Les résultats obtenus à Lugdunum par la prédication évangélique appellent notre attention sur la vie intime de l'Église fondée par le bienheureux Pothin. En fixant nos regards sur l'intérieur de cette Église, nous allons nous donner le spectacle des principaux rites du christianisme, de ses sacrements, de ses institutions et de son organisme. Afin de procéder avec ordre, nous suivrons pas à pas un païen converti, dans la voie qu'il avait à parcourir avant d'arriver à la perfection du chrétien. La parole de Dieu, comme nous l'avons dit, faisait son chemin à Lugdunum ; elle arrivait aux oreilles d'un grand nombre, et la grâce du Saint-Esprit opérant sur les cœurs, plus d'un habitant ouvrait les yeux à la lumière. Leur détermination étant bien arrêtée, le premier pas que ces prosélytes avaient à faire était de venir, sous la conduite d'un diacre ou d'un simple fidèle, trouver le bienheureux Pothin, lui demander la faveur d'être agrégés à la religion du Christ. Mais ces demandes, quelque pressantes qu'elles fussent, ne pouvaient être agréées sur-le-champ. Il y aurait eu imprudence à conférer, sans épreuve préalable, le baptême à tout venant. Ces hommes dont l'esprit avait été imprégné de monstrueuses erreurs, dont la vie s'était traînée dans les souillures de toutes les passions, ces hommes ne devaient pas arriver, sans transition aucune, des plus épaisses ténèbres aux clartés les plus vives, passer de, plain-pied d'un culte qui déifiait tous les vices à une religion qui les 'condamnait tous. Avant de faire droit à leur demande, il était prudent de prendre des gages de leur fidélité, de les acheminer graduellement à recevoir 'la plénitude de l'initiation sacramentelle et doctrinale. Conformément à la discipline de l'Église, le bienheureux Pothin leur donnait le temps et les moyens de se préparer à la grâce qu'ils réclamaient. Les aspirants au baptême, l'évêque de Lugdunum les soumettait à une série graduée d'épreuves ; en même temps il 'les faisait passer par les degrés inférieurs de l'instruction religieuse. C'est à quoi répondait le catéchuménat, sorte de noviciat préparatoire, d'introduction à la vie chrétienne. Avant tout, il fallait, s'il y avait lieu, régulariser les rapports des personnes vivant dans le concubinat, ou même dans les liens du mariage légal ; faire renoncer aux positions, aux industries, aux états incompatibles avec la profession du christianisme et la sainteté de sa morale ; fixer au chef de famille les limites dans lesquelles il devait renfermer l'exercice de son autorité ; recommander aux maîtres la douceur envers leurs esclaves, aux esclaves la soumission qu'ils devaient à leurs maîtres[1]. Les rapports sociaux une fois régularisés, le bienheureux Pothin ouvrait au postulant les portes du catéchuménat, en lui imposant les mains et faisant sur lui le signe de la croix[2]. A partir de ce jour, le nom du nouveau prosélyte était inscrit sur l'album des catéchumènes ; il avait libre entrée dans l'oratoire des fidèles, était admis à entendre la lecture des Écritures et les homélies de l'évêque. Confié aux diacres pour recevoir les prémices de l'enseignement chrétien, le catéchumène apprenait de leur bouche la doctrine publique de l'Église, en attendant qu'on lui confiât, avec le saint baptême, la partie réservée du Symbole, les vérités cachées sous le voile du secret. Après avoir parcouru cette carrière de probation, laquelle pouvait durer jusqu'à deux et même trois ans, sur le témoignage des diacres, le catéchumène était déclaré propre au baptême ; plus tard on disait compétent. La confession des péchés, les jeûnes, les prières multipliées, tout un ensemble de saints exercices formait le couronnement du catéchuménat, la préparation prochaine au sacrement de la régénération. Jusque là, le catéchumène avait été retenu sur le seuil de la vérité, dans une demi-lumière, comme dans une pénombre. A la veille de recevoir le baptême, il était introduit dans le sanctuaire de la doctrine ; tous les voiles étaient tirés devant ses yeux. Pour lui plus de secrets ; avec l'intégrité du Symbole' chrétien, on lui confiait les formules de toutes les prières, la clef de tous les rites, la signification de toutes les cérémonies. Dans