HISTOIRE DE VERCINGÉTORIX

Roi des Arvernes

 

NOTES.

 

Sur le siège de Gergovia.

Nous avons réuni, sous un même point de vue, tous les documents sur le siège de Gergovie, épars dans le septième livre des Commentaires, afin qu’on puisse s’assurer plus facilement de l’exactitude de notre démonstration. La colline où César établit son petit camp doit être à la racine même de la montagne — sub ipsis radicibus collis, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XXXVI — ; escarpée de toutes parts — ex omni parte circumcisus, ibid., id., id. — ; sur la ligne de la ville, et par conséquent but sou prolongement — è regione oppidi ; ibid., id., id. —. E regione, ici, ne signifie pas en face, mais sur la ligne, sur la direction. De plus, à l’extrémité opposée de la ville ou de la montagne, par rapport à cette colline, il doit y avoir une avenue étroite — sed hac sylvestre et angustum qua esset aditus ad alteram partem oppidi, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XLIV —. Cette avenue étroite doit être suivie d’une colline ; elle se nomme colline Julia ; et Vercingétorix la faisait fortifier, parce qu’après la perte de celle de Quiche par les Gaulois, si César se fût emparé de l’autre, ils auraient été presque aussi enfermés dans la ville que si elle eût été entourée de retranchements — uno colle ab Romanis occupato (Quiche) si alteram amisissent (Galli) quin pene circumvallati atque omni exitu et pabulatione libera interclusi viderentur, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XLIV —. La colline, à l’autre extrémité de la montagne, par rapport à Quiche, est, comme nous l’avons dit, la colline Julia. Quiche et cette colline servent donc à fixer réciproquement leur position ; et l’avenue étroite qui relie la pointe sud-ouest de Gergovia à la colline Julia, la détermine d’une manière précise. Mais Il faut encore qu’à la suite de la colline Julia il y ait d’autres collines ; puisque César nous en avertit formellement, lorsqu’il envoie ses muletiers manœuvrer de ce côté là — collibus circumvehi jubet, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XLV —. Ce sont les hauteurs, sur le prolongement de la colline Julia ; au-dessus du village à Romagnat.

Quand César fait monter ses troupes à l’assaut, on voit qu’elles ont un vallon à traverser — quod satis magna vallis intercedebat, ibid., id., c. XLVII —. C’est le vallon qui sépare Quiche de Gergovie et qui s’allonge vers le sud-ouest. Les Éduens sont partis de Quiche en même temps que les Romains et se sont dirigés plus à droite, afin d’arrêter les troupes de Vercingétorix lorsqu’elles accourront au secours de Gergovia — dextra parte alio ascensu eodem tempore Æduos mittit, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XLV ; et aussi : Manus distinendæ causa, ibid., id., c. L —. Dans la combat, les troupes gauloises doivent avoir derrière elles les murailles de la ville — eorum ut quisque primus venerat (Galli) sub muro consistebat, etc., Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XLVIII —. La treizième légion, sortie du petit camp établi sur la colline de Quiche, se trouvera ainsi naturellement sur le flanc droit de Vercingétorix poursuivant les Romains — ab dextro latere hostium, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XLIX —.

Puisque les Gaulois étaient rangés en bataille ayant à dos le mur d’enceinte de la place, puisque la treizième légion les attaqua sur leur flanc droit, et que les Éduens furent dirigés de manière à arrêter les troupes de Vercingétorix à leur retour du sud-ouest, il faut absolument que l’assaut ait eu lieu par le versant du nord. En effet, sur quelque autre point de la montagne qu’on le supposât livré, il serait impossible de satisfaire à ces trois conditions, et le récit des Commentaires deviendrait inintelligible.

T. Sextius occupa les colline de la Génèrelocum superiorem, Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. LI —. En faisant border le vallon, en arrière de sa gauche, par un certain nombre de cohortes, il ne courait pas le risque d’être tourné, parce que l’espace à défendre, entre les crêtes du plateau de Prat et les collines de la Génère, n’était que d’environ 400 mètres. Remarquons que César, en s’emparant de Quiche, s’était procuré le moyen de diminuer de beaucoup l’étendue de ses lignes de contrevallation et, comme il en avait l’intention d’abord, il eût entrepris le siège en règle de Gergovia.

Nous engageons les personnes, jalouses de déterminer la théâtre d’un des événements les plus mémorables de l’histoire d’Auvergne, d’étudier attentivement, sur ce résumé et sur la carte de Gergovia, la topographie indiquée par César et les mouvements des deux armées, et nous osons leur prédire qu’elles y puiseront la conviction intime que notre ouvrage est la solution rigoureuse d’un problème de topographie militaire, pour lequel il n’y en a point d’autre. Cependant nous faisons une exception pour le grand camp, sur lequel César n’a donné aucun renseignement. On ne peut donc en désigner l’emplacement d’une manière précise : car le proconsul put bien le placer sur les collines qui séparent Aubière du pré du Camp, ou, plus en arrière dans la plaine de Sarliève. Mais pourquoi aurait-il étendu inutilement les retranchements qui joignaient ses deux camps ? Pourquoi se serait-il éloigné davantage de la ville ?

Conclusion

1ère observation. — César campa au nord de la ville, parce que ne l’ayant pas entourée de retranchements, il ne devait pas livrer à Vercingétorix sa ligne d’opération : aucun général ne commettrait une faute aussi grossière.

