Ce n'est pas tout pour un homme qui fait l'histoire du passé d'avoir fouillé les archives, amassé des documents ; et, s'il raconte les choses de son temps, il ne lui suffit pas d'avoir interrogé ses souvenirs et ceux de ses amis, d'avoir consulté les pièces officielles. Il doit encore mettre en œuvre ces documents et les choisir ; distinguer ceux qui expriment et signifient quelque chose de ceux qui sont inutiles. Il faut qu'il les range dans un ordre voulu, de manière à produire un ensemble, un tout. De ces matériaux épars il faut bâtir un édifice : c'est justement ce travail de la composition qui fera de l'œuvre une histoire proprement dite, de l'auteur un historien. Ce travail, nous allons le juger et l'apprécier en étudiant tour à tour dans Ammien Marcellin l'écrivain et le critique ; nous pourrons ensuite conclure et dire si l'œuvre mérite le nom d'histoire, si l'auteur est vraiment digne du nom d'historien. Dans l'écrivain, on peut étudier sa langue, son style, ses divers procédés dans les portraits, les narrations et les discours. I. — La langue d'Ammien Marcellin. Si l'on jette un coup d'œil sur les œuvres si mêlées du quatrième siècle, on est frappé par l'étrange variété qu'offre la langue des auteurs de ce temps. Il suffit ordinairement de lire quelques pages d'un écrit, de noter son vocabulaire et ses formes grammaticales, pour en rattacher immédiatement l'auteur à son époque et dire de lui qu'il est de l'âge d'or ou d'argent de la littérature latine. Sans doute, chaque écrivain n'en a pas moins son style, sa manière de concevoir et d'exprimer les choses ; mais la langue reste comme un fond commun aux auteurs de la même période. Elle est la monnaie courante d'une génération comme le style est l'effigie propre à l'écrivain. Il n'en est pas ainsi au quatrième siècle : il n'y a plus de langue commune, fixe et arrêtée. Le beau moule classique de Cicéron et de César, ou même de Tacite et de Sénèque, étant déformé et brisé, chaque auteur se fait sa langue d'après le milieu, l'éducation reçue et les circonstances locales. Mille mots, dérivés et composés, d'origine inconnue, font irruption dans le vocabulaire, le transforment, le troublent et y jettent la confusion. Si, au milieu de ce désordre général, quelques nobles esprits se forment à l'étude des anciens, alors leur langue s'épure, se fortifie et reproduit même celle de l'auteur préféré. Ces formes ainsi copiées pourraient tromper le lecteur et donner le change sur la vraie date de la composition 'si le caractère un peu roide et artificiel de cette langue d'emprunt ne trahissait une œuvre d'imitation. C'est ainsi que la langue de Mamertin, dans le panégyrique de Julien, nous étonne par sa mâle et saine correction ; que la versification de Claudien est plus nette, plus achevée que celle de Virgile et d'Ovide ; que la diction de Sulpice Sévère reproduit la sobre élégance de Salluste ; que la phrase de Symmaque rappelle celle de Sénèque dans ses lettres et celle de Pline dans les discours ; que l'abrégé d'Eutrope et que le traité de Végèce sont encore d'un style clair et simple qui n'est pas sans mérite pour cette époque. Tous ces écrivains avaient été formés par l'étude dans les bonnes écoles de Rome ou même dans celles de la Gaule, qui étaient alors les plus connues et les meilleures de l'empire[1]. Il n'en fut pas ainsi pour notre historien. Élevé dans l'étude de la langue grecque qui fut sa langue maternelle, Ammien Marcellin ne fut initié à la langue latine que dans les écoles d'Orient, où l'emphase et le mauvais goût étaient de tradition. Ce n'est que plus tard, après avoir fourni une longue carrière dans les rangs de l'armée et de la magistrature, qu'il revint à l'étude, et tâcha de s'assimiler la langue des bons auteurs latins, mais sans y réussir, parce qu'il s'adressa indistinctement à tous les écrivains, sans choix, depuis les comiques Plaute et Térence jusqu'aux faiseurs de contes et d'anecdotes, Apulée, Aulu-Gelle, Valère-Maxime, etc. Peut-être même n'eut-il recours qu'à des recueils d'extraits des bons auteurs, alors en vogue, et qui servaient de manuels aux étudiants[2]. La langue d'Ammien Marcellin, relevée et soufflée en certains endroits par quelques expressions de Salluste, de Cicéron, de Tacite, d'Aulu-Gelle, n'en offre pas moins dans son ensemble l'aspect de ces mille idiomes plus ou moins barbares qui étaient parlés dans les diverses parties de l'empire romain. C'est encore du latin, il est vrai, par le plus grand nombre des mots et l'application générale des règles de la syntaxe ; mais il faut ajouter des centaines de mots dérivés des mots anciens ou composés, détournés de leur sens primitif ou même complètement inventés, des formes syntaxiques singulièrement altérées ou imitées de la langue grecque, des constructions de phrases incorrectes par l'ordre des mots où ne paraît plus un soupçon du génie latin. Tous ces éléments constituent une langue profondément troublée qui étonne et déconcerte le lecteur. Pour l'entendre, il ne faut rien moins qu'un supplément au lexique de la langue ordinaire, et c'est ce qui a été fait en particulier pour notre historien en Allemagne par Ernesti. A la considérer de plus près, la langue d'Ammien Marcellin offre trois éléments principaux auxquels on peut ramener tout ce qu'elle présente d'insolite. C'est d'abord l'élément populaire, ce qui constituait le sermo plebeius. Il avait existé de tout temps, à côté de la langue classique, même au siècle d'Auguste et à Rome. C'était la langue du peuple qui se serait perdu dans les longues périodes de Cicéron. Elle avait, en partie du moins, un vocabulaire différent, des formes grammaticales plus courtes, moins synthétiques. C'est de cette langue populaire, apportée et répandue dans les provinces par les soldats et les marchands, que nos idiomes romans ont pris naissance. On la retrouve encore quelque peu dans les comédies et les mimes, dans les écrits de Pétrone et dans les abrégés de Lampride, Capitolin, Spartien ; mais elle constitue un élément considérable dans la langue d'Ammien Marcellin. Son importance s'était accrue à mesure que s'était déformée la langue littéraire, et, dans notre historien, l'une se confond avec l'autre au point de former un amalgame d'une étrange crudité. C'est ainsi qu'on y trouve des substantifs comme : reposco, transitor, palpamentum, literio, proruptor, proculcator, prœtentura, allenimentum, etc. ; des adjectifs comme : serratorius, palpabilis, vastatorius, impurgabilis, impetrabilis, sabaiarius, extentius, crapulentus, etc. ; des verbes comme : circumcircare, conterminare, curvescere, vastitare, efferascere, impedicare, propilare, sœvitare, suffrendere, etc. ; des adverbes comme : ritualiter, porrecte, vulgate, irrisive, etc. On retrouve sans doute beaucoup de ces mots ut d'autres semblables dans les écrits des contemporains, en particulier dans les œuvres de saint Hilaire, de saint Ambroise et même de saint Jérôme et de saint Augustin, dont la langue est bien L ;elle du temps où ils vécurent, mais relevée et fortifiée par de sérieuses études et par un vrai génie littéraire. Chez eux, ces mots barbares n'apparaissent que de loin en loin, par exception, par oubli, ou pour traduire une idée nouvelle. Chez Ammien Marcellin, ils sont en grand nombre et fréquemment employés sans scrupules ; ils constituent le plus important élément de la langue de notre historien. A ce premier fond de la langue populaire se surajoute un second élément qui le développe et le modifie : ce sont les grécismes. Ammien Marcellin, Grec d'origine et par l'éducation, connaissait la langue de Thucydide bien mieux que celle de César. Le grec était sa langue maternelle, celle de l'école, et plus tard celle de ses relations privées. Libanius lui écrivait en langue grecque. Nul doute que l'historien ne lui ait répondu dans la même langue. Le latin était la langue officielle de l'empire, celle qu'il fallait connaître pour paraître à la cour, exercer un commandement ou remplir une charge. Ammien Marcellin l'avait sans aucun doute appris à l'école ; il le