SAINT POTHIN ET SES COMPAGNONS MARTYRS

 

LIVRE DEUXIÈME. — LA PERSÉCUTION.

CHAPITRE II. — Les chrétiens de Lugdunum mis en évidence par leur nombre toujours croissant.

Les collèges sacerdotaux s'émeuvent. — Préludes de la persécution ; ses causes. — Adresse de la Lettre des Églises de Vienne et de Lugdunum. — L'Église de Vienne fondée par saint Crescent, disciple de saint Paul. — Preuves à l'appui de cette origine apostolique. — Violence de la persécution à Lugdunum. — Le chiliarque et sa cohorte. — Rôle rempli par les duumvirs en l'absence du président de la Lugdunaise. — Est-on autorisé à voir dans Septime-Sévère le gouverneur qui condamna le bienheureux Pothin et ses compagnons.

 

Alors qu'elle était encore au berceau, l'Église de Lugdunum n'avait pas trop de peine à cacher son existence modeste et son action latente. Le petit nombre des chrétiens faisait leur sécurité ; ils pouvaient passer inaperçus dans une grande ville, tout entière au mouvement des affaires, aux jouissances offertes par la civilisation romaine. Mais ce bénéfice du petit nombre ne devait pas durer longtemps ; il allait diminuant tous les jours dans la proportion des prosélytes qui venaient augmenter le troupeau de Pothin. A raison même de leur importance, les conquêtes du bienheureux évêque devaient attirer l'attention de la multitude, éveiller la jalousie des collèges sacerdotaux. La vie chrétienne tranchait trop vivement sur celle des païens pour échapper aux regards /es moins attentifs ; les disciples du Christ se séparaient sur trop de points des adorateurs de Rome et d'Auguste, de Jupiter et de Mercure, pour que cette séparation ne les mit pas en évidence.

Suivant la belle expression de Tertullien, le glorieux insigne des vertus distinguait les fidèles de tout ce qui les entourait dans la vie publique et privée[1]. Ces femmes chrétiennes que l'on voyait ornées de la modestie comme d'un voile, de la pudeur comme d'un vêtement[2], formaient un contraste frappant avec les vierges et les matrones païennes de Lugdunum. Ces chrétiens d'une gravité plus que romaine, dont les regards s'élevaient vers le ciel avec une expression singulière ; ces fidèles s'empressant aux demeures de l'indigence, traitant avec les plus humbles comme avec les personnages de race sénatoriale ; ces Hellènes portant les cheveux rasés à la manière des esclaves[3], bien qu'ils fussent de condition libre, il suffisait d'avoir des yeux pour apercevoir tout cela, un peu d'intelligence pour en saisir la signification.

Les chrétiens de Lugdunum ne se faisaient pas moins remarquer par leur éloignement des cérémonies païennes et des spectacles publics. Jamais on ne les voyait entourer l'autel de Rome et d'Auguste, porter leurs vœux aux autres divinités officielles de l'Empire. Ils évitaient même de passer devant les statues des dieux, devant leurs temples et leurs édicules. S'ils ne pouvaient prendre ailleurs leur chemin, du moins ils détournaient la face en passant, pour ne point souiller leurs regards. Le théâtre de la colline, insuffisant à recevoir une foule avide, ils s'en éloignaient comme d'un lieu où le démon tenait école de tous les vices[4]. Ils fuyaient avec une égale horreur les jeux de l'amphithéâtre ; leur conscience leur eût fait un crime de repaître leurs yeux du sang qui rougissait l'arène[5]. Cette double désertion que l'on taxait d'impiété, que l'on interprétait à mépris pour les objets du culte et les usages de la vie romaine, signalait les chrétiens comme des hommes vivant à part, faisait planer sur leur tête les plus graves soupçons.

La présence du christianisme se révélait d'une manière non moins évidente dans la vie privée. L'épouse chrétienne ne pouvait cacher longtemps son secret à un époux païen, et réciproquement. Que si l'un et l'autre avaient donné leur nom à la religion du Christ, il leur était malaisé d'en faire mystère à leurs parents, à leurs esclaves, aux habitués de la maison. En s'installant dans une famille, le christianisme en bannissait les dieux lares, les amulettes, tous les symboles entachés de superstition et d'idolâtrie ; et, à la place, il introduisait les symboles et les pratiques du culte chrétien. Il suffisait de pénétrer dans une maison chrétienne, pour reconnaître immédiatement la présence de la religion qui présidait à la vie de ses habitants. Ensuite, le signe de la croix dont les fidèles faisaient un usage si fréquent et si universel[6], les prières auxquelles ils s'adonnaient dans leurs demeures, leur attitude et la direction de leur corps en priant[7], l'exquise pureté qui respirait dans leur extérieur et toutes leurs paroles, leur charité réciproque, phénomène inconnu aux sociétés antiques, ces indices étaient assez parlants pour révéler la religion des chrétiens lugdunais à leurs parents, à leurs amis, à tout leur entourage.

Vainement eussent-ils espéré s'abriter dans l'ombre, leur existence à l'état de société religieuse ne pouvait rester longtemps un mystère. Bien avant l'année 177, la prédication de l'Évangile et la pratique de ses enseignements avaient mis en grande évidence la présence d'une communauté chrétienne dans la cité de Plancus.

