Les orages religieux qui avaient éclaté à Rome, à Smyrne,
en Égypte, tenaient en éveil les chrétiens de Lugdunum. Le sang déjà versé
avait donné un cruel démenti aux espérances qu'un petit nombre avait pu
fonder sur l'humanité de Marc-Aurèle, sur la douceur de son caractère.
Cependant neuf années s'écoulèrent depuis la mort de saint Polycarpe jusqu'à
la crise de l'année 177, époque féconde où, suivant une belle expression de
Tertullien, les enfants du bienheureux Pothin s'exerçaient dans la palestre
chrétienne. Aussi, les jours de la persécution venus, eurent-ils le courage
de confesser Jésus-Christ par la généreuse effusion de leur sang. Après la
lutte, l'Église de Lugdunum prit la plume à son tour, et, dans une Lettre
admirable adressée à l'Église de Smyrne[1], elle lui raconta
les souffrances et la mort de ses quarante-huit martyrs. C'était une réponse
de tout point conforme à l'Épître qu'elle avait reçue, neuf ans auparavant,
touchant le martyre de saint Polycarpe. Écrite sous la même inspiration, Né vers l'an 267, Eusèbe avait vécu sous Dioclétien ; il
avait pu suivre dans toutes ses phases la persécution la plus terrible que
l'enfer eût déchaînée contre l'Église du Christ. Le christianisme étant monté
sur le trône avec Constantin, l'évêque de Césarée eut l'heureuse idée de
recueillir les Actes des martyrs qui avaient été immolés, non seulement sous
Dioclétien, mais encore pendant toutes les autres persécutions, et d'en
former un grand recueil qui le profiterait pas moins à la piété des fidèles
qu'à l'histoire de l'Église. Or, personne n'était en meilleure position que
lui pour mener à bien cette belle entreprise. Eusèbe, comme on sait, était en
grand crédit à la cour ; la faveur dont il jouissait auprès de Constantin lui
fit ouvrir tous les dépôts des pièces officielles ; il fut autorisé à
compulser les archives de l'Empire, à fouiller dans les greffes des
tribunaux, à prendre copie de tous les actes proconsulaires et autres
relatifs à son travail[2]. De plus,
l'étendue de ses relations lui donnait toute facilité de pousser ailleurs ses
investigations, de puiser à des sources privées. Grâce à ces recherches et
aux circonstances qui les favorisèrent, Eusèbe parvint à réunir un grand
nombre d'actes authentiques[3]. Malheureusement cette Collection a eu le sort de beaucoup d'autres ouvrages, elle n'est pas arrivée jusqu'à nous. Perte sensible pour l'Église catholique en général, et pour celle de Lyon en particulier ; car cette perte a entraîné pour cette dernière Église la mutilation de son titre le plus vénérable et le plus précieux. Dès le VIe siècle, les Actes réunis par Eusèbe ne se trouvaient ni dans les bibliothèques d'Égypte, ni dans celles de Rome. Eulogius, patriarche d'Alexandrie, s'étant adressé à saint Grégoire le Grand pour lui demander cette Collection, le pape répondit qu'il lui avait été impossible de trouver cet ouvrage dans les bibliothèques de Rome[7]. Telle que nous la possédons, L'authenticité de ce monument n'a été mise en doute par
personne. Par le fait de son insertion dans l'Histoire d'Eusèbe, Mais à quoi bon entasser ici des noms et des textes pour
prouver cette authenticité ? Aussi bien que les autres Églises, celle de Lugdunum avait à cœur de ne laisser rien perdre de ce qui intéressait sa gloire propre et l'honneur de ses enfants. Elle mit donc un soin religieux à recueillir tous les détails de la lutte où ces derniers furent engagés. Après le triomphe, les sources d'informations ne manquaient pas pour en tracer le glorieux récit ; plus d'un témoin pouvait donner des renseignements détaillés sur ce qu'il avait vu de ses yeux, entendu de ses oreilles, éprouvé même de la part des persécuteurs. En effet, les confesseurs de Lugdunum, incarcérés pour Jésus-Christ, n'étaient point délaissés par leurs frères demeurés libres. Non contents d'assister