connaissait comme tout homme de bonne famille destiné aux fonctions publiques. Mais rarement on acquiert par l'étude d'une langue étrangère la souplesse que l'on possède naturellement dans la sienne. L'empereur Julien lui-même, si instruit dans les lettres, n'avait du latin qu'une connaissance suffisante, sufficiens sermo, dit notre historien[3]. Est-il dès lors étonnant que lui-même, soldat et homme d'affaires pendant toute sa vie, n'ait jamais eu de cette langue qu'une connaissance imparfaite ? Ainsi lui arrive-t-il d'insérer une expression grecque à la place du mot latin qui lui fait défaut, surtout dans les digressions scientifiques qu'il mêle au récit : unde άμφίβιοι nominantur, dit-il de certains reptiles, et d'un météore : nitor igneus quem διαίσσοντα nos appellamus, etc. Ailleurs, il donne aux mots grecs une terminaison latine. Ainsi désigne-t-il les différentes espèces de peste : et prima species pandemus adpellatur, secunda epidemus, tertia lœmodes[4]. Plus souvent encore il se permet de former des mots à la manière des Grecs, en ajoutant des préfixes, tels que : subtervolvo, indimensus, semi integra, subscruposus, etc., ou de prendre comme eux des adjectifs pour des substantifs : militares pour milites, nautici pour nautœ, communia dans le sens τά κοινά[5], etc. Il n'est pas rare encore de rencontrer des expressions, des tours de phrase dont l'imitation grecque est à peine dissimulée : grandiaque incedens n'est pas loin du μακρά βιβάς d'Homère ; unde apparet quod rappelle : ποθεύ δήλον ότι ; fingere quod est un calque de ποιεΐσθαι ότι, de même que ut amat fieri in rebus dubiis offre à l'esprit le sens de φιλέω : j'ai coutume. La proposition infinitive dans les phrases subordonnées est ainsi souvent supprimée et remplacée par la conjonction quod, ce qui n'était pas moins dans le génie grec qu'une habitude du latin populaire. On pourrait multiplier des citations de ce genre ; celles-là suffisent pour affirmer qu'Ammien Marcellin écrivant en latin n'en resta pas moins grec, comme il le déclare lui-même à la fin de ses livres, avec plus de raison qu'il ne pense : Hœc ut miles quondam et græcus.... Peut-on supposer, comme on l'a fait, qu'Ammien Marcellin écrivit d'abord ses livres d'histoire en langue grecque et qu'il les traduisit ensuite en latin pour en faire la lecture dans les cercles de Rome ? Nous ne le croyons pas ; quelque troublée et mélangée que soit sa langue, cela ne suffit pas pour établir et justifier une telle hypothèse. Les grécismes de toutes sortes et les habitudes de l'idiome vulgaire n'expliquent pas toutes les surprises que nous ménage la lecture de notre historien. Il faut tenir compte, comme d'un troisième élément, des emprunts plus ou moins heureux faits aux anciens auteurs. Ammien Marcellin rendu à la vie privée se prépara par l'étude à son rôle d'historien. Il se mit au travail et, afin de mériter les suffrages des Romains, il s'efforça de relever et de fortifier sa langue inculte et barbare par tout ce que l'imitation des maîtres pouvait lui suggérer. Mais soit parce qu'il était déjà ; trop avancé en âge, soit parce qu'il eut recours, sans choix, à un trop grand nombre d'auteurs, ce travail ne lui réussit pas. Peut-être même se borna-t-il, comme nous le disions plus haut, à consulter des recueils d'exemples et de locutions tirées des meilleurs écrivains : sortes de manuels à la manière de nos Selectæ et alors fort à la mode, tels que les Exempla locutionum de Messius Arusianus, ou le Liber de figuris sententiarum et elocutionis de Julius Rufinianus[6]. Cette hypothèse n'a rien d'invraisemblable, car Ammien Marcellin ne s'est point pénétré du vocabulaire et de la syntaxe de tel ou tel auteur en particulier, mais il reproduit indistinctement, au hasard, les expressions de Salluste, de Tite-Live et de Tacite[7]. Il diffère beaucoup sur ce point de Mamertin, de Claudien, de Sulpice Sévère qui, eux du moins, par l'imitation savante et exclusive d'un maître, surent en reproduire la langue, et encore plus de saint Jérôme, de saint Augustin, de Symmaque qui, par un travail constant, prirent des habitudes littéraires, furent à leur tour des maîtres et se firent une langue originale et forte bien qu'imprégnée des inévitables défauts du goût de l'époque. On raconte que Salluste, cet artiste raffiné de style, chargea le grammairien Atius de lui faire un recueil de vieilles locutions, dont il se servait ensuite au fur et à mesure pour donner à sa langue cette saveur originale qui lui est propre. Il est probable qu'Ammien Marcellin n'eut pas un grammairien à son service. Il fit lui-même ce travail pour son compte, mais fort mal et sans se l'assimiler. Il ne put et ne sut qu'amener de temps à autre une expression de Salluste, un mot de Tacite, une phrase de Cicéron qui, se détachant aisément de l'ensemble, ne font pas corps avec lui, paraissent dans le contexte comme des fils d'or et de soie dans un grossier tissu de laine ou de coton. En résumé, de ces divers éléments résulte une langue dure, informe, grossière et barbare. On y rencontre les données les plus disparates : les archaïsmes de Salluste avec les néologismes en usage au quatrième siècle, les tournures poétiques de Virgile et de Tacite avec les expressions entendues au champ de foire ou dans un corps de garde, des réminiscences d'Homère et de Thucydide avec l'argot du soldat et de l'avocat : un vrai monstre, en un mot, une chimère ayant tête de lion, corps de chèvre, jambes de chien et pattes d'ours. Cette langue qui nous paraît si étrange quand nous la comparons à celle de la plupart des écrivains de cette même époque, mais plus instruits ou mieux formés, ne semble pas avoir étonné le public qui l'entendit à Rome. Libanius félicite son compatriote et ami, Ammien Marcellin, du succès qu'il a obtenu dans les lectures publiques. Toutefois, l'historien avait trop de sens pour se faire illusion, et plus qu'un autre il avait le sentiment de ce qui lui faisait défaut. S'il reconnaît, en terminant son récit, qu'il n'a jamais sciemment altéré la vérité soit par le mensonge, soit par le silence, il n'en confesse pas moins la rude imperfection de son langage : Que d'autres, dit-il, plus jeunes et plus expérimentés continuent mon œuvre ; mais auparavant qu'ils remettent l'instrument à l'enclume afin qu'ils aient une langue plus forte et mieux affinée. Scribant reliqua potiores, œtate doctrinisque florentes, quos id, si libuerit, adgressuros procudere linguas ad majores moneo stilos[8]. II. — Son style. Le style d'Ammien Marcellin vaut mieux que sa langue : c'est que le style est l'homme, il exprime sa manière de concevoir et de rendre sa pensée. Or, nous l'avons dit, l'homme dans Ammien Marcellin est bon, franc et loyal. Son style ne pouvait que porter l'empreinte de son caractère énergique et tout en dehors. Sa pensée jaillit parfois avec une verve pleine de sel et d'originalité. Sa parole vibre avec un accent de sincérité qui va jusqu'à la rudesse, avec une chaleur d'émotion patriotique qui est presque de l'éloquence. Il nous dira de certaines femmes, aux nattes de cheveux bien polies et promenant le scandale dans les rues de Rome, qu'il vaudrait beaucoup mieux qu'elles fussent mères de trois ou quatre enfants[9] ; et de Sérénianus, le chef de la garde de Valens : C'est heureux qu'il ait été massacré pendant la nuit, dans son palais ; sa mort fut le salut d'un grand nombre ; s'il eût survécu au parti de Procope, il eût exercé sur bien des innocents de sanglantes représailles[10]. C'est le style d'un soldat devenu un homme d'affaires. Son langage a une saveur énergique mais crue ; c'est net et vigoureux comme la lame d'une épée ou la sentence d'un magistrat. Parfois même le ton s'élève et nous frappe par des tours hardis, de fortes et pittoresques expressions. On croit voir, par exemple, se dresser devant les yeux les Huns, ces barbares vêtus de peaux, lourds et trapus, aux formes monstrueuses et le visage sillonné de coupures, êtres effrayants qui firent horreur aux autres barbares, pareils à des animaux bipèdes ou plutôt à ces