I. — LES PRINCIPES. Mieux peut-être qu’aucune autre institution, la justice révèle d’abord ce parfait équilibre entre la puissance publique et la liberté individuelle qui fut l’idéal d’Athènes au Ve siècle. Le peuple est le souverain justicier. En théorie, il a un droit absolu sur la vie et les biens de chacun. Qu’on se rappelle la déclaration de Philocléon, dans les Guêpes d’Aristophane. Au moment d’entrer à l’Héliée, il redresse la tête et, bouffi d’orgueil : Ma puissance, s’écrie-t-il, n’est-elle pas aussi grande que celle d’aucun roi ?... Est-ce que je ne commande pas à l’égal de Zeus ?[1] Effectivement, les tribunaux populaires de l’Héliée tiennent une place énorme dans la cité. C’était la conséquence inévitable du progrès accompli par les idées démocratiques. Auparavant, la justice, même après avoir cessé d’être le monopole des Eupatrides, avait eu pour organes l’Aréopage et les magistrats, et, même quand Solon avait institué l’Héliée, il ne lui avait reconnu qu’une juridiction d’appel (éphésis) qui lui assurait un droit de regard sur les arrêts rendus par les magistrats, mais non pas sur les sentences de l’Aréopage. Il fallut la réforme de 462 pour conférer définitivement au peuple la prérogative judiciaire qui répondait à une nécessité historique. En même temps que sont brisés les pouvoirs de l’Aréopage, les magistrats se voient réduits à l’hégémonie, c’est-à-dire à une simple délégation en vertu de laquelle ils reçoivent les actions, procèdent à l’instruction et président les tribunaux compétents. Aucun intermédiaire désormais entre la souveraineté populaire et les justiciables. Mais les droits de l’individu subsistent et n’en sont même que plus fortement sauvegardés. Il semble que chaque citoyen ne puisse jouir d’une entière sécurité dans l’exercice de ses droits que si le peuple entier les lui garantit en le couvrant de sa toute-puissance. L’individualisme est poussé à un tel point que, dans les procès où l’une ou l’autre partie ou toutes les deux à la fois comprennent plusieurs personnes, l’action doit être intentée par chacun des consorts demandeurs à chacun des consorts défendeurs[2]. Aussi la justice ne se saisit-elle jamais elle-même chez les Athéniens, même dans les affaires criminelles. Pas de magistrat qui prenne l’initiative d’une poursuite, pas de chambre de mise en accusation, pas de ministère publie qui soutienne la cause de la société. En principe, c’est à la personne lésée ou à son représentant légal d’intenter le procès, de faire la citation, de prendre la parole à l’audience sans assistance d’avocat. Même un homicide peut rester impuni, s’il ne se présente aucun parent comme champion de la victime[3]. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’incriminer un acte qui porte atteinte à l’intérêt commun, n’importe quel citoyen (ό βουλόμενος) peut se considérer comme lésé et se porter au secours de la loi. On distingue ainsi deux catégories d’actions : les actions privées (dikaî) et les actions publiques (graphaî). Dans le cas des actions privées, les deux parties consignent les frais de justice, les prytanies, comme pœna temere litigandi ; le demandeur a toujours la faculté de se désister ; s’il l’emporte, il peut obtenir, outre l’objet en litige, une indemnité, mais doit se charger lui-même de l’exécution. Dana le cas des actions publiques, l’accusateur seul est tenu à la consignation qui s’appelle alors parastasis, et, s’il se désiste ou n’obtient pas au moins le cinquième des voix, il doit payer une amende de mille drachmes ; le condamné tombe sous le coup de peines afflictives, infamantes ou pécuniaires, et les peines pécuniaires sont au profit de la cité. Mais dans l’un et l’autre cas, la lutte, l’άγών, s’engage entre les deux parties : le magistrat mais en mouvement ne se charge que de réunir les déclarations formulées et les preuves fournies par les adversaires ; les héliastes ne sont que des jurés qui assistent aux débats comme juges du camp. Même les procédures extraordinaires font la part large à l’initiative privée. On a vu ce qui en est des procès politiques engagés devant l’Assemblée ou le Conseil par voie d’eisangélie ou de probolè. Contre le flagrant délit ou le délit notoire, notamment quand l’inculpé est un malfaiteur de bas étage ou un étranger qui pourrait s’enfuir furtivement, les citoyens ont comme recours l’apagôgè, l’éphègésis ou l’endeixis, c’est-à-dire qu’ils peuvent ou porter la main sur le délinquant pour le traîner devant le magistrat, ou conduire le magistrat au lieu où il se tient pour procéder à son arrestation, ou le dénoncer pour que le magistrat compétent en fasse son affaire, bans ces procédures, où l’habeas corpus n’est pas de mise, la citation préalable n’est plus exigée ; il y a lieu à un jugement sommaire ou à la détention préventive qui est parfois suspendue par la constitution de trois cautions bourgeoises. Enfin, dans le cas de dommage matériel causé à l’État par infraction aux lois sur le commerces les douanes ou les mines, ce sont encore les particuliers qui se mettent en avant par la phasis, et, pour les y décider, l’État les intéresse aux condamnations : ils ont compte prime, au Ve siècle les trois quarts, au IVe la moitié de l’amende infligée[4]. Si le principe de la souveraineté populaire est tellement déformé dans les choses de la justice, c’est qu’en pareille matière les survivances du passé sont particulièrement tenaces. C’est ce que va nous montrer encore l’organisation des tribunaux et leur procédure. II. — LES TRIBUNAUX ET LA PROCÉDURE. Le crime d’homicide, à cause de lai souillure qui s’attachait au coupable et qui menaçait de se communiquer à la cité entière, garda toujours le caractère d’un attentat contre les hommes et contre les dieux. Si grave qu’il fût, il ne pouvait pas être -poursuivi en justice par un citoyen quelconque au moyen d’une graphè, mais uniquement par les plus proches patents du mort au moyen d’une dikè. Il ne pouvait pas non plus être jugé par des citoyens quelconques, mais seulement par les tribunaux quasi religieux que présidait le chef des cultes nationaux, le roi. De ces vieux tribunaux, le plus important est celui qui siège sur la colline d’Arès, près de la grotte consacrée aux Euménides ; la Boulé de l’Aréopage. Elle a beau être dépouillée depuis 462 de ses pouvoirs politiques t elle reste un grand nom, elle garde le prestige de son glorieux passé. Toujours composée des anciens archontes, elle passe de siècle en siècle pour le plus vénérable et le plus juste des tribunaux[5]. Sa juridiction s’étend aux crimes de meurtre prémédité (φόνος έκούσιος), de blessures faites avec intention de donner la mort, d’incendie d’une maison habitée et d’empoisonnement. Les peines qu’elle prononce sont : la mort en cas de meurtre, le bannissement et la confiscation en cas de blessures[6]. — Au-dessous de l’Aréopage, se trouvent les tribunaux composés, d’après la législation de Dracon, des cinquante et un éphètes. Ils sont au nombre de trois. Le Palladion est compétent en matière d’homicide involontaire (φόνος άκούσιος) et d’instigation au meurtre (βουλευσις), si la victime est un citoyen, en matière de meurtre tant volontaire qu’involontaire, s’il s’agit d’un métèque, d’un étranger ou d’un esclave. Il prononce la peine de l’exil à temps, sans confiscation ; mais le condamné ne peut revenir en Attique qu’avec l’autorisation des parents du mort[7]. Le Delphinion est compétent si le roi, chargé de l’instruction, a décidé que l’homicide est excusable ou légitime (φύνος δικαΐος), ce qui est le cas quand la victime a été grée dans les jeux en luttant, ou à la guerre par erreur, ou bien en flagrant délit de relations illicites avec l’épouse, la mère, la sœur, la fille ou la concubine libre du meurtrier[8]. A Phréattys, au bord de la mer, sont jugés ceux ‘qui, exilés temporairement pour homicide involontaire, ont commis un nouveau meurtre avec préméditation. Comme ils ne sont pas encore purifiés de la première souillure et que l’accès de la terre attique leur est interdit, ils présentent leur défense du haut d’une barque, devant les juges assis sur te rivage. Acquittés, ils retournent à l’étranger t condamnés, ils subissent la peine capitale[9]. Enfin, un cinquième tribunal du sang est formé par le roi et les rois de tribus siégeant devant le Prytanée. Sa fonction, plus encore que sa composition, atteste une origine très lointaine. Il condamne par contumace le meurtrier inconnu et juge gravement l’animal ou l’objet en pierre, fer ou bois qui a causé mort d’homme, avant d’en purifier le territoire en le faisant transporter ou jeter au delà des frontières[10]. Toute la procédure en usage dans les affaires de sang est d’un archaïsme frappant. Si la victime a pardonné avant de rendre l’âme, personne ne peut rien contre le meurtrier[11]. Sinon, les champions de la victime sont, d’après la loi de Dracon : le père, les frères et les fils ; à leur défaut, les cousins germains et issus de germains ; en troisième ligne, dix membres de la phratrie choisis par les éphètes. Les deux premiers groupes peuvent, comme au temps de lao vengeance privée, transiger avec le meurtrier (αΐδεσις) et le tenir quitte de toute poursuite moyennant une somme d’argent mais, pour que la transaction soit valable, il faut que les parents habilités par la loi l’acceptent à l’unanimité. Sinon, la poursuite est exercée par les parents du premier groupe assistés par ceux du second et, de plus, par les alliés, gendres, beaux-frères et beaux-pères, et par les membres de la phratrie[12]. Le métèque est représenté par son patron, son prostate ; l’esclave, par son maître[13]. Une cérémonie dramatique engage l’action : les parents se rendent auprès du mort et plantent une lance sur le tertre sépulcral : c’est la déclaration de