LOUIS XVIII

 

LIVRE II. — LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE.

 

 

SOMMAIRE

I. — Le traité du 30 mai 1814 : modération relative des coalisés. Congrès de Vienne : Talleyrand : arrangement secret du 3 janvier 1815.
II. — Après Waterloo : irritation des alliés et exaspération de la Prusse. — Mémoires divers inspirés par l'esprit de conquête. Intervention d'Alexandre ; le duc de Richelieu succède à Talleyrand. — Préliminaires de paix : traité définitif et conventions annexes (20 novembre 1815).
III. — Après le traité du 20 novembre : quelles servitudes pèsent sur la France.
IV. — Comment tous les efforts du gouvernement français tendent à hâter la libération. — Le conseil des Quatre. — Appels du duc de Richelieu à Alexandre pour une diminution du corps d'occupation. — Wellington et ses objections.
V. — Comment l'Autriche propose la réduction, et comment Wellington se laisse ramener. — Comment, pour obtenir cette réduction, la France doit prouver son aptitude à tenir ses engagements financiers. — Misère et pénurie pendant toute l'année 1816-1817. — Arrangement passé avec les maisons de banque Baring et Hope. — L'armée d'occupation diminuée d'un cinquième.
VI. — Comment la question des créances étrangères prolonge pendant une année le désaccord entre la Fiance et les alliés, — Les indemnités : dispositions pour en régler le montant ; chiffre extraordinaire des réclamations. — Le duc de Richelieu suggère la fixation d'un chiffre forfaitaire, libératoire pour la France. Résistance, spécialement en Prusse. — Essai inutile de négociation à Carlsbad.
VII. — La Note du 10 septembre 1817. — Violente hostilité du gouvernement prussien. Émoi de M. de Bonnay. — De l'attitude de l'Autriche. — Le duc de Richelieu recourt de nouveau à Alexandre. — Comment celui-ci propose à Wellington le rôle d'arbitre. — Acceptation de Wellington. — Le règlement.
VIII. — La question de l'entière libération du territoire : initiative de la Russie : dispositions de la Prusse, de l'Autriche, de l'Angleterre. — La note secrète, et quel prétexte elle eût pu fournir aux adversaires de l'évacuation. — Comment tout se prépare pour des conférences à Aix-la-Chapelle.
IX. — Les conférences d'Aix-la-Chapelle. — Comment est décidée l'immédiate et complète évacuation. — Visite d'Alexandre et de Frédéric-Guillaume à. Louis XVIII. — La rentrée de la France dans le concert européen. — Comment les arrangements d'Aix-la-Chapelle couronnent l'œuvre du duc de Richelieu.

 

I

Les alliés, en 1814, s'étaient piqués de générosité. Le traité du 30 mai, dit traité de Paris, avait reconnu à la France ses limites du 1er janvier 1792. En outre, il lui laissait quatre cantons dans l'ancien département de Jemmapes, quatre dans l'ancien département de Sambre-et-Meuse, deux dans l'ancien département de la Sarre. Nous gardions de plus la forteresse de Landau et une portion de la Savoie. Nos droits sur la principauté d'Avignon et le Comtat-Venaissin ainsi que sur le comté de Montbéliard étaient définitivement consacrés. Nulle occupation militaire, nulle indemnité non plus.

Bien que ces conditions fussent assez douces, il eût été naïf de trop remercier. La générosité, si l'on pouvait employer ce mot, se mêlait d'une profonde défiance. Trois mois avant le traité de Paris, les représentants des quatre puissances alliées avaient signé à Chaumont un autre traité par lequel elles s'engageaient à demeurer unies pour repousser de la part de la France toute tentative d'expansion révolutionnaire ou de conquête. Cette vigilance soupçonneuse avait survécu à l'Empire détruit ; et par conventions supplémentaires les monarques coalisés avaient résolu de garder leurs contingents sur le pied de guerre jusqu'à ce que la paix générale fût définitivement assurée[1].

Avec l'automne s'ouvrit à Vienne le Congrès chargé de régler l'état territorial de l'Europe. Talleyrand y représenta la France. On a prétendu qu'il eût pu, par une politique plus agissante, y améliorer le sort de son pays. Dès le début des conférences, deux ambitions se firent jour : l'une, positive jusqu'à la brutalité, celle de la Prusse ; l'autre, toute colorée d'humanitarisme, quoique assez osée, celle de la Russie. La Prusse prétendait s'agrandir de la Saxe, dont le roi portait le crime de fidélité à Napoléon. Quant à Alexandre, il caressait un rêve magnanime, celui de reconstituer une grande Pologne, composée non seulement de ses propres États, mais des provinces attribuées jadis à la Prusse et à l'Autriche : à cette Pologne il donnerait des institutions autonomes, mais d'ailleurs — et c'est ici que le rêveur se réveillait tout à coup fort réaliste, — la rattacherait à son empire.

Contre cette double conception s'éleva l'Autriche deux fois menacée ; car elle ne se souciait ni d'une Prusse maîtresse des défilés de l'Elbe ni d'une Russie — fût-elle déguisée sous le nom de Pologne — s'étendant jusqu'au pied des Carpathes. En ce conflit naissant la France ne pourrait-elle pas prendre parti, se ranger du côté de la Russie et de la Prusse et, en acquérant deux puissantes alliances, se faire payer le prix de son appui ?

Avec une prudente sagesse Louis XVIII écarta la tentation. Le profit matériel était bien malaisé à dégager, le traité du 30 mai ayant déjà fixé les limites de la France. L'abandon du roi de Saxe, notre allié et de plus allié aux Bourbons, aurait eu un aspect de vilenie. La reconstitution de la Pologne elle-même — si désirable fût-elle devenait une œuvre un peu équivoque si le souverain demeurait le tsar ; car alors on semblait consacrer l'iniquité presque autant que la réparer. Ainsi pensa Louis XVIII. Il jugea que la pire conduite serait de demander au risque d'être éconduit ; il estima pareillement qu'après vingt-deux ans de secousses, les hasards d'une politique aventureuse ne nous convenaient pas plus que ne conviennent les grands efforts à un convalescent. Contre Napoléon les alliés avaient invoqué le droit public. Dès le premier jour de son règne, le roi s'était approprié les mêmes maximes, s'était appliqué à les épurer encore et les avait répétées avec une aisance souveraine qui communiquait à sa faiblesse même un aspect de majesté. Toute sa politique, politique de vaincu, mais qui parle de si haut qu'il semble moins un vaincu qu'un arbitre, s'était résumée en quelques principes : respect des engagements pris, désaveu de tous droits fondés sur la conquête, protection des petits États, équilibre entre les puissances, retour à la légitimité. Telles avaient été les instructions remises à Talleyrand à son départ pour Vienne[2]. — Ces mêmes vues prévalurent dans la double question de la Pologne et de la Saxe. Loin de céder à la perspective d'avantages ou de bénéfices incertains, le gouvernement des Tuileries se rapprocha par une convention très secrète, signée le 3 janvier 1815, de l'Autriche et de l'Angleterre. Ce n'était point qu'il voulût se lier à ces deux puissances ; mais il jugeait qu'elles représentaient le mieux à cette heure l'esprit de tradition. Pendant tout l'hiver de 1814 à 1815, Louis XVIII fut en correspondance presque journalière avec Talleyrand. Qu'on lise ses lettres[3] ; elles se résument toutes en un double vœu : respect des droits de la France, respect égal du bien d'autrui. — Et le roi n'eût pu souhaiter pour ses pensées un meilleur interprète que son représentant à Vienne. Heureux de se retrouver dans son monde après les avatars de la Révolution et de l'Empire, Talleyrand se montrait dans les fêtes ou autour de la table du Congrès, dégagé de toute gêne comme de tout remords ; oublieux de son passé au point d'inspirer aux autres des doutes sur leur propre mémoire ; installé dans son rôle avec une nonchalance tranquille qui, à force d'être étudiée, retrouvait le naturel ; effronté mais d'une effronterie supérieure à laquelle nul n'eût osé donner son vrai nom ; planant fièrement au-dessus de ses trahisons sans daigner les excuser, sans paraître même s'en souvenir ; et proclamant la légitimité avec une brièveté froide et péremptoire, en homme rigide qu'aucun soupçon n'a effleuré.

 

II

Le congrès de Vienne durait encore quand on apprit le débarquement de Cannes ; l'entreprise de Napoléon et la guerre qui suivit changèrent tout. La France fut jugée terre vacante où l'on pouvait tailler à merci ; et parmi les alliés on ne parla plus que de frontières améliorées.

Sous cette formule adoucie se cachait, pouvait se cacher le démembrement.

Entre tous les coalisés, les plus acharnés furent les Prussiens. Le roi Frédéric-Guillaume III était un prince sage, modéré, ami du repos ; mais au-dessus de lui s'agitait le parti germanique tout dévoré d'ambitions, tout hanté de revanche et de conquête. En 1.814, les convoitises avaient été maîtrisées ou s'étaient elles-mêmes contenues. A la nouvelle de Napoléon reparu, elles se déchaînèrent. Si nous en croyons les dépêches de notre chargé d'affaires à Berlin, M. de Caraman, l'impression ne fut ni la surprise ni la consternation, mais un espoir sauvage de recueillir de plus amples gains en de nouveaux déchirements. Les volontaires arrivèrent en si grand nombre que les cadres furent presque aussitôt remplis et qu'il fallut en former d'autres. Les Landwehriens rejoignirent leur corps avant d'avoir reçu leur billet d'appel. Cet élan patriotique s'accompagnait de cris de haine contre la France et d'encouragements à tout dévaster. Les journaux surexcitaient ces ardeurs : tel le Mercure du Rhin qui, non content de flétrir Napoléon, étendait ses invectives aux Bourbons[4]. La journée de Waterloo acheva d'exalter. Les envois de troupes se poursuivirent, même lorsque tout danger semblait écarté, et ce fut, non une invasion, mais une ruée.

A Berlin ou dans les camps prussiens, les plumes travaillaient presque autant que naguère les armes. Des notes se préparaient à l'effet de transformer en doctrine les avidités nationales. Le premier ou l'un des premiers, M. de Humboldt, exposa en forme scientifique les revendications de son pays. C'était, parmi les hommes d'État prussiens, l'un des plus considérables et aussi l'un des plus hostiles. En son mémoire, il s'appliquait à détruire la croyance que l'ennemi fût Napoléon, non la France. Les Français étaient, à ses yeux, les complices de l'usurpateur, les uns pour l'avoir acclamé, les autres pour l'avoir laissé faire. De là cette conclusion que la capture de Bonaparte ne terminait pas le conflit. Les monarques coalisés se devaient à eux-mêmes et devaient à leurs sujets de se prémunir contre le retour de pareils malheurs. La conséquence, c'était une nouvelle répartition dans les forces respectives des États ; et cette répartition ne s'opérerait qu'au détriment de la France. Avec un aplomb tranquille, M. de Humboldt énumérait les sacrifices : les frontières françaises seraient rétrécies au Nord au profit des Pays-Bas, au Nord-Est au profit de l'Allemagne, et plus bas encore, par quelques rectifications, au profit de la Suisse. — Pour rassurer les scrupules des timorés, l'homme d'État prussien rappelait les empiétements de la France, et se fondant sur certaines prétendues similitudes de traditions, de langue ou de mœurs, invoquait ce droit historique qui souvent n'est ni le droit ni l'histoire. — Dans les conciliabules des puissances, on avait parlé d'une longue occupation militaire. M. de Humboldt jugeait qu'au lieu d'occuper des forteresses pour les rendre, il valait bien mieux les occuper pour les garder. Il ajoutait d'ailleurs avec condescendance que, dans les limites de ses nouvelles frontières, la France pourrait édifier à son gré de nouvelles fortifications. L'homme d'État, en terminant, marquait brièvement la convenance de stipuler une forte indemnité de guerre. A qui reviendraient les dépouilles françaises ? M. de Humboldt ne dissimulait pas que la meilleure partie en serait recueillie par l'Allemagne, maîtresse de s'étendre sur la rive gauche du Rhin. Mais il n'imaginait pas, ne voulait pas imaginer que cet agrandissement pût inquiéter personne ; car l'Allemagne, disait en propres termes M. de Humboldt, est un État essentiellement pacifique[5].

