NAPOLÉON III INTIME

 

1848-1870

XVI. — EXAMEN DE CONSCIENCE.

 

 

Le gouvernement impérial en 1869. — Ce qu'Il avait voulu faire ; ce qu'il avait fait. — Ni Réaction, ni Révolution : Transaction. — Napoléon III le bien intentionné. — Les révolutionnaires pratiques. — Leurs anciens programmes. — Les révolutionnaires sans le vouloir. — Tout pour la liberté ! — La responsabilité ministérielle, dogme la veille, chinoiserie le lendemain. — Conversion générale. — Naïves erreurs. — Ce qu'elles nous ont coûté. — Comment la postérité les jugera.

 

Arrivé presque au terme de sa carrière, à la veille de déposer sinon sa couronne, du moins son pouvoir, entre les mains du Parlement, Napoléon III ouvrait la session de 1869 en disant :

Certes, tout gouvernement est sujet à erreur et la fortune ne sourit pas à toutes les entreprises ; mais ce qui fait ma force c'est que la nation n'ignore pas que, depuis vingt ans, je n'ai pas eu une seule pensée, je n'ai pas fait un seul acte qui n'ait eu pour mobile les intérêts et la grandeur de la France[1].

Il avait le droit de parler ainsi. Donnant un exemple, bien rare parmi nous, bien rare partout, il était resté invariablement fidèle au programme de sa jeunesse. S'il n'avait pu le réaliser complètement, il y avait tendu de tous ses efforts, de toute sa conscience, et jamais il n'en avait renié un seul article. Toujours animé de la même foi, profonde, inébranlable[2], il n'avait cessé de poursuivre, à travers tous les obstacles, la tache que lui avait assignée son nom, que lui avait léguée le grand Empereur : rétablir assez fortement l'autorité pour rendre la liberté sans péril, concilier les partis, protéger la religion, développer le bien-être, atténuer la misère des petits et placer la France A la tête des nations.

N'avait-il pas fait plus, beaucoup plus qu'aucun autre chef d'État pour le bien public ? Le tableau des travaux accomplis, des résultats obtenus depuis son avènement, — qu'il fit publier alors, comme pour rendre compte de son mandat à ses électeurs, — ne semblait-il pas représenter l'o3uvre de plusieurs règnes bien remplis ? Quel progrès n'avait-il pas favorisé ? Quelle souffrance ne s'était-il pas efforcé d'atténuer ? Quels services avait-il méconnus ? En quelles circonstances avait-il sacrifié son intérêt personnel à l'intérêt national et négligé volontairement son devoir de souverain ?...

Chacun des partis extrêmes trouvait naturellement qu'il l'eût bien mieux rempli en se livrant à lui : l'Empereur voulait gouverner peur tous et servir d'arbitre entre les prétentions contraires. Tout le monde a raison... un peu, disait un sage ; et, pensant comme ce sage, Napoléon III donnait à tout le monde sa part légitime de satisfactions. Mais les partis n'admettent pas qu'on leur fasse leur part. A droite on nommait l'Empire la Révolution, le Socialisme ; à gauche, la Réaction : il était simplement ce qu'il devait être, ce que sera désormais chez nous tout pouvoir équitable, intelligent : la Transaction.

Émile de Girardin lui avait donc rendu strictement justice, en disant l'année précédente : Nul n'a des tendances plus justes. Nul n'a plus profondément le sentiment de ce qui correspond au sentiment des masses... Au temps où l'on décernait aux souverains des surnoms, on l'eût surnommé Napoléon, le bien-intentionné[3].

Ses bonnes intentions ne s'étaient pas toujours réalisées. S'il avait donné à la prospérité publique un essor prodigieux, un essor tel qu'en le constatant de près, nos ennemis allemands devaient en être éblouis[4], certaines de ses entreprises extérieures avaient échoué ; son gouvernement, comme il le reconnaissait lui-même, s'était parfois trompé : quel gouvernement, quel homme est infaillible ? Mais, heureuses ou malheureuses, ses entreprises avaient toujours été inspirées par un sentiment de patriotisme, d'humanité, de justice[5] ; — et, de ses fautes, il n'en était pas une qui n'aurait pu se réparer aisément, si ses adversaires moins bien-intentionnés que lui n'avaient pris plaisir à les rendre irrémédiables.

