HÉRODE ATTICUS ET SA FAMILLE

 

CHAPITRE VI. — RÉGILLA.

 

 

C'est pendant son second séjour à Rome, entre 139 et 146, qu'Hérode dut épouser Régilla[1]. Fut-ce avant ou après son consulat[2], c'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer : nous ne connaissons en effet rien de la vie de Régilla avant l'époque ou elle vint s'installer en Grèce avec son mari. Ses deux enfants encore survivants au moment de sa mort, survenue à l'extrême fin du règne d'Antonin, sont bien qualifiés de νηπιάχω[3] : mais en résulte-t-il que son mariage ne puisse être antérieur à 143, même si cette épithète doit être prise au pied de la lettre ?

Deux faits nouveaux nous invitent à placer le mariage d'Hérode le plus haut possible. Sa fille Athénaïs nous le savons aujourd'hui, se maria, eut un fils, peut-être même deux et mourut avant sa mère, c'est-à-dire en 160 au plus tard. Elle semble avoir eu une dizaine d'années lorsqu'on lui érigea sa statue dans l'exèdre d'Olympie qui date semble-t-il, de 153. Ce n'était pas l'aînée. Avant elle, Régilla avait eu Elpiniké et Bradua, à en juger d'après les proportions de leurs statues à Olympie[4], et même peut-être le fils dont l'existence, jusqu'ici inconnue, nous a été révélée par une nouvelle lecture du palimpseste de Fronton. D'après cette lecture, Hérode, étant encore à Rome, perdit un fils qui mourut le jour même ou le lendemain de sa naissance, en 143/4, au plus tard[5].

Admettons donc que Régilla dut se marier vers 140 plutôt que vers 144, à un moment où Hérode, qui avait déjà passé par la préture, pouvait prétendre au consulat, au moment aussi où la mort d'Atticus venait de le mettre en possession de la plus grosse fortune du temps : il n'en fallait pas plus pour faire d'Hérode un gendre enviable même pour les familles de la plus haute aristocratie romaine. Régilla n'est que le nom abrégé d'Appia Annia Régilla Atilia Caucidia Tertulla[6]. Par sa longueur, par les gentilices qui y figurent, ce nom trahit la noble lignée de celle qui le porte. Une audacieuse généalogie l'autorisait même, comme Jules César, à se proclamer la descendante d'Aphrodite et d'Anchise par Énée[7]. Sans remonter jusqu'aux dieux, elle pouvait s'enorgueillir d'être fille, petite-fille et arrière-petite-fille de consuls[8].

Par son père, Appius Annius Gallus, elle était apparentée l'impératrice Annia Galéria Faustina[9], dont le neveu M. Annius Verus devint, par adoption, le fils de l'empereur et son successeur Marc-Aurèle[10]. Et c'est encore une jeune fille de cette même famille, Annia Galéria Faustina[11], qu'épousera Marc-Aurèle.

C'est assez dire que le mariage d'Hérode lui apportait relations les plus précieuses, sans compter, très probablement, de quoi arrondir sensiblement une fortune déjà énorme. Parmi les biens qui constituaient la dot de Régilla, figurait la propriété située au troisième mille, à gauche, de la voie Appienne : c'est là que son mari lui élèvera un monument après sa mort[12]. Peut-être faut-il joindre des terres à Canusium, en Apulie[13].

On croirait volontiers que Régilla dut quitter Rome, avec son mari, vers l'été de 143, de manière à pouvoir assister à l'inauguration du stade où Hérode avait promis de recevoir lui-même les Athéniens[14]. On devine qu'une aussi grande dame, qui unissait le prestige de la fortune à celui de la race, dut recevoir, à Athènes, un accueil digne de la générosité de son fastueux époux, malgré le souvenir encore cuisant de l'affaire du testament d'Atticus.

Quelques rares textes épigraphiques nous ont conservé le souvenir des honneurs accordés à Régilla pendant son séjour en Grèce.

Son mari lui avait érigé une statue dans le sanctuaire d'Éleusis, on ne sait à quelle occasion : on supposerait volontiers que c'est en souvenir de son initiation. Hérode y porte, en effet, par exception, le titre d'exégète, c'est-à-dire d'exégète des Mystères[15].

Les hommes d'affaire du Pirée, Athéniens et étrangers, se chargèrent d'ériger à Régilla une statue qui lui avait été décernée par l'Aréopage. Cette statue se dressait sans doute à l'ouest du stade, sur la colline de l'Ardettos, près du temple de Tychè qu'Hérode avait fait édifier à cet endroit. La dédicace de la statue nous apprend en effet qu'elle fut élevée lorsque Régilla devint prêtresse, la première de toutes, de la Tychè de la cité[16]. Cette Tychè, comme l'a vu Wachsmuth, est, à n'en pas douter, celle dont le sophiste avait fait construire le temple[17]. Étant donné l'emplacement de cet édifice, on ne se tromperait sans doute pas en supposant qu'il est contemporain, ainsi que la statue chryséléphantine de la déesse, de la construction du stade, ou qu'il n'est postérieur que de peu.

Une des prêtrises les plus recherchées, dans le monde grec, fut confiée à Régilla : c'était celle de Déméter Chamynè, à Olympie : elle donnait à la prêtresse le droit d'assister aux jeux olympiques, faveur refusée à toutes les autres femmes grecques : il leur était interdit sous peine de mort, de franchir l'Alphée et de pénétrer dans l'enceinte sacrée pendant les fêtes. A la prêtresse de Déméter était réservée, dans le stade, une place d'honneur, un autel de marbre placé en face de la tribune des hellanodikai, des membres jury des concours[18].

Cette faveur, Régilla ne la devait pas seulement à la fortune de son mari. C'est à Olympie que les savants, les écrivains, les artistes, les orateurs venaient chercher la consécration de leur renommée, en récitant leurs œuvres ou en les exposant devant les Grecs accourus de tous les points du monde hellénique. Régilla dut accompagner Hérode à Olympie lorsque, suivant une tradition déjà longue puisqu'elle remontait aux premiers sophistes comme Gorgias et Hippias, il y vint donner des. conférences, fort appréciées, nous assure Philostrate : à Olympie, Hérode avait été acclamé et appelé l'un des Dix orateurs[19].

Nous ne savons si c'est à la même occasion qu'on lui cria : Tu ressembles à Démosthène et qu'il aurait répliqué : Plût au ciel que ce fût au (Démosthène) phrygien, c'est-à-dire à Polémon[20]. En tout cas, nous connaissons au moins l'un des thèmes traités par Hérode à Olympie : c'était l'éloge de la juste mesure, thème souvent développé mais que le sophiste avait, semble-t-il, rajeuni par d'ingénieux rapprochements, avec les fleuves notamment, qui doivent se contenter de couler entre leurs rives[21].