Qui contiendrait cet excès d'avidité ? Les Autrichiens, qui volontiers eussent ménagé la France, avaient à ménager aussi les ardeurs de leur clientèle allemande. Tout soucieux de cet équilibre, ils se croyaient modérés en tolérant que la France conservât ses places frontières à la condition que celles-ci fussent rasées : ainsi seraient démolies les fortifications des petites villes d'Alsace, et pareillement celles de Besançon. Strasbourg elle-même ne conserverait que sa citadelle[6]. — Le pire, c'était que l'Angleterre paraissait à cette heure épouser les colères prussiennes. A la vérité Wellington, gardant tout son calme, estimait que contre un projet de démembrement, la nation française tout entière se dresserait[7]. Mais tout autre était lord Liverpool. En anglican rigoriste, il jugeait que la France, la grande pécheresse relapse, méritait un châtiment sévère, et que la seule peine proportionnée à ses fautes était la perte des provinces conquises par Louis XIV[8].

En cet excès de malheur, quel n'eût pas été le sort de la France si un secours sauveur ne fût intervenu, celui d'Alexandre ! Ce n'était pas qu'il n'eût, lui aussi, quelque sujet de s'irriter. Si secrète qu'eût été la convention du 3 juillet 1815, .il l'avait connue et en avait conçu un assez vif dépit. Mais il portait en lui une âme magnanime. Il réussit d'ailleurs à se persuader que le disgracieux traité était l'œuvre de Talleyrand et que Louis XVIII n'y avait point participé. L'avidité prussienne le choqua comme abus de la victoire et comme iniquité. Trois hommes étaient surtout associés alors à sa politique extérieure : le chancelier Nesselrode, Allemand d'origine, et Capo d' Istria, Corfiote de naissance, qui, l'un et l'autre, se partageaient la direction des affaires étrangères ; puis le général Pozzo di Borgo, ambassadeur à Paris. Dès le 28 juillet, en un mémoire de ton très grave, Capo d'Istria formula les protestations de la Russie. Les puissances, disait-il, avaient pendant l'usurpation reconnu les droits de Louis XVIII. Étaient-elles fondées à faire peser sur lui les maux de cette même usurpation dont il avait été la première victime ? Si l'on portait atteinte à l'intégrité de la France, il faudrait, du même coup, réviser toutes les stipulations du congrès de Vienne. Affaiblir le gouvernement français, ajoutait Capo d'Istria, c'est dire à la France qu'un gouvernement légitime est pour elle une calamité ; c'est réduire ce gouvernement à une impopularité telle que de là naîtrait pour lui l'impuissance et que nous ruinerions, dans l'acte même où nous le rétablissons, celui que nous prétendons restaurer.

Toutes les instances d'Alexandre — instances personnelles, instances de ses conseillers — calmeraient-elles l'ardeur de conquête ? Derrière la Prusse s'ameutaient plusieurs des petits princes allemands, comme à la suite des grands fauves s'élancent les menus carnassiers. Parmi les États secondaires, le gouvernement des Pays-Bas se montrait l'un des plus acharnés et jugeait non seulement légitime, mais naturel, que la France fût amputée de la Flandre, de la Lorraine, de l'Alsace. Ce qu'avait dit M. de Humboldt, le prince de Hardenberg le répéta dès le commencement d'août, et avec toute l'autorité que lui conférait son rang de chancelier. La note commençait par établir que, pour une nation qui avait plus d'égoïsme que de patriotisme, il était moins dur de céder des provinces que de donner de l'argent ; car tout le monde était frappé par une contribution de guerre tandis qu'une cession n'atteignait que les citoyens des territoires cédés. On eût cru d'après ces prémisses que, si l'avidité territoriale était grande, on renonçait à l'avidité d'argent. Il n'en était rien, et le mémoire cumulait fort ingénieusement l'une et l'autre. Au profit des États éloignés de la France on stipulerait une forte indemnité : les États limitrophes se paieraient en territoire ; car décidément — et ici M. de Hardenberg copiait M. de Humboldt — une occupation définitive valait bien mieux qu'une occupation temporaire. Partant de là, le chancelier estimait qu'il fallait ravir à la France toutes ses forteresses des Pays-Bas, toutes celles de la vallée de la Meuse, de la Moselle, de la Sarre. Ce ne sera qu'alors, continuait le mémoire, que la France se verra, dans sa vraie ligne de défense... et qu'elle se tiendra tranquille. On insistait de peur qu'on ne laissât échapper le moment favorable pour statuer (sic) une paix solide et durable[9]. Au mémoire une carte était jointe qui fut remise, semble-t-il, à Alexandre. Le projet ravissait à la France toute la partie flamande du département du Nord, une portion des Ardennes et de la Meuse, tout le département de la Moselle, toute l'Alsace,. En outre, nous perdions dans le Doubs le fort de Joux, Pontarlier, Montbéliard ; dans le Jura Saint-Claude ; dans l'Ain le fort de l'Écluse, Belley et Gex ; dans l'Isère le fort Barrau[10].

C'en était trop. Une dépêche de Pozzo di Borgo, interprète des pensées du maître, permet de mesurer l'exaspération du tsar : C'est un chef-d'œuvre de destruction, écrivait Pozzo à Nesselrode à propos de la note prussienne. Il ajoutait que, si la France se prêtait à une telle humiliation, elle fournirait elle-même la preuve de son impuissance à conjurer sa propre ruine. S'étant exprimé de la sorte, il marquait les seules conditions de paix raisonnable : à savoir une indemnité de 600 millions, une occupation militaire pendant trois ans, le retour aux frontières de 1790. En finissant, il revenait aux suggestions prussiennes et il répétait : Le roi de France ne peut accepter cela : ce serait un suicide politique[11].

Ce que Louis XVIII, au dire de Pozzo, ne pouvait accepter, l'Europe l'accepterait-elle ? Il se trouva que la Prusse avait compromis ses ambitions à force de les outrer. L'Autriche ne répugnait point à une France affaiblie : elle ne voulait pas une France démembrée. En Angleterre, la rigueur envers nous se tempéra par une crainte, celle que la France poussée au désespoir ne redevînt de nouveau pour ses voisins une menace ou un embarras : de là une réaction de ce ferme bon sens britannique qui ne se laisse égarer par la passion que pour se ressaisir bientôt. En outre, le roi Frédéric-Guillaume, beaucoup plus raisonnable que son entourage, se sentait plus effrayé qu'ébloui par les rêves de grandeur germanique. Il avait hâte d'engranger ses profits et ne se souciait pas de susciter de nouveaux' orages.

Ces retours de réflexion prêtaient aux avis du tsar une particulière autorité. Le 20 septembre, des propositions furent soumises au gouvernement français. Bien que très adoucies, elles étaient fort dures encore ; car les coalisés ressaisissaient la plupart des concessions qu'ils avaient consenties dans le traité du 30 mai 1814. La France perdrait toute la Savoie ; au nord et au nord-est, elle abandonnerait Condé, Philippeville, Marienbourg, Givet et le fort de Charlemont, Sarrelouis, Landau. Les fortifications d'Huningue seraient démolies. Le fort de Joux, le fort de l'Écluse feraient retour à la Suisse. L'occupation militaire serait de 150.000 hommes et pourrait être prolongée pendant sept années. L'indemnité de guerre serait de 600 millions ; à cette somme s'ajouteraient 200 millions destinés à établir des forteresses en face de nos frontières. — Contre ces conditions Talleyrand protesta en une note du 21 septembre. Le roi, disait-il, pouvait à toute rigueur, et quoique avec une douleur profonde, céder les territoires qui n'avaient pas appartenu à l'ancienne France, mais non les places ou forteresses qui, comme Condé, Givet, Charlemont, faisaient avant 1792 partie intégrante du domaine monarchique. On consentait à une indemnité, mais à la condition qu'elle fût assez modérée pour permettre de subvenir aux besoins intérieurs du royaume. On se soumettait à l'occupation militaire, mais en ajoutant qu'une durée de sept années paraissait tout à fait inadmissible.

Celui qui avait commencé à débattre le traité ne le signerait pas. Talleyrand offusquait le roi par l'éclat même de ses services : en outre, il rappelait à Alexandre le désobligeant traité du 3 janvier. Sans le disgracier bruyamment, Louis XVIII se délia d'avec lui et l'absorba, avec le titre de grand chambellan, parmi les hauts dignitaires de sa cour. L'habileté ne consista point dans le renvoi de Talleyrand, mais dans le choix de son successeur. Le ministère des Affaires étrangères, fut, comme on l'a dit plus haut[12], confié au duc de Richelieu, l'ami d'Alexandre ; et à cet égard la nomination fut trait de génie.

Cette auguste amitié entraînerait-elle sur l'heure toutes les conséquences heureuses qu'on eût pu espérer ? Le tsar avait déjà, par ses interventions, tellement diminué les exigences de la coalition que son crédit se trouvait presque épuisé. Du 21 au 30 septembre on discuta. Des ébauches de rédaction qu'on retrouve encore aux Archives, des mots tracés, raturés, rétablis de nouveau, attestent une double obstination, celle des alliés à ne plus rien concéder, la nôtre à limiter nos sacrifices. Les coalisés persistaient à exiger Landau et Sarrelouis comme cession absolue, Philippeville et Marienbourg, comme rectification de frontière. Rectification de frontière, répétait Richelieu, l'expression est commode pour éviter de prononcer le nom de conquête. Et il défendait pied à pied le sol national plus âprement que jamais paysan ne défendit les bornes du champ paternel. Comme il se désolait, Alexandre entreprit de relever son courage par la comparaison des exigences féroces des premiers jours et des stipulations maintenant débattues. Pour achever de le réconforter, il lui donna la carte qui lui avait été remise à lui-même et qui marquait par un tracé bleu les limites où les projets prussiens avaient entendu nous enfermer. Ma signature a manqué, dit-il, jamais je ne l'eusse donnée. Et cette carte fameuse demeure comme le témoignage du sort que la France faillit subir et qu'elle évita :

Il semble que, dans la dernière phase de ces négociations douloureuses, la pensée déjà formulée par Talleyrand s'affermit, à savoir que quels que fussent les sacrifices à réclamer de la France, il fallait lui laisser tout ce que l'ancienne monarchie avait englobé dans ses frontières. C'était surtout le souci dominant de Louis XVIII, résigné à se dessaisir de tous les accroissements de la Révolution et de l'Empire, mais résolu à ne rien abandonner de ce que les rois de sa race avaient possédé. Cette distinction ne laissa pas que de soulever des critiques : On ne peut admettre, disaient les plus hostiles, que l'ancien territoire de la France soit considéré comme intangible, quand la France a si souvent assailli le territoire des autres. Cependant le principe fut adopté. Dans cet esprit, il fut décidé — et ce fut le succès de Richelieu — que la France garderait Condé, Givet, le fort de Charlemont et, à la frontière suisse, les forts de Joux et de l'Écluse. Huningue nous fut conservée à la condition qu'elle fût démantelée. L'occupation militaire, fixée au chiffre de 150.000 hommes, fut réduite à cinq ans et pourrait cesser au bout de trois. Quant à l'indemnité, elle fut ramenée de 800 à 700 millions.

Tels furent les préliminaires signés le 2 octobre 1815. En dépit des adoucissements obtenus, Richelieu n'y apposa son nom qu'avec une frémissante émotion. Quand tout fut fini, il revint trouver les ministres qui siégeaient en conseil. Il était atterré : Je suis perdu, dit-il ; mais pouvais-je faire autrement ? Et il ajouta : Comme il eût mieux valu rester au fond de la Russie ! Comment me suis-je laissé imposer un fardeau au-dessus de mes forces ? Ainsi parlait-il devant ses collègues que l'émotion avait pareillement gagnés[13]. Et quelques jours plus tard, dans une lettre à Alexandre, il exprimait la même patriotique douleur.

L'accord sur les conditions générales se compléta dans les jours qui suivirent par quatre conventions particulières.

