LA CIVILISATION ÉGÉENNE

LIVRE I. — LA VIE MATÉRIELLE.

CHAPITRE IV. — LA MAISON ET LE PALAIS[1].

 

 

I. — LES ORIGINES DE L’ARCHITECTURE ÉGÉENNE.

Les plus anciennes habitations où se soient réfugiés les hommes sont des grottes. Dans les régions montagneuses qui bordent la Méditerranée, la nature offrait partout de ces asiles aux populations de l’âge néolithique. Les Grecs ne perdirent pas le souvenir des ancêtres qui habitaient, comme de frêles fourmis, sous terre, dans des fonds de cavernes où ne pénétrait pas le soleil[2] ; ils savaient que Polyphème vivant sur la montagne, en compagnie de ses brebis et de ses chèvres, dans un antre qu’il fermait chaque soir par un énorme rocher, était le type des hommes — Cyclopes ou Troglodytes — qui ne connaissaient pas de lois et ne labouraient pas de champs[3]. On connaît plusieurs de ces habitations rupestres : à Leucade, la caverne de Choirospilia ; en Crête, les abris sous roche de Miamou, de Skalaes et de Magasa.

De très bonne heure, les tribus de l’âge néolithique s’apprirent à bâtir, en creusant les cavernes trop exiguës ou en réduisant par des murs artificiels les anfractuosités trop largement ouvertes. Elles surent vite construire des huttes en treillis de joncs ou de branchages recouverts d’argile. Le sol de ces huttes fut d’abord en terre battue, puis il reçut une sorte de pavage en pierre. On a retrouvé presque partout sur le continent de ces fonds de cabanes : il y en a un en Crète, à Phaistos[4]. Ces habitations étaient trop fragiles pour résister aux assauts des orages et aux injures du temps ; à la même place, en matériaux semblables, on en élevait d’autres et d’autres encore. De siècle en siècle, les débris accumulés exhaussaient le sol. C’est ainsi que la couche néolithique atteignit à Cnosse une hauteur de 6 à 8 mètres.

La grotte des temps primitifs est rappelée par plusieurs survivances dans le type de la hutte et, par suite, de la maison égéenne. La grotte était située sur les hauteurs ; de même que le sanctuaire s’installa de préférence dans un antre et que la tombe fut longtemps creusée dans la roche, la maison fut bâtie à flanc de coteau et eut besoin pour ses fondations d’une terrasse artificielle. La grotte était choisie avec ouverture sur l’Orient, pour que les ténèbres y fussent dissipées comme dans l’antre de Polyphème, par les premiers rayons de la fille du matin, l’Aurore aux doigts de rose ; à Magasa, une maison néolithique a la même exposition que l’abri sous roche[5]. Mais ce fut surtout la forme même de la hutte et de la maison qui rappela la courbe intérieure de la grotte.

Dans tout le monde méditerranéen, à l’époque néolithique connut la paillote ronde[6]. Sesclo, en Thessalie, a eu des huttes rondes pendant au moins mille ans ; à Leucade comme à Mycènes, les tombes étaient murées dans des enceintes circulaires. A Orchomène, la couche la, plus profonde ne renferme que des cercles en pierres superposées ; ils servaient jadis de socles à des murs en brique crue inclinés vers l’intérieur et s’élevant en coupole à une hauteur de 7 ou 8 mètres[7]. Une boîte de Mêlas montre les sept maisons rondes d’un nos groupées autour d’une cour à entrée couverte[8]. Mieux valait réunir le génos sous le même toit : à Tirynthe, dans la seconde moitié du IIIe millénaire, on réussit à construire, au-dessus d’une couche plus ancienne à huttes rondes, une grande rotonde renfermant elle-même des constructions circulaires[9]. En Italie, les cabanes des terramares perpétuèrent leur forme dans les urnes cinéraires ; on a trouvé à Phaistos et à Pyrgos des urnes pareilles du M. A.[10] Effectivement, le site de Cnosse présente dans les couches basses des vestiges de constructions courbes, des murs aux angles arrondis. Mais la rotonde que les Préhellènes de Crète construisirent le plus longtemps, avec une dévotion spéciale, ce fut la tombe à tholos.

De la forme ronde dériva la forme ovale ou en ellipse. A Orchomène, la couche aux maisons circulaires fut recouverte, après 25W, d’une couche à maisons elliptiques[11]. Le passage d’un type à l’autre est général et se retrouve en Italie comme en Thessalie. Cette transformation s’explique par la nécessité d’agrandir la maison ronde, lie désir de rassembler les membres du groupe qui vivaient précédemment dans des huttes juxtaposées. La construction de combles communs à plusieurs huttes rondes — ou, comme à Tirynthe, de plusieurs toits sur la même rotonde — était trop compliquée ; il était plus aisé d’étendre la même couverture sur deux demi-huttes, deux absides, séparées par l’intervalle voulu, et l’on obtenait des chambres plus commodes par des murs de refend rectilignes. Mais c’est en Crète que s’est retrouvé le spécimen le plus remarquable du type elliptique, la maison de Chamaizi. Elle mesure plus de 22 mètres sur le grand axe, plus de 15 sur le petit. Le rez-de-chaussée, jadis surmonté d’un étage, comprend une douzaine de chambres qui étaient plus ou moins éclairées par une courette centrale. Celles de ces chambres qui sont prises sur les deux absides sont par cela même irrégulières ; les autres sont presque en forme de rectangles.

L’habitude de fermer les grottes par des murs rectilignes avait donné l’idée de les employer, non pas seulement à diviser la maison elliptique, ruais, bien avant, à construire la maison carrée ou rectangulaire. Dès l’époque néolithique, s’élevait à Magasa, en face de l’abri sous roche complété par un mur, une maison légèrement trapézoïdale en grosses pierres brutes ; l’entrée, logée dans une encoignure, la partageait en deux parties inégales, dont l’une était sans doute la chambre d’habitation, l’autre le cellier ou l’étable. On ne saurait donc, avec Noack, faire dériver la forme rectangulaire de la forme elliptique, comme on ramène celle-ci à la forme ronde : ce serait résoudre la quadrature du cercle par l’archéologie[12].

Le type quadrangulaire se prêtait à toutes sortes de progrès. Grâce à lui, rien n’était plus aisé que de se procurer de nouveaux locaux au fur et à mesure des besoins. Aussi devait-il faire disparaître à peu près complètement le type curviligne. Ce résultat toutefois ne fut pas obtenu partout avec la même rapidité. En Crête, l’ossuaire de Kastri présente un remarquable modèle de la simple cabane à murs rectangulaires, toute pareille encore à la maison de Magasa[13] ; mais il y avait déjà au temps du M. A. II, à Vasiliki, une maison rectangulaire qui contenait plus de vingt chambres communiquant facilement entre elles[14]. Dans les sites du continent, le plan rectangulaire n’atteignit pas de pareilles proportions avant la période mycénienne, et cependant il était connu dès le IIIe millénaire dans les bourgades de Corinthie, il fournissait à Dimini et à Sesclo des maisons en pierre à deux compartiments, il caractérisait la troisième ville d’Orchomène[15]. C’est que seul, ce type pouvait convenir à la juxtaposition indéfinie de chambres dans une maison, de maisons dans une ville, d’appartements dans un palais ; seul il pouvait obtenir la faveur précoce des Crétois. Il leur imposa toujours des plans très simples : dans le palais, une cour centrale et des courettes secondaires fixaient la direction de tous les murs ; dans la ville, ce furent, autant que passible, les avenues et les rues transversales.

