérode avait repris son enseignement à Képhissia et à Marathon et que c'est de là qu'il écrivit sa lettre à Marc-Aurèle. Mais Münscher ne nous dit pas en quoi consiste cette contradiction que nous ne voyons pas. Hérode vivait sûrement encore en 176, année où Marc-Aurèle vint à Athènes, et il put, après le procès, et son séjour à Orikon, recommencer ses leçons dès 175. Le procès date de l'été de 174, ou de celui de 175, s'il faut le placer, ce qui est moins probable, cette année-là plutôt qu'en 174.

[56] PHILOSTR., II, 1, 26 (p. 168 W. Cf. le commentaire de KAYSER, Philostrati vitæ sophistarum, Heidelberg, 1838) ; Vit. Veri, 9, 1-2. Cf. SCHWENDEMANN, p. 155. L'aoriste ύπώττευσε montre bien que Lucius Verus était déjà mort à ce moment. Pour la date de cette mort, cf. PIR, I, p. 330 ; RE, I, p. 2297 (fin janvier 169) ; RE, III, p. 1853 (après le 1er février) ; SCHWENDEMANN, o. l., p 176 (janvier).

[57] PHILOSTR., II, 1, 31. C'est à tort que CAGNAT-GOYAU placent la mort de Faustine en 175. Cf. RE, I, p. 2314 ; Musée belge, 1912, p. 77, n. 3 ; PIR, 1, p. 78, n° 553 ; VON DOMASZEWSKI, Gesch. der rem. Kaiser, II3, p. 227 ; SCHWENDEMANN, pp. 182 sqq.

[58] RE, I, p. 2298 ; VON DOMASZEWSKI, II3, p. 227 ; SCHWENDEMANN, pp. 99 sq. Les monnaies prouvent qu'en 173 on s'attendait à Rome, à voir revenir Marc-Aurèle (Adventus Augusti. GNECCHI, I medaglioni romani, II, Marcus, 2) après ses victoires sur les Germains et avant la guerre contre les Sarmates. Ce n'est donc pas avant 173 qu'il transporta son quartier général à Sirmium.

[59] Cf. VON DOMASZEWSKI, Neue Heidelberger Jahrbücher, V, 1895, p. 125 ; SCHWENDEMANN, p. 109.

[60] PHILOSTR., II, 1, 30 (p. 172 W.). Cf. ci-dessous, ch. X.

[61] PHILOSTR., II, 1, 30 (p. 172 W.).

[62] PHILOSTR., II, 1, 30 (p. 174 W.).

[63] PHILOSTR., II, 1, 31 (p. 174 W.).

[64] Musée belge, 1912, pp. 69 sqq. On vient de retrouver l'inscription que nous ne connaissions que par un estampage fort médiocre. Cf. N. SVENSSON, BCH, L, 1926, pp. 527 sqq. Le nom d'Hérode, dont nous avions deviné l'identité, ne figurait pas sur l'estampage mais nous est maintenant donné à la l. 32. Aux vv. 30 sq., on peut restituer, selon nous :

Ούδέ τις οίκοφύλαξ λεύτε[τ' ένί μεγάροις]

ού παΐς, ού κούρη λευ[κώλενος, στεΰντο δέ πάντες]

δέγμενοι Ήρώδην.

WILAMOWITZ, Marcellus von Side, pp. 26 sqq., reproduit ce texte sans avoir eu connaissance de l'article de SVENSSON. Sinon, il aurait évité quelques conjectures comme ένθα δύω (v. 11.), au lieu de ένθ' άλίω (il s'agit de la plaine de Thria qui est en bordure de la mer), σ<α>όφρονα (v. 15) ; Όλυμπίω ϊμασι κυδρούς (v. 17) ne donne pas de sens satisfaisant et a le tort de supposer une omission de l'o adscrit, qui n'est gravé nulle part dans l'épigramme. Cf. d'autres restitutions du même, Hermes, LXIV, 1929, pp. 489 sq.