Hérode enchanté de l'accueil qu'il avait reçu à Olympie et de l'honneur fait à sa femme[22], voulut en récompenser les Éléens et les Grecs d'une manière digne de sa fortune et de sa munificence. Il les gratifia de ce qu'ils pouvaient souhaiter de mieux dans un site comme celui d'Olympie où la sécheresse devenait une véritable calamité pendant les fêtes : elles avaient lieu pendant la période la plus chaude de l'année et les foules qu'elles attiraient mouraient soif nous assure Lucien[23].

Renouvelant ce qu'il avait fait pour Alexandria Troas et Canusium[24], Hérode capta les eaux d'un affluent de l'Alphée, la rivière de Miraka, et l'amena par un aqueduc jusqu'au pied du mont Kronos, qui domine le sanctuaire d'Olympie. L'eau s'écoulait dans le réservoir d'une exèdre monumentale ornée de statues, qui se dressait entre le temple d'Héra et les Trésors. Nous la décrirons dans le chapitre réservé aux édifices construits par Hérode car c'est évidemment à lui qu'il faut en rapporter l'honneur, bien que la dédicace soit au nom de Régilla[25].

Chose incroyable, le bienfaiteur d'Olympie trouva au moins un détracteur en la personne de Pérégrinus-Proteus. Ce philosophe cynique qui poursuivit Hérode à Athènes aussi de ses injures et de ses malédictions en une langue demi-barbare, alla jusqu'à lui reprocher d'amollir les Grecs : il aurait mieux fait, selon lui, de les laisser continuer à avoir soif. C'était dépasser la mesure : les Grecs se montrèrent moins patients qu'Hérode qui ne s'émouvait guère des injures du philosophe, et Pérégrinus dut se réfugier dans le temple de Zeus pour n'être point lapidé. Aux jeux olympiques suivants, il se rétracta et prononça même l'éloge de celui qui avait amené l'eau, en même temps qu'il fit l'apologie de sa fuite. Quatre ans après, ce même Pérégrinus, répétant, à Olympie, le théâtral suicide de Kalanos à Suse, devant Alexandre, et de Zarmaros, à Athènes, en présence d'Auguste, monta vivant sur le bûcher qui le consuma[26].

Si nous avons insisté sur ces points, c'est qu'ils nous permettent de déterminer avec assez de certitude la chronologie des rapports d'Hérode et de sa femme avec Olympie.

Mais avant d'entrer dans le détail, une discussion préalable impose : en quelle année de l'olympiade tombaient alors les jeux olympiques ? Les avis sont partagés : les uns pensent que, depuis 67, année où Néron[27] ordonna de célébrer les quatre grandes fêtes panhelléniques, les jeux olympiques étaient en retard de deux ans sur le cycle traditionnel[28]. Les autres, dont nous sommes, estiment que la perturbation apportée par Néron ne continua pas longtemps ses effets après la mort de cet empereur. Ainsi, il semble bien résulter de la Vie d'Apollonios de Tyane par Philostrate[29], qu'il s'est écoulé deux ans au moins entre la mort de Domitien (18 septembre 96) et la 218e olympiade : celle-ci commencerait donc en 93 et non en 95, comme ce devrait être le cas si on avait continué à suivre le cycle créé par la volonté de Néron. De plus, d'après saint Jérôme, la mort de Pérégrinus, contemporaine d'une année de jeux olympiques date de 2181, c'est-à-dire de 165/6 et non de 167/8 comme on s'y attendrait dans l'hypothèse de Nissen et de ceux qui admettent qu'on suivait toujours le cycle nouveau.

D'après le récit de Lucien, l'éloge d'Hérode par Pérégrinus est de l'olympiade qui précède la mort du philosophe cynique (161/2) et il faut placer aux jeux immédiatement antérieurs (157/8) les critiques de Pérégrinus, d'où il résulte que l'exèdre était déjà terminée cette année-là. Donc, elle aurait été achevée en 157/8 au plus tard et promise dès 153/4, sillon plus tôt. Ces déductions sont confirmées par le fait que, lors de la 234e olympiade (157/8), ce n'est plus Régilla mais Antonia Bæbia, fille de Saimippos, qui est prêtresse de Déméter Chamynè[30].

Nous croyons toutefois que l'achèvement de l'exèdre ne peut être postérieur à l'année 153/4 : à en juger d'après sa statue, la fille d'Hérode, Athénaïs, n'avait pas beaucoup plus de 10 ans au moment où l'exèdre fut terminée[31]. Or, nous le dirons, elle naquit près 140 et elle mourut avant 160/1, alors qu'elle était déjà mariée et avait eu au moins un fils. Il est donc impossible de placer l'achèvement du monument en 157/8 ce qui obligerait de supposer qu'Athénaïs n'était encore qu'une fillette d'une dizaine d'années, vers l'époque où elle dut se marier[32].

Le sénat de Corinthe avait érigé une statue à Régilla près d'une fontaine, comme le dit la dédicace. Cette fontaine c'était la Peirènè inférieure que le mari de Régilla avait probablement ornée d'un revêtement de marbre[33]. En tout cas, il était le bienfaiteur de Corinthe où il possédait des propriétés[34] : dans cette cité, il avait édifié un odéon[35]. Même, il aurait voulu percer l'isthme de Corinthe[36]. Nous reviendrons plus loin sur ces travaux et sur les statues dont il orna le sanctuaire de l'isthme[37].

On a voulu retrouver un souvenir de l'époque où Hérode vivait heureux au milieu de sa famille, dans la porte monumentale qui s'élevait à Marathon, à l'entrée d'une de ses propriétés[38]. L'inscription nous apprend, il est vrai, que c'était la porte de la Concorde éternelle. Mais cette interprétation ne peut s'appuyer sur aucun texte tandis que nous en proposerons plus loin une autre qui peut s'autoriser de documents épigraphiques. D'ailleurs, il est fort invraisemblable que le sophiste ait éprouvé le besoin d'affirmer que la concorde régnait dans sa famille, d'autant moins qu'il n'est pas sûr que la bonne entente fût toujours parfaite entre Hérode et sa femme.

Si des échos de cette mésentente n'étaient pas parvenus jusqu'à Rome, le frère de Régilla, Appius Annius Atilius Bradua aurait-il songé à traduire Hérode en justice et à l'accuser du meurtre de sa sœur, morte dans des circonstances tragiques rapportées par Philostrate ?[39]

D'après l'acte d'accusation, Hérode aurait, pour une cause futile, donné l'ordre à son affranchi Alkimédon, de frapper Régilla, alors en ceinte de huit mois. Des coups qu'elle aurait reçus, elle avorta et en mourut.