grossières statues à peine ébauchées qui soutiennent les ponts : Prodigiosœ formœ et pavendi, ut bipedes existimes beslias vel quales in commarginandis pontibus effigiati stipites dolantur incompte[11]. A leur aspect, la nation des Goths s'enfuit et franchit le Danube sur une multitude de barques, de radeaux, de troncs d'arbres creusés, et les Romains eux-mêmes s'employèrent nuit et jour à transporter dans l'empire les destructeurs de l'empire. On voulut les compter, mais en vain ; on eût plutôt compté les sables que le vent du midi soulève sur les rivages de la Libye : Ita turbido instantium, studio orbis romani pernicies ducebatur... neque incertum est ministros numerum comprehendere calculo sœpe tentantes, conquievisse frustratos[12]. Bientôt la révolte fut générale et l'on dut en venir aux mains. Les deux armées se choquèrent ainsi que des proues de vaisseaux, raconte l'historien ; l'aile gauche des légions poussa jus- qu'aux chariots, mais elle fut accablée sous le nombre des barbares qui tombèrent sur elle comme un énorme éboulement de terre Jamais plus grand danger ne menaça leurs têtes sous un ciel où la splendeur du jour était éteinte : Deinde conlisœ in modum rostratarum naviurn acies... sinistrum cornu sicut ruina aggeris magni oppression atque dejectum est[13].... Ces pensées, fortement exprimées, ne sont pas rares dans notre auteur ; aussi a-t-il été souvent cité avec bonheur. On l'a observé pour Gibbon, dont le récit perd beaucoup de son intérêt dès qu'il n'est-plus soutenu par celui d'Ammien Marcellin, et Chateaubriand, en artiste toujours à la recherche du mot expressif, lui a fait de nombreux emprunts dans ses Études historiques, rendant ainsi un hommage indirect à la vigueur de style de notre historien. Après avoir reconnu ce qu'il y a de bon, d'excellent même dans les qualités natives de l'esprit d'Ammien Marcellin et partant dans son style, il faut bien ajouter que ces qualités ont été par le fait des circonstances profondément altérées. Les éléments d'un. style sont, en effet, nombreux et complexes, et, pour l'apprécier, il faut démêler ce qui est de l'homme et ce qui est de l'auteur : percer à jour, par exemple, les déclamations vertueuses de l'historien de Catilina pour pénétrer jusqu'à l'âpre gouverneur de Numidie, distinguer le sentiment vrai et juste qui inspira Pline le Jeune dans son panégyrique de Trajan, si artificiel et si emphatique. L'écrivain vaut mieux que l'homme dans Salluste ; l'homme est bien préférable à l'orateur dans Pline. Chez Ammien Marcellin, l'homme est excellent autant que l'auteur est parfois détestable. Trop souvent l'homme s'efface et disparaît devant l'amateur des lectures publiques à la recherche d'un succès. Son style est alors surchargé de tous les défauts du temps : la recherche et l'affectation, la subtilité avec la manie des rapprochements historiques et des digressions inutiles. C'est le style d'un rhéteur malhabile, mal formé et faisant parade d'érudition. Sa phrase se perd dans les longues incidentes et les répétitions, dans les détours et retours, au point de devenir incompréhensible. Ailleurs, des expressions poétiques tranchent violemment avec le ton du récit, et des comparaisons bruyantes ou interminables, à la façon d'Homère, empruntent le ton épique. Les tyrans sont toujours pour lui des monstres vomis par le Tartare et pareils à des bêtes féroces. L'historien embouche tout naturellement la trompette et sonne du clairon pour annoncer le moindre événement. Il n'a pas le sens de la mesure : c'est le mot exagéré et violent qui remplace l'expression vraie, le ton déclamatoire qui l'emporte sur le ton simple et naturel. Il n'a pas davantage l'art de la proportion et des nuances. Il ne sait pas mettre en relief ce qui est essentiel pour reléguer au second plan ce qui n'est qu'accessoire. Ses tableaux et ses descriptions sont faits grossièrement avec des tons forcés et des couleurs criardes, sans perspectives et sans ombres. Ses narrations, et particulièrement ses récits de batailles ou de répressions sanglantes, sont délayés avec une abondance de détails qui va jusqu'à la fatigue, et le tout se termine inévitablement par une déclamation, un appel à l'incorruptible justice divine, au jugement de la postérité. Ammien Marcellin ne voulait pas seulement paraître un bien disant, mais encore un savant, d'où des réminiscences classiques et des allusions sans nombre aux grands faits de l'antiquité. Ces rapprochements historiques peuvent bien quelquefois n'être pas inutiles. Ils servent à éclairer une situation, à expliquer ou justifier une mesure. Parfois, ils serrent et pressent le sens par les contrastes, à la façon d'une antithèse, et prêtent à la pensée un puissant relief. Enfin, ils donnent à la composition ce quelque chose d'achevé qui est le vernis des maîtres, et témoignent d'un esprit orné, comme un sourire, une pensée délicate révèlent un homme de sens et de bonne éducation. Mais encore faut-il en régler l'usage et les soumettre à de certaines conditions. Ces allusions ou souvenirs antiques devront être amenés, annoncés, avoir une raison d'être, celle de plaire ou d'instruire par exemple. On ne devra pas en abuser en les multipliant outre mesure, car ils alanguissent le récit en le coupant ; ni leur donner un trop grand développement, car ils sont accessoires et doivent rester tels ; ne pas empiéter sur le sujet et l'absorber. Il en est de même, à plus forte raison, des digressions qui ne sont que des rapprochements : plus étendus. Elles doivent être écartées avec soin d'une histoire, à moins qu'elles n'aient une connexion immédiate et nécessaire avec le récit. Tout ce qui est pour la montre et la parade doit être scrupuleusement rejeté. Or, il faut bien reconnaître que sur ce point encore Ammien Marcellin n'est rien moins qu'un modèle à imiter. Il veut paraître avant tout un homme de beaucoup de lecture, d'une grande science. Dès lors, il ne saurait écrire tant de lignes sans faire un rapprochement classique, ni plier tant de tablettes sans admettre une digression de plusieurs pages. Il retarde ainsi son récit par d'incessantes allusions qu'il délaie avec complaisance, et il insère à tout propos et hors de propos des digressions inutiles. Il semble que pour lui l'histoire ne soit qu'une Matière à développements, un cadre commode pour étaler au fur et à mesure toutes ses connaissances. Son œuvre est une véritable encyclopédie de tout ce que devait savoir un lettré au quatrième siècle. On ne peut se défendre d'un mouvement d'impatience quand au milieu du récit d'une bataille ou d'une marche l'on est tout à coup arrêté par une digression sur l'arc-en-ciel ou les comètes, ou par quelque déclamation morale tirée d'un exemple de l'antiquité[14]. Ces défauts, si sensibles pour nous, étaient des qualités au jugement des contemporains de notre historien. C'est, en effet, à l'influence désastreuse des lectures publiques que nous devons attribuer une altération si grave de la dignité historique, telle que l'avaient conçue Salluste et César, Tite-Live et Tacite. Cependant, Ammien Marcellin lui-même avait sur l'histoire des principes excellents. Il déclare qu'il faut éviter les longueurs, ne pas insister sur les minuties, ne recueillir que ce qui est capital, essentiel[15], préceptes qu'il a eu garde de suivre, car l'auditoire était là ; il fallait lui plaire et se conformer à ses goûts. Il fallait éblouir son imagination par des métaphores excessives, frapper son esprit par des antithèses forcées, provoquer son étonnement par l'effort de la mémoire et l'étalage de l'érudition. L'art était mis de côté pour le succès, et les applaudissements payaient toutes les concessions. Il ne fallait rien moins au quatrième siècle que tout ce clinquant et cette parade pour être écouté d'un auditoire blasé, avide de nouveauté et de piquant. Si l'orateur fait l'auditoire, la réciproque n'est pas moins vraie : l'auditoire fait l'orateur. C'est au mauvais goût du temps, aux exigences d'un auditoire ignorant et affadi, que nous devons la plupart des défauts qui