COLBERT

MINISTRE DE LOUIS XIV (1661-1683)

 

CHAPITRE PREMIER. — COLBERT ET MAZARIN.

 

 

Origine de Colbert ; ses débuts ; son portrait physique et moral. — Son entrée dans les bureaux de le Tellier ; Colbert, commis de Mazarin. — Son rôle pendant la Fronde et l'exil du cardinal. — Avènement de la royauté absolue avec Louis XIV ; Colbert devient homme public. — Vices et abus de l'administration financière. — Dilapidations de Foucquet ; Colbert concourt à la chute de ce ministre.

 

I

Le cardinal de Mazarin mourut dans la nuit du 9 mai 1661 : c'était le quatrième des grands administrateurs qui avaient paru en France depuis. un siècle. Le premier avait été le chancelier Michel de l'Hospital, ministre préparateur, qui commença de tracer les tables de la loi ; le second, Sully, qui fut à la fois le conseiller et l'ami de son roi ; le troisième, Richelieu, le plus hardi de tous, parce qu'il était en quelque sorte roi lui-même.

Par qui allait maintenant se continuer cette espèce de dynastie ministérielle, dont l'ère s'était ouverte avec les derniers Valois ? Les uns nommaient Turenne ; les autres, le maréchal de Villeroi, l'ex-gouverneur de Louis XIV, l'homme de cour par excellence ; d'autres encore, le ministre de la guerre le Tellier et Foucquet le surintendant des finances : personne ne songeait à un homme assez peu en vue, à un domestique de Mazarin, comme dit Mme de Motteville dans ses Mémoires, qui avait paru bien souvent, depuis quelques jours, dans l'alcôve du cardinal. Celui-ci, à son lit de mort, l'avait cependant désigné formellement au roi, en lui disant : Sire, je vous dois tout ; mais je crois m'acquitter en quelque sorte avec Votre Majesté en vous donnant Colbert. C'est ainsi que Richelieu, à son dernier soupir, avait recommandé Mazarin à la reine Anne d'Autriche.

Quel était cet homme qu'un ministre léguait officiellement à un roi ?

Jean-Baptiste Colbert avait alors quarante-deux ans. Il était né à Reims le 29 août 1619, de Nicolas Colbert et de Marie Pussort, fille de Henri Pussort, seigneur de Cernay. C'était une famille de roture et de négoce : le grand-père était marchand de laine, à l'enseigne du Long-vêtu ; le père avait successivement vendu du vin, des draps, puis de la soie. D'autres membres de la famille faisaient également, à Paris, à Troyes et à Lyon, le commerce de la draperie, des toiles, et même des blés. Tout jeune, Colbert avait été envoyé à Lyon et à Paris, pour y apprendre le commerce, la marchandise, comme on disait à cette époque ; mais il ne resta pas longtemps dans le négoce ; car on le retrouve bientôt à Paris, d'abord chez un notaire, puis chez un procureur du Châtelet[1], enfin dans le bureau d'un trésorier des parties casuelles[2]. Le futur ministre passait ainsi tour à tour par le monde des marchands, celui des gens de loi et des financiers. Il étudiait de près et sur le vif les diverses sortes d'affaires, sa formant au contact des hommes et des choses, et acquérant de bonne heure une forte expérience. Pour lui, presque point d'enfance ni de jeunesse ; pas un instant pour la distraction et le plaisir : les durs apprentissages l'avaient saisi, pour ainsi dire, dès le berceau, et, à l'âge des jeux insouciants, il creusait déjà son sillon dans une terre encore âpre et difficile. Son caractère naturellement ferme et austère, un peu rugueux même, en devint encore plus rude, mais aussi plus vigoureux. Son extérieur répondait à son humeur : c'était, dit Courtilz, un homme de taille moyenne, assez maigre, ayant des cheveux noirs et en petite quantité, ce qui lui fit prendre de bonne heure la calotte. Mais le trait caractéristique de sa physionomie était, selon ses biographes, des sourcils épais sur des yeux creux, et un plissement de front redoutable, qui lui donnaient un air renfrogné. Obligé par les exigences d'un esprit lent et pénible de tendre sans cesse ses facultés et de s'appliquer avec effort, il prit, tout jeune, l'habitude de pénétrer à fond les questions et de s'acharner à l'étude ; car la réussite, pour lui, était à ce prix. Il faisait comme ces voyageurs hardis et infatigables qui, dans les passages difficiles, plutôt que de lâcher pied, se frayent, s'il le faut, un chemin à coups de pic et de hache. Il en garda une grande puissance de concentration intérieure et une prodigieuse force de volonté. Chacune des idées dont Colbert poursuivit plus tard l'application avait longtemps germé en lui, y avait mûri peu à peu. En effet, cet homme de marbre, vir marmoreus, comme l'appelait un de ses contemporains, GuyPatin, n'eut pas en affaires le coup d'œil rapide et soudain d'un Condé sur le champ de bataille ; mais, à défaut d'inspiration, le moment venu de se décider et d'agir, il faisait appel à ses études antérieures, passait en quelque sorte la revue des idées qu'il avait acquises et vérifiées au jour le jour, et bénéficiait ainsi, sans aucun effort apparent, d'une longue expérience et d'un travail opiniâtre. Dans la sphère restreinte où s'exerça d'abord son activité, il avait tout vu, tout compris, tout pesé : vienne la fortune pour lui ouvrir' un plus vaste théâtre et l'engager dans les grandes mêlées de faits et d'idées, Colbert ne se fera pas défaut à lui-même ; il sera vite au niveau de chaque situation, et sa puissante personnalité se mettra tout de suite en relief.