les premiers siècles, les fontaines, les rivières, la mer même, servaient de baptistères. On administrait le baptême partout où l'on trouvait de l'eau, matière essentielle de ce sacrement[3]. C'est ainsi que saint Pierre, au rapport de Tertullien, conduisait les nouveaux convertis au Tibre[4] ; c'est ainsi que le diacre Philippe baptisa l'eunuque de la reine Candace avec de l'eau qu'il trouva sur les bords de la route[5]. Saint Justin témoigne qu'on ne faisait pas autrement de son temps[6]. En général, les baptistères, ou monuments spéciaux destinés à conférer le baptême, sont postérieurs à l'ère des persécutions. Placé qu'il était dans une presqu'île coupée de canaux
naturels, le bienheureux Pothin avait à sa portée toute l'eau nécessaire aux
immersions sacramentelles. Il pouvait conférer le baptême au bord de ces
canaux, ou bien dans quelque anse retirée du Rhône ou de Dans la primitive Église, le baptême ne s'administrait
d'une manière solennelle qu'à Pâques et à Quant au baptême privé, il était conféré, sans distinction de jour et sans tant de cérémonies, toutes les fois que la nécessité le réclamait. Au début de sa mission, avant la complète organisation de
son Église, le bienheureux Pothin ne pouvait entourer le sacrement de la
régénération des formes solennelles ; il est à croire que plus tard, lorsque
son Église fut bien assise, lorsqu'il eut gagné bon nombre de païens à
Jésus-Christ, l'évêque de Lugdunum put déployer aux regards des fidèles le
rite imposant du baptême solennel. Il ne lui était pas impossible en effet de
pratiquer ce rite dans la crypte de Saint-Jean, on dans l'oratoire des bords
de Quoi qu'il en soit, le jour du baptême était pour les nouveaux chrétiens de Lugdunum un jour de naissance spirituelle ; ce jour marquait leur entrée dans l'Église du Christ, et en particulier leur admission dans la communauté chrétienne dont le bienheureux Pothin était évêque. Par le sacrement de la régénération, ils étaient devenus enfants de Dieu, incorporés au corps mystique du Sauveur, et, comme tels, associés à tous les biens, à tous les honneurs, à tous les droits de la famille chrétienne. Ainsi, première conséquence des droits qui venaient de leur être conférés, il leur était donné d'assister, immédiatement après leur baptême, au sacrifice eucharistique, de voir se dérouler jusqu'à la fin la liturgie par excellence, de s'unir à l'oblation de l'évêque, de communier au corps et au sang du Sauveur. Suivant un usage généralement observé, la chaire du pontife était adossée à la muraille qui regardait l'orient. De son siège, bien modeste sans doute, le bienheureux Pothin présidait l'assemblée des fidèles, entouré de ses prêtres et de ses diacres[10]. Des psaumes, des hymnes et des cantiques, expression des joies et des croyances chrétiennes, préludaient à l'auguste liturgie. Après ces chants, le lecteur lisait dans les écrits des prophètes ou les Épîtres des apôtres, le diacre dans le saint Évangile, des passages appropriés au temps de l'année où l'on se trouvait[11]. Cette double, lecture terminée, le bienheureux Pothin se levait, il prenait texte des paroles que l'assemblée venait d'entendre, et, dans un langage dont la simplicité se prêtait à l'explication de la doctrine comme aux épanchements du cœur, il rompait aux assistants le pain de la divine parole ; il en faisait une sorte de multiplication spirituelle au moyen de la tradition, de commentaires empruntés à Polycarpe, à Jean, ses illustres maîtres. Le chant des psaumes, la lecture tirée de l'Ancien et du Nouveau Testament, avec l'homélie du pontife, servaient de préparation générale au sacrifice : c'était la messe dite des catéchumènes. En conséquence, dés que l'évêque avait fini de parler, le diacre signifiait aux catéchumènes de se retirer. Les portes du sanctuaire étaient soigneusement fermées, et un clerc se tenait en observation sur le seuil, veillant à ce que les profanes ne pussent s'y introduire. Dès que le calme était rétabli, sur un avertissement du
diacre, toute l'assemblée se levait, et les prières recommençaient par A mesure que se développait la liturgie, les fidèles en
suivaient les phases avec un redoublement de ferveur et de pieuse attention.