L'affaire fut portée devant le Sénat, juridiction tout indiquée pour un procès dont les parties appartenaient toutes deux à cette assemblée. Mais elle aurait pu être soumise à l'empereur : ce n'est pas avant Septime-Sévère que les sénateurs auront le droit d'être jugés au criminel par leurs pairs.

Bradua, au dire de Philostrate, n'apporta aucune preuve à l'appui de son accusation. Il plaida en grand seigneur plus fier de ses titres qu'animé du désir de faire triompher sa cause. Ce fut pour lui une occasion moins de défendre sa sœur que de faire son propre éloge.

Hérode eut facilement raison d'un adversaire aussi maladroit. Sans doute l'interrompit-il plus d'une fois : d'après Philostrate, comme Bradua vantait l'illustration de sa famille, Hérode lui répliqua : Ta noblesse, tu la portes à la cheville, faisant allusion au croissant ou au disque d'ivoire qui ornait la chaussure des sénateurs patriciens[40].

A un autre endroit de sa plaidoirie, Bradua se faisait gloire d'avoir été le bienfaiteur d'une cité italique. Hérode ne manqua pas de tirer parti de cette maladresse : Je pourrais, lui rétorqua-t-il, me vanter de beaucoup de bienfaits du même genre, quel que fût l'endroit où l'on me jugerait[41].

Ce qui le servit dans sa défense, après Philostrate, c'est d'abord qu'il n'avait pas donné l'ordre de frapper Régilla ; c'est ensuite, qu'il avait éprouvé de sa mort, une douleur incroyable, dont il avait donné des preuves multiples et éclatantes. Évidemment, il ne manquait pas de malveillants pour prétendre qu'il avait joué la comédie : Mais la vérité triompha, écrit son biographe. Il n'aurait pas, en mémoire de sa femme, édifié un tel théâtre (l'odéon), il n'aurait pas refusé un second consulat à cause de sa mort, s'il n'avait été innocent du crime ; il n'aurait pas consacré ses bijoux dans le sanctuaire d'Éleusis, s'il s'était souillé d'un meurtre. Car c'était exciter les déesses à venger ce meurtre plutôt qu'à en accorder le pardon[42]. En outre, en signe de deuil, il fit couvrir de tentures et de couleurs sombres ou de marbre noir de Lesbos les peintures de sa maison. Il allait si loin dans l'excès de sa douleur que le philosophe Lucius dut le rappeler à la juste mesure en invoquant notamment le discours que le sophiste avait prononcé sur ce thème à Olympie. Mais Hérode ne se consolait toujours pas. Comme Lucius s'éloignait, il vit dans la maison, des esclaves qui nettoyaient des radis à la fontaine. Il leur demanda pour qui ils préparaient ce repas. Ils lui répondirent : Pour Hérode. Alors Lucius leur dit : Hérode fait injure à Régilla en mangeant des radis blancs dans une maison en deuil. On rapporta la plaisanterie à Hérode : il fit enlever le noir de sa maison pour ne plus donner occasion aux gens sérieux de se moquer de lui. Et c'est ainsi, conclut Philostrate, se consola de la mort de Régilla[43].

Hérode fut donc acquitté le jugement du Sénat était sans appel. Non seulement l'empereur n'y fit pas opposition, comme il en aurait eu le droit[44], mais il alla même jusqu'à conférer le patriciat au fils aîné d'Hérode pour le consoler de la mort de sa femme[45]. C'était en même temps marquer sa conviction de l'innocence d'Hérode. Il n'en reste pas moins que, si on avait pu l'accuser, c'est qu'on connaissait son caractère irascible et violent qui s'était révélé auparavant déjà et lui avait valu son premier procès. Alkimédon, son affranchi, dut également être acquitté : s'il avait été reconnu coupable, et surtout s'il avait frappé Régilla sans en avoir reçu l'ordre, nul doute qu'il eût été exécuté ou tout au moins exilé. Or, nous le retrouverons encore auprès de son patron tout à la fin de la vie d'Hérode, lorsque celui-ci sera une troisième fois mis en accusation et appelé à Sirmium pour se défendre[46]. Si on avait pu accuser cet Alkimédon d'avoir frappé Régilla, c'est qu'on devait savoir qu'il jouissait d'un grand crédit auprès de son maître et qu'il avait beaucoup, peut-être trop, à dire dans la maison, comme c'était souvent le cas dans les familles anciennes[47], où les esclaves prenaient un grand ascendant. Toutefois, l'envie n'était peut-être pas étrangère aux propos qui couraient sur son compte. Il est vrai qu'il prêtait à la médisance par ses complaisances excessives et sans doute intéressées, du moins à une époque postérieure d'une douzaine d'années environ, lorsque ses filles, d'une remarquable beauté, servaient d'échansons au vieil Hérode, qui les embrassait en le appelant ses filles[48].

A propos du procès, Philostrate qualifie le frère de Régilla de εύδοκιμώτατος ών έν ύπάτοις[49], de très illustre parmi les consuls. L'affaire dut donc être plaidée soit sous le consulat de Bradua, en 160, soit après cette année, s'il faut, comme c'est possible avec un écrivain comme Philostrate, prendre ύπάτοις dans le sens de ύπατικοίς, de consulaires. Mais on ne saurait descendre plus bas que le 7 mars 161, jour de la mort d'Antonin le Pieux : cet empereur, nous l'avons dit, octroya le patricial au fils d'Hérode pour consoler le père de la mort de Régilla.

Il n'a dû le faire qu'après le procès. Même s'il était convaincu de l'innocence d'Hérode, il ne pouvait, sans avoir l'air d'exercer une pression sur les juges, accorder pareille faveur à un accusé. Selon toutes probabilités, l'affaire vint donc devant le Sénat en 160, sous le consulat de Bradua et moins probablement tout au début de 161.

La mort de Régilla dut survenir peu avant, soit en 159 soit en 160[50]. C'est l'année de sa mort qu'Hérode dut décider d'élever à sa mémoire le théâtre mentionné par Philostrate, c'est-à-dire l'odéon dont les ruines imposantes se dressent encore au pied de l'Acropole, du côté sud[51]. D'après Philostrate, Hérode tira en effet argument de la construction de cet édifice, pour montrer quelle douleur il avait éprouvée de la mort de Régilla[52]. L'odéon n'était pas achevé et devait même être peu avancé au moment où Pausanias écrivit son deuxième livre, les Korinthiaka c'est-à-dire après 160 ou 165 : il n'en fait pas mention comme on s'y attendrait à propos de l'autre odéon construit par Hérode à Corinthe[53], alors qu'il le cite comme le plus somptueux et le plus vaste des édifices du genre[54], lorsqu'il décrit l'odéon de Patras, dans son septième livre, qui n'est pas antérieur à 174 ni probablement postérieur[55].