À λευ[κώλενος] que nous avions proposé de restituer pour le sens, il faudrait substituer, pour le mètre, une épithète comme λευ[κόχρως].

[65] M. SVENSSON, l. l., p. 531, croit que ces παΐδας άοιδοπόλους n'étaient pas des chanteurs de profession mais des enfants de bonne famille dirigés par leur παιδονόμος. Si leurs fonctions avaient été provisoires, comme le prétend M. S., on ne nous dirait probablement pas, au vers suivant, qu'ils étaient spécialement attachés au culte de Zeus Olympios. De plus, l'existence du παιδονόμος n'est pas attestée à cette époque à Athènes. Mais on y connaît un διδάσκαλος έφήβων τών άσμάτων Θεοΰ Άδριανοΰ (IG, III, 1128, l. 30). Il s'agit vraisemblablement d'ύμνωδοί, comme ceux qui sont fréquemment cités dans les textes épigraphiques du temps, notamment en Asie, Cf. CHAPOT, La province... d'Asie, p. 402 ; AM, 1907, p. 323, Die hymnoden in Hadrianischer Zeit.

[66] Cf. IG, III, 676, 680.

[67] Sur les άπαντήσεις ou ύπαπαντήσεις, de ce genre, cf. Musée belge, 1912. p. 80 et BCH, l. l., pp. 534 sq. Nous avons supposé (Musée belge, 1912, p. 74) que la statue (IG, III, 165) Άθηνάς δημοκρτίας a été érigée par Hérode à l'occasion de cette réconciliation solennelle du sophiste avec les Athéniens. On a objecté (MÜNSCHER, RE, VIII, p. 1309) que le nom d'Hérode pouvait être celui du sculpteur. Mais, à cette époque, les sculpteurs gravaient souvent leur nom sur leurs statues non sur les bases (Cf. HARTWIG, Röm. Mit., XVI, p. 368 ; GRAINDOR, Athènes sous Auguste, pp. 209 sq.).

[68] PHILOSTR., II, 1, 30 (p. 172 W.).

[69] Approximativement d'avril à juillet 175. Cf. SCHWENDEMANN, pp. 102, 104, 181. A la bibliographie, ajouter HARRER, Studies in the history of the Roman province of Syria, Princeton, 1915, pp. 35 sq.

[70] PHILOSTR., II, 1, 30 (p. 176 W.), cf. nos Marbres et textes, pp. 92 sqq.

[71] AMMIAN., XXI, 16. Il signale tout un paquet de lettres envoyées par Cassius à des complices et qui furent interceptées. Cassius, à l'imitation de l'empereur, s'était empressé de s'adjoindre deux secrétaires, l'un pour la correspondance en latin, l'autre pour la correspondance en grec. CASS. DION, 72, 7, 4. Cf. HIRSCHFELD, Die kaiserl. Verwallungsbeamten 2, p. 321, n. 4,

[72] SIG3, 872 ; Έφ. άρχ., 1885, p. 149, n° 26 ; BCH, XIX, 1895, p. 119 (d'après GIANELLI, Atti Accad. Torino, L, 1914/15, pp. 369 sqq. ; Dizion epigr., II, p. 2093, l'empereur appelé ici Άντωνΐνος serait Antonin et non Marc-Aurèle. Mais cf. nos observations Musée belge, 1922, pp. 189 sq.). Pour les textes littéraires, Cf. VON ROHDEN, RE, I, p. 2301. Cf. aussi SCHWENDEMANN, pp. 186 sqq.

[73] PHILOSTR., II, 2 (p. 182 W.).

[74] PHILOSTR., II, 1, 37 (p. 180 W.).