 

II

Colbert avait trente ans à peine quand l'occasion s'offrit à lui de montrer tout ce qu'il valait. Le ministre le Tellier, un dur travailleur aussi, aimait les hommes d'ordre et de labeur. Le fils du marchand de Reims lui fut présenté par un Colbert de Saint-Pouange, intendant de Lorraine. Des bureaux de le Tellier, qui possédait l'estime et la confiance de Mazarin, au cabinet du cardinal, il n'y avait qu'un pas ; et le Tellier, qui avait pu apprécier les qualités de son nouveau commis, crut de son devoir de l'introduire chez le premier ministre. On était alors en 1649. Non content d'avoir aplani à son protégé le chemin de la fortune en lui ouvrant les portes de la maison Mazarin, le Tellier lui obtint le titre de conseiller d'État, et le mit ainsi à même de faire, dès l'année suivante, un riche mariage : il épousa Marie Charon, fille d'un ancien tonnelier et courtier en vins, devenu trésorier de l'extraordinaire des guerres.

Mazarin et Colbert n'eurent pas besoin de conférer longtemps ensemble pour se connaître et pour s'entendre. Ce n'était pas que les façons et le caractère du ministre italien, rusé, souple et caressant, fussent en parfaite harmonie avec la nature de Colbert, vrai type de simplicité et de roideur bourgeoise ; mais bien des causes les rapprochèrent l'un de l'autre. D'abord, le jeune Colbert, comme s'il eût la prescience de son rôle futur, tout en aunant les étoffes, en supputant les colonnes de chiffres, ou en débrouillant des grimoires de procureur et des dossiers de procédure, suivait avec curiosité le cours des événements politiques, si graves alors ; dès qu'il fut auprès de le Tellier, cette curiosité était devenue une étude, et il s'était mis au courant des hommes et des choses de son temps. Il avait compris que le cardinal Mazarin, sans avoir, comme Richelieu, les grandes et essentielles parties de l'homme d'État, était de beaucoup supérieur à ses adversaires de la cour, à cette coterie de la Fronde nobiliaire, à ces princes et seigneurs dont les rébellions ne pouvaient s'autoriser d'aucune idée sérieuse et politique. Ils n'avaient d'autre but et d'autre ambition que de supplanter à leur profit le ministre en faveur ; des places dans le conseil royal, des gouvernements, des pensions, tel était l'objet de leurs convoitises ; et Colbert, témoin de ces mutineries sans grandeur, où s'agitaient les dernières convulsions d'une féodalité aux abois, ne pouvait hésiter entre Mazarin et ses ennemis. Ce cardinal, que Richelieu, nous l'avons dit, avait désigné, en mourant, comme son successeur, continuait en somme, à sa manière, l'œuvre de son devancier. Obligé sans cesse de se défendre, n'ayant presque jamais la faculté d'attaquer, couvert seulement, dans les crises les plus violentes, par la tendre protection d'Anne d'Autriche, Mazarin ne fut pas un homme d'initiative et de vigueur à la façon de Richelieu ; mais, au milieu de toutes les difficultés, cet étranger, cet Italien ne perdit jamais le sens de la vraie politique française inaugurée par Henri IV. Colbert, devançant sur ce point le jugement de la postérité, tenait compte à son chef de cette opiniâtre fidélité à des principes qui ont fait la grandeur de la France au XVIIe siècle.

Une autre question assurait encore le concert de ces deux hommes. Mazarin poussait l'économie jusqu'à l'avarice, au moins quant à ses propres deniers : or Colbert, par son éducation de comptoir et de négoce, allait d'instinct au retranchement de toute dépense inutile, et, sur ce point-là, le protecteur et le protégé ne pouvaient qu'être d'accord. S'agissait-il de trouver un moyen, un expédient pour faire rentrer ou retenir quelque argent dans les coffres de l'État, Colbert y pourvoyait, et le ministre lui en savait gré.