déparent les livres d'Ammien Marcellin. Ce n'est l'œuvre ni d'un historien, ni d'un orateur, a dit Vivès[16], et c'est très juste pour le style en particulier. Ce n'est pas le style d'un historien, car les qualités du genre, la netteté, la clarté et surtout cette pure et élégante brièveté que réclamait Cicéron lui font presque partout défaut. Ce n'est pas davantage le style d'un orateur, car si l'on rencontré dans Ammien Marcellin des pages pleines de vie et de sentiment, inspirées par l'amour du bon et du juste ou par un ardent patriotisme, ces pages sont rares et trop souvent coupées par une digression ridicule ou une citation faite sans à propos. Naturellement, chez lui l'art dégénère en grossier artifice, et sa chaleur oratoire se perd en une déclamation outrée. Ce n'est pas le large et profond courant d'éloquence qui soutient et entraîne Tite-Live dans toute son œuvre ; c'est du style académique le plus mauvais, avec tous les défauts grossis encore par le mauvais goût du temps. En relisant ces pages, on croit passer en revue les notes d'un rhéteur du quatrième siècle qui, n'ayant pas eu le temps de corriger et de disposer pour la lecture les leçons qu'il a faites en public, les publie telles qu'il les a prononcées. III. — Les portraits. Après ces vues générales sur le style d'Ammien Marcellin, il n'est pas inutile, semble-t-il, d'insister sur les qualités et les défauts de l'historien dans les portraits, les narrations et les discours ; de montrer ainsi par le menu comment des qualités natives d'esprit, réellement fortes et originales mais mal secondées par le milieu et l'éducation, produisirent des œuvres puissantes mais informes, pareilles à ces statues mal dégrossies qui soutiennent les arches des ponts, auxquelles Ammien Marcellin lui-même compare les Huns, ces barbares nouveaux venus des bords du Pont-Euxin. Parlons d'abord des portraits. On peut faire des portraits d'individus ou d'êtres collectifs ; on peut les faire de diverses manières. Tantôt l'écrivain trace d'un seul trait une esquisse qui met en relief ce qui caractérise l'individu, comme fait Tacite disant de Poppée : omnia illi fuere prœter honestum animum ; tantôt l'écrivain s'arrête, réfléchit et compose de toutes pièces un vrai portrait. Ainsi fait Thucydide quand il décrit les mœurs et les caractères des Athéniens et des Lacédémoniens. On peut encore peindre à la manière des poètes dramatiques en faisant agir les personnages, ou à la façon des orateurs en développant leurs sentiments. On trouve dans Ammien Marcellin de nombreux portraits et des portraits conçus de toutes les manières. On peut même dire que l'historien semble avoir eu quelque préférence pour cet artifice de style. Ce Grec, à l'esprit sagace et pénétrant, observateur implacable, fouille à l'occasion son homme comme le sculpteur fouille le marbre, va jusqu'à l'âme, la met à nu, saisit la passion dominante, originale, et l'exprime en un ou deux traits désormais inoubliables. C'est, par exemple, l'empereur Constance qui, entrant à Rome en triomphe, l'an 357, se tient droit et immobile sur son char comme un mannequin, tanquam figmentum hominis, baisse la tête en passant sous les arcs de triomphe, au fond, d'une telle faiblesse de caractère qu'on dit de lui dans son entourage qu'il a quelque crédit auprès d'Eusèbe, son tout-puissant ministre[17]. C'est encore le maître d'armes Lupicin, soldat intrépide et expérimenté, mais élevant ses sourcils comme des cornes, d'humeur fière et paraissant toujours marcher sur un cothurne tragique, avare et cruel au point qu'on se demande ce qui l'emporte chez lui de l'avarice ou de la cruauté[18]. C'est le préfet dé Rome Lampadius qui entend être loué même sur sa manière de cracher, distingué en cela comme dans tout le reste[19]. Maximin, le farouche exécuteur des répressions sanglantes pour crimes de magie, rampe comme un serpent devant plus fort que lui, mais à son tribunal c'est un juge d'enfer ; envoyé à Trèves, il n'en fait pas moins continuer les supplices, comme le basilic il tue à distance[20]. De pareils traits expressifs et neufs, qui peignent un homme sur le vif et le distinguent de tout autre, ne sont pas rares dans notre historien. Tout individu fameux à quelque titre, tout personnage ayant joué un rôle important, qui un jour ou l'autre a posé devant lui, est ainsi saisi au naturel, représenté sous des traits qui expriment non pas seulement l'être moral mais encore l'être physique, son extérieur. C'est, en effet, un des procédés favoris de notre historien moraliste d'observer la physionomie de ses personnages et de la faire servir à l'expression de leurs sentiments ; c'est déjà un pressentiment du système adopté de nos jours par M. Ampère dans son Histoire romaine à Rome. Mais, chez Ammien Marcellin, le système est autrement sérieux et fondé que dans les ingénieux portraits du savant critique. Ce dernier n'a pu opérer que par conjecture et sur des bustes plus ou moins fidèles ; c'est d'après les types vivants, les originaux eux-mêmes qu'Ammien Marcellin traçait ses portraits. Voyez Procope paraissant au milieu des légions qu'il a poussées à la révolte : il est pâle comme un cadavre ; on le dirait amené sur l'heure du fond des enfers[21]. Voici le notaire Léon, digne satellite du féroce Maximin : c'est un brigand de Pannonie, dont la cruauté était écrite sur son visage de bête fauve : effiantem ferino rictu crudelitatem[22]. Simplicius d'Emone est de même famille : il cache sous un esprit simple et modeste un naturel mauvais que trahit un regard louche[23]. Maximin lui-même, déjà cité, triomphant à Rome par la prison et le sang, ne marche pas, il danse à la façon des Brahmanes qui se soutiennent en l'air entre les autels[24]. Tel est enfin le préfet Modeste, tout-puissant auprès de Valens, cachant sous un visage faux et composé un naturel grossier que n'avait point adouci l'étude des anciens[25]. On ne trouve pas de ces détails crus et saisissants dans les portraits tracés par Tite-Live. Ses figures sont vagues, idéales, figurant des idées plus que des hommes, et le plus souvent suspectes d'embellissement. C'est que Tite-Live est orateur et romain : il peint ses héros, non d'après les types réels qu'il n'a pas connus, mais d'après l'idée qu'il s'en fait et que lui inspire son ardent patriotisme. Ammien Marcellin est plus grec que romain par l'esprit de causticité et le don de l'observation. Il saisit à merveille le caractère, le côté saillant de ses personnages, et il excelle à l'exprimer par un mot qui le fixe, le grave, et ne permet plus de l'oublier. Ce don de l'historien se retrouve surtout dans lei portraits des personnages secondaires : un coup de crayon bref et énergique, donné en passant, suffit pour les dessiner. Ammien Marcellin est moins heureux dans les vrais portraits, les portraits en pied avec tous les accessoires, qu'il réserve aux personnages principaux et en particulier aux empereurs. Résumant à la fin de chaque règne les actes et la physionomie du prince dont il vient de raconter les derniers moments, Ammien Marcellin, peu artiste, nous le savons, accumule les traits dans ces portraits composés et voulus, y revient à plusieurs reprises, insiste, sans ordre dans la composition, sans suite dans les idées, se contredit même, et rappelle le malheureux dont le poète a dit : Infelix operis summa quia ponere
