I. — ÉTRANGERS ET CITOYENS. La vieille conception d’après laquelle l’étranger ne cesse d’être un ennemi (έχθρός) que si on le reconnaît comme hôte (ξένος) a laissé bien des traces dans la Grèce des temps classiques[1]. Le droit pour une cité d’opérer des razzias (συλάν) en enlevant les personnes (άγειν) et les liens (φέρειν) sur le territoire d’une autre cité demeurait intact tant qu’une convention formelle et bilatérale n’y faisait pas obstacle. On l’exerce sans scrupule chez les peuplades grossières du Nord-Ouest[2] ; nulle part on ne se fait faute d’y recourir quand urge réclamation jugée légitime ne reçoit pas de réponse satisfaisante, surtout quand on se dit en état de justes représailles et fondé à prendre des gages (ρυσιάζειν). A l’intérieur de chaque cité, les étrangers n’ont flue des droits fortement limités, même si leur condition est déterminée, non pas seulement par la loi, nais par un traité, même s’ils sont fixes a jamais dans la cité comme métèques. Tels sont toujours les principes ; mais la rigueur en est tempérée tant en droit international qu’en droit publie, sans toutefois qu’il soit porté atteinte à la souveraineté de l’État[3]. Des coutumes qui prenaient rang parmi les lois non écrites[4], les lois communes des hellènes[5], et qui, par conséquent, étaient placées sous la protection des dieux[6] réglaient le droit de la guerre. Les hérauts, que le caducée rend inviolables, y jouent un rôle important[7] : une guerre n’est juste que déclarée par eux[8], eux seuls peuvent se porter entre les belligérants comme parlementaires et donner un caractère sacré aux négociateurs envoyés chez l’ennemi[9]. Après la bataille, les vainqueurs érigent un trophée où ils suspendent les armes des vaincus. Ce trophée est un poteau ou une simple branche d’arbre ; il ne doit pas être en pierre ou en bronze, pense-t-on, pour ne pas perpétuer la haine[10]. Belle application de l’adage grec : Traite ton ennemi comme s’il devait devenir un ami. Les vaincus reconnaissent d’ordinaire leur défaite en demandant un armistice pour ensevelir leurs morts[11]. Les vainqueurs ne peuvent rejeter cette demande que si elle prient d’une armée sacrilège[12], et, quand elle n’est pas faste par raison majeure, c’est à eux d’enterrer les ennemis tombés[13], Lorsqu’une ville se prend, son sort est 6xé par les termes de la capitulation ; mais la règle vent qu’à la guerre les suppliants aient la vie sauve[14]. Lorsqu’une ville est prise d’assaut, tout y est à la discrétion des vainqueurs, corps et biens[15] : les hommes sont passés au fil de l’épée, les femmes et les enfants spin réduits eh servitude[16]. En ce qui concerne les prisonniers, on procède d’abord à un échange[17] ; ceux qui restent en surnombre sont le plus sauvent rachetés par leur cité ou pair des particuliers[18], faute de quoi ils sont vendus comme esclaves[19]. Pour le partage du butin, on se conforme à une tradition qui remonte aux temps homériques, non toutefois sans que le prélèvement de la dîme réservée aux dieux suit de plus en plus considéré comme obligatoire[20]. Comme bien Van pense, les règles de clémence et de modération sont souvent violées, surtout à l’égard d’un peuple qui a fait défection. Mais, d’autre part, en pleine guerre du Péloponnèse, des généraux athéniens ou spartiates refusent d’aller jusqu’au bout de leur droit, par exemple, de réduire en servitude des Grecs[21]. La religion n’est pas non plus sans influence sur le droit de la guerre. On admet que les temples sont inviolables, à condition de ne pas être utilisés pour un but militaire[22]. La trêve de Dieu (έκεχειρία), proclamée par les spondophores[23], protège les pèlerins qui se rendent aux fêtes panhelléniques contre tout acte d’hostilité, même en pays occupé par une armée belligérante. De plus, les Doriens du Péloponnèse sont d’accord pour ne jamais entrer en campagne pendant le mois sacré des Carneia. Ils s’abstiennent même de marcher contre une cité dans l’intervalle qui s’écoule entre l’annonce et la célébration de sa fête : scrupule dont certains abusent parfois, en donnant un coup de pouce à leur calendrier de façon à pouvoir demander la remise d’hostilités qu’ils redoutent[24]. Tant que la guerre parut l’état naturel des relations entre cités, les traités de paix n’étaient que des suspensions d’armes, et les traités d’alliance eux-mêmes n’offraient pas de garanties bien solides[25]. Ce fut un progrès d’assigner aux traités une durée qui pouvait, il est vrai, n’être que de cinq ans[26], maïs qui était plus fréquemment de trente[27], de cinquante[28], ou même de cent ans[29]. Ce fut surtout un beau rêve de penser à une paix perpétuelle (είς τόν άεί χρόνον)[30]. On essayait pourtant de régler les conflits par les voies pacifiques. Les différends entre cités étaient quelquefois soumis à un arbitrage[31]. Déjà vers la fin du VIIe siècle ou le début du VIe, les Athéniens et les Mityléniens demandaient au tyran de Corinthe, Périandre, de régler leur conflit au sujet de Sigée[32]. Les Corinthiens et les Corcyréens confièrent à Thémistocle le soin de juger leurs prétentions sur Leucade[33]. Le plus souvent les cités en désaccord prenaient pour arbitre, taon pas un personnage illustre, mais une tierce cité (πόλις έκκλητος) ou, dans certains cas, le sacerdoce de Delphes[34]. Athènes et Mégare, qui se disputaient Salamine, chargèrent Sparte de les départager ; cinq Spartiates se prononcèrent en faveur d’Athènes[35]. En général, Ies traités de paix et d’armistice conclus dans la seconde moitié du Ve siècle entre les Lacédémoniens et les Athéniens stipulaient qu’en cas de dissentiment ils auraient recours aux voies de droit, eux et leurs alliés[36]. Par le traité de 418, les Lacédémoniens et les Argiens s’obligeaient à soumettre tout litige, de quelque nature qu’il fût, au jugement d’une tierce puissance[37]. Malheureusement, comme l’arbitre n’avait à sa disposition aucun moyen de contrainte, la partie déboutée ne voulait pas toujours s’exécuter. Thèbes, après avoir demandé aux Corinthiens de vider son différend avec Athènes au sujet de Platées, rejeta le jugement qui lui était défavorable[38]. Nous voyons aussi les Éléens décliner un arbitrage proposé par Lépréon sur une question de dettes[39]. Ce sont des faits comme ceux-là qui expliquent peut-être que l’arbitrage international ait disparu au IVe siècle pour ne reparaître qu’à l’époque hellénistique. Du moins faut-il reconnaître l’efficacité durable des conventions plus modestes qui avaient pour but de mettre un terme aux vexations de tout genre dont les commerçants étaient victimes quand ils se hasardaient dans une ville étrangère sans garantie. Il arrivait encore au Ve siècle qu’une cité fût obligée de conclure un traité avec une cité voisine à l’effet de protéger ses ressortissants contre les violences et de leur assurer tau cas de besoin un droit de recours aux magistrats et aux tribunaux. C’est ce qu’on appelait un traité d’asylia. Nous avons conservé un document de ce genre, par lequel deux gilles lie la Locride occidentale, Chaleion et Oianthéa, mettent fin vers 450 à un régime séculaire de représailles[40]. L’entente, au lieu de se faire directement entre les deux cités intéressées, pouvait être due à l’intervention d’une tierce cité agissant comme métropole commune : c’est le cas d’Argos accordant Cnossos et Tylissos[41]. Il fallut même, au commencement du siècle, l’injonction d’un satrape pour contraindre les villes d’Ionie à s’assurer les bienfaits d’une mutuelle sécurité[42] : il n’y a peut-être pas un fait dans toute l’histoire des Grecs qui montre plus fortement leur goût pour l’autonomie et la conception qu’ils s’en faisaient même sous la domination étrangère. Par ces traités rudimentaires d’asylie, les cités grecques apprirent à conclure de véritables traités de droit international privé, des symbolai ou symbola[43]. La grande difficulté venait de ce que le droit d’ester en justice était en principe un des privilèges réservés aux citoyens. On s’était trouvé en face de cette difficulté dés le moment où de fortes colonies de métèques s’étaient formées dams les cités commerçantes. On l’avait résolue alors en mettant les métèques sous la juridiction d’un magistrat spécial, un cosme en Crète, le polémarque à Athènes. Mais, si l’on ne pouvait pas placer les métèques comme justiciables au rang des citoyens, on ne voulait pas non plus assimiler aux métèques, établis à demeure dans le pays, tous les étrangers de passage, tous ceux qui s’y arrêtaient juste le temps de régler une affaire, de charger ou décharger une cargaison. Les villes commerçantes se rendirent compte qu’elles avaient un commun intérêt à combler cette lacune. De là ces conventions (σύμβολα) qui avaient pour objet essentiel de régler la procédure applicable à des espèces nettement déterminées (δίκαι άπό συμβόλων), à savoir : 1° les litiges commerciaux survenus entre sujets des deux parties contractantes ou bien entre l’une et les citoyens de l’autre ; 2° les délits qui mettaient aux prises comme demandeur et comme défendeur des sujets de l’une et l’autre cité. Ces conventions, dont nous avons de bons exemples pour le Ve siècle[44], traitaient donc de matières spéciales, on pourrait dire professionnelles[45] ; c’est pourquoi l’Ecclésia d’Athènes, quoique habituée à délibérer sur les affaires étrangères, se contentait de les adopter pour la forme et les renvoyait pour examen approfondi à un tribunal d’héliastes siégeant sous la présidence de thesmothètes[46]. Elles remettaient en règle générale, le jugement au tribunal de la cité à laquelle appartenait le défendeur. Les Athéniens du Ve siècle étaient ainsi souvent obligés de plaider dans des villes mal disposées pour eux ; ils décidèrent par de simples décrets que les litiges commerciaux entre Athéniens et sujets de l’empire seraient dorénavant vidés par les tribunaux athéniens sous la présidence du polémarque, s’ils résultaient de contrats conclus à Athènes[47]. Sauf cette exception qui s’explique par les circonstances politiques et par la suprématie du commerce et du droit commercial athéniens, on peut dire que les règles en usage dans les symbola et dans la procédure qu’ils instituaient dénotent un esprit large et vraiment international. Au lieu de se prévaloir de traités applicables à tous les citoyens de deux villes, les étrangers pouvaient voir leur condition améliorée par des mesures individuelles et unilatérales. Chaque ville, en effet, conférait plus ou moins libéralement aux forains des privilèges plus ou moins avantageux. Il y avait des décrets, missi bien que des conventions d’asylia[48], et l’asylia était complétée par l’asphaleia, c’est-à-dire l’inviolabilité de la personne par celle des biens. Le droit d’acquérir des immeubles, terres