guerre. Elle provoque une proclamation du roi (la πρόρρησις) qui exclut l’accusé des lieux sacrés et même de l’agora jusqu’au jour élu jugement[14] : c’est l’excommunication. L’instruction se fait dans trois séances contradictoires (προδικασίαι) qui se tiennent à un mois d’intervalle[15]. Le jugement a lieu en plein air pour que les juges et l’accusateur échappent à la contagion qui propagerait la souillure de l’accusé[16]. Ce jour-là, le roi enlève sa couronne[17]. Avant tous débats, un sacrifice est offert, où sont immolés un bélier, un porc et un taureau : devant l’autel, les deux parties prêtent solennellement un serment déclaratoire sur les faits de la cause[18]. A l’Aréopage, elles se tenaient debout sur deux blocs de roche, la pierre de l’injure (λίθος ύβρεως) et la pierre de l’implacabilité (λίθος άναιδείας)[19]. Elles avaient chacune le droit de parler deux fois. Après son premier plaidoyer, l’accusé pouvait encore prévenir une condamnation par un exil volontaire et l’abandon de ses biens[20]. Si les suffrages se partageaient également entre l’accusation et la défense, l’accusé bénéficiait de ce qu’on appelait le suffrage d’Athéna (ψήφος Άθηνάς) en souvenir du vote qu’Athéna avait émis, selon la tradition, en faveur d’Oreste[21]. En descendant de la colline d’Arès, l’acquitté allait à la grotte des Euménides apaiser et remercier les déesses par un sacrifice[22]. D’une façon générale, pour être relevé de l’excommunication suspensive qu’entraînait l’accusation d’homicide et qui se prolongeait par l’exil temporaire, il fallait se soumettre aux expiations et purifications fixées par le rituel et la casuistique raffinée des exégètes[23]. Toutes les affaires qui ne ressortissaient pas aux tribunaux du sang rentraient en principe dans la compétence populaire. Il y avait là une tache énorme. Déjà quantité de litiges avaient été retirés aux magistrats et à l’Aréopage par la réforme d’Éphialtès, quand l’augmentation du contentieux commercial, le développement de l’empire et les restrictions apportées à la juridiction des villes sujettes firent d’Athènes la cité des procès. Il fallait soulager les tribunaux ordinaires, en les déchargeant des broutilles. Pisistrate avait jadis créé des juges de dénies, pour retenir chez eux les plaideurs de la campagne[24] ; mais l’institution fondée par le tyran avait disparu. On la rétablit en 453/2[25]. Trente juges itinérants, trois par tribu, eurent pour fonction d’aller, chacun probablement dans sa trittys, régler eux premier et en dernier ressort les différends dont la valeur ne dépassait pas dix drachmes[26]. Au-dessus de cette valeur, ils transmettaient les affaires civiles aux arbitres publics, les diaitètes[27]. Tous les Athéniens âgés de soixante ans devaient, en se faisant rayer des listes militaires, se faire inscrire sur celles des diaitètes pour exercer la fonction pendant un an[28]. Quiconque se soustrayait à cette obligation était frappé d’atimie, à mains d’exercer une charge publique ou d’être retenu à l’étranger[29]. Les diaitètes étaient répartis en dix sections, une par tribu[30]. Chaque section avait un siège fixe, qui était un tribunal ou un temple[31]. La juridiction des arbitres était saisie par les juges des tribus, soit directement, quand ils se trouvaient en présence d’une affaire dépassant leur compétence, soit indirectement, quand ils servaient d’intermédiaires aux magistrats à qui l’on avait demandé une action privée d’importance moyenne[32]. Les juges des tribus répartissaient les litiges entre les diaitètes par tirage au sort[33]. Cette procédure d’arbitrage offrait de grands avantages aux justiciables. Elle était rapide et sommaire : l’arbitre était chargé à la fois de l’instruction et du jugement[34]. Elle revenait bon marché : chacune des parties payait un droit insignifiant, une drachme, et autant par remise[35]. Une fois éclairé sur les faits de la cause, l’arbitre fait une tentative de conciliation. Si elle ne réussit pas, il rend sa décision, qu’il appuie d’un serment particulièrement solennel[36]. Si les deux parties l’acceptent, tout est terminé. Si l’une d’elles ne veut pas s’y tenir, elle fait appel au tribunal des héliastes. Si elle prétend avoir été lésée par l’arbitre, elle peut le poursuivre par voie d’eisangélie devant le corps des arbitres et le faire condamner, sauf appel, à une atimie qui équivaut à une révocation[37]. Malgré le soulagement que leur procuraient les juges des dèmes et les diaitètes, les tribunaux populaires étaient accablés sous le poids des affaires[38]. Ce fut pendant un siècle et demi une grande préoccupation pour la démocratie athénienne de rendre l’administration judiciaire apte à remplir ses obligations. Ille déploya dams une œuvre assurément difficile de remarquables qualités de persévérance et d’ingéniosité. Tout Athénien pouvait obtenir la dignité d’héliaste, à condition d’avoir trente ans révolus et d’être en pleine possession des droits civiques, par conséquent, de ne pas être débiteur du trésor public[39]. Celui qui siégeait au mépris de la loi était poursuivi par la voie sommaire de l’endeixis ; il tombait sous le coup de peines laissées à l’appréciation des juges, et, s’il était condamné à une amende, il était mis en prison jusqu’au paiement de la dette antérieure qui avait motivé la délation et de l’amende ajoutée par les tribunaux[40]. Il fallait à l’État d’autres garanties encore. Chaque année, les nouveaux héliastes devaient prêter serment sur la colline d’Ardettos[41]. Ce serment ne nous est connu que pour le IVe siècle ; mais il est hors de doute que la formalité solennelle était en usage depuis longtemps. Voici les principaux engagements pris par les juges[42] : Je voterai selon les lois et les décrets du peuple athénien et de la Boule des Cinq Cents. Je ne voterai ni pour un tyran ni pour un oligarque, et, si l’on attaque le pouvoir du peuple athénien, si l’on parle ou si l’on fait voter à l’encontre, je n’y consentirai pas. Je ne serai ni pour une abolition des dettes particulières ni pour un partage des terres et des maisons des Athéniens. Je ne rappellerai pas les bannis ni les condamnés à mort, et je ne prononcerai pas contre ceux qui demeurent dans le pays un bannissement contraire aux lois établies et aux décrets du peuple athénien et du Conseil ; je ne le ferai pas moi-même et empêcherai tout autre de le faire. Je ne recevrai pas de présents à titre d’héliaste, ni moi ni un autre pour moi, homme ou femme, à ma connaissance, sans simulation ni manœuvre quelconque. J’écouterai l’accusateur et l’accusé en toute impartialité, et je ferai porter mon vote sur l’objet précis de la cause. Si je me parjure, que je périsse, moi et ma maison ; si je suis fidèle à mon serment, puissé-je prospérer ! Au Ve siècle, le nombre des héliastes était fixé à six mille[43]. C’est le nombre qui représentait en droit public l’unanimité du peuple, comme l’indique la procédure de l’Assemblée plénière, et il ne faut pas oublier que, dans bien des cités, le nom d’Héliée n’a jamais cessé d’être celui de l’Assemblée. Les six mille juges étaient tirés au sort parmi les citoyens qui se présentaient dans les conditions légales[44]. Chaque tribu en fournissait six cents, qui étaient probablement pris dans les dèmes proportionnellement au nombre des habitants[45]. Les opérations du tirage au sort étaient faites par les neuf archontes et leur secrétaire, chacun pour sa tribu[46]. Après la prestation du serment, les juges étaient répartis par le sort entre les différents tribunaux et, par conséquent, entre les magistrats qui en avaient la présidence[47]. On s’arrangeait de manière que, dans chacune de ces sections, les dix tribus eussent une représentation égale[48]. Le nom de dicastère désignait donc à la fois un tribunal et son personnel[49], d’où le rom de dicastes donné généralement aux juges ; le terme d’héliaste était appliqué plus spécialement aux dicastes qui se réunissaient sur l’agora, dans la vieille Héliée des thesmothètes[50]. Ainsi les juges savaient dans quel tribunal ils siégeraient et à quel magistrat ils seraient attachés l’année entière[51] : un tel à l’Héliée, sous la présidence des thesmothètes ; tel autre au tribunal près des murs, avec l’archonte ; ceux-ci au parabyste, avec les Onze ; ceux-là au tribunal neuf ou à l’Odéon[52]. Ils savaient donc d’avance quelles affaires leur seraient soumises, et les plaideurs ne l’ignoraient pas non plus. On conçoit les inconvénients de ce système. Ce qui les palliait et décourageait la corruption, c’était le trop grand nombre des juges qui composaient un dicastère[53]. Ils n’étaient pas six cents, il est vrai, car il fallait bien prévoir les absences ; mais ils étaient régulièrement cinq cents nu plutôt, selon la règle générale qui prévient le partage égal des voix, cinq cent un. Dans les procès importants, surtout dans les procès politiques, on réunissait plusieurs sections pour former le tribunal. Il en fallait deux pour une affaire d’eisangélie[54]. Mais il y a mieux : Périclès comparut devant quinze cent un juges[55] ; en 404, l’Assemblée décréta que certains citoyens prévenus de complot contre la sûreté de l’État seraient cités devant un tribunal de deux mille membres[56] ; Andocide parle même d’un procès en illégalité jugé par six mille dicastes, c’est-à-dire par l’Héliée toutes sections réunies[57]. On conçoit qu’il ait fallu des mesures spéciales pour arriver à garnir les tribunaux. Comme il n’y avait guère de vacations que les jours de fête et les jours d’assemblée[58], ils fonctionnaient peut-être environ trois cents gours par au[59]. Impossible de déclarer la présence aux séances obligatoire ; personne ne se serait fait inscrire. Pour attirer les dicastes, on ne pouvait, dans une démocratie, que prendre le contre-pied