totum Nesciet. Nous citerons comme modèle du genre le portrait de Probus, opulent patricien et l'héritier par alliance de la riche famille des Anicius, le chef reconnu de l'aristocratie chrétienne à Rome. Alors fut appelé comme préfet du prétoire d'Illyrie, Probus, connu dans tout l'empire par l'éclat de sa naissance, par son crédit et ses grandes richesses. Il avait presque partout d'immenses possessions : à juste titre ou non, il ne nous appartient pas de le décider. La fortune l'exaltant en quelque sorte dès sou berceau, et, comme disent les poètes, d'un vol rapide, on le vit tantôt prodiguer ses biens à ses amis et les élever au sommet des honneurs, tantôt dresser avec cruauté des embûches à ses rivaux et leur nuire par de sanglantes inimitiés. Quelle que fût son autorité, grâce aux largesses qu'il faisait et aux fonctions qu'il remplit, il n'en fut pas moins, tant qu'il vécut, timide avec les gens hardis et fier avec les timides. S'il ne craignait rien, il prenait le ton haut d'un homme chaussé du cothurne ; appréhendait-il quelque chose, il baissait pavillon plus bas qu'un vil comédien. Tel qu'un poisson ne saurait vivre, si on le tire de son élément, Probus dépérissait dés qu'il était sans emploi. Les querelles de ses nombreux clients, que leur cupidité rendait sans cesse coupables, le forçaient à rentrer dans les affaires publiques. Et il faut l'avouer, s'il fut assez généreux pour ne jamais commander à l'un des siens quelque chose d'injuste, il n'en prenait pas moins leur défense dès qu'il apprenait qu'ils avaient commis quelque crime ; et cela sans respect pour l'équité, au mépris du juste et de l'honnête, faiblesse que Cicéron condamne. Car, quelle différence trouvez-vous, dit-il, entre celui qui conseille une action et celui qui l'approuve, et s'en réjouir est-ce un moindre crime que d'avoir voulu qu'on la fît ? Il fut soupçonneux et défiant, son sourire avait de l'aigreur, il ne caressait que pour nuire. C'est le propre dé ce vice d'éclater d'autant plus qu'on se donne plus de peine pour le cacher. Il était si vindicatif, si arrêté dans ses idées, qu'il n'était pas possible de l'apaiser ou de le porter à faire grâce aux moindres fautes s'il avait résolu de sévir ; on eût dit que ses oreilles étaient bouchées, non avec de la cire mais avec du plomb. Au milieu des richesses et au faîte des honneurs, il fut inquiet et tourmenté, et par conséquent toujours incommodé de légères maladies[26]. Ce portrait, un des meilleurs et des plus achevés que présente la galerie de notre historien, n'en offre pas moins les défauts aussi bien que les qualités de l'écrivain : on y saisit bien vite les longueurs et les répétitions, le ton déclamatoire du rhéteur et les réminiscences du pédant ; défauts peu apparents dans ce portrait, mais beaucoup plus sensibles dans les autres. Ne va-t-il pas dans le portrait qu'il fait de Julien jusqu'à rappeler et adopter la division que prit Cicéron dans le discours Pro lege Manilia, pour démontrer que Pompée avait toutes les qualités d'un bon général[27] ? Malgré ces taches, les portraits provoquent néanmoins le
plus vif intérêt, et ceux des êtres collectifs, plus étendus et plus variés,
ne le cèdent en rien aux portraits des individus. L'historien, également
impitoyable, fait preuve dans les uns et les autres des mêmes qualités
d'esprit, l'observation et l'ironie. On voit revivre dans ses livres toute la
société de son temps : l'armée, les barbares, les courtisans, les avocats, le
peuple et les grands. Un des morceaux les plus importants est le portrait du
peuple romain, des patriciens et de la plèbe. Les
patriciens, dit-il, sont pour la plupart gens
frivoles, cupides et vicieux. Ils se targuent de noms illustres empruntés à
je ne sais quelle mythologie : les Rebures, les Géryons, les Tarracius, etc., tous rivalisant d'ardeur pour s'élever des statues
dorées, croyant par là s'assurer un renom immortel. Ils portent des habits
tissus d'or et de soie, ornés de figurines à la mode des Perses, se promènent
sur des chars élevés étalant le long cortège de leurs clients et de leurs
esclaves, bien différents de ces vieux patriciens qui ont fait la grandeur de
Rome et qui n'étaient ni mieux nourris, ni mieux habillés, ni plus riches que
le dernier des soldats. Ces descendants efféminés n'ont qu'un but :
s'enrichir par la captation des testaments ; qu'un souci : se procurer tous
les raffinements des plaisirs sensibles ; qu'une crainte : la souffrance, la
mort. On refuse d'aller voir un ami malade, on envoie un esclave, et au
retour oh le soumet à un bain : Ita etiam alienis oculis visa meluitur
labes. N'espérez pas de ces gens amollis le moindre effort pour l'étude :
on fuit les bibliothèques comme on fuit les tombeaux, on évite les hommes
instruits et sobres comme gens de mauvais augure ou inutiles. On se borne à
parcourir les récits scandaleux de Juvénal ou de Marius Maximus. Les héros de
ce monde nouveau sont les cochers du cirque, les joueurs de dé et les initiés
aux arts secrets de la magie. Car, si l'on ne croit plus aux dieux, on n'en
est pas moins rempli de préjugés et de ridicules superstitions. Quant à la
plèbe romaine, elle ne mérite aucune estime : elle passe son temps dans l'oisiveté,
dans les cabales du cirque lorsqu'elle ne se livre pas à tous les excès de la
gourmandise et de la débauche. Épiménide, revenant des enfers, ne suffirait
pas pour purger Rome de toutes les vilenies qui la déshonorent. Aussi,
conclut l'historien, ne faut-il pas s'étonner que
rien de sérieux, rien de mémorable ne soit fait à Rome, que l'on n'ait à raconter
que des troubles et des séditions moins viles encore que les causes mêmes de
ces désordres. Malgré sa profonde décadence, ce peuple a néanmoins gardé un
sentiment, un souvenir de sa dignité, et quand l'empereur Constance lui rend
visite, il est à la fois digne et familier avec son prince, traitant de pair
à pair avec lui, comme de puissance à puissance[28]. Ce portrait des Romains au quatrième siècle n'est rien moins que vague et idéal ; il est fait avec tous les détails les plus précis, les plus expressifs et parfois les plus crus. Il n'est pas flatteur. Est-il fidèle, complet, impartial ? Sans préjuger des qualités de l'historien comme critique, tel que nous l'étudierons plus loin, on peut dire que le portrait est fidèle dans ses traits principaux, car les témoignages des contemporains le confirment. Il retrace du moins les traits de la plupart de ces païens qu'aucune foi, aucune noble passion ne soulevait en les aiguillonnant. Il appartient encore à un bon nombre de ces chrétiens de fraîche date qui avaient changé de religion, mais non de mœurs et d'idées, convertis par intérêt à la suite des princes, chrétiens politiques dont les scandales, l'amour du luxe et la cupidité attristaient leurs frères aînés : Repus des dépouilles ravies aux temples, dit l'historien, flairant le gain en toute occasion, ils se sont élevés de la dernière pauvreté au plus haut degré des richesses, ne gardant aucune mesure dans l'art de dépenser, de voler et de consumer, toujours prêts à s'approprier le bien des autres[29]. Mais Ammien Marcellin n'a pas vu et connu les vrais chrétiens, ceux qui l'étaient réellement par la pratique des préceptes évangéliques, par l'austérité et le renoncement aux splendeurs du siècle. Quelques- uns d'entre eux vivaient sur l'Aventin, sous la direction du prêtre Jérôme, et donnaient au monde des exemples si beaux de détachement, d'humilité et de chasteté, qu'on ne les comprenait pas. Incomplet, le portrait pourrait être encore suspect de partialité. On remarque, en effet, que l'historien, à quatre reprises et dans chacun des chapitres cités, se plaint des mépris et des refus que subit auprès des grands tout étranger, cet étranger fût-il de condition noble et instruit, ayant même rendu des services. N'y aurait-il pas dans ces récriminations l'amertume de souvenirs personnels et peut-être une exagération inspirée par la rancune[30] ? Il faudrait parler encore du portrait de ces courtisans qui, maîtres de l'oreille des princes, suscitent des troubles continuels et s'enrichissent des désastres d'autrui[31] ; — de ces eunuques du palais qui vivent de rapines et cachent ensuite dans la retraite leur butin comme des oiseaux de nuit qui fuient la lumière[32] ; — de ces avocats aussi ignorants que cupides qui vendent jusqu'à leurs bâillements et prennent le nom d'un homme illustre pour celui d'un poisson ou d'un plat[33] ; — de cette armée romaine si dégénérée que les recrues désertent en se coupant le pouce ; de ces soldats ayant des coussins de plumes. des coupes plus lourdes que des épées, et que Julien, devenu empereur, dut rappeler à l'antique discipline[34] ; — enfin, de ces barbares, fils des forêts dé la Germanie ou des steppes