NAPOLÉON III INTIME

 

1848-1870

XV. — LA DIGNITÉ NATIONALE - DEUXIÈME PÉRIODE DE 1862 À 1870.

 

 

À quelle cause attribuer les échecs de la politique impériale ? Est-ce à l'imprévoyance de Napoléon III — Est-ce au gouvernement personnel ? — Vérité en deçà du Rhin, erreur au delà. — Le réquisitoire d'un ancien diplomate, réfuté par lui-même. — La vraie faute de Napoléon III. — Le pacte de Plombières. — L'expédition du Mexique. — Le prestige de l'Empire jusqu'en 1866. — Sadowa. — Prophéties rétrospectives. — Napoléon III paralysé par M. Thiers. — Les pronostics. — Surprise générale. — Les promesses de la Prusse. — Rien d'écrit ! — Protestations royales — Noire ingratitude. — Trop de bienfaits ! — Quel rôle jouent M. de Bismarck et M. de Goltz. — Pourquoi nous ne sommes pas intervenus militairement après Sadowa. — Le piège du Luxembourg. — Les bonnes paroles de 1861. — Où la diplomatie change de nom. — La Prusse spécule sur nos divisions. — Ce qu'il faut, d'après Louis Blanc, pour se faire respecter au dehors.

 

Attribuer la décadence du second Empire à la fortune contraire, quand à la fortune propice on attribue sa grandeur, ce serait, nous le répétons, la stricte équité : serait-ce la stricte vérité ? Nous en doutons. Expliquer une série d'échecs succédant à une série ininterrompue d'éclatants succès par la bonne ou la mauvaise chance, c'est, après avoir raillé le fatalisme de Napoléon III, se montrer beau-

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... ritaire que le roi Guillaume, établissant son budget par ordonnances pour constituer son armée, et traitant son Parlement comme une quantité négligeable : exemple que son successeur sans doute imiterait à l'occasion[1].

C'est sur cet axiome que, selon la mode du temps, un ancien diplomate au service de l'Empire, M. G. Rothan, s'appuyait pour démontrer, dans une série de nombreux ouvrages, que Napoléon III était le principal sinon le seul auteur de notre déchéance : c'est donc à lui-même, aux aveux lui échappant çà et là que nous allons demander la réfutation de son volumineux réquisitoire.

Prétendons-nous que l'Empereur ne se soit jamais trompé ? Nullement. Il a commis, nous le reconnaissons, une erreur grave, — inspirée, sans doute, comme toutes ses idées, tous ses actes, par un mobile généreux, selon le mot de Mgr de Bonnechose, que nous rappelions au début de ce livre, — mais qui devait avoir de fatales conséquences : prêtant aux autres les sentiments élevés qui l'animaient lui-même, il a trop compté sur la justice, sur la bonne foi, sur la reconnaissance des hommes. Il a cru qu'en France il désarmerait l'opposition, au lieu de la surexciter, par ses concessions volontaires ; et qu'en face d'un péril national elle seconderait ses efforts, au lieu de les entraver. Il a cru qu'au dehors les souverains qu'il avait obligés, qui avaient solennellement promis de lui en témoigner leur gratitude, se souviendraient de leur promesse. Il a cru qu'une nation, dont il avait brisé le joug, tiendrait à reconnaître cet inappréciable service... Napoléon Ill, à travers les vicissitudes de sa vie, était demeuré tel qu'à l'époque où sa mère lui écrivait : Ton défaut étant trop de confiance, il faut que je sois la froide raison et que je te répète souvent : Méfie-toi ! Il avait gardé des illusions, peut-être naïves. Mais pour cette naïveté, si cruellement déçue, l'histoire sera moins sévère assurément que pour l'ingratitude et l'astuce triomphantes.

Le rang qu'elle avait reconquis au dehors sous Napoléon III, la France ne le perdit qu'en 1866. Avant Sadowa pourtant la politique impériale avait déjà subi de graves déconvenues. En Italie elle s'était vue débordée, compromise par les menées de ceux qu'elle voulait servir, mais non à nos dépens. L'Empereur avait signé le pacte de Plombières avec une entière bonne foi, avec l'intention formelle de n'en pas dépasser les limites, convaincu qu'en se prêtant à la confédération de l'Italie du Nord, il assurait à son pays une alliée fidèle et reconnaissante ; M. de Cavour, au contraire, avec l'arrière-pensée de le faire avorter à la première occasion, soit par les moyens révolutionnaires, soit en cherchant une autre alliance, pour s'affranchir de la nôtre[2]. Napoléon III, qui, — au témoignage du comte de Reust, de Lord Palmerston, de tous les hommes d'état ayant entretenu des relations avec lui, — était un allié si loyal, si correct et si sûr, Napoléon III, qui reconnaissait si largement les plus légers, les plus lointains services, n'avait pas prévu cette façon de tenir les engagements pris et de payer les dettes contractées. De là une première source d'embarras, singulièrement accrus par une autre circonstance à laquelle l'Empereur ne s'attendait pas davantage : Les libertés qu'il avait spontanément accordées n'avaient servi qu'à fournir des armes aux partis hostiles[3] ; et, loin de l'aider à aplanir nos difficultés extérieures, ces partis hostiles les aggravaient en les exploitant à la tribune ou dans la presse.