ou maisons (enklèsis)[49], l’exemption des impôts et prestations incombant spécialement aux étrangers (aléleia) ou le droit d’acquitter les impôts et prestations sur le pied d’égalité avec les citoyens (isotéleia)[50] ne s’obtenaient que comme récompenses de services rendus. Niais le plus grand honneur qui pût échoir à un étranger était la proxénie[51]. Pendant des siècles, c’était en même temps une charge. Ces hommes d’une cité, particuliers ou ambassadeurs, avaient besoin, quand ils étaient de passage dans une ville, d’y trouver quelqu’un qui leur fournît aide et assistance. A cet hôte public, sorte de consul, la cité témoignait sa reconnaissance en lui donnant le titre de proxène, qu’elle rehaussait, quand il s’agissait d’un grand personnage, en y ajoutant celui d’évergète du bienfaiteur. Comme le titre était héréditaire, comme il fut accordé par la suite à plusieurs citoyens d’une même ville, comme celui qui en était revêtu allait souvent s’établir dans sa seconde patrie, la proxénie ne fut plus guère qu’une distinction honorifique. Elle n’en avait pas moins joué un rôle important dans les relations internationales, et elle ne cessa jamais d’assurer à quelques étrangers de marque la situation la plus relevée que des hommes pussent avoir dans une cité grecque quand ils n’étaient pas citoyens. Et citoyens, les proxènes pouvaient le devenir plus facilement que tous autres. Quelle est donc la limite précise qui sépare les étrangers de tout rang, métèques ou non, des citoyens ? Comment le droit de cité peut-il être concédé à ceux qui ne le possèdent pas de naissance ? On observe souvent d’apparentes contradictions dans la conduite des Grecs, et spécialement des Athéniens, en ce qui concerne la possession et la collation des droits civiques. A l’époque homérique, quand pourtant l’hostilité primitive contre l’étranger laissait tant de traces, le roi et les chefs n’avaient aucune raison de s’opposer aux unions entre nationaux et étrangers, parce qu’ils recherchaient volontiers pour eux-mêmes les alliances matrimoniales avec les maisons nobles et riches, quelle qu’en fût l’origine, et qu’ils ne voyaient aucune raison d’empêcher les gens du peuple, privés de droits politiques, de se marier comme ils voulaient. Les grandes familles conservèrent longtemps cette tradition, même dans les cités démocratiques. C’est ainsi que les citoyens les plus illustres d’Athènes étaient nés de mères étrangères, μητρόξενοι. Le législateur Clisthènes, fils de l’Alcméonide Mégaclès, portait le nom de son grand-père maternel, le tyran de Sicyone. Pisistrate eut deux fils de l’Argienne Timônassa. Cimon, né d’une princesse thrace, épousa sans doute une Arcadienne. Thucydide eut pour femme une Hégésipylé qui avait le même nom et sortait de la même famille que la mère de Cimon. Thémistocle avait pour mère une Thrace, une Argienne ou une Acarnanienne, en tout cas une étrangère. Malgré cette propension aux mariages mixtes, les oligarchies étaient, en principe, avares du droit de cité : cherchant à en diminuer la valeur, elles n’étaient pas disposées à en étendre le bénéfice. Après la chute des Pisistratides, le chef du parti oligarchique, Isagoras fit rayer de la liste des citoyens tous ceux que les tyrans y avaient fait inscrite indûment[52]. Sparte, qui expulsait facilement les étrangers, n’octroya presque jamais de lettres de naturalisation ; Hérodote n’en connaissant que deux exemples[53]. Au IVe siècle encore, Égine, Mégare, Lacédémone et même une petite ville comme Oréos, se montraient sur ce point d’une intransigeance farouche[54]. Dans les cités démocratiques, au contraire, la tradition était favorable aux étrangers, du moins avant le milieu du Ve siècle. Déjà Solon avait attiré en Attique les gens de métier et leur accordant le droit de cité[55] ; Pisistrate fut tout aussi libéral[56] ; Clisthènes fit inscrite sur la liste expurgée par ses adversaires un grand nombre de métèques et même d’esclaves[57]. Il en fut ainsi jusqu’à ce que la prospérité commerciale du Pirée et la puissance de l’empire maritime eurent assuré au titre de citoyen de grands avantages. Alors le peuple trouva plus expédient de restreindre le nombre des partageants. On a vu que Périclès en personne fit passer une loi d’après laquelle ne serait citoyen que le fils de père et de mère athéniens[58]. Le droit de cité devenait un privilège dont la concession était rendue difficile et entourée des formes les plus solennelles. Ce n’était pas encore assez de précautions. Dans les grandes occasions, l’Ecclésia décrétait une révision générale (διαψήφισις) des registres civiques dans les dèmes : c’est ce qu’il fit en 445/4, pour empêcher les intrus de participer à fine distribution extraordinaire de blé[59]. Le peuple n’était donc nullement tenté, au Ve siècle, d’abuser du droit qu’il s’était réservé de conférer à des étrangers le titre de citoyens. Il l’accordait sait à des individus, soit à des catégories de personnes, mais toujours à bon escient. Périclès dut le demander pour le fils qu’il en avait exclu lui-même par sa loi, l’enfant d’Aspasie la Milésienne[60]. Thrasyboulos de Calydon l’obtint (449) en récompense d’un acte aussi méritoire que le meurtre de Phrynichos, l’âme damnée des Quatre Cents[61]. En 406, furent élevés au rang de citoyens tous les métèques qui s’étaient engagés comme rameurs sur la flotte victorieuse aux Arginuses[62] ; en 401/0, tous ceux qui avaient couru à Phylê se joindre aux libérateurs de la démocratie[63]. Sien plus importante pouvait devenir la collation des droits civiques à tous les membres d’une communauté étrangère ou pour le moins aux membres de cette communauté qui réclameraient ces droits. Mais le cas ne se présente que dans des circonstances exceptionnelles. Au milieu du VIe siècle, les Delphiens, en reconnaissance des dons magnifiques que leur avait envoyés Crésus, accordèrent le droit de cité à tous ceux des Lydiens qui en feraient la demande à l’avenir[64] : ce n’était là qu’une offre honorifique qui ne devait guère avoir de résultats. Il n’en est plus de même, au Ve siècle, quand Athènes, par intérêt politique, admet des dérogations à la lai de 451/0 en faveur de certaines cités. Aux Eubéens elle accorda, non pas le’ droit de cité, mais une des parties essentielles de ce droit, l’épigamia : elle reconnaissait ainsi la valeur légitime des mariages entre Athéniens et Eubéennes ou Athéniennes et Eubéens, et par conséquent donnait le droit de cité aux enfants issus de ces unions[65]. Pendant la guerre du Péloponnèse, elle alla plus loin : elle accueillit Ies bras ouverts les habitants des cités qui avaient souffert pour sa cause. En 421, après la destruction de leur ville, les Platéens réfugiés à Athènes y reçurent le droit de cité : après avoir fait contrôler leur titre individuellement par l’autorité judiciaire, ils furent répartis entre les dèmes et les tribus et placés sur le pied d’égalité avec les Athéniens, sauf l’accès à l’archontat et aux sacerdoces[66]. En 405, après la défaite d’Aigos Potamos, Athènes voulut récompenser la fidélité de Santos : les Samiens furent admis au rang d’Athéniens, tout en conservant leur constitution, leur justice, leur autonomie[67]. On inaugurait ainsi une politique qui aurait transformé du tout au tout la confédération athénienne et peut-être changé le cours de l’histoire, sir au lieu d’être dictée au dernier moment par une situation désespérée, elle avait été adoptée plus tôt et appliquée largement. Mais c’est assez parler des moyens que les Grecs du Ve siècle cent employés pour mitiger, dans le droit international et le droit public et privé, les vieilles haines contre l’étranger, en se gardant de toucher à l’autonomie des cités. Voyons comment ils ont pu, sans craindre d’y toucher, grouper des villes auparavant souveraines dans des ligues et des fédérations durables. II. — LES GRANDES LIGUES (symmachies). Deux grandes ligues se sont formées, au Ve siècle, qui ont été d’énergiques tentatives pour mettre fin à l’isolement des cités. Ayant Lacédémone et Athènes à leur tête, elles auraient pu commencer une belle œuvre d’unification, si leur rivalité ne les avait pas lancées l’une contre l’autre de façon à perpétuer le morcellement. 1. La ligure lacédémonienne.La ligue lacédémonienne, quia joué un si grand râle pendant deux siècles, n’a cependant jamais en d’organisation vraiment farte[68]. Fondée par Sparte vers le milieu du vie siècle, après la conquête de la Messénie et la défaite d’Argos, elle garda toujours le caractère essentiellement militaire et l’esprit oligarchique qu’elle devait à ses origines. Quand elle se fut étendue à Corinthe après la chute des Cypsélides, à Mégare après la chute de Théagénès et peut-être un moment à Athènes après la chute des Pisistratides, Sparte y puisa une force énorme, sans oser toutefois porter atteinte à l’autonomie des cités ni même placer leurs contingents sous les ordres de ses officiers. Lors de l’invasion mède, la ligue vit se tourner vers elle toutes les cités qui se préparaient à la résistance ; elle se transforma ainsi spontanément en une ligue panhellénique, qui confia le commandement suprême sur terre et sur mer aux Spartiates[69]. Mais cette ligue nouvelle, qui paraissait unifier la plus grande partie de la Grèce, était bien moins propre encore que l’ancienne à la centralisation. Les délégués ou probouloi qui se réunirent à l’Isthme[70] ne purent que s’entendre sur des contingents à fournir, des missions à envoyer aux colonies[71], des serments à échanger[72], des imprécations à lancer contre les cités traîtresses à la cause nationale[73]. Puis, ils disparurent, et il n’y eut plus, pour rappeler que les Grecs agissaient en commun, que des conseils de guerre où les stratèges délibéraient sous la présidence du commandant en chef spartiate[74]. Après la victoire, les Athéniens purent, sans violer aucune obligation, sans dénoncer aucun engagement, sans sortir de la ligue, fonder unie ligue rivale[75]. Se repliant sans regret en deçà de l’Isthme, Sparte voulut du moins tenir un peu mieux en mains ses Péloponnésiens. C’est probablement vers le milieu du Ve siècle que fut accomplie la réforme dont les résultats nous apparaissent quelque vingt ans après. Οί Λακεδαιμόνιοι καί οί σύμμαχοι, les Lacédémoniens et leurs alliés ou bien les Lacédémoniens et leurs confédérés, tel est le nom officiel de la ligue. Il indique un régime dualiste et la subordination de cités anonymes à la cité dirigeante ; il indique aussi l’existence de symmachoi qui ne sont pas seulement liés à Sparte par un contrat bilatéral, mais qui sont encore unis entre eux par des rapports mutuels. S’il ne s’agit pas d’une simple alliance, il ne s’agit pas non plus d’un État fédéral, mais d’une ligue