 

III

Dans la campagne de 1649 et 1650, Colbert suit le cardinal en Normandie, en Bourgogne, en Picardie, en Guienne et en Champagne ; c'est lui que regardent les dépenses à faire, dans ce voyage, pour le service du roi. Pendant les années 1651 et 1652, moment critique pour le cardinal, qui est obligé de sortir du royaume et n'y rentre que pour voir sa tête mise à prix par le parlement de Paris, Colbert a de nombreuses occasions de rendre des services considérables à Mazarin. Sans doute sa tâche demeure vague et indéterminée, son rôle dépend surtout des circonstances : il n'est encore que le protégé de le Tellier, déjà distingué par le premier ministre, qui l'emploie sans titre officiel ; mais son dévouement ne se dément pas. Il va même jusqu'à s'exposer à un péril de mort, un jour qu'au plus fort des troubles il franchissait une des portes de Paris. On raconte qu'un poste de frondeurs, maîtres de la barrière, et qui connaissait les accointances ministérielles de Colbert, lui courut sus au cri de : Mort au Mazarin ! et, sans un détachement de la garde bourgeoise qui vint à son secours, on ne sait ce qui serait arrivé.

Pendant tout le temps que Mazarin, retiré hors de France, continue, grâce à l'ascendant qu'il conserva toujours sur l'esprit d'Anne d'Autriche, à gouverner le royaume par lettres, par dépêches et par émissaires, Colbert, devenu intendant en titre du ministre exilé, dirige activement toutes les affaires privées du cardinal, et commence même à prendre pied dans les affaires publiques. Il est en correspondance suivie avec Mazarin, qui ne manque jamais de lui répondre, louant beaucoup son zèle pour le service du roi et son ardeur à déconcerter les projets des parlementaires et autres. L'esprit rigide de Colbert ne devait voir, en effet, dans ces intrigues et ces mouvements confus de la Fronde que le génie d'indiscipline et de rébellion, qu'un attentat à la souveraineté royale et la mise en péril de l'ordre général. Colbert jugeait même que le cardinal ne se montrait pas assez ferme ; il lui en voulait quelque peu de ses perpétuels ménagements, et dans plusieurs de ses lettres il lui reproche assez ouvertement de céder sans cesse devant l'orage, au lieu d'y faire tête.

Avec de pareilles dispositions, il était bien l'homme prédestiné à Louis XIV, le roi absolu et niveleur par excellence. Colbert avait accepté volontiers la tâche que Mazarin lui avait confiée, d'être en quelque sorte son représentant, son alter ego à Paris, d'agir avec pleins pouvoirs, non-seulement en ce qui concernait la gestion de l'énorme fortune du ministre, mais à l'égard de ses ennemis, qu'il était chargé de surveiller et, au besoin, de tenir en bride. En revanche, le cardinal le comble de marques d'estime, et ouvre largement pour lui sa cassette, si bien fermée d'ordinaire. Colbert, élevé au bruit des pièces d'or et d'argent, ne faisait pas fi des richesses ; sans être aussi avide que son maître, il estimait chose naturelle de profiter d'une fortune inespérée pour enrichir sa famille, établir ses proches et se mettre lui-même à l'abri de tout fâcheux retour du sort. Il. demande donc et obtient, pour lui et pour ses frères, canonicats, abbayes, lieutenances et charges diverses. Quand Mazarin, à force de persévérance et d'habileté, a surmonté enfin toutes les résistances et réduit à composition ses anciens adversaires, y compris les parlements, la faveur et la fortune de Colbert vont croissant. Sa probité, néanmoins, ne lui permet pas toujours de jouir sans scrupule des bénéfices de sa haute situation, et ses lettres prouvent qu'en maintes circonstances il ne craint pas de faire à son maître des observations : il s'émeut de telle ou telle opération financière, qu'il ne regarde pas, avec raison, comme suffisamment régulière ; il avertit Mazarin des embarras et des dangers qui en résulteront forcément ; il le conjure de ne pas s'engager dans un dédale de faussetés, d'ailleurs inutiles, les pratiques condamnables arrivant toujours à la connaissance de gens intéressés à les dévoiler. On sait d'ailleurs que ce n'était pas sur Mazarin que devait fondre la tempête amoncelée par les désordres financiers ; le bouc émissaire devait être le surintendant Fouquet.

En 1659, Colbert fut chargé d'un rôle nouveau pour lui ; c'était une mission diplomatique auprès du pape Alexandre VII : il s'agissait d'obtenir de ce pontife qu'il rendît le duché de Castro au duc de Parme, et qu'il aidât les Vénitiens à repousser les Turcs de Candie. Cette mission, qui ne dura pas moins de quatre mois, ne réussit pas, malgré les intelligents efforts de Colbert, et celui-ci revint à Paris vers le commencement de l'année 1660. Il y trouva le cardinal fort malade, prévoyant sa fin prochaine, et plein de scrupules tardifs à l'idée de l'immense fortune qu'il avait amassée. Colbert, consulté par lui à ce sujet, lui conseilla de se mettre en paix avec sa conscience en léguant tous ses biens à Louis XIV ; le ministre fit, en effet, cette donation, mais à contre-cœur, et en se lamentant sur le sort de sa pauvre famille, qui, disait-il, n'aurait pas de pain. Heureusement ou malheureusement pour cette famille qui n'en sut pas bien user, le roi n'accepta pas ce legs opulent, et il en rendit à Mazarin la libre disposition.

