HISTOIRE DES PERSES

LIVRE QUATRIÈME. — LES ACHÉMÉNIDES.

CHAPITRE III. — ZOROASTRE ET SA DOCTRINE.

 

 

Il ne semble pas qu'on doive s'embarrasser beaucoup de l'assertion des Grecs qu'il a existé plusieurs Zoroastre. La justification de cette idée se trouve dans le fait incontestable que les opinions religieuses de l'Iran ont été en effet, antérieurement au règne de Darius Ier, successivement établies, puis modifiées par des réformes dont hi première se rattache au souvenir de l'oiseau Karshipta, la seconde à celle de l'homme d'Ourva ou Ourvatat-Naro. Que ce dernier se soit appelé Zoroastre ou que ce nom de Zoroastre, Zaratoushtra, qui paraît signifier astre d'or[1], ait été moins un nom propre que la qualification réservée à tous les prophètes, ce sont là de ces confusions qui ne sauraient étonner. Elles sont fréquentes dans les anciennes annales du monde. La question n'est pas de rechercher si l'on tonnait d'une façon exacte le nom propre et la position personnelle de chaque réformateur, il suffit de savoir qu'une croyance a été présentée pour apercevoir, peut-être obscurément, mais en tout cas certainement, l'ombre passante de la grande personnalité de son créateur. Ainsi donc il a eu sans conteste plusieurs astres d'or qui ont traversé en la changeant la scène religieuse de l'ancien Iran, et de l'effet de leurs influences successives sont résultées les situations qui, au temps de Darius Ier, ont produit l'ascension du nouvel astre d'or auquel on réserve plus particulièrement le nom de Zoroastre.

Le plus grand nombre des témoignages assignent à ce novateur une naissance mède. Bérose, en nommant un Zoroastre parmi les princes de la dynastie médique, qui, suivant lui, régna en Assyrie deux mille ans avant le Christ, peut inspirer la pensée que ce nom étant déjà connu à Ecbatane à une époque reculée, on s'y préoccupait alors de l'ordre d'idées qui s'y rattache. Mais on vient de voir que nulle affirmation chronologique ne saurait se rapporter légitimement à un mot qui est moins un nom qu'un titre d'honneur ou pour mieux dire une caresse dévote. Pythagore, d'après Clément d'Alexandrie, aurait assuré que Zoroastre était de naissance perse ; c'est dire trop peu : le prophète était Iranien, ne le nie ; mais ce n'est rien expliquer s'il faut ici avoir en vue la province de Perside en particulier plutôt que toute autre contrée de la Perse. Suidas dit que Zoroastre était Perso-Mède, ce qui le rendrait originaire d'un point quelconque de la région montagneuse étendue du Caucase au golfe Persique. Le Vendidad est à considérer comme une autorité sérieuse. Il assure que le prophète était né sur la montagne de Zbar[2] ; des documents parsys d'une époque postérieure prétendent que ce fut à Ragha, d'autres dans l'Atun-Patakan ou Azerbeydjan ; ceci rentrerait dans le sentiment de Suidas. D'après le Boundehesh, il faudrait encore se rallier ici la même opinion.

Contre cette unanimité de témoignages qui tend à faire de Zoroastre un Iranien de la partie occidentale du peuple arian, Justin, Moïse de Khorène, Ammien Marcellin, soutiennent seuls que Zoroastre était un roi de la Bactriane. Outre ce que la qualité attribuée au prophète par ces écrivains, beaucoup moins autorisés que ceux qui viennent d'être cités plus liant, a d'évidemment inexact, on peut aussi observer qu'elle n'est guère soutenue que par l'impression générale éprouvée de leur temps, qui transportait dans le nord-est le siège primitif du mazdéisme. Cette notion venait assez naturellement a l'esprit ; les Iraniens avaient dans l'origine occupé cette région lointaine ; leur religion, telle qu'elle était et sans tenir compte des transformations subies par elle, devait en venir également ; mais ce n'est pas là de quoi prévaloir contre les affirmations plus fortes, plus directes, plus autorisées, qui combattent des assertions tardives assurément erronées, d'autant qu'une considération d'un grand poids se présente pour donner raison aux livres parsys, à Pythagore peut-être, à Suidas certainement.