du Tanaïs et du Borysthène, nés, élevés et mariés sur des chars ambulants, ayant toujours l'oreille au guet, prêts à s'élancer sur l'empire comme sur une proie, prompts à l'alerte, orgueilleux et fastueux dans le succès, vils et rampants dans les revers, fuyant le séjour des villes comme celui des tombeaux, et se refusant à faire le siège des places fortes pour n'avoir pas à combattre des murailles, épris de l'amour de l'égalité même avec les chefs, n'adorant et ne respectant que la force personnifiée dans leur épée, au courant même des divisions et des déchirements de l'empire par les traîtres, leurs compatriotes, qui parfois commandent les légions et gouvernent les provinces[35]. Mais c'est assez : ce qui a été dit suffit pour établir qu'Ammien Marcellin était doué d'un grand esprit d'observation et de beaucoup de sagacité, de verve et d'originalité ; que sa galerie de portraits, malgré les défauts du temps (la manie des citations et la déclamation) est des plus intéressantes ; qu'elle est, enfin, dés plus utiles pour la connaissance des hommes qui ont joué un rôle dans l'histoire du quatrième siècle. IV. — Les narrations. Toute narration doit avoir de l'ordre et de l'enchaînement dans les parties, du mouvement et de la vie dans l'ensemble, afin de susciter dans l'âme du lecteur tous les sentiments qu'aurait éprouvés un témoin oculaire. On peut arriver à ce but de deux manières : par le simple et froid exposé du fait, dans ses détails les plus expressifs, l'auteur ne montrant pas ses sentiments, mais les laissant se produire d'eux-mêmes dans l'âme du lecteur ; ou bien par un récit animé, coloré, plein de mouvement, où les détails extérieurs de l'action sont moins décrits que les passions des acteurs bien exprimées ; l'historien prend ainsi parti, découvre ce qu'il sent et le suggère directement au lecteur. La première manière est proprement dite historique : elle est celle de Thucydide qui le premier en a donné le modèle et l'a poussée à la perfection non moins par la sobriété que par l'étrange force de l'expression. La seconde est celle des orateurs ; on la trouve dans la plupart des discours de Cicéron, et non moins dans l'histoire de Tite-Live, si abondante en narrations qui tout naturellement se transforment en discours. L'art suprême de Tacite est d'avoir singulièrement mêlé les deux procédés. Sa narration respire parfois toutes les passions d'une âme ardente ; parfois encore elle présente de ces réflexions courtes, serrées, profondes, qui éveillent dans l'esprit tout un monde de pensées. Il ne faut pas s'attendre à retrouver dans les narrations de notre auteur l'art incomparable de ces maîtres ; mais elles n'en porteront pas moins, dans une certaine mesure, les caractères que nous venons de distinguer. Ammien Marcellin, avons-nous dit, n'est ni un orateur ni un historien ; sa narration ne sera ni oratoire ni historique. Elle sera un récit proportionné aux exigences d'un auditoire de lettrés, et d'un auditoire du quatrième siècle. Ces oisifs, rassemblés dans une des salles des thermes de Caracalla, de la bibliothèque Ulpienne ou du palais de Tibère, veulent être intéressés. Ils demandent des détails précis, circonstanciés, surtout quand il s'agit de faits arrivés depuis peu de temps et connus de tous. L'historien conférencier les servira à souhait ; il donnera tous les renseignements, tous les incidents les plus expressifs, même les plus crus. Et comme l'intelligence d'un auditoire est beaucoup plus lente que celle du lecteur, il reviendra à la charge, insistera sur les détails, les répétera sous une forme nouvelle ou plus vive, sauf à s'excuser encore des omissions qu'il pourra faire, sachant bien que son récit se fait et se continue en même temps dans l'esprit de ses auditeurs parfois mieux informés que lui. Ces oisifs peuvent être des contradicteurs, et l'historien apportera ses preuves, expliquera les faits, donnera des raisons, engagera même des discussions si le fait raconté a été déjà l'objet de controverses. Enfin, cet auditoire, encore plus avide d'être amusé qu'instruit, voudra être flatté dans ses goûts et ses travers ; et l'historien, non moins avide de bonne renommée, le flattera, lui servira ce qu'il réclame : des comparaisons à effet, des citations pédantes et fréquentes, et même le morceau éclatant et passionné qui ranime l'attention et provoque les applaudissements. On retrouve tous ces éléments dans la narration d'Ammien Marcellin, et, en la relisant, on se représente sans peine toutes les émotions par lesquelles dut successivement passer l'âme de ses auditeurs. Sa narration rappelle ainsi celle de Thucydide parle détail précis, l'expression crue ; elle rappelle encore celle de Tite-Live par le courant d'éloquence qui semble l'animer et l'emporter, et même celle de Tacite par la rencontre de ces réflexions fortes qui étonnent l'imagination et frappent l'esprit. Mais ces ressemblances sont accidentelles, passagères. Trop souvent, la recherche et la multiplicité du détail expressif fatiguent et engendrent le dégoût ; l'accent ému, passionné, éloquent, dégénère en pure déclamation, et la pensée forte, subtile, ingénieuse devient un grossier artifice de rhétorique, un jeu de mots puéril, un vulgaire aphorisme. Cette narration ainsi surchargée de longueurs et de répétitions, avec son appareil d'explications et de discussions, de rapprochements antiques et de comparaisons bruyantes, devient une dissertation savante, une dissertation dans le goût si altéré d'un auditoire du quatrième siècle. Prenons comme modèle le récit de la bataille de Strasbourg (Argentoratus, août 357), victoire remportée par Julien, encore César, sur les peuples Mamans ligués ensemble sous les ordres de sept rois et notamment de Chnodomaire, le plus connu et le plus puissant d'entre eux (liv. XVI, ch. XII.) L'historien expose d'abord la situation respective des deux armées, leur état moral, leurs forces, leurs chances dans le combat. Les barbares sont très fiers, pleins de jactance, très animés par la nouvelle du récent échec qu'a subi le général romain, Barbation, près de Rauracum, et par les révélations d'un soldat transfuge, un scutaire, qui leur apprend que Julien n'a que treize mille hommes avec lui. Ils envoient donc des députés au jeune César, alors occupé à bâtir un fort dans les environs, et lui intiment l'ordre de se retirer de ces terres qui leur appartiennent par le droit du fer et le prix du sang. Julien n'a garde de se troubler ; il retient les députés, et, ses préparatifs terminés, il marche à la rencontre de l'ennemi. Au moment d'arriver en présence des barbares, vers le milieu du jour, le prince fait arrêter l'armée et harangue les soldats rangés par groupes : Si l'audace convient aux cœurs ardents, la prudence et la docilité envers les chefs assurent le succès ; l'heure du jour est avancée, et la nuit, faute de lune, sera noire ; la chaleur est forte et l'eau manque, que feront des soldats fatigués en présence d'un ennemi frais et repu ? Il conseille donc d'attendre, de tracer le camp, de se refaire par le repos et la nourriture afin de livrer bataille, le lendemain, aux premiers feux du jour. Mais l'armée n'est pas de cet avis, elle s'impatiente, elle empêche le César de parler en frappant sur les boucliers ; elle a hâte de vaincre, car elle a confiance dans la divinité et dans son général. Les chefs de l'armée sont aussi- pour le combat et avant tous le préfet du prétoire Florentius. Il pense qu'il faut profiter du moment où les barbares sont réunis. A quelles extrémités ne se porterait pas le soldat s'il apprenait le lendemain que l'ennemi a fui, comme il le fit l'année précédente, échappant au légionnaire dans les forêts et rendant ainsi la campagne inutile ? — Mais ce rapprochement n'était pas fondé, observe l'historien. L'année précédente, les barbares étaient divisés et attaqués sur trois points à la fois : sur le Rhin par Julien, du côté de la Rhétie par Constance et sur leurs derrières par des tribus ennemies. Combien plus à craindre étaient-ils en ce jour où ils se trouvaient tous