Sur le continent, au contraire, quand on se décidait pour ce type, c’était comme à regret. De la Thessalie au Péloponnèse, longtemps le plan curviligne exigea du plan rectiligne de se prêter à une combinaison bizarre. Adaptée aux murs droits, l’abside fournit un type nouveau. Il eut dans la Grèce prémycénienne une singulière fortune, et on en trouve encore des spécimens au XVIe siècle à Thermos d’Étolie[16]. En Crète, la forme en demi-ellipse n’apparaît que dans les tombes rupestres, et n’a peut-être jamais été donnée aux maisons.

Parmi les traditions qui remontaient aux temps primitifs, une de celles qui persistèrent fut l’orientation donnée aux maisons, par conséquent aux palais et aux villes. L’habitation néolithique ayant en général son entrée tournée vers l’Este la tombe à tholos l’eut également, et la maison rectangulaire, le sanctuaire surtout, eut ses quatre murs dans le sens des points cardinaux avec la porte placée de préférence vers le soleil levant. Ainsi les maisons qui se faisaient suite s’alignaient le long de rues dirigées du Nord au Sud ou de l’Est à l’Ouest. La règle du carda, qui resta d’une application constante dans le plan du temple étrusque et du camp romain, était déjà suivie dans les terramares italiotes. Comme bien d’autres villes, la Roma quadrata était divisée en deux parties égales par une grande rue allongée du Nord au Sud, le cardo maximus. Chacune de ces moitiés était subdivisée en deux quartiers par une rue allant d’Est en Ouest, le decumanus maximus. Parallèlement aux rues principales, les cardines minores et les decumani minores, beaucoup moins larges, découpaient les quartiers en îlots. En Crète, l’orientation est observée, non seulement pour les habitations isolées, comme la maison néolithique de Magasa et une vieille maison de Haghia Triada, mais pour les édifices de Tylissos, pour les palais de Haghia Triada, de Phaistos, et pour le Grand et le petit Palais de Cnosse. Il faut cependant noter de légers écarts, tantôt vers le Nord, tantôt vers le Sud ; mais ces écarts n’ont rien d’anormal. Ils tiennent à la variation de l’amplitude ortive du soleil, c’est-à-dire de l’angle que fait la direction du soleil levant avec l’Est réel ; car les peuples anciens, à plus forte raison les peuples préhistoriques, n’avaient ni les connaissances ni les instruments nécessaires pour fixer l’Orient avec une exactitude scientifique. Quand les prêtres consultaient l’astre du jour pour déterminer l’axe du monde, quand ils voulaient marquer le templum pour attirer la bénédiction divine sur un édifice ou sur une ville à construire, la stricte observance des rites ne pouvait suppléer à une science insuffisante. Le cardo subit donc nécessairement une déviation plus ou moins forte dans les sites préhistoriques. Cette déviation a permis aux astronomes italiens de calculer les deux jours de l’année entre lesquels il faut choisir celui où furent inaugurées les habitations des terramares. En faisant, le même travail pour les villes et les palais de la Crète[17], nous constatons qu’on a dû en commencer la construction soit entre le 22 février et le 7 avril, soit entre le 6 septembre et le 21 octobre ; en fait, pour des raisons rituelles et pratiques, dans la première de ces périodes, au commencement du printemps. En tout cas, il faut reconnaître aux vieux Crétois l’esprit religieux que suppose l’application du cardo.

II. — L’ARCHITECTURE CRÉTOISE.

Les maisons des petites geins se composaient, en général, de fondations en moellons et de murs en brique séchée au soleil. Pour consolider la maçonnerie des gros murs, on y encastrait des madriers horizontaux. Comme revêtement, on employait un plâtre argileux. Le sol recevait un pavement de dalles, de galets, de ciment, ou était seulement en terre battue. Les plafonds étaient faits de joncs et de roseaux enduits de plâtre. Tous ces matériaux, sauf la pierre, ont disparu dans les ruines. Les briques se sont effritées, délayées, mêlées à la terre. Elles ne se sont conservées que dans les habitations incendiées. Le feu leur a donné alors une apparence de briques calcinées, une teinte d’un rouge brillant qui a valu à la partie basse de Palaicastro le nom de Roussdolakkos ; mais la preuve qu’elles n’étaient pas cuites, c’est que le mortier qui les liait a aujourd’hui la même couleur. Cependant les Crétois se servaient aussi de briques cuites. On en a trouvé à Gournia, à Zacro, à Palaicastro, à Phaistos. De types différents, elles mesurent en moyenne 40 centimètres de long et 30 de large sur 10 d’épaisseur. Elles rappellent par ces dimensions les grands carreaux de l’époque classique, ce qui n’est pas pour étonner, puisque le mot de πλίνθος, qui désigne la brique en grec, est d’origine préhellénique. Mais on se mit de bonne heure à bâtir en pierre. Dans les bourgades die Crète et à Phylacopi, des habitations très simples, les chambres les- plus infirmes sont souvent construites en petits moellons avec un mortier de glaise.

Les maisons bourgeoises des grandes villes nous sont connues, non seulement par ce qui en subsiste, mais mieux encore par un des documents les plus extraordinaires qu’ait laissés la Crète, une cinquantaine de plaques de faïence reproduisant avec minutie autant de façades différentes. Toutes ces maisons, qui datent du XVIIIe siècle, sont à plusieurs étages et sont éclairées par des fenêtres. Elles se ramènent à trois types. Les unes, sans doute en briques, sont entièrement crépies. D’autres sont en pierres de taille disposées par assises régulières et liées par d’épaisses touches d’argile. Mais les plus nombreuses sont remarquables par un large emploi du bois. Des madriers sont posas dans la langueur, à intervalles réguliers, et le plus souvent renforcés par des poutres transversales. Des chaînages et ces tues de poutres, qu’on laisse visibles à dessein, agrémentent la maçonnerie de bandes et de disques qui tranchent sur le reste par leur couleur sombre.

Dans les grands édifices, la brique est rare, et les matériaux de choix. Partout on dispose d’un calcaire fin et d’un gypse homogène qui a l’aspect de l’albâtre ou du marbre ; mais, tandis qu’à Cnosse on emploie l’un et l’autre dans le gros œuvre, à Phaistos on réserve le gypse aux murs de refend, aux jambages et à la décoration. La taille des blocs est très soignée, à arêtes vives. Les dimensions courantes atteignent de 1 mètre à 1m,50 de long, 50 centimètres de large et de 50 à 70 centimètres de haut. Sur des fondations solides, le coure inférieur forme quelquefois une plinthe saillante. Dans les premiers palais, la liaison est obtenue par un large emploi du mortier ; dans les seconds, les blocs sont jointoyés 1 sec avec une régularité parfaite. Par leur bel appareil, certaines parties des palais rappellent les monuments grecs du Ve et du IVe siècles. Pour plus de variété, il arrive qu’une plinthe supporte successivement trois assises en gypse et deux en calcaire. Le bois entre encore largement dans la construction des murs intérieurs : tantôt il encadre des sections rectangulaires de maçonnerie ; tantôt il supporte des assises de pierre[18]. Quelquefois on visait à l’économie : on reliait des parements de pierre par des traverses de bois fixées dans des mortaises et on remplissait l’intervalle d’un blocage ; par-dessus ce soubassement, la maçonnerie était en moellons soutenus de distance en distance par des poutres[19]. Ce mode de construction ne nuisait pas à l’effet ; car il se dissimulait sous un revêtement d’une perfection comparable à ce que les Romains ont fait de plus beau en ce genre. On avait tellement l’habitude de ce revêtement, qu’on l’appliquait même sur les pierres de i’appareil. Sur les murs intérieurs, il était formé dans certaines salles de couches de plus en plus minces d’un mortier de plus en plus fin ; la dernière, dont on unissait la surface à l’aide de lissoirs en marbre, était un excellent stuc à base de chaux éteinte, qui convenait parfaitement à la fresque. Le stuc servait au pavement dans le premier palais de Cnosse et fut remplacé dans le second par le gypse[20].