du moyen employé dans les cités oligarchiques : au lieu d’une amende aux absents, une indemnité aux présents[60]. A moins que la démocratie ne voulût abdiquer sa souveraineté judiciaire, le misthos dicasticos était d’une nécessité absolue. Il était prélevé par les côlacrètes, chargés de la distribution, sur les frais de justice et les amendes[61]. Fixé à deux oboles et depuis 425 à trois, il n’équivalait d’ailleurs qu’au salaire d’une demi-journée de travail, au prix de la nourriture d’une personne. Ce n’était guère pour décider les gens de la campagne, quand ils demeuraient loin, à laisser là leur champ et à faire un long voyage en vue d’aller régler les petites affaires de concitoyens inconnus : même pour régler les leurs, ne fallait-il pas envoyer sur place des juges ambulants ? Les dicastes étaient donc surtout des citadins. Mais les riches, qui avaient autre chose à faire et ne pouvaient se laisser tenter par le diobole ou le triobole, se tenaient à l’écart[62]. La grande majorité des dicastes était fournie par les classes moyennes et inférieures de la ville, du port et de la banlieue. Les uns trouvaient dans le misthos un appoint appréciable à des revenus exigus ; les autres, de quoi remplir avantageusement une journée sans travail. Philocléon y voit le moyen d’ajouter une friandise au menu du dîner ; il jubile d’avance à la pensée de la galette soufflée que lui servira sa femme et des baisers dont sa fille gratifiera ce cher papa[63]. Les vieux surtout n’étaient pas fâchés de rapporter quelque chose à la maison : ces héliastes qui, dans le chœur d’Aristophane, se rappellent avec bonheur leurs campagnes en remuant des souvenirs de cinquante ans[64] peuvent se faire, avec une occupation peu fatigante et honorable, une modeste pension de retraite. Au reste, la raison pécuniaire n’était pas la seule à laquelle on fût sensible pour prendre goût au métier, Quelle meilleure occasion pour d’incorrigibles bavards que ces rencontres quotidiennes entre habitués ? Et quel plaisir de dieu pour une vanité vulgaire, que les cajoleries des plaideurs les plus huppés, les flatteries des plus célèbres orateurs ! Avec des juges qui n’étaient en somme que des jurés, les affaires devaient être mises en état avec soin pour le jour de l’audience. L’hégémonie avait donc une grande importance ; car elle comportait, avant la direction des débats, l’instruction tout entière. Elle appartenait, pour l’énorme majorité des procès, aux archontes : au roi, pour les actions relatives au culte ; à l’archonte, pour celles qui concernaient le droit privé ; au polémarque, pour celles qui intéressaient les étrangers domiciliés ou privilégiés ; aux thesmothètes, pour celles où il s’agissait de l’intérêt public, Les Onze, gardiens des prisons, introduisaient les causes à procédure sommaire qui entraînaient l’emprisonnement préventif. Quand Athènes devint une grande puissance maritime et commerciale, elle sentit le besoin de créer des magistrats à compétence spéciale pour les litiges qui demandaient une solution rapide. Les nautodikai, qui furent supprimés après 397[65] et dont l’héritage passa aux thesmothètes, avaient dans leur juridiction surtout les litiges des armateurs, des agents du transport et des ouvriers du port, à quoi s’ajoutaient depuis 451/0 les actions en extranéité intentées aux métèques qui se faisaient passer pour citoyens[66]. Les eisagôgeis, au nombre de cinq, introduisaient les affaires commerciales qui devaient être réglées dans le délai d’un mois (δίκαι έμμηναι), y compris les réclamations des villes confédérées quant au chiffre du tribut[67]. La citation est faite par le plaignant lui-même, accompagné de deux témoins instrumentaires, dont la déposition, au cas où le défendeur ferait défaut, autoriserait la procédure par contumace[68]. Toute plainte est déposée entre les mains du magistrat par écrit, que ce soit une diké ou une graphé[69]. Si le magistrat l’accepte, aussitôt a lieu la consignation des frais. Pour les actions privées, les deux parties consignent des prytanies qui s’élèvent à trois drachmes, si l’objet en litige en vaut de cent à mille, et à trente drachmes, s’il vaut davantage ; mais le perdant devra rembourser le gagnant. Pour les actions publiques, l’accusateur paie la parastasis, somme fixe et légère, et, s’il est intéressé à l’amende éventuelle, la prytanie. Pour les revendications de succession ou de biens indûment confisqués, le demandeur dépose un dixième dans le premier cas, un cinquième dans le second, la consignation devant faire masse avec le principal[70]. Le magistrat prend alors jour pour l’instruction (άνάκρισις). Dans l’intervalle, le texte de la demande est affiché. L’instruction commence par la prestation d’un serment déclaratoire qui fixe la position des deux parties et dont la formule écrite est jointe au dossier (άντωμοσία, διωμοσία)[71]. Si le défendeur admet que la demande est recevable en la forme, le procès porte définitivement sur le fond (εύθυδικία). Sinon, le défendeur peut opposer à la demande deux exceptions, la première fondée sur des témoignages (διαμαρτυρία), la seconde sur d’autres objections (παραγαφή) : par là, il retourne la situation, et dans la nouvelle affaire il devient demandeur. Il faut que l’action subsidiaire ait reçu sa solution, pour que l’action principale soit déclarée caduque ou suive son cours[72]. Sur les faits de la cause, les moyens de preuve sont : les lois, les contrats, les dépositions d’hommes libres, les déclarations d’esclaves obtenues par la mise à la question, le serment des parties[73]. Les pièces authentiques, originaux ou copies dûment certifiées, et les procès-verbaux des moindres incidents sont joints au dossier. — L’instruction terminée, s’il s’agit d’une action publique, le magistrat garde le dossier scellé dans une boîte jusqu’au jour fixé pour l’audience. S’il s’agit d’une action privée, il le transmet à l’arbitre pour tentative de conciliation. Au cas où la tentative échoue, l’arbitre met toutes les pièces dans deux boites séparées, l’une au nom du demandeur, l’autre au nom du défendeur, y appose son cachet, y attache la sentence arbitrale transcrite sur une tablette et remet le tout aux juges de la tribu du défendeur, chargés d’introduire l’affaire devant le tribunal[74]. Il est interdit aux parties d’invoquer à l’audience aucun moyen de preuve, texte de loi, sommation, témoignage, etc., autre que ceux qui ont été apportés à l’instruction[75]. Le magistrat qui a fait l’instruction demande aux thesmothètes de fixer le jour de l’audience et le nombre de juges appelés à siéger. Sauf pour les procès commerciaux qui venaient obligatoirement dans le mois, la date de l’audience était souvent fort éloignée. D’abord, le rôle était trop chargé[76]. Ensuite, les remises se succédaient par la faute des parties, qui avaient recours à toutes sortes de manœuvres et de chicanes dilatoires, à, l’aide de serments auxquels s’opposaient vainement des serments adverses (άνθυπωμοσίαι). Il y avait des procès qui traînaient ainsi pendant des années. Si, à la dernière extrémité, un des plaideurs faisait défaut, le défendeur était ou jugé par contumace ou renvoyé des fins de la plainte[77]. Enfin arrive le jour de l’audience. Le tribunal est entouré d’une palissade interrompue par une porte à claire-voie[78]. Chaque fois qu’une affaire excite les passions, les curieux se pressent autour de la barrière. Cependant, en 415, quand on jugea les violateurs des mystères, on voulut une sorte de huis-clos par respect pour les déesses : pour contenir la foule, une corde fut tendue à cinquante pieds de la barrière et gardée par des esclaves publics[79]. A l’intérieur, les dicastes sont assis sur des banquettes de bois recouvertes de nattes de jonc. Au fond, le président siège sur une tribune en pierre (βήμα) d’où il domine l’assistance. Il a près de lui son secrétaire ou greffier, son héraut et des archers scythes charges de la police. Devant lui, la tribune aux plaidoiries. A droite et à gauche, deux autres tribunes, où se tiennent les parties, tant qu’elles n’ont pas à prendre la parole. Dans l’intervalle, une table sur laquelle, après le voter on compte les suffrages[80]. La séance est ouverte de bon matin. Il faut que les dicastes se lèvent avant l’aube, s’ils ne veulent pas manquer la paye, car, à l’heure dite, au signal donné par le président, on terme la porte au nez des retardataires[81]. Ceux qui arrivent à temps reçoivent à l’entrée un jeton (σύμβολον) qu’ils échangeront au moment du vote contre un autre, échangeable à la sortie contre un triobole[82]. On commence, comme à l’Assemblée, par un sacrifice et une prière. Aussitôt, sur l’ordre du président, le héraut proclame la liste des affaires à juger ; car on expédie plusieurs procès privés en une séance, mais un seul procès public. Après quoi, le greffier donne lecture de la demande ou de l’acte d’accusation et de la déclaration qu’y oppose la défense[83]. La parole est donnée successivement au demandeur et au défendeur. Chacun doit parler pour son compte, sauf les incapables, femmes, mineurs, esclaves, affranchis et métèques, qui sont représentés par leur tuteur légal, leur maître ou leur patron. Le plaideur qui ne se sent pas capable de faire lui-même son discours, le commande à un homme du métier, un logographe, et l’apprend par cœur ; mais ils n’osent l’avouer ni l’un ni l’autre. D’ailleurs, l’accusé et même l’accusateur peuvent demander au tribunal de se faire aider ou remplacer par un ami plus habile à parler ; l’autorisation est rarement refusée, à condition toutefois que l’avocat (synègore ou syndic) ne se fasse pas payer. En ce cas, l’intéressé peut ou bien se borner à quelques mots d’introduction et passer la parole à son assistant, ou bien faire corroborer son