HISTOIRE DE MARIE-ANTOINETTE

LIVRE TROISIÈME. — 1789-1793

 

— XI —

 

 

Dernière lettre de la Reine à Madame Élisabeth. — Le curé Girard. — Sanson. — Paris le 16 octobre 1793. — La Reine sur la charrette. — Le chemin de la Conciergerie à la place de la Révolution. — Le Mémoire du fossoyeur Joly. — La mort de Marie-Antoinette et la conscience humaine.

 

La Reine n'est point ramenée à sa chambre, mais au cabinet des condamnés, pratiqué à l'un des angles de l'avant-greffe[1]. En arrivant elle demande à Bault de quoi écrire[2], et elle écrit ses adieux à Madame Élisabeth, à ses enfants, à la vie, ce testament royal d'une reine chrétienne, prête à la mort, prête à Dieu, prête à la postérité. Et si des larmes ont taché le papier, ce ne sont point des larmes de femme, ce sont des larmes de mère sur ce pauvre enfant qu'Hébert a fait parler contre l'honneur de sa mère, contre l'honneur de Madame Élisabeth, son autre mère ! De quel ton de prière Marie-Antoinette supplie Madame Élisabeth de pardonner, de laisser son cœur à ce malheureux enfant qui l'a fait rougir ! Et depuis qu'il est des créatures humaines attendant le bourreau, quel supplice a tourmenté leurs dernières heures, pareil au supplice de cette dernière pensée d'une mère ?

La Reine écrivait :

16 octobre, 4 h. ½ au matin.

C'est à vous, ma sœur, que j'écris pour la dernière fois : je viens d'être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l'est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère : connue lui innocente, j'espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments. Je suis calme comme on l'est quand la conscience ne reproche rien ; j'ai un profond regret d'abandonner mes pauvres enfants ; vous savez que je n'existois que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur, vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse ! J'ai appris, par le plaidoyer même du procès, que ma fille étoit séparée de vous. Hélas ! la pauvre enfant, je n'ose pas lui écrire ; elle ne recevroit pas ma lettre. Je ne sais même pas si celle-ci vous parviendra, recevez pour eux deux ici ma bénédiction. J'espère qu'un jour, lorsqu'ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous et jouir en entier de vos tendres soins. Qu'ils pensent tous deux à ce que je n'ai cessé de leur inspirer : que les principes et l'exécution exacte de ses devoirs sont la première base de lu vie, que leur amitié et leur con fiance mutuelle en feront le bonheur ; que ma fille sente qu'à l'âge qu'elle a, elle doit toujours aider son frère par les conseils que l'expérience qu'elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer. Que mon fils, à son tour, rende à sa sœur tous les soins, les services que l'amitié peut inspirer ; qu'ils sentent enfin tous deux que, dans quelque position où ils pourront se trouver, ils ne seront vraiment heureux que par leur union. Qu'ils prennent exemple de nous. Combien, dans nos malheurs, noire amitié nous a donné de consolations ! et dans le bonheur on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami ; et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille ? Que mon fils n'oublie jamais les derniers mots de son père, que je lui répète expressément : Qu'il ne cherche jamais à venger notre mort. J'ai à vous parler d'une chose bien pénible à mon cœur. Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine ; pardonnez-lui, ma chère sœur pensez à l'âge qu'il a, et combien il est facile de faire dire à un enfant ce qu'on veut, et même ce qu'il ne comprend pas. Un jour viendra, j'espère, où il ne sentira que mieux tout le prix de votre tendresse pour tous deux. Il me reste à vous confier encore nies dernières pensées. J aurais voulu les écrire dès le commencement du procès ; mais outre qu'on ne me laissoit pas écrire, la marche en a été si rapide, que je n'en auras réellement pas eu le temps.

Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j'ai été élevée, et que j'ai toujours professée ; n'ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s'il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposeroit trop s'ils y entroient une fois, je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j'ai pu commettre depuis que j'existe. J'espère que dans sa bonté il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps pour qu'il veuille bien recevoir mon âme dans sa miséricorde et sa bonté. Je demande pardon à tous ceux que je connais, et à vous, ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j'aurois pu vous causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu'ils m'ont fait. Je dis ici adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J'avois des amis : l'idée d'en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j'emporte en mourant ; qu'ils sachent, du moins, que jusqu'à mon dernier moment j'ai pensé à eux. A dieu, ma bonne et tendre sœur, puisse cette lettre vous arriver ! Pensez toujours à moi ; je vous embrasse de tout cœur, ainsi que ces pauvres et chers en Tants : mon Dieu, qu'il est déchirant de les quitter pour toujours ! Adieu, adieu ! je ne vais plus m'occuper que de mes devoirs spirituels. Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m'amènera peut-être un prêtre ; mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un seul mot, et que je le traiterai comme un être absolument étranger[3].

 

La Reine remet sa lettre à Bault, à Bault qui dira dans la journée à sa femme : Ta pauvre Reine a écrit ; elle m'a donné sa lettre ; mais je n'ai pu la remettre à son adresse, il a fallu la porter à Fouquier[4].

Puis, la Reine songe au spectacle qu'il lui faudra donner dans quelques heures. Elle craint que son corps, épuisé par la fatigue, affaibli par la maladie, ne trahisse son âme, et, voulant avoir la force de un courage, elle demande quelque nourriture : on lui sert un poulet, dont elle mange une aile[5]. Elle demande ensuite à changer de chemise : la femme du concierge lui en donne une ; et, s'étant jetée toute vêtue sur le lit, la Reine s'enveloppe les pieds avec une couverture et s'endort[6].

Elle dormait. On entre. Voilà, lui dit-on, un curé de Paris qui vient vous demander si vous voulez vous confesser. — Un curé de Paris ?... murmure tout bas la Reine, il n'y en a guère... Le prêtre s'avance. Il dit à la Reine qu'il s'appelle Girard, qu'il est curé de Saint-Landry, dans la Cité, et qu'il lui apporte les consolations de la religion[7]. La Reine s'est confessée à Dieu seul[8]. Elle remercie le prêtre assermenté, sans le renvoyer pourtant. Elle descend de son lit ; elle marche dans le cabinet pour se réchauffer, et se plaint de souffrir aux pieds un froid mortel. Girard lui conseille de mettre son oreiller sur ses pieds : la Reine le fait. Voulez-vous que je vous accompagne ? dit le prêtre. — Comme vous voudrez, répond la Reine[9].

A sept heures, Sanson se présente : Comme vous venez de bonne heure, Monsieur, lui dit la Reine, ne pourriez-vous pas retarder ?Non, Madame, j'ai ordre de venir. Cependant la Reine était toute prête : elle avait elle-même coupé ses cheveux[10].

La Reine déjeune d'une tasse de chocolat apportée du café voisin de l'entrée de la Conciergerie, et d'un de ces petits pains appelés alors mignonnettes, si petit que le gendarme Léger n'ose l'éprouver en le goûtant, de peur de le diminuer[11].

Vers 11 heures, la Reine est conduite au greffe, à travers une haie de gendarmes rangée depuis la porte du cabinet où elle a couché jusqu'à la porte du greffe : on lui lie les mains derrière le dos[12].

Dans Paris, à 5 heures du matin, le tambour bat ; le rappel roule dans toutes les sections. A 7 heures, trente mille hommes sont sur pied ; des canons aux extrémités des ponts, des places et des carrefours. A 10 heures, la circulation des voitures est interdite dans toutes les rues, du Palais jusqu'à la place de la Révolution, et des patrouilles sillonnent Paris[13].

Trois cent mille hommes ne se sont pas couchés[14] ; le reste s'est éveillé avant le tambour. La cour de la Conciergerie, les abords de la Conciergerie, le grand perron du Parlement, le pavé, la fenêtre, le parapet, la grille, la balustrade, le toit, le peuple a tout envahi ; il emplit tout, et il attend.

Onze heures sonnent dans le murmure de cette foule silencieuse. Toutes les têtes, tous les regards, tous les yeux sont en arrêt et dévorent la charrette acculée à quelques pieds des portes, ses roues crottées, sa banquette faite d'une planche, son plancher sans paille ni foin, son fort cheval blanc, et l'homme à la tête du cheval. Les minutes semblent longues. Un bruit sourd court parmi la foule, un officier fait un commandement, la grille s'ouvre : c'est la Reine en blanc.