Un élément essentiel de la maison crétoise, celui qui a la plus influé sur la construction tout entière, c’est la couverture. La hutte ronde des temps primitifs avait reçu forcément un toit conique. Sur la maison rectangulaire, le toit continua parfois de se relever vers le centre, présentant avec ses quatre faces la forme d’un chapeau pyramidal[21] ; mais en général il s’aplatit horizontalement sur la surface à couvrir. Il était si commode d’étendre la couverture d’une portée sur toutes les chambres, et la terrasse convenait si bien à un climat chaud. Les maisons de Cnosse représentées par les plaques de faïence sont cubiques, avec une toiture souvent surmontée d’un lanterneau également cubique. Tandis que les gens du bord à Mycènes construisent le toit à double pente, les Crétois s’en tiennent à la terrasse méridionale. Chez les uns, l’habile artisan assemble les salives au faîte de l’édifice élancé, de façon qu’elles paissent résister à la violence des vents (et facilitent l’écoulement des pluies) ; chez les autres, on aménage le toit de façon à pouvoir, comme dans le palais de Circé, y monter par un escalier et y dormir au frais[22]. La plupart des dispositions particulières à la maison crétoise seront en rapport plus ou moins direct avec la forme plate du toit.

Les architectes crétois bâtissaient en hauteur dès les temps les plus reculas. On remarque souvent dans les rez-de-chaussée des chambres murées de toutes parts et sans ouverture : ce sont des celliers où l’on pénétrait de l’étage supérieur par une trappe et cane échelle on par un escalier intérieur. Des aménagements de ce genre existaient dans les plus vieilles maisons, à Koumasa, à Vasiliki, à Chamaizi plus tard, ils se retrouvent partout, en Crète et sur le continent. Gournia, bâtie sur une colline, présente des dispositions spéciales : on entre au rez-de-chaussée par unie parte de derrière, à l’étage principal par une porte de plain-pied sur la rue, et un escalier intérieur mène de l’un à l’autre. Ce qui est beaucoup plus remarquable, c’est que la maison bourgeoise, à en juger par les reproductions en faïence, avait fréquemment un second étage et parfois uns troisième avec lanterneau. Dans le palais de Cnosse, le rez-de-chaussée présentait partout, lors des feuilles, des débris qui ne pouvaient provenir que d’en haut : des fragments de fresque dans un cellier, d’autres sur un pavement au-dessus d’un porche, des bases de colonnes tombées dans un couloir, un bloc précipité sur une balustrade. Dans l’aile occidentale, le sanctuaire et les magasins étaient surmontés au moins d’un étage : on y accédait par de beaux escaliers qui partaient des cours, et le plan en est encore visible à certains murs du rez-de-chaussée, dont l’épaisseur serait démesurée si elle ne s’expliquait par la charge qu’ils avaient à supporter. Quant aux deux quartiers de la pente orientale, ils ne pouvaient communiquer avec la cotir centrale que parleurs étages supérieurs[23]. Dans le quartier S.-E., le grand escalier subsiste en partie ; une chambre du premier étage garde encore un banc de pierre au pied d’un mur et la trace d’une installation sanitaire correspondant avec celle du rez-de-chaussée ; au-dessus de la grande salle se voient encore des jambages de porte en pierre ; l’appartement de la reine renferme encore des marches de plusieurs escaliers : si bien qu’Evans a cru pouvoir reconstituer le plan complet de l’étage supérieur[24]. Pour le quartier N.-E., il faut admettre également l’existence d’un étage et peut-être de plusieurs étages assurant la symétrie des deux quartiers voisins[25]. Comme le palais, la Villa du roi avait un étage, desservi par quatre escaliers, dont deux à double révolution[26].

Pour supporter la pression de l’étage supérieur ou des combles, il ne suffisait pas de renforcer les murs d’appui, il fallait encore soutenir les poutres transversales. West à quoi servaient généralement les piliers quadrangulaires dressés au milieu des chambres sises au rez-de-chaussée. On a beaucoup discuté sur ces piliers. Il y en a peut-être qui n’ont jamais eu de fonction architectonique, et nous verrons quelle a été leur signification religieuse ; mais le plus grand nombre, même quand as sont environnés d’emblèmes rituels, ont une destination pratique. A Cnosse, le sanctuaire du Grand Palais renferme deux piliers, qui se dressent dans deux salles communicantes ; ils portent tous les deux le signe répété de la double hache, et l’un était entouré à sa base de petits godets à libations ; mais l’autre est creusé à la face supérieure d’entaillures où s’ajustaient les tenons d’une charpente. Dans le petit Palais il y avait de même une série de salles à pilier, une crypte remplie d’objets sacrés ; elle n’en devait pas moins soutenir l’étage supérieur. Le pilier avait un sens magique et une utilité technique. Il arrive fréquemment qu’il n’y ait pas trace d’accessoires sacrés dans l’emploi qui s’en faisait. On connaît un très grand nombre de maisons crétoises où rien ne dit que le pilier ait été autre chose qu’un pilier. Celui qui se dresse dans le palais de Phaistos au milieu du corridor des magasins ne peut passer ni pour un symbole ni pour un fétiche. Il y en a un à Cnosse, dans une salle de la Villa royale, dont le but est indiqué aussi clairement que possible : des entailles pratiquées dans les murs marquent la place des poutres qu’il supportait[27].

Il serait oiseux de chercher où a été inventé le motif architectural de la colonne et comment il s’est répandu. La colonne n’a pas d’inventeur. L’homme la trouvait dans la nature toute prête à prendre place dans la bâtisse. L’arbre est une colonne toute taillée. La première colonne est un simple tronc aiguisé par la base et planté dans le sol à la manière d’un pilotis[28]. Entré partout dans la construction primitive en bois, cet élément témoigne, chez les Crétois, d’une grande originalité.

On peut suivre chez eux une évolution assez nette : à l’origine, les supports intérieurs sont toujours des piliers carrés en pierre ; puis les piliers en pierre coexistent avec des colonnes rondes en bois ; enfin la forme ronde triomphe, d’abord en bois et plus tard en pierre. Cette évolution s’accomplit plus rapidement à Cnosse que dans les villes de province et sur le continent. Tant que la colonne fut en bois, elle eut un diamètre un peu moindre à la base qu’au sommet. Il semble que cette forme en tronc de cône renversé ait subsisté plus longtemps dans les monuments sacrés que dans les autres, comme si l’architecte s’était conformé à une règle religieuse ou, tout simplement, parce qu’il pouvait se contenter de poteaux pour des chapelles de dimensions exiguës et de hauteur médiocre. D’ailleurs, on savait donner au fût en bois une bonne solidité et en tirer des effets décoratifs. Il recevait sa charge sur un large coussinet et appuyait sa pointe sur un socle en pierre large et haut. Le socle était d’une matière polychrome, serpentine ou porphyre, brèche ou conglomérat fortement veinés ; le fût était souvent en bois de cyprès et paraît avoir été enduit de couleurs vives. Vers la fin du XVIIe siècle, dans les nouveaux, palais, on préfère un socle bas en gypse ou en calcaire uni, qui suffisait à un fût de pierre. Dès lors, où aime mieux aussi tailler le fût en cylindre parfait et le décorer au ciseau. Déjà dans le palais de Mallia, qui est tout entier du M. M., des colonnes octogonales présentent alternativement des listels, plats et des faces entaillées d’encoches à angles droits. Cannelures convexes, concaves, en spirales, on essaya de tout[29].