plaidoyer par une péroraison énergique ou une explication complémentaire. Cette entraide est d’un usage constant dans les procès politiques, et les membres des hétairies oligarchiques la considèrent comme une de leurs principales obligations. Il est de règle dans les procès privés, mais non pas dans les autres, que le demandeur ait le droit de réplique, et le défendeur, le droit de duplique (ύστερος λόγος)[84]. Or, le jugement doit être prononcé le jour même[85], sauf le cas où un signe de Zeus un orage ou un tremblement de terre, oblige le président à lever la séance[86]. Il faut donc qu’on aille vite. Excepté dans certains procès d’un caractère sentimental, ceux qui intéressent les mineurs, les vieillards, etc. (δίκαι χωρίς ύδατος), la durée des plaidoyers est rigoureusement mesurée. La clepsydre y pourvoit[87]. Dans les procès privés, les parties disposent d’un temps plus ou moins long, selon la valeur de l’affaire. Au IVe siècle, où l’on sera un peu plus strict qu’au Ve, elles auront chacune de vingt à quarante-huit minutes pour le plaidoyer principal, et de huit à douze pour le second[88], non compris le temps consacré à la lecture des lois, décrets et autres pièces du dossier[89]. Dans les procès publics où les peines sont sujettes à estimation, la journée est partagée par tiers, dont un est accordé à l’accusation, un à l’accusé, et un aux juges. Jusque vers 390, les dépositions des témoins doivent être orales ; depuis, elles sont rédigées à l’avance par écrit et lues par le greffier[90]. Défense est faite à chaque partie et à ses témoins d’interrompre l’adversaire, à moins qu’il y consente formellement ou leur pose lui-même des questions, auquel cas sa clepsydre continue de fonctionner[91]. De pareils incidents donnaient aux débats une singulière animation. Il y en avait d’autres, dans les affaires criminelles et politiques, parfois mètre dans certaines affaires civiles, qui produisaient une émotion intense et surexcitaient les passions. Quand le demandeur sentait que les choses tournaient mal pour lui, il pouvait jusqu’au dernier moment retirer sa plainte. Dans les procès privés, il en avait encore le droit à l’instant où l’on allait sortir les suffrages de l’urne pour les compter, soit qu’il s’y décidât de lui-même, sait qu’il se fût accordé avec le défendeur sur les clauses d’une transaction ou sur un compromis d’arbitrage privé. Il n’encourait d’autre pénalité que la perte des frais consignés[92]. Dans les procès publics, l’accusateur qui se désistait était condamné à une amende de mille drachmes et privé désormais du droit de déposer une plainte de ce genre. On connaît cependant de pareils engagements conclus, même à prix d’argent, avec le consentement des magistrats[93]. Tant que duraient les débats, le rôle des juges était celui de jurés muets et passifs. Aussitôt après, ils étaient appelés à voter par la voix du héraut. Ils votaient sans délibération, et le secret du vote en garantissait la liberté[94]. Au Ve siècle, chaque juge recevait un petit coquillage (χοιρίνη) ou un caillou (ψήφος) qu’il déposait, selon qu’il était favorable à l’une ou l’autre partie, dans l’une des deux urnes devant lesquelles il passait[95]. Après 1390, on imagina un système qui assurait mieux le secret du vote : chaque juré recevait deux jetons de bronze, l’un pleins pour l’acquittement, l’autre percé, pour la condamnation r il jetait celui qui devait compter dans une urne en bronze (κύριος άμφορεύς) et l’autre, pour la contre-épreuve, dans une urne en bois (άκυρος άμφορεύς)[96]. Les résultats du scrutin étaient proclamés par le héraut, et le jugement, fixé à la majorité simple, était prononcé par le président. En cas d’absolution, tout était terminé. Il ne restait qu’à infliger à certains accusateurs ou demandeurs les pénalités automatiquement applicables aux actions téméraires. Les accusateurs qui n’obtenaient pas le cinquième des voix dans les procès publics étaient condamnés, comme ceux qui s’étaient désistés, à une amende et à une atimie spéciale. Dans un assez grand nombre d’actions privées, telles que les exceptions soulevées centre les actions principales, les actions reconventionnelles, les actions contre tuteurs ou contre débiteurs, les demandeurs déboutés devaient aux défendeurs une indemnité figée au sixième de la somme litigieuse[97]. En cas de condamnation, deux hypothèses étaient possibles, Le droit grec distinguait, en effet, les procès avec estimation (άγωνες τιμητοί) ou sans estimation (άγώνες άτίμητοι), c’est-à-dire que la peine était tantôt laissée à la discrétion des juges, tantôt déterminée à l’avance par une loi ou un décret de renvoi au tribunal ou même par un accord préalable- des parties, Donc, dans les procès de la seconde catégorie, la sentence de condamnation entraînait la peine, sans autre formalité. Ce n’est que dans des espèces limitativement déterminées, sur la demande d’un de ses membres et après vote spécial, que le tribunal ajoutait une peine accessoire (προστίμημα) à la sanction édictée par la loi[98]. Mais, dans les procès de la première catégorie, une nouvelle procédure était nécessaire pour fixer le montant de la peine afflictive ou pécuniaire (τιμάν ό τι χρή παθεΐν ή άποτεΐσαι)[99]. L’accusateur et l’accusé proposaient l’un et l’autre au tribunal une sanction : c’étaient l’estimation (τίμησις) et la contre-estimation (άντιτίμησις), Ils avaient un court instant poux justifier leur dire ; puis un second vote était émis, par lequel les juges ne pouvaient que se prononcer sur l’une et l’autre proposition, sans avoir le droit de prendre un mayen terme. Tandis qu’au IVe siècle ce second vote était émis de la même façon que le premier, au Ve siècle on se servait de tablettes enduites de cire sur lesquelles les juges traçaient une ligne longue ou courte, suivant qu’ils opinaient pour la peine la plus forte cru la plus faible[100]. C’est cette procédure, destinée à limiter les pouvoirs arbitraires, qui explique la condamnation à mort de Socrate. La législation pénale appliquée par les tribunaux se fondait, dans l’opinion commune et dans les théories des philosophes, sur les idées de correction (κόλασις, νουθεσία), de réparation (τιμωρία) ou d’intimidation et de défense sociale (παράδειγμα, άποτροπή). Le principe de la responsabilité est appliqué avec une rigueur croissante et ne cesse pas de l’être, comme dans les temps les plus reculés, aux animaux et aux objets coupables d’homicide. Le cumul des peines est prescrit par la loi pour les crimes à sanction non appréciable, tels que le sacrilège et la trahison, qui sont passibles à la fois de la peine capitale et de la confiscation. Mais, pour les délits à sanction appréciable, la peine afflictive exclut la peine pécuniaire (παθεΐν ή άποτεϊσαι). L’absence d’intention et l’irresponsabilité physiologique (enfance, démence. colère, passion, contrainte) constituent des circonstances atténuantes ; la récidive et les délits commis dans une cérémonie publique ou sacrée prennent, au contraire, une gravité spéciale. La procédure et le châtiment diffèrent souvent selon que les deux parties sont des citoyens ou qu’ailles sont, l’une ou l’autre ou toutes les deux, des métèques ou des esclaves. Les peines afflictives sont : la peine de mort, qui frappe d’après la loi le meurtre prémédité, le sacrilège et la trahison et qui peut frapper toutes sortes de crimes plus ou moins assimilables à ceux- là dans les procès à sanction appréciable ; le bannissement, qui remplace souvent la peine de mort ; l’atimie, qui, après avoir été la mise au han de la société, s’est adoucie sous forme de dégradation civique ; la servitude pénale et l’emprisonnement, réservés généralement aux non-citoyens et dans des cas exceptionnels ; la flagellation, infligée seulement aux esclaves. Les peines infamantes sont : la privation de sépulture, qui peut être consécutive à un jugement posthume ; l’interdiction aux femmes adultères de porter des ornements et d’entrer dans les temples ; l’imprécation, lancée contre certains contumaces ; l’inscription ignominieuse sur une stèle. Les peines pécuniaires sont : la confiscation totale ou partielle, les amendes et le dommages-intérêts[101]. Signification du jugement est faite à qui de tirait par acte ; écrit aux fins d’exécution. Après un procès public, l’acte est remis aux magistrats compétents, par exemple, aux. Onze, chefs des geôliers et du bourreau, et aux pôlètes, chargés de mettre en vente les biens confisqués. Quand il concerne une affaire politique, il est déposé dans les archives. Après un procès privé, il est remis à la partie victorieuse, l’État ne prenant part à l’exécution que dans la mesure où il a lui-même un intérêt à sauvegarder. La perception des amendes revient aux practores et, quand la lime doit être prélevée sur elles au profit d’Athéna, la perception de cette dune incombe aux trésoriers de la déesse. Une règle commune à toute la Grèce substitue au débiteur d’une amende impayée le magistrat fautif[102]. En principe, le jugement, expression de la volonté populaire, est irrévocable, souverain (κύριος) et parfait (αύτοτέλης)[103]. Mais la rescision n’est pas impossible en matière criminelle. Ce que le peuple a fait, le peuple peut le défaire, à condition que le respect de la chose jugée reste sauf. Différents mayens de procédure permettent d’arriver à ce résultat, les uns juridiques, les autres politiques. Le contumace peut faire opposition au jugement par défaut dans les deux mois, s’il établit sous la foi du serment que son absence était justifiée par un vice de procédure. Des actions en faux témoignage et en manœuvres frauduleuses, actions à estimation, donnent aux tribunaux la faculté de réparer le dommage causé par une condamnation pécuniaire ou de fournir à la victime d’une