Il n'est pas dans la nature d'une organisation féodale de
laisser le gouvernement se concentrer aisément dans une ville et y amener
tous les fils conducteurs de la vie publique. Comme le pouvoir est
extrêmement morcelé et que des droits solides et persistants existent partout,
aussi bien dans la plus petite bourgade, dans le château le plus pauvre, que
dans la cité la plus opulente, il n'y a pas de motifs pour que les peuples
soient attirés à se presser dans la résidence du souverain, qui n'est que le
modérateur et souvent la victime de tant d'institutions supérieures à son
trône, et dont précisément le jeu ne peut s'exécuter convenablement qu'assez
loin de l'atteinte de son bras. Aussitôt, au contraire, qu'une ville capitale
tend à absorber la vie d'une nation et à attirer à elle les forces répandues
primitivement sur la surface entière du territoire, la liberté faiblit avec
les prérogatives individuelles, et quel que soit le nom dont se décore
l'usurpation, de quelque excuse que se colore la tendance à tout faire
aboutir à un centre unique, il n'est pas. possible de méconnaître que la
liberté s'en va en même temps sans doute que le bon ordre, la meilleure
administration et l'opulence générale s'augmentent. Antérieurement à l'avènement
de Darius, le rôle de la capitale avait été fort restreint. Sous les
Djemshydites, nous avons pu soupçonner que la métropole était peut-être vers
la contrée de Nishapour. Après les guerres de la délivrance, Férydoun-Phraortes
et ses successeurs résidèrent à Amol sans donner à cette ville beaucoup
d'autorité. Pendant les guerres scythiques, le Grand Pied, dépouillé de cette
place, s'établit quelquefois à Phages. Cyrus et Cambyse se trouvaient, par la
force des choses, dans leurs fiefs patrimoniaux de Il est facile d'apercevoir pourquoi cette contrée fut
préférée à Le Tarykh-è-Shouster ou Chronique de Le tableau enchanteur tracé de La population de Le nom de ce peuple, qui semble provenir du mot ousha, l'intelligence,
la prudence, et qui voudrait dire alors les avisés, indique une origine ariane. C'était une
tribu nombreuse qui, d'une part, s'étendait jusqu'à A côté d'eux, les Messabates occupaient le coin intérieur
entre Au nord-ouest habitaient les Kosséens, au milieu des
montagnes, entre Les Kosséens portaient on outre des pantalons tombant jusqu'à la cheville ; ils avaient au bras un petit bouclier rond et léger appelé gerra, dit Hérodote, et ce mot se rattache à la racine djar, tourner ; leur carquois, garni de flèches de roseau, se liait à la ceinture à gauche, faisant pendant à un poignard battant sur la cuisse droite. Ils portaient à la main un grand arc et de courts javelots[3]. Si l'on voulait décrire aujourd'hui l'équipement des montagnards de la même contrée, on n'aurait rien à changer aux termes que je viens d'employer, à l'exception de ce qui concerne les armes de jet, puisque le fusil a remplacé l'arc. Mais le bonnet est le même, le surcot est pareil, la chemise de mailles représente l'armure écailleuse usitée de nos jours, comme je viens de le remarquer tout à l'heure. Le bouclier rond, le terra, ce trait caractéristique du guerrier kosséen, n'a pas changé dans sa forme pas plus que dans ses dimensions. C'est toujours un disque de quelques pouces de diamètre et qui ne semble d'abord propre qu'il protéger le point. La cartouchière occupe la place du carquois, et le gaina lare, tranchant des deux côtés, droit et pointu, bas, est toujours suspendu à la ceinture sur la cuisse droite. On comptait parmi les districts kosséens Élam avait donc acquis et occupait un rang considérable
parmi les peuples issus de la hanche de Sein. Il était soumis à Une contrée si fertile, si peuplée que Maintenant il convient de parler de Suse même, la capitale
de la province et de tout l'empire. La fondation en remonte certainement il
une époque antérieure au règne de Darius, qui ne fit, ainsi que ses
successeurs, qu'agrandir une cité déjà considérable, puisqu'elle avait servi
de métropole aux puissants Élamites. L'auteur de Ce nom signifie, toujours suivant le même auteur, Suse n'était pas fortifiée ; elle avait seulement une
acropole placée au sud-ouest, sur lu rive du fleuve, et s'élevant sur na
monticule d'une hauteur assez considérable. Au nord du monticule et près des
eaux s'étendaient les vastes bâtiments du palais des Grands Rois. La ville
proprement dite était à l'est, et couvrait un espace de terrain estimé à cent
vingt stades de tour, quelquefois il beaucoup moins ; mais ces variations
s'expliquent par la différence des époques où vécurent les auteurs des renseignements.