de cités qui sont d’accord sur la nécessité durable d’une action commune à l’égard des autres cités et qui reconnaissent à la plus puissante d’entre elles la suprématie, l’hégémonie. Il n’y a pas de droit de cité fédéral, et la ligue n’a pas d’ordres à donner aux citoyens, mais uniquement, et dans des cas dûment spécifiés, aux autorités des cités participantes. A ces cités est garantie l’autonomie[76] : elles gardent leur constitution, leurs lois, leur administration, leur justice. Bien mieux, elles ont entre elles telles relations qui leur conviennent, relations souvent hostiles. Sparte a beau chercher à faire prévaloir le principe de l’arbitrage pour régler leurs différends, il leur arrive de recourir aux armes[77], et l’on voit la ligue obligée d’interdire à toute cité fédérée d’entrer en campagne contre une autre pendant la durée d’une expédition fédérale[78]. Au reste, quoiqu’en droit Sparte ne puisse pas intervenir dans la politique locale, elle agit continuellement dans le sens oligarchique, soit par son exemple, soit par une pression morale, soit même par la force ouverte[79]. Mais l’objet propre de la ligue, c’est la défense commune. On dirait même que le Conseil, son principal organe, n’est jamais convoqué que pour se concerter sur une déclaration de guerre, une trêve, des propositions de pair. Il n’a donc pas d’existence permanente. Quand les circonstances l’exigent, Sparte invite les cités à lui envoyer leurs délégués pour délibérer sur les affaires communes[80]. La façon dont la guerre fut déclarée aux Athéniens en 432[81] montre bien quels sont les droits respectifs des Lacédémoniens et des alliés. Les Corinthiens prennent l’initiative, ils envoient leurs représentants à Sparte pour accuser les Athéniens d’avoir rompu les traités ; mais cette initiative ne peut pas mettre en branle le Conseil : c’est devant une assemblée des Spartiates que les Corinthiens exposent leurs griefs, et les ambassadeurs athéniens viennent y répondre. Il faut que les étrangers se retirent, pour que cette réunion extraordinaire (σύλλογος) se transforme en une assemblée régulière (άπέλλα) : les Spartiates délibèrent entre eux et votent la guerre. Mais cette décision n’est valable que pour les Lacédémoniens. Reste à obtenir l’adhésion des alliés. Sparte convoque leurs délégués. Ceux-ci sont naturellement munis d’un mandat impératif. Ils siègent sous la présidence des éphores. Chaque cité, quelle que soit son importance, ne dispose que d’une voix[82], et les petites inclinent, comme toujours, à voter dans le sens de la puissance dirigeante. Une grosse majorité déclare la guerre. Cette fois, la décision est acquise, et le Conseil avise aussitôt aux préparatifs de la mobilisation. Ainsi les résolutions des alliés ne peuvent valoir contre celles des Lacédémoniens ; mais les résolutions communes ont force de loi et contraignent toutes les cités. Un vieux serment les oblige à se conformer aux décisions de la majorité, sauf empêchement des dieux ou des héros[83]. Dès que le Conseil a voté, son rôle est fini, il n’a plus qu’à se dissoudre et ne laisse même pas derrière lui de commission exécutive. C’est aux Lacédémoniens seuls d’assurer l’exécution des mesures arrêtées. Ils sont même autorisés en cas d’urgence, pour défendre une cité contre une agression subite, pour procéder contre une cité qui fait défection, à se mettre en campagne et à convoquer tels contingents qu’ils jugeront nécessaires, sans consultation préalable du Conseil[84]. Mais il faut que le cas de force majeure soit bien établi ; car l’esprit d’autonomie est chatouilleux, et l’obligation d’amener des troupes sur réquisition d’un chef étranger ressemble terriblement à la plus humiliante des sujétions. En temps ordinaire, les Lacédémoniens envoient des messagers annoncer à chaque ville combien d’hommes elle doit fournir et quand on se mettra en campagne[85] ; en ce qui les concerne, eux, tout est réglé par l’Apella et les éphores. Pendant les guerres médiques, les contingents étaient placés sous les ordres de chefs nommés par les cités ; pendant la guerre du Péloponnèse, ils ont à leur tête, dès le jour de la convocation, des officiers de l’état-major spartiate, les commandants d’étrangers (xénagoi)[86]. Comme le principe d’autonomie s’oppose à l’établissement d’un tribut fédéral, chaque ville pourvoit à l’entretien de ses troupes et rie paie, en cas de besoin, que des contributions volontaires[87]. Au total, l’organisme dirigé par Sparte mérite bien d’être appelé par les historiens tantôt ligue lacédémonienne, tantôt ligue péloponnésienne ; car la forte hégémonie de Sparte s’imposait aux cités en matière diplomatique et militaire, mais leur laissait une réelle indépendance pour tout le reste. 2. La confédération athénienne.La confédération athénienne, qui se forma au sein de la ligue panhellénique en 478 et ne s’en détacha officiellement qu’après 464, donna aux Grecs, bien plus que la ligue lacédémonienne, un exemple de ce que pouvait être l’unité politique d’un grand nombre de cités sous la suprématie d’une seule. Après la victoire de Mycale, les insulaires qui avaient secoué le joug perse furent reçus dans la ligue panhellénique ; mais les Lacédémoniens, las de la guerre navale, s’en remirent aux Athéniens du sain de protéger les Ioniens du continent. Le contraste entre les services rendus par la flotte athénienne à la cause commune et l’ambition traîtresse du Spartiate Pausanias décida les stratèges des villes situées sur le littoral de la mer Égée en dehors du Péloponnèse à offrir aux Athéniens l’hégémonie, le commandement en chef, pour la durée de la guerre[88]. Cette alliance des cités maritimes se convertit aussitôt en une confédération qui eut pour centre le temple d’Apollon Délien[89]. Elle engloba l’Eubée, les Cyclades, les îles de la côte asiatique, les ports d’Ionie et d’Éolide, de l’Hellespont et de la Propontide, bientôt la plupart des ports grecs en pays thrace, et plus tard ceux de Carie. Au début, la confédération maritime d’Athènes ressemble par maints traits de ses institutions à la ligue continentale du Péloponnèse. Par son nom officiel, les Athéniens et leurs alliés[90], elle manifeste son caractère dualiste ; elle n’a pas de droit de cité commun ; elle n’exerce son autorité sur les particuliers que par l’intermédiaire des cités, proclamées autonomes[91] ; elle a pour principal organe un Conseil où toutes les délégations ont un droit de vote égal[92]. Mais, dès l’origine, elle porte sa marque distinctive. Comme elle a pour but, non pas la lutte contre n’importe quel agresseur, mais uniquement la guerre contre les Mèdes[93], et qu’elle se compose d’ailleurs seulement de cités maritimes, elle a besoin d’une grande flotte. Or, s’il est facile et avantageux de demander des escadres homogènes aux grandes villes, ce serait pure folie de réclamer aux villes de second ou de troisième ordre un ou même plusieurs bateaux, parce que ces unités seraient trop dispersées et trop disparates pour rendre des services. Il faut donc que toutes les cités qui one s’acquittent pas de l’obligation fédérale en fournissant des navires se rachètent en argent. La confédération a donc toujours eu un trésor, alimenté par un tribut annuel, le phoros. Ce fut la grande œuvre d’Aristide, un véritable miracle de sagesse politique, que de faire l’inventaire des ressources dont disposaient un si grand nombre de cités, d’estimer leur capacité contributive et de répartir le total des 460 talents nécessaires, le tout à la satisfaction générale[94]. Mais, une fois que les Perses eurent disparu de la mer Égée, les cités confédérées commencèrent à se demander pourquoi elles continuaient de remplir leurs obligations. Entre elles et la cité dirigeante la divergence d’intérêts ira vite en croissant. Il n’y aura plus que très peu de cités à fournir des navires, et, à mesure que diminueront les ressources navales des confédérés, Athènes augmentera les siennes[95]. Le tribut sera rarement supérieur et restera souvent inférieur au total fixé par Aristide, quoique payé par un plus grand nombre de cités ; il n’en fera pets moins crier. Athènes n’a nulle envie d’intervenir dams les querelles intestines des cités, de porter atteinte à leur autonomie. Mais, quand elles en viennent à la guerre civile et que les partisans de l’oligarchie négocient avec Sparte, il faut bien répondre à l’appel des démocrates, et, si la mauvaise volonté va jusqu’à la défection, il faut bien, après la répression, prendre des précautions pour l’avenir. Quand les retards de paiement deviennent un objet de scandale, on est bien obligé d’avoir recours à la contrainte. West ainsi que la confédération attico-délienne (συμμαχία) se transforme en un empire athénien (άρχή)[96]. Dans la langue diplomatique, Athènes continue de parler d’alliés ou de confédérés (σύμμαχοι), ou bien elle emploie le terme usuel et vague de cités (πόλεις)[97] ; dans le langage vulgaire, il est question de sujets (ύπήκοοι)[98] et de tributaires (ύποτελεϊς)[99]. La transformation était commencée en 469, lorsque Naxos donna le premier exemple de défection. Elle était un fait accompli en 454, lorsqu’il fut décidé que le trésor jusqu’alors administré par des fonctionnaires athéniens (les hellènotames), mais déposé dans le sanctuaire d’Apollon Délien, serait transféré sur l’Acropole d’Athènes et placé sous la protection d’Athéna[100]. Cette mesure fut prise sur la proposition des Samiens ; ce fut sans doute le dernier acte du Conseil fédéral : plus jamais oui n’entend parier de lui. De fédérales, toutes les institutions de la ligue deviennent impériales. Jadis, c’est par des traités bilatéraux qu’était fixée la situation des cités ; c’est par des résolutions du Conseil qu’étaient prises les mesures générales ; l’Ecclésia d’Athènes se bornait sans doute à ratifier ces actes et à les rendre exécutoires. Désormais, elle règle tout. Qu’une ville révoltée soit contrainte de capituler, qu’une ville troublée par les dissensions fournisse à la cité dirigeante l’occasion de s’immiscer dans ses affaires, dans n’importe quelle circonstance au reste et sous n’importe quel prétexte, les Athéniens rédigent pour les alliés des articles de constitution, des règlements d’administration intérieure, des clauses de compromis entre les factions. Toute une série de documents nous les montrent faisant la loi aux villes rebelles ou suspectes[101]. Une fois que l’autorité centrale a dressé les villes à recevoir ses ordres, elle trouve plus commode de les grouper par districts : en 446/5, elle en crée cinq, les Iles, la Carie, l’Ionie, l’Hellespont et la Thrace. Elle n’hésite pas alors à prendre des décisions applicables à tout un district[102]. Elle finit par légiférer pour l’empire tout entier : elle