C'est à la mort du cardinal que commence véritablement le rôle de Colbert comme homme public. Après l'avoir vu à l'œuvre, au second plan dans les modestes fonctions qu'il remplissait auprès du cardinal, nous allons le suivre et l'étudier comme ministre de Louis XIV.

 

IV

Bien qu'il eût fait ses premières armes auprès de Mazarin, Colbert avait pris pour modèle le cardinal de Richelieu, dont la nature entière et absolue répondait mieux à la sienne que le caractère fuyant et multiforme du ministre italien. Son admiration pour Richelieu se traduisait par une formule invariable, quelque chose comme le ipse dixit de l'élève parlant du maître : Sire, ce grand cardinal de Richelieu, disait-il en toute occasion à Louis XIV. Le roi le raillait même à ce propos, tout en lui sachant gré d'une préférence qui ne le rendait que plus propre à servir un monarque absolu.

A coup sûr, le disciple de Richelieu ne pouvait songer à régner au nom de Louis XIV comme le cardinal avait régné au nom de Louis XIII : les temps et l'homme étaient tout autres, et le nouveau roi prenait au sérieux son rôle de souverain. On l'avait bien vu à la mort de Mazarin, quand il s'était saisi impérieusement des affaires. Sire, lui avait dit l'archevêque de Rouen, j'ai l'honneur de présider l'assemblée du clergé de votre royaume ; Votre Majesté m'avait ordonné de m'adresser à M. le cardinal pour toutes choses ; le voilà mort : à qui le roi veut-il que je m'adresse à l'avenir ? A moi, monsieur l'archevêque, répondit Louis XIV.

Ainsi la royauté, qui, selon le mot d'un historien (Henri Martin), avait fini par n'apparaître plus que comme une idée abstraite, redevenait tout à coup une personne. D'abord, à la cour, on s'étonna, sans s'en inquiéter encore, de ce qu'un si jeune roi annonçât si résolument l'intention de gouverner par lui-même sans premier ministre. Ce qui pouvait ajouter à l'étonnement, c'est que l'éducation de Louis, assez négligée, ne semblait pas l'avoir préparé à si grande entreprise ; aussi ne crut-on pas beaucoup à cette subite impatience d'agir en maître. On n'y vit qu'une fantaisie peu durable chez le fils d'un monarque fainéant, chez un jeune prince que devait sans doute détourner bientôt sa passion pour les plaisirs, les chasses, les ballets, les spectacles. La reine Anne d'Autriche, sa mère, donnait elle-même à entendre qu'il se dégoûterait vite des arides études et des lourds travaux ; elle y comptait 'bien pour elle-même, afin de ressaisir le pouvoir. Quant aux courtisans, qui ne croyaient pas davantage à la persistante initiative du roi, ils s'attendaient à voir se lever d'un jour à l'autre un nouvel astre à la cour, et ils épiaient les moindres marques de faveur accordées à tel ou tel personnage en passe de devenir premier ministre. Les moins pressés donnaient trois mois à Louis XIV pour revenir exclusivement aux plaisirs et laisser là, sinon les dehors et l'apparat, du moins la réalité de la puissance. Toutes les prévisions furent déçues ; car ce rôle fatigant de monarque toujours présent et toujours attentif aux affaires, le jeune Louis devait le soutenir sans défaillance durant plus d'un demi-siècle. Du reste, la clairvoyance de Mazarin ne s'y était pas trompée, bien qu'il n'eût cessé de tenir le fils de Louis XIII comme en tutelle : Il y a en lui, disait-il, de l'étoffe pour faire quatre rois et un honnête homme. Il se mettra en chemin un peu tard ; mais il ira plus loin qu'un autre.

Certes, le prince qui sut, dès les premiers moments de son règne, s'imposer à lui-même un règlement sévère[3], déterminer rigoureusement ses occupations, non-seulement de chaque jour, mais presque de chaque heure, tenue du conseil secret, du conseil des dépêches, du conseil privé, etc., et s'y astreindre pendant toute sa vie avec une constance infatigable, était digne d'avoir pour auxiliaire un travailleur tel que Colbert. Celui-ci, de son côté, arrêta sans hésiter son plan de conduite définitif, et il devait s'y conformer jusqu'au bout, comme Louis XIV à ses maximes de gouvernement personnel.