La campagne du Mexique nous avait valu de nouveaux déboires, dits presque entièrement à la même cause. Si l'on n'avait pas alors combattu avec acharnement les expéditions lointaines, pour lesquelles on a montré depuis tant de goût ; si l'on avait voulu comprendre alors, comme beaucoup l'ont compris et quelques-uns ont osé le dire depuis[4], que l'idée de relever l'influence latine en Amérique était une idée juste et féconde, — Lamartine disait une idée grandiose, — l'entreprise eût très probablement réussi. Pour en assurer le succès, il eût fallu sans doute reconnaître les États du sud en guerre avec ceux du Nord. L'Empereur le voulait : le journal de Lord Malmesbury et la correspondance de M. Thouvenel le prouvent[5] ; mais il trouva contre sa politique tout ce que la France comptait d'hommes éminents : Thiers, Berryer, Montalembert, etc., présentant la cause du Nord comme celle de la liberté, de la civilisation, soulevant en sa faveur l'opinion publique[6] ; et devant ce mouvement d'opinion, provoqué par ces hommes éminents, il crut devoir y renoncer.

Il poursuivit toutefois sa tentative, — mais avec moins de résolution qu'il ne l'eût fait quelques années plus tôt, quand il sentait ses mouvements plus libres. Ne voulant demander au Corps Législatif, assez parcimonieux, que des sacrifices restreints, des sacrifices insuffisants, il n'osa faire tout de suite l'effort nécessaire. L'empire mexicain n'en fut pas moins établi, à la satisfaction de la très grande majorité du pays, avec l'acquiescement tacite du gouvernement de Washington[7]. Ce qui ébranla, ce qui finit par renverser ce trône, un instant fondé, ce furent moins les fautes, graves et nombreuses, du malheureux empereur Maximilien que la bruyante campagne menée en France contre l'aventure mexicaine. Si les juaristes écrasés reprirent courage, si les États-Unis se déclarèrent ouvertement contre le nouvel empire, — leur ambassadeur à Paris l'a avoué, — c'est parce qu'ils se sentirent, au Corps Législatif et dans la presse française, des alliés inconscients, dont l'ardeur devait entraver notre intervention et en hâter la fin[8].

Ce double échec n'avait pourtant pas amoindri sensiblement notre influence au dehors. Pour comprendre quelle place, à la veille de Sadowa, l'Empire occupait encore en Europe, on n'a qu'à lire le compte-rendu du séjour de l'Impératrice Eugénie à Schwalbach, en 1864, fait par Mme Carette, qui s'y trouvait près d'elle. On y verra que l'Impératrice, — ou plutôt la comtesse de Pierrefonds, car elle avait désiré faire ce voyage incognito, — recevait successivement les visites de la reine de Hollande, partie pour les eaux d'Évian et ayant fait ce détour pour la voir un instant, du roi de Prusse insistant en vain pour obtenir sa visite à Berlin, de l'Empereur de Russie ayant quitté Darmstadt pour la saluer, du grand-duc de Bade, lui faisant promettre de ne pas rentrer en France sans s'arrêter à Carlsruhe — où le roi Guillaume viendra l'attendre, où la reine de Prusse la comblera de prévenances et de témoignages affectueux[9].

On le comprendrait encore en se rappelant ce que disaient les journaux étrangers de la France et de son souverain, dans les années qui précédèrent le succès décisif de la Prusse ; ce que disait, par exemple, le Globe, en 1863, à propos de l'idée de Congrès lancée par l'Empereur : Ce n'est que du maitre suprême des immenses ressources de la France que pouvait venir un tel projet... L'Empereur Napoléon III occupe une situation exceptionnelle ; il est lui-même une institution européenne ; et il se sert avec un grand tact des forces de cette situation ; — ce que disait, en 1864, la Gazette de Berlin, après avoir rappelé nos succès militaires de Crimée et d'Italie : Ce qui dépasse tous ces faits glorieux pour l'Empereur des Français c'est l'époque actuelle, où la France n'a rien fait et où pourtant elle dirige d'après sa volonté tous les cabinets de l'Europe ; ce fait manifeste son influence d'une façon plus évidente que tout ce qui est arrivé jusqu'ici ; — ce que disait, le 29 août 1865, le Morning Post : Quand nous considérons tout ce qui a été fait par l'énergie et la sagacité personnelles de l'Empereur, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître que la France a élu un grand homme pour son chef... Elle doit être fière de son choix ; — ce que disait, à la même époque, le Morning Chronicle : Quand l'Empereur des Français parle, le monde entier écoute. Le premier des Césars dont il a étudié la vie n'a jamais concentré entre ses mains une pareille puissance. Napoléon III ne s'en sert que pour faire progresser la France et l'humanité. Si nous ne craignions de fatiguer le lecteur, nous pourrions continuer indéfiniment ces extraits.