La première régla le régime de l'occupation militaire dont tous les frais seraient payés par le gouvernement français. — La seconde avait trait à l'acquittement de l'indemnité de guerre. Quinze engagements formant ensemble un total de 700 millions seraient remis par le gouvernement français aux alliés. Tous les quatre mois, à partir du 1er décembre 1815, ceux-ci en échangeraient un contre des bons au porteur sur le trésor royal, et ces bons seraient payables jour par jour. Une inscription de 7 millions de rente au capital nominal de 140 millions garantissait le paiement de ces bons. — La troisième convention visait le paiement des créances étrangères, c'est-à-dire les indemnités dues par la France pour fournitures, remboursements de travaux ou de cautionnements dans les pays hors de son territoire. — Enfin la quatrième convention était relative à la réparation des dommages causés aux sujets anglais pour séquestres, confiscations ou préjudices divers, au temps de la Révolution et de l'Empire.

Le traité général, avec ses conventions annexes, fut définitivement signé le 20 novembre. Le 25, Richelieu notifia aux Chambres ces actes mémorables. Le commentaire était malaisé, car ces mêmes coalisés qui nous traitaient en vaincus prétendaient aussi au rôle de protecteurs, et nous avions intérêt à ne pas les rendre irréconciliables autant qu'eux-mêmes à ne pas nous exaspérer. En des paroles très étudiées, mais impressionnantes par leur froideur même — car on sentait sous cette froideur les bouillonnements qui se contenaient, — Richelieu marqua tout ensemble combien le traité était onéreux, combien il était inévitable. Le discours, écouté en un silence attentif, fut suivi du même silence profond et douloureux. Le lendemain, qui était un dimanche, le roi reçut selon sa coutume les hommages de la cour. Ce qu'avait dit son ministre, il tint à le redire, et à tempérer en même temps la tristesse par l'espoir. S'adressant au chancelier qui était président de la Chambre des paire : Les malheurs de notre patrie, dit-il, sont grands ; mais ils ne sont pas irréparables pour une nation comme la nôtre, quand elle est fortement unie d'intention et de cœur avec son roi.

 

III

Ce fier appel à la confiance n'était pas superflu, tant les coalisés, en rétablissant la paix, s'étaient appliqués à tenir la France en état de dépendance et de suspicion !

La diminution de sa puissance ne s'accuse pas seulement par le rétrécissement de ses limites, mais par la vigilance jalouse à ce que, dans ces limites mêmes, elle soit encerclée. Qu'on lise l'acte connu sous le nom d'acte final du congrès de Vienne et qui répartit en Europe les souverainetés. Sur notre frontière du nord a été créé, par la réunion des provinces belges et bataves, le royaume des Pays-Bas : c'est la sentinelle avancée postée par l'Angleterre contre la France, et déjà se dresse le plan des forteresses où se déploiera en Flandre et en Hainaut tout l'art de Vauban, mais retourné contre nous. Au nord-est, là où régnaient les électeurs de Trèves ou de Cologne, est installée, dans les provinces rhénanes, la belliqueuse Prusse. Et au sud-est, l'Italie nous est pareillement fermée : c'est le domaine réservé de l'Autriche qui domine directement à Milan ou à Venise, et indirectement dans les autres principautés qui ne sont vis-à-vis d'elle qu'États vassaux.

Sur les mers, l'amoindrissement est pareil. A la faveur des guerres continentales, l'Angleterre s'est consolidée aux Indes, au Canada, au Cap. Dans la Méditerranée, elle s'est fait livrer Malte, puis Gibraltar ; voici que par acte du 5 novembre 1815, elle a acquis le protectorat des îles Ioniennes. Nous, nous recouvrons une partie de notre domaine colonial, déjà bien diminué par le traité de 1763 ; mais nous ne le recouvrons pas tout entier. Perdue l'Ile de France, perdue aussi Saint-Domingue. Aux Indes, rien que quelques petites villes isolées les unes des autres, impuissantes à se rejoindre, et qui témoignent seulement que jadis nous fûmes puissants là-bas.

En 1814, la sagesse de Louis XVIII et le savoir-faire de Talleyrand ont rétabli, — et jusqu'à effacer les traces de la défaite, — le prestige de la France. Maintenant, et malgré les interventions secourables d'Alexandre. Autrichiens, Prussiens, Russes, Anglais, resserrent leurs liens. Ils viennent de renouveler le pacte de Chaumont. Ils sont les quatre et se fixent en cette association avec la ferme volonté de ne pas l'élargir. Nous, nous sommes l'autre puissance, pendant vingt ans hostile, à demi pardonnée en 1814, aujourd'hui redevenue suspecte. Dans la grande famille des États, sommes-nous le parent dédaigné, le parent pauvre ? Pas tout à fait ; mais nous sommes le parent qui a péché et qui même, en péchant deux fois, a prouvé la fragilité de son repentir.

Dans les temps qui ont suivi Waterloo, tout un flot de soldats étrangers se sont abattus sur la France. Maintenant ils s'écoulent, mais pas tous. Cent cinquante mille hommes restent à titre d'occupants. A l'approche de l'hiver, ils s'installent comme pour un long séjour. Ils s'échelonnent de Dunkerque à Belfort : tout au Nord les Anglais, un peu plus bas les Russes ; les Prussiens ont leur quartier général à Sedan, les Autrichiens sont cantonnés en Alsace. Les contingents des puissances secondaires sont disséminés sur divers points : il y a des Saxons au Quesnoy, des Hanovriens à Condé, des Bavarois à Bitche[14]. Le commandant en chef est Wellington, personnage de probité sévère, de sens droit, jaloux d'équité ; en revanche susceptible, d'un amour-propre chatouilleux qui ne sait pas toujours ménager l'amour-propre des autres ; sensible plus qu'il ne convient à l'opinion des salons et s'adoucissant ou s'irritant suivant qu'il y rencontre caresse ou froideur ; sujet à des retours subits de vieil enfant fantasque ainsi qu'il arrive à ceux qu'a gâtés l'excès de la fortune.

Voici une autre servitude. Les quatre puissances ont chacune à Paris un ambassadeur ; or ces ambassadeurs ont décidé de se réunir en conférence et d'exercer leur contrôle sur les affaires intérieures et extérieures de la France. Une pensée très complexe, faite de protection et de méfiance, a inspiré ce dessein. La France est traitée comme une convalescente à peine échappée à une longue fièvre et qu'il faut, dans son propre intérêt, préserver contre tout nouvel accès. Elle est considérée aussi comme une débitrice dont il importe de surveiller le gage, de peur que ce gage ne diminue ou ne s'altère. Enfin la pratique alors nouvelle du régime représentatif réclame la sollicitude des gouvernements étrangers qui se croient appelés au rôle de modérateurs, contenant tantôt les tendances réactionnaires, tantôt l'esprit d'émancipation. Ce conseil des quatre ainsi conçu s'offre sous l'aspect d'un conseil de tutelle avec ses avis, qui, s'ils ne sont pas écoutés, pourront se transformer en ingérences, presque en sommations. Même avant que ce conseil des ambassadeurs fût officiellement constitué, on vit les représentants des puissances se hausser jusqu'à réclamer, en octobre 1815, la communication préalable du discours de la Couronne ; et cette immixtion marqua, à elle seule, quelle emprise la coalition entendait garder sur nous.

 

IV

Même, embarrassés sous ces entraves, le roi et ses ministres ne perdent pas un instant de vue le but final qui est d'obtenir, fût-ce par efforts partiels et successifs, la libération de la France.

Dès le mois de janvier 1816 un premier résultat quoique bien modeste — fut obtenu. Tandis que le gros de l'armée envahissante repassait la frontière ou s'installait dans les places du Nord et de l'Est, les Prussiens et les Anglais avaient continué d'occuper Paris. C'était à certains égards une garantie ; car l'armée française ayant été licenciée, le maintien de l'ordre public n'eût été assuré, sans les troupes étrangères, que par la garde nationale. Malgré tout, une grande hâte régnait que ces humiliants protecteurs s'éloignassent. Au 1er janvier, les régiments de la garde royale[15], complètement organisés, commencèrent leur service. Richelieu alors insista pour l'évacuation de la capitale. Wellington exprima la crainte que dans les corps de la garde on n'eût fait entrer trop de soldats de l'Empire. Mais sans autre objection, il donna des ordres pour le départ.

Une ambition plus haute travaillait le duc de Richelieu, celle que l'armée d'occupation elle-même fût diminuée. A cette réduction il voyait deux avantages : l'économie d'abord, puis l'effet moral en France et à l'étranger. Pour entamer la négociation, la conférence des ambassadeurs siégeant à Paris paraissait l'intermédiaire naturel. Mais serait-ce par elle qu'on aboutirait le plus vite et le mieux ? Les documents contemporains permettent de recomposer les dispositions de ce conseil, le conseil des Quatre, ainsi qu'on l'appelle. L'Angleterre y a pour représentant sir Charles Stuart : il est peu bienveillant pour la France, animé d'idées très réactionnaires, très jaloux de la Russie et d'ailleurs débordé par une influence plus haute, celle de Wellington. Le cabinet de Vienne a pour ambassadeur le baron de Vincent, personnage qui volontiers se relègue au second plan et peut-être par calcul ; car c'est une politique double que celle de l'Autriche, à la fois conseillère de modération et condamnée à ne pas laisser à la Prusse l'exclusive défense des intérêts allemands. La Prusse elle-même a pour agent le comte de Goltz, correct en son langage, mais sec jusqu'à l'impolitesse en ses communications écrites rédigées, à ce qu'on assure, par son secrétaire M. de Schœlle, très hostile à la France. Dans le conseil, la France n'a qu'un seul ami, mais si chaud qu'elle n'en pourrait souhaiter plus dévoué. C'est le général Pozzo di Borgo, Corse d'origine comme Bonaparte, mais animé contre lui d'une de ces haines — haine de Corse — qui ne tolèrent ni trêve, ni apaisement. Proscrit pendant la Révolution, Pozzo s'était réfugié d'abord en Angleterre, puis à Vienne, enfin en Russie où Alexandre, après l'avoir tour à tour accueilli et éloigné, l'avait en 1812 définitivement attaché à sa fortune. Maintenant le voici à Paris, très favorable à la France, très favorable aux Bourbons, et au point d'être .suspect à ses collègues : Il est plus français que les Français eux-mêmes, dira un jour de lui, en un accès de mauvaise humeur, Wellington.

Tout calcul fait, il eût été peu raisonnable de compter sur ce conseil des Quatre où l'on n'avait qu'une voix assurée. Puis ces étrangers n'inclinaient que trop à s'immiscer dans toutes nos affaires. En ces conjonctures, Richelieu, pour obtenir secours, résolut de s'adresser, non tout près, mais fort loin. Alexandre l'avait autorisé à recourir à lui officieusement et, disait-il, en ami. Ce fut de cette précieuse amitié que le duc profita.

Avec quels ménagements il en use tout d'abord ! En une lettre du 28 avril 1816, il entretient l'Empereur de la politique générale. Puis, avec une discrète brièveté, il glisse dans le message les lignes suivantes : Nos charges sont trop considérables pour que la France puisse les supporter plus longtemps, et je regarde comme une chose indispensable qu'avant la fin de l'année, l'armée d'occupation soit diminuée[16].

On entre dans la saison d'été. La Chambre introuvable, suspecte aux alliés pour ses tendances rétrogrades et son ignorance financière, a clos sa session. Une sorte d'apaisement a succédé aux agitations produites par la loi d'amnistie et par les discussions budgétaires. Parmi les coalisés, des dispositions meilleures prévalent. Le langage de l'Autriche est bienveillant, et assez bon celui de Wellington. Il n'est pas jusqu'à la Prusse qui ne s'adoucisse. Le marquis de Bonnay, qui vient d'être envoyé comme ministre à Berlin, mande des informations favorables : Le roi de Prusse, écrit-il, aime Paris, aime la France. Le diplomate se risque même — n'est-ce pas optimisme candide de nouvel arrivant ? — à tracer ces lignes : Ici, on nous veut du bien, le prince de Hardenberg est tout disposé à nous en faire. Il ajoute : Il y a huit jours, il m'a jeté en avant quelques mots, assez fugitifs à la vérité, mais pourtant suffisamment clairs pour que je puisse en conclure que non seulement les autres alliés, mais la Prusse en particulier, serait très disposée à retirer une bonne partie de ses troupes si elle pouvait affirmativement compter sur notre tranquillité intérieure[17].