Qu'appréciant ce que Napoléon III avait déjà fait pour le bien du pays, acceptant la main que sans haine ni rancune il leur avait tendue en toute occasion, ces adversaires eussent mis à le seconder un peu du zèle qu'ils mirent à le contrecarrer ; que, même en conservant haine et rancune au fond du cœur, ils eussent désarmé, du moins pour un moment, devant le péril national ; qu'au lieu de soulever le pays contre les projets militaires, ils lui eussent fait comprendre la nécessité d'un sacrifice, auquel, ils devaient l'astreindre eux-mêmes plus tard, — trop tard, hélas ! combien notre sort eût été différent ! La France, assez forte pour repousser, pour conjurer toute attaque, serait aujourd'hui l'une des premières nations du monde et la plus prospère, — sous le sceptre d'un jeune prince, à la noblesse duquel tous les partis ont rendu et rendent encore hommage[6].

C'est précisément ce que redoutaient par dessus tout les plus ardents, les plus actifs des opposants, — dont le seul but, le seul programme sincère était de détrôner l'Empereur et de prendre sa place, sauf à l'imiter le plus possible. Pour réaliser ce noble programme, tout leur était bon. Comme ils l'ont avoué, comme ils s'en sont vantés depuis, — quand ils demandaient à l'Empire des réformes libérales, en assurant que l'Empire y trouverait son profit, c'était avec la ferme intention de le conduire ainsi à sa perte[7] ; et quand ils désarmaient la France, c'était uniquement pour le désarmer lui-même[8]. Ils n'allaient pas, pour s'en débarrasser, jusqu'à saisir le poignard de Brutus, — les Brutus qui manquent leur coup passant en cour d'assises ; — mais ils invoquaient tout bas ce poignard libérateur[9] et, à haute voix, la petite balle bienfaisante[10]. Le service qu'ils attendaient de la petite bulle ou du poignard, c'est le canon Krupp qui le leur rendit ; on ne peut avoir oublié avec quelle franchise ils lui en exprimèrent leur gratitude, — même dans leurs publications officielles. Le Bulletin de la République (n° du 1er janvier 1871) reproduisait une violente diatribe, sorte de pamphlet, qu'il donnait comme un modèle de sincérité, de patriotisme et qui se terminait ainsi : Mon âme se refuse à pleurer le désastre de Sedan. César triomphant, à la tête de ses maréchaux, c'était son despotisme affermi pour de longues années encore... Bénissons donc nos défaites qui nous ont valu la liberté, en organisant les victoires qui nous rendront l'honneur.

De ceux-là, il n'y a rien à dire. Ils poursuivaient, en gens pratiques, un but précis : ils l'ont atteint. A défaut de la prospérité publique, leur prospérité particulière s'est incontestablement développée ; et si la révolution de 1870 n'a pas amélioré le sort du peuple, elle lui a donné une satisfaction indirecte, en améliorant beaucoup celui de ses représentants. Les bénéficiaires du régime actuel peuvent donc penser que cette fin heureuse a justifié tous les moyens.

Nous avons entre les mains la collection de leurs anciens

... [manque la page 392] ...

donnaient beaucoup de mouvement pour faire tomber la voûte sur leur tête[11], la branche leur paraissant trop forte pour céder sous eux, la voûte trop solide pour les écraser. L'opposition pour eux n'était qu'un sport de clubs et de salons. Ces révolutionnaires sans le vouloir, — les plus dangereux et les moins excusables de tous, — ont été peints en peu de mots par deux hommes qui les avaient vus de près. Au début de l'Empire, le 1er avril 1853, le duc de Mortemart écrivait : Dès que ces gens-là ne craignent plus ils frondent[12] ; et, vingt ans plus tard, le 14 janvier 1873, le comte de Circourt les déclarait incapables de supporter un gouvernement fort et de s'en passer[13].