[75] Le buste est aujourd'hui au Louvre (Catal. sommaire, n° 1164). Il avait été trouvé par Fauvel, en même temps que les deux bustes d'empereurs, dit-on, quoique il n'existe pas de relation écrite sur ce point. Acquis par Choiseul-Gouffier, il passe ensuite dans la collection Pourtalès (PANOFKA, Le cabinet Pourtalès, pl. 37. Cf. VISCONTI-MONGEZ, Iconographie romaine, fol. add., pl. 64, 5, 6) et de là au Louvre. Le buste de L. Verus parait perdu. Celui de Marc-Aurèle figure sous le n° 1161 du Catalogue sommaire. Cf. BERNOUILLI, Grieschische Ikonographie, 1901, II, pp. 207 sq.

Le buste aurait été trouvé à Probalinthos, du moins à l'endroit où l'on suppose que ce dème était situé. Mais la situation exacte de ce dème n'est pas connue et il résulterait des recherches de M. Sotiriadis que l'ancienne Marathon devrait être cherchée à l'endroit où l'on plaçait Probalinthos, c'est-à-dire, près du marais de Brexisa. Cf. Proïnos Telegraphos, 21 oct. 1926 ; Messager d'Athènes, 30 oct. 1926 ; AJA, 1926, p. 507 ; BCH, L, 1926, p. 540.

[76] A. PHILADELPHEUS, BCH, XLIV, 1920, p. 171. Cf. PICARD, La sculpture antique, II, p. 444.

[77] BCH, XLIV, 1920, p. 172. Pour l'hermès d'Hérode, cf. aussi Άρχ. δελτίον, 1919, Παράρτημα, pp. 38 sqq. ; Sup. ep. Gr., II, 52.

[78] BCH, l. l., pp. 175 sq.

[79] La statue d'homme debout, avec un scrinium près du pied gauche, qui se dresse encore dans la niche du corridor ouest de l'odéon ne serait-elle pas celle d'Hérode, comme on l'a parfois supposé (PITTAKIS, Arch. Zeitung, 1858, Anz., p. 199 ; SCHILLBACH, Ueber das Theater des Herodes Attikos, p. 25 ; VON SYBEL, Katalog der Sculptures zu Athen, p. 336, n° 4489 ; TREU, Olympia, III, p. 270, n. 1 ; BERNOULLI, Griechische Monographie, II, p. 209) ? Comme la tête manque, nous ne pouvons rien affirmer. Mais nous considérons l'identification comme peu probable. Au ch. X, à propos de l'odéon, nous dirons que les statues d'Hérode et de sa famille se dressaient très probablement, dans les niches du mur du fond de la scène, où elles voisinaient avec celles des empereurs, comme dans l'exèdre d'Olympie.

Quant à la statue d'Hérode, à Olympie, elle est d'un type tout à fait banal et presque sans intérêt pour son iconographie, la tête étant encore une fois perdue (Olympia, III, p. 273, pl. LXVI, 4. Cf. ci-dessous, ch. X).

[80] PHILOSTR., II, I, 37 (p. 180 W.). On peut ajouter, d'après l'épigramme de Marathon, (v. 20), que ces en souvenir de son père qu'Hérode gratifia les éphèbes de chlamydes blanches.

[81] Musée belge, 1912, p. 70, v. 20 sqq. ; BCH, L, 1926, p. 529. Cf. le commentaire de ces vers Musée belge, l. l., pp. 75 sq. Sur le don des chlamydes, cf. aussi PHILOSTR., II, 1, 8 ; IG, III, 1132 (SIG3, 870 ; NACHMANSON, Histor. att. Inschriften, 82).

[82] PHILOSTR., II, 1, 8 (p. 148 W.). MAASS, Orpheus, p. 40, n. 35 (cf. MÜNSCHER, p. 942) a cru trouver dans un fragment (462, BÜCHELER), du Sesculixes de VARRON, la preuve qu'Hérode n'avait fait que remettre en vigueur un usage déjà ancien : ubi nitidi ephebi veste pulla candidi modeste amicti (cultus) pascunt pectore. Mais il est difficile de tirer argument d'un texte aussi obscur et il y est, en tout cas, clairement question d'un vêtement de couleur sombre (pulla). On observera d'ailleurs que, d'après le texte du décret IG, III, 1132, les éphèbes ne portaient pas les chlamydes blanches en toutes occasions mais seulement les jours où ils escortaient les objets sacrés d'Éleusis à Athènes et d'Athènes à Éleusis (SIG3, 885). Par contre, PHILOSTR., II, 1, 8, semble dire qu'ils s'en revêtirent désormais en toutes circonstances.