Sous ces auspices meilleurs, Richelieu se décide, au mois de juillet, à un second coup de sonde, et cette fois encore sollicite le bon vouloir d'Alexandre. Cependant l'ordonnance du 5 septembre paraît. Ce sont les témérités et les inexpériences de la Chambre introuvable que les alliés ont surtout invoquées pour ajourner toute concession. Maintenant qu'elle a cessé d'exister, une entente ne sera-t-elle pas plus facile ? Le 7 septembre, troisième lettre de Richelieu, et toujours à Alexandre. Très explicite cette fois, l'homme d'État français fait valoir avec une respectueuse insistance quel serait le prestige pour les ministres et pour le roi lui-même s'ils pouvaient annoncer, avant les élections nouvelles, que l'armée d'occupation sera diminuée, que les charges publiques seront allégées. Comme ce succès réduirait au silence toute opposition ! Et Richelieu, si contenu d'ordinaire, Richelieu, tout soulevé d'espoir, laisse tomber de sa plume cette phrase : Oh ! alors, comme je verrais l'avenir en beau. Dans la suite de sa lettre, le ministre s'applique à préciser les sentiments des puissances. Il croit Wellington favorable, Metternich aussi. Quant à la Prusse, il se montre moins confiant que ne l'était, deux mois auparavant, le marquis de Bonnay. Mais il annonce que Wellington a promis d'user de son influence auprès du prince de Hardenberg. Et il finit en ces termes : Quelle reconnaissance n'aurions-nous pas à Votre Majesté si elle voulait bien ordonner à M. d'Alopéus — c'est le ministre de Russie à Berlin — d'appuyer le vœu de la France[18].

À négliger les détails, l'issue dépendait des deux grands dirigeants de la politique européenne : Alexandre, Wellington. Qu'ils fussent d'accord, et les deux puissances allemandes céderaient, l'Autriche avec empressement, la Prusse avec résignation. Sur ces entrefaites, une évolution inattendue de Wellington compliqua tout.

II s'était montré très hostile à la Chambre introuvable et, dans ses entretiens avec Louis XVIII, avait exprimé sa réprobation avec une hardiesse qui avait étonné. Il semblait donc que l'ordonnance du 5 septembre dût raviver, loin de l'attiédir, sa bonne volonté pour nous. Tout autre fut sa conduite. De bienveillant devenu tout à coup presque rogue, il observa qu'il fallait, avant de prendre un parti, connaître les résultats des élections, ensuite être fixé sur l'orientation de la Chambre nouvelle. C'était reculer bien loin des espérances qui se croyaient toutes proches. Le 15 octobre, dans une lettre à Alexandre, son auguste confident, Richelieu ne cacha point sa déconvenue : J'essaierai, ajoutait-il, de ramener le duc de Wellington à une opinion qui était la sienne il y a deux mois... Mais je crains bien que des instructions venues de Londres n'aient mis des bornes à sa bonne volonté. Wellington s'était-il, en un séjour à Londres où il se rendit en effet au début de l'automne, imprégné des préventions britanniques contre la France ? Il est plus vraisemblable que d'autres motifs changèrent son humeur. Tout pénétré des services que la coalition avait rendus à la cause de l'ordre, il s'irritait, même en y faisant droit, des plaintes que l'occupation provoquait parfois. Toujours aux écoutes, il recueillait tous les propos, et avec une susceptibilité, étrange chez un homme que la gloire eût dû élever au-dessus des petits amours-propres, s'indignait de la moindre critique. Un jour, il sut qu'en parlant des troupes alliées l'expression de conquérants et celle de garnisaires avaient été prononcées, et ces mots l'exaspérèrent. Il n'était pas loin de juger ingratitude ce qui n'était que patriotique impatience. Il y a un an, disait-il, les Français nous ont accueillis comme des sauveurs, et maintenant ils n'ont point de repos qu'ils ne nous aient congédiés et presque expulsés ! Ainsi s'exprimait-il, tantôt à Paris, tantôt à son quartier général de Cambrai, non hostile mais boudeur, ne refusant rien, mais se réservant et laissant passer les jours. Il lui arrivait aussi, pour colorer son attitude, d'invoquer les dispositions de la Prusse : Vous trouverez là-bas plus de difficultés que vous ne l'imaginez, écrivait-il au duc de Richelieu. Et en s'exprimant ainsi, il n'avait pas tort ; car les Prussiens, ayant deviné le revirement du commandant en chef anglais, s'ingéniaient à se modeler sur lui. Le 22 octobre 1816, M. de Bonnay vit le prince de Hardenberg et le revit encore le lendemain. Celui-ci, quoique toujours correct, se montra à la première audience assez froid et à la seconde tout de glace. Sur le projet de réduction, il ne savait rien, disait-il, et attendait des informations. Il ajouta : Quand nous verrons les Chambres à l'œuvre avec le gouvernement, alors nous nous prononcerons. Et en s'exprimant de la sorte, il copiait mot pour mot Wellington[19].

 

V

L'automne s'acheva en ce piétinement, Louis XVIII. en ouvrant les Chambres le 4 novembre, ne put, comme il l'eût tant souhaité, donner à la France aucune parole d'espoir. Ce ne fut que le 8 décembre 1816 que l'Autriche, prenant l'initiative, proposa à la conférence des Quatre la réduction[20]. Trois semaines plus tard, après les fêtes de Noël, Wellington revint de Londres, cette fois d'humeur radoucie. En un entretien avec le roi, il lui promit de ne pas mettre obstacle à l'allégement de nos charges, et il donna au duc de Richelieu la même assurance.

La promesse elle-même comportait une restriction, au moins implicite, qui ne laissait pas que d'être embarrassante. On consentait à diminuer d'un cinquième l'armée d'occupation ; mais il était entendu qu'en retour, la France garantirait, par un appel au crédit, l'exécution de tous ses engagements envers les alliés.

Or, le pourrait-on ? Si l'on considérait la situation financière et économique, l'année 1817 qui commençait n'offrait que désolantes perspectives. Jamais la France n'avait été plus accablée de charges et plus dépourvue de ressources.

La détresse s'était fait sentir dès les premiers mois de 1816. A la fin de février, l'encaisse du trésor s'était abaissée jusqu'à 28 millions[21] ; et rien que pour le paiement de la contribution de guerre payable jour par jour, il fallait remettre quotidiennement aux alliés près de 400.000 francs. Un crédit de 6 millions de rentes autorisé par la loi du 28 avril 1816 apporta un instant de soulagement, mais fut bientôt dévoré. Ce qui combla nos maux, ce fut la disette. Après Waterloo, d'innombrables contingents étrangers avaient fait irruption : de là une consommation complète de tous les approvisionnements. En 1815, la récolte avait été médiocre ; en 1816, elle fut presque nulle. Sur les finances publiques déjà si obérées, la répercussion fut terrible. La misère diminuait le rendement des impôts indirects. Plus montaient les subsistances, plus devenait coûteux l'entretien de l'armée d'occupation. Il fallut procéder, et à des conditions très onéreuses, à de grands achats de blé à l'étranger. Une indemnité dut être fournie, en outre, aux boulangers de Paris pour que le pain de quatre livres ne dépassât pas 1 fr. 25. Au 1er janvier 1817 le compte de l'année précédente se chiffrait, relativement aux prévisions budgétaires, par un déficit de plus de 153 millions quant aux recettes, par une augmentation de 248 millions quant aux dépenses[22]. Telle était la pénurie que le duc de Richelieu dut, en invoquant la cherté des subsistances, solliciter des alliés un délai de quelques mois pour le paiement des bons représentant la contribution de guerre et venant à échéance en janvier et février 1817.

C'était en ces conjonctures qu'il fallait trouver des prêteurs. Pour l'opération, on ne pouvait songer aux banques françaises. D'abord elles étaient peu disposées à s'engager en une telle entreprise[23] ; puis les alliés eux-mêmes n'eussent que malaisément accepté leurs garanties ; enfin un emprunt contracté en France pour solder une dette étrangère aurait entraîné une exportation de capitaux qui eût diminué notablement notre encaisse monétaire. Les maisons Baring de Londres et Hope d'Amsterdam furent pressenties. La réponse fut dilatoire, puis suivie d'un long silence. Le célèbre munitionnaire Ouvrard partit pour l'Angleterre et crut avoir tout arrangé ; quand on s'expliqua, on s'aperçut que rien n'était conclu. Baring vint à Paris, accompagné de son beau-frère M. Labouchère, chef de la maison Hope. Tous deux hésitaient et, plus encore que Baring, Labouchère, bien qu'il fût Français d'origine. Cependant la France avait conservé une force, sa loyauté. Dans la carrière de l'improbité, il n'y a que le premier pas qui coûte ; et la Restauration, même en sa pire détresse, s'était gardée de ce premier pas. Le prix de sa droiture, ce fut qu'elle trouva crédit, en dépit de sa pauvreté. Le 10 février, les banquiers étrangers consentirent à traiter. Leurs conditions furent très dures ; mais ce serait le relèvement sauveur. Ils s'engagèrent d'abord à prendre un peu plus de 9.090.000 de rentes 5 pour 100 au cours de 52,50. En avril ils prirent un second paquet de 8.620.689 francs, au cours de 55,50 ; enfin une convention conclue le 22 juillet leur alloua un troisième paquet de 9 millions au cours de 61,50. On obtint ainsi un peu plus de 300.000.000. A chacune des opérations le taux s'était amélioré, ce qui était le signe de notre crédit raffermi. Le jour même du premier traité, c'est-à-dire le 10 février, les alliés firent connaître au gouvernement français qu'à partir du 1er avril le corps d'occupation serait diminué d'un cinquième. C'était le premier pas, mais un pas décisif vers l'entière délivrance.

 

VI

L'entière délivrance ! C'est le souhait unique, la pensée obsédante du duc de Richelieu. Il ne garde le pouvoir que pour cela ; le but atteint, il ne demandera qu'à se décharger. Et Louis XVIII, un peu sceptique sur le reste, partage, quant à cet objet, les patriotiques impatiences de son ministre. Cependant une question reste à régler, celle des créances étrangères. Cette question prolongera, pendant une année, le désaccord entre les alliés et la France.

Par l'article 19 du traité du 30 mai 1814, et par la convention spéciale annexée comme on l'a dit au traité de 1815, la France s'était engagée à payer les sommes dont elle serait débitrice dans les pays hors de son territoire, en vertu de contrats ou autres engagements formels passés entre les individus ou les établissements publics et les autorités françaises, soit pour fournitures diverses, soit à raison d'obligations légales. Cet arrangement ne regardait que les puissances continentales. Une autre convention avait, comme on se le rappelle, fixé nos engagements vis-à-vis de l'Angleterre.

Pour assurer l'acquittement de cette dette, le gouvernement avait créé deux fonds de garantie de 3 millions 500.000 francs chacun, destinés à gager l'un les créances anglaises, l'autre celles du continent. Puis volontairement et avec une loyauté remarquable, il avait fait voter en décembre 1815 un crédit supplémentaire de deux millions de rente afin que la liquidation ne fût pas retardée dans le cas où, contre toute attente, les valeurs déjà assignées au règlement ne suffiraient pas.

Pour ne pas prolonger à l'excès la liquidation, on avait décidé que les réclamants seraient forclos s'ils ne présentaient leur requête avant le 1er mars 1817. Les liquidateurs entrèrent en fonction : d'un côté les agents des alliés, de l'autre les commissaires français. Au-dessus d'eux, des commissaires juges seraient appelés en cas de désaccord à décider. Bientôt les demandes affluèrent, demandes de toutes sortes, même les plus extraordinaires et remontant à toute époque, comme si chacun eût fouillé dans sa propre mémoire ou dans ses souvenirs de famille pour rechercher en quoi il avait pu être lésé par la France. Au 1er mars 1817, les réclamations montaient à 1.600 millions. C'était la ruée financière après la ruée des soldats.