condamnation afflictive le fart nouveau sur lequel peut se fonder une demande en rétraction de jugement. D’autre part, l’Assemblée conserve, en matière judiciaire comme dans le reste, sa prérogative suprême. Elle a le droit de grâce. Mais nul n’y peut avoir recours sans avoir obtenu préalablement une adeïa, un de ces bills d’indemnité qui doivent réunir au moins six mille suffrages. Cette procédure solennelle prélude à tous les décrets d’épitimie ou de réhabilitation. Seule, elle donne valeur légale à l’amnistie collective, qui n’est jamais accordée que dans des occasions extraordinaires, par mesure de salut public. Seule, elle couvre contre une accusation d’illégalité les actes de rémission individuelle, le rappel d’un bannie la révocation d’atimie, l’annulation d’une dette publique[104]. C’est ainsi que le peuple athénien trouvait moyen de sauvegarder la souveraineté partielle des juges, ses délégués, en maintenant intacte la souveraineté totale qui ne pouvait appartenir qu’à la totalité des citoyens. III. — TRAITS DISTINCTIFS DE LA JUSTICE ET DU DROIT. Les institutions juridiques que nous venons de décrire ont été l’objet de maintes critiques, tant chez les anciens que chez les modernes. Qu’en faut-il penser ? Ce qui frappait avant tout les contemporains et ce qui nous frappe encore quand nous lisons les plaidoyers des orateurs, c’est un esprit de chicane vraiment excessif, un goût de la procédure bien déplaisant. Un adversaire de la démocratie se demandait s’il y avait autant de causes publiques et privées dans tout le reste de la Grèce que dans la seule Athènes[105]. Il est certain que les particuliers allaient en justice avec une facilité déplorable, que les redditions de comptes et les liturgies étaient des nids à procès, que l’absence de ministère public faisait pulluler la gent des sycophantes. Ce n’est pas sans raison que le comique a imaginé le nom de Dikaiopolis. Sans nier le fait, il faut pourtant l’expliquer. Cette ardeur à se lancer dans la bataille tient à l’instinct comba1ifdes Grecs et, en général, des peuples méditerranéens. Si on le rattache à ses origines et à un passé encore très récent, il est la marque d’un grand progrès accompli dans les relations sociales. Jadis, les adversaires se cherchaient les armes à la main et l’on voit pendant tout le VIe siècle encore la vendetta couvrir l’Attique de sang. L’abus de la chicane remplace l’abus de la force et témoigne que les citoyens réfrènent leurs passions pour les assujettir à la loi[106]. Même la plaie des sycophantes vient de ce qu’on est encore trop près des temps où la juridiction de I’État n’était pas obligatoire. Elle aussi est un mal qui a sa contrepartie : faute de ministère public, la justice est du moins indépendante du gouvernement, et l’initiative des citoyens en matière de poursuite privée ou publique est un des droits qui résultent de la liberté. Mais laissons les justiciables et tournons-nous vers les juges. Ici encore, on ne trouve en général qu’à blâmer[107]. On s’en prend d’abord au misthos. Ces jurés qui courent au tribunal dès le patron minet pour être sûrs d’échanger le soir leur jeton de présence contre deux ou trois oboles, qui languissent après le moment de boire du lait de côlacrète[108], donnent à des esprits tant soit peu délicats un spectacle choquant. Cette distribution de salaires à des centaines, des milliers de citoyens ne les a-t-elle pas détournés du travail productif ? n’a-t-elle pas en même temps grevé démesurément le budget ? Et quelle idée de faire siéger la foule dans les tribunaux ! C’était une compétence universelle reconnue à l’incompétence, la justice mise en déroute par l’ignorance de la loi. Il n’était pas difficile à des plaideurs habiles, à des logographes retors d’argumenter hors de la cause, de citer des textes à côté, de se livrer à des interprétations fallacieuses. Il y avait pire. Appelant à l’aide l’éthos et le pathos, l’éloquence essayait de prendre les héliastes par leur faible, d’exciter les passions. On voyait des accusés faire monter auprès d’eux à la tribune leurs parents, leur femme et leurs enfants en pleurs, pour apitoyer les juges[109]. De part et d’autre, on faisait étalage de patriotisme ou de dévouement à la démocratie ; on fouillait la vie de l’adversaire pour lui lancer à la tête les pires insultes, les calomnies les plus atroces. Dés qu’une affaire touchait à la politique, le prétoire se changeait en assemblée publique : les juges ne se défendaient plus de céder aux entraînements de parti, la partialité se déguisait en justice. Aussi bien la loi n’avait-elle qu’à se taire là où le sentiment de la responsabilité professionnelle était remplacé par l’orgueil d’une souveraineté irresponsable[110]. D’ailleurs, elle ne disait mot dans un grand nombre de causes, dans celles qui laissaient aux juges des pouvoirs arbitraires en matière de pénalité. Le système des actions appréciables permettait ainsi au tribunal, comme celui des eisangélies, d’assimiler les uns aux autres les crimes les plus différents. Et pas d’appel. On comprend qu’Athènes ait pu, en condamnant Socrate, commettre la plus grande des erreurs judiciaires. A ce réquisitoire, dont nous n’avons pas dissimulé la force, il y a bien des choses à répondre. Il nous faut, encore une fois, pour apprécier sainement les institutions du Ve siècle, les éclairer à la lumière du passé et n’en pas croire sur parole les adversaires du régime. Le misthos dicasticos a des origines lointaines : déjà dans la cité homérique, les gérontes faisaient déposer par les parties des piécettes d’or, prix de l’arbitrage sollicité, et plus tard les mangeurs de présents qui dominaient en Béotie ne rendaient pas non plus la justice gratuitement. Pourquoi la démocratie eût-elle fait autrement, quand le sacrifice d’une journée perdue était bien plus lourd pour les petites gens ? Le montant du misthos était, au demeurant, extrêmement modeste : vers l’époque où il était institué à Athènes et où il s’élevait à deux oboles, il était à Halicarnasse d’un hémiecte, qui valait sept fois plus[111]. Il n’y avait vraiment pas de quoi inciter les citoyens à la paresse, même avec le triobole, qui leur permettait seulement d’ajouter un entremets au menu du soir et, s’ils étaient vieux, de ne pas passer dans leurs familles pour des bouches inutiles. Quant au trésor public, il n’était en rien intéressé dans la question, puisque la solde était payée sur la caisse spéciale des revenus judiciaires : les juges vivaient de la justice. En somme, la solde des dicastes ne mérite nullement les reproches qu’on adressera un jour avec quelque apparence de raison à la solde des ecclésiastes. Sans doute, elle les mériterait moins encore, si le nombre des juges n’avait pas été si grand. Mais on se rend bien compte qu’il axe pouvait pas être moindre, quand on remonte au temps où fut instituée l’Héliée. Solon avait entendu dresser le peuple entier contre les sentences arbitraires des magistrats, en lui donnant le droit de les corriger en appel. A l’Héliée, comme à l’Assemblée plénière, le peuple légal devait donc être de six mille citoyens. Tout ce qu’on pouvait et devait faire, quand l’Héliée jugea en premier ressort — et tout naturellement encore en dernier, — c’était de la scinder en autant de dicastères qu’il en fallait pour qu’elle suffit à sa tâche, et on lui appliqua, comme aux autres institutions, la règle de la division décimale. Ces jurys énormes avaient leurs inconvénients, leurs dangers même : c’est indéniable. Ils n’avaient pas la science juridique et se laissaient sauvent entraîner par des raisons étrangères à la stricte justice. Encore convient-il de ne pas exagérer la critique et de ne pas la faire porter à faux. La condamnation de Socrate fut la conséquence tragique d’une procédure qui devait précisément, en obligeant les juges à choisir entre les sanctions proposées par l’accusateur et par le condamné, les empêcher d’intervenir arbitrairement dans la fixation des pénalités. Les accusateurs avaient eu grand’peine à obtenir un verdict de culpabilité, bien que l’accusé se fût refusé à user de toute supplication attentatoire à sa dignité[112]. Il pouvait facilement sauver sa vie en opposant à l’estimation de Mélètos, qui demandait la peine de mort, une contre estimation qui eût conclu à une peine très modérée. Il rte voulut pas, à son âge, donner un démenti à son passé, à sa mission. Sans bravade, avec une fierté ironique, il déclara qu’un homme comme lui méritait d’être nourri au prytanée le restant de ses jours[113]. Le condamné demandait la plus convoitée des récompenses. Il consentit à regret, sur les instantes prières de ses amis, à proposer de payer une amende de trente mines[114]. Mais les juges ne pouvaient revenir sur leur premier vote par une pénalité presque fictive. Il voulait mourir, il mourut. Il ne faut donc pas abuser de cet exemple, ni de ceux que fournissent au Ve siècle les procès politiques, pour croire que le peuple siégeant dans les tribunaux eût toujours des caprices de tyran. En tout cas, il est un reproche qu’on ne pouvait lui faire, celui de vénalité : il y aurait eu trop de juges à acheter. Nous avons sur ce point des témoignages précieux. Un oligarque athénien recule devant l’idée de réduire le personnel des tribunaux. Il serait trop aisé, croit-il, d’intriguer auprès d’un petit nombre de juges, et l’on obtiendrait par la corruption des sentences beaucoup moins justes[115]. Au dire d’Aristote, le premier Athénien qui se fit acquitter pour de l’argent fut, en 409, Anytos, un des futurs accusateurs de Socrate[116]. Tout compensé, le préjugé démocratique n’entraînait pas de dénis de justice plus révoltants que ne le faisaient ou ne le font les préjugés politiques et sociaux sous n’importe quel régime. Là encore nous