Les matériaux employés étaient, comme daims toute la vallée du Tigre et la
plus grande partie de Le palais était magnifique, et surpassait les résidences somptueuses d'Ecbatane et de Persépolis. Le livre d'Esther nous le dépeint entouré de jardins et de bois, et quand il décrit les fêtes données par Assuérus aux grands de l'empire, il parle des colonnes de marbre auxquelles s'attachaient les voiles et les tapisseries blanches, vertes et pourpre, soutenues par des cordes de lin et d'écarlate tenant à des anneaux d'argent ; il nous montre les lits d'argent et d'or, le pavé de porphyre, de marbre, d'albâtre ; malheureusement il ne dit rien de l'architecture en elle-même. Tout ce qui ressort chez l'historien hébreu comme chez les auteurs grecs, c'est un sentiment de profonde admiration et d'étonnement devant tant de grandeur et de faste ; mais il n'y a aucune indication précise qui puisse nous donner une notion un peu nette de ce qui frappait si fort les imaginations de l'antiquité. D'après l'état actuel des ruines ou plutôt d'après le petit nombre de fouilles exécutées jusqu'ici dans ce terrain gorgé de richesses archéologiques, on supposerait. difficilement ce que nous voudrions savoir. Sir W. Williams, de Kars, et M. Loftus ont retrouvé sur l'emplacement du palais un rectangle irrégulier dont deux côtés mesurent douze cents pieds anglais de longueur, tandis que les deux autres en ont mille. On y distingue plusieurs vastes salles, dans l'une desquelles subsiste la trace de trente-six colonnes de pierre placées sur six lignes parallèles et flanquées de trois portiques, chacun composé de six colonnes. Les colonnes du centre ont des bases carrées, celles du pourtour des bases rondes. Les chapiteaux sont dans le goût assyrien, très-ornés et supportés par des chevaux agenouillés, garnis de leurs caparaçons[12]. Ce peu qui nous reste d'un passé si merveilleux est suffisant pour exciter notre curiosité, mais ne la satisfait pas. Il n'y a plus qu'un mot à dire sur les richesses accumulées à Suse. Suivant Arrien, lorsque Alexandre prit cette capitale, il trouva cinquante initie talents d'argent dans le. trésor royal, c'est-à-dire une épargne de trois cents millions de francs, et il ne faut pas oublier qu'à cette époque l'État perse était en décadence et avait déjà beaucoup perdu de ses ressources, puisqu'on avait été obligé d'avoir recours au triste expédient de l'altération des monnaies. Il faut ajouter que d'autres villes de l'empire étaient aussi des centres financiers, telles qu'Ecbatane, on Darius prit sept mille talents avant de partir pour les provinces de l'est, et Persépolis, qui passait pour être le dépôt favori des trésors des Grands Rois. Nul doute que dans les autres provinces il n'y eût également des réserves plus ou moins abondantes. Dans cette ville de Suse, si superbe, affluaient les
hommes de toutes les races et de tous les pays. Le Bactrien et le Scythe
avaient des affaires à traiter et des intérêts à débattre, comme l'Égyptien
et les marchands de l'Inde et de Ce qui attirait ce monde, c'était la grande opulence
préparée par les Ninivites, les Babyloniens, les Phéniciens les Égyptiens,
les Lydiens, perpétuée par une production agricole et industrielle
incessante, manifestée par tout ce glue l'art avait pu créer de plus
somptueux, et encore augmentée entre les mains des Perses depuis le règne de
Cyrus. Le signe représentatif de cette richesse, l'argent, coulait a grands
flots sons les effigies, sous les empreintes les plus diverses. La question de nue de la monnaie est une des plus
épineuses que présente la science historique. D'une part, il n'est pas
douteux que le système des poids dérivait, en Asie comme en Grèce, d'une