Le premier acte du roi fut de supprimer la surintendance ; il se chargea lui-même de la gestion des finances, sauf à s'éclairer des lumières d'un conseil composé d'un petit nombre de membres. Toutefois Colbert, sans avoir le prestige des grands titres, possédait déjà une prépondérance qu'il conservera jusqu'au moment où, pour le malheur de la France, le ministre de la guerre Louvois le ruinera dans l'esprit du maître. Le mérite personnel de Colbert avait seul fait son élévation ; car, on le sait, Louis XIV aimait les hommes nouveaux, comme on disait à Rome ; de son côté, le jeune ministre dissimulait prudemment son autorité, au lieu de la mettre en évidence, et il avait soin de rapporter sans cesse au roi l'honneur de l'initiative dans les plus grands actes ; il avait compris que le maintien de son influence serait à ce prix. A lui, les soucis, les fatigues du détail, les difficultés de l'exécution, les aigreurs, les haines des particuliers et du peuple ; au roi, les éloges publics et la reconnaissance de la nation : de cette façon, le monarque, déjà roi-soleil, sera le foyer lumineux où convergeront tous les rayons ; il sera le dispensateur de toute grâce, et il pourra dire dès lors de bonne foi, dans un accès d'orgueil presque titanique : Il me semble qu'on m'ôte de ma gloire, quand, sans moi, on en peut avoir.

 

V

Les premières réformes de Colbert portèrent et devaient porter sur les finances.

On a du mal à comprendre aujourd'hui ce qu'était l'administration financière de l'ancienne monarchie, particulièrement à la mort de Mazarin. D'abord, les revenus de l'État étaient régulièrement dépensés deux ou trois ans à l'avance ; en outre, des sommes levées pour le trésor (80 millions environ), 31 millions à peine y rentraient[4] ; le reste était prélevé ou détourné par les agents du fisc. Quand on avait besoin d'argent, on s'adressait aux gens qui, sous le nom de partisans, prenaient alors les impôts à partis, c'est-à-dire d'après des conventions abusives qui leur permettaient, selon l'expression d'Étienne Pasquier dans ses Lettres, d'avancer la moitié ou le tiers du denier pour avoir le tout. Les financiers, ayant en main le nerf souverain, l'argent, disposaient d'une énorme puissance ; on les pendait bien quelquefois, ou, comme on disait en ce temps-là, on les forçait à rendre gorge, quand leur fortune s'était faite d'une façon trop scandaleuse ; mais, comme on avait sans cesse besoin de leur concours, il fallait bien revenir à eux, et subir leurs exigences. Les traitants, qui avaient détourné une partie des fonds publics, s'en servaient pour avancer de l'argent au trésor, moyennant un taux exorbitant, en sorte que le dommage était double pour le fisc.

Afin de remplir les coffres de l'État, on avait aussi recours à des créations d'offices, c'est-à-dire de fonctions qu'on vendait le droit d'exercer ; ou bien encore on altérait les monnaies, non plus, il est vrai, d'une manière aussi ouverte qu'au temps de Philippe le Bel ou de quelques-uns de ses successeurs ; mais, en somme, on les altérait. Puis, tantôt on tirait parti de la vanité : on anoblissait, moyennant finance, de simples officiers municipaux ; tantôt on accordait, pour une certaine somme, l'exemption de la taille à un habitant par paroisse ; tantôt on augmentait le prix du sel, ou l'on élevait les droits, déjà si forts, qui pesaient sur le commerce et sur l'industrie.

La taille, qui était à 44 millions à la mort de Richelieu, avait encore monté sous le ministère souvent besogneux de Mazarin. Cet impôt, qui portait sur les biens en général, était surtout onéreux parce qu'il était mal réparti : il n'y avait guère qu'un tiers de la population qui le payât, et encore la contribution était-elle en raison inverse des ressources. Il est à propos d'expliquer sommairement ce mécanisme, afin que l'on comprenne plus aisément l'exposé des faits qui vont suivre et le sens des réformes accomplies par Colbert.

Le conseil fixait la somme à payer par chaque généralité ; la généralité était une circonscription financière aussi bien que politique ; puis les intendants, à leur tour, déterminaient la quotité à fournir par chaque élection de la généralité et par chaque paroisse de l'élection. Qu'arrivait-il ? Dès que l'arrêt du conseil était rendu, les personnes en crédit, les seigneurs faisaient leur cour à l'intendant de la province pour obtenir que leurs paroisses fassent soulagées aux dépens des autres, et, chaque paroisse une fois imposée en bloc, le même manège recommençait auprès des collecteurs, chargés de répartir la taille sur les particuliers. Il en résultait que les gens du seigneur, ceux des gentilshommes de quelque figure, ceux des hommes de justice, procureurs ou même sergents, sans compter les parents et amis, enfin, comme dit le fabuliste, tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, étaient traités avec douceur et ménagement. La charge était donc d'autant moins lourde qu'on était mieux en état de la supporter. Comme il fallait pourtant que le receveur eût son compte, le fardeau retombait alors sur les gens de métier modeste ou de petite industrie, qui répondaient solidairement. Le collecteur, qui, de son côté, avait à répondre pour sa paroisse, comme le curiale de l'empire romain, ne se mettait pas en campagne sans trembler, car les paysans l'accueillaient d'ordinaire avec force injures et malédictions ; souvent même il y avait collision entre les manants et les soldats chargés du recouvrement, et parfois ceux-ci étaient battus ; en effet, à de certains moments, l'exaspération était telle que les résistances individuelles se changeaient en révoltes collectives. En 1658, par exemple, plusieurs provinces s'étaient soulevées contre la taille ; les paysans de la Sologne, sous le nom de Sabotiers, avaient pris les armes, et les populations de Normandie et de Saintonge en avaient fait autant. Ces insurrections n'étaient que trop facilement écrasées ; mais le germe du mal n'en subsistait pas moins.