aurons l’aveu de notre oligarque : il déplore qu’il n’y ait aucun espoir à fonder pour une révolution sur le mécontentement des citoyens frappés d’atimie, parce qu’à Athènes les condamnations de ce genre sont rarement injustes[117]. Éclatant hommage rendu par un ennemi au régime qu’il déteste t Ce qui subsiste, malgré tout, de la réputation qu’on a faite à la justice athénienne, c’est la mobilité, l’insécurité du droit qu’elle appliquait. Dans l’opinion courante, Athènes a été la patrie des arts, des lettres et de la philosophie, elle n’a jamais eu le dan juridique. Mais est-il passible qu’elle n’ait pas mis sur ses lois et sa jurisprudence, comme sur le reste, l’empreinte de sa raison et de son sens pratique ? Quand on l’apprécie comme on fait, on compare le droit attique, volontairement ou non, au droit romain ; au fond, on reproche à un droit en pleine période de transition de n’être pas complètement évolué. Il est des critiques qui sont des éloges. Cette absence d’unité, ce manque à l’esprit de système, cette inconstance des principes et des règles qui en découlent, tout cela n’aurait pas existé si Athènes, au lieu de rester superstitieusement fidèle aux vieilles coutumes et aux vieilles lois, n’avait pas continuellement distingué ce qui devait être conservé intact de ce qui devait être renouvelé. C’est sa gloire d’avoir été au Ve siècle une fournaise ardente d’où sortaient chaque jour les idées que martelaient et façonnaient poètes et philosophes. Au théâtre, dans les écales des sophistes, se débattaient de grandes questions de droit. Eschyle, dans l’Orestie, faisait réfléchir un peuple frémissant sur la responsabilité pénale et sur les attributions de l’Aréopage. Protagoras, pour la première fois dans le mande, cherchait des fondements rationnels au droit de punir, et d’emblée il les découvrait tous pour en contester ou en confirmer la valeur[118]. Antiphon composait des séries de plaidoyers qui sont moins encore des exercices de rhétorique judiciaire que des modèles d’argumentation juridique, vraiment dignes de l’homme que Thucydide qualifiait de penseur profond[119]. Voilà les grands ancêtres des jurisprudences. Ils n’entendaient pas, d’ailleurs, être de purs théoriciens. Protagoras surtout exerça une grande influence. Quand une colonie panhellénique s’établit à Thourioi, il fut chargé d’amender pour elle les lois de Zaleucos[120]. Il comptait parmi les intimes de Périclès[121], et l’on sait que l’homme d’État et le philosophe passèrent une journée entière à discuter en fins casuistes une question de responsabilité pénale[122]. Le système des actions appréciables et des eisangélies avait, du moins, l’avantage de familiariser des juges qui n’étaient pas des professionnels avec toutes les subtilités de la jurisprudence. I1 les incitait à de continuelles assimilations. Par là, il permettait, par exemple, de faire tomber toutes sortes de crimes et de délits sous le coup de la vieille loi centre le sacrilège et la trahison, par conséquent de les rendre passibles de la peine capitale. Mais, inversement, il permettait d’atténuer les incriminations et les pénalités traditionnelles conformément à des idées nouvelles, à des mœurs plus douces. Muni d’un pouvoir arbitraire, le peuple, souverain justicier, n’admettait de restriction ni à sa sévérité, ni à sa mansuétude ; mais il mettait plus souvent sa toute-puissance au service de sa constante humanité que de ses subites et courtes colères. Avant tout, il se dégageait des formes, des règles figées, pour faire prévaloir les droits individuels et chercher l’équité[123]. Tout le code pénal d’Athènes est dominé par le souci d’assurer aux citoyens la pleine et entière disposition de leur personne. De là un aspect tout particulier de ce code. Pas de reproche qu’on ait adressé plus souvent aux juges athéniens, que celui d’abuser des condamnations pécuniaires, et l’on insinuait parfois qu’ils le faisaient par intérêt, pour remplir la caisse du misthos. De fait, il y eut dans l’histoire d’Athènes des moments terribles où il fallut faire flèche de toast bais pour subvenir aux besoins du trésor[124], et même en temps ordinaire les confiscations et les amendes étaient d’une fréquence qui donne aisément prise à la malignité. Mais il faut voir les choses comme elles sont, Les peines pécuniaires tenaient lieu des peines afflictives que prodiguent les tribunaux modernes et dont beaucoup eussent paru intolérables aux Athéniens. La confiscation ne fut plus cumulée avec la peine de mort à la fin du Ve siècle : elle devenait donc un prix de rachat et sauva bien des têtes. Quant aux amendes, elles n’étaient si nombreuses que parce que la dignité du citoyen paraissait inconciliable depuis Solon avec les peines privatives de la liberté. L’emprisonnement, aussi bien que la détention préventive, pouvait convenir aux métèques ; la flagellation, aux esclaves ; ce n’étaient pas des sanctions applicables à des Athéniens. Ce n’est qu’à la dernière extrémité, dit Démosthène, qu’on doit attenter à la personne d’un homme libre... Et voulez-vous savoir la différence qu’il y a entre l’esclavage et lai liberté ? La plus remarquable consiste en ce que l’esclave répond de tous ses méfaits sur son corps et que l’homme libre, fait-il au dernier degré de la misère, reste au moins maître de cela[125]. Mais il est un autre sentiment qui anime la justice athénienne et lui fait accomplir de grandes réformes : le sentiment d’humanité. Les Grecs, en général, sont doux, en comparaison des barbares leurs voisins : ils ne raffinent pas sur les supplices, comme les Asiatiques ; ils ont des violences de coléreux, et non des brutalités d’alcooliques, comme les Thraces. Mais, plus que tous les autres Grecs, les Athéniens se font un titre d’éprouver en toutes circonstances cette sympathie pour l’infortune qui est à leurs yeux le privilège des esprits cultivés, ce large amour de l’humanité qu’ils ont été les premiers à nommer la philanthropie[126]. Que des Béotiens soient durs et haineux ; les Athéniens se doivent d’être justes et pitoyables. Ils veulent que jusqu’au fond du monde barbare, si l’on mention ne une loi protectrice des faibles, il soit rendu hommage à la bénignité de leurs mœurs[127]. Cette miséricorde s’étend même sur les coupables, même sur les condamnés à mort : quand ce ne sont pas de vils malfaiteurs, ils ne sont pas livrés au bourreau ; ou leur permet de lui échapper par le suicide, de demander au geôlier la coupe de ciguë qui les assure d’une fin prompte et sans douleur[128]. A plus forte raison, l’innocence a-t-elle prise sur le cœur des juges. A chaque instant, en appliquant la loi, ils sont appelés à la corriger. Sans doute les lois d’Athènes sont en général modérées et indulgentes, belles d’humanité : tel est l’avantage du plus grand nombre et surtout des petites gens[129]. Mais les lois ne prévoient pas tout ; il y en a, d’ailleurs, qu’on n’a jamais ni abrogées, ni réformées, et qui laissent peser sur la famille de certains criminels d’effroyables responsabilités. Comment innover, avec des lois consacrées par leur âge et le nom qu’elles portent ? Car enfin, les innovations sont nécessaires, et la raison veut que les lois ne soient pas immuables[130]. Les Athéniens ont, tout simplement, rempli leur devoir de juges avec leur cœur d’hommes. Ils sont toujours prêts à pardonner, et les accusateurs cherchent constamment à les prévenir contre un excès de sensibilité. Qu’une femme et des enfants menacés d’un sort inique viennent se placer près de l’accusé et se mettent à bêler, aussitôt le tribunal s’émeut. Alors, que voulez-vous ? dit le bonhomme Philocléon, nous sentons la rigueur de notre colère se relâcher d’un cran[131]. Hé ! oui, ils sont tous ainsi faits : ils aiment mieux absoudre un coupable que de condamner avec lui des innocents. C’est de cette façon que la jurisprudence n’a cessé d’amender la lai et de s’amender elle-même par la philanthropie. Pendant tout le Ve siècle, on assiste à l’abolition progressive de ce qui restait de la responsabilité familiale. En 473, un bouleute considéré comme traître est lapidé avec sa femme et ses enfants. Vers 465-464, dans une loi dictée aux Érythréens, Athènes exige que le traître soit mis à mort avec ses enfants, à moins que les enfants n’aient fait preuve de dévouement envers le peuple, c’est-à-dire à moins qu’ils n’obtiennent des lettres de rémission qui seront refusées seulement en cas de culpabilité personnelle. En 411, quand les oligarques Archeptolémos et Antiphon sont condamnés à mort, la sentence ne nomme même pas les enfants[132]. — En vertu de la loi sur l’ostracisme, tous les parents de Pisistrate étaient menacés depuis 308 de bannissement. En 471, les enfants de Thémistocle proscrit restent tranquillement à Athènes tant qu’ils veulent[133]. L’atimie, privation des droits civiques, est encore héréditaire dans un décret de 444/3. En 410, un plaideur dit au tribunal : On vous voit, juges, vous apitoyer à la perspective de l’infamie qui menace les enfants en même temps que les pères accusés et tenir les pères quittes de leurs fautes en faveur des enfants[134]. Une circonstance décisive permit au peuple de faire triompher ici encore le principe de la responsabilité personnelle : l’amnistie qui mit fin à la guerre civile en 403 couvrait les fils des trente tyrans, et, quand des ennemis personnels essayèrent de la violer, le peuple refusa de les suivre[135]. — Rester il est vrai, le fréquent emploi de la confiscation, qui est une peine forcément collective, comme l’est plus ou moins toute peine pécuniaire. Mais on a vu dans quel esprit les Athéniens multipliaient les sanctions de ce genre : ils s’en prenaient aux biens pour ne pas toucher aux personnes. Ifs ressentaient, d’ailleurs, vivement les répercussions injustes de certaines confiscations et faisaient leur possible pour les amortir : ils laissaient toujours quelques ressources à ceux qu’ils frappaient indirectement[136]. Tandis que la justice athénienne assurait les bienfaits de la liberté et de la fraternité aux citoyens, elle appliquait dans une certaine mesure le principe de l’égalité à ceux même qui en semblaient exclus par nature, aux esclaves. Logiquement, la notion de cité faisait de l’esclave aine chose des citoyens, un instrument saris nom, sans famille, sans propriété, sans droits. Par une conséquence non moins logique, l°idée démocratique, toujours favorable aux humbles, devait entraîner le peuple à voir que cette chose avait face humaine, que cet instrument avait une âme, que l’esclave lui-même méritait d’être traité avec philanthropie. Le sophiste Antiphon indiquait bien par quelles déductions les esprits libres arrivaient à cette conclusion subversive. Un fragment de papyrus nous permet de suivre son raisonnement. II pose en principe que les gens de bonne famille n’ont pas plus droit au respect que les autres : nous sommes tous et en tout de naissance identique. Mais alors rien ne détermine le grec et le barbare : tous nous respirons l’air par la bouche et par les narines. Et...