les martyrs de leurs prières solitaires, les fidèles les visitaient dans les prisons, ils les suivaient au pied du tribunal, les soutenaient de leur présence et de leurs regards, autant que le permettait la prudence, et encore une prudence dont l'ardeur du zèle reculait fort loin les limites. Témoin le médecin Alexandre, qui se trahit aux yeux des païens par le langage trop expressif de ses gestes et de sa physionomie. A l'égard des confesseurs, les chrétiens de Lugdunum remplissaient un rôle dont quelques uns étaient chargés d'office, comme les notaires ecclésiastiques[10], que d'autres prenaient sous l'inspiration d'un généreux dévouement. Lorsque les martyrs étaient produits en public, les fidèles se glissaient au milieu des païens ; mêlés à la foule confuse et bruyante, ils assistaient avec une ardente curiosité aux scènes de l'interrogatoire, de la torture, de la mort même. Ils étaient là tout yeux, tout oreilles, gravant dans leur mémoire, quelquefois même sur des tablettes cachées sous les plis de la toge, tout ce qu'ils pouvaient voir et entendre[11]. Mieux que personne, les notaires ecclésiastiques de Lugdunum étaient en mesure de ne rien laisser échapper. Grâce à un système d'écriture expéditive, sorte de sténographie qui composait leur art, il leur était facile de relever rapidement interrogations et réponses, de noter toutes choses avec la plus grande exactitude. Le soir venu, les principaux d'entre ces témoins, les notaires surtout, allaient faire leur rapport au bienheureux Pothin, avant son arrestation, et depuis, au sénat presbytéral chargé de veiller aux intérêts de l'Église persécutée. Ainsi faisait-on après les journées marquées par un interrogatoire ou quelque supplice. Ce n'est pas tout encore. Pour compléter ces premières données, les martyrs eux-mêmes étaient mis à contribution. Les diacres qui les visitaient dans les cachots s'entretenaient avec eux des incidents de la lutte. Ces entretiens, des notes prises sous la dictée des martyrs, fournirent tous les renseignements que l'on pouvait désirer. C'est ainsi que furent réunis les éléments qui servirent à
composer Dès que le triomphe des martyrs de Lugdunum eut été consommé par leur mort, il fallut songer à écrire leurs Actes, à dresser le bulletin de leur victoire. Pour cela, on avait sous la main trois sortes de témoignages : les dépositions des chrétiens qui avaient assisté aux différentes scènes de la lutte, le rapport plus autorisé et plus circonstancié des notaires ecclésiastiques, et enfin les révélations fournies par les martyrs eux-mêmes. Restait à emprunter la plume d'an prêtre ou d'un diacre, pour rédiger, d'après ces témoignages, les Actes des martyrs de Lugdunum. A qui fut déféré l'honneur d'élever ce monument à la
gloire des martyrs lugdunais ? qui fut chargé de tenir la plume, d'écrire Ce qui relève encore à nos yeux le caractère de cette Lettre, c'est l'autorisation dont elle fut revêtue avant d'être envoyée en Asie. Dans les premiers siècles de l'Église, c'était un point de discipline générale que les Actes des martyrs fussent, après rédaction, soumis à l'évêque du lieu. Ces Actes, qu'ils eussent été dressés en forme de lettre, ou bien rédigés en forme de récit, ne pouvaient être rendus publics, adressés à aucune Église, avant d'avoir reçu l'approbation épiscopale[16]. Alors seulement il était permis d'en multiplier les exemplaires, de les répandre parmi les fidèles. Le bienheureux Pothin avait été victime de la persécution
avec quarante-sept de ses enfants. L'Église de Lugdunum étant veuve de son