A la fin des prières de Conformément à la discipline de son temps, le bienheureux
Pothin célébrait la liturgie eucharistique le jour du Seigneur, et
probablement aussi le mercredi et le vendredi. Il paraît, en effet, que
l'usage avait prévalu, au milieu du ne siècle, d'offrir le sacrifice trois
fois la semaine[21].
Les dimanches donc, les mercredis et les vendredis, les fidèles de Lugdunum
accouraient à l'oratoire primitif des bords de Les jours ordinaires, l'évêque de Lugdunum réunissait deux
fois son troupeau, avant le lever de l'aurore et après le coucher du soleil :
Le matin, disent les Constitutions
apostoliques, afin de rendre grâces au Seigneur de
nous avoir illuminés en chassant la nuit et ramenant la lumière ; le soir,
afin de le remercier de nous donner la nuit pour nous reposer des travaux de
la journée[22]. Cet usage de
prier deux fois le jour avait été emprunté par le christianisme à la loi
judaïque. En cela, du reste, l'évêque de Lugdunum suivait la recommandation
faite par saint Ignace à saint Polycarpe, de réunir
souvent les fidèles[23]. De plus, le
cycle de l'année ramenait périodiquement les fêtes chrétiennes avec leurs
douces joies ou leurs saintes tristesses. C'étaient Cette société des âmes, formée par le baptême, alimentée par le pain eucharistique, ne pouvait renfermer son existence dans l'enceinte sacrée ; elle se manifestait au dehors, faisait sentir sa présence dans les rapports ordinaires de la vie. La charité, avec ses inventions admirables et ses divines industries, étendait.les bienfaits de cette société à tous les besoins de la vie physique comme à ceux de la vie spirituelle. Or, rien ne traduisait mieux l'esprit chrétien, dans ses manifestations extérieures, que l'agape, ce repas fraternel dont les chrétiens riches des biens de ce monde faisaient tous les frais. Grâce à ces offrandes volontaires, les néophytes et les
fidèles qui s'étaient rencontrés le matin à la table sainte, se retrouvaient
le soir aux tables de la fraternité chrétienne[24]. Au pied de
l'autel, tout disparaissait devant le grand objet offert à leur adoration :
regards, pensées, aspirations de l'âme, leur être tout entier était absorbé
par le Dieu qui s'immolait pour eux, qui se donnait à eux en nourriture. A la
réunion de l'agape, les frères reparaissaient les uns pour les autres. Ils
pouvaient alors se voir à l'aise, converser avec une sainte familiarité, se
donner des marques d'une affection réciproque. Tous les fidèles étaient
conviés à ce banquet de famille, symbole frappant de l'égalité chrétienne. A
la différence des repas donnés par les païens, nul n'en était exclu, ni
pauvre, ni esclave, ni femme, ni vieillard. Là, tous les rangs et toutes les
conditions s'effaçaient devant la dignité commune à tous d'enfants de Dieu et
de l'Église. Les membres de la hiérarchie ecclésiastique avaient seuls une place
réservée. Du reste, tous les convives participaient au repas avec une égale
joie, un honneur pareil, le pauvre qui n'avait rien à donner et qui avait
tout à recevoir, aussi bien que le riche qui contribuait de ses deniers à
couvrir les dépenses. Les agapes étaient religieusement pratiquées à Smyrne,
comme nous l'indique Après avoir béni les tables, le bienheureux pontife présidait à l'agape, comme un père à un repas de famille. Les diacres étaient chargés de tous les détails du service ; c'est dire assez que l'agape était assaisonnée de propos édifiants, embellie par les épanchements d'une douce joie, embaumée par la bonne odeur de Jésus-Christ. Quelle différence entre ces banquets fraternels et les repas somptueux où se donnaient rendez-vous, du côté des païens, les membres des associations ouvrières, ceux des corps politiques ou municipaux ? Festins officiels, où le cœur n'était pour rien, où tout était disposé pour flatter la délicatesse du goût ; festins assaisonnés par la licence et l'obscénité des propos, couronnés trop souvent par les excès de l'orgie et les désordres de la débauche. En quelques mots Tertullien nous trace cet admirable