D'autres poursuivaient, avec plus de conviction, un objectif plus défini, plus élevé. S'étant mépris, complètement mépris sur les sentiments de Napoléon III à l'égard de la Papauté, s'imaginant, contre toute vraisemblance, qu'après les avoir plus efficacement protégés qu'aucun autre, son gouvernement voulait trahir les intérêts religieux, ils croyaient bien servir ces intérêts en combattant l'Empire, en faisant voter pour ses ennemis, fussent-ils républicains et libres-penseurs : l'exemple, hélas ! ne fut pas rare.

Ils n'étaient pas guidés seulement par leur zèle pour la religion, mais par un zèle égal pour la liberté. Afin de la conquérir ils croyaient pouvoir contracter les alliances les plus suspectes. Ils ne s'y décidaient pas sans quelque hésitation, sans quelques tiraillements de conscience : Il faut le reconnaître, écrivait l'un d'eux, l'Union Libérale excite de profondes défiances parmi beaucoup d'honnêtes gens. On lui reproche d'avoir pour but, non le progrès, mais le renversement du régime actuel, c'est-à-dire la révolution, qui sourit peu au pays, et de faire bon marché de la religion[14]. Mais, en constatant ces scrupules, il ne

... [manque les pages 394-395][15] ...

pays, disent les jeunes royalistes du Gaulois, un chef militaire, démocratique et populaire... Le pays n'a d'autre conception de la monarchie que l'Empire, avec ou sans Bonaparte... La monarchie ne peut être aujourd'hui que démocratique et impériale... M. le comte de Paris devra être un roi militaire, un empereur dans le vrai sens du mot, c'est-à-dire, exercer un pouvoir personnel, autoritaire, religieux et militaire[16]. Plus prudemment, leurs aînés émettent à peu près le même avis. M. Hervé, dans le soleil, engage M. le comte de Paris à s'approprier ce qu'il y a de bon dans l'héritage des Napoléons, c'est-à-dire la conception d'une démocratie organisée. M. Vacherot réclame dans le Correspondant une monarchie démocratique où on ne laisse le Parlement ni gouverner, ni administrer.

Le Journal des Débats proteste, il est vrai. C'est pour lui un triste spectacle de voir un parti, si ardent jadis à combattre l'Empire, déclarer maintenant qu'il s'était trompé, et que le régime politique qu'il n tant attaqué est l'idéal auquel il faut revenir. Mais ce triste exemple, il se verra forcé de le suivre, lui-même, en une certaine mesure. Son optimisme, après avoir longtemps résisté à la leçon des faits, finira par y céder ; il y a peu de mois, il en faisait le pénible aveu[17]. Quant à la Revue des Deux Mondes, elle l'avait précédé dans cette voie douloureuse, admettant comme un fait absolument certain que le régime parlementaire, dans un état démocratique, est incapable de faire de bonne politique étrangère[18] ; qu'il ne fait pas de meilleure politique intérieure ; qu'il revêt les formes d'un gouvernement libre, et sous ce déguisement, cache en réalité un absolutisme impersonnel ; qu'on s'était donc ! bien trompé jadis en s'imaginant le contraire. Il semblait de loin qu'en remettant le pouvoir aux mains de la nation, on aurait un gouvernement plus dégagé de vues particulières, plus libre de l'esprit de coterie, plus ménager de la fortune publique ou n'en disposant qu'au profit de tous, un gouvernement, en un mot, plus préoccupé de l'intérêt général. Naïve erreur, dont l'expérience a partout fait justice ![19] A ces aveux, suivis de bien d'autres, elle vient d'en ajouter un plus net encore, en déclarant qu'entre le parlementarisme et la démocratie il y a une incompatibilité naturelle, qui doit inévitablement les mettre aux prises ; que la démocratie aime l'état autoritaire et le nécessite ; que, d'ailleurs, dans les conditions où se trouve l'Europe moderne il ne saurait plus y avoir que des démocraties centralisées et autoritaires ou des despotismes purs et simples[20]. Et voilà comment les libéraux-conservateurs comprennent aujourd'hui la France nouvelle. Si Prévost-Paradol revenait en ce monde !...