pontife, L'origine de cette Lettre est la source des beautés qui la distinguent, beautés pénétrantes, signalées par tous les auteurs qui ont parlé de ce monument vénérable. Eusèbe, historien si grave et si calme, ne peut s'empêcher, en abordant la persécution, de sortir de son impassibilité ordinaire. Contrairement à ses habitudes de gravité dans le ton,, de sécheresse dans la forme, l'évêque de Césarée anime et colora son style, il lui donne une ampleur et un mouvement inaccoutumés : Ces évènements, dit-il (ceux qui se rapportent à la persécution de Lugdunum), dignes d'une éternelle mémoire, ont été confiés aux Lettres pour passer à la postérité... Victoires dans les combats, dépouilles remportées sur les ennemis, hauts faits des chefs, traits de bravoure des soldats, qui, pour défendre leurs biens, leurs enfants, leur patrie, ont rougi leurs mains du sang de nombreux ennemis, voilà ce que les autres historiens enregistrent dans leurs annales. Pour nous, chargé d'écrire l'histoire d'une république divine et sacrée, nous confierons à des monuments immortels les pacifiques combats rendus pour la paix de rame, la gloire de ceux qui ont vaillamment combattu pour la religion et la vérité ; nous confierons à une éternelle mémoire la constance de nos athlètes luttant pour la piété, leur courage à supporter des supplices variés, les dépouilles qu'ils ont enlevées au démon, les victoires qu'ils ont remportées sur les ennemis invisibles, enfin les couronnes, récompense de tous leurs exploits[18]. Un accent si élevé révèle l'impression produite sur Eusèbe
par Du Bosquet ne sait comment louer cette Épître admirable.
En pleine histoire, il interrompt le fil de son récit pour s'écrier avec
enthousiasme : Quel est celui qui oserait entreprendre
d'imiter l'éloquence de ces Pères ? Le bienheureux esprit des martyrs est
encore vivant dans ces paroles, toutes mortes qu'elles sont. Le sang répandu
pour Jésus-Christ y paraît encore tout bouillant. Ils ne parlent que de
choses qu'ils ont vues, qu'ils ont touchées, qu'ils ont endurées ; ils ne
rapportent que les paroles qu'ils ont recueillies de la bouche sacrée des
saints, ou celles qu'ils ont employées pour les exhorter à remporter la
victoire sur l'idolâtrie[19]. Bien que séparé de Rome, de cette Église qui réclame les
martyrs pour ses légitimes enfants, Scaliger n'a pas laissé d'écrire ces
mémorables paroles sur les Actes de saint Polycarpe et Étranger à toute préoccupation littéraire, le rédacteur de cette Lettre s'est effacé complètement, il s'est bien gardé d'en faire une œuvre sienne par un travail personnel ; aussi ne s'est-il pas réservé le privilège, ailleurs pleinement acceptable, d'y apposer sa signature. Œuvre collective des Églises de Vienne et de Lugdunum, cette Épître ne devait pas, même quant à la forme, dépouiller ce caractère général pour revêtir celui d'une personnalité trop accusée. Recueillir les paroles des martyrs avec celles du gouverneur ; saisir sur le vif, rendre dans leur touchante réalité les principales scènes du drame sanglant de la persécution ; nous y faire assister par un vivant récit ; nous en transmettre l'édifiant spectacle sans altération aucune, sans aucun mélange d'agrément emprunté à l'imagination, tel était le but du rédacteur, tel l'objet sacré de la tâche qui lui était confiée. Pour cela il n'avait qu'à mettre en œuvre les riches matériaux déposés entre ses mains, à les rédiger dans une forme d'une austère simplicité. Eh bien ! il se trouve que cette absence de tout artifice littéraire atteint à une puissance supérieure à tous les effets de l'art. Cette reproduction exacte, scrupuleuse des scènes du forum, des prisons et de l'amphithéâtre, met notre âme en contact avec la grande âme des martyrs. Saisis d'admiration, nous sentons passer en nous quelque chose de l'esprit qui animait ces héros chrétiens. La vertu communicative de leur grandeur morale est telle, qu'elle nous élève, qu'elle nous arme de courage pour ce martyre de détail, condition de toute vie sérieusement chrétienne. Pourtant, si attentif qu'il ait été à s'effacer, le
rédacteur de Il serait facile de multiplier les citations de cette