La religion du Christ commençait à fleurir à Lugdunum, elle s'y posait en adversaire des religions de l'Empire ; c'était une société nouvelle qui venait, sur les bords de la Saône, disputer au paganisme l'empire des âmes et la direction de la vie. Les prêtres d'Auguste et des autres divinités n'avaient pas été les derniers à s'apercevoir de la position prise par les chrétiens en face du culte officiel. Leur intérêt, qui se trouvait lié à la cause du paganisme, avait de bonne heure donné l'éveil aux ministres des dieux, attiré leur attention sur la marche et les progrès de la religion rivale. Dans l'organisation de la société romaine, en effet, le sacerdoce était une source de considération et de fortune. De plus, il ouvrait la porte des honneurs, pouvait mener aux plus hautes charges de l'État, comme le prouve un grand nombre de monuments épigraphiques. Il n'est donc pas étonnant de voir les prêtres des idoles figurer souvent, dans les Actes des martyrs, comme les agents les plus actifs, sinon les plus apparents, des mesures prises contre les chrétiens.

La Lettre des deux Églises, telle qu'elle nous a été conservée par Eusèbe, ne fait aucune mention des prêtres de Lugdunum. Nul doute cependant que les collèges privilégiés qui desservaient le temple de Rome et d'Auguste, ne se soient concertés ensemble et avec ceux qui étaient attachés au culte des autres divinités, pour combattre l'ennemi commun, arrêter ses envahissements progressifs. Or, pour parvenir à leur fin, les prêtres de Lugdunum n'avaient nul besoin de se mettre personnellement en avant ; ils pouvaient dissimuler leurs manœuvres derrière les masses, sur lesquelles leur influence était considérable. Dans les prolétaires et les désœuvrés, ils trouvaient des instruments tout prêts à seconder leurs desseins, à servir leurs passions haineuses et intéressées. Au moyen d'agents habiles à remuer la multitude, il n'était pas difficile aux collèges sacerdotaux d'organiser une émeute, de déchaîner la populace contre les adorateurs du Christ.

L'an 177 de Jésus-Christ, rien ne semblait devoir faire obstacle à une démonstration de ce genre. Le gouverneur de la province se trouvait alors absent de Lugdunum. A Rome, le parti de Crescent et de Fronton n'avait rien perdu de son ascendant sur l'esprit de Marc-Aurèle. D'autre part, trois ans déjà passés depuis le miracle de la Fulminante avaient suffi, paraissait-il, pour mettre la reconnaissance de l'empereur en règle avec le christianisme. Quant à la douceur naturelle de ce prince, le sang déjà versé disait assez haut que les chrétiens n'étaient pas admis sur le même pied que tout le monde au bénéfice de son humanité. Tout faisait donc présumer que Marc-Aurèle abandonnerait les contempteurs des dieux à la vindicte des lois et aux vengeances publiques.

L'émeute qui éclata contre les chrétiens de Lugdunum ne fut pas un fait isolé ; la persécution s'étendit, en dehors des Gaules, à plusieurs autres parties de l'Empire : En ce temps-là, dit Eusèbe, les poursuites exercées en quelques lieux contre les chrétiens ayant allumé une violente persécution, des troupes innombrables de martyrs brillèrent dans le monde entier, comme il est facile de le conclure par ce qui arriva dans une seule province[8]. Le martyre du bienheureux Pothin et de ses compagnons a été détaché de l'ensemble par l'évêque de Césarée, afin de nous donner une idée des scènes qui se passèrent ailleurs qu'à Lugdunum.

A quelle cause rattacher la crise religieuse dont parle Eusèbe dans ce passage ? Marc-Aurèle prit-il, par un édit, l'initiative de cette persécution ? La demande adressée à l'empereur par le président de la Lugdunaise, à propos d'Attale, citoyen romain, semble prouver le contraire. Une pareille démarche de la part de ce haut fonctionnaire suppose que Marc-Aurèle, depuis le miracle de la Fulminante, ne s'était pas prononcé d'une manière formelle contre les chrétiens. Suivant toute vraisemblance, le signal des mesures persécutrices sera parti de ce groupe de devins, d'enchanteurs, de philosophes et de sophistes qui avaient l'oreille et la confiance de l'empereur. Le mot d'ordre donné de toute part, les gouverneurs de province, les magistrats des villes se seront empressés de le suivre. Puis, avec son incurable faiblesse, Marc-Aurèle aura fermé les yeux, il aura laissé faire. Peut-être aussi un soulèvement religieux, éclatant à Lugdunum ou dans une autre ville de l'Empire, aura produit une conflagration générale ; ce soulèvement aura été comme l'étincelle qui allume un immense incendie. Ce qu'il y a de certain, c'est que nulle part la persécution ne sévit avec plus de violence que sur les bords de la Saône. Pour s'en convaincre, il suffit de lire la Lettre qui nous a été conservée par Eusèbe ; les martyrs y entrent dans des détails qu'on ne peut lire sans frissonner d'horreur.

Le moment est venu d'aborder ce monument vénérable ; nous allons le dérouler page par page, en présenter la traduction au lecteur par fragments successifs. Cette méthode nous donnera la facilité d'encadrer les différentes parties de la Lettre d'éclaircissements, de commentaires, d'observations propres à les faire ressortir, à les mettre en pleine lumière[9].