La réforme de Zoroastre ayant introduit dans l'ancien mazdéisme une foule de notions araméennes et même helléniques, il serait peu explicable que son auteur eut été un homme des provinces féodales de l'est. Au contraire, né dans le lm\ s mède, il avait du se trouver pendant toute son enfance, toute sa jeunesse, en contact avec les courants religieux et intellectuels les plus différents de la religion nationale ; il avait subi leur influence et suivi leur impulsion. Assistant au spectacle de leur antagonisme, constatant l'égalité approximative de leurs forces, il s'était senti entrainé successivement dans tous les sens. De là et de là seulement avaient pu naître chez lui le sentiment et le besoin d'une fusion. Né dans la Bactriane, il n'aurait éprouvé que l'amour exclusif de l'ancienne foi, le goût de la résistance aux dogmes étrangers, et l'espoir de faire triompher cette résistance en s'appuyant sur ce fait, que rien autour de lui n'aurait démontré l'impossibilité d'une pareille tache. D'après cette observation, il ne me semble pas raisonnable de résister à la conviction que Zoroastre était bien originaire de la région occidentale, et tout indique l'Azerbeydjan, c'est-à-dire la Médie du nord, comme le berceau du prophète, puisque là surtout, par le concours des sectes et des croyances, l'esprit de conciliation trouvait amplement matière à se développer et à se fonder.

Les Iraniens, apportant en toute rencontre l'amour du passé et de la tradition, ont considéré Zoroastre comme un descendant de Menoutjehr-Cyaxares. Le Boundehesh, au chapitre trente-troisième, donne sa généalogie. Shahrastany rapporte que le père du novateur était de l'Azerbeydjan et sa mère de Ragha, la Rey musulmane ; quoi qu'il en puisse être, ce père se nommait Pouroushaspa, et c'est la forme iranienne du nom de Prexaspes qui joue un rôle si considérable dans l'histoire de Cambyse.

Prexaspes, suivant Hérodote, était fort en honneur auprès du sils de Cyrus. Il remplissait les fonctions de chef des messagers royaux, et son fils celles d'échanson, qui assuraient un grand crédit. Cependant ce fils si bien traité fut tué d'un coup de flèche sous les yeux mêmes de son père, par le monarque insensé, qui voulait montrer son adresse. Prexaspes se roidit extérieurement contre une telle cruauté, ne laissa rien voir de sa douleur ni de sa rage, et lorsque Cambyse voulut tuer son propre frère Smerdis, le courtisan dévoué fut l'instrument du meurtre. Après la mort du roi, il nia que le prince eût été assassiné, et donna ainsi son appui a l'imposture du mage. Mais ce ne fui qu'un instant. Au moment où, du haut d'une tour, il allait, comme il s'en était chargé, abuser de l'influence que sa naissance et son rang lui offraient pour persuader aux Iraniens que le mage était bien réellement le fils de Cyrus et le frère de Cambyse, de sa race et l'amour de son peuple lui revinrent tout entiers ; il démentit les fausses assurances qu'il avait données que Smerdis était vivant, et après avoir maudit les Perses un cas où ils ne puniraient pas l'imposture et, ne ressaisiraient pats l'empire, il se précipita du haut de la tour et se tua. Ainsi, ajoute Hérodote, finit Prexaspes, qui pendant tonte sa vie avait été nn homme d'une rectitude et d'une intégrité respectées. Ctésias ni Diodore ne racontent rien qui puisse se rattacher à cette tradition.

Elle porte assurément un caractère légendaire ; laissons de côté, sans contredire ni affirmer, tout ce détail, et considérons seulement que les Iraniens avaient gardé la mémoire d'un homme appelé Prexaspes, Pouroushaspa, et que dans cet homme mi célébrait la sainteté et la droiture. De plus, il vivait au temps de Cambyse. Le Yaçna rapporte que Pouroushaspa vint en quatrième après Vivanghao, Athwya et Thrita, qu'il se signala par son respect pour le Homa, et que sa récompense fut de donner le jour à l'Astre d'or, à Zoroastre[3]. Soit qu'eu effet le prophète ait eu pour père un personnage vénéré, soit qu'à défaut d'une filiation royale qu'on ne pouvait lui supposer, on ait cru possible de à faire descendre au moins d'un très-grand seigneur qui prétendait lui-même, avec plus ou moins de droits, se rattacher à un souverain des anciens temps, rien n'empêche que le Prexaspes d'Hérodote soit le Pouroushaspa qui engendra Zoroastre.