Derrière la Reine, tenant les bouts d'une grosse ficelle qui lui retire les coudes en arrière, marche Sanson. La reine fait quelques pas. Elle est à la petite échelle qui monte au marchepied trop court. Sanson s'avance pour la soutenir de la main. La Reine le remercie d'un signe, monte seule, et veut enjamber la banquette pour se placer en face du cheval, lorsque Sanson et son aide lui disent de se retourner. Le prêtre Girard, en habit bourgeois, monte dans la charrette, et s'assied aux côtés de la Reine. Sanson se place derrière, le tricorne à la main, debout, appuyé contre les étalages de la charrette, laissant, avec un soin visible, flotter les cordes qui tiennent les bras de la Reine. L'aide de Sanson est au fond, debout comme lui et le tricorne à la main[15]. Il ne devait y avoir en ce jour de décent que les bourreaux.

La charrette sort de la cour, et débouche dans la multitude. Le peuple se rue, et se tait d'abord. La charrette avance, au milieu des gendarmes à pied et à cheval, dans la double haie des gardes nationaux.

La reine est vêtue d'un méchant manteau de lit de piqué blanc[16], par-dessus un jupon noir. Elle porte un ruban de faveur noire aux poignets, au cou un fichu de mousseline unie blanc[17] ; elle a des bas noirs, et des souliers de prunelle noire, le talon haut de deux pouces, à la Saint-Huberty[18]. La Reine n'a pu obtenir d'aller à l'échafaud tête nue : un bonnet de linon, sans barbes, un bonnet repassé par elle le matin, cache au peuple les cheveux que la Révolution lui a faits, des cheveux tout blancs[19]. La Reine est pâle ; le sang tache ses pommettes et injecte ses yeux, ses cils sont roides et immobiles, sa tête est droite[20], et son regard se promène, indifférent, sur les gardes nationaux en haie, sur les visages aux fenêtres, sur les flammes tricolores, sur les inscriptions des maisons[21].

La charrette avance dans la rue Saint Honoré. Le peuple fait retirer les hommes des fenêtres[22]. Presque en face de l'Oratoire, un enfant, soulevé par sa mère, envoie de sa petite main un baiser à la Reine[23]... Ce fut le seul moment où la Reine craignit de pleurer.

Au Palais-Égalité le regard de la Reine s'allume un instant, et l'inscription de la porte ne lui échappe pas[24].

Quelques-uns battent des mains sur le passage de la Reine ; d'autres crient[25].

Le cheval marche au pas. La charrette avance lentement. Il faut que la Reine boive longtemps la mort (8)[26].

Devant Saint-Roch, la charrette fait une station, au milieu des huées et des hurlements. Mille injures se lèvent des degrés de l'église comme une seule injure, saluant d'ordures cette Reine qui va mourir. Elle pourtant, sereine et majestueuse[27], pardonnait aux injures en ne les entendant pas.

La charrette enfin repart, accompagnée de clameurs qui courent devant elle. La reine n'a pas encore parlé au curé Girard ; de temps à autre seulement elle lui indique, d'un mouvement, qu'elle souffre des nœuds de corde qui la serrent ; et Girard, pour la soulager, appuie la main sur son bras gauche. Au passage des Jacobins, la Reine se penche vers lui et semble l'interroger sur l'écriteau de la porte, qu'elle a mal lu : Atelier d'armes républicaines pour foudroyer les tyrans. Pour réponse, Girard élève un petit christ d'ivoire. Au même instant, le comédien Crammont, qui caracole autour de la charrette, se dressant sur ses étriers, lève son épée, la brandit, et, se retournant vers la Reine, crie au peuple : La voilà, l'infâme Antoinette !... Elle est f..... mes amis... ![28]

Il était midi. La guillotine et le peuple s'impatientaient d'attendre, quand la charrette arriva sur la place de la Révolution. La veuve de Louis XVI descendit pour mourir où était mort son mari. La mère de Louis XVII tourna un moment les yeux du côté des Tuileries, et devint plus pâle qu'elle n'avait été jusqu'alors[29]. Puis la Reine de France monta à l'échafaud, et se précipita à la mort...[30]

Vive la République ! cria le peuple : c'était Sanson qui montrait au peuple la tête de Marie-Antoinette, tandis qu'au-dessous de la guillotine le gendarme Mingault trempait son mouchoir dans le sang de la martyre.