Les malheurs du pays et leur propre expérience ont dessillé leurs yeux. Ils disent maintenant, avec M. Jules Simon : Le devoir, c'est la patrie ; la liberté même vient après[21]. Ce sentiment les honore : mais pourquoi ne l'ont-ils pas éprouvé plus tôt ? Pourquoi a-t-il fallu que leur tardive Mu-cation se fit à nos dépens ? S'ils avaient compris autrefois ce qu'ils comprennent enfin ; s'ils avaient considéré le régime parlementaire comme ils le considèrent à cette heure, ils n'auraient sans doute pas, à seule fin de le conquérir, exploité, aggravé les difficultés extérieures du gouvernement impérial et l'auraient plutôt aidé à en sortir. Nous n'aurions pas perdu deux belles provinces. Le budget de la France, le budget de Paris, qu'ils se flattaient de réduire sensiblement, n'auraient pas été doublés. Les intérêts religieux, qu'ils croyaient servir en faisant le jeu des libres-penseurs, ne seraient pas opprimés ; le Pape, qu'ils croyaient défendre, en le dissuadant de la moindre concession, ne serait pas prisonnier au Vatican, etc. Ceux dont les naïves erreurs ont eu de si graves conséquences, ne devraient-ils pas se montrer modestes, indulgents et contrits ?

S'ils pouvaient faire leur examen de conscience à fond, se juger sans faiblesse, sans ménagement, — comme on juge le prochain, — ils en conviendraient. Ils ne le peuvent ; un homme, fût-il empereur, confesse parfois ses fautes ; un parti, jamais[22]. Attendons ! Ce qu'ils n'avoueraient pas, l'impartiale postérité le dira pour eux. Elle cassera le cruel verdict prononcé contre Napoléon III par les partis coalisés qui l'avaient détrôné et se montrera, nous en sommes certain, plus favorable à l'accusé qu'aux accusateurs.

Nous avons bien le droit d'escompter cette justice de l'avenir ; car on lui a déjà dicté son arrêt de révision. Qui donc ? Quelque officieux de l'Empire ? Nullement ; un de ses anciens ennemis, ayant partagé jadis les illusions, les préventions de tous les autres, s'en étant repenti, et ayant eu le rare courage de le dire : le comte Armand de Pontmartin, qui, peu de temps avant sa mort, écrivait cette page éloquente :

La fatalité qui s'acharne contre la France depuis soixante ans n'a pas eu de symptôme plus caractéristique et plus sinistre que le vent de folie qui souffla après le coup d'État et l'avènement de l'Empire sur l'élite de la société parisienne. Quand la véridique histoire dira qu'il y a eu un moment où Napoléon, le plus doux, le plus débonnaire des tyrans, passa pour un Néron, où, en dépit, de la terrible leçon du 24 février 1848, les gros bonnets de la droite se coalisèrent avec les éternels fauteurs d'anarchie politique et sociale ; quand elle ajoutera... que l'Académie française, oubliant le précepte de la sagesse : L'abus de la faiblesse n'est pas plus permis que l'abus de la force, s'ingéniait matin et soir en taquineries puériles contre l'Empire[23] ; que Berryer patronna la candidature académique et néfaste de Jules Favre et fut son parrain, qu'il prit part, presque octogénaire, à la souscription Baudin ; qu'enfin un des esprits les plus éminents, les plus justes et les plus fins de notre époque, M. Vitet, sous la pression de nos désastres, en face des Prussiens vainqueurs, de Paris assiégé et affamé, de la France envahie, agonisante, mutilée, écrivait cette phrase monstrueuse : La chute de l'Empire nous dédommage des malheurs de la guerre !quand l'histoire racontera tout cela et bien d'autres choses encore, on refusera de le croire, ou, si on le croit, il sera trop facile de s'expliquer les catastrophes finales[24].