Les serviteurs de Jésus-Christ qui habitent Vienne et Lugdunum de la Gaule, aux frères d'Asie[10] et de Phrygie qui ont même foi et même espérance que nous en la rédemption, paix, grâce et gloire de la part de Dieu le Père et de Jésus-Christ notre Seigneur.

Ces premières lignes, qui constituent l'adresse de la Lettre, appellent tout d'abord notre attention sur la sainte Église de Vienne ; elles nous donnent lieu d'expliquer comment cette Église fut associée à celle de Lugdunum dans un même combat, dans de communes souffrances. En outre, ce début n'est pas sans valeur historique ; il renferme un témoignage en faveur de l'antiquité de l'Église viennoise. A ce point de vue, la Lettre des martyrs se lie à la fameuse question de l'origine apostolique des Églises gallicanes.

Les hypercritiques du XVIIe siècle ont fait grand bruit d'un passage inacceptable de Grégoire de Tours[11] et d'un texte mal interprété de Sulpice-Sévère[12]. Sur ces autorités, Lannoy, Baillet et autres se flattaient d'avoir clos définitivement le débat, mis à néant l'origine apostolique de plusieurs Églises des Gaules. Cette question, faussée par une science incomplète et des préjugés de secte, a été reprise en sous-œuvre, étudiée à nouveau par l'érudition contemporaine. Des critiques se sont mis courageusement à l'œuvre afin de retrouver les anneaux de la tradition sur ce point ; ils ont remonté aux sources, fouillé dans les trésors des bibliothèques et des archives. Pères de l'Église, Actes des martyrs, Vies des saints, livres liturgiques, ouvrages antérieurs au XVIIe siècle, aucun monument de la tradition n'a été négligé par eux. Le succès a répondu à ces efforts. Après d'actives et patientes recherches, ces critiques ont trouvé de quoi prendre Lannoy et son école en flagrant délit d'ignorance ou de mauvaise foi ; ils ont pu justifier les croyances de nos pères sur l'origine apostolique des Églises gallicanes, enfin déterminer un salutaire retour de l'opinion, d'abord indécise ou égarée.

En ce qui concerne la sainte Église de Vienne, un trait de plume donné par Lannoy[13], Baillet[14] ou Tillemont[15], ne saurait effacer les premiers noms inscrits par l'antiquité sur la liste des pontifes viennois. La mention expresse faite de ces premiers évêques par la Chronique et le Martyrologe d'Adon, par les livres liturgiques de Vienne, par tous les monuments de la tradition locale, cette mention ne peut souffrir aucune atteinte d'auteurs venus bien tard pour s'inscrire en faux contre de si graves autorités. Et nous ne disons rien de Lelièvre[16], de Maupertuy[17], de Charvet[18], historiens locaux qu'il faut accepter au moins comme des représentants de la tradition, telle qu'elle avait cours de leur temps.

Après Crescent, envoyé par saint Paul, comme nous allons le prouver, l'Église de Vienne vénérait, dans leur ordre de suc-' cession, les évêques Zacharie, Martin, Verus, Justus, ce dernier contemporain du bienheureux Pothin. Les difficultés qui se rapportent à la durée de leur épiscopat, à l'année précise de leur élévation au siège de Vienne ou de leur mort, ne sauraient évidemment atteindre l'existence de ces pontifes. Autrement que deviendrait l'histoire, si, pour rejeter des faits d'ailleurs incontestables, il suffisait de ne pouvoir les rattacher à un jour fixe, à une date certaine ?

Saint Crescent, disciple de l'apôtre saint Paul, ouvre la série des pontifes viennois. Le premier titre de son origine apostolique, l'Église de Vienne le trouve dans la IIe Épître à Timothée. Dans cette Épître, composée à Rome l'an 63, après sa première captivité, saint Paul écrit : Abiit... Crescens in Galatiam, Titus in Dalmatiam[19]. La question relative à l'origine apostolique de l'Église viennoise se réduit à savoir si par Galatie il faut entendre la Gaule ; car l'unique raison des hypercritiques pour nier l'épiscopat de saint Crescent à Vienne, consiste à dire que ce disciple de saint Paul n'est jamais venu dans les Gaules. Eh bien t dans l'antiquité, le verset que nous venons de citer avait deux leçons : l'une portait in Galliam, l'autre in Galatiam. Les auteurs les plus anciens ont admis la première de ces deux leçons. Nous lisons dans Eusèbe : Des autres compagnons de saint Paul, Crescent fut envoyé dans les Gaules, comme cet apôtre lui-même en rend témoignage[20]. Saint Épiphane assure que la Gaule a été évangélisée non seulement par saint Crescent, mais encore par saint Luc. Le ministère de la prédication évangélique, dit-il, ayant été confié à saint Luc, il l'exerça d'abord en Dalmatie, en Gaule, en Italie, en Macédoine, mais particulièrement dans la Gaule, ainsi que saint Paul l'atteste de quelques uns de ses disciples. Crescent, dit-il, a été envoyé en Gaule. Car il ne faut pas lire en Galatie, comme quelques uns le croient par erreur, mais en Gaule[21]. Nous lisons aussi dans la Chronique d'Alexandrie : Crescent ayant prêché l'Évangile de Jésus-Christ dans les Gaules, mourut sous Néron[22]. Sophrone, évêque de Jérusalem, dit pareillement que Crescent prêcha l'Évangile dans les Gaules[23]. La version du texte de saint Paul portant in Galliam, version autorisée par Eusèbe, saint Épiphane, Sophrone et la Chronique d'Alexandrie, tranche évidemment la question. L'autre leçon n'est guère moins favorable à la mission de saint Crescent dans les Gaules. En effet, dans l'antiquité, le pays des Gaulois était nommé indifféremment Gaule et Galatie. Nous en avons la preuve dans Théodoret. Par Galatie, dit le savant évêque de Cyr, saint Paul entend les Gaules, ainsi nommées par l'antiquité et les païens de nos jours[24]. Appien dit formellement : Les Celtes, nommés également Galates et Gaulois[25]. Ammien Marcellin nous apprend aussi que les Grecs appelaient les Gaulois Galates[26]. Effectivement, Polybe, Plutarque et Dion les dénomment ainsi. L'historien Josèphe donne à entendre la même chose lorsqu'il dit des Romains qu'ils ont subjugué la Galatie et l'Ibérie[27]. Manifestement il est ici question de la Gaule cisalpine, soumise aux Romains, ainsi que l'Ibérie, à l'époque des Macchabées dont parle cet historien. Le nom de Galatie ayant été donné par l'antiquité à la Gaule, la synonymie de ces deux vocables ramène les deux leçons du texte de saint Paul à signifier la Gaule transalpine. Donc, pour laquelle des deux leçons qu'on se prononce, impossible de révoquer en doute la venue de Crescent dans la Transalpine, et, par suite, de nier l'origine apostolique de l'Église de Vienne.