Dans les sphères officielles françaises, l'impression fut l'effarement. Pour étancher cette soif avide, le fonds de garantie, créé dix-huit mois auparavant et qu'on avait jugé plus que suffisant, n'était qu'une goutte d'eau. A des chiffres fantastiques, Richelieu s'appliqua à opposer des réalités plus raisonnables. Il observa que la France n'avait jamais entendu être responsable des dommages ou destructions inhérents à l'état de guerre, mais que son devoir se réduisait à acquitter les dettes fondées sur un titre régulier, par exemple, restitutions de cautionnements, indemnités pour expropriation, avances des caisses municipales ou autres, arriérés de solde, journées de militaires dans les hôpitaux. Parmi ces dettes, ajoutait Richelieu, quelques-unes ne devaient pas demeurer entièrement à la charge de la France : ainsi en était-il des dépenses pour construction de ponts, routes ou autres ouvrages d'utilité publique, dépenses dont bénéficiaient, non la France, mais les régions aujourd'hui détachées d'elle. Puis, se fondant sur les décisions impériales, — ce qui était légitime puisqu'on acceptait comme un héritage les charges léguées par l'Empire — l'homme d'État français invoquait deux décrets de Napoléon du 25 janvier 1808 et 13 décembre 1809, l'un qui frappait de déchéance les créances antérieures à l'an V, l'autre qui prescrivait, sous peine de forclusion, la liquidation, avant le 1er juillet 1810, de toutes les créances antérieures à l'an IX. Se plaçant enfin à un point de vue plus général, Richelieu démontrait l'impossibilité matérielle pour la France de payer la somme énorme qu'on entendait tirer d'elle. Et en cela, il était à l'aise ; car le banquier Baring, qui venait de prêter son crédit à la France pour l'emprunt de 1817, ne se faisait pas faute de répéter que ce serait pure folie que de s'engager pour une somme six fois plus forte. En manière de conclusion, le duc insinuait l'idée du seul arrangement qui serait pratique : cet arrangement consisterait à fixer un chiffre forfaitaire dont le paiement serait libératoire pour la France.

Réussirait-on à convaincre les puissances ? — La Russie, généreuse comme de coutume et d'ailleurs peu intéressée en cette affaire, nous soutenait ainsi qu'elle le fit toujours. Quant à l'Angleterre, elle suivait cette discussion avec une sollicitude un peu tiède, comme il arrive pour les intérêts des autres. Dès 1814 en effet, elle s'était taillé en très bonne commerçante une place à part, dans le règlement des indemnités. Extorsions, confiscations, arrestations arbitraires, dommages aux propriétés britanniques, elle avait tout évalué : elle n'avait rien négligé, pas même le préjudice que la conversion des deux tiers avait jadis causé à ses nationaux, en sorte que, sûre de ne pas perdre, elle pouvait sans grand mérite se montrer accommodante. — Mais bien autres étaient les deux grands États allemands. L'Autriche eût perdu tout son crédit sur les petits États confédérés, tous avides et assez pauvres, si elle n'avait paru épouser leurs revendications. Puis elle jugeait que les vaincus de Waterloo étaient demeurés, même après leur défaite, assez riches pour payer ; et Metternich, en ses heures d'abandon, ne se gênait pas pour répéter que les finances françaises, même un peu dérangées, valaient bien celles de son propre pays. Cependant à Vienne un accord équitable eût pu se conclure. En revanche, à Berlin, des dispositions régnaient qui rendraient bien malaisée toute entente.

De ce côté se tournèrent dès le printemps 1817 tous les efforts de notre diplomatie.

Mais à qui s'adresser ? Le roi Frédéric-Guillaume, de nature débonnaire, de manières courtoises, se sentait submergé sous les haines anti-françaises déchaînées depuis 1815. Le chancelier, le prince de Hardenberg, affectait, en toutes ses communications, la plus correcte politesse ; mais il était vieux, souvent loin de Berlin, et se servait de ses infirmités, d'ailleurs très réelles, pour se dérober aux audiences ; en outré, il était fort sourd, ce qui lui permettait de ne pas entendre ce qu'il était opportun de laisser sans réponse ou d'ignorer. Ses fréquentes absences laissaient une notable part d'influence aux hauts fonctionnaires de son département. Ceux-ci eux-mêmes différaient fort de manières et d'opinions. L'un d'eux, M. Ancillon, Français d'origine, se montrait très dégagé des passions germaniques. En ses entretiens avec notre représentant, il entrait dans les vues du duc de Richelieu et estimait que la France eût agi sagement si elle avait en 1815 fait évaluer à une somme fixe le montant des créances étrangères. Il ne se gênait même pas, surtout toutes portes fermées, pour railler ou flétrir l'excès des réclamations qui étaient, disait-il, poussées jusqu'au dernier degré d'impudence. Bien différents étaient les autres conseillers de la chancellerie, notamment M. Jordan. Puis des communications arrivaient du dehors, plus propres à entretenir qu'à calmer l'esprit d'hostilité. Entre tous les excitateurs de résistance, le plus actif était M. de Humboldt, ambassadeur à Londres et demeuré très influent dans la direction de la politique générale. On se souvient de ses suggestions en 1815. Or, ses sentiments n'avaient pas varié.

Notre ministre à la cour de Prusse, le marquis de Bonnay, était arrivé à Berlin, l'année précédente, plein d'espoir, et avait même, en ses premières dépêches, formulé des opinions optimistes jusqu'à la candeur. Maintenant ses illusions se sont dissipées. Pendant tout le printemps de 1817, il défend contre les hommes d'État prussiens la validité des décrets impériaux de 1809 et de 1810. Puis une autre discussion s'élève sur les intérêts des créances. Pour mieux préciser ses pensées, notre représentant fixe, le 9 juin, ses idées en un mémoire. Mais on ne lui répond pas, et quand enfin il réussit à voir le prince de Hardenberg, celui-ci lui réplique par ces seuls mots : Nous ne nous sommes pas encore entendus avec les autres Cours.

Cependant le fonds de garantie allait s'épuisant. Il faudrait, ou en créer un nouveau, ce qui serait malaisé à obtenir des Chambres, ou suspendre la liquidation, ce qui aurait aux yeux des alliés l'air d'une infidélité aux engagements pris. Même si on continuait à liquider, on ne pourrait plus établir de bordereaux, ceux-ci étant de vrais mandats de paiement. Très ému de ces embarras, le duc de Richelieu inclinait de plus en plus à déférer à la diplomatie cette question des créances étrangères et à substituer à l'examen détaillé de chaque réclamation la fixation d'un chiffre en bloc.

Sur ces entrefaites, il apprit que le prince de Hardenberg allait se rendre aux eaux de Carlsbad et que, selon toute apparence, le prince de Metternich s'y rendrait pareillement. Capo d'Istria, le ministre d'Alexandre, s'y trouvait déjà. La rencontre, en un même lieu, de ces hauts personnages ne faciliterait-elle pas des communications verbales favorables à une entente ? Richelieu l'espéra ; et sur son ordre, notre ambassadeur à Vienne, M. de Caraman, partit, lui aussi, pour Carlsbad.

Il y arriva le 13 août. Il vit de suite Capo d'Istria qui était tout acquis à notre cause et près duquel il pouvait, comme on dit, prendre langue. Le ministre russe convint qu'on abusait de la France : Ce qu'on vous demande, dit-il, dépasse évidemment vos ressources. Mais au nouvel arrivant, il laissa peu d'illusions sur le résultat de son voyage : M. de Metternich, dit-il, ne viendra sans doute pas. Quant au prince de Hardenberg, il est malade, fatigué de son traitement, et ne peut ou ne veut s'occuper d'affaires... Il y a bien ici, ajouta-t-il négligemment, l'un des conseillers de la Chancellerie, M. Jordan ; seulement il part demain. Très déçu, mais ne voulant rien omettre, M. de Caraman alla en toute hâte chez M. Jordan. L'accueil fut d'une froideur remarquable : Nous ne pouvons, objecta le fonctionnaire prussien, abandonner les intérêts de nos nationaux. Ayant parlé de la sorte, il se retrancha derrière les traités qui ne comportaient ni retouche, ni révision. Comment voulez-vous, répliqua M. de Caraman, que nous réglions l'indemnité de guerre et l'entretien des troupes si nous sommes en outre accablés sous le fardeau des créances étrangères ? M. Jordan parut peu ému de ce langage. A la fin de l'entretien, il se départit pourtant de sa raideur. Il faudra s'enquérir, dit-il, prendre du temps, examiner. Et il ajouta sur un ton qui voulait être presque cordial : En tout cas la France n'aura jamais rien à redouter de la Prusse. M. de Caraman s'éloigna, médiocrement réconforté[24]. Dans la soirée, il réussit pourtant à voir le prince de Hardenberg qui même l'invita à dîner. Mais le prince était encore un peu plus sourd qu'à l'ordinaire et se borna à quelques propos obligeants qui ne compromettaient rien. M. de Caraman avait préparé une note : Je m'en occuperai incessamment, répondit avec courtoisie l'homme d'État prussien. Sur ces entrefaites, survint à Carlsbad M. de Humboldt, cet ennemi de la France. On remarqua que pendant toute une journée, il travailla chez le chancelier ; et il n'est pas malaisé de conjecturer en quel sens ses suggestions s'exercèrent. M. de Caraman n'eut d'autre ressource que de se consoler auprès de M. Gordon, ministre d'Angleterre à Vienne, qui était favorable à la France et qui, le 19 août, vint grossir de sa présence le pseudo-congrès. Le 25 août, notre ambassadeur quitta Carlsbad, ayant complètement échoué, mais se figurant, tant il avait multiplié les démarches, qu'il avait semé quelques idées salutaires. Richelieu s'appliqua à ne pas dissiper cette illusion, fruit de beaucoup de candeur ou de beaucoup de vanité : Vous avez tiré, lui écrivit-il avec une bienveillance remarquable, tout le parti possible de la position où vous vous êtes trouvé placé ; et les efforts de votre zèle auront été très utiles au service de Sa Majesté[25].

 

VII

A ceux que toutes les insinuations diplomatiques laissaient insensibles il fallait parler clair. C'est à quoi se résigna le due de Richelieu. Le 10 septembre 1817, en une longue note adressée à la conférence des quatre[26], il exposa — cette fois sans aucun déguisement ni détour — la condition et les vœux de la France.

Le gouvernement royal, disait-il en substance, ne pourrait satisfaire aux demandes sans accroître dans une proportion effrayante le fardeau de la dette nationale. Sous la charge, notre crédit succomberait ; de là un double malheur : le nôtre d'abord, puis celui de l'Europe qui, étant notre créancière, n'a pas intérêt à nous ruiner. En 1814, continuait Richelieu, il a été stipulé que les créanciers de la France, en cessant d'appartenir à notre territoire, seraient traités comme les autres créanciers de l'État. Mais nul n'a prévu combien seraient exagérées les réclamations ; et tout le monde a cru que le fonds de garantie constitué par nous satisferait à peu près à toutes les exigences à venir. Aujourd'hui, concluait Richelieu, nous demandons trois choses la première, c'est que les dettes vraiment sacrées soient acquittées, mais non celles qui résultent d'une extension abusive des traités ; la seconde, c'est qu'on fixe à un chiffre forfaitaire la quotité de notre dette ; la troisième, c'est qu'on nous laisse quelque liberté pour le mode de paiement.

Tel fut le mémoire remis à la conférence des ambassadeurs. Ceux-ci se bornèrent à répondre qu'ils prendraient les instructions de leur cour.

On pouvait redouter en Allemagne une vive résistance. Ce qu'on vit à Berlin dépassa toute attente.

Le marquis de Bonnay avait reçu communication de la note du 10 septembre. Il se tenait aux écoutes et constatait dans les sphères officielles prussiennes une froideur réservée qui paraissait de mauvais augure. Il n'était pas jusqu'à M. Ancillon qui ne se montrât moins bienveillant- qu'à l'ordinaire. Le 28 septembre, notre représentant vit M. Jordan et le trouva plus raide encore que de coutume : Avez-vous, lui dit M. de Bonnay, préparé vos directions pour M. de Goltz ?Oui, je vais vous les montrer. Et il remit au diplomate français deux documents imprimés, l'un portant le titre d'instruction, l'autre celui de mémoire. Sans rien lire encore, M. de Bonnay ne put retenir sa surprise en voyant que, contre tous les usages, des pièces diplomatiques avaient été préalablement imprimées. Ah ! reprit M. Jordan, nous ne faisons pas mystère de nos vues. Les pièces ne portaient ni date, ni signature. De plus en plus étonné, M. de Bonnay poursuivit : Le prince de Hardenberg a-t-il connu et inspiré tout cela ?Oui. Et M. Jordan, du même ton tranquillement péremptoire, fit connaître les volontés de la Prusse : M. de Goltz avait ordre de demander au gouvernement français qu'un nouveau fonds de garantie fût créé, que le travail de la liquidation fût continué et terminé dans les six mois. Sur le fonds de garantie la Prusse pourrait à toute rigueur céder, mais non sur la liquidation : Nous vous donnons six mois, conclut M. Jordan. Puis, pour tempérer un peu cette sorte d'ultimatum, il ajouta : Nous ne pouvons abandonner nos sujets prussiens.