Quand l’architecture crétoise fut pourvue de tous ses moyens, elle adapta la colonne à des dispositions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Chez les Grecs, la toiture à double pente et le fronton qu’elle dessine imposent aux édifices une noble symétrie. Chez les Crétois, le toit en terrasse incite au libre jeu, de la dissymétrie. Comme la porte est le plus souvent placée près d’un angle, les colonnes de la façade n’ont pas besoin de la flanquer deux par deux ; comme les salles sont souvent ouvertes sur deux côtés consécutifs, les portiques qui les bordent peuvent être en équerre ; comme les courettes peuvent donner sur une ou plusieurs chambres, elles peuvent les éclairer par une ou plusieurs colonnades. Enfin, la superposition des étages permet de multiplier les colonnes le long des escaliers, pour qu’elles soutiennent ou décorent les volées et les paliers, tantôt isolées, tantôt groupées sur des balustrades. A cause de cette diversité même, il arrive assez souvent que les portiques des Crétois rappellent ceux des Grecs par le nombre pair des colonnes. Ainsi, à Phaistos, une cour carrée donne sur un péristyle à douze colonnes d’une symétrie parfaite ; à Cnosse une courette présente deux stylobates portant chacun deux colonnes ; de tous côtés, on voit des portiques à colonnes jumelles. On croirait parfois se trouver devant les trois sections d’une maison à mégaron, et la basilique de la Villa royale est divisée en trois nefs. Mais les colonnes rangées par paires prouvent seulement que les architectes crétois n’avaient ni le goût exclusif ni la passion de l’unité. Presque toujours, les baies et les nefs en nombre impair sont en rapport, si l’on peut dire, avec des ouvertures en nombre pair. Les courettes à deux colonnes donnent le Jour aux salles voisines par quatre baies. Jamais, quand les colonnes vont par paires, l’entrée principale d’une salle, ni même une entrée quelconque, n’est dans l’axe de l’entrecolonnement. On ne demandait donc pas un effet de symétrie aux colonnes jumelées ; on l’évitait même, par exemple quand on ne les plaçait pas vis-à-vis l’une de l’autre sur deux stylobates opposés. Aussi les colonnes sont-elles le plus souvent en nombre impair. L’accouplement, c’est l’exception. La règle, elle éclate aux yeux, dès qu’on aborde les grands palais, sous la forme du porche à colonne centrale. A Phaistos, la largeur des Propylées est coupée par un et par trois fûts ; à Cnosse, il y a une colonne sur les marches d’un escalier, il y a trois piliers dans le vestibule et un sur le seuil de la Salle du trône. lui disposition la plus curieuse peut-être et l’une des plus fréquentes, c’est celle ides colonnades à angle droit sur deux côtés d’une salle. En un mot, la liberté des combinaisons auxquelles se prêtait la colonne n’était contrariée par aucune tradition, aucun préjugé d’école ; elle donnait à des construction, uniformément rectangulaires une extraordinaire variété. Mais, en général, la nécessité de soutenir le toit horizontal par le milieu, et par conséquent de placer une colonne au centre de la façade, gouverne tout le plan de l’édifie et lui impose la division bipartite.

Un des traits qui montrent le mieux le peu de goût qu’a l’architecte crétois pour la symétrie, c’est la place de l’entrée. Repoussée par la colonne centrale, elle prend franchement son parti de ne pas occuper le milieu de la façade et va se loger prés d’un angle, généralement à droite. L’usage remonte loin : on l’observe déjà dans l’habitation néolithique de Magasa. Ce qui est remarquable, c’est qu’il ait passé de la cabane et de la grande maison à cet ensemble d’édifices qu’est un palais. A Phaistos comme à Cnosse, le porche de la façade occidentale se rapproche de l’extrémité ; dans le palais de Gournia et la grande maison de Palaicastro, celui de la façade méridionale se trouve vers le coin S.-E. Quant aux salles, nous avons vu, en examinant la place des colonnes par rapport aux portes, qu’elles ont presque toujours leur entrée prés d’un angle.

L’éclairage était assuré de deux manières souvent combinées, par des courettes intérieures ou puits de lumière et par des fenêtres. Les huttes rondes qu’on voit sur la boîte de Mélos groupées autour d’une cour ne pouvaient recevoir de lumière que par cette cour. La grande maison de Chamaizi avait peut-être des percées sur la façade à l’étage supérieur ; mais au rez-de-chaussée elle n’était éclairée que par une courette d’environ 20 mètres carrés. Dans les palais, les grandes cours ne suffisaient pas ; on y multiplia les courettes intérieures. Ces puits de lumière comptent parmi les éléments les plus originaux de l’architecture crétoise. Exposés à la pluie, ils ont des murs en calcaire dur, et la couche de béton ou les dalles qui en forment le pavement sont légèrement en pente, pour faciliter l’écoulement des eaux. Le plus souvent, ils sont ornés de colonnes et de balustrades, et c’est par un habile agencement de portes, de fenêtres et d’entrecolonnements que des rayons mêlés d’ombre sont envoyés dans les enfilades de vestibules et de salles. Ces effets de lumière devaient être charmants. Quant à l’importance des courettes dans le plan général des édifices, on en peut juger par ce seul fait : Evans en a reconnu cinq sur une surface de 200 mètres carrés. — Ce mode d’éclairage ne nuisait en rien à la percée des fenêtres. C’est un des plus précieux renseignements que nous donnent les plaques en faïence de Cnosse : il y a des fenêtres à toutes les maisons. Ces ouvertures oblongues sont souvent divisées en quatre parties par des croisillons et teintées d’un rouge vif qui figure des carreaux d’une substance translucide, sans doute du parchemin huilé. Les vestiges de fenêtres pareilles se voient dans toute la Crète, par exemple à Gournia et à Pseira, et même dans toute l’Égéide, par exemple à Thèra et à Orchomène. Comme on évitait les fenêtres de rez-de-chaussée sur façade, il ne s’en trouve à Cnosse que dans les cours intérieures ; mais là elles sont nombreuses et ont jusqu’à 3 mètres de large, de façon à bien éclairer les chambres, les couloirs et les escaliers. Aux étages supérieurs, ces ouvertures se répétaient, et il y en avait d’autres encore sur le dehors.

On ne peut pas nier catégoriquement que la maison crétoise ait jamais eu de foyer permanent. A Gournia et à Pseira, on voit quelquefois, placée dans un coin de chambre, une maçonnerie en demi-cercle, à plates-formes superposées, qui ressemble, dit-on, à l’âtre installé aujourd’hui encore dans beaucoup d’auberges crétoises[30]. Mais, en admettant que nous ayons là un type de foyer, comme ce foyer peut se loger n’importe où, il n’impose pas de règles précises à l’architecture, comme le foyer central des Mycéniens et des Grecs. La plupart du temps et probablement toujours, on se contentait d’un foyer mobile. On faisait la cuisine en plein air. Pour le chauffage, qui n’était nécessaire que quelques jours par an, on avait des braseros et des réchauds. Dans la maison de Chamaizi on a trouvé un plateau creux en argile à côté d’un tas de cendres. Un trépied découvert à Cnosse dans un sanctuaire servait sans doute à préparer les aliments offerts aux dieux. Les ustensiles de formes diverses étaient déposés dans les tombes, remplis de charbon ils permettaient aux morts de se nourrir et de se chauffer. Les vivants n’en usaient pas autrement.