[83] VIDAL-LABLACHE, Hérode Atticus, pp. 156 sq. ; BCH, L, 1926, p. 178. Cette erreur repose sur la mention de [Ήρ]ώδου στρατηγοΰντο[ς], dans un fragment de décret (IG, III, 4) que Dittenberger inclinait à placer au IIe siècle, tout en faisant d'ailleurs observer que le nom d'Hérode était fréquent et qu'il n'était pas sûr qu'il s'agit du sophiste. En réalité, ce fragment appartient à un décret (IG, II2, 1051 b) de la fin de la République ou du début de l'Empire (cf. notre Athènes sous Auguste, p. 106). L'Hérode en question ne peut être que le père du stratège Euklès, qui vivait à l'époque de César et sous qui furent commencés les travaux de l'agora romaine.

[84] Le cosmète de l'année est connu par IG, III, 1132.

[85] Archontat de Sextus. C'est la date que nous avons proposée dans notre Chronologie, p. 162, n° 124. Elle a été contestée par KOLBE, AM, XLVI, 1921, pp. 134 sqq. Mais cf. notre réfutation, Album, pp. 6 sqq.

[86] Pour le stratège, cf. PLUTARQUE, Quæst. conv., 9, 1.

[87] Musée belge, 1912, p. 71, v. 23 (= BCH, L, 1926, p. 529).

[88] Musée belge, 1912, p. 76.

[89] Έφ. άρχ., 1893, p. 73, l. 52. L'emploi du datif Ήρώδη montre que ce concours eu lieu pour la première fois non en présence d'Hérode comme le veut LOLLING (Έφ. άρχ., l. l., p. 83) mais en son honneur (MAASS, Orpheus, p. 40, n. 35. Lolling date cet événement de 143 et non de 167, comme le prétend MÜNSCHER, l. l., p. 942. Mais cf. Musée belge, 1922, 201, n. 5). Nous avons essayé (ibid., pp. 201 sqq.) de préciser le sens, obscur et discuté (NEUBAUER, Commentationes epigraphicæ, Berlin, 1869, pp. 67 et 70 ; DUMONT, Essai sur l'éphébie, I, p 302 ; GRASBERGER, Erziehting und Unterricht, III, p. 133 ; LOLLING, l. l., p. 82, n. 3 ; RE, I, p. 838) de l'expression περί άλκής. Le concours comportait en tout cas la lutte et le pancrace. On observera que sa création coïncide à peu près avec la date du retour d'Hérode à Athènes et de l'inauguration du stade. Sans doute n'est-ce pas là une simple coïncidence.

[90] PHILOSTR., II, 1, 37 (p. 180 W.).

[91] WACHSMUTH, Die Staal Athen fin Altertum, 1, p. 240 ; MÜNSCHER, p. 945 ; JUDEICH, Topographie der Stadt Athen, p. 370.

[92] SKIAS, Νέος Έλληνομνήμων, II, 1905, p. 260 : stèle haute de 0 m. 95 sur 0 m. 49 de large et 0 m. 41 d'épaisseur.

[93] Ce fut sans doute vers l'époque de Trajan-Dèce : un aureus de cet empereur a été trouvé dans la bouche du cadavre inhumé dans le sarcophage. Cet aureus, peu usé, n'avait pas dû être longtemps en circulation.

[94] JUDEICH, p. 370.

[95] PHILOSTR., II, 1, 37 (p. 182 W.).

[96] PHILOSTR., II, 10, 3 (p. 226 W.).