Quand le collecteur ne réussissait pas à trouver de l'argent dans les campagnes, les huissiers commençaient leurs exécutions sur les paroisses, dont on saisissait en masse solidaire les blés ou les bestiaux. On le conçoit assez, le contribuable ne payait que sou à sou, après contrainte, et dissimulait le plus qu'il pouvait de ses ressources ; car la moindre marque d'aisance lui valait, l'année suivante, une charge d'impôt double ou triple. Chacun prenait donc le parti de consommer ou d'acheter le moins possible : on évitait d'accroître son bétail, d'engraisser ses terres, ou de défricher celles qui étaient incultes, et par crainte de la ruine on se condamnait volontairement à la misère ou à son apparence[5]. Aussi les paysans quittaient-ils de toutes parts les campagnes pour les villes, où l'on avait mille moyens de s'exempter du poids de la taille et où l'on échappait à la dure obligation de lever cette taille, en qualité de collecteur paroissial. Il n'y a pas un point sur lequel tous les documents de l'ancien régime soient mieux d'accord : on ne voit presque jamais dans les campagnes, disent-ils, qu'une génération de paysans riches. Un cultivateur parvient-il par son industrie à acquérir enfin un peu de bien, il fait aussitôt quitter à son fils la charrue, l'envoie à la ville et lui achète un petit office. C'est de cette époque que date cette sorte d'horreur singulière que manifeste souvent, même de nos jours, l'agriculteur français pour la profession qui l'a enrichi. L'effet a survécu à la cause[6].

Si, des tailles, nous passons aux aides, c'est-à-dire aux impôts de consommation, nous trouvons mêmes procédés et mêmes abus : comme l'imagination des traitants et partisans travaillait sans cesse à tirer de l'impôt le plus qu'il pouvait donner, des droits supplémentaires s'ajoutaient continuellement au droit primitif, de sorte que l'impôt finissait par atteindre, ou même par dépasser les valeurs imposées. Il en résultait que les petites gens, c'est-à-dire le plus grand nombre, ne buvaient que de l'eau claire, ce qui ruinait les vignobles. Les commis des fermiers des aides, qui étaient à la fois juges et parties dans les contestations, et que l'on gratifiait, d'ailleurs, du tiers des amendes et confiscations, ne se faisaient pas faute de vexer les hôteliers et débitants, multipliaient chez eux les visites domiciliaires, et, pour n'avoir pas à se déranger au-delà d'un certain rayon, supprimaient toutes les auberges trop éloignées de leur résidence, si bien qu'on faisait parfois un parcours de sept à huit lieues sans rencontrer une hôtellerie où l'on pût trouver un morceau de pain à manger.

Voulait-on faire soi-même ses provisions de vin, il fallait aller à un bureau souvent éloigné pour lever attestation de la quantité prise. Que de temps perdu ! sans compter l'ennui d'attendre, souvent par le vent et la pluie, que les commis et que les jaugeurs daignassent faire leur office. La moindre erreur ne pouvait s'acquitter qu'au moyen de présents à ces personnages, sous peine de voir confisquer la marchandise et la voiture. Aussi plus d'un vigneron, ne pouvant plus vendre ses denrées, arrachait ses plants, et souvent le sol, impropre à d'autres cultures, demeurait en friche.

Enfin les douanes intérieures ruinaient le commerce à force d'entraves. Ce qui venait du fond de l'Asie ne faisait que quadrupler de prix par la distance ; mais ce qui passait d'une province à l'autre revenait à dix, quinze, vingt fois plus cher, et le vin d'un sou à Orléans valait à Rouen vingt-quatre sous. Les communications de grand trafic étaient dès lors interrompues, et les provinces demeuraient comme étrangères les unes aux autres, si bien qu'on était exposé à mourir de faim, à quelques lieues d'une localité où les blés pourrissaient sans consommateurs. La Loire, le grand chemin de la France centrale, était hérissée de péages, moulins, pêcheries et barrages. Les droits de rêve, de haut-passage, d'imposition foraine, bien que réunis en une seule ferme depuis François Ier, se percevaient encore, à l'avènement de Louis XIV, dans des bureaux divers et d'après des tarifs trop inégalement répartis. En Normandie, par exemple, on percevait un droit de cinq sous par muid de vin, et un droit d'un écu par tonneau ; les cartes à jouer, le papier, étaient également matière à traite domaniale. Il était presque impossible, dit Colbert lui-même, qu'un si grand nombre d'impositions ne causât beaucoup de désordres, et que les marchands pussent en avoir assez de connaissance pour en démêler la confusion, et beaucoup moins leurs facteurs, correspondants et voituriers, qui étaient toujours obligés de s'en remettre à la bonne foi des commis des fermiers, qui était souvent fort suspecte. En effet, quel recours avait-on contre ces fermiers des douanes, qui, comme ceux des aides, étaient à la fois juges et parties ? Leurs violences dépassaient parfois toute mesure, et il n'était pas rare de voir démolir une maison de 10.000 écus, dont on vendait le plomb et le bois, pour en tirer une somme de 4 à 600 francs que le propriétaire devait au fisc.