promulgue des dispositions générales sur l’administration intérieure, sur le paiement du tribut, sur les prémices dues aux déesses d’Éleusis, sur l’unité monétaire[103]. Un changement caractéristique est introduit dans la formule du serment par lequel les villes confédérées s’engagent à ne pas faire défection ; vers 465, elles se liaient encore envers les Athéniens et les alliés[104] ; à partir de 450, elles promettent fidélité et obéissance au peuple athénien (πείσομαι τώώώωι δέμώώώωι τώώώωι Άθεναίώώώων)[105]. Il ne s’agit plus pour des cités confédérées de se prêter un mutuel appui contre les Mèdes ; des cités sujettes sont tenues d’avoir mornes amis et mêmes ennemis que la cité dirigeante, de lui fournir des contingents pour combattre à Égine, à Samos, contre les Péloponnésiens, contre Syracuse[106]. Il ne s’agit plus de payer à Délos une contribution pour assurer la défense commune ; c’est bien un tribut qui est envoyé à Athènes. Chaque ville est taxée pair la Boulé athénienne, d’après les estimations de fonctionnaires athéniens (les tactai), et les réclamations sont introduites par d’autres fonctionnaires athéniens (les eisagôgeis) devant la justice athénienne[107]. Des sommes fixées sont apportées par les délégués des villes aux Grandes Dionysies[108], versées entre les mains des apodectes, enfin transmises aux trésorier ; de la déesse, gardienne vigilante qui a bien droit pour sa peine à des prémices d’un soixantième[109]. Toute remise de paiement est un privilège qui ne peut être concédé que par l’Ecclésia. Tout retard non justifié entraîne une pénalité qui s’ajoute au phoros, une épiphora[110]. Pour toucher son dû, le peuple créancier envoie des recors faisant fonction de percepteurs (eclogeis)[111] ; s’il prévoit quelque résistance, il charge de l’exécution des stratèges à la tête d’une escadre[112]. Ce qui rendait cette contrainte intolérable, c’est que l’argent du tribut ne servait plus seulement à la construction et à l’entretien de la flotte. Périclès posait en principe que les sommes payées par les villes constituaient un Forfait moyennant quai Athènes devait assurer leur défense par sa marine : du moment qu’ils vivaient en toute sécurité, elle pouvait disposer librement de la caisse fédérale[113]. Théorie souvent contestée par les intéressés et par les oligarques d’Athènes, mais qui triompha. Les administrateurs du phoros, les hellènotames, durent subvenir en partie aux frais des monuments élevés sur l’Acropole. S’ils n’eurent jamais à opérer de ce chef de gros versements[114], ce n’en était pas moins une chose énorme en principe de faire contribuer les cités aux dépenses somptuaires de la démocratie athénienne. On peut se figurer ce que devenait, dans de pareilles conditions, l’autonomie promise dans les premiers temps aux confédérés. Elle n’existait plus que dans les rares cités qui étaient en état de se soustraire au phoros par la prestation naval[115]. Aux autres, Athènes ne la promettait plus que contrainte par les événements[116]. Dans les cités où il n’y avait pas lieu d’intervenir, le régime oligarchique put se maintenir assez longtemps : Milet, par exemple, le conserva jusqu’en 450[117]. Mais, dès qu’Athènes était appelée à rétablir quelque part la paix civile, surtout à partir du moment où elle s’aperçut que ses condescendances à l’égard des cités oligarchiques ne les disposaient pas mieux à son égard, elle se fit franchement, énergiquement le champion de la démocratie. Vers 465 déjà, les Athéniens envoient à Érythrées, après une révolution, une garnison commandée par un phrourarque et des commissaires de surveillance ou épiscopoi. Sans tarder, ils organisent la Boulé d’Érythrées sur le modèle de la leur et fixent la formule du serment que prêteront les bouleutes pour s’engager à exercer leur fonction en vue du bien commun des Érythréens, des Athéniens et des confédérés. La première fois, la Boulé doit être tirée au sort et installée par les soins des épiscopoi et du phrourarque ; à l’avenir, elle doit l’être tous les ans par le phrourarque et la Boulé sortant de charge[118]. Si les cités étaient surveillées 5 ce point par Athènes au temps vit elles avaient encore des obligations envers l’ensemble de la confédération, un peut penser quelles le sont bien davantage du gour où elles sont sujettes d’Athènes. Partout des garnisons permanentes, avec un phrourarque qui joint à ses attributions militaires le contrôle politique[119]. Avec ou sans appui de la force armée, les épiscapoi, tirés au sort parmi les Athéniens et rémunérés par les cités où ils fonctionnent, sont investis de pouvoirs judiciaires à l’effet de régler suer place les litiges soulevés par l’application des traités : Aristophane leur donne comme insignes deux urnes[120]. Dans d’autres circonstances, Athènes intervient par l’envoi de fonctionnaires on de délégués extraordinaires, tels que les eclogeis, dont on sait le rôle, ou certains commissaires qu’on voit chargés, après une guerre civile, de mener une enquête et de prendre les mesures nécessaires[121]. Elle finit même tout simplement par placer à la tête du gouvernement, dans bon nombre de cités, un ou plusieurs magistrats athéniens, un archonte ou un collège d’archontes, c’est-à-dire un maire ou des chefs de service représentants du pouvoir central[122]. Parmi toutes ces marques de sujétion, il en est peu qui aient paru aussi infamantes, et peut-être n’en est-il pas une qui ait été aussi préjudiciable aux intérêts matériels des cités, que l’obligation de céder des biens-fonds aux clérouques envoyés d’Athènes[123]. Il y avait là une atteinte directe au droit de cité, puisqu’on en détachait le privilège essentiel et exclusif de la propriété foncière, et une spoliation d’autant plus odieuse que ceux qui en étaient victimes demeuraient prés de leurs terres usurpées ou continuaient d’y travailler pour payer des redevances aux garnisaires chargés de les faire obéir. En effet, tantôt les clérouques s’établissaient sur leur lot et le cultivaient eux-mêmes ; tantôt Ies anciens propriétaires étaient réduits à la condition de fermiers et tenus de payer chacun deux cents drachmes par an à un clérouque dont cette rente faisait un zeugite astreint sur place au service d’hoplite. Propriétaires ou rentiers, les clérouques constituaient une section du peuple athénien détachée du gros ; ils étaient le peuple athénien résidant à Skyros, le peuple athénien d’Imbros, les Athéniens résidant à llëphaistia, etc. Ils avaient leur Ecclésia et leur Boulé subordonnées pour toute décision importante à l’Ecclésia d’Athènes. Ils formaient une colonie chargée de surveiller une cité en lui faisant solder avec usure le prix de la surveillance. En même temps s’en allait par lambeaux la souveraineté judiciaire des cités[124], — Tout d’abord le peuple athénien s’adjugea le droit de statuer sur tous les crimes et délits contre le pacte fédéral ou contre le régime impérialiste, actes de haute trahison, défection, menées hostiles, manquement aux obligations prescrites. Les plaintes de ce chef devaient être apportées à Athènes et remises à des épimélètes spéciaux, C’est cette procédure qui devait sanctionner en 415 le décret doublant le phoros[125]. — Puis, on fit un pas de plus. Comme Athènes pouvait craindre dans les procès politiques des sentences hostiles à la démocratie ou à l’empire, elle enleva plus ou moins complètement à la plupart des cités les causes passibles de peintes capitales[126]. En 446/5, après la soumission de Chalcis, un décret du peuple règle la mise en jugement des coupables ; il ne fait mention d’aucune autre compétence que celles de la Boulé et de l’Héliée en premier ressort ; il maintient la souveraineté de l’Ecclésia poux tout arrêt portant privation des droits civiques sans jugement, pour toute condamnation au bannissement, à la prison, à la peine de mort ou à la confiscation. Un amendement d’ordre général reconnaît en principe la juridiction pénale de Chalcis, mais sous réserve de recours obligatoire aux tribunaux populaires d’Athènes peur toute condamnation à l’atimie ou à la peine de mort[127]. — En fin, mis en goût, le peuple athénien empiéta même sur la juridiction des affaires privées dans les villes de l’empire. Cette usurpation pouvait, il est vrai, avoir son bon côté quand les plaideurs étaient de deux villes différentes, et c’est peutè1re à cette catégorie d’actions privées (et encore seulement si la valeur du litige dépassait une certaine somme) que se borna le sacrifice imposé aux villes[128], Il faut reconnaître, d’ailleurs, que dès qu’il s’agissait de litiges commerciaux, cette grande firme qu’était Athènes se comportait avec une loyauté parfaite. Soit qu’elle contractât avec les cités fédérées ou d’autres villes des conventions de droit privé international (δίκαι άπό συμβόλων), soit qu’elle s’en tînt à des relations réglées par la coutume, elle cherchait à faire prévaloir ce principe de droit consulaire, que le demandeur devait plaider dans la ville du défendeur[129]. Mais, comme les Athéniens en étaient les mauvais marchands[130], ils se virent obligés de restreindre l’application de ce principe, en exigeant que pour tout contrat conclu à Athènes le tribunal athénien fût seul compétent[131]. Poussant jusqu’au bout la politique d’unification, Athènes prétendit imposer à l’empire son système de poids, mesures et monnaies. D’elles-mêmes, les petites villes avaient cessé, dès leur entrée dans la confédération, de frapper d’autres pièces que le billon nécessaire au marché local. Plusieurs grandes villes coupables de défection se virent enlever une prérogative attachée à la souveraineté. En fait, les chouettes du Laurion étaient à peu près les seules monnaies d’argent que les matelots de la flotte rapportaient dans les villes et que les villes renvoyaient sous forme de tribut ; le talent et le pied attiques étaient familiers aux marchands de tous les ports. Ln décret, proposé par un nommé Cléarchos, prescrivit à toutes les cités de l’empire l’usage exclusif des étalons athéniens et leur fit défense de frapper de la monnaie d’argent. Il faut croire que le décret rencontra vies résistances sérieuses ; car il en fallut un second (avant 420) pour ordonner aux particuliers d’échanger l’argent étranger contre de l’argent attique[132]. Par ce complet mépris de tout ce qui rappelait l’autonomie, l’empire d’Athènes parut à ses sujets une tyrannie. Les Athéniens étaient les premiers à le dire ; ils justifiaient leur politique en invoquait avec Périclès les services qu’ils avaient rendus et continuaient de rendre, ou bien en déclarant avec la brutalité d’un Cléon que, sur la voie où l’on était engagé, il n’y avait plus à revenir en arrière, mais à briser tous les obstacles. Et ainsi, les cités qui