nature, celles que nous venons de faire suffisent, comme échantillons, pour
faire apprécier le mérite même littéraire de A la lecture de cette Lettre, impossible de n'être pas frappé d'une terminologie spéciale, d'un genre de figures qui se reproduit souvent dans le récit. Il n'y est question que de lutte et de combat, de soldats et d'athlètes, de palmes et de victoire. Le rédacteur de ce monument a mis largement à contribution le vocabulaire des gladiateurs et des légionnaires ; il fait de fréquentes allusions aux exercices gymniques et aux combats militaires. Dans cet ordre d'idées, la langue grecque, si abondante et si riche, fournissait de grandes ressources à l'écrivain. Ce langage emprunté au métier des armes, les saintes Lettres l'avaient employé en nous représentant la vie comme une milice[21], comme un combat, comme une lutte[22]. A l'exemple des écrivains sacrés, les Pères et les apologistes s'étaient emparés de ces belliqueuses images, qui allaient si bien à leurs œuvres défensives, à leur parole militante. Cette langue de l'arène et du champ de bataille convenait
merveilleusement au récit des souffrances endurées pour le Christ. Lorsqu'il
est question des martyrs, lutte, combat, triomphe, ces vocables ne perdent
pas complètement leur signification propre, ils n'entrent qu'a demi dans le
domaine des figures. Effectivement, la persécution était-elle autre chose
qu'un combat, une guerre à mort où se trouvaient engagées les forces conjurées
de-deux sociétés rivales ? La guerre une fois déclarée aux disciples du
Christ par un édit impérial ou le soulèvement des masses, les agents de la
force publique d'un côté, et les chrétiens de l'autre, se trouvaient en
présence. Les premiers avaient d'abord recours aux promesses flatteuses, puis
aux menaces, à l'emprisonnement, aux supplices les plus raffinés, enfin à la
mort ; les chrétiens opposaient aux attaques successives de la séduction et
de la force brutale le calme de leurs réponses, l'énergique affirmation de
leur foi, la fermeté d'un courage supérieur à tous les supplices. Chrétiens
et païens, les premiers surtout, s'intéressaient vivement à la lutte, s'y
associaient avec une ardeur non pareille. De part et d'autre on accourait au
forum, à l'amphithéâtre. Les multitudes païennes stimulaient le zèle des
magistrats par leurs vociférations et leurs cris, leur dictaient souvent les
supplices à infliger. Les chrétiens, de leur côté, ne mettaient pas moins
d'empressement à soutenir les confesseurs de leur présence, ales animer par
le jeu de leur physionomie. Ce n'est pas tout encore : les persécuteurs et les
martyrs ne se trouvaient pas seuls engagés dans le combat, les puissances
célestes et les esprits de l'abîme y intervenaient à leur manière. L'action
du ciel et celle de l'enfer sont signalées toutes les deux dans Cette Lettre a été rédigée en grec ; elle nous est
parvenue dans la langue originale avec l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe[23]. Adressée aux
Églises d'Asie et de Phrygie par une Église de fondation hellénique, il était
tout naturel qu'elle fût écrite dans l'idiome de Nous avons de ce précieux monument quatre traductions latines ; nous les devons à quatre auteurs qui ont fait passer dans la langue de Rome l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe. La première pour l'ancienneté, mais. non pour le mérite, est celle de Rufin, le prêtre d'Aquilée si connu par ses démêlés avec saint Jérôme. Rufin a le grand défaut de prendre, dans l'interprétation du texte grec, plus de liberté que n'en comporte la rôle d'un traducteur. Ainsi, il lui arrive fréquemment de regarder plus au sens qu'aux paroles ; il, se permet quelquefois d'ajouter, de retrancher, de modifier. Malgré ces défauts, cette traduction ne laisse pas d'être estimable. L'Église d'Occident s'en est servie jusqu'aux temps modernes. Vers le milieu du XVIe siècle, Musculus (Wolfgang), ministre protestant, fit parai-Ire une nouvelle version latine de l'Histoire d'Eusèbe. Cette version a le mérite de la clarté, de la précision, mais elle n'est pas toujours fidèle au sens. Quelques années après, Christophorson, évêque anglican de Chichester, traduisit aussi en latin le grand ouvrage historique d'Eusèbe. 