M. le comte Bernard d'Harcourt, ancien ambassadeur sous M. Thiers, et sous le maréchal de Mac-Mahon, a donc parfaitement raison de dire que le déclin commence à l'époque de Sadowa ; que jusque là l'autorité de Napoléon III n'était pas contestée, l'Empire conservait tout son prestige ; que si 1870 a mérité le nom d'année terrible, 1866 fut l'année décisive[10]... Et cependant l'Empereur avait quelque droit d'espérer qu'elle serait l'une des plus heureuses et des mieux remplies de son règne ! Comme la plupart du monde ne s'attache qu'à l'apparence des choses, l'événement seul règle leurs jugements ; et jamais un dessein ne leur parait bien formé, ni bien suivi lorsque l'issue n'est pas favorable[11]. Les prophéties rétrospectives sont faciles. Les événements accomplis, tout le monde déclare qu'ils ne pouvaient manquer de s'accomplir et se vante de les avoir prévus, alors qu'il eût souvent suffi de bien peu pour leur donner un autre cours. Malgré son issue défavorable nous persistons à penser que le dessein de Napoléon III à cette époque avait été bien formé et bien suivi ; que s'il perdit cette partie décisive, ce ne fut pas faute d'avoir réuni entre ses mains, avec une rare habileté, les meilleurs atouts ; qu'il pouvait se croire à la veille d'obtenir à la fois, et peut-être sans un seul coup de fusil : le règlement de la question italienne, la conclusion d'un accord durable avec la Prusse et la rectification de nos frontières de l'est.

Comme il n'avait pas précisément pour la souveraineté pontificale les mauvais sentiments qu'on se plaisait à lui attribuer, la délivrance de Venise avait pris chez lui le caractère d'une idée fixe ; il croyait que le seul moyen d'asseoir l'Italie, de la délivrer des mains des révolutionnaires, et en même temps de sauver la papauté, c'était d'obtenir l'abandon de Venise ; Venise à ses yeux devait sauver Rome[12]. Or, il avait si adroitement négocié sur ce premier point, que l'Autriche s'était engagée, à lui céder en tout cas, qu'elle fût victorieuse ou vaincue, la Vénétie.

Mais du conflit qui allait éclater en Allemagne il attendait d'autres résultats. Il avait donné à son alliance un tel prix que chacun des deux antagonistes la convoitait ardemment : On ne saura sans doute jamais, a écrit le général La Marmora, les propositions, les cajoleries et les offres avec lesquelles les ministres d'Autriche et de Prusse montaient chaque jour l'escalier des Tuileries. La puissance à laquelle il eût donné son concours étant assurée de la victoire, Napoléon III pouvait lui imposer ses conditions. Mais l'opposition ne voulait pas qu'il tira l'épée, qu'il pût même en faire le geste. M. Thiers, qui s'insinuait peu à peu dans la majorité comme un coin, pour la disloquer, combattit violemment toute velléité de guerre : son éloquente protestation en faveur de la paix provoqua dans la chambre une véritable manifestation ; elle eut dans le pays un énorme retentissement, et, par l'action qu'elle exerça sur l'opinion elle gêna les résolutions du gouvernement... Dans les sphères gouvernementales on ne voulut y voir qu'une manœuvre perfide ayant pour but de paralyser l'empereur dans l'exécution de ses desseins[13]. Et, quand on se rappelle le mot dit par M. Thiers à J. Richard, — qu'il ne voulait pas que l'Empereur pût faire une guerre heureuse[14], — on a le droit de croire que les sphères gouvernementales ne se trompaient pas. La manœuvre réussit pleinement. Napoléon III épancha dans le discours d'Auxerre, son amertume contre ceux qui voulaient faire des traités de 1815 l'unique base de notre politique extérieure. Mais, bien résolu à ne jamais heurter le sentiment du pays, il se sentit désarmé[15] et PARALYSÉ par l'opinion publique, que le discours de M. Thiers avait soulevée, il dut laisser les événements suivre leur cours, s'en remettant à son autorité morale pour les diriger[16].