La tradition des siècles postérieurs se trouve en parfaite concordance avec ces conclusions. Qu'il nous suffise de citer Adon, le représentant le plus autorisé de cette tradition. Cet auteur, fort au courant des origines de l'Église viennoise, dont il était évêque, s'exprime ainsi dans son Martyrologe, pour le V des calendes de juillet : En Galatie[28], le bienheureux Crescent, disciple de l'apôtre saint Paul. Étant venu dans les Gaules, sa parole convertit bon nombre de fidèles à la foi du Christ. Il siégea pendant quelques années à Vienne, cité des Gaules, et il y ordonna évêque, pour lui succéder, Zacharie, son disciple[29].

Dans sa Chronique, le même Adon écrit : En ce temps-là (vers l'an 83), on croit que saint Paul passa en Espagne, et laissa, pour y prêcher l'Évangile, Trophime à Arles, Crescent à Vienne[30]. Un peu plus loin, après avoir mentionné le martyre de Zacharie, successeur de Crescent, il ajoute : Crescent, disciple des apôtres, siégea le premier à Vienne[31]. Adon, évêque de Vienne, figure parmi les plus savants et les plus illustres prélats du ixe siècle ; son témoignage tire de sa science et de sa position une autorité décisive. Aussi a-t-il été généralement suivi par les martyrologes et les auteurs occidentaux qui ont parlé après lui de saint Crescent.

L'Église de Vienne pouvait donc se glorifier d'être de fondation apostolique. Après saint Crescent, son premier évêque, vinrent successivement Zacharie, Martin, Verus et Justus, quatre pontifes qui donnèrent leur vie pour Jésus-Christ. Cette succession sur le siège de Vienne de quatre évêques martyrs prouve combien tourmentés furent les commencements de cette Église.

D'après ce que nous venons de dire, il n'est pas difficile de rendre compte de l'adresse qui ouvre la Lettre des deux Églises. Établie, constituée par saint Crescent, vers l'an 63 de Jésus-Christ, l'Église de Vienne vit, moins d'un siècle après, naître et grandir sur les bords de la Saône celle de Lugdunum ; elle applaudit aux succès obtenus par le zèle du bienheureux Pothin, peut-être même y aida-t-elle par le concours de ses ministres. Grâce à la proximité des lieux et aux rapports favorisés par ce voisinage, les deux chrétientés s'unirent par les liens d'une intime charité. Ces nœuds devaient plus tard se resserrer par la communauté des mêmes souffrances endurées pour la foi. L'Église de Lugdunum eut l'honneur de fournir le théâtre du combat, et aussi de donner un nombreux contingent à la légion des martyrs. De son côté, celle de Vienne ne fut pas absente de la lutte ; elle y fut noblement représentée par le diacre Sanctus, peut-être par Attale, et plusieurs autres connus de Dieu seul. Le triomphe ayant été commun aux deux chrétientés, toutes les deux devaient figurer au bulletin de la victoire. Puisqu'une lettre, où seraient retracés les détails de la persécution, devait être adressée aux frères d'Asie et de Phrygie, rien de plus naturel qu'elle fût collective, qu'elle émanât des deux Églises qui avaient combattu dans la personne de leurs enfants.

Comme on l'a remarqué, dans l'adresse de cette Lettre, l'Église de Vienne occupe le premier rang. Cette particularité, si minime qu'elle paraisse, a pourtant sa signification historique ; elle s'explique autrement que par une humble déférence des frères de Lugdunum, ou bien par une primauté hiérarchique qui n'existait pas et n'a jamais existé. L'Église de Vienne était de fondation apostolique, elle avait vu naître celle de Lugdunum ; il était donc convenable qu'elle eût le pas sur celle-ci ; que, née la première, elle inscrivît son nom en tète de la Lettre destinée aux frères d'Asie et de Phrygie.