tableau de l'agape chrétienne : On s'y nourrit,
dit le prêtre de Carthage, autant que la faim
l'exige ; on y boit avec assez de modération pour que la chasteté n'ait pas à
en souffrir. Les convives apaisent leur faim sans oublier qu'ils doivent
adorer Dieu pendant la nuit. Ils conversent comme des hommes qui savent
écouter la parole du Seigneur. Lorsqu'on s'est lavé les mains, qu'on a allumé
les lampes, chacun est invité à chanter à la gloire de Dieu quelques passages
des Écritures, ou bien ce que son inspiration peut lui fournir. Ce chant
suffirait à le trahir s'il avait bu avec excès. Commencé par la prière, le
repas se termine de même, et on se retire, non pour aller dans les rues courir,
frapper, crier, mais pour continuer ailleurs ces habitudes de modestie et de
chasteté, comme des hommes qui viennent d'assister à une leçon de sagesse
plutôt qu'à un repas[26]. Au sortir de l'agape et des autres réunions chrétiennes, les fidèles de Lugdunum rentraient dans le courant de la vie civile et domestique, ils se trouvaient ressaisis par les inégalités de leur état et de leur condition. Mais ils s'étaient retrempés au pied du saint autel, au contact de leurs frères ; mais ils avaient fait provision de force coutre les humiliations passagères et les peines transitoires de leur position sociale. Vivant d'une vie supérieure à ces accidents humains, leur âme avait pour s'épanouir le domaine sacré de la conscience, la société spirituelle à laquelle ils appartenaient, l'immortelle patrie dont ils prenaient, par l'espérance, une possession anticipée. Ensuite, pensée qui ne contribuait pas peu à soutenir leur courage, ils savaient qu'ils pouvaient compter, au besoin, sur l'assistance matérielle de leurs frères. Pour la société chrétienne, en effet, ce n'était pas assez de distribuer la nourriture spirituelle à tous ses membres, elle dispensait encore le pain du corps à ceux qui étaient impuissants à se le procurer. A l'inverse de la société païenne, l'Église réservait son amour le plus tendre, ses soins les plus empressés, aux pauvres, aux orphelins, aux veuves, aux vieillards, à tous les délaissés de ce monde. Les malheureux, elle en faisait ses favoris, ses enfants de prédilection. Par égard pour la pudeur de la misère, son exquise délicatesse épargnait aux nécessiteux la honte de tendre la main. Elle se chargeait de solliciter les riches en leur faveur, de faire appel à la charité fraternelle, au désintéressement, au mépris des richesses, à tous les sentiments que sa doctrine développait dans les cœurs. A Lugdunum donc, collante dans toutes les Églises, après l'assemblée solennelle du dimanche, une collecte était faite au profit des frères indigents et malheureux. Après avoir reçu du bienheureux Pothin le don eucharistique, les fidèles ouvraient facilement leurs mains aux libéralités de l'aumône. A cet égard, les chrétiens, sans autre pression que celle de la charité, ne consultaient que leur cœur et l'étendue de leurs ressources. Chacun, dit Tertullien, donnait quand il voulait, comme il voulait et selon qu'il voulait[27]. Dans ces aumônes, rien donc qui sentit l'imposition forcée, la levée d'un impôt ; tout émanait de libéralité pure, de contribution volontaire ; tout