Même de cette attitude, provisoirement passive, il attendait d'ailleurs un profit. Sa neutralité avait une valeur appréciée par les futurs belligérants, qui s'engageaient à ne régler qu'avec lui les conditions de la victoire. Napoléon Ill, connaissant de longue date l'organisation militaire de la Prusse, inclinait, — comme deux généraux, qui l'avaient récemment vue de près, — à croire qu'elle serait la plus forte. Tous les autres généraux, consultés à cet égard, lui exprimaient nettement l'opinion contraire : L'Empereur s'inclina devant l'opinion des généraux les plus expérimentés proclamant la supériorité incontestable des armées autrichiennes sur l'armée prussienne, qui, disaient-ils, manquait de consistance[17]. Presque tout le monde en France, presque tout le monde en Europe pensait comme eux. Les Italiens, bien qu'alliés de la Prusse, ne comptaient guère sur son succès[18] ; les Prussiens eux-mêmes en doutaient[19] ! Quant aux Autrichiens, ils se croyaient si certains de vaincre haut la main, qu'ils laissaient inutilement dans la Vénétie, bien que résolus à la céder, — des forces importantes, dont l'appoint eût suffi pour changer la face des choses.

Dans une brillante étude qu'il n'avait pas signée, mais ne se défendait pas d'avoir écrite, M. le prince de Joinville avoua, l'année suivante, que l'évènement avait trompé l'attente générale et la sienne ; qu'il avait été, comme tout, le monde, confondu de la facilité et de la rapidité des succès de l'armée prussienne[20]. Personne, en effet, absolument personne n'avait prévu, n'aurait pu prévoir qu'en huit jours, en une seule rencontre, elle anéantirait sa rivale. Si Napoléon III avait pris ses dispositions en vue de cette invraisemblable éventualité, on l'eût taxé de folie. Ceux-là même, si rares, qui croyaient à la supériorité de la Prusse s'attendaient à une lutte longue, meurtrière, qui nous laisserait sans grands efforts maîtres de la situation et libres d'exercer notre médiation, entre deux belligérants à bout de force, au gré de nos désirs. Et la France, agrandie, fortifiée, sans coup férir, eût, en ce cas, porté l'Empereur aux nues. Toutes les prévisions de la politique impériale furent renversées par ce brusque dénouement, que le Prussien le plus ambitieux, le plus infatué, n'eût osé lui-même espérer. Si la fortune a jamais joué dans nos affaires un rôle appréciable, ce fut assurément ce jour-là[21] !

En déjouant nos prévisions, nos légitimes prévisions, l'invraisemblable dénouement de Sadowa n'avait pas tout perdu, — puisque la Prusse, aussi bien que l'Autriche, avait promis, en toute circonstance, de ne rien modifier à l'état territorial de l'Europe, sans nous donner des compensations équivalentes[22]. Elle ne nous avait fait sans doute, à cet égard, que des promesses verbales, mais si souvent, si formellement renouvelées par M. de Bismarck et par M. de Goltz que nous ne devions pas douter un instant de leur exécution. Comment la France aurait-elle pu s'inquiéter après de telles assurances ?[23] Si, contre toute attente, le premier ministre et l'ambassadeur du roi de Prusse étaient tentés de renier leur parole, — en disant : Il n'y a rien d'écrit ! — ne suffirait-il pas d'en appeler aux souvenirs de leur maitre ?

Quelles protestations de dévouement et d'éternelle reconnaissance la Cour de Prusse n'avait-elle pas, depuis quinze ans, prodiguées à la nôtre ! Au colonel de Parseval, — fils d'un émigré, longtemps attaché à cette Cour, — le roi protestait en 1853, de sa vive sympathie pour Napoléon III, disant que le 2 décembre il avait sauvé la Prusse, comme la France[24]. Trois ans plus tard, l'Empereur ayant fait, non sans peine, admettre un représentant de la Prusse au Congrès de Paris, le roi disait au marquis de Moustiers, ministre de France à Berlin : J'ai hâte de vous remercier et de vous parler de la manière charmante dont l'Empereur m'a adressé l'invitation. Il est impossible d'y mettre une grâce plus parfaite dans la forme ; je tiens à ce qu'il sache combien j'en suis touché. Je sais que cela ne s'est pas fait sans difficulté ; aussi lui en sais-je doublement gré[25]. Puis il écrivait directement à l'Empereur : Jamais la Prusse et la maison de Hohenzollern n'oublieront ce service. En 1862, enfin, tout spontanément, et sans y être provoqué, le roi Guillaume faisait parvenir à l'Empereur les mêmes assurances, par le général Fleury, qui le raconte ainsi : Je m'étais rendu à Bade, pour assister aux courses. Un soir, à la promenade, je fus aperçu par le Roi, qui, selon sa coutume, circulait seul, au milieu de la foule. Venant à moi, la main tendue, avec bonne grâce : Eh ! général, vous me laissez passer sans me dire bonjour ? — Sire, j'attendais, pour m'approcher, que Votre Majesté daignât me reconnaître. — Comment va notre Empereur ? poursuivit le Roi. — J'ai quitté Sa Majesté en parfaite santé, il y a peu de jours, répondis-je. — Quand vous reverrez l'Empereur, reprit le Roi, dites-lui bien que je l'aime beaucoup. Nous lui devons nos trônes : Je ne l'oublierai jamais[26].