 

 

 



[1] Alors que, dans notre pays, l'opposition accueillait ces paroles, comme tout ce qui émanait du souverain, par l'injure ou la raillerie, dans les autres, même chez nos voisins les Anglais, qui avaient été si souvent nos rivaux, on les appréciait plus justement.

Le Times disait : Nous acceptons sans réserves cette déclaration que, depuis, vingt ans, l'Empereur n'a pas eu une seule pensée qui n'ait eu pour mobile les intérêts et la grandeur de la France... Malgré des obstacles et des difficultés propres à le décourager, il a toujours eu une foi profonde et a souvent réussi dans son œuvre. La France s'est élevée très haut sous son règne ; plusieurs fois il a su devancer l'opinion publique ; voilà ce que peuvent dénier seulement les gens chez lesquels la passion parle plus haut que la raison.

Le Morning Herald : Tout Français reconnaîtra que l'Empereur se rend strictement justice quand il déclare que, depuis vingt ans, il n'a pas eu une seule pensée, il n'a pas fait un seul acte qui n'ait eu pour mobile les intérêts et la grandeur de la France.

Le Globe : Avec une glorieuse modestie l'Empereur reconnaît que la fortune n'a pas souri à toutes ses entreprises, mais il a parfaitement le droit d'ajouter qu'il n'a pas eu une pensée, fait un acte qui n'eût pour but la grandeur de la France : voilà ce qui fait la force de son sceptre.

[2] Dans le discours qu'il prononça en remettant la barrette au dernier cardinal nommé sous l'Empire, Napoléon III faisait une allusion attristée aux attaques dont il était l'objet, puis il disait : Je me demande souvent si la bonne fortune n'a pas autant de tribulations que la mauvaise ; mais dans les deux cas, notre guide et notre soutien, c'est la foi, la foi religieuse et la foi politique, c'est-à-dire le confiance en Dieu et la conscience d'une mission à accomplir.

[3] La Liberté, 4 septembre 1868.

[4] Mgr de Bonnechose étant allé voir le roi Guillaume à Versailles pour obtenir une réduction de la contribution imposée aux Rouennais, écrivait, le soir, sur son Livre-Journal : Le roi me dit qu'à son entrée en France il avait été stupéfait, ainsi que son année, de l'air de prospérité du pays, et qu'il n'avait pu comprendre comment  les habitants n'étaient pas satisfaits.

[5] Votre empereur ? — disait en 1866, M. de Bismarck au prince Napoléon, mais c'est une femme !... Il parle de son amour pour la paix, de la Justice, des droits du peuple, — des niaiseries !

[6] Dans son livre Le Comte de Paris, le marquis de Flers appelle le fils de Napoléon III cette noble et pure victime au cœur chevaleresque et généreux. — Avant lui, M. Louis Teste l'avait baptisé le dernier chevalier français. Le baron Platel (Ignolus) en avait dit : Le Prince impérial est mort parce qu'il avait trop aimé la France... Sa mort a fait comprendre au monde l'incomparable beauté de son âme. Henry de Pène : Le Prince impérial s'est révélé à nous comme une âme d'apôtre... Il est entré sans tache dans l'immortalité du ciel et dans celle de l'histoire... La France n'a qu'un cœur pour le regretter... Il avait la sainte folie du beau et comme une fringale d'héroïsme et de dévoilement.

[7] J. Favre déclare dans son livre Rome et la République française qu'Ernest Picard et lui étaient convaincus qu'en imposant successivement la restitution de toutes les libertés publiques, ils obligeaient l'Empire à disparaître, et pendant ce temps Picard disait au Corps législatif (séance du 6 juin 1661) qu'il réclamait ces libertés parce qu'il ne voulait plus voir de révolution.

[8] M. Jules Ferry, Discours de Bordeaux en août 1883.

[9] M. Banc a raconté qu'un vieux notaire orléaniste, disait devant lui, dans les bureaux du Journal de Paris : Comment ! il ne se trouvera donc pas un jeune homme sans position pour nous débarrasser de ce Bonaparte !

[10] L'invocation à la petite balle libératrice de Félix Pyat avait été reproduite, sans la moindre protestation, par un grand nombre de journaux dits modérés.