Ce prophète eut à son tour des enfants, devenus fameux comme promoteurs de la Loi pure : Içat-Vastra, l'aîné, le fils, prit plus tard le caractère d'aïeul mythique du clergé mage ; la fille, Paourousista, contribua puissamment aux succès de son père, et, particulièrement vénérée, passa pour avoir été la femme du disciple le plus éminent, Djamaspa, qui, avec Frashaostra, autre disciple également très-actif, parait avoir appartenu à une famille du nom de Nvo-gva. On attribue encore à Zoroastre d'autres enfants, qui tous, avec un degré éminent de sainteté, prirent part à ses prédications.

ll est rare que les gouvernements consentent à se mettre d'abord à la tête des innovations religieuses, surtout quand ces gouvernements, présidant aux destinées d'agglomérations hétérogènes, sont principalement préoccupés de multiplier les compromis qui seuls peuvent les rendre durables. Ils ne sont donc pas portés de gaieté de cœur augmenter ce qui parait être un désordre, et qui eu effet tend à paralyser leur action. Ce n'est que lorsqu'une doctrine compte suffisamment d'adhérents et peut offrir avec des forces réelles un certain nombre d'avantages refusés par les anciens cultes, que le pouvoir se décide à accorder ses faveurs. Il semblerait donc que le mazdéisme rencontra à ses débuts des difficultés à s'établir. Dans plusieurs passages des Gathas, prières particulièrement sacrées, il est fait mention d'un moment où le novateur se plaint d'avoir été pauvre, sans ressources, entouré de peu de fidèles, assailli d'ennemis[4]. Ensuite la Foi pure, gagnant du terrain, déclara avec fierté que chaque district bien gouverné reconnaitrait les autorités suivantes : le chef de famille, le chef de tribu, le chef d'association, le chef du pays, et Zoroastre en cinquième, c'est-à-dire son représentant, ce qui constituait l'empire en cinq circonscriptions religieuses, sorte de diocèses ; pourtant il fallut encore avouer à ce moment, un des points les plus importants de l'État, probablement rattaché au domaine royal, puisqu'il n'avait pas de souverain direct, ne faisait  pas encore partie de la communauté zoroastrienne, puisque, bien qu'il lui eut été donné un directeur mazdéen, et comme nous dirions un évêque, on ne pouvait encore compter ce pays parmi les territoires entièrement convertis[5].

Rien n'est plus inévitable qu'un pareil moment de lutte et de difficultés dans la des religions. C'est alors que les Grands caractères se montrent, que les belles vertus se développent, et que se fondent les exemples extraordinaires de dévouement, de candeur et de foi, qui serviront il jamais de règle aux fidèles.

Mais pour les raisons exposées en leur lieu, il était dans la nature des choses que le Gouvernement de Darius prit en g-Mit un ordre d'idées né avec sa dynastie, et qui semblait répondre aux besoins du temps. Le roi se proposait de concilier les intérêts des Iraniens avec ceux des Sémites ; il adopta des théories propres a amener une fusion entre les opinions de ces deux masses.

Pour commencer, Zoroastre renversait l'ancienne théorie géographique, eu vertu de laquelle le monde pur ne se composait que des seize contrées occupées primitivement par la race iranienne, et en dehors desquelles il n'y avait que des régions vouées aux influences du mauvais esprit. Cette théorie violente ne convenait plus dans un empire qui s'étendait jusqu'à la mer d'Ionie et plongeait jusqu'en Afrique.

A cette première division, Zoroastre en substituait une autre. Il déclarait que la terre était partagée en sept climats tous également purs, également dignes de louanges, et méritant une adoration pareille.

Je loue, dit le Vispered, Arezahe, Çavahe, Fradadafshou, Vidadafshou ; Voourou-Barsti, Voourou-Yarsti, et ce climat de Kaniratha.

Dans ces sept divisions, tout l'empire est compris, toute la région à laquelle le prophète transfère la qualité de pure, jadis renfermée clans des limites plus étroites. On ne perd pas de vue qu'il s'agit non pas de circonscriptions politiques on administratives, mais seulement ecclésiastiques, et c'est ainsi qu'il faut comprendre ce que Zoroastre indique par les sept climats.

Arezahe ou plutôt Areza, en faisant abstraction de la flexion grammaticale, se retrouve dans Arzane de Procope[6]. Cette contrée est aussi nommée Arsanini et Arzani ; elle s'étend autour du lac Arsene.

Cava s'identifie avec le Seoua de Ptolémée, et se place dans la Cilicie, non loin du fleuve Halys. De sorte que réunie à Areza ou Arzane, cette circonscription comprend les pays de conquête du nord-ouest[7].