Que cette promesse, si souvent répétée, fût sans valeur, comme celle du comte de Goltz et du comte de Bismarck, Napoléon III ne pouvait le croire : encore une naïve illusion ! La politique du roi Guillaume ne sacrifiait guère au sentiment ; il ne connaissait que la raison d'État, qui lui prescrivait, après ses éclatants succès, une noire ingratitude[27]. Son ministre et lui allaient donc méconnaître brutalement les services que l'Empereur leur avait rendus en toute circonstance, et même leurs engagements avec lui[28]. Quand, au quartier général de Nikolsbourg, notre ambassadeur vint les leur rappeler, on le reçut froidement, on lui répondit évasivement. Et, loin de les appuyer, l'Italie combattait nos trop justes prétentions. A Nikolsbourg elle consacrait tous ses efforts à contrecarrer notre diplomatie, nous causant ainsi un préjudice irréparable ![29] Après tout le reste, elle nous devait cependant la Vénétie. Trop de bienfaits ! Son orgueil en était froissé. Cette fois encore elle n'avait pu fare da se. Battue par l'Autriche, il lui semblait humiliant de recevoir encore de nos mains cette nouvelle province ; elle ne pouvait nous le pardonner : Eugène Labiche, en écrivant le vaudeville qui contribua le plus à lui ouvrir les portes de l'Académie[30], s'était décidément montré un grand moraliste.

M. de Bismarck avait pourtant besoin de gagner du temps, sans rompre avec nous. Il lui fallait maintenir le gouvernement français dans ses illusions, lui laisser l'espoir d'importants agrandissements territoriaux en échange des annexions déjà consommées de fait dans l'Allemagne du Sud. Et, pour arriver à ce résultat, rien ne lui coûtait[31]. Dans cette noble tâche, il était admirablement secondé par son ambassadeur à Paris qui, ayant pour consigne de nous leurrer de nouvelles espérances, avait réussi à surprendre la religion de l'Empereur, sous le masque du dévouement[32].

Mais comment Napoléon III avait-il pu se livrer ainsi à la bonne foi prussienne ? Pourquoi, dès le lendemain de Sadowa, n'avait-il pas pris ses sûretés, en envoyant un corps d'armée à la frontière ? Pourquoi enfin la politique impériale ne montra-t-elle pas, dans cette occasion décisive, la netteté, la confiance en elle-même, la résolution dont elle faisait preuve au début du règne ? Pourquoi ? Parce qu'elle ne s'exerçait plus dans les mêmes conditions et ne manœuvrait plus avec la même liberté. Avec une ingénieuse mais excessive habileté, l'auteur des Souvenirs diplomatiques voulant faire peser sur l'Empereur l'entière responsabilité de la faute commise en 1866, dit qu'il conduisait tout par lui-même, et sans l'assistance d'un conseil, qu'il ne conférait qu'avec chacun de ses ministres isolément des affaires publiques et qu'il l'avait lui-même avoué  en 1854[33] ! C'est confondre un peu légèrement deux époques différentes, bien différentes, comme, à chaque page d'ailleurs, il nous fournit l'occasion de le constater.

Napoléon III en effet avait voulu faire, après Sadowa, une démonstration militaire ; il l'avait même décidée : mais on l'y avait fait renoncer. A cette heure de crise où il eût fallu une unité d'action absolue, il s'était vu soumis à des influences multiples, rivales, passionnées[34]. Tout se décidait sans esprit de suite, dans les discussions hâtives, improvisées du conseil — il y en avait donc un ? — sous la pression d'une opinion mobile et capricieuse[35]. L'Empereur manquait d'autorité pour vaincre les résistances de la chambre, et même de la majorité du conseil... Les ministres, si obéissants autrefois, comptaient moins avec sa volonté qu'avec les exigences de l'opinion publique[36], non pas de cette opinion moyenne des masses silencieuses, dont l'Empereur avait su si bien s'inspirer jadis, — mais de cette opinion nerveuse, agitée, bruyante qui se manifestait par la tribune et par la presse.