Tel était l'ensemble et le mécanisme du système d'impôts[7] que Colbert voulait, non pas réformer radicalement, — cette pensée ne pouvait pas venir à un ministre du XVIIe siècle, — mais du moins améliorer dans les limites possibles.

 

VI

Le premier objet était de ramener l'ordre et la probité dans 1a gestion des finances. Le protégé de Mazarin, nous l'avons dit, n'avait pas peu souffert des déprédations commises sous son patron ; mais le moyen de les arrêter ? Que faire contre un ministre qui donnait lui-même l'exemple du détournement, qui prélevait près de 30 millions par an sur le trésor public, et qui s'instituait d'office le fournisseur des armées et de la marine ? Colbert ne pouvait qu'en appeler à la conscience, ou plutôt à la charité du cardinal, en lui mettant devant les yeux la misère générale des peuples. Chargé par lui de visiter le duché de Nevers, en 1660, il lui écrit : Partout je trouve ce que je n'ai que trop souvent dit à Votre Éminence, c'est-à-dire une désolation et une ruine universelles. A la mort du cardinal, il y avait dans tel pays, dans le Berri, par exemple, des paroisses de deux cents feux où deux maisons seulement avaient du pain.

Nicolas Foucquet, qui avait la surintendance depuis l'année 1653, essayait de cacher au roi la triste situation financière du pays, en présentant des états de dépenses et de recettes inexacts. Dès le mois d'octobre 1659, Colbert avait dénoncé le fait à Mazarin ; mais Mazarin, qui était complice des profusions et des intrigues du surintendant, ne pouvait le frapper sans se frapper lui-même. N'osant le poursuivre, il le ménageait, le cares sait même ; tandis que Colbert, témoin indigné du gaspillage des fonds publics, observait dans l'ombre tous les manèges de Foucquet, et attendait l'occasion d'agir contre lui. Tant que Mazarin vécut, le surintendant fut inattaquable ; le cardinal mort, Foucquet continua de fournir au roi des étals financiers dont Colbert s'attachait, de son côté, à démontrer chaque jour la fausseté à Louis XIV. L'irritation du monarque était grande, lorsque la fameuse fête de Vaux (17 août 1661), où Foucquet dépassa les splendeurs des maisons royales de Saint-Germain et de Fontainebleau, y mit le comble. Nous n'avons pas à faire ici le détail de cette célèbre disgrâce ; il nous suffira de dire que Colbert fut un de ceux qui contribuèrent le plus à la perte de Foucquet. Il y porta même un acharnement que l'on pourrait mettre au compte de son honnêteté s'il n'avait dû hériter de celui qu'il poursuivait. Son excuse, c'est le souci de la chose publique : il sentait en lui des facultés inactives, dont l'emploi pouvait être utile à la France ; un seul obstacle, le surintendant, le séparait du but ardemment convoité, et Colbert, qui n'était qu'un homme, après tout, n'eut pas la vertu de montrer, en cette circonstance, du désintéressement ou, tout au moins, de la générosité.

On sait que Foucquet, attiré dans le voyage de Bretagne par les habiles flatteries du roi et de la cour, fut arrêté à Nantes, conduit prisonnier au château d'Angers, puis enfermé à Vincennes, et enfin condamné à passer le reste de ses jours dans la citadelle de Pignerol. L'instruction de son procès prit trois années. Il paraît avéré aujourd'hui que Foucquet ne fut, comme Vérès, le proconsul romain, qu'une victime expiatoire payant pour toute une légion de coupables. Le principal tort de cet illustre malversateur, à la décharge de qui il faut porter plus d'une mesure véritablement utile à l'État, plus d'une idée juste et saine, dont Colbert lui-même fera bientôt son profit, ce fut de s'être exposé, par une compétition trop ambitieuse, non - seulement au déplaisir, mais au ressentiment du roi ; dès lors rien ne pouvait le sauver.