Fradadafshou ou l'augmentation de Frada est le pays des Parthes ou Paroutas dans toute l'extension qu'il avait pu acquérir aux dépens des Scythes par suite des conquêtes de Cyrus, et touchant à la fois aux cieux contrées qui viennent d'être nommées et au Kharizm. Abdoullah Mohammed, fils de Hassan, fils d'Isfendyar, donne la géographique très-exacte de ce pays, qu'il appelle Fradesh-wad-gher ou la terre de Fradeshwad. On dit aussi Fershwad. Suivant les géographes de l'époque musulmane, cette subdivision a pour limites, à l'ouest l'Azerbeydjan et l'Ahar ou Arran ; au nord, le Taberystan, le Ghylan et le Deylem ; au sud, les plaines de Rey, de Koum et de Damgham ; à l'est, le Gourghan. Mais je pense qu'ici il faut entendre que le Fradadafshou allait jusqu'à la mer et dépassait l'Hyrcanie.

Vidadafshou ou l'augmentation de Vida est le pays de Perside, dont une partie notable retenait encore au moyen âge le nom de Bydha. Réunie au territoire précédent, cette région compose l'Iran central.

Voourou-Barsti ou le territoire de Barsti désigne ce que Ptolémée appelle les monts Parsyetes, aujourd'hui les monts Solimans, qui s'étendent entre l'Arachosie et les Paropamisades, et touchant à l'Indus, formaient alors la frontière orientale de l'empire[8].

Voourou-Yarsti ou le pays de Yarsti était le mont Irus d'Arrien, situé également près de l'Indus, mais au sud et à l'extrémité de la Carmanie[9].

Kaniratha, appelé souvent aussi Kaniratha-Bamy ou la terre du maitre de Kani, est le Choarra de Ptolémée, c'est-à-dire le pays de Goum, dans l'Aragh. Mais comme ou prétend que Sémiramis avait bâti là un palais entouré d'un parc, au pied d'une roche abrupte, et que rien dans la configuration de ce district ne rend possible line pareille attribution, je crois qu'il finit placer Choarra plus au sud. L'Avesta appelle ce pays notre Kaniratha. Il veut indigner par là le siège essentiel de la souveraineté et comme le cœur des régions iraniennes. C'est pourquoi il v a lien de penser que le Kaniratha-Bamy comprenait les deux moitiés d'un même tout qui ont été appelées plus tard les deux Araghs, et dans l'un desquels Goum est en effet situé.

L'empire se trouvait ainsi défini sur toute la ligne de ses frontières et dans son noyau intérieur par les termes de la prière que je viens d'analyser. Plus tard, sous les Arsacides, une nouvelle rédaction détailla davantage cette nomenclature ; plus tard encore, sous les Sassanides, l'esprit de la théologie mazdéenne étant devenu de plus en plus sémitique et par là hostile à la réalité des faits, pour donner plus de place à la domination exclusive de la réalité des idées, il y eut tendance à considérer toutes les dénominations géographiques contenues dans l'Avesta comme ne représentant plus que des notions purement mythiques. Mais Zoroastre et ses disciples ne l'entendaient pas ainsi ; ils voulaient changer la nature des croyances répandues jusqu'alors parmi les Iraniens, eu établissant que l'antique sainteté, renfermée jadis dans les territoires des premières formations, s'étendait désormais au cercle beaucoup plus vaste occupé par ceux de la quatrième, et c'était dire que tous les sujets de l'empire, en quelque lieu qu'ils fussent nés, pourvu qu'ils embrassassent la réforme, étaient frères. Il y avait ainsi quelque chose de semblable à cet appel aux gentils qui a créé plus tard le christianisme, en embrassant dans un Israël nouveau ceux-là même qui devaient s'en croire le plus éloignés. lien n'était plus opposé aux principes exclusifs de la race ariane ; celle-ci faisait tout reposer sur le droit de naissance ; niais rien non plus n'était mieux d'accord avec le prosélytisme inné chez les populations sémitiques, et qui ne disparaît des esprits de cette trempe que dans les phases d'atrophie. On a remarqué sans doute que la prière dont il vient d'elfe question rapproche les unes des autres les dénominations géographiques des sept climats en les allitérant : Arezahe, Çavahe, Fradadafshou, Vidadafshou, Voourou-Barsti, Voourou-Yarsti ; le septième climat seul, le plus important, celui que le théologien qualifie de notre Kaniratha, n'a pas d'union rythmique avec les autres. Il faut reconnaitre là sans aucun doute l'influence des méthodes littéraires de l'Aramée, ou l'allitération et la rime étaient non-seulement admises connue des beautés, mais encore comme une empreinte sacrée qui transportait dans le discours la puissance occulte inhérente aux sons[10]. Les compositions arianes originelles n'avaient pas connaissance de pareils artifices, et ne les recherchaient pas. La nature propre des langues de la rave blanche ne s'y porte qu'avec difficulté, tandis que lis idiomes sémitiques au contraire les indiquent et en prescrivent en quelque sorte l'usage. Cependant beaucoup plus tard, et dans l'extrême nord de l'Europe, des tribus arianes ont employé l'allitération comme élément principal de leur poésie. On trouve cet ornement du style au cinquième siècle de notre ère, dans la Chanson de Beowulf, œuvre des Saxons du Jutland ; je ne fais pas difficulté d'admettre que cette influence sémitique ne s'est propagée ainsi dans le nord de notre continent que par l'intermédiaire des Iraniens convertis au mazdéisme de Zoroastre, et qui ont su communiquer leurs nouvelles formes littéraires aux nations voyageuses dont la diffusion graduelle a fini par couvrir les pays scandinaves, et de là tout l'Occident de l'Europe.