Dans une île où les pluies se précipitent en trombes, les constructeurs appliquaient tous leurs soins au drainage. Au-dessous du premier palais de Cnosse était installé tout un réseau d’égouts. Les eaux de pluie recueillies sur les terrasses et les eaux-vannes des différents étages descendaient par de grosses colonnes, de véritables puits, dans des conduites souterraines fortement cimentées et, recouvertes de dalles plates. Les dimensions de ces égouts sont telles qu’un homme y peut circuler sans peine. On connaît assez bien la canalisation de l’aile orientale. Deux branchements venaient, après en parcours total de 80 mètres, se décharger dans un égout collecteur, qui descendait vers la rivière ; non sans recevoir en route de nouveaux affluents. Plus loin se trouvent deux bassins de pierre qui excitaient naguère l’admiration sous le nom de pressoirs d’huile : ce sont encore des têtes de drain. Les eaux des toits voisins y étaient apportées par des colonnes cimentées sur les murs, pour se déverser dans des conduites en pierre à section carrée qui les menaient par des branches coudées de terrasse en terrasse jusqu’à une gargouille en pierre ; au-dessous de la gargouille, une nouvelle canalisation aboutissait à un grand puits, d’ors un émissaire les jetait dans l’égout collecteur. Enfin, l’entrée septentrionale était suivie par un branchement qui emportait les eaux superficielles de la cour principale et des quartiers N.-E. et N.-O. Le même système de drainage était appliqué dans les villes aux maisons et aux rues. A Gournia, on se servait de cylindres en terre cuite. A Palaicastro, la canalisation témoigne d’un esprit inventif et pratique, par la variété des tuyaux droits ou courbes et par la combinaison des colonnes verticales et des cuveaux.

Nulle part, ni dans l’antiquité, ni au moyen âge, la science et l’art élu drainage n’ont été aussi loin. Voyez, par exemple, l’égout découvert en Palestine à Grézer[31]. Il est fait de jarres emboîtées, procédé rudimentaire. A Mélos, il est vrai, on avait des conduits un peu plus larges que hauts, dont le fond et le plafond étaient en dalles et les côtés en blocs grossiers ; à Tirynthe l’eau sortait de la salle de bains par un canal en terre cuite ; à Thèbes, on emboutissait des conduites demi-cylindriques[32]. Mais ici l’influence crétoise est certaine. Les Minoens seuls ont donné au problème du tout à l’égout des solutions variées et ingénieuses, qu’ils ont communiquées à leurs voisins, mais qui se sont perdues après eux.

Et voici ce qu’a imaginé de mieux cet art de faire emporter les ordures par les eaux de pluie. A Cnosse, dans l’appartement de la reine, il y avait au rez-de-chaussée une installation qui se répétait au premier étage. Un réduit est placé directement au-dessus de la canalisation, et communique avec elle par deux orifices. Une rainure dans le mur indique la place où s’encastrait un siège en bois qui s’élevait à 57 centimètres du sol. A certains détails on croit même reconnaître un système de clapet à bascule. De toute façon, l’ouverture sur les branchements souterrains assurait l’évacuation et la ventilation[33]. La reine de Cnosse avait des commodités que ne donneront pas à la reine de France toutes les splendeurs de Versailles.

Des ingénieurs aussi experts à traiter les eaux de surface et les eaux-vannes ne devaient pas être embarrassés pour fournir le palais d’eau de source. Y ont-ils songé ? L’eau de la rivière est trop chargée de gypse pour être potable ; les puits forés avant la construction du palais, ont été obturés alors, et l’on ne voit rien à Cnosse qui ressemble aux citernes qu’on a trouvées à Phaistos. Or, sur certains points du palais existait une canalisation toute différente de celle qui servait au drainage, et contemporaine de l’époque où les puits ont cessé d’être en usage. Elle se compose de tuyaux en terre cuite. Ces tuyaux ont été fabriqués et installés avec une maîtrise incomparable. Faits d’une argile fine et bien cuite, ils étaient liés par un ciment de si bonne qualité qu’il adhère encore aux jointures. De grosseur inégale aux deux bouts, ils étaient emboutis les uns dans les autres et munis de colliers d’arrêts. Ces tuyaux sont trop étroits pour le drainage : ils ont un diamètre de 17 centimètres au gros bout et de moitié seulement au petit. Cette différence augmentait la pression, sans doute, mais pas assez pourtant pour empêcher des tubes d’une aussi faible capacité d’être vite engorgés par les sédiments d’eaux boueuses et souillées. On peut donc conjecturer qu’ils servaient à l’adduction d’eau de source[34]. Précisément, à quelque distance au N. du palais, une voie romaine, construite par-dessus la voie minoenne, présente une double canalisation pour le drainage et l’adduction d’eau[35]. Pourquoi les romains n’auraient-ils pas imité le travail hydraulique aussi bien que le tracé de la route ? Pourquoi les eaux du mont Iouktas, que les Vénitiens et les Turcs ont continué d’amener à Candie après les romains, n’auraient-elles pas été amenées à Cnosse avant les romains ?

Ce n’est point par les hasards de l’empirisme que les architectes ont obtenu de tels résultats. Le palais de Cnosse a conservé un véritable monument de science hydraulique[36]. Un escalier qui descend vers la rivière est longé par une rigole. A chaque marche de l’escalier correspond une courbe convexe de la rigole : au lieu de tomber par une série de chutes verticales en cascatelles impétueuses l’eau glissait en décrivant des paraboles ; de degré en degré, le courant se brisait, et quand, arrivé au bas de l’escalier, il traçait un détour brusque, il avait perdu sa violence. A ce niveau, la rigole s’approfondissait pour former une sorte de bassin où l’eau s’apaisait encore et déposait ses impuretés, avant d’achever sa course par un angle droit. Aucune des lois qu’on doit observer quand on veut ralentir et clarifier des eaux courantes ne semble avoir échappé au constructeur de ce château d’eau.

Comment ces hydrauliciens insignes, ces spécialistes de l’installation hygiénique ont-ils aménagé des salles de bains aussi mal comprises que celles qui leur sont souvent attribuées ? Si les Crétois aimaient à se baigner comme les Grecs, encore faut-il que les locaux où ils satisfaisaient ce goût y puissent convenir. Au N.-O. du palais de Cnosse, un escalier d’une quinzaine de degrés, bordé d’une balustrade à colonnes, descend à une sorte de bassin à peu près carré : sur 2m,56 de long et 2m,45 de large, ce bassin a une profondeur d’environ 2 mètres ; les parois sont en blocs calcaires revêtus de gypse ; en gypse également est le soi. Dans la Salle du trône et dans la maison S.-E, se trouvent des bassins pareils, sauf que l’un est à ciel ouvert et que l’autre n’a aucune profondeur en contrebas de ses quatre marches[37]. Mêmes dispositions dans le Petit Palais, dans les palais de Phaistos et de Gournia, dans les maisons de Palaicastro. Ces locaux à bassin sont-ils vraiment des salles de bains ? Ils ne servaient pas, en tout cas, à prendre des bains complets. On avait, pour cela, des baignoires en argile, comme celles qui étaient placées dans l’appartement de la reine et dans la maison S.-E.[38] Servaient-ils du moins à prendre des bains de pieds à la mode orientale, ou des douches ? Comment se fait-il alors qu’ils n’aient pas été cimentés comme les courettes exposées à la pluie, qu’on y ait employé partout le gypse, si prompt à se déliter, et que ce gypse ne présente aucune trace de désagrégation par l’eau ? Ce qui est extraordinaire à Cnosse, c’est que les salles de bains, les vraies, ne soient pas, comme les latrines, mises en rapport avec la canalisation souterraine. Il y en a une à Tirynthe, dont la destination n’est pas douteuse, à cause de sa baignoire, de son pavement constitué par une énorme dalle de porphyre ; or, dans un de ses angles ut pratiqué un trou d’échappement. Pourquoi les architectes crétois n’ont-ils pas songé à une installation aussi commode et aussi facile à Cnosse et à Phaistos, quand c’est peut-être l’un d’eux qui travaillait à Tirynthe ? Sans répondre à cette question, on peut conclure que les bassins de pierre n’étaient pas des piscines ordinaires et devaient avoir un usage rituel.