A l'odéon, Philostrate aurait pu ajouter deux autres monuments élevés par Hérode à la mémoire de sa femme, d'abord, un tombeau en forme de temple ; il avait été édifié à Athènes ou en Attique selon l'une des épigrammes triopéennes[56]. En réalité, il devait avoir été construit à Képhissia ou dans les environs : Hérode possédait une villa dans ce dème[57] et c'est près de Képhissia qu'a été trouvé un fragment de l'épitaphe métrique de Régilla[58]. Dans cette épitaphe, Hérode prenait le soleil, le ciel, la terre à témoins de sa douleur. Il y est également question d'arbres, sans doute ceux qui ombrageaient le tombeau, et des sources qui devaient murmurer tout autour. C'est aussi entre Képhissia et Amarousi qu'on a découvert, dans les ruines d'un temple, le texte où Régilla est qualifiée de lumière de la maison et qui est suivi des mêmes imprécations qui sont gravées sur les hermès des favoris d'Hérode, Polydeukion, Achille et Memnon[59]. Peut-être ce prétendu temple n'est-il autre que le tombeau lui-même de Régilla, qui affectait précisément cette forme[60].

Le second monument omis par Philostrate est le temple commémoratif consacré en même temps aux déesses éleusiniennes, à Athéna et à Némésis[61], dans la propriété que possédait Régilla près de la voie Appienne[62]. Hérode lui donna le nom de Triopion tiré de celui du sanctuaire de Déméter assis sur le promontoire du Triopion, voisin de Cnide. Nous reviendrons plus loin sur ce temple, lorsque nous traiterons des édifices construits par le sophiste.

Nous possédons encore une série d'inscriptions qui en proviennent. L'une d'elle, perdue depuis le XVIIe siècle, n'est plus connue que par une copie[63] : on en a parfois suspecté l'authenticité ; elle n'est plus discutée aujourd'hui Hérode y rappelle qu'il a élevé un cénotaphe, à l'endroit où se dressait l'inscription, le corps de sa femme reposant dans l'Hellade, la patrie de son mari. Il ajoute que le Sénat, sur la proposition d'Antonin, avait accordé le patriciat à son fils.

C'est à tort que Hiller von Gaertringen[64] prétend que le texte est incomplet par en haut, que le début était gravé sur une autre pierre, aujourd'hui perdue et que le document a été rédigé après la mort d'Hérode, par un rhéteur qui le fit inscrire sur le monument de Régilla. Son opinion est basée sur le fait que la première phrase Ήρώδης μνημεΐον καί τοΰτο εΐναι τής αύτοΰ συμφοράς ne comporte pas de verbe, sur le καί qui ferait allusion à un monument, l'odéon, dont il aurait été question dans la partie prétendument perdue du texte ; enfin, sur la manière dont il y est parlé d'Hérode qui a l'air de n'être pas l'auteur de la dédicace.

Mais c'est mal connaître les habitudes du sophiste, la concision voulue de son style imitée de celle de Kritias[65]. La même ellipse, la même manière de commencer par son propre nom se retrouvent dans d'autres textes qui émanent sûrement d'Hérode[66]. Quant au καί, il renvoie non à l'odéon mais au tombeau de Régilla : c'est ce qu'on doit déduire des mots έστιν δέ ού τάφος qui suivent. Il faut donc s'en tenir à l'opinion de Dittenberger, qui avait très bien vu qu'il s'agit d'un texte rédigé par Hérode lui-même.

A l'entrée du Triopion se dressaient deux colonnes portant chacune sur la face et le revers, deux inscriptions identiques et archaïsantes[67], suivant un usage fort en faveur à cette époque mais dont rien n'autorise à attribuer la paternité à un archaïsant comme Hérode : il existait, semble-t-ii, déjà avant lui. D'ailleurs, le sophiste n'emploie ici-que par exception les caractères des textes épigraphiques archaïques[68].

L'une de ces inscriptions est une défense de rien enlever dans le Triopion qui est au troisième mille de la voie Appienne, dans le domaine d'Hérode. L'inscription du revers consacre les deux colonnes à Déméter, à Korè et aux divinités chthoniennes. C'était sans doute aussi à l'entrée du Triopion que se dressait la colonne portant, avec la statue de Régilla, le texte suivant Annia Régilla, femme d'Hérode, lumière de la maison, à qui ce domaine appartint[69].

C'est sans raison plausible qu'on a douté de l'authenticité de cette inscription, à cause du faux archaïsme d'une forme comme τινος au lieu de ήστινος[70]. La pierre, transformée en milliaire vers 311, fut retrouvée en 1698, encastrée dans un mur, sur l'Esquilin et transportée au Musée du Capitole. Son état-civil bien établi suffirait en garantir l'authenticité.

Mais les documents qui nous renseignent le mieux sur le Triopion sont deux épigrammes, l'une de 59, l'autre de 39 vers ; aujourd'hui au Musée du Louvre[71]. Elles célèbrent, en hexamètres et dans la langue de l'épopée, la gloire de la famille d'Hérode, et lancent des imprécations contre les sacrilèges qui oseraient porter atteinte aux monuments du Triopion.

La première de ces épigrammes est précédée du nom du poète, Marcellus la seconde est anonyme mais doit être du même auteur, à en juger d'après le mètre et le style. Depuis Visconti, on identifie ce Marcellus avec son homonyme de Sidé, auteur d'un περί ίχνύων, identification plausible sans être absolument certaine[72].

Dans ses vers, Marcellus vante les origines lointaines de Régilla et d'Hérode, déplore la mort de deux de leurs enfants et exalte la haute distinction accordée par Antonin au fils aîné du sophiste.

Il nous apprend aussi que, dans l'édifice construit par Hérode, édifice que l'on identifie généralement avec l'église actuelle de Saint-Urbain[73], se dressait la statue de Régilla, en même temps que celles de Δηώ τε νέη Δηώ τε παλαιή, de l'ancienne Déméter et de la nouvelle, c'est-à-dire de Faustine, femme d'Antonin le Pieux[74].