Nous l'avons dit, l'Église de Lugdunum n'avait pu se produire au grand jour sans froisser des passions de tout genre. Les chrétiens de cette ville furent bientôt signalés à l'animadversion publique par les prêtres des idoles et tous les gens intéressés au culte des dieux. De sourds murmures se firent d'abord entendre ; aux murmures succédèrent les menaces : c'étaient les préludes de l'orage. Dans l'intention des principaux meneurs, ces manifestations, plus bruyantes qu'offensives, avaient pour but de monter les tètes, d'irriter les masses, de les préparer aux derniers excès. Après avoir fermenté dans les conciliabules secrets, s'être répandu en furieuses déclamations an forum et sous les portiques des édifices publics, le fanatisme populaire ne se contint plus, il éclata contre les saints de Lugdunum avec une violence inouïe. Les premières lignes de la Lettre sont consacrées à donner une idée générale de la persécution et de ses rigueurs.

La violence de la persécution déchaînée contre nous, la fureur des païens contre les saints, la variété des tourments endurés par les bienheureux martyrs, il nous serait impossible d'exprimer cela de vive voix, ou de le retracer par écrit. En effet, l'ennemi se jeta sur nous avec une violence extrême, préludant ainsi aux maux qui marqueront son futur avènement. En attendant, il n'oublia rien pour dresser d'avance, pour former ses ministres à la guerre contre les serviteurs de Dieu. Ainsi on nous interdit l'entrée des maisons, des bains et du forum ; on alla jusqu'à nous défendre de paraître en public, quelque part que ce fût.

C'était réduire les chrétiens au domicile forcé.

Tout d'abord les martyrs signalent le chef invisible de la persécution, le démon, l'ennemi de Dieu et de son Christ, celui qu'ils appellent en d'autres endroits le dragon, l'adversaire. Le président, les prêtres des idoles, les bourreaux et la multitude, aveugles instruments de sa fureur, exécutèrent les ordres de celui qui fut homicide dès le commencement. De son côté, le Seigneur ne pouvait abandonner les siens dans un combat engagé pour sa gloire. La Lettre nous le représente intervenant du ciel en faveur des martyrs, les fortifiant de sa grâce, leur administrant jusqu'à la fin les secours nécessaires à la lutte.

Semblable à un habile général, qui n'oppose à l'ennemi que des troupes d'élite, Dieu avait fait choix pour le martyre des fidèles les plus généreux. Pour les chrétiens ordinaires, il leur avait fait comprendre qu'ils devaient se tenir à l'écart et ne pas se commettre avec l'ennemi. Suivant la parole du Sauveur[32] et l'exemple des saints, plusieurs donc s'étaient dérobés au danger par la fuite ; la Providence l'ordonnait ainsi afin d'épargner leur faiblesse, afin de mettre en ligne ce qu'il y avait de plus solide dans la milice chrétienne de Lugdunum.

Or, disent les martyrs, la grâce de Dieu combattit pour nous. D'abord le Seigneur tira les faibles à l'écart ; ensuite il opposa au démon des chrétiens, colonnes inébranlables, capables par leur fermeté d'attirer à eux tout l'effort de l'ennemi.

Malheureusement, quelques uns comptèrent trop sur leurs propres forces. Au lieu de fuir, comme les y invitait le sentiment de leur faiblesse, ils s'exposèrent aux coups de l'ennemi, et tombèrent victimes d'une aveugle confiance. Bien différent fut le sort des confesseurs qui, se défiant humblement d'eux-mêmes, s'appuyèrent uniquement sur le secours du ciel.

Les martyrs, dit la Lettre, en étant donc venus aux mains avec l'ennemi, souffrirent toute sorte de tourments et d'opprobres. A la faveur de ces souffrances, à leurs yeux bien légères, ils se hâtaient de se réunir au Christ, nous apprenant par leur exemple que les afflictions de cette vie n'ont aucune proportion avec la gloire qui doit éclater en nous[33]. D'abord ils supportèrent vaillamment tous les excès d'une foule ameutée contre eux : les vociférations, les coups, les mauvais traitements, les grêles de pierres, le pillage des biens, la réclusion, tout ce qu'une populace égarée par la fureur a coutume d'exercer contre des ennemis privés ou publics.

Connivence des magistrats ou impuissance de leur part, les fidèles de Lugdunum se trouvèrent exposés sans défense aux emportements d'une vile populace. Les lois protectrices des biens, de l'honneur, de la liberté des citoyens, furent lettre morte à leur égard. Aux yeux des païens, le nom seul de chrétien constituait un crime qui légitimait tous les excès[34]. Ennemis des dieux, dont ils désertaient les temples ; de l'empereur, pour lequel ils refusaient d'offrir de l'encens et des sacrifices ; de leurs concitoyens, dont ils se séparaient pour vivre à part, appartenait-il aux sectateurs du Christ d'invoquer la protection des lois, d'en appeler à César, de revendiquer à leur profit le bénéfice des institutions de l'Empire ? Voilà ce que l'on pensait généralement sur le compte des chrétiens. Aussi le champ demeura-t-il libre à la populace de Lugdunum ; elle put se ruer impunément sur les fidèles de cette ville, se donner contre eux libre carrière, s'abandonner aux mille inspirations de la haine.