source babylonienne, et que par conséquent les plus anciennes proportions de
métal précieux admis dans la monnaie étaient réglées d'après ce système ;
d'autre part, on n'a jamais découvert jusqu'ici une monnaie, soit ninivite,
soit babylonienne, soit phénicienne, soit égyptienne ou juive, qui
n'appartienne à une époque relativement basse. On voit bien par le passage de
Il est d'ailleurs une observation à faire que je m'étonne de n'avoir jamais trouvée. L'invention de la monnaie en tant qu'institution publique, manifestée par l'apposition d'un signe quelconque sur un lingot, n'a pas eu d'abord et n'a acquis ni dans l'antiquité ni dans le moyen fige les avantages que l'on se figure pouvoir lui attribuer. Avant qu'elle eût eu lieu, les contractants se livraient le métal au poids, et ont continué à le faire jusqu'à nos jours. Dans les transactions publiques ou privées, les sommes ne sont pas comptées, elles sont pesées, et cela avec raison, car l'usure de la pièce ou, ce qui n'est pas moins ordinaire, la rognure intentionnelle, empêche qu'elle ne vaille ce qu'elle parait valoir. Dans les États européens, l'impression d'un cordon sur les tranches a mis, jusqu'à un certain point, des obstacles à cette dépréciation ; mais c'est une découverte récente et dont les anciens et les Asiatiques n'ont jamais en la moindre idée. Les uns et les autres n'ont donc pu traiter la monnaie de la inique façon qu'ils traitaient les lingots, et sous ce rapport l'institution des types monétaires ne réalisa pas le progrès qu'on s'imagine. Sous un autre point de vue, il en résulta un inconvénient très-grave. Aussi longtemps que le public était resté maitre de son objet de payement ou d'échange, il avait pu le contrôler en pleine liberté ; et ainsi, lorsqu'un lingot de titre suspect était présenté, on l'éprouvait ; s'il était bon, on l'acceptait, et au cas contraire on le rejetait. Rien n'était plus simple. Mais aussitôt que l'État eut pris sous sa garantie l'instrument commercial et lui eut imposé sa marque, il prétendit le rendre sacré, et les contractants ne furent plus maitres de juger de la valeur de cet instrument. Je n'entends pas dire que ce fut un mal quand la monnaie se trouva de bon aloi ; les transactions en devinrent plus faciles et plus simples, car du moment que les pièces avaient été pesées et leur poids reconnu, il n'y avait pas ii se préoccuper de leur titre ; mais lorsque l'État, abusant de sa position privilégiée, altéra les valeurs, et, sous l'ombre d'une protection donnée à l'honnêteté chi commerce, s'arrogea le droit de pratiquer le vol impunément, l'invention de la monnaie fut nu véritable fléau, et l'obligation de le subir un désastre. Or, l'altération des monnaies a toujours été la tendance des gouvernements. Elle s'est pratiquée avec plus on moins d'effronterie, plus ou moins de violences, des détails plus on moins odieux ; on a réussi dans certains cas à la faire admettre comme chose indifférente et même comme favorable ; mais en somme, c'est toujours une contrainte à laquelle les peuples eussent préféré ne pas se soumettre. Voilà, je pense, ce qui explique la tardive diffusion de la monnaie. Je ne suis cependant pas convaincu encore de
l'impossibilité d'en rencontrer les premières applications chez les
populations de l'Aram. Il n'y a pas longtemps qu'on a reconnu les médailles
lydiennes, et par conséquent donné raison à Hérodote et à Xénophane de
Colophon, qui les considéraient l'un et l'autre comme les plus anciens
spécimens de l'art monétaire. Mais dans le style même de ces pièces, soit
qu'elles portent sur la face empreinte une simple excroissance de métal
carrée, ou une tète de dieu tournée à gauche, ou une tète de lion, on encore
la partie antérieure d'un lion, à gauche, attaquant un taureau ; dans le