s’étaient unies pour assurer leur liberté se sentaient asservies, et un Athénien pouvait s’indigner qu’on les traitât comme esclaves à la meule[133]. Elles payaient tribut pour embellir Athènes et enrichir sa déesse. Elles étaient obligées d’envoyer des délégués aux Dionysies pour y apporter la somme exigée, aux Panathénées pour offrir des victimes au prix fort, aux fêtes d’Éleusis pour consacrer aux déesses les prémices de la récolte annuelle[134]. Elles étaient maintenues dans le droit chemin de la démocratie, contraintes à l’obéissance et à la fidélité par les archers et Ies hoplites qui campaient sur leur acropole, par les trières qui stationnaient dans leur port, par les clérouques établis par milliers sur leur sol. Le mécontentement couvait dams toutes les parties de l’empire. Longtemps il fut impuissant : à des cités isolées, séparées par de grandes distances, tout effort collectif était impossible contre les maîtres de la mer. Enfin les Spartiates donnèrent le signal de la grande lutte contre Athènes, dès le premier jour ils proclamèrent la guerre de délivrance. De fait, l’empire devait succomber moins encore sous les attaques furieuses dirigées du dehors que par le travail de sape exécuté sans relâche par les ennemis de l’intérieur. L’autonomie se vengeait d’une centralisation odieuse pour des Grecs. Elle était tellement intraitable, cette autonomie des petites cités, qu’elle n’admettait même pas aussi facilement qu’on pourrait le croire la solidarité internationale des partis. Cléon ne comprend pas qu’on distingue, parmi les Mityléniens rebelles, les démocrates des oligarques pour lut, ils sont tous également coupables[135]. Et, quand on demande au peuple athénien, par mesure de salut public, de permettre aux villes alliées un changement de constitution dans le sens oligarchique, Phrynichos s’y oppose. A quoi bon ? Ce ne serait ni un motif de soumission pour les cités révoltées, ni un gage de fidélité pour celles qui nous restent ; car, plutôt que d’être esclaves de l’oligarchie ou de la démocratie, elles préfèrent être libres sous n’importe lequel de ces gouvernements[136]. Pourtant l’impérialisme des Athéniens n’était que prématuré et ne fut pas inutile. La grande faute d’Athènes — faute inévitable à cette époque — est de n’avoir pas compris que, si elle faisait brèche dans le droit des autres cités, elle devait leur ouvrir largement le sien. Sous le coup de la défaite, des esprits audacieux y songèrent ; mais il était déjà trop tard, et l’on attendit encore les désastres suprêmes pour taire une application exceptionnelle et désespérée d’une idée que Rome un jour rendra si féconde[137]. Telle quelle, la tentative de Périclès et de ses successeurs a eu de grands résultats, non pas seulement pour Athènes, qui n’aurait pas laissé un si grand non, si elle n’avait pas été la capitale d’un si grand empire, mais pour l’empire lui-même et pour toute la Grèce. Ce sont les vices du système qui attirent toujours l’attention, parce que les anciens n’ont jamais vu et qu’à leur suite les modernes ne regardent guère que le côté politique des événements. Mais, à d’autres points de vue, et même à celui-là, l’empire athénien a rendu les plus grands services en créant de précieux éléments d’unité. Par l’intermédiaire des cités confédérées, la démocratie a, malgré tout, fourni à l’ensemble des Grecs un modèle qui n’a plus cessé de s’imposer. Grâce au libéralisme commercial auquel les Athéniens ne renonçaient en pleine guerre que pour assurer leur subsistance et se procurer des matériaux de construction navale, le bassin de la Méditerranée constituait un marché unique dont l’exploitation n’enrichissait par seulement le Pirée[138]. Et puis, tous ces alliés qui venaient chaque année aux représentations des Grandes Dionysies et aux processions des Panathénées rapportaient chez eux, et répandaient partout le goût d’une littérature et d’un art supérieurs. Enfin, de même que la France vaincue en 1815 a laissé à ses vainqueurs le code Napoléon, Athènes, avant d’être écrasée, avait répandu chez les confédérés qu’elle traînait devant ses tribunaux les principes de sa législation, si bien que beaucoup d’entre eux adoptèrent pour toujours, non pas seulement la technique de son droit, niais ses principes de liberté et de responsabilité personnelles[139]. Ainsi, par la domination qu’elle exerça pendant trois quarts de siècle, Athènes fit beaucoup pour l’unification politique et économique, intellectuelle et juridique de la race grecque. III — LES FÉDÉRATIONS (sympolities). Par réaction contre l’ambition menaçante des ligues à visées impérialistes, on vit dans toutes les parties de la Grèce des cités voisines et apparentées chercher à se donner des garanties mutuelles et, pour cela, s’unir en des communautés plus larges. D’un même besoin naquirent des confédérations très diverses. Deux mots servent généralement à les désigner : sympolitie et synœcisme. Ils ont été longtemps synonymes, et c’est pourquoi l’union de l’Attique autour de sa capitale a gardé le nom de synœcisme dans l’histoire. Mais, à partir d’un certain moment, ils ont pour les Grecs un sens différent. L’union se fait, dans tous les cas, par adoption d’une constitution commune : dans tous les cas, on continue de lui appliquer le terme de sympolitie. Mais, lorsqu’elle se fait par un transport total ou partiel de la population dans la plus importante des cités qui s’unissent ou, si elles sont d’importance égale, dans une ville neuve, à cette concentration à la fois géographique et politique s’attache le terme désormais spécialisé de synœcisme. Au reste, les sympolities connues présentent tant de formes, tant de degrés intermédiaires, qu’on est souvent embarrassé pour tes définir : non seulement il est des cas où l’on peut hésiter sur la qualification qui convient ; mais on ne peut pas toujours voir à partir de quel point une alliance, une symmachia, substitue à la souveraineté des cités contractantes une souveraineté supérieure ou, au contraire, à partir de quel point elle commence à constituer, toujours sous le même nom, une véritable confédération[140]. Toujours est-il qu’en principe la sympolitie crée un État qui englobe plusieurs communes en leur prenant une part plus ou mains grande de leur autonomie. Elle a pour conditions : un droit de cité, qui petit d’ailleurs n’être point formel et appartenir implicitement à tous les citoyens des communes particulières ; une constitution, qui peut n’être que l’ensemble des clauses par lesquelles les cités se sont liées les unes aux autres ; un gouvernement pourvu d’un Conseil et généralement d’une Assemblée ; une juridiction chargée d’appliquer des lais d’intérêt commun ; une administration, qui comporte des magistratures peu nombreuses. Le synœcisme suppose, en outre, une union locale, la suppression des frontières entre plusieurs territoires, la concentration des habitants dans lune capitale qui est parfois fondée à cet effet. Certaines parties du Péloponnèse, qui voulaient se soustraire à l’hégémonie spartiate, commencèrent à s’organiser en 471. Elles agissaient sous l’influence d’Athènes et peut-être, au début, d’après les conseils de Thémistocle en personne. Les petites cités rurales des Éléens formaient depuis bien longtemps un État aristocratique aux liens encore très lâches, lorsque les démocrates, devenus maîtres du pouvoir, décidèrent de centraliser le pays en y rattachant les cantons sujets. Ils le divisèrent en dix tribus locales, dont chacune fut représentée par un Hellanodike et cinquante membres du Conseil. En même temps, ils bâtirent la ville qui leur manquait : Élis devint le siège de l’Assemblée plénière et vit affluer dans ses murs une forte population[141]. Vers le même temps, l’Arcadie fit deux tentatives analogues. Les pâtres de ces plateaux avaient toujours vécu dispersés dans des hameaux, des villages ou des bourgs indépendants (κατά κώμας)[142]. C’est à peine si, dans certains cantons bien délimités par la nature, les habitants de ces localités éparses avaient un nom commun et se concentraient dans les grandes occasions : il y avait, par exemple, neuf villages d’Hèraiens, autant de Tégéates, cinq de Mantinéens, dix de Mainaliens, au moins six de Parrhasiens et quatre de Cynuriens. Chacun de ces petits groupes avait sa nationalité : quand un Arcadien était vainqueur aux jeux olympiques, on le proclamait comme Stymphalien ou comme Mainalien[143]. Chacun suivait sa politique : au IVe siècle, les Hèraiens conclurent avec les Éléens une trêve de cent ans[144] ; les Tégéates, dès qu’ils étaient tranquilles dit côté de Lacédémone, se battaient avec les Mantinéens. Par-ci par-là, tôt ou tard, se créaient pourtant dei centres un peu plus importants : au Nord, Orchomène joua un rôle pendant les guerres de Messénie[145] ; pour mieux résister à leurs ennemis, les neuf cômes des Tégéates élevèrent la ville de Tégée[146]. Et même le souvenir ne s’était pas perdu d’une commune origine[147] ; les Arcadiens venaient en Parrhasia sacrifier ensemble à une Terre-Mère préhellénique, la Despoina de Lycosoura[148], et célébrer la fête d’un dieu achéen adoré sur le mont Lycaion, Zeus Lycaios[149]. A la longue, ce sentiment de solidarité ethnique produisit son effet. Au VIe siècle, Tégée s’était débattue seule contre les Spartiates ; tous les Arcadiens avaient suivi son sort et dû reconnaître l’hégémonie des vainqueurs[150]. En 473, ils firent presque tous cause commune. Bientôt ils formèrent une confédération. La numismatique, qui nous renseigne sur cette union politique, nous en fait aussi connaître l’extension ; des monnaies fédérales furent frappées, qui portaient au droit l’image de Zeus Lycaios et au revers la tête de Despoina avec la légende Ar, Arca ou Arcadicon ; en même temps Héraia cessait de frapper des monnaies particulières, au contraire de Mantinée et de quelques autres cités réfractaires[151]. — Une vingtaine d’années après, Tégée, vaincue par les Spartiates, entrait dans la ligue lacédémonienne. C’en fut assez pour que Mantinée rompit avec cette ligue dont elle était jusqu’alors l’alliée. Par un pacte de synœcisme, elle s’annexa la population de quatre bourgades environnantes, leur offrant une bonne citadelle où se réfugier en cas d’invasion[152]. Dès lors, la confédération arcadienne perdait toute importance. Quand éclata la guerre du Péloponnèse, elle dut entrer à son tour dans la ligue lacédémonienne[153]. Forcée de livrer eu garantie de sa fidélité des otages qui furent massacrés[154], déchirée par les partisans de Mantinée et ceux de Tégée[155], elle cessa d’exister les cités recommencèrent à battre monnaie[156]. Quant au synœcisme de Mantinée, il ne put se maintenir qu’à la faveur d’une trêve de trente ails qui lui fut