réunis et alliés, fiers du succès remporté naguère sur Barbation et en présence d'un seul ennemi, du César Julien à la tête d'une poignée d'hommes ! — Chefs et soldats étant du même. avis, Julien se laisse gagner, et à l'appel d'un porte-étendard, l'armée se porte en avant. Arrivés en présence, Romains et barbares se rangent en bataille. Les cavaliers alamans étant à l'aile droite, Julien dispose ses forées de cavalerie sur l'aile gauche, en ayant soin d'entremêler les rangs d'hommes à pied avec ordre de profiter de l'embarras causé par les chevaux pour surprendre les cavaliers et frapper leurs montures. A la tête des barbares se tenaient Chnodomaire et Sérapion, les deux chefs les plus redoutables : Chnodomaire surtout, l'auteur de cette guerre, confiant dans sa force musculaire, à cheval et couvert d'un casque éclatant comme du feu, était appuyé sur une lance formidable ; il commandait l'aile gauche. L'aile droite était conduite par Sérapion, fils de Médérich et neveu de Chnodomaire ; il s'appelait Agénarich, mais il fut dénommé Sérapion parce que longtemps retenu dans les Gaules, en qualité d'otage, il fut initié à quelque mystère des Grecs. Les autres cinq rois les suivaient à distance ; ils commandaient les barbares au nombre de trente-cinq mille hommes de tribus différentes, mais réunis à prix d'argent ou par l'espoir d'une protection réciproque[36]. Cependant Julien hâte les derniers apprêts, parcourt les rangs des soldats et les exhorte au combat, s'adressant à des groupes divers et non à toute l'armée, car ceci était le privilège de l'empereur. Soudain, on entend des barbares pousser de grands cris, et, au nom de la communauté dans le péril, réclamer que leurs chefs descendent de cheval et combattent parmi eux, ce que Chnodomaire et les autres chefs s'empressent de faire[37]. Enfin, la bataille commence. Alamans et Romains se jettent les uns sur les autres. Le barbare s'élance avec impétuosité, et, vomissant des injures atroces, frappe du javelot et fond sur l'ennemi. Sa longue chevelure se dresse d'horreur et ses yeux étincellent de rage. Le légionnaire se couvre du bouclier, tire l'épée et secoue les javelots. Un épais nuage s'élève dans les airs. On se bat avec fureur, corps à corps, bouclier contre bouclier, à genoux même pour mieux repousser l'effort, les uns cédant, les autres tenant ferme. L'air retentit des cris des vainqueurs et des mourants. Soudain, tandis que l'aile gauche des Romains marche en avant et culbute les barbares, l'aile droite se trouble, cède et se replie en désordre. Ce sont les cavaliers effrayés à la vue de leur chef blessé et d'un camarade écrasé sous le poids de ses armes. Mais Julien a vu ce mouvement ; il accourt, s'oppose aux fuyards et les gourmande avec bonté, comme il convient dans les affaires douteuses, observe le narrateur. Pourquoi fuir, braves guerriers ? ignorez-vous qu'il n'y eut jamais de salut dans la fuite ?... Et il les ramène au combat, pareil, ajoute l'historien, au vieux Sylla qui, abandonné des siens, au plus fort de la bataille qu'il livrait à Archélaüs, général de Mithridate, courut au premier rang, saisit un étendard et le jetant au milieu de l'ennemi s'écria : Allez, vous qu'on a choisis pour partager mes périls, et si l'on vous demande où est votre chef, répondez que vous l'avez laissé seul, en Béotie, combattre et répandre son sang pour vous[38]. Et cette satisfaction donnée à l'auditoire, le narrateur poursuit. — Les barbares, ayant dispersé et mis en fuite la cavalerie romaine, se portent sur l'infanterie. Cornutes et Bracchates, rudes soldats, reçoivent le choc, en s'excitant du geste et du cri formidable, le barritus. Ce cri commence dans la chaleur de l'action par un léger murmure, s'accroît insensiblement et finit par imiter le mugissement des flots qui se brisent contre les rochers. Cependant, le combat s'anime au milieu d'une grêle de traits et d'un nuage de poussière., les armes se choquent et les corps se heurtent. Les barbares en fureur attaquent et rompent la tortue qu'opposent les soldats en joignant les boucliers. A ce moment accourent les Bataves, troupe redoutable qu'on réserve pour les dernières nécessités. Les Alamans redoublent d'efforts et de fureur, prêts à tout renverser. On se bat pied à pied, les javelots se touchent, les épées brisent les cuirasses et les blessés se relèvent pour tenter un dernier coup. — C'est que le combat paraissait égal de part et d'autre : d'un côté, les barbares, grands, forts et robustes ; d'un autre, les Romains, exercés par un long usage des armes ; ceux-ci maîtres d'eux-mêmes et prudents, ceux-là féroces et violents ; les premiers comptaient sur la force de leurs membres, les seconds sur leur courage ; le Romain cédait parfois sous le poids des armes, mais se relevait ; le barbare pliant le jarret gauche et appuyé sur le genou, défiait son ennemi, ce qui est le comble de l'exaspération[39]. — Le combat restait indécis, quand une masse de barbares commandés par les premiers de leurs nations fond sur les Romains, s'ouvre un passage et pénètre jusqu'au centre de l'armée, où se trouve le camp prétorien défendu par la légion des Primani. Mais les durs légionnaires ont serré les rangs et se tiennent fermes comme des tours, attentifs à éviter les coups, prompts à percer les flancs de l'ennemi qui se découvre. Ce dernier, enflammé du désir de vaincre, prodigue sa vie, se bat aveuglément. Bientôt, néanmoins, les barbares voyant qu'ils ne succédaient les uns aux autres que pour tomber à leur tour, s'effraient, perdent courage et s'enfuient, pareils à des naufragés qui ne songent qu'à s'arracher à la mort. Quiconque fut présent à ce spectacle avouera que le succès était plus à souhaiter qu'à espérer, mais un Dieu propice le voulut ainsi. Dès lors les Romains chargent à dos les fuyards qu'ils percent de leurs propres armes, car les leurs étaient faussées ou rompues. Il n'y eut plus de bornes au carnage, on ne fit grâce à personne. Plusieurs mortellement blessés appellent la mort, d'autres près d'expirer cherchent la lumière dans un dernier regard. On en voit dont la tête coupée par de gros traits pend au cou, etc. Enfin, les barbares réduits aux abois se tournent vers les bords du Rhin et s'y précipitent. Les Romains les y auraient suivis, mais Julien accourt avec les autres chefs et les arrête. On se borne à les poursuivre à coups de flèches, spectacle dès lors sans danger pour nous, pareil à un jeu de théâtre. Les barbares atteints par les javelots tombent au fond des eaux ; et le fleuve écumant, teint du sang des malheureux, s'étonne de l'accroissement qu'il reçoit[40]. Dans cette fuite, Chnodomaire, le chef des barbares, s'est jeté sur son cheval pour regagner le camp et de là traverser le Rhin sur des barques mais il tombe dans un marais et se relève avec peine. Reconnu et traqué par un tribun suivi de sa cohorte, il se précipite dans une forêt où il est bientôt cerné avec les siens. Alors, n'ayant plus d'espoir, il se rend avec ses hommes au nombre de deux cents. Et comme les barbares, d'un naturel plein de jactance dans le succès, ne gardent aucune dignité dans les revers, on put voir ce malheureux pâle et silencieux, traîné comme un esclave, bien différent de ce roi naguère triomphant qui, après avoir commis de nombreux ravages, insultait encore aux malheurs des Gaules et les menaçait des plus grands maux[41]. C'était la fin du jour, les soldats victorieux dressèrent leurs tentes sur les bords du fleuve et se livrèrent au repos. En ce jour les Romains perdirent deux cent quarante-trois soldats et trois généraux. On trouva six mille morts dans le camp des barbares, sans compter ceux qui périrent dans le Rhin. On voulut sur-le-champ proclamer Julien empereur, mais le jeune César s'y opposa. Il n'en fut pas moins desservi, dans le palais du prince, auprès de Constance où ses modestes et fréquents bulletins de victoires lui avaient fait donner, par dérision, le surnom de Victorinus. On le dénigrait ainsi pour flatter l'empereur et on rapportait à ce dernier tout le mérite des succès remportés