[137] Ici le papyrus est mutilé ; mais nous avons la suite dans ces vers pathétiques prononcés par un personnage de comédie : Pour être esclave, on n’en est pas moins homme que toi, mon maître ; on est fait de la même chair. Personne n’est esclave de nature ; c’est le destin qui asservit les corps[138]. Dans le même sens agissaient des nécessités économiques. Le travail servile prenait des formes adoucies[139]. Certains maîtres, pour ne pas laisser improductifs les corps dont ils n’avaient pas l’emploi chez eux, les louaient à des patrons en quête de travailleurs. Il y en eut bientôt qui achetèrent de la main-d’œuvre uniquement pour la placer et en toucher le layer au jour le gour ou de mois en mois. Comme bien l’an pense, les liens qui rattachaient les esclaves en location à leur propriétaire se relâchaient de plus en plus. Alors on s’avisa qu’il était bien plus simple encore de laisser aux esclaves qui avaient un métier qualifié le soin de l’exercer où et comme ils voulaient, à charge de payer eux-mêmes au maître, devenu rentier, la redevance qui seule l’intéressait. Il se forma ainsi toute une catégorie d’esclaves domiciliés à part (χωρίς οίκοΰντες) ; ils ne se distinguaient des ouvriers libres que par l’obligation de prélever sur leur salaire la part du maître, une ou deux oboles par jour. Enfin, l’État avait recours, lui aussi, au travail servile, surtout pour la construction et l’entretien des édifices et des routes ainsi que pour les bureaux. D’où une nouvelle catégorie d’esclaves, vraiment privilégiés ceux-là non seulement ils avaient nécessairement droit au domicile particulier sans payer de redevance ; mais, grâce à leurs écritures, à leur connaissance des archives et à leur expérience administrative, ils guidaient les magistrats que désignait le sort et qui changeaient tous les ans ; ils exerçaient sur ces maîtres apparents un pouvoir occulte et arrivaient ainsi à jouer un rôle considérable. Comment s’étonner alors que les Athéniens aient laissé aux esclaves une liberté qu’auraient pu leur envier les citoyens pauvres de maint État oligarchique ? Évidemment, c’était l’intérêt des maîtres d’accorder aux esclaves un franc-parler qu’on croyait propre à les améliorer[140] ; c’était l’intérêt de la cité de ne pas les exaspérer là où ils formaient une agglomération redoutable. Mais il y a plus : c’était vraiment un sentiment démocratique qui poussait les Athéniens. Les oligarques étaient furieux de ce qui leur paraissait «le comble de la licence[141] : quelle indignité de ne pas pouvoir frapper les esclaves soi même exiger qu’ils cèdent le pas dans la rue, pour cette triste raison qu’habillés comme des citoyens, on ne les distinguait point ! C’est cela, l’anarchie des esclaves qui, pour Aristote, est un trait caractéristique de la démocratie[142]. De ce reproche le peuple athénien se fait un mérite. Il n’admet pas que le droit de correction corporelle[143] soit exercé d’une manière quelconque sur l’esclave par un autre que le maître, ni qu’il aille pour le maître jusqu’au droit de vie et de mort. La victime de sévices arbitraires et prolongés peut même chercher asile dans certains sanctuaires et demander à être vendue à un autre maître[144]. Le meurtre de l’esclave ne donne pas seulement lieu à une revendication en dommages-intérêts ; son maître, son champion, peut faire exiler le meurtrier par le Palladion[145]. L’esclave est même protégé dans son honneur par la même action publique que le citoyen (ypxr,-l). Disposition plus remarquable encore que la précédente, à cause des raisons qu’en donne Eschine, d’accord avec Démosthène : Ce n’est pas pour les esclaves que le législateur a tant de sollicitude ; il a estimé que celui qui, dans une démocratie, outrage qui que ce soit n’est pas apte à la vie commune en cité... Il a cru devoir considérer, non la qualité de la personne lésée, mais l’acte commis ;... car c’est la cité qu’il a jugée atteinte[146]. Mais l’idée la plus neuve, la plus hardie du droit athénien est de donner aux esclaves des garanties contre les magistrats, contre les représentants de la cité elle-même. Dans toute la Grèce, les règlements de police infligent une amende à l’homme libre et des coups de fouet à l’esclave. Mais, tandis que, partout ailleurs, la durée de la flagellation est à la discrétion du magistrat ou du bourreau, à Athènes un maximum est fixé pour la peine corporelle aussi bien que pour la peine pécuniaire : cinquante drachmes, cinquante coups[147]. Simple détail dans l’ensemble d’une législation ; atteinte énorme aux principes. Non seulement la loi mettait sur le même pied, dans la mesure du possible, celui qui ne pouvait être châtié que sur son corps et celui qui ne pouvait l’être que sur ses biens ; axais la cité, en restreignant le droit de ses représentants sur l’esclave, reconnaissait à un être dénué de capacité juridique un droit opposable à elle-même. Nous sommes là devant la plus typique de ces contradictions bienfaisantes, de ces belles inconséquences qui sont dues à l’introduction des idées démocratiques dans la vieille législation et qui inspiraient aux Athéniens un noble orgueil, parce qu’ils y voyaient la marque de leur supériorité morale sur les autres Hellènes[148]. Tant que les cités grecques avaient eu à établir leur puissance sur les ruines du régime familial, à remplacer la vengeance privée par le recours obligatoire en justice et à individualiser la responsabilité des délits privés, elles avaient marché toutes ensemble d’un pas à peu près égal sur la route du droit. Avais depuis que Solon avait tenté de donner urge valeur absolue au principe de liberté personnelle et institué des actions publiques pour la protection des faibles, depuis que Clisthènes et Périclès avaient renforcé la justice populaire, Athènes, emportée par la fougue de sa foi démocratique, s’était élancée, sur la voie où la maintenaient ses traditions, en avant de toutes les autres cités. À la fin du Ve siècle, elle seule reconnaissait à l’individu la libre disposition de son bien par testament ; elle seule avait aboli le privilège d’État en mature de responsabilité collective ; elle seule avait poussé la philanthropie jusqu’à saper dans son fondement rationnel cette institution de l’esclavage sans laquelle la cité semblait condamnée à périr. |
[1] ARISTOPHANE, Guêpes, 549, 620.
[2] DÉMOSTHÈNE, C. Nausim., 2.
[3] XXXIII, p. 436 ss.
[4] XXXIII, p. 390, n. 5.
[5] LYSIAS, C. Andoc., 14.
[6] DÉMOSTHÈNE, C. Aristocrate, 22 ss. ; ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 57, 3.
[7] ARISTOTE, l. c. ; PAUSANIAS, I, 28, 3, ss.
[8] DÉMOSTHÈNE, l. c., 53 ; PAUSANIAS, l. c., 10.
[9] ARISTOTE, l. c. ; POLLUX, VIII, 120, Cf. PLATON, Lois, IX, p. 866 d.
[10] DÉMOSTHÈNE, l. c., 76 ss. ; ARISTOTE, l. c. ; PAUSANIAS, l. c.
[11] DÉMOSTHÈNE, C. Pant., 59 ; cf. EURIPIDE, Hipp., 1447 ss. ; PLATON, l. c., p. 809 a, d-e.
[12] IJG, t. II, n° XXI, l. 13 ss. ; DÉMOSTHÈNE, C. Macart., 57 ; Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Everg., 72.
[13] Ps. DÉMOSTHÈNE, l. c., 68 ss. ; C. Néaira, 9.
[14] IJG, l. c., l. 29 ss. ; DÉMOSTHÈNE, C. Aristocrate, 87 s. ; C. Macart., l. c. ; C. Leptine, Z58 ; ANTIPHON, Chor., 36 ; ARISTOTE, l. c., 2.
[15] ANTIPHON, l. c., 42.
[16] Id., S. le meurtre d’Hérode, 11.
[17] ARISTOTE, l. c., 4.
[18] DA, art. Jus jurandum, p. 762.
[19] PAUSANIAS, l. c., 5. Cf. CAILLEMER, DA, art. Areopagus, p. 398, fig. 491.
[20] DÉMOSTHÈNE, C. Aristocrate, 69 ; ANTIPHON, l. c.
[21] ESCHINE, Euménides, 735 ; cf. DA, l. c., fig. 491-493.
[22] PAUSANIAS, l. c., 6.
[23] DÉMOSTHÈNE, l. c., 72 ; PORPHYRE, De l'abstinence, I, 9 ; PLUTARQUE, Thésée, 12 ; SUIDAS, s. v. έξηγηταί ; cf. PLATON, l. c., p. 866 c-d. Voir Otfr. MÜLLER, préf. des Euménides, p. 140 ss.
[24] ARISTOTE, op. c., 16, 5.
[25] Id., ibid., 26, 3.
[26] Id., ibid., 53, 1-2 ; LYSIAS, C. Pancl., 21.
[27] Voir R.-J. BONNER, The jurid. of the athen. arbitrators, Chicago, 1907.
[28] ARISTOTE, l. c., 4.
[29] Id., ibid., 5.
[30] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Everg., 12.
[31] Ibid. ; DÉMOSTHÈNE, C. Stephanos, I, 17 ; C. Boeotos, II, 11 ; POLLUX, VIII, 126.
[32] ARISTOTE, op. c., 53, 2 ; 48, 5 ; 58, 2.
[33] Id., ibid., 58, 2.
[34] DÉMOSTHÈNE, C. Midias, 84 ss.
[35] HARPOCRATION, s. v. παράστασις ; POLLUX, VIII, 39, 127.
[36] ARISTOTE, op. c., 55, 5.
[37] Id., ibid., 53, 2, 6.
[38] Ps. XÉNOPHON, République d’Athènes, III, 1-8.
[39] ARISTOTE, op. c., 63, 3 ; cf. DÉMOSTHÈNE, l. c., 182 ; C. Timocrate, 50, 123, 151.
[40] ARISTOTE, op. c., 53, 3.