accordée par Sparte en 415. Après les confédérations hostiles par droit de naissance à la ligue péloponnésienne, il s’en forma d’autres qui avaient pour principale ou pour unique raisin d’être la résistance à l’impérialisme athénien. La première de ces confédérations se forma sur la frontière même de l’Attique, comme celle des Arcadiens sur la frontière de la Laconie : les Béotiens se donnèrent une constitution fortement charpentée. Il leur avait fallu bien du temps pour en arriver là. Depuis qu’ils étaient établis dans le pays, ils étaient dispersés dans un très grand nombre de bourgades rurales. Ils rafraîchissaient cependant le souvenir de leur commune origine dans la fête annuelle qui les réunissait au sanctuaire de Poseidôn à Onchestos[157] et dans les Pamboiotia célébrés en l’honneur d’Athéna Itonia à Coronée[158]. De plus, les bourgades indépendantes étaient toutes pareillement soumises à des oligarchies de propriétaires. Aussi peut-on constater dés la première moitié du vie siècle un embryon de confédération : les monnaies locales portent un emblème fédéral, le bouclier béotien[159] ; les hoplites des villes forment à l’occasion une armée commune, sous le commandement des béotarques[160]. Thèbes, le centre le plus important du pays, était en passe de devenir une capitale, lorsque son attitude pendant la seconde guerre médique ruina ses ambitions : après la bataille de Platées, la confédération fut dissoute sur l’ordre de Sparte (479)[161]. Mais en 457, Sparte revient sur sa décision, afin d’encercler l’Attique. Dix années durant, la confédération renaissante est l’enjeu des combats que se livrent Lacédémoniens, Béotiens et Athéniens, ainsi que des luttes qui mettent aux prises les oligarques et les démocrates de Thèbes. En 447, la défaite d’Athènes à Coronée consacre l’institution fédérale[162]. La constitution élaborée alors par les Béotiens n’est pas seulement remarquable en elle-même ; elle présente encore ce grand intérêt, d’être une des constitutions grecques qu’on connaît le mieux, parce qu’elle est décrite avec précision par un historien qui l’a encore vue fonctionner, l’Anonyme d’Oxyrynchos[163]. Bien différente de la ligue lacédémonienne et de la ligue athénienne, la confédération béotienne fixe les droits et les obligations des cités qui la composent en proportion de leur population et de leurs ressources, Pas d’hégémonie en droit ; celle que Thèbes pourra exercer en fait lui est seulement assurée pax une règle commune, et c’est bien d’une confédération béotienne qu’il s’agit, non d’une ligue thébaine. Comme les institutions fédérales ont pour cadres des districts comprenant un nombre variable de cités autonomes, elles sont en rapport étroit avec les institutions de ces cités. D’abord il n’y a pas de droit de cité fédéral en dehors et au-dessus de celui que confère ipso facto n’importe quel droit de cité local. Ensuite, l’esprit de la confédération est forcément celui dei cités, puisqu’elles sont toutes dominées par une oligarchie modérée. Par conséquent, tout l’agencement de la confédération peut se régler sur l’organisation des cités. Dans chacune, il faut, pour être citoyen actif, posséder un fonds de terre ; rapportant un minimum légal, assez élevé probablement pour permettre de s’armer en hoplite[164]. Par suite, le commerce déroge[165]. Tous les citoyens qualifiés sont répartis en nombre égal dans les quatre sections du Conseil, les quatre Boulai. Chacune des quatre sections, a tour de rôle, exerce les fonctions de Conseil ; toutes les quatre réunies forment l’Assemblée. La section en exercice prépare les motions et les soumet aux trois autres ; il faut qu’un décret sait adopté par toutes les quatre pour avoir farce de loi. Les cités sont toutes réparties dans onze districts (μέρη). Thèbes, après la destruction de Platées, se trouva placée à la tête de quatre districts, dont un divisé en cinq petites cités ; Orchomène et Thespies en eurent chacune deux ; Tanagra, un ; Haliarte, Coronée et Lébadée en eurent ensemble un, ainsi qu’Acraiphia, Côpai et Chéronée. Les districts ont tous les mêmes droits et les mêmes obligations, qu’ils distribuent équitablement entre les communes. Le Conseil fédéral se compose de 660 membres, parce qu’il faut que les onze districts aient représentation égale, que dans chaque district toutes les cités soient représentées au prorata de leur importance et que dans chaque cité les quatre sections de citoyens aient à leur tour une représentation égaie. De cette façon, Thèbes, avec toutes les localités de son territoire, a droit à 240 délégués ; Orchomène à 120, etc. Le Conseil siège à Thèbes ; ses membres reçoivent une indemnité quotidienne aux frais du trésor fédéral. Comme chaque délégation représente plots spécialement une des quatre sections de sa cité, les membres du Conseil fédéral, à leur tour, se partagent tout naturellement en quatre sections, en quatre Boulai[166]. Tout comme da as les cités, chacune à tour de rôle fait fonction de Conseil, et les décrets sont rendus toutes sections réunies, pour avoir force obligatoire dans toutes les cités. Le pouvoir judiciaire de 1a confédération est organisé comme le pouvoir législatif : la Haute-Cour, qui juge les crimes attentatoires au parte fédéral, les actes de désobéissance et peut-être les conflits entre les cités, est composée de juges pris en nombre égal dans les districts et en nombre proportionnel dans les cités. Le pouvoir exécutif appartient aux béotarques. Ils sont élus par les Boulai des cités, au nombre de onze, un par district : donc quatre de Thèbes, deux d’Orchomène, deux de Thespies, un de Tanagra et un fourni à tour de rôle par chacune des trois cités des deux autres districts. Leur principale fonction est le commandement des forces militaires. En campagne, quand ils sont tous ensemble, le commandement supérieur est généralement exercé par un seul, soit à tour de rôle, soit sur la demande de ses collègues, soit sur la désignation du Conseil[167]. Comme chefs de l’armée, ils représentent la confédération devant l’étranger, reçoivent ou envoient les ambassadeurs, négocient et font leur rapport au Conseil, qui décide[168]. L’armée se compose de contingents fournis par les onze districts et fixés pour chacun à mille hoplites et cent cavaliers. Pour les dépenses de guerre et pour l’indemnité des conseillers, il faut un trésor fédéral : il est alimenté par des eisphorai, des contributions matriculaires, dont le montant est le même pour tous les districts. Contingent et contributions sont répartis dans le district entre les cités suivant la proportion constitutionnelle. Ainsi, rien ne se fait dans la confédération que par l’intermédiaire des cités, et chaque cité a dans la confédération la place que lui assigne le nombre de ses citoyens actifs. L’influence de Thèbes tient uniquement à ce fait qu’elle renferme deux fois, quatre fois, douze fois, vingt fois plus de propriétaires possédant te cens légal que telle ou telle autre cité, et que, dans les mêmes proportions, elle a droit à plus de représentants au Conseil et de béotarques, mais doit envoyer plus d’hommes à l’armée et verser davantage au trésor. Officiellement, sa supériorité n’est marquée que par deux signes c’est sur la Cadmée que siège le Conseil, et la monnaie fédérale, la seule qui ait cours, ajoute à l’emblème du bouclier la légende Th, Thè ou Thèba[169]. Rien de commun entre cette sympolitie béotienne et les ligues soumises à l’hégémonie de Sparte ou d’Athènes. Telle est la confédération qui se forme dans un esprit d’hostilité contre Athènes pendant la première guerre du Péloponnèse. A l’époque de la seconde, le même esprit fit organiser deux synœcismes, l’un sur les frontières de Macédoine, l’autre sur la côte de l’Asie Mineure. En 432, quand les Athéniens assiégèrent Potidée, presque tous les Grecs de la Chalcidique prirent fait et cause pour elle. Sur les conseils du roi Perdiccas, les habitants des bourgades maritimes décidèrent de les abandonner, d’en abattre les murs et d’aller se réfugier à l’intérieur, dans la place forte d’Olynthe. De ce synœcisme naquit une sympolitie, avec Olynthe pour capitale[170]. Le nouvel État se donna aussitôt tous les attributs de la souveraineté : il traitait avec les puissances étrangères, leur envoyait des ambassadeurs, rendait des décrets de proxénie[171] ; il avait son armée[172]. Toutes les villes d’alentour qui abandonnaient la confédération athénienne y entrèrent[173]. Olynthe ne tarda pas à être la cité la plus considérable de la côte thrace[174]. En 408, les Rhodiens voulurent mettre fin aux rivalités qui avaient longtemps séparé leurs trois cités, Ialysos, Camiros et Lindos. Ils se bâtirent une capitale commune, Rhodes, destinée à un si bel avenir. Les îlots voisins de Chalkê et de Symê s’agrégèrent à la grande île ; Télos, Carpathos et Casos en firent autant plus tard. Malgré le rapide développement de la nouvelle ville, les anciennes communautés, petites ou grandes, subsistent, mais comme tribus et dèmes de la cité. Il n’y a qu’un démos de Rhodiens, qui se réunit en Assemblée générale et se fait représenter par une Boulé ; mais les Lindiens, les Camiriens, les Ialysiens ne cessent pas de rendre des décrets et de nommer des mastroi[175]. Ici, comme jadis en Attique, le synœcisme a donné naissance à un État vraiment unitaire, et les anciennes cités sont bien prés de n’être plus que des municipalités. On voit, par les exemples mêmes où la passion de l’autonomie est plus on moins domptée, combien cette compression de la souveraineté locale répugnait à l’esprit des Grecs. L’idée de concentration politique l’emportait sur de tout petits espaces, quand un commun danger menaçait quelques villes voisines ou des villages incapables de se défendre ; elle n’allait pas au delà d’institutions vaguement fédérales, qui succombaient tour à tour, moins souvent sous les coups d’un ennemi extérieur que par l’incoercible effet d’une force centrifuge. |
[1] Voir, en général, XXIX, l. III, ch. XII.
[2] THUCYDIDE, I, 5, 3 ; 6, 1.
[3] Voir ROD. DARESTE, REG, t. II (1889), p.305 ss. ; CH. LÉCRIVAIN, Le droit de se faire justice soi-même et les représailles dans les relations internationales de la Grèce (Mém. de l’Ac. de Toulouse, t. IX, 1897, p. 277 ss.) ; XLIII, p. 38 ss. ; HITZIG, Der griech. Fremdenpro zess (Sav. Z, t. XXVIII, p. 220 ss.) ; AD. WILHELM, Jh. AI, t. XIV (1911), p. 195 ss. ; LXI, t. I, p. 353 ss.
[4] ARISTOTE, Rhét., I, 10, 13. Voir R. HIRZEL, Άγραφος νόμης (Abh. SG., t. XX, 1900, p. 1 ss. ; LXI, t. I, p. 49 ss. ; GLOTZ, Le droit des gens dans l’antiquité grecque (MAI, t. XIII, 1915).
[5] THUCYDIDE, III, 58, 3 ; 59, 1 ; 67, 2 ; EURIPIDE, Or., 495.
[6] SOPHOCLE, Antigone, 454 ; XÉNOPHON, Mémorables, IV, 4, 5 ss., 19.