Avec celle-ci, les ministres après tout, dans les nouvelles conditions du gouvernement, n'étaient-ils pas tenus de compter ? Le plus important d'entre eux, M. Rouher, était amené à subordonner tout aux dispositions des chambres, à ses succès oratoires qui lui permettaient de vaincre les résistances et d'assurer la majorité aux demandes du gouvernement. Ces compromissions incessantes avec l'opinion publique étaient dangereuses, appliquées à la politique extérieure[37]. Assurément ! Mais, ce danger, qui n'existait pas dans la période de l'Empire autoritaire, était le résultat naturel du régime, plus libéral, qui l'avait remplacé.

Les députés, contrôlant s'ils ne la dirigeaient encore, la politique du gouvernement, M. Rouher devait se préoccuper de leur opinion ; les députés s'étant, à l'instigation de M. Thiers, prononcés très énergiquement contre toute action militaire, il devait s'inspirer de leurs répugnances, pour empêcher la démonstration projetée par l'Empereur ; et, — quand son ministre lui rappelait cette significative manifestation, — Napoléon III n'aurait pu persévérer dans son projet sans rompre avec la majorité ultra pacifique du Corps Législatif, sans rompre avec le pays, dont elle était l'expression officielle, sinon exacte, et sans se comporter en souverain absolu, ce que, depuis longtemps, il n'était plus. Mais, résolu à l'incriminer quand même, le diplomate historien allait jusqu'à lui adresser cet étrange reproche de n'avoir pas su, dès 1866, résister aux entraînements d'une opinion plus généreuse que réfléchie et appelé, en plein succès, le pays au partage du pouvoir[38]. — C'est-à-dire de n'avoir pas réprimé la périlleuse effervescence du public... en lui jetant la bride sur le cou !

Dans la voie tortueuse où il venait de s'engager, M. de Bismarck devait marcher à grands pas. Après s'être soustrait à nos légitimes réclamations, il rêvait mieux. Avec l'astuce d'un chasseur indien, il allait nous tendre des pièges et nous attirer dans des chausse-trappes, pour finir, le moment venu, par nous étrangler sans pitié[39]. Il nous avait offert, en toute circonstance, le Luxembourg. Après Sadowa, c'était la seule offre dont il daignât se souvenir et qu'il maintint. Il nous laisse entamer l'affaire ; il nous y pousse : dès qu'elle est engagée, il recule, puis se retourne et cherche à ameuter l'Allemagne, l'Europe même contre nos insoutenables prétentions, dont il veut faire un casus belli. Les puissances saisies par nous tranchent le différend par une transaction, qui nous donne au moins une satisfaction morale. La crise est conjurée, le péril écarté, notre dignité sauvegardée, — par la prudence de Napoléon III ? Oh ! non, même de ce succès modeste on ne veut pas lui laisser l'honneur : L'incident du Luxembourg avait tourné à la confusion de perfides calculs, grâce au sang-froid et à la clairvoyance de notre diplomatie[40].

Après s'être ainsi joués de nous, M. de Bismarck et le roi de Prusse n'en acceptent pas moins, l'année suivante, pendant l'Exposition Universelle, l'hospitalité de Napoléon Ill. Cherchant à effacer le souvenir des derniers dissentiments, le roi Guillaume affirme avec insistance qu'il n'a en vue que la paix et désire vivre en bonne intelligence avec nous. M. de Bismarck proteste encore plus haut de sa sympathie, de son bon vouloir, avec l'accent d'une parfaite sincérité[41]. Accent si bien simulé que la Russie en est dupe. Elle se laisse prendre comme nous, aux paroles veloutées de Berlin. Le prince Gortschakoff, qui n'est pas un naïf, convaincu lui-même de la parfaite sincérité du ministre prussien, s'en porte garant, nous affirme avec chaleur, avec conviction que M. de Bismarck est bien résolu à éviter tout ce qui pourrait nous froisser[42]. Quant au comte de Goltz, il redouble de cajoleries, pour rassurer l'Empereur, tandis qu'il nous dénonce à la vindicte de son gouvernement... Ce n'était plus de la diplomatie ; c'était... autre chose ![43]

Chat échaudé craint l'eau froide : nous connaissions la valeur des paroles veloutées du ministre et de l'ambassadeur. Nous ne pensions sans doute pas que, dès cette heure, ils préparassent contre nous l'agression suprême. Mais nous savions que pour eux la force primait le droit, primait tout ; et qu'ils nous le feraient sentir, un jour ou l'autre, si nous ne devenions aussi forts qu'eux. Réorganiser notre armée,

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veillant de l'Empereur de Russie, auquel l'affront du Palais de Justice avait laissé un amer souvenir[44].