Tandis que Faustine était divinisée en Cérès, comme elle l'est sur les monnaies du temps, Régilla était simplement assimilée aux héroïnes, suivant un usage constant en Grèce pour les défunts. Mais en plaçant sa statue à côté de celles de Déméter et de Korè, Hérode cherchait, semble-t-il, à l'élever aussi près que possible des honneurs de l'apothéose, réservés à la famille impériale, de même qu'il rivalisait, par ses constructions multiples, avec des empereurs comme Hadrien. C'est pour cela aussi qu'il avait fait édifier, à sa femme, en Attique, un tombeau en forme de temple[75]. Certes, ce n'était pas là une innovation : l'hérôon-temple était fréquent dans l'antiquité, surtout pour les personnages importants[76]. Mais c'était encore une façon, sinon de diviniser le mort, du moins de marquer qu'il s'élevait au-dessus des simples mortels. Toutefois, comme les ambitions d'Hérode auraient pu porter ombrage à la famille impériale ou aux contemporains, le poète Marcellus a pris soin d'ajouter, dans son épigramme, que Régilla n'est pas semblable aux dieux et que ce n'est pas un temple qu'on lui a consacré[77].

La seconde épigramme nous apprend qu'Athéna et Némésis de Rhamnonte avaient, elles aussi, leurs statues dans le Triopion[78]. De même qu'elles sont séparées de Déméter, de Korê et de Faustine, dans les poèmes de Marcellus, de même elles devaient avoir leur temple distinct dans le Triopion. En tout cas, les deux déesses étaient spécialement chargées de veiller sur le Triopion et de punir les sacrilèges qui porteraient atteinte à l'inviolabilité du sanctuaire, malgré les pressantes objurgations du poète. De plus, Athéna, nous assure le poète, saura récompenser ceux qui respecteront le Triopion : ainsi fit-elle jadis pour le roi Érichthonios qui mérita d'être associé au culte qu'elle reçoit à Athènes, sur l'Acropole[79]. La fin de l'épigramme nous donne aussi la vraie raison du choix du nom de Triopion. Ce n'est pas, comme on l'a prétendu, parce que Régilla avait été prêtresse de Déméter[80]. Cette déesse avait bien son temple sur le Τρίοπιον άκροτήριον voisin de Cnide. Mais pourquoi Hérode n'avait-il pas préféré un nom en rapport avec celui du sacerdoce dont Régilla avait été revêtue à Olympie ou avec le sanctuaire d'Éleusis auquel son appartenance au γένος de Kèrykès le rattachait étroitement ?

La vraie raison du choix de ce nom c'est que le héros thessalien Triopas passait pour avoir ravagé le temple de Déméter et en avoir été puni[81]. Appliqué au sanctuaire de la voie Appienne, son nom est une menace dirigée contre ceux qui seraient tentés d'imiter sa conduite sacrilège.

Il n'est pas nécessaire de supposer que c'est Théagène de Cnide qui a fait connaître à. son disciple Hérode le Triopion de Carie[82]. Même si le sophiste n'avait pas résidé en Asie, lecteur assidu des œuvres de la littérature grecque, il ne pouvait ignorer des poèmes comme ceux de Callimaque[83], qui lui en auraient révélé l'existence, si tant est qu'un membre d'une des grandes familles sacerdotales éleusiniennes pût ignorer un épisode aussi important de la légende de Déméter. Hérode pouvait aussi l'avoir connu par Kritias, qu'il avait remis à la mode : la légende est d'origine thessalienne et Kritias avait écrit une Πολιτεία Θετταλών[84].

N'insistons pas davantage sur ces épigrammes d'où nous avons eu l'occasion de tirer déjà de nombreux renseignements sur Hérode et sa famille. Nous y reviendrons d'ailleurs lorsqu'il s'agira d'étudier l'ensemble des monuments élevés par le richissime athénien.

Malheureusement, ces épigrammes, pas plus que les autres textes relatifs à Régilla, ne permettent de se faire une idée de son caractère, de sa personnalité.

Malgré son immense fortune, elle ne dut pas toujours connaître  le bonheur auprès du despote irascible que fut son époux : sa fin tragique permet de le supposer. Hérode n'en fut sans doute pas responsable puisque la justice du temps, mieux informée que nous, l'acquitta. Mais le fait même qu'il ait pu en être accusé n'autorise pas à croire qu'il ait toujours été pour sa femme ce qu'elle était en droit d'attendre d'un homme de sa naissance, de son éducation, de sa haute culture. L'excès même de sa douleur a tout l'air d'un remords.

Si les inscriptions triopéennes ne nous parlent guère que de la noblesse de Régilla et de sa famille, alors qu'on attendrait une sorte d'éloge funèbre de la défunte, c'est probablement qu'il n'y avait rien d'autre à en dire et que Régilla se contenta d'être une femme effacée mais vertueuse, comme l'affirme un texte cité plus haut. La destinée ne l'avait pas épargnée de son vivant quatre de ses enfants l'avaient précédée dans la mort et le seul qui survivra ne lui fera guère honneur. Et il n'est pas sûr que nous conservions un portrait de la noble romaine à qui tant de statues furent érigées[85].

 

 

 



[1] Sur Régilla, cf. PIR, I, p. 179, n° 557 ; RE, I, p. 2315, n° 125 ; MÜNSCHER, pp. 929 et 936 sqq. ; SCHULTESS, pp. 11 sq., 17, 20 ; SIG3, 856, 859.

[2] DITTENBERGER, Inschr. von Olympia, p. 618 et SIG3, 856, n. 2 ; MÜNSCHER, p. 929, placent cet événement avant le consulat tandis que SCHULTESS, p. 12, croit plutôt que c'est aux hautes relations qu'Hérode s'était créées par son mariage qu'il dut d'arriver au consulat.

[3] IGR, I, 194, I. 17. SCHULTESS, p. 28, n. 27, s'attribue à tort le mérite d'avoir corrigé ici άγνώτε en άγνώ τε.

[4] Pour tous ces détails, cf. le ch. VII. Pour la statue de Bradua, qu'on avait prise pour celle de son frère, cf. le ch. X.

[5] FRONT., ad M. Cæs., I, 6, p, 17 (NABER) au lieu de Horatius cum  Pollione mihi emortuus est, il faut lire (HAULER, Wiener Studien, XXIX, 1907, p. 328), comme l'avait déjà vu STUDEMUND (Epist. ad Klussmannum, p. XIX) : Herodi filius natus.... | emortuus est. Comme l'emploi du verbe emori, à propos de la mort d'un enfant décédé sûrement en bas âge, serait tout à fait insolite, Hauler propose de restituer < pridi > e et mieux < hodi> e, qui comble plus exactement la lacune. Il va de soi que pridie ou hodie ne peuvent se rattacher qu'à natus qui serait inutile si ces adverbes portaient sur mortuus est. Il s'agit bien d'un fils mort peu après sa naissance.