Dans leurs embarras, les diplomates français prenaient volontiers comme confidents leurs collègues russes. Il se trouvait que M. de Bonnay n'entretenait que des relations très froides avec le ministre du tsar à Berlin, M. d'Alopéus, qu'il jugeait — ce sont ses propres expressions — un homme bouffi de vanité. La gravité des conjonctures fit cette fois taire les répugnances et, en quittant M. Jordan, il courut à la légation de Russie. Les deux diplomates lurent les deux pièces imprimées — instruction et mémoire — dont M. de Bonnay n'avait parcouru que les premières lignes. On y demandait, comme l'avait indiqué M. Jordan, la constitution d'un nouveau fonds de garantie, puis la continuation de la liquidation et son achèvement dans les six mois. Le ton était à dessein désobligeant : ainsi accusait-on la France de méconnaître les premières notions du droit public, de se prêter à l'iniquité. La malveillance qui se contenait à demi vis-à-vis du duc de Richelieu et de ses collègues se donnait libre carrière à l'égard des commissaires français chargés de la liquidation. On leur reprochait nettement de manquer à la bonne foi, de dénaturer le sens des mots ; et le mémoire joint aux instructions détaillait en vingt points savamment énumérés leurs incorrections ou leurs fautes. M. de Bonnay fut exaspéré : Les Prussiens, dit-il, se figurent-ils qu'ils tiennent encore garnison à Paris ? M. d'Alopéus s'employa à l'apaiser : Mais, interrompait M. de Bonnay, pouvons-nous tolérer ce ton hautain ?Tout cela, répliqua le ministre russe, n'est que manœuvre. On veut, en répandant ce factum, montrer aux sujets prussiens ou allemands, avec quelle ardeur on défend leurs intérêts. Puis il ajouta avec d'autant plus de calme que son collègue était moins maître de lui : Ces gens-là céderont. Faites vos vérifications. Puis offrez une somme raisonnable, et tout s'arrangera. L'entretien se continuant, les deux diplomates recherchèrent qui avait pu rédiger les deux documents. Pour le mémoire qui révélait une connaissance approfondie des négociations poursuivies à Paris, ils n'hésitaient pas à accuser M. de Schœlle, ce conseiller atrabilaire du comte de Goltz. Quant aux instructions elles-mêmes, M. de Bonnay les attribua à M. Jordan. Le prince de Hardenberg s'était-il abaissé jusqu'à approuver une communication aussi insolite ? Malgré le témoignage de M. Jordan, on hésitait à le croire : sans doute, disait-on, on avait surpris son consentement : en quoi l'on se trompait, car le prince devait écrire à quelque temps de là au comte de Goltz que tout s'était fait avec son plein assentiment ; et M. de Goltz se donnerait même le malveillant plaisir de montrer la lettre au duc de Richelieu[27].

Tout s'arrangera, avait dit M. d'Alopéus à M. de Bonnay. Il dépendait surtout de l'Autriche que toute cette résistance se prolongeât ou mollît. Si elle s'associait à la Prusse, les deux puissances allemandes, faisant bloc, pourraient tenir la France en échec. Dans le cas contraire, le gouvernement de Berlin, se sentant isolé, serait contraint à se désavouer ou tout au moins à s'adoucir. Mais quel n'était pas l'embarras de Metternich ! En lui deux personnages coexistaient : l'homme de l'Europe, assez équitable envers la France et jaloux d'apaiser les conflits : puis, l'homme de l'Allemagne. Cette politique se reflète bien dans le langage du chancelier autrichien. Caraman revient à Vienne. Le premier ministre n'hésite pas à blâmer devant lui les instructions imprimées : Tout cela, dit-il, en substance, est bien outré. Ne vous effrayez pas, ajoute-t-il ; et copiant sans le savoir les propres paroles de M. d'Alopéus, il conclut par ces mots : Tout ira bien. Cependant — et ici se révèle l'emprise germanique — le même ministre envoie des directions à M. de Vincent, l'un des quatre, et, sauf la courtoisie des formes, parle à peu près comme la Prusse. Voici l'automne. Caraman part en congé. Il est suppléé par un chargé d'affaires, M. Artaud. M. Artaud confère surtout, non avec le tout-puissant chancelier, mais avec son confident intime, M. de Gentz. Et ces entretiens éclairent bien la politique raffinée qui prévaut à Vienne. Là-bas, la tactique est de vanter, dans l'intérêt même de l'Allemagne, les idées de modération. Sans nous, dit-on à Vienne, la Prusse avec ses violences gâterait tout. Mais la modération elle-même doit être savamment dosée, de façon à ne pas se laisser gagner en popularité par la Prusse. M. Artaud, qui a pénétré tout ce calcul, se montre en ses dépêches assez soucieux. Dans les cercles diplomatiques il recueille des propos ou des indices inquiétants. Un jour le représentant de la cour de Bade, en parlant de l'affaire des créances, ose appliquer à la France le mot de banqueroute. Un autre jour on annonce l'arrivée prochaine à Vienne de M. Jordan : M. de Metternich est lié avec la Prusse et toutes les légations sont contre nous, écrit le 15 novembre M. Artaud. Il ajoute un peu plus tard : Sans doute M. de Metternich a promis à la Prusse plus qu'il ne tiendra, mais il est enchaîné par ses calculs germaniques[28].

Décidément l'Autriche se montrait amie bien cauteleuse si même elle était amie. Déjà, contre l'hostilité de la Prusse, Richelieu avait invoqué l'assistance toujours fidèle de la Russie.

Cet appel s'était formulé dès le 30 octobre en deux dépêches adressées, l'une à M. de Noailles, notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg, l'autre à Capo d'Istria.

C'est de Moscou, écrivait le duc à M. de Noailles, que doit partir l'impulsion qui nous arrachera au danger qui nous menace et l'Europe avec nous si les Prussiens s'accordent à exiger ce que décidément nous ne pouvons donner. Partant de là, la dépêche fixait le maximum des sacrifices que la France pouvait consentir. Ce sacrifice, c'était, en dehors de ce qui déjà avait été payé, une somme de 200 millions[29]. — La dépêche à M. Capo d'Istria, plus solennelle, plus pressante encore, était une véritable adjuration. Avec une chaleur d'émotion qui atteignait l'éloquence, Richelieu retraçait la peinture de tous les maux que la Restauration avait eu à réparer, énumérait toutes les dettes qu'elle avait eu à acquitter. Aujourd'hui, ajoutait-il, on grève la France de tant de charges qu'on a l'air de ne la rendre à ses souverains légitimes que pour qu'ils l'exploitent au profit des peuples et des gouvernements étrangers. Avec une opportune habileté, Richelieu invoquait ses servitudes de ministre constitutionnel : il était soumis, disait-il, au contrôle des Chambres et ne pouvait leur présenter des demandes qui exaspéreraient[30].

Une fois encore, le tsar écouta l'appel de la France. Il agit à Berlin en y prêchant le calme, à Vienne en y faisant valoir les intérêts généraux de la paix. Mais voici en quoi son patronage fut surtout secourable. Il avait trop souvent plaidé notre cause pour que ses paroles ne parussent point des redites. Quel ne serait pas au contraire le bienfait s'il pouvait obtenir qu'une voix toute neuve, non usée par de précédentes interventions, défendît les intérêts français ! Depuis 18i5, l'Angleterre s'était tenue dans une attitude très réservée, en sorte que si elle parlait pour nous, ses paroles résonneraient avec pleine autorité et auraient l'efficacité de ces troupes fraîches qu'on jette en fin de journée sur un champ de bataille. L'habileté d'Alexandre fut de décider l'Angleterre à endosser le billet qu'il souscrirait en faveur de la France. En un long mémoire qui fut rédigé sous ses yeux, il fit valoir la convenance d'un arrangement conclu de bonne foi et qui serait fondé non sur le droit strict, mais sur l'équité[31]. Entre tous les Anglais, par un surcroît de sage opportunisme, il choisit celui qui, depuis Waterloo, passait pour le sauveur de l'Europe, c'est-à-dire Wellington, et, sous une forme un peu voilée mais cependant claire, il lui proposa le rôle d'arbitre.

Qui n'eût été flatté par ce témoignage de confiance émané du plus puissant des monarques ? Wellington accepta. Il était peu compétent en matière financière ; en revanche il portait en lui' une intelligence claire, une volonté ferme et, en dehors de ses boutades, le plus loyal esprit de justice. De plus, avec son bon sens pratique, il avait jugé depuis longtemps qu'une liquidation. article par article, serait œuvre interminable autant que compliquée, et qu'il faudrait fixer par voie transactionnelle un chiffre global d'indemnité. A l'arbitrage, la Prusse et l'Autriche adhérèrent, mais en quelles dispositions différentes ! La Prusse ne se soumit qu'après des résistances où se révélait une colère mal maîtrisée, une avidité mal repue. L'Autriche, au contraire acquiesça avec empressement, heureuse de voir passer la responsabilité à un autre, plus heureuse encore de se dégager des passions qu'elle s'était crue obligée de feindre. Et de ses sentiments nous trouvons le témoignage en une lettre de Metternich au duc de Richelieu : Nous regardons, lui écrivait-il dès le 6 décembre[32], votre existence comme la nôtre, vos intérêts comme les nôtres, et par conséquent vous prêchez des convertis... Nos grandes questions finiront comme elles doivent finir. Acceptez-en l'augure de ma part.

C'eût été trop se confier au hasard que de déterminer, sans un complément d'enquête, la dette globale à payer par la France. L'hiver de 1817 à 1818 fut consacré à ce travail d'évaluation. Ce ne fut point sans débats irritants que cet examen se poursuivit. Dans l'exercice de sa haute fonction, Wellington ne laissa pas que de découvrir plus d'une fois cette humeur fantasque qui rendait son commerce difficile, même quand ses intentions étaient droites. Enfin au mois d'avril le compte fut achevé et, à la manière d'une note à payer, fut présenté au gouvernement français. Le duc de Richelieu avait, pour éteindre les créances, offert 200 millions. On réclamait de lui 240 millions. Contre ce surcroît d'exigence, il se débattit de son mieux, puis se résigna. Obligé à se soumettre, il chercha une revanche en demandant que le calcul des intérêts, au lieu de remonter au 1er mars 1816, ne partit que du 1er mars 1818. C'était une économie de 32 millions. Ce fut au tour de Wellington de se récrier. Richelieu tint bon et fut soutenu par Pozzo di Borgo ; le roi intervint et nous eûmes cette fois gain de cause. Au cours des débats, l'Espagne présenta aussi ses réclamations, et non sans fondement ; car, au cours de l'Empire elle avait beaucoup souffert. Elle obtint un million de rentes. En résumé, cette affaire des créances se liquidait pour nous par la création de 12.040.000 francs de rentes à répartir entre les puissances continentales. L'Angleterre obtenait en outre 3 millions de rentes, l'Espagne un million. A ces sommes, il fallait ajouter les 9 millions de rentes inscrits, comme fonds de garantie. La charge totale de la France, du chef des réclamations étrangères, s'élevait donc à un peu plus de 25 millions de rentes[33]. Mais déjà cette question, si longuement, si ardemment débattue, se fondait dans une autre plus générale, celle de l'entière libération du territoire français.

 

VIII

Ici encore la secourable initiative était venue de la Russie. Dès le 23 février 1817, Nesselrode avait écrit à Pozzo di Borgo : Si, comme tous les indices portent à l'espérer, le roi peut, à la fin de l'année prochaine, se passer du secours onéreux des troupes étrangères, rien ne s'opposera à ce que, d'un commun accord, on retire ces troupes du territoire français[34]. En septembre et en octobre, les informations transmises de Saint-Pétersbourg par le comte de Noailles avaient confirmé l'heureux espoir[35]. Au mois de novembre, le dessein se précisa : Sa Majesté, mandait Capo d'Istria à Pozzo, n'hésitera pas à insister pour que l'occupation ne dépasse pas les trois années prévues par le traité. Il ajoutait : Vous êtes autorisé à donner cette assurance à Sa Majesté Très Chrétienne[36].