Quant à la division en sept climats ou kareshwars, elle porte également la marque d'une origine sémitique, et cela de différentes manières. Elle correspond d'abord au nombre des planètes, et place chaque région iranienne sous la protection spéciale d'un des anges identifiés avec ces corps lumineux. L'adoration que les anciens Arians vouaient aux astres rendait facile l'adoption d'une telle idée ; mais rien n'indique que dans les temps primitifs ils aient distingué les étoiles fixes des autres, et que les Amshaspands se soient limités à sept. Il en fut ainsi désormais comme chez les Chaldéens. Par cette porte, l'astrologie commença aussi à s'introduire. Au-dessous des planètes s'établit la hiérarchie stellaire représentée par des séries de génies spéciaux exerçant sur la destinée des hommes une action considérable. L'homme de l'ancienne loi avait été libre dans ses allures, et, sauf l'adoration êtres divins et l'observation des lois morales, la religion ne lui commandait rien et surtout ne l'effrayait pas. Par le mazdéisme, il apprit qu'il dépendait dans tous ses actes et dans tous les moments de sa vie d'une multitude de forces agissant constamment sur lui. Afin de paralyser ce que cette tyrannie avait de trop funeste, le nouveau religionnaire se vit contraint d'admettre l'usage perpétuel des prières, des formules, des cérémonies, des amulettes ; tout cela était chaldéen. Puis tant de prescriptions devinrent très-difficiles à connaitre, et par suite à respecter. Il y fallait une science consommée embrassant bien des questions abstruses. Le père de famille iranien, jusqu'alors athrava ou prêtre à ses heures, et n'ayant besoin pour remplir son office que d'une expérience très-facilement acquise, ne pouvait plus suffire aux exigences d'un culte si compliqué. Il fallut accepter hm domination d'un sacerdoce, et ce fut alors que les mages iraniens apparurent.

Du culte primitif, on conservait tout, sauf la liberté des consciences ; mais on y ajoutait beaucoup. C'était comme mi de ces châteaux d'abord formés d'un seul corps de logis, et autour duquel s'accumulent des ailes, des tours, des étages, qui font disparaitre l'ancienne fondation sons leurs aspects multipliés.

Les Mèdes avaient une de leurs tribus qui portait le Born de mages. Hérodote le dit ; mais il n'indique aucune connexion entre les mages mèdes et le sacerdoce iranien. Le mot maga, qui signifie grand, a pu être porté à la fois par un clan et par des maitres religieux tout à fait étrangers à cette petite société politique. On a vu plus haut qu'un des fils de Zoroastre avait été considéré à un certain moment comme l'ancêtre idéal de tout le sacerdoce mazdéen. Cependant il n'est dit en aucun endroit que les prêtres aient prétendu avoir aucune parenté entre eux. A en juger d'après le Zend-Avesta, il semblerait même que cette idée devait être bien éloignée de l'esprit de la nouvelle religion, puisque le mazdéisme établit une hiérarchie sacerdotale dans tout l'empire, et que la naissance ne dévidait pas du rang des membres de ce clergé.

 

 

 



[1] BURNOUF, Yaçna, notes, p. 166.

[2] Vendidad, XIX.

[3] Yaçna, III, 42-44.

[4] Gatha Oustraïte, p. 52.

[5] Yaçna, XIX, 50-51.

[6] FORRIGGER, Alte Geographic, t. II, p. 603.

[7] FORRIGGER, Alte Geographic, t. II, p. 306.

[8] FORRIGGER, Alte Geographic, t. II, p. 50.

[9] FORRIGGER, Alte Geographic, t. II, p. 527.

[10] Traité des écritures cunéiformes, t. II, passim.