Dans la même lettre, Marc-Aurèle prie Fronton d'envoyer quelques mots (lire pauculorum au lieu de paucorum, selon H.) de condoléances à Hérode. Il parait évident maintenant que la lettre grecque de FRONTON, 3, p. 243 (NABER) est précisément ce billet de condoléances et qu'il n'a pas été écrit, comme avait conjecturé Niebuhr, à l'occasion de la mort de Régilla.

La lettre de Marc-Aurèle, I, 6, p. 17 est de 143/4, au plus tard : elle est en effet antérieure à I, 8, qui a été écrite au moment où le futur empereur avait 2 ans.

[6] Pour le nom complet, cf. SIG3, 857 ; Έφ. άρχ., 1885, p. 152, n° 28.

[7] IGR, I, 194, 5 = IG, XIV, 1389 (WILLAMOWITZ, Marcellus, p. 9).

[8] Pour son père, consul vers le début du règne d'Antonin, cf. RE, I, p. 2278, n° 88 ; PIR, I, p. 66, n° 493. — Son grand-père fut probablement Appius Annius Trébonius Gallus, consul en 108 (RE, 1, p. 2268, n° 49 ; PIR, I, p. 70, n° 531), et son arrière-grand-père, Appius Annius Gallus, consul suffect entre 64 et 68 (PIR, I, p. 66, n° 492). — Le grand-père maternel de Régilla, M. Appius (Atilius ?) Bradua fut aussi consul suffect, sous Trajan (PIR, I, p. 116, à 762).

[9] RE, I, p. 2312, n° 120 ; PIR, I, p. 76, n° 552.

[10] RE, I, p. 2279, n° 94 ; PIR, I, p. 71, n° 537.

[11] RE, I, p. 2313, n° 121 ; PIR, I, p. 77, n° 553. Cf. le stemma de la famille, PIR, I, p. 73 ; RE, I, p. 2290.

[12] IGR, I, 193 = IG, XIV, 1391 ; CIL, VI, 1342.

[13] On remarquera que Fronton fut consul suffect du premier juillet au 31 août, peut-être en remplacement d'Hérode.

[14] PHILOSTR., II, 1, 7 (p. 146 W.).

[15] Έφ. άρχ., 1885, p. 152, n° 28 = SIG3, 857.

[16] KOEHLER, AM, VIII, 1883, p. 287 ; SKIAS, Νέος Έλληνομνήμων, 1905, p. 5P ; SIG3, 856. Cf. PHILOSTR., II, 1, 8 (p. 146 W.).

[17] WACHSMUTH, AM, IX, 1884, p. 95 : cela résulte du fait que la première prêtresse est la femme du fondateur du temple de Τύχη ; d'autre part, il est invraisemblable que, du temps d'Hérode, deux temples aient été édifiés en honneur de la même déesse. Cf. aussi JUDEICH, Topographie von Athen, pp. 8, 370.

[18] PAUSANIAS, V, 6, 5 ; 13, 5 ; VI, 20, 9 ; Inschr. V. Olymp., V, p. 619, n° 610. Cf. SCHULTESS, p, 17, n. 42 ; MÜNSCHER, p. 933. Pour Déméter Chamynè, cf. E. N. GARDINER, Olympia, Oxford, 1925, p. 75 sq. ; CH. PICARD, Journ. des Savants, 1927, p. 167 ; VALLOIS, REG, XXVIII, 1926, pp. 306 sqq.

[19] PHILOSTR., II, 1, 35, (p. 178 W.). Cf. SCHULTESS, p. 16 ; MÜNSCHER, p. 933.

[20] PHILOSTR., I, 25, 17 (p. 124 W.).

[21] PHILOSTR., II, 1, 20 (p. 160 W.).

[22] C'est à tort que E. N. GARDINER, Olympia, Oxford, 1925, soutient qu'il est tout aussi vraisemblable que les Éléens aient nominé Régilla prêtresse de Déméter, en récompense de la construction de l'exèdre. S'il en était bien ainsi, on ne comprendrait pas : 1°) pourquoi le titre de prêtresse figure déjà dans la dédicace du monument et 2°) surtout pourquoi c'est Régilla qui dédie l'exèdre et non son mari.

[23] LUC., Peregr., 19.

[24] PHILOSTR., II, 1, 9 (p. 148 W.). ; LUC., Peregr., 19-20. Cf. Olympia, Ergebnisse, II, pp. 134 sqq., pl. LXXXIII sq. ; SCHULTESS, pp. 17 sq. ; MÜNSCHER, pp. 933 sqq. ; FOUGÈRES, Grèce2, p. 351 et ci-dessous, ch. X.

[25] Ins. v. Olymp., V, p. 619, n° 610.

[26] LUC., l. l. Pour Zarmaros, cf. STRAB., XV, p. 720 ; CAS. DION, LIV, 9, 7 et notre Athènes sous Auguste, pp. 92 sq. Pour Kalanos, cf. PLUTARQUE, Alex., 69.

[27] SUÉTONE, Néron, 23.

[28] NISSEN, Rhein. Mus., XL, p. 358 ; XLIII, p. 254 ; GURLITT, Ueber Pausanias, p. 58 ; MÜNSCHER, p. 935.

[29] PHILOSTR., Vit. Apol., VIII, 24 et 25 (p. 338 KAYSER). RA, 1917, VI, p. 19, n. 3. Cf. SCHULTESS, p. 29, n. 41. Les éditeurs de la publication d'Olympie n'ont pas tenu compte de l'opinion de Nissen. GINZEL n'y fait pas allusion dans son Handbuch der mathematischen und technischen Chronologie. Cf. notre Chronologie, p. 94 n. 1.

[30] Ins. V. Olymp., V 456, 1. Cf. SCHULTESS, p. 29, n. 12.

[31] Ins. Olymp., V. 625 ; SIG3, 864. Olympia, III, p. 275 et pl. LXVIII, 3 (cf. LXIX, 7). MÜNSCHER, p. 934.

[32] La statue de la fille aînée de Marc-Aurèle, née en 146 (PIR, I, p. 76, n° 551), montre qu'elle était un peu plus jeune qu'Athénaïs au moment où l'exèdre fut achevée (Olymp., V, 615 ; MÜNSCHER, p. 934) et ne semble pas s'opposer à la date que nous proposons. Il en est de même de celle de la sœur aînée d'Athénaïs (624 ; SIG3, 863 ; MÜNSCHER, p. 934), Elpinikè qui parait avoir environ 14 ans.

[33] AJA, IV, 1900, p. 235 (cf. p. 204) ; VI, 1902, p. 306 ; VII, 1903, p. 43, n° 21. La base de cette statue a été trouvée devant l'abside est de la cour de la fontaine Peirènè. Cf. MÜNSCHER, p. 932.