Grande fut la joie de Louis XVIII. L'occupation étrangère offusquait d'autant plus sa fierté qu'elle prenait un aspect de protection. Que cette protection eût été opportune dans les jours précaires de 1815, il ne pouvait l'avoir oublié ; mais de ce souvenir il se sentait gêné, au point de vouloir le bannir de sa mémoire comme il eût voulu l'effacer de la mémoire des autres. Une ambition dominante l'obsédait, celle d'être maitre chez lui. Dès le mois d'avril 1817, il avait confié son ardent désir à Pozzo di Borgo : Je ne crains pas, lui avait-il dit, les conséquences de l'évacuation, mais quelles qu'elles pussent être, je demanderais le départ des étrangers ce soir si je pouvais le réclamer demain[37]. Pozzo, quatre mois plus tard, écrivait lui-même à Nesselrode : Le roi n'a rien qui lui soit plus à cœur que l'entière évacuation du territoire ; et la marche de sa politique extérieure tend presque uniquement à ce résultat[38].

En réitérant à M. de Noailles, au mois de mars 1818, ses bienveillantes assurances, le tsar ajouta : Il y aura des difficultés, mais vous me trouverez toujours fidèle à la ligne de conduite que j'ai adoptée[39].

Il était aisé de deviner qu'en prévoyant des obstacles, le tsar songeait à la Prusse. Justement le roi Frédéric-Guillaume projetait un voyage en Russie. Votre Majesté, observa respectueusement M. de Noailles, ne pourrait-elle pas, à cette occasion, agir sur le roi, si conciliànt et si modéré, pour qu'à son tour il calme les haines aveugles de plusieurs de ses sujets contre la France. Le tsar convint de cette haine et promit qu'il s'emploierait de son mieux pour en atténuer les effets. Y parviendrait-il ? A Berlin le souvenir subsistait très vivace de tous les maux infligés jadis par les Français. L'affaire des créances se réglait, mais non sans mécomptes, tant les avantages obtenus ressemblaient peu à la grande curée qu'on avait rêvée ! Puis tout bon Prussien, quelles que soient d'ailleurs ses qualités, se reconnaît à deux traits : la promptitude à prendre, la lenteur à restituer. Cette façon de vivre en France aux frais d'autrui avait pour les vaincus d'Iéna un charme infini et, tout en convenant qu'il faudrait partir, ils étaient à l'affût de tout prétexte qui leur permettrait de rester ou de garder au moins un cordon de troupes sur nos frontières.

Ces arrière-pensées seraient-elles encouragées ou combattues à Vienne et à Londres ? Les Autrichiens étaient modérés, mais par crainte de déplaire à leurs confédérés allemands, ils portaient en eux, pour ainsi dire, le respect humain de leur modération. — Quant aux Anglais, leur état d'esprit était aussi complexe que celui des Prussiens était simple. Par sagesse, ils sentaient la convenance, la nécessité de partir. Mais, devant leurs yeux, si clairvoyants à l'ordinaire, s'interposaient par intervalles quelques-uns des nuages qui obscurcissaient tout â Berlin. La libération est inévitable, disaient-ils ; et ce mot seul révélait une disposition un peu trop maussade pour être tout à fait la justice. Puis leur acuité de vision les servait vraiment à l'excès quand il s'agissait de discerner les faiblesses de la France. En 1815, ils avaient craint ou feint de craindre pour le sort des protestants. En 1816, ils avaient signalé, tantôt les rigueurs de la loi d'amnistie, tantôt la gestion financière de la Chambre introuvable. Maintenant la Chambre est raisonnable. Mais que n'a-t-on pas à dénoncer ? Les intrigues réactionnaires de Monsieur, puis tout à l'opposé — car rien ne satisfait — les menées bonapartistes, les agissements révolutionnaires. On s'est jadis élevé contre les promotions des émigrés dans l'armée : voici que le maréchal Gouvion Saint-Cyr réintègre dans leur emploi un certain nombre d'officiers en demi-solde ; on blâme encore : Il vaut mieux, écrit Wellington, avoir de petits serpents dans les jambes que les avoir dans le sein. En cette ardeur de critique, on se suggestionne soi-même jusqu'à se persuader que la tutelle des alliés est pour qui la subit, non une servitude mais un bienfait, et que la France, cette mineure à la tête encore un peu faible, ne gagnerait rien, pourrait même perdre beaucoup à être émancipée avant le temps. Ce ne sont que des pensées fugitives qu'on n'accueille que pour les écarter, mais qui renaissent, sont repoussées de nouveau, reviennent encore sans qu'on réussisse à les bannir tout à fait.

En 1817, le duc de Richelieu avait obtenu la réduction des contingents alliés en prouvant que notre crédit était au niveau de nos charges. À un an de distance, la même conduite serait encore la plus sage. Au Palais-Bourbon, le 25 avril, le duc de Richelieu gravit la tribune. En un discours très étudié, il retraça les négociations relatives aux réclamations étrangères. Ayant épuisé ce sujet, il précisa la condition de la France. Encore six mois, et l'on atteindrait le terme de trois ans au bout duquel l'évacuation complète pourrait être obtenue. Or, le meilleur moyen d'écarter tout obstacle, ce serait de créer, dès à présent, non par paquets, mais en bloc, les ressources nécessaires pour l'entier paiement de notre rançon. Partant de là, le duc de Richelieu énuméra ses projets. Il demanda d'abord à la Chambre de voter l'inscription sur le Grand Livre d'une rente de 16.040.000 francs, 5 pour 100, destinée à l'acquittement des créances étrangères. Un second projet stipulait qu'il serait ouvert au ministre des Finances un crédit éventuel de 24 millions de rentes pour compléter, dans le cas de plus en plus probable d'une évacuation anticipée, le paiement de la contribution de guerre. Le 29 avril, après un rapport du duc de Gaëte, les deux crédits furent votés sans débats. Ce n'était pas tout. Dans le même temps, une loi autorisa le ministre des Finances à ouvrir un emprunt jusqu'à concurrence de 16 millions de rentes, pour liquider les précédents arriérés. La charge totale était donc de plus de 56 millions de rentes nouvelles. Mais quel n'était pas l'avantage : l'arriéré comblé, l'équilibre budgétaire retrouvé, et — ce qui valait bien mieux encore — la perspective de la France prochainement libérée !

Un symptôme révélateur marqua presque aussitôt l'entier raffermissement de la confiance générale. Pour l'emprunt de 16 millions destiné à combler les précédents déficits, le gouvernement recourut au système de la souscription publique ; bien que les conditions de la souscription fussent très compliquées et peu propres à attirer les capitaux, les demandes s'élevèrent à 163 millions de rentes. — Les rentes, destinées à acquitter la contribution de guerre, furent prises, comme en 1817, par les maisons Baring et Hope, cette fois au cours de 67 francs ; peut-être même eût-on pu obtenir un prix meilleur ; mais ces banquiers inspiraient pleine confiance aux alliés, et cette considération prima le reste. — Quant aux rentes créées pour l'extinction des dettes étrangères, elles furent remises directement aux commissaires des puissances.

Au moment où l'espoir de la libération devenait presque certitude, un lamentable incident risqua de tout compromettre. Autour du comte d'Artois, un parti s'agitait qui exagérait encore les idées du prince et, avec une ardeur furieuse de réaction, combattait les ministres, depuis Richelieu qu'on taxait de faiblesse jusqu'à Decazes qu'on exécrait. La querelle n'eût été que fâcheuse si elle se fût débattue uniquement entre Français. Moitié inconscience, moitié excès de passion, la petite coterie imagina de faire passer ses conseils par des bouches étrangères afin que par cette voie indirecte, ils arrivassent jusqu'au trône. Entre toutes ces suggestions, la plus osée fut une note rédigée au commencement de l'été 1818 par le baron de Vitrolles sous les auspices du comte d'Artois. Cette note, cette note secrète — c'est le nom sous lequel elle est aujourd'hui désignée — insistait sur les éléments de désordre que la France recélait encore, et faisait valoir l'urgence, non seulement d'un changement ministériel, mais d'un vigoureux retour en arrière. Le document, confié au comte Orlof qui partait pour la Russie, se divulgua bientôt au point de n'être plus secret du tout. Outre l'inconvenance de cet appel à l'étranger, la manœuvre se produisait à l'heure la plus inopportune ; car les alliés, si l'évacuation leur laissait quelques arrière-regrets, pouvaient, à point nommé, s'autoriser du témoignage de la France elle-même pour prolonger leur tutelle. Le gouvernement n'hésita pas à réprouver l'impardonnable intrigue, et Vitrolles fut destitué de ses fonctions de ministre d'État, ce qui était un minimum dans la sévérité. — Vers le même temps, la police surprit quelques conciliabules d'ultra-royalistes qui, dans l'exaltation de leurs pauvres cerveaux à la fois débiles et surchauffés, visaient non seulement à renverser les ministres, mais à changer, fût-ce par violence, tout le système politique fondé sur la Charte. Ces projets insensés se débattaient le plus souvent en cette portion du jardin des Tuileries qui avoisine la Seine : de là le nom de conspiration du bord-de-l'eau qui fut donné à cet embryon de complot. Une enquête commença qui fournit peu de lumières et ne fut point poussée à fond. Doit-on le regretter ? Le misérable projet — même en supposant qu'il méritât le nom de complot — se sauvait d'être criminel à force d'être enfantin.

Ces menées ne laissèrent pas que de causer à l'étranger quelque émoi. Les plus malveillants parmi les coalisés parlèrent, non de continuer l'occupation, mais de garder, à titre de surveillance, quelques places sur la frontière. Cependant il paraissait de plus en plus probable qu'un large souffle de conciliation dissiperait tous les nuages. Une conférence avait été annoncée qui se tiendrait à Aix-la-Chapelle. L'objet des débats serait-il uniquement de régler les affaires de France ou saisirait-on l'occasion pour remettre à l'étude les affaires générales de l'Europe ? Après quelques échanges de vues et en dépit des préférences d'Alexandre, la première solution avait été adoptée.

 

IX

A la fin de septembre arrivèrent l'empereur d'Autriche accompagné de Metternich, et l'empereur de Russie assisté de ses deux conseillers ordinaires, Nesselrode et Capo d'Istria. Ils furent reçus par le roi Frédéric-Guillaume en qualité d'hôtes ; car depuis 1815, Aix-la-Chapelle était terre prussienne. Le prince régent était représenté par lord Castlereagh et Wellington ; Louis XVIII par le duc de Richelieu.

La réunion, si solennelle qu'elle fût, ne méritait pas le nom de Congrès ; car le programme, si on le débarrassait des points de détails, se réduisait à deux questions : l'évacuation du territoire français ; la place future à assigner à la France dans le concert européen.

Sur la première question, toute résistance semblait vaincue. Le 30 septembre, Metternich annonça officieusement au duc de Richelieu la résolution des puissances. Le 2 octobre, un protocole constata l'accord ; pourtant, si nous en croyons les documents de source française[40], la Prusse souleva encore, dans les jours qui suivirent, quelques difficultés sur des questions d'escompte ou d'intérêts. Enfin, le 9 octobre, la Convention fut signée. La somme, due encore par la France, fut évaluée à 265 millions qui seraient payés par les maisons Baring et Hope. L'évacuation devait être terminée le 30 novembre.