[11] MÉRIMÉE, Lettre à Panizzi. 31 mars 1862.

[12] Journal (inédit) du maréchal de Castellane.

[13] Vie du cardinal de Bonnechose. T. 2. p. 619.

[14] Lettre du vicomte de Melun à M. de Lacombe. 7 août 1868.

[15] [Fin d'une note de la page 395] ...député qui s'empressait aussitôt d'aller le conter à la Patrie, que son idéal de gouvernement était la constitution de 1852, c'est-à-dire l'irresponsabilité des ministres. — Un de ses amis, M. Lesguillier, qui fut sous-secrétaire d'État, ne craignait pas, lui, de le dire tout haut, de l'écrire même en 1883 : La véritable cause de l'exagération des dépenses, du déficit, c'est que dans notre système politique actuel, la responsabilité n'existe nulle part... Tel que nous le pratiquons, le régime parlementaire est le plus détestable des régimes.

[16] Articles de MM. Louis Teste et Cornély, publiés en 1886.

[17] Depuis vingt ans nous avons perdu quelques-unes de nos illusions. Nous avons appris que le gouvernement parlementaire, si regretté de l'élite de la France au temps de Napoléon III, peut être faussé, dénaturé, perverti dans la pratique, au pond de compromettre le bon ordre administratif et d'affaiblir à l'excès, parmi les fonctionnaires, comme dans le public, le sentiment de l'autorité. J. Dietz, Journal des Débats, 17 octobre  1894.

[18] E. DE LAVALEYE, Le Régime Parlementaire et la Démocratie. N° du 15 décembre 1882.

[19] P. LEROY-BEAULIEU, les Mécomptes du Libéralisme. N° du 15 mai 1885. Pendant que M. P. Leroy-Beaulieu parlait ainsi dans la Revue des Deux Mondes, son frère disait, dans l'Économiste : Pour qu'une assemblée cesse de gaspiller et de tout désorganiser, il faut que ses pouvoirs soient réduits. Oui. Il faut réduire les pouvoirs financiers, peut-être nutum les attributions législatives de la Chambre.

M. Fr. Magnard allait plus loin dans le Figaro. Constatant la faillite incontestable du libéralisme, il demandait qu'on supprimât la publicité des séances. — comme avant le 24 novembre 1860 !...

[20] FAQUET, Tocqueville. N° du 1er février 1894.

[21] Ce mot terminait un article publié par M. Jules Simon, dans le Journal des Débats, sur 1814, le beau livre de M. H. Houssaye.

[22] Nous en avons encore eu tout récemment la preuve dans un récent article de M. H. de Lacombe, où nous avons lu, — et même relu, pour être bien sûr que nous ne nous trompions  pas, — ce qui suit : M. Émile Ollivier écrit que les défaillances du pouvoir furent rendues mortelles par les acharnements de l'opposition. Où ? Comment ? A quelle date ? Sur quelle question ? Correspondant, 10 décembre 1894.

[23] Les académiciens, quand ils ne comparaient pas Napoléon III à Néron, le comparaient à Vitellius, — mais pour le mettre au-dessous. On croit que nous exagérons ? Nullement. Après avoir rappelé que Vitellius ruinait son empire en festins, qu'en huit mois il avait consacré 180 millions de notre monnaie à sa table, M. Beulé ajoutait : Cette façon de dévorer est pourtant plus innocente que d'autres familières aux despotes. Ces autres façons, que ires clairement mais très calomnieusement il attribuait au gouvernement impérial, il les définissait ainsi : Accabler le présent d'impôts et l'avenir de dettes... accabler de mépris les honnêtes gens pour faire fleurir les audacieux et les coquins... inspirer à un peuple le dégota tir sel devoirs et de la liberté, l'endormir dans une incurable mollesse, le livrer énervé, vicieux, amolli aux révolutionnaires et aux usurpateurs : voilà bien des manières de dévorer qui sont plus funestes aux empires que l'appétit d'un Vitellius.

[24] Souvenirs d'un vieux critique. T. 7, p. 120.