[7] HÉRODOTE, VII, 133 ss. ; EURIPIDE, Suppl., 121.
[8] HÉRODOTE, V, 81 ; VII, 9, 2 ; THUCYDIDE, I, 29, 3.
[9] THUCYDIDE, l. c., 53, 1 ; 146 ; IV, 33, 3 ; 91, 2 ; 99 ; VII, 3.
[10] DIODORE, XIII, 24 ; PLUTARQUE, Quæst. rom., 37, p. 273 d ; CICÉRON, De inv., II, 23 ; 69.
[11] PLUTARQUE, Nicias, 6 ; XÉNOPHON, Helléniques, III, 5, 25, cf. VI, 4, 14 ; VI 1, 5, 26.
[12] THUCYDIDE, IV, 97 ss. ; cf. DIODORE, XVI, 25.
[13] HÉRODOTE, IX, 79.
[14] THUCYDIDE, III, 58, 3 ; 66, 2 ; 67, 5.
[15] XÉNOPHON, Cyropédie, VII, 5, 78.
[16] THUCYDIDE, III, 36, 3, V, 8 ; 32.
[17] THUCYDIDE, II, 103 ; V, 3.
[18] HÉRODOTE, V, 77 ; VI, 79.
[19] THUCYDIDE, VII, 85.
[20] HÉRODOTE, VIII, 121 ss. ; IX, 80 ss. ; THUCYDIDE, III, 50, 114.
[21] THUCYDIDE, VIII, 41, 2 ; 62, 2 ; XÉNOPHON, Mémorables, I, 6, 14 ; Cf. PLATON, République, V, p. 469 b.
[22] THUCYDIDE, IV, 97 s.
[23] SIG2, n° 587, l. 4, 106, 227 ; IG, t. II, n° 1235, 1236 ; REG, t. XXXII (1919), p. 190 ss., l. 26 ss., 35 ss. ; cf. ESCHINE, Ambassade, 133 s.
[24] HÉRODOTE, VII, 206 ; VIII, 72 ; THUCYDIDE, III, 56, 2 ; 65, 1 ; V, 54, 2 ; XÉNOPHON, Helléniques, IV, 7, 2 ; V, 1, 29 ; 3, 27 ; HESYCHIUS, SUIDAS, HARPOCRATION, s. v. ίερομηνία.
[25] Voir LXI, t. II, p. 1 ss. ; Br. KEIL, Eirene (Abh. SG, t. LXVIII, 1916, p. 1 ss.).
[26] THUCYDIDE, I, 12.
[27] Id., I, 23, 4 ; 87, 6 ; 15 ; II, 2,1 ; V, 14, 4.
[28] IO, n° 10 : THUCYDIDE, V, 19 ; 23 : 79 : cf. SIG3, n° 135.
[29] SIG3, n° 9 ; THUCYDIDE, III, 114, 3 ; V, 47.
[30] THUCYDIDE, IV, 63, 1 ; SIG3, n° 71 (restitution douteuse) ; cf. n° 122.
[31] Voir E. SONNE, De arbitris externis quos Grœci adhibuerunt, etc. 1888 ; V. BÉRARD, De arbitrio inter liberas Grœcorum cirvitates, 1894 ; HITZIG, l. c., p. 244 ss. ; LXI, t. II, p. 127 ss. ; LXVI ; LXXV.
[32] HÉRODOTE, V, 95 ; ARISTOTE, Rhét., I, 15 ; STRABON, XIII, 1, 38, p. 600.
[33] PLUTARQUE, Thémistocle, 24 ; cf. THUCYDIDE, I, 136.
[34] THUCYDIDE, I, 28 ; DIODORE, XV, 18, 2.
[35] PLUTARQUE, Solon, 10.
[36] THUCYDIDE, I, 78, 4 ; 140, 2 ; 144 s. ; IV, 118, 8 ; V, 18, 4 ; VII, 18.
[37] Id., V, 79.
[38] HÉRODOTE, VI, 108 ; cf. THUCYDIDE, III, 55.
[39] THUCYDIDE, V, 81.
[40] Voir DARESTE, l. c. ; XLIII, p. 39.
[41] SIG2, n° 56.
[42] HÉRODOTE, VI, 42.
[43] Voir XLIII ; LXI, t. I, p. 198 ss.
[44] THUCYDIDE, I, 77.
[45] Voir les conventions entre Athènes et Phasélis (RIG, n° 6 ; cf. PHOTIADÈS, Έρ., 1922, p. 62 ss.), entre Athènes et Trézène (IG, t. II2, n° 106 ; cf. XLIII, p. 60 ss.).
[46] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 89, 5.
[47] THUCYDIDE, I, 77, 1 ; cf. RIG, n° 6.
[48] Voir SIG2, n° 55 ; cf. n° 168, 187, 189.
[49] IG, t. I, n° 44 ; SIG3, n° 108.
[50] Voir VII, t. I, p. 299 ss.
[51] Voir P. MONCEAUX, Les proxénies grecques, 1885 ; XXVI, p. 169 ss. ; J. D. ANDRÉ, La proxénie, 1911 ; LXX, t. I, p. 145 ss.
[52] ARISTOTE, op. c., 13, 6 ; voir XXXVI, t. I, p. 467.
[53] HÉRODOTE, IX, 35.
[54] DÉMOSTHÈNE, C. Aristocrate, 211 ss.
[55] PLUTARQUE, Solon, 24.
[56] ARISTOTE, l. c.
[57] Id., ibid., 21, 2 ; Politique, III, 1, 10.
[58] Id., Const. d’Ath., 26, 3 ; PLUTARQUE, Périclès, 37 ; cf. ARISTOPHANE, Oiseaux, 1660. Même loi à Otéos (DÉM., l. c., 218), à Rhodes (IG, t. XII, I, n° 788), à Byzance (Ps. ARIST., Écon., II, 4).
[59] PLUTARQUE, l. c. ; PHILOCH., fr. 90 (FHG, t. I, p. 398).
[60] PLUTARQUE, l. c. ; SUIDAS, s. v. δημοκοίητος.
[61] RIG, n° 1435 ; LYSIAS, C. Agoras, 70-72.
[62] DIODORE, XIII, 517.
[63] ARISTOTE, Const. d’Ath., 40, 2 ; ESCHINE, C. Ctésiphon, 187 et Schol. ; SIG2, n° 120 (cf. Ad. WILHEM, Jh. Al., t. XXI-XXII, 1922-1924, p. 159 ss., n° V) ; cf. Ps. PLUTARQUE, Vie des dix orat. Lys., 8, p. 835 f ; P. Oxy., t. X V, n° 1800, fr. 6-7.
[64] HÉRODOTE, III, 1, 54 ; cf. BCH, t. V (1892), p. 383 ss. ; voir LXXIII, p. 97-99.
[65] LYSIAS, XXXIV, 3.
[66] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Neaira, 104 ss. ; ISOCRATE, Panathénaïque, 74 ; LYSIAS, C. Pancléon, 2 ; voir VI, t. III, II, p. 1038. Ce décret fut remis en vigueur après la seconde destruction de Platées, en 373 (DIODORE, XV, 448, 8).
[67] RIG, n° 80 ; voir P. FOUCART, REA, 1899, p. 196 ss. ; VI, l. c., p. 1627 s. ; LXXIII, p. 95 s.
[68] Voir XXXVIII, p. 211 ss. ; L. PARETI, Elementi formatori e dissolvente della egernonia spartana in Grecia (Atti d. Accad. di Torino, t. XLVII, 1913) ; XLVII, t. I (1922), p. 26 ss., 81 ss., 267 ss., 311 ss., 335 ss. ; VII, t. II, p. 1320 ss.
[69] HÉRODOTE, VII, 148, 235 ; VIII, 3 ; PLUTARQUE, Thémistocle, 7.
[70] HÉRODOTE, VII, 145 s., 148, 153, 169, 172.
[71] Id., ibid., 145.
[72] Id., ibid., 132.
[73] XÉNOPHON, Helléniques, VI, 5, 35 ; DIODORE, XI, 3, 2.
[74] HÉRODOTE, VII, 49 ; VIII, 19, 50, 56, 58 ss., 71.
[75] THUCYDIDE, I, 102, 4.
[76] Id., V, 77, 5 ; 79.
[77] Id., I, 103, 4 ; IV, 134 ; V, 29, 33 ; cf. XÉNOPHON, Helléniques, V, 2, 7 ; 4, 36.
[78] THUCYDIDE, I, 27 ss. ; XÉNOPHON, l. c., 4, 37.
[79] THUCYDIDE, I, 19, 76, 144 ; cf. XÉNOPHON, op. c., VI, 3, 14.
[80] HÉRODOTE, V, 91 ; THUCYDIDE, I, 87, 119, 125, 141 ; IV, 118 ; V, 17, 36, 82.
[81] THUCYDIDE, I, 47 ss.
[82] Id., ibid., 125.
[83] Id., V, 30 ; cf. XÉNOPHON, op. c., IV, 2, 16 ; V, 2, 2 (trêve sacrée) ; II, 4, 3 (engagement contraire).
[84] Id., V, 74 ; THUCYDIDE, V, à7 ; cf. XÉNOPHON, op. c., III, 5, 4-6 ; IV, 6, 3, etc.
[85] THUCYDIDE, II, 10 ; V, 17, 54.
[86] Id., II, 75, 3 ; cf. XÉNOPHON, op. c., III, 5, 7 ; IV, 2, 19 ; 5, 7, etc.
[87] THUCYDIDE, I, 19, 80, 141 s. ; cf. SIG2, n° 84.
[88] HÉRODOTE, VIII, 3 ; THUCYDIDE, I, 95 s., 134 ; ARISTOTE, Const. d’Ath., 23, 4.
[89] THUCYDIDE, I, 96, 1.
[90] RIG, n° 1428, l. 24 ss., 29 ss. ; IG, t. I, n° 11 ; THUCYDIDE, IV, 119 ; V, 18.
[91] THUCYDIDE, I, 97, 1 ; 98, 4 ; III, 10, 4 ; 11.
[92] Id., III, 10, 5 ; 11, 3.
[93] Id., I, 96, 1 ; III, 10, 8 ; VI, 76, 3.
[94] Id., I, 96, 2 ; PLUTARQUE, Aristote, 24 ; DIODORE, XI, 47, 2 ; ARISTOTE, l. c. On a tenté maintes fois d’expliquer ce total de 460 talents ; on n’a jamais obtenu que des résultats approximatifs. Nous arrivons à une exactitude absolue par la méthode suivante. La confédération devait équiper tous les ans 200 trières montées par 200 hommes chacune pendant sept mois, en donnant à chaque homme une solde de 2 oboles par jour. Mais, dans le calendrier attique, sept mois ne font pas 215 jours ; à raison de quatre mois de 30 jours et de trois mois de 29 jours, il faut compter 207 jours. Avec ces données, une opération très simple (2 ob. x 200 x 200 x 207) fait retrouver les 460 talents.