style même de ces monuments, dis-je, il règne un caractère si absolument
assyrien, et les rapports intellectuels de Quoi qu'il en soit, dès le huitième siècle avant l'ère chrétienne, les Argiens, sous leur roi Phædon, possédaient une monnaie qui, de même que celle d'Égine, se réglait sur le système métrique assyrien. Les Grecs ne reconnaissaient chez eux rien de plus ancien en ce genre. Quand Darius imagina à son tour de créer sa monnaie, il se conforma à la règle générale, et prit pour hase le poids assyrien. Le statère d'or pesa 8gr50 à peu près, et la clanique d'argent, 5gr80[15]. Le symbole imprimé sur le lingot de métal, qui conserva sa forme naturelle, est le roi couronné d'une tiare dentelée ; le plus souvent se tenant sur un genou, dans l'attitude d'un combattant, tourné à droite, tenant de la main droite une javeline et de la main gauche un arc. Parmi les pièces que j'ai sous les yeux, il en est une parfaitement conservée, avant le quadratum incusum au revers, dans sa forme la plus primitive, sans aucune division ni saillie ; et à l'avers, le buste du roi debout, tourné à droite, la tiare haute, les cheveux rassemblés en tonne tombant derrière la tête, sans enflure ; la barbe longue, tombante, pointue, non frisée ; le corps vêtu d'une tunique dont les manches, serrées vers les épaules, s'élargissent et deviennent tombantes sur l'avant-bras, à la façon de la chemise orientale actuelle, tandis que la jupe du vêtement fait au-dessous de la taille beaucoup de plis divergents ; dans la main gauche, une longue lance, non plus couchée sur l'épaule droite, comme dans les autres tuniques, mais perpendiculaire au visage ; dans la main droite, un arc. L'ouvrage est de style purement assyrien. Je serais porté à considérer cette pièce comme un spécimen de la plus ancienne fabrication et appartenant à Darius Ier. On parviendra sans doute, au moyen de la distinction des styles, très-sensible sur toutes les dariques, à établir des catégories entre ces pièces, de tacon à les distinguer sinon tout à nuit par signes, du moins par périodes, en descendant jusqu'à l'époque d'Alexandre, ou les types anciens furent abandonnés. Si je me livrais à une pareille recherche, je mettrais après la darique que je viens de décrire celle dont le quadratum incusum est tout aussi simple, on le roi est velu d'une tunique à manches serrées attachées au poignet ; avant la barbe plus épaisse sur les joues et frisée, et lu touffe de cheveux rejetée en arrière au lien de tomber droit comme sur la pièce précédente, mais n'offrant pas encore un développement excessif. La figure royale est en pied, inclinée sur le genou droit ; la lance couchée sur l'épaule du même côté, l'arc dans la main gauche. Après cette seconde classe viendrait la darique où le quadratum incusum montre à l'intérieur un certain travail ; sur quelques pièces, un disque entre deux excroissances oblongues ; sur d'autres, une figure approchant de celle du kaf phénicien, mais avec Ta queue allongée et tournée à droite au lieu de l'être à gauche. Du reste, les détails pareils à peu près à ceux des monnaies de la classe précédente. Ensuite se placerait une quatrième classe où le quadratum incusum est de plus en plus caractérisé sur certaines pièces, assez simple sur d'autres ; l'effigie royale se distingue par l'ampleur extrême de la chevelure relevée en houle derrière la tête, et ayant déjà quelque chose de la mode usitée beaucoup plus tard, sous les Sassanides. Dans une cinquième classe se rangeraient les pièces où la figure, bien qu'analogue aux types précédents, révèle sinon nit travail grec, du moins un goût moins assyrien. Le quadratum incusum a fait place à un semis de gros points placés sans ordre les uns à côté des autres. Il