En 1870, le moment psychologique lui sembla venu. La France était sur le point de conclure une alliance avec l'Autriche ; il fallait brusquer le dénouement ; la question Hohenzollern fut soulevée. Napoléon III avait pour principe de ne jamais faire campagne sans alliés ; même en Chine, reine au Mexique, il n'avait pas voulu aller seul ; il pouvait encore moins songer à entreprendre seul une pareille lutte. A Prévost-Paradol venant prendre congé de lui avant son départ pour Washington, il disait : Nous ne pouvons affronter la guerre que les mains pleines d'alliances[45]. D'ailleurs la question Hohenzollern était pour nous un mauvais terrain. Pour en trouver un meilleur, il aurait fallu que la provocation fût de nature à mettre l'opinion européenne de notre côté. L'Empereur le comprenait ; mais il était dit que les passions l'emporteraient sur sa volonté défaillante et que la France affolée se jetterait sur l'Allemagne[46]. Non, ce n'est pas de sa volonté que les passions

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[1] Au mois de février 1888, M. Magnard écrivait dans le Figaro : Cela est triste à dire : ce n'est pas parla discussion, par le bavardage, par ces chimères plus séduisantes de loin que de près, que se font les nations fortes et puissantes. Avec des chambres, avec des orateurs éminents et écoutés, avec des ordres du jour et des commissions d'enquête sur ses abus de pouvoir, M. de Bismarck n'aurait usé que le ministre aventureux d'un souverain allemand de mince importance. — Ce n'est pas seulement la France, en 1870, mais l'Autriche, en 1866, que le régime personnel de la Prusse a vaincu. Le comte de Latour, ancien officier autrichien, écrivait à ce sujet, dans l'Univers : Pendant que la transformation prussienne, ce grand événement militaire, s'accomplissait à Berlin, les docteurs du parlement autrichien travaillaient à désarmer et à désorganiser l'armée, sous prétexte de faire de l'économie dans les finances.

[2] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 91

[3] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 43.

[4] Dans une remarquable étude, publiée en 1889, le Moniteur Universel, après avoir rappelé la note du 3 juillet 1862, où Napoléon III avait résumé les causes et le but de l'expédition du Mexique, ajoutait : Lorsqu'il traçait ces lignes, Napoléon III, convenons-en, voyait juste, très juste ; la preuve, c'est que tout récemment la question soulevée par lui a été reprise et qu'elle réveille partout en Europe de vives appréhensions... Le danger auquel il voulait obvier n'était pas chimérique. Il a grandi depuis lors, il se rapproche de nous ; vers la fin du siècle il déchaînera en Europe une crise économique formidable. J'insiste sur ce point parce que l'histoire, dans son impartialité, ne saurait juger l'expédition du Mexique comme la jugèrent les contemporains.

[5] Mémoires d'un ancien ministre, 11 août 1862. — Correspondance confidentielle de M. Thouvenel, t. II, p. 389.

[6] Lord One. — c'est-à-dire le prince de Valori, — Paris-Journal, 1876 — qualifiait l'expédition du Mexique d'éclair de génie. Plus tard, dans le Gaulois, Henri de Pène disait que Napoléon III avait eu la vision d'un grand rôle politique et économique à jouer ; mais que, pour le remplir, il aurait dû prendre parti pour le Sud et qu'en ne le faisant pas, il avait été inconséquent. Moins inconséquent que ceux qui l'en avaient détourné.

[7] On trouvera des informations très précises sur ce point dans Un essai d'Empire au Mexique ; par M. Masseras, ancien directeur de l'Ère nouvelle de Mexico ; et dans Le Mexique tel qu'il est, par M. Domenech, ancien fonctionnaire du gouvernement de Maximilien. Voir notamment sur les dispositions des Américains pour un régime qui eût été favorable au développement de leur commerce et de leur industrie, pp. 169 et suivantes.

[8] Au mois d'août 1865, il y a à Jackson une réunion de soi-disant patriotes mexicains, à l'effet d'aviser au meilleur moyen de réaliser une souscription dont le produit servira à l'achat de deux cannes à pommes d'or et de deux montres destinées à MM. Jules Favre et Ernest Picard, qui n'ont pas craint d'adresser de si vertes paroles à leurs infimes compatriotes. (Le Courrier de San Francisco du 3 septembre rendant compte de cette réunion, cité par Em. Domenech, Le Mexique tel qu'il est, p. 169.)

[9] Souvenirs intimes de la cour des Tuileries, t. III, p. 10 à 58.

[10] Les quatre Ministères de M. Drouyn de Lhuys, p. 342.

[11] La Rochefoucault, Mémoires.

[12] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 58.

[13] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 125.

[14] Mot confirmé par un tout semblable, dit aux eaux de Schlangenbarh, M. Geffeken, l'éditeur du Journal de l'Empereur Frédéric, et que M. Geffeken a cité dans un autre ouvrage.

[15] M. Nigra écrivait alors à son gouvernement : La perspective d'agrandissements considérables ne parvient pas à décider l'empereur à entrer en guerre contre le vœu du pays, après les manifestations du Corps législatif. — A la suite du discours d'Auxerre, M. de Persigny avait écrit à l'Empereur cette lettre originale :

Paris, 7 mal 1868.