[41] HARPOCRATION, s. v. Άρδηττος ; BEKKER, Anecd. gr., t. I, n° 443, 23 ; SUIDAS, s. v. ήλιαστής ; Étym. Magn., 147, 10.
[42] Voir DA, art. Jus jurandum, p. 755 ; CVI, t. I, p. 151.
[43] ARISTOTE, op. c., 24, 3 ; ARISTOPHANE, Guêpes, 661 ss.
[44] ARISTOTE, op. c., 37, 4.
[45] Cf. CVI, l. c., p.135.
[46] ARISTOTE, op. c., 59, 7 ; 63, 1.
[47] ARISTOPHANE, Guêpes, 1107.
[48] Id., ibid., 233 ss.
[49] IG, t. I, n° 37, 59 ; Suppl. n° 27 a, 87 c ; ANDOC., S. les myst., 78.
[50] RIG, n° 70 ; ANTIPHON, Chor., 21 ; cf. ANDOC., l. c., 27.
[51] ARISTOPHANE, Guêpes, 167, 244, 288 ss. ; IG, t. I, Suppl., n° 35 b ; cf. ANTIPHON, l. c.
[52] ARISTOPHANE, l. c., 129, 1108 s. ; IG, l. c. ; ANTIPHON, Meurtre d’Hérode, 10 s.
[53] Cf. Ps. XÉNOPHON, l. c.
[54] POLLUX, VIII, 53.
[55] PLUTARQUE, Périclès, 32.
[56] LYSIAS, C. Agoratos, 85.
[57] ANDOCIDE, Sur les mystères, 17.
[58] Ps. XÉNOPHON, l. c., 8.
[59] ARISTOPHANE, Guêpes, 594.
[60] ARISTOTE, Politique, VI (IV), 10, 6-8.
[61] Ps. XÉNOPHON, op. c., I, 16 ; ARISTOPHANE, Cavaliers, 1355 ; cf. LYSIAS, C. Epicratès, 1 ; POLLUX, VIII, 38.
[62] ARISTOTE, l. c., 5, 5 ; VII (VI), 2, 4.
[63] ARISTOPHANE, Guêpes, 605 ss.
[64] ARISTOPHANE, Guêpes, 236,355 ; cf. Acharniens, 375 ; Cavaliers, 255 ; PLUTARQUE, Nicias, 2.
[65] LYSIAS, XVII, 5, 8.
[66] IG, t. I, n° 29 ; BEKKER, Anecd. gr., p. 283, 3 ; HARPOCRATION, SUIDAS, HESYCHIUS, s. v. ναυτοδίκαι ; POLLUX, VIII, 126. Voir CXI, p, 95 ss. ; VI, t. III, I, p. 283, n. 2.
[67] ARISTOTE, Const. d’Ath., 52, 2 ; POLLUX, VIII, 93, 101 ; IG, t. I, n° 37, l. 14, 47 ; 38, f, l. 13 s.
[68] CXI, p. 769 ss.
[69] Ibid., p. 790 ss.
[70] Ibid., p. 809 ss.
[71] DA, art. Jus jurandum, p. 761 s.
[72] CXI, p. 833 ss.
[73] Ibid., p. 885 ss.
[74] ARISTOTE, op. c., 58, 2.
[75] Id., ibid., 3.
[76] Ps. XÉNOPHON, op. c., III, 6 ss.
[77] CXI, p. 908 ss. ; CVI, t. III, p. 903.
[78] ARISTOPHANE, Guêpes, 386, 552, 830 et Schol., cf. 121 et Schol., 775.
[79] POLLUX, VIII, 123, 141.
[80] Cf. Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Olymp., 31 ; ESCHINE, C. Ctésiphon, 207 ; ARISTOPHANE, l. c., 332.
[81] ARISTOPHANE, l. c., 100 ss., 345 ss., 689 ss., 775.
[82] ARISTOTE, op. c., 65, 3 ; 68, 2 ; 69, 2.
[83] ARISTOPHANE, l. c., 825, 851, 860 ss., 891 ss., 1441.
[84] Voir CVI, t. III, p. 905 ss., 911.
[85] PLATON, Apologie, p. 37 b.
[86] POLLUX, VIII, 124.
[87] ARISTOPHANE, l. c., 93, 857 ss. ; Acharniens, 603 ; Oiseaux, 1596 ; XÉNOPHON, Helléniques, I, 7, 23.
[88] Voir VII, t. II, p. 1161, n. 3.
[89] LYSIAS, P. l’invalide, 4, 8, 11, 14.
[90] CVI, t. III, p. 882.
[91] ARISTOPHANE, Acharniens, 687 ; LYSIAS, C. Ératosthène, 24 s. ; C. Agoras, 30, 32 ; P. Polystratos, 11 ; ANDOCINE, S. les myst., 55, 101.
[92] CVI, t. I, p. 222 ss.
[93] Ps. LYSIAS, C. Andocide, 12. Cf. CVI, t. III, p. 841.
[94] LYSIAS, C. Ératosthène, 91 ; XÉNOPHON, Banquet, V, 8.
[95] ARISTOPHANE, Cavaliers, 1332 ; Guêpes, 109 s., 332, 349, 987 ss. ; XÉNOPHON, Helléniques, I, 7, 9 ; IG, t. I2, n° 49, l. 18. Cf. CVI, t. III, p. 924.
[96] ARISTOTE, Const. d’Ath., 68.
[97] CVI, l. c., p. 940, 937.
[98] LYSIAS, C. Theomnestos, I, 16.
[99] CVI, l. c., p. 930 ss.
[100] ARISTOPHANE, Guêpes, 106 et Schol., 167 ss.
[101] DA, art. Pœna, p. 522 ss.
[102] Ibid., p.534 ss.
[103] LYSIAS, Sur le meurtre d'Ératosthène, 36 ; ANTIPHON, Tétr., I, II, 18 ; ARISTOPHANE, Guêpes, 512, 519 ; ANDOCINE, C. Alc., 9 ; ARISTOTE, Const. d’Ath., 9, 1 ; 41, 2 ; PLATON, Crit., p. 50 b.
[104] DA, l. c., p. 536 ss. ; CVI, t. III, p. 953 ss.
[105] Ps. XÉNOPHON, op. c., III, 2.
[106] EURIPIDE, Or., 507 ss. ; DÉMOSTHÈNE, C. Con., 17 s. ; C. Midias, 221 ; LYCURGUE, C. Léocrate, 4.
[107] Cf. V, p. 350.
[108] ARISTOPHANE, Guêpes, 721.
[109] Voir XXXIII, p. 552 ss.
[110] ARISTOPHANE, Guêpes, 622 ss.
[111] IJG, t. I, n° 1, l. 26 s.
[112] PLATON, Apologie, p. 34 b ss.
[113] Id., ibid., p. 36 d.
[114] Id., ibid., p. 38 b.
[115] Ps. XÉNOPHON, l. c., 7.
[116] ARISTOTE, Const. d’Ath., 27, 6 ; DIODORE, XIII, 64, 8 ; PLUTARQUE, Coriolan, 14 ; voir cependant ARISTOPHANE, Cavaliers, 1358 ss.
[117] Ps. XÉNOPHON, l. c., 12.
[118] DA, art. Pœna, p. 523.
[119] THUCYDIDE, VIII, 68.
[120] DIOG. LAËRCE, IX, 50.
[121] PLUTARQUE, Consolation à Apollonius, 33, p. 118 d.
[122] STÉSIMBROTE, ap. PLUTARQUE, Périclès, 36.
[123] Cf. G. M. CALHOUN, Greek law and modern jurisprudence (California Law Review, t. XI, 1923, p. 295 ss.).
[124] LYSIAS, C. Nicomachos, 22 ; C. Épicratès, 2 ; S. les biens d’Aristophane, 11.
[125] DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 167 ; C. Androt., 5.5.
[126] EURIPIDE, Électre, 294 s.
[127] DÉMOSTHÈNE, C. Leptine, 109 ; C. Midias, 48 s. ; Cf. XXXIII, p. 243 s.
[128] DA, art. Kôneion.
[129] DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 190 ss. ; C. Midias, 57.
[130] ARISTOTE, Pol., II, 5, 11 ss.
[131] ARISTOPHANE, Guêpes, 574.
[132] XXXIII, p. 456 ss.
[133] Ibid., p. 473 ss.
[134] LYSIAS, P. Polystratos, 34.
[135] Ibid., p. 493 ss. ; XCII, p. 320 ss.
[136] XXXIII, p. 515 ss., 544 ss.
[137] ANTIPHON, S. la Vérité, 5, Gernet.
[138] PHILÉMON, fr. 94, Kock.
[139] XXXV, p. 249-257.
[140] MÉNANDRE, fr. 370 Kock.
[141] Ps. XÉNOPHON, op. c., I, 10, PLATON, République, VIII, p. 563 b.
[142] ARISTOTE, Pol., VII (VI), 3, 12.
[143] ARISTOPHANE, Cavaliers, 5 ; Paix, 452, 746 ; Ploutos, 21 ; LYSIAS, Sur le meurtre d'Ératosthène, 18 ; XÉNOPHON, Mémorables, II, 1, 16 ; THÉOPHRASTE, Caractères, III, 12.
[144] POLLUX, VII, 13 ; PLUTARQUE, Thésée, 36 ; S. la superstition, 4, p. 166 d ; ARISTOPHANE, Cavaliers, 1312 et Schol. ; Thesmophories, 224 et Schol.
[145] EURIPIDE, Hécube, 291 ss. ; ARISTOTE, Const. d’Ath., 57.
[146] ESCHINE, C. Timocrate, 17 ; DÉMOSTHÈNE, C. Midias, 45 ss. ; cf. ATHÉNÉE, VI, 92, p. 266 f-267 a.
[147] Voir Les esclaves et la peine de mort dans le droit grec (CRAI, 1908, p. 571 ss.).
[148] EURIPIDE, l. c. ; DÉMOSTHÈNE, l. c., 48 s. ; C. Leptine, 109.