Cette liberté laissée aux masses de se jeter sur les chrétiens, de piller leurs biens, de les réduire au domicile forcé, de se livrer contre eux à tous les excès, donne une triste idée de l'ordre public chez les Romains, pendant la période impériale. Dans les soulèvements religieux de cette époque apparaissent des symptômes de défaillance politique que les historiens n'ont pas assez fait remarquer. Des scènes pareilles à celles que décrit la Lettre, pouvant se produire dans une grande cité, sans répression aucune, accusent une insigne faiblesse dans le pouvoir vis-à-vis de la multitude. A Rome, l'empereur lui-même, avec son omnipotence, avec ses prétoriens, se voyait réduit à caresser le peuple. Le chef de l'État avait à sa disposition les jeux, les distributions de blé, les gratifications extraordinaires, tout un système organisé pour flatter les masses, les adoucir au besoin. Avec une autorité moindre et des forces inférieures pour la faire respecter, les gouverneurs dans les provinces, les magistrats municipaux dans les cités, devaient à plus forte raison compter avec la multitude, ménager son caractère et ses passions. Aussi ses exigences entraînaient-elles souvent la volonté des proconsuls et des duumvirs.

Cette influence du peuple ne manquait pas de se faire sentir, lorsque le vent soufflait à la persécution ; c'est de quoi les Actes des martyrs, et spécialement la Lettre des deux Églises, fournissent abondamment la preuve.

Mais poursuivons la lecture de cette Lettre.

Ensuite, les fidèles furent conduits au forum par le chiliarque et les magistrats de la ville. Aux questions qui leur furent posées en présence du peuple, ils répondirent en confessant leur foi ; après quoi ils furent mis en prison, en attendant l'arrivée du président.

La force publique intervenait bien tard au milieu de ces désordres ; elle avait laissé à la populace tout le temps nécessaire pour assouvir sa fureur contre les chrétiens, mettre leurs biens au pillage. Cette lenteur pouvait avoir été calculée par les duumvirs de Lugdunum ; elle pouvait tout aussi bien avoir été imposée par une multitude assez redoutable pour arrêter ces magistrats dans l'exercice de leurs fonctions légales.

Le chiliarque qui arrêta les chrétiens de Lugdunum était un tribun militaire, un officier supérieur qui commandait, comme son nom l'indique, une cohorte de mille hommes. Au temps de Marc-Aurèle, le cadre régulier de la légion romaine comprenait six mille soldats, répartis en dix cohortes. La première de ces cohortes, plus forte que chacune des neuf autres, comptait mille hommes ; elle était commandée par un tribun militaire nommé chiliarque, à raison de ce nombre.

Les légions romaines campaient sur les bords du Rhin et sur les autres frontières de l'Empire, afin de tenir en respect les Barbares et de les repousser au besoin. Des cohortes étaient détachées des légions pour tenir garnison dans les grandes villes de l'intérieur. Ces détachements de troupes étaient chargés de faire la police dans les cités, de maintenir leurs habitants dans le devoir. En deux endroits de ses écrits, Tacite nous parle d'une cohorte cantonnée à Lugdunum[35]. Dans les Actes des apôtres, nous voyons un chiliarque accourir avec ses légionnaires et arracher saint Paul aux mains des Juifs de Césarée[36].

Le chiliarque dont il est question dans la Lettre, se trouvait donc en garnison à Lugdunum ; il devait avec ses mille hommes prêter main forte au gouverneur et à la curie. Outre le service de la police, les soldats romains étaient requis pour appliquer les supplices aux condamnés : ils étaient les exécuteurs des hautes œuvres. Ce service ne répugnait pas, il ne dérogeait aucunement à la dignité militaire comme on la comprenait alors : le légionnaire devait débarrasser l'Empire des ennemis du dedans aussi bien que des ennemis du dehors. Les supplices que subirent les martyrs de Lugdunum furent donc préparés et appliqués par les soldats de la cohorte qui se trouvait alors dans la ville.

Saisis par le chiliarque, les chrétiens furent traduits devant les duumvirs et interrogés par ces magistrats. Pour se rendre compte du rôle rempli par ces juges municipaux, il importe d'indiquer le cercle tracé par la loi autour de leur autorité judiciaire. En matière civile, ces magistrats exerçaient une juridiction limitée, qui ne dépassait pas une certaine somme d'argent[37]. De plus, il est vraisemblable qu'ils pouvaient imposer des amendes modérées. Mais ils avaient les mains liées dans toutes les causes qui dépendaient de l'imperium, c'est-à-dire en matière criminelle ; par conséquent, ils ne pouvaient prononcer aucune peine afflictive. Aussi n'avaient-ils point de tribunal, signe caractéristique de l'imperium ; ils jugeaient sur des sièges moins élevés, ce qui les plaçait dans la catégorie des juges nommés judices pedanei. Il entrait dans leurs attributions de sévir modérément contre les esclaves ; ils pouvaient même, après information préalable, mettre en prison les personnes de condition libre, sans toutefois les condamner à une peine quelconque[38].