'Cette traduction est d'une latinité élégante, elle se fait remarquer par un style cicéronien, mais elle manque de précision, quelquefois aussi de fidélité. C'est pour s'être trop fié à Christophorson que Baronius est tombé dans quelques erreurs historiques et chronologiques, Venue la dernière, la version latine de Henri Valois l'emporte sur les trois autres ; elle leur est supérieure pour la précision et l'exactitude. Nous avons en français deux traductions complètes de l'Histoire d'Eusèbe. La première est de Claude de Seyssel, d'abord évêque de Marseille, puis archevêque de Turin. Publiée en 1532, elle porte l'empreinte de son époque : elle est d'un style vieilli, suranné. Nous devons la seconde traduction française d'Eusèbe au président Cousin. Écrite dans un siècle où notre langue était pleinement formée, cette version est correcte, elle ne manque pas d'une certaine élégance, mais elle a le défaut d'être trop libre[24]. C'est ici le lieu de préciser la date de Dans son Histoire ecclésiastique, Eusèbe indique positivement l'année où souffrirent le bienheureux Pothin et ses compagnons ; il rapporte leur martyre à la dix-septième année de Marc-Aurèle, année qui répond à l'an 177. Voici ses paroles : Soter, évêque de Rome, étant mort après huit ans d'épiscopat, Éleuthère, douzième successeur des apôtres, lui succède. Or, c'était la dix-septième année d'Antonin Vère. En ce temps-là...[29] Et l'évêque de Césarée commence le récit de la persécution. On ne saurait être plus précis ni plus clair. Mais, dans sa Chronique, Eusèbe rapporte à la septième année de Marc-Aurèle (167) et le martyre de saint Polycarpe et la persécution des Gaules. La persécution, dit-il, s'étant élevée en Asie, Polycarpe et Pionius accomplirent leur martyre. Et immédiatement après : Dans les Gaules, plusieurs périrent glorieusement pour le nom du Christ ; leurs combats ont été retracés dans des écrits que nous avons encore[30]. Placée entre ces deux textes, la critique a de graves
raisons de se prononcer pour le premier. D'abord Mais, comme nous l'apprend Eusèbe dans son Histoire[32], en même temps
que les martyrs de Lugdunum écrivaient aux Églises d'Asie et de Phrygie,
touchant l'hérésie des Montanistes, ils adressaient des lettres sur le même
sujet à Éleuthère, évêque de Rome. Or, comme, d'après Mais est-il nécessaire de supposer en défaut Ainsi toutes les difficultés élevées contre la date de
l'an 177 par Blondel, Dodwell et Pearson, tombent devant ce texte si formel
d'Eusèbe : C'était la dix-septième année d'Antonin
Vère. Blondel a prétendu que Pothin et ses compagnons souffrirent la
septième année de Marc-Aurèle, sous le pontificat de Soter, mais que Cette date de l'année 177 ne saurait être infirmée non
plus par l'endroit où se trouve, dans l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, le
miracle de la légion Fulminante[43]. Les
chronologues rangent la victoire obtenue par les soldats chrétiens de cette
légion parmi les évènements de l'année 174. Mais de ce que le récit de ce
prodige vient, dans l'Histoire d'Eusèbe, après Il serait à désirer, pour l'honneur de Marc-Aurèle, que
cette victoire eût précédé la réponse faite par lui au président de Jusqu'ici nous avons cheminé dans un sentier inexploré,
mal connu, n'ayant pour guider notre marche aucun monument écrit de quelque
étendue, prenant souvent pour fil conducteur les inductions tirées de
l'histoire civile et de l'histoire religieuse des deux premiers siècles.