III. — LES PALAIS CRÉTOIS.

Il ne faut point chercher dans les édifices crétois de conception grandiose, de proportions imposantes. A ne considérer que le plan des bâtiments, on ne voit pas de différences essentielles entre les maisons les plus vulgaires et les palais. Les formes rectangulaires s’ajoutaient les unes aux autres selon les besoins. Un seul et même système de construction s’applique sur une superficie plus ou moins grande. Une habitation fort médiocre à Palaicastro, en vient par le nombre des pièces à ressembler aux hôtels princiers, aux demeures royales. Mêmes dispositions indéfiniment répétées ; des chambres et des chambres, reliées par des couloirs. Aucun effort pour obtenir l’unité d’ordonnance ; les salles et les corps de logis se juxtaposent ou se superposent avec une irrégularité qui s’assujettit seulement à des nécessités pratiques. Même le palais de Cnosse ne fut d’abord qu’un groupe d’îlots compris dans une enceinte ; c’est en couvrant des ruelles pour en faire des corridors qu’on obtint un tout quand même hétéroclite.

Pour juger du niveau atteint par l’architecture crétoise et en goûter le charme, on doit d’abord oublier ces qualités intellectuelles d’ordre, de symétrie, d’eurythmie qui font l’incomparable beauté des monuments grecs. L’architecture crétoise ne s’est point appliquée à offrir aux dieux des temples dignes d’eux. Elle a voulu bâtir des maisons et des hôtels commodes, des palais fastueux, où le maître pût loger à l’aise toute sa famille, une domesticité nombreuse, les bureaux d’une administration complexe, et faire étalage de son opulence par l’éclat de ses réceptions. Ce qui donne une haute idée de l’habileté artistique avec laquelle tous les corps de métier surent combiner leurs ressources à l’appel de l’architecte crétois, c’est bien moins la majesté de l’ensemble, ou même la splendeur de la décoration extérieure, que la parfaite adaptation aux conditions du climat, une heureuse distribution d’ombre et de lumière, une aération !bien comprise, un drainage intelligent ; et puis la facilité de communication entre des appartements innombrables, les dispositions prises pour satisfaire un besoin tout moderne de confort, la somptuosité harmonieuse des ; détails ; enfin un goût sûr du théâtral et du pittoresque qui se complaît aux entrées monumentales, à l’élégante ordonnance des terrasses superposées et, partout, aux échappées sur de nobles paysages.

Voilà les qualités solides et originales que manifestent leva palais de Cnosse, de Phaistos et de Haghia Triada, quand on essaie ide se les représenter à l’époque où ils avaient pris leur aspect définitif.

Une légère éminence domine la vallée de Kairatos et les cyprès de La rive opposée ; au loin se profile le mont Iouktas. C’est Cnosse et son palais. Rien de plus compliqué, rien de plus simple. Une grande cour centrale, longue de 60 mètres et large de 29, est orientée du Nord au Sud ; cette orientation s’impose aux couloirs principaux, dirigés vers les quatre point, ; cardinaux et se communique de proche en proche aux différents corps de logis et à toutes les chambres. L’aile occidentale est coupée en deux par une galerie longitudinale (lui avait plus de 100 mètres dans le premier palais et a été réduite dans le second à la longueur de la grande cour ; cette galerie laisse d’un côté le sanctuaire et les appartements de réception avec la dalle du trône, de l’autre le trésor avec les longues rangées de magasins. L’aile orientale est coupée en deux dans le sens de la largeur par un corridor qui sépare les appartements privés des ateliers. Le quartier Nord-Est est occupé par des annexes ; le quartier Nord-Ouest, comprenant une grande salle supportée par onze forts piliers et une salle de purifications, est extérieurement flanqué du théâtre, où la loge officielle donne sur deux rangées de gradins dis posée, en équerre. Une bonne partie du quartier méridional est prise par les communs. Sur les quatre côtés de ce grand rectangle s’ouvrent des entrées surveillées en général par des salles de garde. Au Nord, où aboutit la route de mer, il faut passer entre des murailles redoutables pour franchir les deux portes en enfilade d’un Propylée, avant d’arriver à la porte intérieure. Au Sud-Ouest, un porche à une colonne donne sur un long corridor coudé, aux murs ornés de fresques, qui mène au Propylée Sud. Celui-ci s’ouvre entre deux colonnes sur une grande cour, au fond de laquelle un large escalier monte aux étages de l’aile occidentale. Au Sud-Est et au Nord-Est, des poternes donnent accès aux chemins de la rivière. — Tandis que les quartiers des appartements privés et des ateliers sont assis à flanc de coteau et tournés vers la vallée, tout le reste dei palais est au niveau de la cour centrale, Sur cette cour donnent deux à deux des escaliers, dont les uns montent aux étages supérieurs de l’aile occidentale, dont les autres communiquent de plain-pied avec les étages supérieurs de l’aile orientale et descendent aux rez-de-chaussée. L’escalier du quartier Sud-Est, le mieux conservé, a vraiment grand air, avec ses balustrades à colonnes et ses degrés larges d’environ 2 mètres ; par cinq volées il s’élevait jadis jusqu’au-dessus de la cour, et c’est par le quatrième palier que s’établissait la communication. Vu de la rivière, le palais présentait donc une série de terrasses en gradins qui dissimulaient l’espace vide de la cour. Chacune des deux ailes principales a sa salle d’apparat. Dans le quartier des sanctuaires, après un vestibule à quatre ouvertures, ou entre par une double porte dans la Salle du trône : ici Minos, au sortir du bassin lustral, prend place sur son siège en gypse, au milieu des prêtresses ou des ministres assis sur des banquettes basses, sous l’œil des griffons peints sur le mur. Dans le quartier privé, les appartements de la reine, avec leur salon, leurs chambres à coucher, leurs salles de bains, leur trésor, sont commandés par la grande Salle aux doubles haches : là le roi vient s’asseoir sur un trône adossé à une paroi, dans la lumière du soir tamisée par les colonnes d’une courette ou dans l’éclat du soleil levant amorti par un large péristyle.

Comme le château de Versailles est complété par le Grand et le Petit Trianon, le Grand Palais de Cnosse l’est par le Petit Palais et la Villa royale. A l’Ouest du théâtre, une route mène, au bout de 300 mètres, à une hauteur où s’élève le Petit Palais[39]. Il présente une façade de 35 mètres. Au rez-de-chaussée, la pièce principale, précédée d’un péristyle, est une réplique de la Salle aux doubles haches. Du côté opposé, à 200 mètres du Grand Palais, la Villa royale[40], enfoncée dans une tarte entaille ide la roche, a vue sur la vallée par-delà les jardins. Deux escaliers doubles desservent l’étage supérieur. La grande salle, longue de 11m,50 et large de 4m,55, est soutenue par une double rangée de piliers. Elle est coupée en deux parties inégales par une balustrade de pierre ornée de colonnes. Une ouverture pratiquée dans le, milieu de la balustrade donne accès par trois marches à la partie postérieure. Au fond de cette estrade, qu’éclaire obliquement une courette, une niche ménagée dans le mur encadre un trône en gypse. C’est dans cette salle que, d’après Evans, Minos rendait la justice. En tout cas, avec sa division longitudinale en trois nefs, cette salle pourrait bien être le lointain prototype de la stoa basilikè où siégeait le roi d’Athènes et de la basilique que Rome a transmise ait moyen gage.