[95] THUCYDIDE, I, 99.
[96] Id., I, 76, 2 ; 77, 3 ; II, 63, etc. ; Ps. XÉNOPHON, Rép. d’Ath., I, 14, II, 2-4 ; ARISTOPHANE, Cavaliers, 1114 ; Paix, 619, Expressions officielles : THUCYDIDE, V, 18, 7 ; RIG, n° 73, l. 2, 14.
[97] ARISTOPHANE, Acharniens, 192, 506, 636, 643 ; Cavaliers, 802 ; IG, t. I, n° 31, 37, 40 ; t. XII, V, n° 480. Une comédie d’Eupolis avait pour titre les Cités.
[98] THUCYDIDE, I, 19, 98, 99 ; III, 10, 4 ; VII, 57, 4 ; cf. VI, 69, 3 ; 85, 2.
[99] Id., II, 9, 1 ; VII, 57, 4.
[100] PLUTARQUE, Périclès, 12 ; THÉOPHR., ibid., 25.
[101] THUCYDIDE, I, 98 (Naxos) ; 101, 2 (Nasos) ; 117, 3 (Samos) ; SIG3, n° 41 (Érythrées) ; IG, t. I, Suppl., n° 22 a (Milet) ; SIG3, n° 32 (ville inconnue), 64 (Chalcis), 107 (Néapolis).
[102] SIG3, n° 75.
[103] THUCYDIDE, I, 42 ss. ; IG, t. I, n° 37, 38 ; Suppl., n° 27 b ; t. XII, V, n° 480.
[104] SIG2, n° 41 ; cf. n° 64 ; IG, t. I, n° 13.
[105] SIG2, n° 52, 64.
[106] THUCYDIDE, I, 105, 2 ; 116 ; 117, 2 ; II, 9, 56 ; III, 3, 4 ; IV, 13, 2, etc.
[107] C'est dans des affaires de ce genre qu'Aristophon a prononcé des discours pour Samothrace et pour Lindos.
[108] ARISTOPHANE, Acharniens, 378, 502 s. et Schol. ; cf. IG, t. I, n° 38 c-d.
[109] Voir XC ; AD. WILHELM, Urkunden des att. Reichs (Anz. WA, t. XLVI, 1909, p. 41 ss.) ; XXV, p. 99 ss.
[110] IG, t. I, n° 37 i-v ; 240, ss.
[111] HARPOCRATION, SUIDAS, s. v. έκλογεϊς ; IG, t. I, n° 38, c.
[112] Ces stratèges et ces navires sont dits άργυρολόγοι : voir THUCYDIDE, II, 69 ; III, 79 ; IV, 50, 75 ; VIII, 107 s. ; ARISTOPHANE, Cavaliers, 1070 ; PLUTARQUE, Alcibiade, 30 ; cf. XÉNOPHON, Helléniques, I, 1, 8.
[113] PLUTARQUE, Périclès, 12.
[114] Peut-être 1/60e du phoros pour le Parthénon et 7 talents par an, en tout 35 talents, pour les Propylées (voir P. FOUCART, RPh., t. XXVII, 1903, p. 5 ss. ; XC, p. 87 ; DINSMOOR, AJA, 1313, p. 53 ss.
[115] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 24, 2.
[116] THUCYDIDE, V, 18 ; SIG2, n° 112, l. 5 ss.
[117] Ps. XÉNOPHON, République d’Athènes, III, 11 ; SIG, n° 68 ; IG, t. I, Suppl., n° 22 a.
[118] SIG2, n° 41 ; cf. IG, t. I, n° 10.
[119] IG, t. I Suppl., n° 22 d-e (Milet) : EUPOLIS, fr. 233 Kock (Cyzique) ; ARISTOPHANE, Guêpes, 237 (Byzance) ; THUCYDIDE, IV, 7, 108, 113 ; V, 39 (Thrace). Cf. ISOCRATE, Aréopagitique, 65.
[120] SIG3, n° 76 ; ARISTOPHANE, Oiseaux, 1022, 1082, 1053.
[121] IG, l. c., a ; cf. Ps. XÉNOPHON, l. c., 15.
[122] SIG2, n° 54, 107, 114 ; Ps. XÉNOPHON, op. c., I, 19 ; ARISTOPHANE, l. c., 1050 ; ANTIPHON, S. le meurtre d’Hérode, 47 ; cf. RIG, n° 86, l. 22.
[123] Voir P. FOUCART, Mémoire sur les colonies athéniennes (MAI, t. IX, 1875, p. 323 ss.) ; VII, t. II, p. 1271 ss.
[124] Voir A. FRÆNKEL, De condicione, jure, jurisdictione sociorum Atheniensium, 1878 ; CXXIII ; CVI, t. III, p. 969 ss. ; HILLER VON GÆRTRINGEN, GN, t. CLXXXIII (1921), p. 63 ss. ; H. GRANT ROBERTSON, The administr. of justice in the ath. empire (University of Toronto Studies, t. IV, n° 1, 1924) ; Cf. P. CLOCHÉ, REG, t. XXXV (1925), p. 133 ss.
[125] IG, t. I, n° 38 ; cf. Ad. WILHELM, Anz. WA, t. XLVI (1919), p.56.
[126] Ps. XÉNOPHON, l. c., 14, 18 ; ARISTOPHANE, Guêpes, 287 ss. ; Paix, 639 ; THUCYDIDE, I, 77, 1 ; VIII, 48, 6.
[127] SIG3, n° 64. Voir le discours d’Aristophon Sur le meurtre d’Hérode.
[128] Ps. XÉNOPHON, l. c., 16-18 ; cf. IG, l. c., l. 25.
[129] Ps. DÉMOSTHÈNE, S. l’Halonn., 12.
[130] THUCYDIDE, I, 77, 1.
[131] RIG, n° 6.
[132] SIG2, n° 87 ; ARISTOPHANE, Oiseaux, 1040. Voir WEIL, ZNu., t. XXV (1905), p. 52 ss. ; t. XXVIII (1910), p. 361 ss. ; XC, p. 179 ss. ; BABELON, RNu., t. XVI1, p. 457 ss.
[133] ARISTOPHANE, Lysistrata, 571 ss.
[134] SIG2, n° 83.
[135] THUCYDIDE, III, 39.
[136] Id., VIII, 48.
[137] RIG, n° 80.
[138] IG, t. I, n° 41 ; cf. Ad. WILHELM, l. c., p. 57 (liberté commerciale) ; SIG3, n° 75 ; IG, t. I, Suppl., n° 42 ; Ps. XÉNOPHON, op. c., II, 12 (restrictions). Voir CXVI.
[139] ISOCRATE, Pan., 104. Voir CXXIII ; XXXIII, p. 345, 528 s.
[140] Voir XXI, LXXIII, XXIII.
[141] Sur les institutions, voir RIG, n° 196 ; THUCYDIDE, V, 47 ; HELLANICOS et ARISTODÈMOS, ap. Schol. PINDARE, Olympiques, III, 22. Sur le synœcisme, DIODORE, XI, 54, 1 ; STRABON, III, 3, 2, p. 336 a ; PAUSANIAS, V, 4, 3. Cf. VI, t. III, I, p. 117 ; SWOBODA, RE, art. Elis ; XXI, p. 129-137.
[142] Cf. STRABON, l. c., p. 337.
[143] P. Oxy., t. II, n° 222.
[144] RIG, n° 1.
[145] Voir XXXVI, t. I, p. 371.
[146] STRABON, l. c. ; PAUSANIAS, VIII, 45, 1.
[147] XÉNOPHON, Helléniques, VII, 1, 23 ; PAUSANIAS, V, 27 (offrande d’un Arcadien-Mainalien). Cf. HILLER VON GÆRTRINGEN, IG, t. V, II, p. IX-X.
[148] PAUSANIAS, VIII, 27, 6 ; 35, 2 ; 37, 1 ss. ; 42, 1.
[149] Id., ibid., 2, 1 ; 38, 5 ; PINDARE, Olympiques, IX, 95 ; XIII, 107 ; Néméennes, X, 48.
[150] HÉRODOTE, I, 65-68 ; VII, 202 ; VIII, 72 ; IX, 28, 77 ; cf. SIG3, n° 31.
[151] R. WEIL, ZNu., t. XXIX (1911), p. 138 ss. ; BŒLTE, art. Heraia, RE, t. VIII, p. 414 ; XL, p. 388 ; VII, t. II, p. 1398 ; contra I, t. II, p. 813 ss.
[152] Cf. XXII, p. 372 ss. ; VI, t. III, I, p. 119.
[153] THUCYDIDE, II, 9.
[154] Id., V, 61, 77.
[155] Id., IV, 131, 1.
[156] Cf. XLI, p. 447 s. ; I, l. c., p. 838.
[157] STRABON, IX, 2, 33, p. 412 ; cf. Iliade, II, 506.
[158] STRABON, l. c., 29, p. 411 ; Cf. IG, t. VII, n° 2858 ss., 3087, 3172.
[159] I, t. II, I, p. 936 ss., XLI, p. 343 ss.
[160] Rapprocher HÉRODOTE, II, 15 de VII, 202, 205, 222, 233.
[161] DIODORE, XI, 81, 2 s. ; JUSTIN, III, 6, 10.
[162] THUCYDIDE, I, 108, 3 ; 113, 2-3 ; III, 62, 4 ; 67, 3 ; IV, 92, 6 ; Ps. XÉNOPHON, op. c., III, 11.
[163] P. Oxy., t. V (1908), n° 892, col. XI, 2 ss., Voir BCH, t. XXXII (1908), p. 271 ss. ; LIX, p. 313 ss. ; LXXI, p. 256 s. ; WALKER, The Hellenica Oxyrh. (1913), p. 134 ss.
[164] XÉNOPHON, Helléniques, V, 4, 9.
[165] Voir BCH, l. c., p. 276 ; cf. VII, t. I, p. 353, n. 5.
[166] THUCYDIDE, V, 38, 2.
[167] Id., IV, 91 ; cf. DIODORE, XV, 52, 1 ; 53, 3 ; 62, 4 ; 68, 1.
[168] THUCYDIDE, V, 37-38 ; XÉNOPHON, Helléniques, III, 4, 4.
[169] XLI, p. 349.
[170] THUCYDIDE, I, 58, 2.
[171] Id., V, 31, 6 ; 38, 1 ; IV, 83, 3 ; 78, 1.
[172] Id., II, 79, 8 ss. ; IV, 7.
[173] Id., V. 82.
[174] XÉNOPHON, Helléniques, V, 2, 12.
[175] DIODORE, XIII, 76 ; STRABON, XIV, 2, 11, p. 655. Voir LXXIII, p. 140 ss. ; XXIII, p.195 ss.