Arrivé à la persécution de 177, nous allons descendre sur un terrain solide,
pleinement éclairé. Grâce à |
[1]
Smyrne était, après Éphèse, la seconde ville de l'Asie proconsulaire. L'Église
de cette ville reçut donc
[2] Une lettre fort ancienne, attribuée à saint Jérôme, et qui se trouve en tète du martyrologe qui porte son nom, raconte que Constantin, étant venu à Césarée, offrit à Eusèbe le choix de quelques gratifications pour son église. Eusèbe aurait répondu que son église était assez riche des biens qu'elle possédait ; mais qu'il avait à exprimer le plus cher de ses désirs, c'est que l'on fit une recherche exacte dans tout l'Empire, partout où on avait rendu contre les saints sentences sur sentences ; qu'on fouillât dans toutes les archives publiques, qu'on recueillit tout ce qui pouvait concerner le nom d'un martyr, les juges, la province, la cité, le jour, les supplices, la victoire ; que tout fût mis à sa disposition, afin qu'il en composât les annales universelles des martyrs de toutes les provinces de l'Empire. (Hieron. op., t. XI, p. 435, éd. Valarsi.)
[3] Eusèbe parle de cette Collection en plusieurs endroits de son Histoire ecclésiastique : l. IV, c. XV ; l. V, in proœmio, et c. XXI.
[4]
Et Acta quidem ipsa quibus plenissima harum rerum
narratio continetur, in opere de martyribus integra a nobis incerta sunt.
(Eusèbe, Hist. ecclés.,
c. V, in proœmio.)
[5] Quæcumque
ad institutum nostrum spectare mihi visa sunt, ea in præsentiarum seligens hic
apponam. (Ibid.)
[6] L. V, c. IV.
[7] S. Gregor. Epistolæ, l. VIII, epist. 29.
[8] Apud D. Ruinart.
[9] Baillet, les Vies des Saints.
[10] Les notaires étaient proprement des sténographes. Dès le Ier siècle, l'Église de Rome eut des notaires ecclésiastiques à son service. Leur institution première remonte au pape saint Clément. Il partagea, dit le Liber pontificatis, les diverses régions de Rome entre de fidèles notaires de l'Église, qui, chacun dans son quartier, devaient recueillir avec sollicitude et curiosité les actions des martyrs. (Anastase le Bibliothécaire, in Clemente.) Comme on le voit, le principal office des notaires ecclésiastiques était de recueillir les Actes des martyrs. Les services rendus par ces officiers les firent bientôt adopter par les autres Églises. Il est donc naturel de penser que l'Église de Lugdunum en possédait quelques uns.
[11] D. Ruinart, Acta sincera, in
præfat.
[12] Annotationes in lib. V Eusebii.
[13] Mémoires, t. III, p. 28.
[14] T. I, p. 291.
[15] Hist. litt. de Lyon, t. I, p. 33.
[16] Dom Ruinart, Acta sincera,
præf.
[17]
Il n'est pas probable que saint Irénée fût déjà évêque de Lugdunum ; autrement
[18] Hist. ecclés., l. V, in proœmio.
[19] Hist. Ecclés. gallic., l. II, c. XVIII.
[20] Animadv. ad Eus. Chronic.
[21] Job, VII, 1.
[22] S. Paul, passim.
[23] Hist. ecclés., l. V, c. I.
[24]
[25] Les Véritables Actes des martyrs, trad. de dom Ruinart, t. I, Paris, 1708.
[26] Bibliothèque choisie des Pères de l'Église latine, t. IV.
[27] Chefs-d'œuvre des Pères, Paris, 1837.
[28] Les Saints de Lyon, Lyon, 1835.
[29] Hist. ecclés., l. V, in prœmio.
[30] Chronicon.
[31] Chronicon.
[32] Hist. ecclés., l. V, c. III.
[33] Chronicon Alexandrinum.
[34] Notæ ad Baron.
[35] De episc. et presbyt.
[36] Dom Ruinart a victorieusement réfuté cette théorie dans la préface placée en tête des Acta sincera.
[37] Dissert. Cypr.
[38] De primatu.
[39] Notæ ad Baron.
[40] Acta sincera, præf.
[41] Dion, l. IV.
[42] Vind. Ignat.
[43] Hist. ecclés., l. V, c. V.
[44] Pensées, l. XI, III.