Phaistos est située à l’extrémité d’un chaînon. Au-dessous, les oliveraies de la Messara ; à l’horizon, les cimes longtemps neigeuses du mont Ida. Le palais est bâti sur une Acropole à quatre niveaux[41]. L’architecte a si habilement triomphé de cette difficulté, qu’il en a tiré des effets de perspective et de symétrie. L’entrée d’honneur, qui est à l’Ouest, est la plus grandiose qui existe en Crète. A l’extrémité d’une grande esplanade bord par la façade principale, on longe pendant 25 mètres les gradins du théâtre, avant d’arriver au bas d’un escalier monumental : par des marches larges de 13m,75 on monte au perron des Propylées, où une colonne centrale ménage deux passages et qu’éclaire au fond une courette à colonnade. Du même côté, une entrée plus modeste donne sur un corridor qui est au deuxième niveau et qui, d’Ouest en Est, conduit de plain-pied à la cour centrale, en passant devant un corps de garde. La cour a identiquement la même orientation qu’à Cnosse, et, quoique moins spacieuse (46m,50 sur 22m,50), elle a les mêmes proportions. Un grand nombre d’escaliers mènent d’un niveau à l’autre. Au Nord du grand corridor sont placés les magasins, où l’on accède par l’Ouest de la cour en suivant un vestibule à colonnade et un couloir à pilier. Au Sud s’étend le quartier où sont logés les gens de service et peut-être les hôtes ; il se termine par une sorte de balcon — belvédère ou guette — d’où l’on observe facilement les routes de la mer. L’aile orientale présente en façade sur la cour un long portique à colonnes alternativement rondes ou carrées ; elle donne, par derrière, sur une grande esplanade où se trouve un four à potier. Le quartier septentrional, bâti au niveau supérieur, est celui de la famille royale. Il a une entrée spéciale au Nord, avec une porte monumentale, et un escalier particulier permet au roi de descendre directement au bas de l’escalier d’honneur et au théâtre. De toutes parts, s’étendent ici des appartements aux salles flanquées de portiques, et le centre est marqué par un beau péristyle à douze colonnes. D’en haut, le maître a vue sur tout son palais et sur toute la campagne d’alentour.

Si le palais de Phaistos est surtout remarquable par le dehors, le palais de Haghia Triada[42] vaut surtout par sa décoration intérieure et sa richesse en objets d’art. Cependant il présente en raccourci et souvent avec bonheur tous les traits de Architecture crétoise. Ce ne fut d’abord qu’une villa princière, dans un joli site qui ressemble à celui de Phaistos, avec la mer plus proche. Mais, au M. R. I, les maisons voisines furent abattues et, après un nivellement général, la villa prit tout l’emplacement et se changea en palais. L’accès par un escalier, la disposition en équerre qui se propage des portiques aux deux ailes, la fréquence de la division bipartite, les salles à piliers, les puits de lumière, la courette à colonnes alternativement carrées ou rondes, tout rappelle les palais de Phaistos et de Cnosse, jusqu’à ce petit appartement qui fait penser à la Salle du trône et à ses annexes.

IV. — L’ARCHITECTURE CRÉTOISE ET L’ARCHITECTURE MYCÉNIENNE.

Ainsi, par l’histoire de l’habitation, par l’analyse des éléments architecturaux, par la synthèse qui s’offre à nous dans les palais, nous avons vu comment l’architecture minoenne a produit et développé un type nouveau. Entre la maison crétoise et la maison égyptienne il y a des rapports qui frappent les yeux : la forme cubique, l’absence de foyer permanent. Ces rapports ne sont pas tels toutefois, qu’ils ne s’expliquent par la similitude de climat. Les différences sont profondes. La maison crétoise n’est pas une villa entre cour et jardin, mais un immeuble de ville contigu à d’autres immeubles et donnant sur la rue. Elle n’est pas toute en ouvertures ; au lieu de trois portes, elle n’en a qu’une ou deux. Elle n’a pas d’auvent, à cause des ouragans annuels. C’est l’habitation qui convient dans un climat déjà moins chaud et plus inégal. Est-ce donc que la maison crétoise a les mêmes origines que la maison septentrionale dont les Mycéniens ont légué le modèle à la Grèce future ?

Telle est bien l’opinion que les archéologues ont soutenue tout d’abord, soit pour faire remonter le type crétois au type continental, soit pour établir une filiation inverse[43]. Mais aujourd’hui on admet généralement qu’entre les deux systèmes il y a des différences radicales, qui tiennent aux climats, où ils ont pris naissance[44]. Ce sont bien, en effet, des dispositions nordiques, nullement crétoises, qui apparaissent dans la seconde moitié du IIIe millénaire à Troie II et en Thessalie, pour reparaître vers 1600 à Mycènes et à Tirynthe, avant de se propager pendant le XIVe siècle à Mélos et même en Crête.

A Troie II, quand on a traversé deux cours communiquant par un porche, on se trouve devant un groupe de constructions parallèles et indépendantes, à façade étroite. La plus grande est trois fois plus longue que large ; les autres, quatre fois. Elles donnent toutes sur la cour par un vestibule carré ouvert sur toute sa largeur. Du vestibule on passe par une porte centrale dans une salle à foyer central, qui est quelquefois suivie d’une chambre plus petite[45].

Nous avons là le spécimen le plus ancien du type qui va se perfectionner sur le continent européen. Le porche entre deux cours deviendra le propylée. Le vestibule continuera de faire arriver aux salles intérieures l’air et la lumière de la cour, tout en protégeant la première de ces salles contre la pluie et le soleil ; tuais la couverture à double pente devra, sur une bâtisse à dimensions plus amples, avoir d’autres appuis que les avancées des murs latéraux : le vestibule deviendra le prothyron à colonnes entre les antes, dont la di vision tripartite se communique à tout l’édifice. Alors l’appel d’air provoqué par le foyer central à travers la porte centrale sera trop fort, et la salle principale ne sera pas assez chaude en hiver : on la repoussera au fond, derrière la petite chambre ; pour assurer la ventilation et l’éclairage, on percera le toit d’un lanterneau, et, pour le supporter, on placera quatre colonnes sur les dalles du foyer : ou aura ainsi le prodomos et le mégaron. Tel sera le type continental au terme de l’évolution.

On le reconnaît, avec une entrée unique et centrale, dans le palais érigé par les maîtres de Mycènes au sommet de l’Acropole. Mais c’est à Tirynthe qu’il apparaît avec le plus de netteté, en plusieurs exemplaires. Bâti sur la terrasse supérieure d’une colline escarpée, le palais de Tirynthe domine toute la plaine, comme un nid d’aigle. Pour y pénétrer, on gravît une rampe extérieure, le long d’une enceinte formidable ; la porte franchie, on suit sur une distance de 75 mètres un couloir emprisonné entre la muraille extérieure et une autre presque aussi puissante. On parvient ainsi aux grands Propylées, profonds de 13 mètres ; mais, quand on les a dépassés, on n’est encore que sur une esplanade, qu’il faut traverser pour se trouver, en faisant demi-tour à droite, devant les colonnes des petits Propylées. Là commence vraiment le palais. Après les Propylées, on arrive à la cour intérieure à quadruple portique, dont l’entrée est marquée par un autel. Au fond, le vestibule à deux colonnes mène par trois portes à la première chambre, ornée d’une frise d’albâtre. Une seule porte s’ouvre sur le grand mégaron. Reconnaissable à son foyer rond encadré de quatre colonnes, il a, sur 12 mètres de long et 10 mètres de large, un magnifique pavement peint, dont les dessins en carreaux alternés s’interrompent au milieu du mur de droite pour marquer la place du trône ; peut-être était-il aussi décoré de belles fresques avec personnages de grandeur naturelle. Ce mégaron n’est qu’une salle d’apparat avec antichambre. Les autres, à côté, sont plus petits. Comme chacun forme un tout, les communications sont très malaisées. Pour en établir une directement entre le mégaron du roi et celui de la reine, il eût suffi de percer une porte dans le mur de droite du grand mégaron ; cette porte n’existe pas. Il n’y en a qu’une dans le mur de gauche du prodomos : elle donne sur un couloir, auquel les murs extérieurs des mégara font décrire force angles droits, et sur un dédale de petites chambres à coucher, au milieu desquelles une énorme dalle de 4 mètres sur 3 indique la place de la salle de bains. Dans ce palais, où règne cependant le luxe, la commodité de circulation est entièrement subordonnée à la nécessité de conserver le mégaron clos à foyer fixe.