Sire,

Bravo ! Bravo ! Bravissimo !

De Votre Majesté, etc.

[16] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 158.

[17] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 89. — Le maréchal Niel, — l'un des plus expérimentés, nul ne le conteste, — disait l'année suivante, à M. Granier de Cassagnac : Quand Benedek fut placé à la tête de Farinée autrichienne de Bohème, l'Empereur voulait, sans intervenir matériellement, envoyer un corps d'armée sur la frontière du Rhin ; nous l'en dissuadâmes cumule d'une démonstration inutile. Je confesse avoir été de ceux qui s'attendaient à voir les Autrichiens victorieux marcher sur Berlin. (Granier de Cassagnac, Souvenirs sur le second Empire, t. III.)

[18] Le langage des personnes influentes de l'Italie est tout à fait favorable à l'Autriche, écrivait le prince Napoléon, le 12 juin 1866, à l'Empereur.

[19] M. Albert Wolff, qui se trouvait en Prusse à la veille de la campagne de 1866, a dit depuis (mars 1887) dans le Figaro : On était convaincu alors à Berlin qu'avant huit jours les terribles Croates feraient leur entrée avec le redouté Benedek à leur tête.

[20] Un dernier mot sur Sadowa. Revue des Deux-Mondes, 15 février 1868.

[21] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 52.

[22] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg, p. 266.

[23] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 158.

[24] Journal (inédit) du maréchal de Castellane.

[25] G. ROTHAN, La Prusse et son roi pendant la guerre de Crimée.

[26] Mémoires (inédits) du général Fleury.

[27] G. ROTHAN, La France et sa politique extérieure en 1867, p. 26.

[28] G. ROTHAN, La France et sa politique extérieure en 1867, p. 16 et 266.

[29] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg, p. 60.

[30] Le voyage de M. Perichon.

[31] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 260.

[32] G. ROTHAN, La Politique française en 1866, p. 406.

[33] L'Empereur, écrivait le prince Albert, en 1851, après l'entrevue de Boulogne, ne permet pas à ses ministres de se réunir et de discuter des sujets importants en dehors de sa présidence. C'est avec lui seul qu'ils font les affaires ; il dit rarement à l'un ce qu'il a pensé avec l'autre. De là des divergences de vue dont notre ambassadeur à Berlin (en 1866 !) éprouvait forcément le contre-coup. La Politique française en 1866, p. 346.

[34] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg, p. 399.

[35] G. ROTHAN, La France et sa Politique extérieure, p. 43.

[36] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg, p. 103.

[37] La Politique française en 1866, p. 369.

[38] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg.

[39] G. ROTHAN, La Politique française en 1866.

[40] G. ROTHAN, La France et sa politique extérieure en 1867, p. 6.

[41] G. ROTHAN, La France et sa politique extérieure en 1867, p. 28.

[42] G. ROTHAN, La France et sa politique extérieure en 1867, p. 57.

[43] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg, p. 388. Cette autre chose, M. Rothan la qualifiait d'un mot fort vif.

[44] G. ROTHAN, L'Affaire du Luxembourg, p. 421. Ce n'était pas seulement le Vive la Pologne, Monsieur ! qui l'avait ulcéré, c'était encore l'acquittement de Berezowski, et la satisfaction qu'en avait témoignée la presse libérale, assez disposée alors à ne voir dans ce Monsieur que le tyran de la Pologne.

[45] O. GRÉARD, Prévost-Paradol, p. 129. — Un de mes amis parfaitement placé pour connaître ou plutôt pour deviner les pensées de notre souverain, me disait, au mois d'août dernier : L'empereur ne se fait aucune illusion sur le situation présente ; sa Majesté la juge beaucoup mieux qu'on ne le fait généralement ; elle sait très bien que la lutte avec la Prusse est inévitable ; mais elle veut que l'affaire s'engage par l'Autriche, qui, aux yeux de l'Europe, est dans une situation bien plus précaire que la France, qui a à faire valoir des griefs bien plus incontestables ; l'Autriche s'engageant, la France la suivra tout naturellement, entraînant la Hollande, le Danemark et la Suède ; les États du sud de l'Allemagne, partages entre leurs sympathies pour l'Autriche et la crainte que leur inspire la Prusse garderont la neutralité ; et en résumé toutes les chances de succès seront en notre faveur. Correspondance du général Ducrot, Lettre du 22 déc. 1868.

Voila ce que l'Empereur entendait par les mains pleines d'alliances. Comment peut-on admettre que, résolu à n'entrer en lutte qu'avec tant d'ancillaires, il ait voulu attaquer avec les seules forces de la France ?

[46] G. ROTHAN, La France et sa politique extérieure en 1867, p. 240.