[34] C'est ce qui résulte de la découverte de l'hermès d'Hérode BCH, XLIV, 920, pp. 170 sqq. C'est, en effet, à tort que l'éditeur a supposé (p. 173) que cet hermès proviendrait peut-être du Kroneion, le fameux parc de la cité. L'inscription Ήρώδης ένθάδε περιεπύτει est trop originale (cf. ibid.) pour n'être pas d'Hérode lui-même. Il serait sans exemple qu'on ait érigé un simple hermès à un bienfaiteur tel qu'Hérode, dans un parc public, surtout sans y faire mention de l'autorité, dans l'espèce le sénat (cf. la dédicace de la Boulé de Corinthe à la femme d'Hérode, ci-dessus, n. précédente) qui en aurait ordonné l'érection.

[35] PHILOSTR., II, 1, 9 ; PAUSANIAS, II, 3, 6. Cf. MÜNSCHER, p. 932 ; Art and Archæology, XIV, p. 224 ; AJA, XXXI, 1927, pp. 454 sqq ; XXXII, 1928, pp. 447 sqq.

[36] PHILOSTR., II, 1, 10-11. Cf. MÜNSCHER, p. 933.

[37] PHILOSTR., II, 1, 9 (p. 148 W). Cf. MÜNSCHER, pp. 932 sq.

[38] IG, III, 403. Cf. LE BAS-REINACH, Monuments figurés, pl. 90 (texte pp. 90 sq. ; Musée belge, 1912, p. 75, n. 3 ; MÜNSCHER, p. 936).

[39] PHILOSTR., II, 1, 18-19 (p. 158 W).

[40] PHILOSTR., II, 1, 18 (p. 158 W.). Ce texte contredit formellement l'opinion de WILLEMS, Le Sénat de la République Romaine, I, pp. 123 sqq., qui prétend que le calceus patricius était la chaussure des sénateurs curules. Pour la bibliographie de la question, cf. WILLEMS, Le droit public romain 7, p. 169, n. 3 (ajouter WILAMOWITZ, Marcellus von Side, p. 14).

[41] PHILOSTR., II, 1, 18 (p. 158 W.).

[42] PHILOSTR., II, 1, 19 (p. 160 W.).

[43] PHILOSTR., II, 1, 19-22 (p. 162 W.). Le texte dit 'ραφανίδας : on croirait volontiers qu'il s'agit de radis noirs que les esclaves lavaient et épluchaient. Ainsi la plaisanterie de Lucius aurait plus du sel. Sur les différentes variétés de radis connus dans l'antiquité, cf. ORTH, s. v. Rettich, RE, I A, pp. 700, qui ne parait pas connaître le texte de Philostrate.

[44] WILLEMS, Le droit public romain, p. 468.

[45] SIG3, 858, 862 ; IGR, 194, 23 sqq. — Le fait que cette distinction est mentionnée dans les inscriptions triopéennes montre qu'elle a dû suivre de près la mort de Régilla et que l'empereur qui l'a accordée ne peut être qu'Antonin.

[46] PHILOSTR., II, 1, 26 (p. 168 W.).

[47] Cf. à ce sujet, BOISSIER, Cicéron et ses amis, pp. 249 sqq. on pourrait rapprocher du cas d'Hérode et de Régilla, celui de Quintus, frère de Cicéron, et de sa femme Pomponia : Statius, esclave favori de Quintus, avait pris dans la maison un air de supériorité et d'arrogance qui le rendait insupportable à Pomponia, de plus en plus aigrie contre son mari (Cf. F. ANTOINE, M. Tullii Ciceronis ad Quidam fratrem epistola prima, Paris, 1888, p. XVI), si bien que le divorce devint inévitable.

[48] PHILOSTR., II, 1, 26 (p. 168 W.).

[49] PHILOSTR., II, 1, 18 (p. 158 W.).

[50] Il est impossible de concilier avec tes textes l'opinion de BURESCH, Rhein. Mus., XLIV, 1889, pp. 496 sqq., qui fait descendre la mort de Régilla jusqu'en 170.

[51] PHILOSTR., II, 1, 19 (pp. 148, 160 W.) ; PAUSANIAS, II, 20, 3. Sur cet odéon, cf. la bibliographie donnée par JUDEICH, Topogr. v. Athen, pp. 98, 291 sq., et ci-après, ch. X.

[52] PHILOSTR., II, 1, 9, 19 (pp. 148, 160 W.).

[53] PAUSANIAS, II, 3, 6. CHRIST-SCHMID, o. l., II6, p. 756 et GURLITT, Ueber Pausanias, p. 1.

[54] PAUSANIAS, VII, 20, 3.

[55] D'après Pausanias lui-même (V, 1, 2 ), le cinquième livre date de la 217ème année de l'envoi d'une colonie à Corinthe (174) et l'œuvre du périégète, qui comporte 10 livres, fut achevée, semble-t-il, au plus tard vers 180. Cf. HEBERDEY, Arch.-epigraph. Mittheil., XIII, 1890, p. 191 ; Die Reisen des Pausanias, Abhandl. d. arch.-ep. Semin. Wien., X, 1894, p. 144 ; C. ROBERT, Pausanias als Schriftsteller, pp. 121 sq., 266 sq., date les livres V-VII de 174 ; VON PREMERSTEIN, Klio, XII, 1912, pp. 150 sq., placerait le cinquième livre en 173 (en comptant dans les 217 années, celle même de la fondation de la colonie de Corinthe) et le VIIIème vers 174/5 (cf. PAUSANIAS, VIII, 43, 6).

[56] IGR, 194 A, v. 46.

[57] GELL., I, 2, 2 ; XVIII, 10, 1. Rappelons que c'est à partir de Marc-Aurèle seulement qu'il fut interdit de construire des tombeaux près des villas. Cf. Vit. Marci, XIII, 4 : ne quis villæ ad fabricaretur sepulchrum. SCHWENDEMANN, p. 61 (les mss. donnent velle abfricaretur ou velle fabricaretur. Le texte que nous suivons est corrigé par MADVIG. HOHL, dans l'édition Teubner de 1927, I, p. 59, n'admet pas cette conjecture mais adopte celle de JORDAN, ut vellet fabricaretur, qui a le tort d'être trop vague et de s'éloigner davantage de la tradition manuscrite).

[58] IG, III, 1333 ; KAIBEL, Epigr. Gr., 160. — LE BAS, RA, 1844, p. 52, mentionne aussi une inscription trouvée à Képhissia et où la 10ème ligne porte ΡΗΓΙΛΛΗΣ ΑΠΠΙΟΥ... ΤΟΥ...

[59] IG, III, 1417 ; SIG3, 1238.