venait d'amour de Dieu et du prochain, de commisération envers les pauvres. Dans sa première Apologie, saint Justin, avant d'indiquer l'emploi des aumônes chrétiennes, signale expressément leur caractère de spontanéité. Ceux qui sont riches, dit-il, donnent librement ce qu'ils veulent, et on dépose le tout aux mains de celui qui préside. Sa charge est de subvenir aux orphelins et aux veuves, à ceux qui sont dans le besoin à raison de la maladie ou de toute autre cause, à ceux qui sont dans les fers, aux voyageurs et aux pèlerins. Les offrandes des fidèles de Lugdunum alimentaient la caisse de la communauté chrétienne ; elles constituaient une sorte de budget, de trésor sacré, dont l'administration appartenait à l'évêque[28]. Père spirituel de son Église, le bienheureux Pothin connaissait tous ses enfants ; à lui de venir en aide aux pauvres avec les deniers qui lui étaient confiés par la charité des riches. Les infortunes énumérées plus haut se rencontraient à Lugdunum comme ailleurs. En véritable représentant du Christ, le charitable évêque les avait toutes adoptées ; il leur donnait une des premières places dans ses prières et sa paternelle sollicitude. A ses yeux, ces infortunés composaient à son Église une couronne dont il appréciait la beauté d'après les idées de l'Évangile. Ordinairement il se servait de l'intermédiaire des diacres pour visiter les pauvres et subvenir à leurs besoins. Leur ministère embrassant tout le département de la misère, les diacres étaient chargés de distribuer des secours sur le seuil de l'église, et aussi de les porter à domicile. A cet effet, ils puisaient dans la caisse commune, sous le contrôle de l'évêque. Que si l'un des frères était réduit à une extrême détresse, frappé de quelque coup terrible, le bienheureux Pothin se réservait de porter lui-même les secours extraordinaires aux besoins exceptionnels, les grandes consolations aux grandes infortunes. A Lugdunum, comme dans les communautés chrétiennes de l'Orient et de l'Occident, les diaconesses s'acquittaient auprès des femmes des fonctions remplies par les diacres auprès des hommes. Cette institution, qui remontait au temps des apôtres, Pothin avait les mêmes motifs que les autres évêques de l'établir dans son Église. D'abord, en attribuant à des veuves les rapports ordinaires avec les femmes, il se déchargeait, ainsi que ses prêtres, d'une foule de détails absorbants ; ensuite, avantage non moins considérable, il écartait de la tête de ses clercs tout soupçon qui eût pu ternir leur bonne renommée. Or, l'office des diaconesses embrassait des ministères divers. Veiller, durant les offices, à l'ordre parmi les femmes ; leur transmettre à domicile les ordres de l'évêque ; visiter les malades de leur sexe ; dans le cas de pauvreté, leur donner les secours que réclamait leur position ; assister l'évêque pour le baptême des femmes, les préparer à ce sacrement en leur enseignant en particulier les éléments de la doctrine chrétienne, ces différents services, pour ne citer que les principaux, entraient dans les attributions des diaconesses. A cette indication sommaire toute seule, on comprend l'importance du rôle qu'elles avaient à remplir auprès des personnes de leur sexe. Aussi n'était-ce pas trop de la viduité, de la gravité de l'âge, d'une vie à l'abri de tout reproche, pour être élevé à cette dignité. Il n'est pas probable que des diaconesses fussent venues de Smyrne à Lugdunum avec les premiers apôtres de cette dernière ville. Le bienheureux Pothin eut donc à faire choix, parmi les chrétiennes lugdunaises, de veuves à qui confier ce précieux ministère. Il dut en choisir qui, à un âge avancé, unissaient les conditions de vertu demandées par l'apôtre saint Paul[29], puis les consacrer par la prière et l'imposition des mains[30]. A côté des diaconesses de Lugdunum venaient se ranger les