2e — César n’établit son petit campai à Orvet ni à la Roche-Blanche, par les raisons que nous avons données dans la précédente observation ; de plus, Orvet et la Roche-Blanche ne correspondent à aucune des indications des Commentaires ; et, d’ailleurs, c’eût été une témérité stupide que de tenter un assaut, par surprise, et en plein midi, en partant, de points si éloignés, car César dit positivement que ses troupes s’élancèrent du petit camp à l’assaut de Gergovia.

3e – Le petit camp, nous l’avons prouvé, fut placé sur la colline de Quiche, enlevée par César à Vercingétorix, qui ne l’avait fait occuper que parce qu’elle se rattachait au système général de défense de la place, qui en était très rapprochée.

4e — Les mouvements des deux armées ne peuvent s’exécuter, comme l’indique le proconsul, que par le versant du nord : sur tout autre point de la montagne, ils sont impossibles ; et enfin la topographie ne peut s’appliquer qu’aux côtés de l’est, du nord et du sud-ouest, liés ensemble par Ie récit de César, d’une manière inséparable. Si l’on fait abstraction de l’un de ces trois points, les Commentaires deviennent inintelligibles, tandis que, au contraire, ils sont, quant à la topographie et aux manœuvres des généraux opposés, d’une clarté admirable.

5e — Si le proconsul eût entrepris le siège en règle de Gergovia, le véritable point d’attaque était vers le sud-ouest ; mais les grands capitaines tentent quelquefois des surprises par les endroits les plus forts des places, parce que l’ennemi, confiant dans la difficulté des lieux, y est moins sur ses gardes. Ces sortes d’attaques réussissent très souvent, pourvu que l’on soit moins éloigné des remparts de la place que n’était César, et que l’on n’ait pas en tête un homme tel que Vercingétorix. Le proconsul, dans un cas pareil, ne s’empara de Bourges que parce que ses soldats, cachés dans les tranchées ou derrière les mantelets, touchaient presque les murailles de la ville. Si Vercingétorix eût commandé dans Bourges, l’assaut aurait échoué.

6e — César ne permit jamais à l’ennemi de se placer sur sa ligne d’opération, ou, si ce dernier parvenait à s’y établir, le général romain s’empressait de la reprendre, et la conservait même au prix des combats les plus acharnés. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à lire les manœuvres du proconsul contre Arioviste, lib. I, c. XLIX et suivants des Commentaires ; et sur l’Aisne, contre Ies Belges, lib. II, c. V. Enfin il dit qu’il n’avait demandé toute leur cavalerie et dix mille fantassins aux Éduens que pour Ies mettre dans des forts, afin de pourvoir aux vivres de son armée : Com. de Bell. Gal., lib. VII, c. XXXIV. Or, il veut évidemment faire entendre par là qu’il était résolu à les échelonner sur sa ligne d’opération, afin quels protégeassent la marche de ses convois. Et l’on voudrait que, dès son arrivée devant Gergovia, il eût abandonné cette ligne à Vercingétorix ? Non, cela n’est pas croyable d’un capitaine tel que César. On ne doit pas abandonner sa ligne d’opération, dit Napoléon ; mais c’est une des manœuvres les plus habiles de l’art de la guerre de savoir la changer, lorsqu’on y est autorisé par les circonstances (Maximes de guerre de Napoléon, § XX). Or, quelles circonstances faisaient à César une loi de prendre sa ligne d’opération sur Issoire au lieu de conserver celle de Vichy ? Est-ce que les magasins, les places de dépôt, les recrues et les ressources en vivres de l’armée romaine n’étaient pas de ce dernier côté ? Labienus n’était-il pas à Paris, et non dans le sud de la Gaule ! Donc, puisque la stratégie exige impérieusement que le grand camp des Romains soit placé au nord, il est très certain que le proconsul dut l’y établir.

 

 

Sur l’emplacement de l’ancien Uxellodunum, à Ussel (Corrèze).

Notre ouvrage était sous presse lorsque M. Jaloustre, chef de bureau à la préfecture, eut l’obligeance de nous remettre une notice sur des fouilles exécutées à Ussel (Corrèze), sous la direction de M. Sarrette, lieutenant-colonel du 61e de ligne : terrasse (agger), élevée par César ; emplacements des trois camps du lieutenant romain, Canisius, sur les hauteurs du Sarsonneix et du Theil ; fondements des murs d’enceinte d’Uxellodunum sur la montagne du Pérol (puy rocheux), environnée de tous côtés, excepté pendant un espace de trois cents pas romains, par une vallée et par une rivière (la Sarsonne) ; galeries souterraines (cuniculi), au moyen desquelles César, afin de priver d’eau les assiégés, fit détourner la source de la fontaine, qui coulait au pied du mur de la ville, et qui, depuis cette époque, se jette dans celle de Grammont-Petit ; engins de guerre, pierres d’argile, durcie au feu, servant aux frondeurs ; pierres d’argile, lancées par les machines de guerre des Romains, et soumises aussi à l’action du feu ; tout a été retrouvé, et atteste qu’à Uxellodunum, comme à Gergovie, et comme à Alise, César et Hirtius, sous le rapport de la topographie, sont d’une fidélité admirable — pour le siège d’Uxellodunum, voir les Com. de Bell.. Gal., lib. VIII, c. XXXII, jusqu’au XLIII inclusivement —.