En vertu de leur charge, les duumvirs de Lugdunum veillaient au bon ordre de la cité ; il leur appartenait donc de connaître de tout ce qui pouvait le troubler, ou seulement le compromettre. Ainsi, au point de vue de la stricte légalité, ces magistrats n'excédaient pas leur pouvoir en traduisant devant eux des hommes qu'ils estimaient être la cause, ou du moins l'occasion d'un soulèvement populaire. Ici, la conduite à tenir par les duumvirs était toute tracée par la loi municipale. Interroger les chrétiens accusés par le peuple, commencer à instruire leur cause, rédiger un rapport qu'ils présenteraient au président, à son retour dans la ville, et, en attendant, s'assurer des prévenus en les mettant sous bonne garde, leur pouvoir n'allait pas plus loin, cette action préliminaire épuisait leur compétence. Les duumvirs de Lugdunum ne sortirent pas de ces bornes légales. Comme on le voit par le texte de la Lettre, ils ne prononcent point de jugement : ils n'avaient pas qualité pour cela. A l'égard des chrétiens traduits devant leur modeste siège, ces magistrats ne prennent d'autre rôle que celui de juges d'instruction. Cela fait, ils s'assurent de la personne des accusés par la prison préventive, et réservent au président le jugement à intervenir, la peine à décerner.

Dans les Actes des martyrs, nous voyons les magistrats des cités attentifs à respecter ces limites. Ainsi le curateur de Tibiure, en Afrique, dit à Félix, évêque de cette ville : Vous comparaîtrez devant le proconsul, et là vous rendrez compte de votre conduite[39]. De même les martyrs d'Abitine sont déférés, non aux magistrats de la ville, mais au proconsul Anolin[40].

Quel était ce président de la Lugdunaise, dont la Lettre des deux Églises ne décline pas le nom ? H. Valois[41], les Bollandistes[42] et plusieurs autres critiques estiment que ce pouvait être Septime-Sévère, celui-là même qui, après avoir vaincu Albin, fit couler à Lugdunum des ruisseaux de sang chrétien. Mais cette opinion n'est pas assez appuyée pour avoir une valeur autre que celle d'une simple probabilité. Nous apprenons de Spartien que Septime-Sévère fut nommé par Marc-Aurèle au gouvernement de la Lugdunaise[43], voilà tout. Cette donnée unique ne peut autoriser à voir dans Septime-Sévère le président qui condamna à mort le bienheureux Pothin et ses compagnons. En quelle année le général africain fut-il appelé au gouvernement de la Gaule lugdunaise, et combien de temps exerça-t-il cette haute magistrature ? Nous l'ignorons. Or, il faudrait être fixé sur ces deux points pour pouvoir affirmer l'identité de Septime-Sévère avec le président siégeant à Lugdunum en l'année 177[44].

 

 

 



[1] Quid insigne præferimus nisi primam sapientiam, qua frivola humanæ manus opera non adoramus ; abstinentiam, qua ab alieno temperamus ; pudicitiam, quam nec oculis contaminamus ; misericordiam, qua super indigentes flectimur ; ipsam veritatem, qua offendimus ; ipsam libertatem, pro qua mori novimus ? (Ad nationes, l. I, c. IV.)

[2] S'adressant aux femmes chrétiennes, Tertullien leur dit : Vestite vos serico probitatis, byssino sanctitatis, purpura pudicitiæ... Taliter pigmentatæ Deum habebitis amatorem. (De cultu feminarum, l. II, c. XIII.)

[3] Dans les premiers siècles, les clercs ne portaient pas encore la couronne : cette marque distinctive eût été imprudente au milieu des persécutions ; elle aurait désigné les prêtres de Jésus-Christ à la haine des païens. En général, les clercs portaient les cheveux courts et coupés ras. Cette coupe de cheveux n'offrait alors aucun inconvénient, puisque les pauvres, les esclaves, les prêtres d'Isis et de Sérapis, les initiés de plusieurs mystères avaient aussi la tète rase. On attribue l'adoption de cet usage à saint Pierre, qui, par humilité et pour ressembler aux esclaves, avait coupé ses cheveux. Dans les Actes de saint Bénigne, nous lisons : Vidi quemdam hominem (Benignum) peregrinum caput habere tonsum. (Apud Surium, 1er novembris.)

[4] Impudicitiam amoliri jubemur. Hoc igitur modo ac theatro separamur quod est privatum consistorium impudicitiæ, ubi nihil probatur quam quod alibi non probatur. (Tertullien, De spectaculis, c. XVII.)

[5] Si sævitiam, si impietatem, si feritatem permissam nobis contendere possumus, eamus in amphitheatrum. (Tertullien, De spectaculis, XIX.)

[6] Tertullien nous apprend que, dans les premiers siècles, les chrétiens faisaient le signe de la croix dans une multitude de circonstances ; qu'ils se signaient an commencement de toutes leurs actions. Voici ses paroles : Ad omnem progressum atque promotum, ad omnem aditum et exitum, ad calciatum, ad lavacra, ad mensas, ad lamina, ad cubilia, ad sedilia, quœcumque nos conversatio exercet, frontem crucis signaculo terimus. (De corona militis, c. III.)

[7] Illuc (in cœlum) suspicientes christiani manibus expansis, quia innocuis, capite nudo, quia nec erubescimus. (Tertullien, Apol., XXI.)

Les premiers chrétiens avaient coutume de prier debout, les mains étendues, un peu élevées vers le ciel, la face tournée vers l'orient. Les fresques, les sarcophages, les pierres sépulcrales, les catacombes, les verres historiés, offrent des fidèles des deux sexes dans cette attitude. On donne à ces figures le nom d'orantes. La liturgie de Lyon a conservé ce rite des premiers siècles. Immédiatement après l'élévation, le prêtre déploie les deux bras, à la manière des orantes.