Foucquet, rappelons-le, rejeta sur Mazarin, le ministre défunt, la responsabilité de la plupart de ses actes les plus irréguliers ; il affirma que Colbert, pour mettre à couvert la mémoire du cardinal, avait soustrait du dossier les pièces les plus importantes ; ce qu'il y a de certain, c'est que toute la haute société d'alors était de complicité avec lui. Sur la même liste où figuraient, dit un historien de l'Impôt en France[8], les 12.000 livres de gages payées au poète Scarron, figuraient aussi 100.000 livres remises à la première femme de chambre de la reine, 100.000 au marquis de Créqui, 200.000 au duc de Brancas, 200.000 au duc de Richelieu. Les gens de robe avaient reçu des gratifications ; presque tous étaient directement ou indirectement intéressés dans les affaires des traitants. Avec Foucquet s'écroulait tout un échafaudage de fortunes scandaleuses. A la cour, au palais, et même dans le sein de la grosse bourgeoisie, bien rares étaient ceux qui n'avaient pas à se reprocher quelques bénéfices illicites. Depuis Sully, c'est-à-dire depuis un demi-siècle, l'intégrité dans les affaires publiques était passée à l'état de vertu extraordinaire, inouïe, presque surhumaine. On trouvait Foucquet plus malheureux que coupable ; les lenteurs du procès, la pression exercée sur les juges par les gens du roi plaidaient en sa faveur. Les plus sévères, ceux qui acceptaient avec joie la condamnation du passé, et qui voyaient dans les rigueurs de la justice les préludes d'un ordre de choses nouveau, ceux-là mêmes éprouvaient quelque amertume en songeant que l'ennemi le plus acharné de Foucquet, et son successeur immédiat, n'était autre que l'ancien commis de Mazarin.

Ainsi, la condamnation de Foucquet était celle du système administratif et de la gent financière, contre les procédés desquels nous allons voir Colbert réagir avec une vigoureuse obstination.

 

 

 



[1] Le procureur (du latin procurator, pro, cura, qui prend soin des intérêts d'autrui) répondait, sous l'ancien régime, à l'avoué d'aujourd'hui ; c'était un officier public, prenant rang après l'avocat, et chargé d'instruire les causes des parties et de comparaître pour elles.

[2] On appelait ainsi les droits qu'on payait au roi pour les charges vénales (finance et judicature), quand elles changeaient de titulaire.

[3] Le roi succéda au royaume de France le jour de la mort de Louis XIII son père, n'ayant alors que quatre ans ; mais on peut dire que le jour de la mort du cardinal (Mazarin) fut véritablement celui de son avènement à la couronne, celui où il commença d'être roi, et de faire voir qu'il était digne de l'être ; car ce fut alors qu'il voulut prendre lui-même le soin de toutes ses affaires, et que toutes les grâces qu'il pouvoit répandre sur les grands et sur les petits ne dépendissent que de lui. Pour cela, il commença de régler sa vie de cette manière : il prit la résolution de se lever à huit ou neuf heures, quoiqu'il se couchât fort tard. Environ à dix heures, le roi entroit au conseil et y demeuroit jusqu'à midi ; ensuite il alloit à la messe ; et le reste du temps, jusqu'à son dîner, il le donnoit au public, et aux reines en particulier.

Après le repas, il demeuroit souvent et assez longtemps avec la famille royale ; puis il retournoit travailler avec quelques-uns de ses ministres. Il donnoit des audiences à qui lui en demandoit, écoutant patiemment ceux qui se présentoient pour lui parler. Il prenoit des placets de tous ceux qui lui en vouloient donner, et y faisoit réponse à certains jours qui étoient marqués pour cela.

Comme le seul désir de la gloire et de remplir tous les devoirs d'un grand roi occupoit alors son cœur tout entier, en s'appliquant au travail, il commença de le goûter, et l'envie qu'il avoit d'apprendre toutes les choses qui lui étoient nécessaires fit qu'il y devint bientôt savant. Son grand sens et ses bonnes intentions firent connoître les semences d'une science universelle, qui avoient été cachées à ceux qui ne le voyoient pas dans le particulier ; car il parut tout d'un coup politique dans les affaires d'État, théologien dans celles de l'Église, exact en celles de finance, parlant juste, prenant toujours le bon parti dans les conseils ; sensible aux intérêts des particuliers, mais ennemi de l'intrigue et de la flatterie, et sévère envers les grands de son royaume, qu'il soupçonnoit avoir envie de le gouverner.

(Mémoires de Mme de Motteville, t. IV, p. 253, édit. de M. F. Riaux.)

[4] Les dépenses excédaient 50 millions de livres ; il y avait donc, chaque année, un déficit considérable.

[5] Il faut, bien entendu, mettre à part les pays d'états, qui, en vertu des traités de réunion à la couronne, avaient conservé le droit de s'administrer eux-mêmes, comme le Dauphiné, le Languedoc, la Bretagne, etc., de répartir et lever, suivant l'assiette qu'ils préféraient, les impôts royaux et ceux qu'on leur permettait d'établir pour subvenir à leurs propres besoins.

[6] De Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution.

[7] Pour les gabelles, voir notre chapitre II.

[8] Clamageran, t. II, p. 602.