Nous pouvons maintenant comparer, en connaissance de cause, le palais crétois et le palais continental. Le palais crétois est composé de chambres groupées autour d’une cour centrale sans ordre apparent, niais avec de grandes facilités de communication ; le palais continental a pour élément essentiel le mégaron, indépendant et isolé. L’agrégation progressive de chambres nouvelles au bâtiment primitif, il n’est guère possible qu’avec une toiture plate, la terrasse où l’habitant des pays chaude aime à passer les nuits d’été ; l’allongement régulier du mégaron permet d’assurer l’écoulement des eaux, par une couverture à double appentis. Conséquence immédiate : la terrasse a besoin d’un support central et, s’il ne suffit, pas, de supports subsidiaires à droite et à gauche, donc dune ou de trois colonnes, ce qui entraîne la division bipartite de la façade ; le toit à pente double porte sur les antes, qui sont soulagées par des colonnes placées symétriquement en nombre pair, ce qui entraîne la division tripartite du front et du mégaron. — La maison crétoise est large sans profondeur, de manière à s’ouvrir le plus possible au plein air avec ses deux portes d’entrée, sur le long côté ; la maison continentale est profonde, avec entrée unique sur le petit côté, de manière à conserver la chaleur dans la mauvaise saison. — Pas besoin de foyer fixe dans les petites chambres disséminées de la maison méridionale ; le mégaron allongé doit recevoir, au centre, sur des dalles, de pierre le foyer où brûle le feu perpétuel. Ce foyer central a pour complément nécessaire une installation, servant au dégagement de la fumée : sur le cercle de dalles qui en marque la place, quatre colonnes disposées en quinconce supportent la partie du toit où un fenêtrage provoque un appel d’air. — Un pareil agencement oppose un sérieux obstacle à la construction d’étages supérieurs, construction que favorisent, au contraire, chez les Crétois, la nécessité de bâtir sur les pentes et l’habitude de multiplier les pièces même sur un espace restreint. — Pour faire pénétrer dans leurs maisons l’air et le jour, quand la cour centrale ne suffit pas, les Crétois laissent à découvert le plus grandi nombre possible de courettes ; mais, pour éviter les courants d’air violents, ils ouvrent volontiers les salles sur deux côtés consécutifs, installent les portes près des angles sans les faire correspondre et, dans les enfilades de portiques, de vestibules et de chambres, au lieu de continuer les baies par les baies en longues nefs, placent les colonnes dans le prolongement des entrecolonnements comme des brise-vent. Pour protéger leur mégaron contre les intempéries, les Mycéniens se résignent à n’y introduire la lumière que par les portes, par le lanterneau central dont les ouvertures sont si étroites qu’elles n’empêchent pas la fumée de noircir le plafond, par les vides laissés entre les tètes des poutres qui supportent la charpente des combles.

De tous ces contrastes se dégage une conclusion certaine. Les palais de Mycènes et de Tirynthe auront beau emprunter à la Crète dies aménagements accessoires et toute leur décoration, ils auront beau transformer des supports grossiers en colonnes, traiter la cour d’entrée à la manière de la cour centrale ou des courettes d’éclairage, offrir à de royales spectatrices des loges ornées de doubles haches et montrer de toutes parts su ‘ r les murs le luxe exotique des fresques ; entre les principes d’architecture appliqués en Crète et le système continental du mégaron à foyer fixe, la différence est profonde, absolue, originelle. Elle est causée par la différence de climat, non pas celle qui existe entre Cnosse et Mycènes, niais celle qui existe entre la Crète et les pays lointains où habitaient les Achéens avant de s’établir en Argolide. Ici on a tout simplement accommodé à des besoins locaux un mode de construction imaginé bien plus au Nord ; là on a créé spontanément l’habitation la mieux appropriée à l’île la plus méridionale de la Méditerranée.

 

 

 



[1] Voir MACKENZIE, BSA, XI, 181-223 ; XII, 216-67 ; XIII, 423-46 ; XIV, 343-422 ; DŒRPFELD, AM, 1906, 257 ss. ; 1907, 575 ss. ; NOACK, LXII, LXIII ; LEROUX, XLVI, ch. I-IV ; FIMMEN, XXV, 39-54.

[2] ESCHYNE, Prométhée, 452-3.

[3] Odyssée, IX, 106 ss.

[4] MA, XIX, 141 ss.

[5] BSA, XI, 263, fig. 2.

[6] Voir MACKENSIE, BSA, XIV, 345 ss. ; MODESTOV, LV, 163, 330 ; LEROUX, XLVI, 2 ss.

[7] LXXXVIII, 115 ss. ; XXV, fig. 49 ; V, 19 ss.

[8] IV, 1, 11.

[9] AM, 1913, 84 ss., 334 ss.

[10] Cf. XXV, fig. 39 ; XX, fig. 32.

[11] V, 34 ss.

[12] NOACK, LXIII, 51 ss. ; cf. LEROUX, XLVI, 7-8, 20, 30.

[13] BSA, XI, 270, fig. 4, 2.

[14] XL, pl. XII, 49 ; cf. XX, 71-2.

[15] III, 75 ; LXXXIX, fig. 18, 22 ; V, 53 ss.

[16] XCI, 37 ss. ; V, fig. 9 ; III, fig. 110-1 ; AM, 1913, 96 ; 1908, 188 ss. ; ΑΔ, I, 225 ss. ; II, 178 ss.

[17] Je dois les plus vifs remerciements à M. Andoyer, qui a bien voulu me fournir les données nécessaires à ce calcul.

[18] Cf. XX, 347 ss., 306, 334, 364.

[19] Cf. X.LII, 177.

[20] Cf. XXXVII, 117 ; LVII, 130 ss. ; XX, 351.

[21] XXVI, 96 ; MA, I, 11 ss., pl. II.

[22] Iliade, XXIII, 712-3 ; Odyssée, X, 554-8.

[23] XX, fig. 237-8, 245-7.

[24] Ibid., fig. 240 ss.

[25] Ibid., 182 ss.

[26] BSA, VIII, 133, fig. 86.

[27] BSA, IX, 150-1, fig. 90 et pl. I.

[28] LEROUX, XLVI, 38 ss.

[29] BCH, 1921, 538 ; XVIII, fig. 77.

[30] SMAGER, LXXXI, 16 et pl. I, 15, 1.

[31] XC, fig. 46-7 ; cf. VI, 9, 104, n. 1.

[32] XXI, fig. 36, 42, pl. II ; LXVII, fig. 87 ; XLI, fig. 192.

[33] XX, fig. 172 ; cf. fig. 244.

[34] EVANS, XX, 141 ss. ; cf. MOSSO, LVII, 90-1.

[35] BSA, X, 53, fig. 18.

[36] Ibid., VIII, 111-4, fig. 67-8.

[37] XX, fig. 291-4, 2, 418.

[38] Ibid., fig. 418-9, 424 ; cf. XXXVII, fig. 43.

[39] Voir EVANS, XVIII, pl. VII.

[40] Voir EVANS, BSA, IX, 130 ss., pl. I.

[41] Cf. PERNIER, ASI, I, 363 ss.

[42] Voir HALBHERR, MA, XIII, 5 ss. ; MIL, XXI, V, 235 ss.

[43] Cf. DŒRPFELD, 04, 190, 257 se ; 1907, 576 88. ; MACKENZIE, BSA, XI, 181

[44] Cf. NOACK, LXII, 19 ss. ; LEROUX, XLVI, 117 ss.

[45] X, fig. 23 ; cf. LXXXVIII, fig. 11, 18 ; XCI, fig. 137.