semblerait qu'on doit chercher un sens à ces signes, car on les voit reparaitre à longue distance sous le règne des derniers Arsacides. Dans une sixième classe, les pièces ont un avers et un revers véritables. Sur le premier, le roi est debout, tourné à droite, figuré jusqu'au genou, sans lance ni javelot, tirant l'arc ; sa tiare est plate ; au revers, une galère flottant sur une double ligne de flots. De pareilles dariques appartiennent sans doute à la fabrication des villes phéniciennes maritimes ; mais comme d'une part elles portent le signe royal et qu'en outre elles sont frappées des deux côtés, il importe d'en tenir compte ici comme marquant une variété dans l'art monétaire de l'empire nécessairement postérieure aux types cités plus haut. Je possède parmi d'autres monuments de cette espèce un bronze qui doit appartenir aux derniers temps des Achéménides. A l'avers, le roi sur le genou droit ; sa main droite serre le javelot couché sur l'épaule ; le bras gauche étendit tient l'arc. La particularité remarquable est que la figure est inscrite dans un orle perlé qui parait ici pour la première fuis dans les monnaies perses. Au revers, une galère d'un travail très-élégant voguant sur une double ligne de flots ; au-dessus, deux lettres, dont celle de gauche est peul lisible. L'autre est un T. On pourrait y voir les deux lettres T, P, et lire ici le nom de Thiphsakh, une des villes commerciales les plus importantes des rives de l'Euphrate. Mais ceci est hypothétique. Ce revers est entouré d'un orle comme l'avers. J'ajouterai à ces détails que pour la troisième et la quatrième classe, ainsi que pour la cinquième et probablement la sixième, il existe des pièces fourrées, ce qui ne contribue pas peu à assigner à ces monuments mie place chronologique relativement basse dans l'histoire numismatique de l'empire ; car, sous les premiers Grands Rois, l'état du trésor était trop florissant pour qu'on pin sentir le besoin de recourir au triste expédient de l'altération des monnaies. J'ai insisté, comme moyen de classement, sur une particularité de la mode asiatique qui s'attache à l'ampleur plus on moins grande de la chevelure. On petit considérer comme certain que des touffes d'une dimension exagérée ne sont pas un signe d'une très-haute antiquité dans les figures que l'on observe. Les cylindres vraiment assyriens, car il s'en faut que tous les cylindres soient tels, et il en est beaucoup qui appartiennent aux siècles postérieurs à l'ère chrétienne, montrent toujours dans leurs personnages une réduction extrême sons ce rapport. J'observe ce fait sur une sardoine de ma collection. C'est un cylindre oblong aplati dans le sens de sa longueur, arrondi au sommet, et portant sur sa base légèrement bombée la figure d'un ange, probablement un amshaspand, à quatre ailes, volant vers la droite, tenant de la main droite un objet lancéolé, et de la gauche une fleur de lotus à longue tige serpentante. Cette figure, de travail assyrien, mais on les formes et le style égyptiens ont été évidemment cherchés, ne peut appartenir qu'au règne de Cambyse ; car, dans la grande quantité de pierres que je possède, je ne retrouve aucun autre spécimen qui puisse me porter à penser que le goût égyptien ait fait fortune en Asie et s'y soit établi à demeure. C'est donc une œuvre de caprice et qui, pour cette raison, porte sa date avec elle-même. Dans cette figure, les cheveux tombent droit comme sur les cylindres plus anciens. J'observe le même fait sur une agate blanche représentant
un adorant tourné à gauche vers une étoile, et encore sur une cornaline d'un
rouge brun, où le roi, placé dans un quadrige à côté de son écuyer, tire de
l'arc contre un oiseau placé devant lui, sujet symbolique fréquemment répété.