[8] Eusèbe, Hist. ecclés., l. V, in proœmio.

[9] Nous traduisons sur le texte grec donné par l'abbé Migne. (Patrol. græc., t. V, c. 1409 et sequent.)

[10] Il est ici question de l'Asie proconsulaire, dont Éphèse était la capitale.

[11] Voici le texte de Grégoire de Tours qui a été le grand champ de bataille des hypercritiques :

Hujus (Decii) tempore, septem viri ordinati ad prædicandam in Gallias missi sunt, sicut historia passionis sancti martyris Saturnini denarrat. Ait enim : Sub Decio et Grato coss., sicut fideli recordatione retinetur, primum ac summum Tolosa civitas sanctum Saturninum habere cœperat sacerdotem. Hi ergo missi sunt : Turonis Gatianus episcopus ; Arelatensibus, Trophimus episcopus ; Narbonæ Paulus episcopus ; Tolosæ Saturninus episcopus ; Parisiacis, Dionysius episcopus ; Arvernis, Stremonius episcopus ; Lemovicinis, Martialis est destinatus episcopus. (Hist. Franc., l. I, c. XXVIII.)

On a démontré que ce texte est sans valeur, 1° parce qu'il s'appuie sur une citation inexacte, 2° parce qu'il est en contradiction avec des écrivains antérieurs à Grégoire de Tours, 3° parce qu'il est facile de démontrer la fausseté historique des faits mentionnés dans ce passage, 4° parce que Grégoire de Tours y est en contradiction avec lui-même, 5° parce que les partisans de cet historien reconnaissent eux-mêmes que ce passage est très-défectueux.

Voir l'abbé Arbelot, Dissertation sur l'apostolat de saint Martial.

[12] Sub Aurelio Antonino visa primum in Galliis martyria, Dei religione trans Alpes serius suscepta. (Sulp. Sev.) Sulpice-Sévère ne dit pas qu'il n'y eut point de martyrs dans les Gaules avant Marc-Aurèle, mais il veut dire qu'avant cette époque il n'y eut point de persécutions qui auraient fait un grand nombre de martyrs, martyria. Il ne dit pas non plus que la religion fut prêchée, mais il dit qu'elle fut embrassée plus tard dans les Gaules, ce qui cet fort différent.

[13] Lannoy prétend que saint Crescent n'est jamais venu dans les Gaules. (De Dionysio.)

[14] Baillet renvoie à Tillemont pour la mission de saint Crescent ; il souscrit à tout ce qu'en a écrit l'auteur des Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique.

[15] Sans aller si loin que Lannoy, Tillemont élève difficulté sur difficulté ; pourtant il n'ose pas conclure. (Mém., t. III, p. 614.)

[16] Lelièvre, Histoire de l'antiquité et sainteté de l'Église de Vienne.

[17] Maupertuy, Histoire de la sainte Église de Vienne.

[18] Charvet, Histoire de la sainte Église de Vienne.

[19] Epist. IIe, ad Timoth., c. IV, v. 10.

[20] Ex reliquis Pauli comitibus, Crescens quidem ab eo missus in Gallias Pauli ipsius testimonio declaratur. (Hist. ecclés., l. IV, c. IV, vers. Val.)

[21] Huic (Lucæ) prædicandi Evangelii munus est creditum ; idque ipse primum in Dalmatia, Gallia, Italia, Macedonia præstitit ; sed in Gallia præ cæteris, ut de nonnullis comitibus suis Paulus in Epistolis testatur : Crescens, inquit, in Galliam. Non enim in Galatiam legendum est, ut quibusdam placuit immerito, sed in Galliam. (Adversus hæreses, hæres. 41.)

[22] Chron. Alex., CCXX olymp.

[23] Crescens in Galliis prædicavit Evangeliam. (De vitis apost., Patr. lat., édit. Migne, t. XXIII, p. 722.)

[24] Crescens in Galatiam. Gallias sic appetlavit ; ita eum appellabantur antiquitus ; ita etiam nunc eas nominant qui sunt externæ doctrinæ participes. (Patrol. græc., t. LXXXII, c. 834, éd. Migne.)

[25] De bellis hispan.

[26] Ammien Marcellin, l. XV.

[27] Antiquités, XII, XVII.

[28] D'après Adon, saint Crescent ne mourut pas à Vienne. Après avoir séjourné plusieurs années dans cette ville, il se rendit dans la Galatie d'Asie, où il fut martyrisé sous Trajan.

[29] Martyr., V kal. julii.

[30] Chron.

[31] Chron.

[32] Matthieu, c. X, v. 24.

[33] Ad Roman., VIII, 18.

[34] Tertullien, Apolog.

[35] Annal., l. III, XLI. Hist., l. I, LXIV.

[36] C. XXI.

[37] Paulus.

[38] Roth, De re municipali.

[39] D. Ruinart, Acta sincera, p. 377. In-4°, Paris, 1689.

[40] D. Ruinart, Acta sincera, p. 409.

[41] Annotat. ad Eus.

[42] Die 2e junii.

[43] In Severo.

[44] C'est par erreur qu'un historien de Lyon voit le président de cette année 177 dans Sextus Ligurius Marinas, de la tribu Galeria.