vierges chrétiennes de cette ville. La prédication de l'Évangile avait jeté
la première semence de la virginité sur les bords du Rhône et de Au milieu de cette société païenne d'où la pudeur avait été bannie, quel magnifique spectacle présentaient des jeunes filles qui renonçaient volontairement aux joies du mariage, vivaient comme des anges dans un corps mortel, consacraient tous leurs instants à la prière, aux exercices de la pénitence et de la charité ! Quelle différence entre leur modestie, voile principal de ces vierges chrétiennes, et l'air effronté, les allures impudentes des matrones, des jeunes filles païennes ! Ce contraste seul était de nature à frapper vivement les habitants de Lugdunum, à leur faire pressentir la puissance de la religion nouvelle, l'épuration morale qu'elle devait opérer dans le monde. S'il nous était donné de percer l'obscurité qui nous cache la vie des premiers martyrs de Lyon, il est fort probable que, parmi ces femmes héroïques dont le nom seul est connu, nous découvririons des veuves élevées par le bienheureux Pothin au rang des diaconesses, des vierges devenues épouses de Jésus-Christ par une consécration spéciale. |
[1] Constit. apost., l. VIII. c. XXXIX.
[2] Tertullien, De pœnit.
[3] Nulla distinctio est mari quis au stagno, flumine an fonte, lacu an alveo diluatur. (Tertullien, De baptis.)
[4] Tertullien, De baptis.
[5] Actus Apost., VIII, 38.
[6] 1re Apolog., LXI.
[7] Tertullien, De spectaculis, IV.
[8] Constitut. apost., VII, XXII.
[9] Tertullien, De baptis.
[10] Dans la primitive Église, les évêques ne célébraient pas seuls, mais entoures d'autres prêtres appelés cosacrificateurs ou concélébrants. Cet antique usage s'est conservé dans l'Église de Lyon. Aux messes solennelles, le célébrant est assisté de deux, de quatre, de six prêtres, en habits sacerdotaux. Si la messe est célébrée par l'archevêque, lorsque le pontife est assis sur la chaire épiscopale, les prêtres assistants se tiennent rangés autour de lui ; lorsqu'il monte à l'autel, les concélébrants y montent aussi ; ils se placent, moitié du côté de l'Épître, moitié du côté de l'Évangile, et y demeurent jusqu'à la fin de la messe.
[11] S. Justin, 1re Apologie, LXI.
[12] 2e Apolog., LXV.
[13] Just., loco citato.
[14] Ad Roman., XVI, 10. — Ad
[15] Dans les Églises d'Orient, le baiser de paix se donnait avant l'offertoire. C'est à ce moment du sacrifice qu'il est marqué dans l'Apologie de saint Justin.
[16] Constit. apost., VIII, XIII. — La formule prononcée par le prêtre en présentant l'Eucharistie a subi avec le temps de nombreuses modifications.
[17] Cyrill. Hierosol., Catech.,
V, I.
[18] Cette pratique, déjà usitée du temps de saint Augustin, nous parait remonter aux premiers siècles de l'Église.
[19] Constit. apost., loco citato.
[20] Constit. apost., loco citato.
[21]
Martène, De antiq. Eccl.
vitibus, t. I, p.
282.
[22] Const. apost., l. VIII.
[23] Epist. ad Polycarpum.
[24] Dans sa lettre à Trajan, Pline dit des chrétiens : Quod essent soliti stato die ante lucem convenire... quibus peractis morem sibi discedendi fuisse, rursusque coeundi ad capiendum cibum. D'après cela, les agapes, au IIe siècle, avaient probablement lieu le soir, et non après la communion, comme dans le principe.
[25] Ad Smyrnenses.
[26] Apolog., XXXIX.
[27] Apolog., XXXIX.
[28] Constitut. apost., c. III, 3.
[29] Ad Timoth., c. V.
[30] Constit. apost., l. III.