Ainsi, en thèse générale, on peut et on doit établir que partout où les
effigies humaines ont des cheveux extrêmement gros et travaillés, il n'y a
dans le monument qu'une antiquité relative ; et pour le cas particulier qui
nous occupe ici, les doriques où le roi est coiffé de cette façon
appartiennent certainement aux temps moyens, sinon aux temps bas de la
dynastie achéménide. Je ferai remarquer en finissant cette digression que la
mode des cheveux gonflés pénétra même dans J'ai complété, autant que l'état actuel des connaissances a pu me le permettre, le tableau des nouveautés par lesquelles Darius s'efforça de répondre aux besoins de son empire. Par l'institution des satrapies, il essaya de neutraliser les conséquences anarchiques résultant de la réunion forcée de tant de races, de tant de peuples, de tant de souverainetés locales, de tant d'intérêts divergents que contenait l'empire perse ; et en même temps appréciant le danger de confier un pouvoir nécessairement discrétionnaire à des hommes qui pouvaient en abuser, il voulut limiter leur puissance en ne les choisissant que parmi les fonctionnaires élevés par lui, soutenus par lui, et qu'il pouvait renverser du jour au lendemain ; il les créa essentiellement amovibles, et le leur fit sentir fréquemment par des destitutions suivies de confiscations qui les ruinaient plus ou moins ; il leur refusa tout ce qui aurait pu leur donner une apparence souveraine, et notamment le droit de battre monnaie, interdit sous peine de mort. Pour rattacher les provinces à un centre unique, il fit choix d'une capitale. Il la prit dans une contrée riche, jadis fameuse, habitée par une population conquise à plusieurs reprises et par différents maîtres, et dont il n'avait a craindre ni le prestige ni la force. Elle n'eût pas plus trouvé d'appui pour une révolte dans ses anciens conquérants, les Babyloniens, que dans ses nouveaux dominateurs, les Perses. Min d'assurer la communication rapide de ses ordres et d'être toujours ait courant de ce qui se passait sur tous les points de la monarchie, le gouvernement du Grand Roi entretint ou créa les routes, multiplia les stations de poste et les moyens de sécurité, y fit circuler des courriers dont les devoirs et les droits furent définis ; il s'arrangea en un mot de son mieux pour être averti dans un bref délai et pouvoir agir de même. Dans le but d'entretenir la paix publique et la soumission, il eut des armées et des garnisons permanentes dans les différentes contrées, ici de la cavalerie, la des fantassins, et put ainsi tenir en échec dans la mesure possible les forces locales dont les feudataires on les villes libres auraient été tentés d'abuser. Pour paver un si immense établissement, il établit des impôts encore inconnus, en régularisa d'autres, fixa les quotités, indiqua les lieux de versement, et institua une monnaie royale dont la détermination quant au poids et quant au titre lui donna le moyen d'avoir constamment la main dans la bourse de ses sujets. Enfin, et ce fut son œuvre capitale, inquiet de l'étal intellectuel de ses peuples, trouvant chez les Sémites une surexcitation philosophique dangereuse, chez les Iraniens un gout de plus en plus développé pour ce genre de spéculation, chez les Scythes une façon indépendante et hautaine de traiter ces questions qui ne lui était pas moins antipathique, en ce sens qu'elle lui fermait tout accès dans les consciences, où il prétendait pénétrer aussi bien qu'ailleurs, il favorisa l'avènement du mazdéisme. Il y apercevait avec plaisir des compromis favorables à la paix, une hiérarchie sacerdotale qui lui promettait des auxiliaires, une apparence de religion nationale qui était une institution unitaire de plus, enfin les ressources pour diriger les imaginations des peuples et leur imposer des devoirs. Sur ce point comme sur d'autres il se trompa, et les gouvernements s'y tromperont éternellement. Ii avait cru, connue ils le croiront toujours, que quelque chose peut se détruire dans le monde métaphysique, et qu'il y existe plus que des combinaisons diverses de principes éternels. Le mazdéisme compliqua le désordre d'un terme de plus, et n'abolit rien. Telle fut l'œuvre de Darius. Maintenant ii ne reste qu'a présenter la série d'événements produits au milieu du cadre qu'il avait constitué. |
[1] VIII, 2.
[2] Trois ans en Asie.
[3] HÉRODOTE, VII, 61.
[4] Genèse, X, 22.
[5] Genèse, XIV, 1.
[6] ISAÏE, XI, 11.
[7] ISAÏE, XXI, 2.
[8] ISAÏE, XXII, 6.
[9] JÉRÉMIE, XXV, 25.
[10] JÉRÉMIE, XLIX, 35-39.
[11] FORBIGGER, II, p. 585-586.
[12] RAWLINSON, Hérodote, III, p. 208.
[13] Genèse, XXIII, 16.
[14] Juges, XVII, 2.
[15] Le poids des statères et des dariques conservées dans les collections varie nécessairement, ayant, pour la plupart, perdu par l'effet du temps. Autant que je le sache, les limites hésitent entre 8gr50 et 8gr15 pour les statères. M. le duc de Luynes fournit ces deux chiffres. Pour les dariques, le Musée Britannique en possède une qui pèse 5gr68, et il en existe beaucoup qui descendent au-dessous de 5gr10. Je ne cite pas les doubles statères d'or, pièces assez rares, dont la valeur actuelle oscille entre 16gr70 et 16gr30.