[60] IGR, 194, v. 46. DIPTMAR, Der Rhetor Herodes, p. 665, a compris qu'il s'agissait de l'odéon où du stade : il a pris dans le sens de vaisseau, bien que la même forme reparaisse, dans la même inscription, avec la même acception de temple (B, 31 ). Si Régilla avait été enterrée à Athènes même, Philostrate n'aurait pas manqué de nous en informer comme il le fait pour Hérode (II, 1, 37, p. 182 W) et sa fille (II, 1, 22, p. 164 W.), car c'était là un honneur exceptionnel.

[61] IGR, 194.

[62] IGR, 193.

[63] SIG3, 858.

[64] SIG3, 858, n. 1.

[65] PHILOSTR., I, 16, 4 (p. 50 W.). Cf. aussi le début du texte SIG3, 909.

[66] BCH, XXXVIII, 1914, p. 362, n° 4 ; XLIV, 1920, p. 172.

[67] IGR, 195 ; IG, XIV, 1390.

[68] La liste des inscriptions archaïsantes a été dressée par A. WILHELM, Beiträge zur griechischen Inschriftenkunde, p. 23. Il semble que la mode a dû commencer dès l'époque d'Auguste. Cf. notre Album d'inscr. att. d'époque impériale, p. 14, n° 7. — C'est par erreur que BOULANGER, o. l., p. 100, affirme que les lettres des inscriptions archaïsantes d'Hérode sont disposées κιονηδόν.

[69] IGR, 193 ; IG, XIV, 1391 ; CIL, VI, 1342.

[70] BURESCH, Rhein. Mus., XLIV, p. 489. Cf. par contre HÜLSEN, Rhein. Mus., XLV, p. 284 : MÜNSCHER, p. 938.

[71] IGR, 194 ; WILAMOWITZ, Marcellus von Side, p. 9 ; IG, XIV, 1389 ; KAIBEL, Epigr. Gr., 1046 ; SALMASIUS, Duarum inscriptionum veterum Herodis Attici rhetoris et Regillæ conjugis honori positarum explicatio, Paris, 1619 ; E. Q. VISCONTI, Iscriz. gr. triopee Borghesiane, Opere varie, I, pp. 237-362 ; FROEHNER, Inscrip. gr. du Louvre, pp. 9-24. Cf. aussi la traduction en vers de LEOPARDI avec préface et traduction littérale de P. PELLEGRINI dans Epistolario di G. Leopardi, Florence, 1849, I, p. 239. Il existe également une traduction française de DEHÈQUE, Anthologie grecque, Append., II, p. 214.

[72] Cf. MÜNSCHER, p. 938 ; CHRIST-SCHMID, Gesch. d. gr. Litt., II6, p. 678, n. 6. L'identification n'est pas certaine : l'ethnique du poète des inscriptions triopéennes n'est pas donné et nous ne savons si Marcellus de Sidé, qui était un (médecin ?)-poète fut en rapport avec Hérode. D'ailleurs, WILAMOWITZ, Marcellus von Side, qui reprend l'hypothèse de VISCONTI, n'a pu s'empêcher (p. 20) de reconnaître que la technique des vers des inscriptions triopéennes n'est pas la même que celle des Ίατρικά de Marcellus.

[73] Cf. infra, ch. X.

[74] P. RIEWALD, De imperatorum Romanorum cum certis dis et comparatione et æquatione, Dissertationes philologicæ Halenses, XX, 3, p. 308, n° 75, admet l'opinion de KAIBEL, Epigr. Gr., 1046, d'après qui il s'agit ici de Faustine l'aînée, parce que l'inscription date d'une époque où la femme d'Antonin était déjà morte, tandis que Faustine jeune était encore en vie. Il arrive fréquemment que des impératrices vivantes soient assimilées à des déesses mais comme Faustine est qualifiée, au v. 5, de Θεύ ούρανιώνη, il s'ensuit qu'il s'agit d'une impératrice déjà morte. Cf. aussi MÜNSCHER, p. 938 ; SCHULTESS, p. 21.

[75] IGR, 194, v. 46.

[76] DAREMBERG-SAGLIO-POTTIER, Dict. des ant. gr. et rom., IV, pp. 1227 sqq.

[77] IGR, 194, vv. 43 sqq.

[78] IGR, 194 B, vv. 1-2.

[79] IGR, 194 B, vv. 30-31.

[80] MÜNSCHER, p. 939.

[81] IGR, 194, B, 36-37.

[82] KAIBEL, Epigr. Gr., 1046.

[83] CALLIM., Hym., VI, 24-117. Cf. aussi OVID., Met., VI, 738 sqq.

[84] DIEHL, RE, XI, p. 1908.

[85] On a supposé qu'une tête de femme trouvée dans l'odéon d'Hérode Atticus pourrait être celle de Régilla. (SCHILLBACH, Lieber das Odeion des Herodes Attikos, Iéna, 1858, p. 25. Cf. BERNOULLI, Griechische Ikonographie, II, p. 210). Mais cette identification ne repose que sur l'endroit de la découverte de ce portrait : comme les pupilles et l'iris y sont gravés, il n'est en tout cas pas antérieur à Hadrien et probablement à Antonin. Il faudrait d'ailleurs être sûr que ce buste provient bien de l'odéon où l'on a découvert d'autres sculptures d'époque certainement antérieure à la construction de ce monument.

Pour les mêmes raisons, il n'est pas plus sûr qu'il faille identifier avec le fils d'Hérode le buste d'un enfant de 9 à 11 ans trouvé au même endroit SCHILLBACH, p. 25). Il est d'ailleurs fort invraisemblable qu'on ait érigé de impies bustes aux parents du fondateur d'un édifice aussi somptueux que l'odéon.

Quant à la statue de Régilla, à Olympie, elle est presque sans intérêt pour l'iconographie de la femme du sophiste. Outre que l'identification de la tête n'est pas absolument certaine, les traits du visage ont à peu près complètement disparu (Olympia, Ergebnisse, III, p. 276, fig. 304). Cf. ci-dessous, ch. X.

D'après les dernières recherches de Sotiriadis à Marathon, ce serait également une statue, d'ailleurs aujourd'hui décapitée, de Régilla qui aurait été adossée avec celle d'Hérode, à la porte de Marathon dédiée à l'Immortelle concorde. M. Sotiriadis a découvert, en effet, à cet endroit, une inscription semblable à IG, III, 403, mais, où le nom d'Hérode est remplacé par celui de Régilla. Cf. Proïnos Télégraphes, 21 oct. 1926 ; Messager d'Athènes, 30 oct. 1926 ; AJA, 1926, p. 507 ; BCH, L, 1926, p. 546. Nous reviendrons, au ch. X, sur cette porte monumentale.