Le soir, un homme, son ouvrage du jour fini, écrivait ce compte[31], que les mains de l'Histoire ne touchent qu'en frissonnant :

Mémoire des frais et inhumations faits par Joly, fossoyeur de la Madeleine de la Ville-l'Évêque, pour les personnes mis à mort par jugement dudit Tribunal :

Sçavoir :

Du 1er mois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le 25, idem.

La Ve Capet pour la bierre, 6 livres

Pour la fosse et les fossoyeurs, 25 livres.

 

La mort de Marie-Antoinette a calomnié la France. La mort de Marie-Antoinette a déshonoré la Révolution.

Mais il en est de pareils crimes comme de certaines gloires : celles-ci n'ennoblissent, ceux-là ne compromettent pas seulement une génération et une patrie. Gloires et crimes dépassent leur temps et leur théâtre. L'humanité tout entière, associée à elle-même dans la durée et dans l'espace, en revendique le bénéfice ou en porte le deuil ; et il arrive que la mort d'une femme désole cette âme universelle et cette justice solidaire des siècles et des peuples, la conscience humaine ; il arrive que le remords d'une nation profite aux nations, et que l'horreur d'un jour est la leçon de l'avenir.

Oui, ce jour, dont la postérité ne se consolera pas, demeurera dans la mémoire des hommes l'immortel exemple de la Terreur. Le 16 octobre 1793 apprendra ce que les jeux d'une révolution font d'un peuple hier les amours du monde. Il apprendra comment, en un moment, une cité, un empire, deviennent semblables à cet ami de saint Augustin, entraîné aux combats du cirque, tout à coup goûtant leur fureur et jouissant de leur barbarie,

Le 16 octobre 1793 parlera aux philosophies humaines. Il s'élèvera contre les cœurs trop jeunes, contre les esprits trop généreux, contre l'armée de ces Condorcets qui meurent sans vouloir renier l'orgueil de leurs illusions. Il avertira les systèmes de leur vanité, les rêves de leur lendemain. Il montrera le fait à l'idée, les passions aux doctrines, à Salente le bois des Furies, aux utopies l'homme.

Ce jour enfin rappellera l'Histoire à la modestie de ses devoirs. Il lui conseillera un ton plus prudent, une raison plus humble. Il lui enseignera qu'il ne lui appartient point de flatter l'humanité, de la tenter, d'exaspérer set présomptions, de solliciter ses impatiences, et de l'appeler, en l'enivrant de mots, aux aventures d'un progrès continu et d'une perfectibilité indéfinie.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Six journées passées au Temple, par Moelle. Paris, Dentu, 1820.

[2] Récit exact, par la dame Bault.

[3] L'original de cette dernière lettre de Marie-Antoinette, contre-signé Fouquier, Guffroy, Massieu, Legot, Lecointre, est conservé aux Archives de l'Empire. Son inspection attentive donnerait lieu de croire que la Reine a été brusquement interrompue au dernier mot... Par quoi ? ou par qui ?

[4] Récit exact, par la dame Bault.

[5] Six journées passées au Temple, par Moelle.

[6] Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoie, vol. I.

[7] Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoie, vol. II.

[8] Mémoires au Roi sur l'imposture et le faux matériel de la Conciergerie. Paris, 1823.

[9] Révolutions de Paris, par Prudhomme, n° 210.

[10] Révolutions de Paris, par Prudhomme, n° 210.

[11] Six journées passées au Temple, par Moelle.

[12] Six journées passées au Temple, par Moelle.

[13] Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 32.

[14] Le Père Duchêne, n° 250. — La plus grande joie de toutes les joies du père Duchêne, après avoir vu de ses propres yeux la tête du Veto femelle séparée de son f.... col de grue.

[15] Récit du Vicomte Charles Desfossez. Louis XVII, par Beauchesne, vol. II.

[16] Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoie, vol II. Bulletin du tribunal criminel révolutionnaire, n° 32.