La seconde question, celle de l'entrée de la France dans le concert des puissances, s'offrait sous un aspect un peu plus compliqué. Que le territoire français fût évacué, les alliés y consentaient volontiers. Mais convenait-il de se dessaisir tout à fait ? Parmi les Anglais, beaucoup hésitaient. Chez les Autrichiens, on eût pu noter les mêmes perplexités mais inspirées par un calcul d'un autre ordre et très raffiné. Dans l'alliance des quatre, telle qu'elle avait été constituée à Chaumont et renouvelée en 1815, l'Autriche, associée à l'Angleterre, était assurée de contenir les ambitions de la Russie. Qu'adviendrait-il si la France, admise dans le concert européen, s'unissait étroitement au tsar et formait avec lui une petite entente à deux qui, à la longue, minerait la grande entente ? Où les Autrichiens écrivaient Paris, il fallait lire Saint-Pétersbourg. En quoi d'ailleurs ils se trompaient à la fois sur les dispositions de Louis XVIII et, sur celles d'Alexandre : le premier, peu tenté par la grande politique, n'aspirait qu'à une paix fondée sur l'équilibre des États ; le second répudiait toute alliance particulière — fût-ce celle de la France — et avait même écarté d'une façon très nette les suggestions de Pozzo di Borgo qui volontiers l'eût engagé dans cette voie.

Ces hésitations de la dernière heure alimentaient les entretiens plus encore qu'elles ne marquaient de sérieuses divergences. Après les conférences angoissées de la fin de l'Empire, on jouissait délicieusement de se mouvoir en une ambiance apaisée. Quel joli petit congrès, écrivait Metternich[41] ! Celui-ci ne me fera pas de mauvais sang, je vous en réponds. Et il énumérait les distractions de ces journées d'automne : ostension des grandes reliques en la ville de Charlemagne ; courses à Spa qui est bien le plus joli pays du monde ; parties de whist avec le banquier Baring et autres gens pour qui les millions ne comptent pas ; bals brillants quoique moins somptueux que naguère à Vienne. Ce temps est celui des costumes de gala où les élégances de l'ancien régime se mêlent aux splendeurs plus sévères de l'Empire. Jamais plus de broderies sur les manteaux de cour, plus de dentelles sur les manchettes, plus de décorations sur les poitrines. Les souverains échangent leurs ordres comme ils prodiguent les tabatières. Il faut perpétuer le souvenir de toutes ces magnificences que les âges suivants ne connaîtront plus. Justement le prince régent d'Angleterre vient d'envoyer à Aix-la-Chapelle le peintre Lawrence. Et le voici qui fixe pour l'avenir les acteurs de ces temps mémorables. Mon portrait sera fort beau, écrit Metternich, en homme qu'aucun succès ne laisse insensible.

Le 18 octobre, le traité d'évacuation, signé le 9, fut ratifié par Louis XVIII. Richelieu suggéra à Alexandre l'idée d'un voyage à Paris qui scellerait dignement l'entière union rétablie. Le tsar n'aimait pas Louis XVIII. Une fois décidé à la démarche, il l'accomplit avec cette bonne grâce magnanime qui était l'un des traits de sa nature. Il partit avec le roi de Prusse, arriva le 28 octobre, dîna aux Tuileries où il se rendit directement ; puis, tandis que Frédéric-Guillaume se hâtait pour une représentation à l'Opéra, il s'entretint une heure avec Louis XVIII ; après quoi, il prit congé et, ayant commandé ses chevaux, alla coucher à Senlis. Pouvait-on imaginer conduite plus courtoise ? En ne recevant personne, Alexandre marquait qu'il n'était venu que pour le roi de France. En évitant de se montrer au peuple, il s'abstenait délicatement de renouveler un contact qui, en rappelant les jours de 1815, eût évoqué de pénibles souvenirs.

Pendant ce temps, Richelieu demeurait. à Aix-la-Chapelle, attendant en une attitude à la fois modeste et fière la décision des puissances. Dans les entretiens diplomatiques, une combinaison fut suggérée qui consistait à maintenir l'alliance à quatre, mais avec cette réserve que la France pourrait, suivant les matières à régler, être appelée à concourir aux résolutions. Le duc repoussa le compromis, ne voulant pour son pays, suivant les propres instructions de son souverain[42], d'autre condition que l'entière égalité ou le complet isolement. Le 31 octobre, Alexandre revint. Pouvait-on raisonnablement tenir la France à l'écart quand le plus puissant des monarques de l'Europe venait de rendre à Louis XVIII un solennel hommage ? Le 4 novembre, une note officielle, adressée au duc de Richelieu, l'invita à prendre part à toutes les délibérations. Au nom du roi, Richelieu accepta et remercia. Désormais l'alliance à quatre devenait l'alliance à cinq. C'était la réconciliation. Était-ce l'entier oubli ? A travers les protestations d'amitié, la hantise des anciennes luttes inspira contre nous une mesure d'arrière-méfiance. Les mêmes mains qui signèrent la note du 4 novembre signèrent le même jour un autre acte très secret. Par ce pacte, les quatre puissances stipulaient que leur union revivrait de plein droit en cas de révolution en France[43]. Ainsi l'on se rassurait, mais en déposant les armes, on les gardait près de soi.

Peu importait ce reste de soupçon. Le vrai résultat, c'était la libération du sol national. Le duc de Richelieu put fixer dans ses yeux cette image de la délivrance quand, en rentrant dans son pays, il croisa les Prussiens rétrogradant vers le Rhin tandis que les Anglais gagnaient Anvers ou Calais. Les étrangers partis, il jugea sa mission achevée et, dès qu'il le put, Be déchargea du pouvoir. Il était de médiocre fortune, au moins pour son nom. La Chambre, par une initiative généreuse, proposa pour lui une dotation de 50.000 francs de revenu, puis en un second mouvement qui effaça en partie le premier, discuta, non sans quelque mesquinerie, sur les conditions et la réversibilité du don. Le duc ne refusa point ; mais moitié fierté froissée, moitié désintéressement, il transféra la donation aux hospices de Bordeaux. Cependant les offices de cour offraient en ce temps-là un moyen de récompenser les serviteurs pauvres de la monarchie. Richelieu fut nommé grand veneur, fonction peu absorbante sous un monarque qui ne pouvait quitter son fauteuil ; mais les émoluments attachés à cette charge lui permirent de soutenir une existence digne de son rang.

Ce haut personnage reviendra au pouvoir, moins de son plein gré que par l'ordre exprès du roi ; et il y aura un second ministère Richelieu. Mais le premier est le seul vraiment mémorable. C'est le ministère de la libération nationale : œuvre non de génie, mais de patriotisme avisé, de tact, de sagesse, de persévérance. A cette œuvre, Richelieu se consacra, plus encore avec son cœur qu'avec son intelligence ; car il était moins un grand esprit qu'une grande âme. Ayant signé avec une résignation désolée le traité de 1815, il poursuivit une pensée unique, celle de rendre à son roi — à celui qu'à la manière ancienne, il appelait le roi son maitre — une France libérée de dettes, libérée de l'étranger et où ne flotterait que le drapeau blanc. Patiemment, il remonta la pente, remportant des succès partiels qu'il se gardait d'enregistrer bruyamment de peur de mettre en éveil ceux qu'il fallait désarmer, s'avançant lentement, se préservant de tout faux pas, s'arrêtant parfois, ne reculant jamais. Ainsi s'éleva-t-il par degrés d'un sort précaire à un sort meilleur, et cela jusqu'à ce congrès d'Aix-la-Chapelle qui marqua, trois années après la restauration des Bourbons en France, la restauration de la France en Europe. Dans ce patriotique travail, nul petit moyen, nul artifice, nulle de ces équivoques de paroles qui torturent la lingue pour contourner le mensonge ; mais rien que la droiture et une droiture si lumineuse qu'elle rejette dans les ténèbres tout ce qui n'est pas elle. Massimo d'Azseglio, dans sa correspondance, a laissé tomber de sa plume cette jolie phrase : J'aime la loyauté, d'abord parce qu'elle est la loyauté, puis parce qu'elle attrape le plus souvent la fraude. Pendant les trois années de son gouvernement, le duc de Richelieu pratiqua, sans en dévier jamais, cette suprême droiture qui rejoint l'habileté et sert plus efficacement que ne le pourrait aucune intrigue. Dans la galerie des hommes d'État, il tient une place à part : il fut le ministre qui ne mentit jamais.

 

 

 



[1] MAERTENS, Nouveau recueil des traités, t. II, p. 40.

[2] Instructions du 10 septembre 1814 (Archives des affaires étrangères, France, volume 672).

[3] Voir Correspondance de Louis XVIII et du prince de Talleyrand, publiée par M. PALLAIN, passim.

[4] Dépêches de M. de Caraman, 18 mars, 6, 15 et 20 avril, 16 mai. (Archives du ministère des Affaires étrangères, Prusse, volume 253.)

[5] Affaires étrangères, France et divers États, vol. 672.

[6] Mémoire de Metternich, août 1815. (Affaires étrangères, France, vol. 672.)

[7] Lettre au roi des Pays-Bas, août 1815. (The despatches of feld Marshall Wellington, t. XII, p. 581.)

[8] Lord Liverpool à lord Castlereagh, 15 juillet 1815. (Wellington supplementary Despatches, t. XI, p. 32.)

[9] Affaires étrangères, France, vol. 672.

[10] Recueil de la société impériale d'histoire de Russie, t. LIV, p. 444.

[11] Pozzo DI BORGO, Correspondance, t. I, p. 206-207.

[12] Voir supra, livre Ier, § 11.

[13] PASQUIER, Mémoires, t. IV, p. 4. — BARANTE, Souvenirs, t. II, p. 227.

[14] CREUX, la Libération du territoire, p. 76.

[15] Elle avait remplacé la maison militaire du roi, en partie licenciée (ordonnance royale du 1er septembre 1815).

[16] Recueil de la Société impériale d'histoire de Russie, t. LIV, p. 472.

[17] Dépêches des 18 et 25 juin 1817. (Affaires étrangères, Prusse, vol. 254.)

[18] Société impériale de Russie, t. LIV, p. 486-487.

[19] Dépêche de M. de Bonnay au duc de Richelieu, 23 et 24 octobre 1817. (Affaires étrangères, Prusse, vol. 254.)

[20] Conférence des ambassadeurs alliés ; protocole du 8 décembre 1817. (Pierre RAIN, l'Europe et les Bourbons, appendice n° 3.)

[21] MARION, la Pénurie du trésor en 1816. (Compte rendu de l'Académie des sciences morales, année 1924, p. 366 et suiv.)

[22] Voir MARION, Histoire des finances depuis 1715, t. IV, p. 409-410.

[23] Voir, à cet égard, le témoignage très net du baron Pasquier, alors garde des sceaux, Mémoires, t. IV, p. 147. Voir aussi comtesse DE BOIGNE, Mémoires, t. II, p. 246. Mme de Boigne était la fille de M. d'Osmond, ambassadeur à Londres.

[24] Dépêche de M. de Caraman au duc de Richelieu, 17 août 1817. (Affaires étrangères, Autriche, vol. 398.)

[25] Dépêche du 17 septembre 1817. (Affaires étrangères, Autriche, vol. 398.)

[26] Affaires étrangères, France et divers États, vol. 709.

[27] Dépêche du duc de Richelieu à M. de Bonnay, 30 octobre 1817. (Affaires étrangères, Prusse, vol. 256.)

[28] M. Artaud au duc de Richelieu, 15 et 25 novembre. (Affaires étrangères, Autriche, vol. 398.)

[29] Le duc de Richelieu au comte de Noailles. (Affaires étrangères, Russie, vol. 157.)

[30] Recueil de la Société impériale de Russie, t. LIV, p. 509-510.

[31] Mémoire du 1/14 novembre 1817. (POLOVTSOFF, Correspondance diplomatique, t. II, p. 450 et suiv.)

[32] Affaires étrangères, Autriche, vol. 398.

[33] Voir MARION, Histoire financière de la France, t. IV, p. 421.

[34] POLOVTSOFF, Documents diplomatiques, t. II, p. 69.

[35] Dépêches 16 septembre et 3 octobre 1817. (Affaires étrangères, Russie, vol. 157.)

[36] Pozzo DI BORGO, Correspondance, t. II, p. 302.

[37] Pozzo DI BORGO, Correspondance, t. II, p. 69.

[38] Pozzo DI BORGO, Correspondance, t. II, p. 179.

[39] Affaires étrangères, Russie, vol. 158.

[40] Affaires étrangères, France, vol. 712. — Lettre de M. Mounier à Molé. (Mémoires du comte MOLÉ, t. IV, p. 24.)

[41] METTERNICH, Mémoires, t. II, p. 527.

[42] Affaires étrangères, France, vol. 712.

[43] WELLINGTON, Supplementary Despatches, t. XII, p. 845 et suiv.