[17] Récit du Vicomte Charles Desfossez.

[18] Mémoires secrets et universels sur la Reine de France, par Lafont d'Auxonne. Déclaration de Rosalie Lamorlière.

[19] Révolutions de Paris, par Prudhomme, n° 210.

[20] Journal universel (par Audouin), n° 1423.

[21] Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 33.

[22] La Quotidienne ou la Gazette universelle, n° 293.

[23] Mémoires secrets sur les malheurs et la mort de la Reine de France, par Lafont d'Auxonne.

[24] Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 324.

[25] Révolutions de Paris, par Prudhomme, 2110.

[26] Journal universel (par Audouin), n° 1423.

[27] Il existe de David un croquis de Marie-Antoinette sur la charrette. Je crains que dans ce croquis le peintre révolutionnaire n'ait un peu mis de sa passion, n'ait caricaturé la Reine en son chemin de la croix. Un triste détail, la Reine, qui avait eu de tout temps la vue très-basse et très-délicate, semble, d'après des dépositions authentiques, avoir perdu un œil par suite de l'humidité de son cachot de la Conciergerie.

[28] Récit du Vicomte Charles Desfossez.

[29] Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 32.

[30] La Quotidienne ou la Gazette universelle, n° 396. — Le citoyen Rouy rainé rend compte de l'exécution de Marie-Antoinette en ces termes dans le Magicien républicain : A 11 heures 12 ou 15 minutes, elle sortit de la Conciergerie... Sa figure était pâle et très-abattue, par suite d'une perte qu'elle a eue dans sa prison, plutôt que par l'aspect du juste supplice qu'elle allait subir, car, malgré que son cœur paraissait oppressé, en montant sur la charrette, elle a conservé une tenue, une fierté, un air altier qui la peint... Arrivée à la place de la Révolution, ses yeux se sont fixés avec quelque sensibilité sur le château des Tuileries... La charrette s'étant arrêtée devant l'échafaud, elle est descendue avec légèreté et promptitude, sans avoir besoin d'être soutenue, quoique ses mains fussent toujours liées ; elle est de même montre à la bravade avec un air plus calme et plus tranquille encore qu'en sortant de prison. Sans parler au peuple ni aux exécuteurs, elle s'est prêtée aux apprêts de son supplice, ayant fait elle-même tomber sa bonnette de sa main Son exécution et ce qui en formait l'affreux prélude, dura environ quatre minutes. A midi un quart précis sa tête tomba sous le fer vengeur des lois.... Voici le procès-verbal d'exécution de Marie-Antoinette, conservé aux Archives de l'Empire et publié par nous pour la première fois. L'an deuxième de la République française, le vingt-cinquième jour du premier mois, à la requête de l'accusateur public près le Tribunal criminel extraordinaire et révolutionnaire, établi à Paris par la loi du 10 mars 1793, sans aucun recours au tribunal de cassation, lequel fait élection de domicile au greffe dudit tribunal séant au Palais, nous Eustache Nappier, huissier-audiencier audit Tribunal, demeurant à Paris, soussigné, nous sommes transporté en la maison de justice dudit Tribunal, pour l'exécution du jugement rendu par le Tribunal, ce jourd'hui contre la nommée Marie-Antoinette, veuve de Louis Capet, qui la condamne à la peine de mort, pour les causes énoncées audit jugement, et de suite l'avons remise à l'exécuteur des jugements criminels et à la gendarmerie qui l'ont conduite sur la place de la Révolution de celte ville, où sur un échafaud dressé sur ladite place, ladite Marie-Antoinette, veuve Capet, a en notre présence subi la peine de mort, et de tout ce que dessus nous avons fait et rédigé le présent procès-verbal, pour servir et valoir ce que de raison, dont acte. — Nappier.

[31] Ce Mémoire, possédé et communiqué par M. Fossé d'Arcosse, se termine ainsi : Vu et arrêté par moi, président du Tribunal révolutionnaire, à la somme de deux cent soixante-quatorze livres, pour être touchée par Joly, fossoyeur de la Madeleine, à la Trésorerie nationale. A Paris, ce 11 brumaire l'an II de la République française. — Herman, prdt.