dans l'empire. Les lettres officielles envoyées aux provinces le témoignent encore. C'est ainsi que, décrivant la victoire remportée par Julien à Strasbourg, Constance dit qu'il a lui-même rangé l'armée en bataille, combattu des premiers parmi les enseignes, reçu les hommages de Chnodomaire, alors qu'en ce moment il était éloigné de plus de quarante jours de marche, et il garde le plus complet silence sur les actions glorieuses de Julien[42]. Tel est le récit de la bataille de Strasbourg que nous avons traduit librement, en l'abrégeant souvent pour être court et surtout pour détacher et mettre en relief tout ce qui donne à la narration de notre historien son caractère propre et son originalité. On y reconnaît un récit bien composé, bien conduit, bien raisonné. L'auteur y fait preuve de beaucoup de sens, de sagacité et d'une forte imagination. Mais les défauts de l'écrivain n'y sont pas moins accusés que ses qualités : on y trouve de la recherche, des répétitions, des longueurs et des obscurités ; les détails sont outrés et les portraits à effet ont de la prétention ; les comparaisons et les rapprochements hors de propos sont du pur pédantisme. Le ton de la dissertation, ou mieux de la leçon du professeur, ne s'y fait pas moins sentir : le narrateur discute l'à-propos des avis donnés, explique les incidents, se permet presque une digression sur un nom propre, fait une savante antithèse au plus fort du combat, contrôle les résultats de la victoire et, comme péroraison, ramène une discussion alors à la mode et fournit ses preuves à l'appui de son dire. Bien que le récit soit, semble-t-il, emprunté à un témoin oculaire[43], il n'en présente pas moins dans ses détails vulgaires, monotones et de convention, dans sa structure savante et dans ses exagérations, quelque chose d'artificiel et de voulu, au point qu'on se demande où cesse la réalité des faits, où commence l'artifice de l'écrivain. Cependant, cette narration est une des meilleures et des plus intéressantes de notre historien ; une de celles où les mérites sont beaucoup plus nombreux que les défauts et les dominent en les atténuant. Il faut le noter, en effet, les narrations d'Ammien Marcellin sont loin d'avoir toutes la même valeur. Il en est de presque excellentes par la sage conduite du récit, l'explication naturelle des faits, la dignité du ton, en un mot par cette plénitude de sens que présente le récit d'un fait bien connu, bien saisi, bien compris dans son entier. Telles sont les narrations de la bataille de Strasbourg, de l'usurpation de Julien à Paris, des exactions du comte Romanus en Afrique, de la campagne de Théodose contre Firmus, et surtout de la révolte de Procope, une des plus achevées[44]. A peine les défauts ordinaires de l'écrivain sont-ils, çà et là apparents, si ce n'est généralement à la fin de ces récits, où dans une échappée l'historien, contenu et endigué jusque-là se permet quelque ambitieuse déclamation. Il est d'autres narrations bien inférieures aux précédentes, d'un ton général moins soutenu, sans proportion dans les parties, d'une telle exagération dans les détails, que la pensée de l'historien à certains moments nous échappe. On s'est alors demandé s'il fallait entendre le texte dans un sens métaphorique ou littéral[45]. Tels sont en particulier les récits des abus de pouvoir commis par les courtisans et des répressions sanglantes des crimes de magie, d'adultère et de lèse-majesté à Rome en 371[46]. Quelle peut être la raison de pareilles dissemblances ? En histoire, de tels caprices ne laissent pas de nous étonner. Faut-il croire que l'historien est plus heureux quand il raconte ce qu'il a vu et fait que lorsqu'il décrit ce qu'il a entendu dire ou appris de quelque autre manière ? Mais bon nombre (le ces récits tirés certainement de son fonds ne sont pas meilleurs pour cela, et justement ceux qui ont été empruntés sont les plus achevés. La raison de ces dissemblances paraît donc être dans la différence des sources que l'auteur a eues sous la main. Quand Ammien Marcellin a travaillé sur quelque document officiel, soit un rapport de chef d'expédition militaire, soit un compte rendu détaillé de la chancellerie, il n'a pu qu'en bénéficier et emprunter à ces documents, rédigés par des hommes compétents et spéciaux, des qualités qui trop souvent lui font défaut, l'ordre et la mesure. Tout au contraire, quand l'historien n'a pu s'inspirer que de ses souvenirs ou des souvenirs d'autrui, ou même des données plus ou moins vagues apportées par la renommée, il est retombé dans ses défauts habituels, et, faute de point d'appui solide et vrai, il s'est livré à de vagues allégations ou lancé dans des récriminations exagérées. Cette explication nous donne en même temps la raison du défaut d'unité de ton qui est le caractère général du récit dans l'histoire d'Ammien Marcellin. Trop souvent, à une bonne page écrite avec mesure, sobriété et netteté, qu'on dirait, sauf quelques expressions, empruntée aux meilleurs écrivains, succède immédiatement un récit obscur et. pénible, délayé et tourmenté, surchargé de pédantismes et de comparaisons qui ralentissent l'intérêt et fatiguent le lecteur. C'est que l'historien s'en est trop servilement rapporté à ses données ; il ne les a pas suffisamment élaborées par un travail personnel et la réflexion, il ne se les est pas assimilées. Dès lors, il n'a pu produire une œuvre sienne et une, d'une pleine égalité de ton et d'inspiration. C'est parfois le large et patriotique courant d'éloquence de Tite-Live et parfois le récit menu et détaillé propre aux Commentaires de César. Mais plus souvent encore ce n'est ni l'un ni l'autre : c'est un mélange de détails vulgaires et d'exagérations ampoulées, de citations pédantes et de rapprochements forcés, où se perd et se dérobe l'élément important, la trame du récit : cette œuvre n'est encore ni d'un orateur ni d'un historien, opus nec oratoris, nec historici. V. — Les discours : conclusion. II y a plus que des portraits et des narrations dans les livres d'histoire d'Ammien Marcellin, nous y trouvons encore des discours à la manière de Thucydide, de Salluste et de César, de Tite-Live et de Tacite. Ces discours sont également de l'invention de l'auteur. Nul n'ignore, en effet, que c'était un usage des anciens d'interpréter en histoire la pensée des personnages, de leur prêter le langage qu'ils avaient pu ou dû tenir dans ces circonstances, sans se piquer d'exactitude en cherchant à reproduire les mêmes paroles dans le cas où ils auraient effectivement parlé. Le discours n'était ainsi dans le fait qu'un artifice à la disposition de l'historien pour exprimer sa pensée, sa manière de voir et de juger les hommes et les choses, ses sentiments personnels. Il n'a d'autre valeur que celle que ce dernier lui donne : il est tour à tour un savant exposé de la situation dans Thucydide, une déclamation étudiée dans Salluste, une explosion de sentiments comprimés dans Tite-Live, un précis d'arguments et de raisons dans César et Tacite. Il est dans l'histoire ce qu'était la parabase dans la comédie ancienne. Les discours d'Ammien Marcellin n'ont pas assurément la valeur historique et l'art achevé de ceux de ses devanciers, mais ils sont bien de l'auteur. On retrouve la même langue et le même style dans le langage prêté aux divers personnages. Valentinien ne parle guère autrement que Julien. Ces discours révèlent le même esprit : celui d'un homme de sens et d'observation qui se rend compte des choses, comprend les situations et les expose bien, mais non sans les développements oiseux, les allusions pédantes et l'art grossier qui lui sont habituels. Ils sont peu nombreux, et il faut savoir gré à un historien qui composait pour la lecture publique de n'avoir pas abusé de ce procédé oratoire. Ils sont vraisemblables, car l'historien ne les a prêtés qu'aux princes qui avaient la réputation de savoir parler, tels que les empereurs Constance, Julien et même Valentinien ; et il leur a fait tenir ces discours dans des circonstances de lieu, de situation et de temps qui le demandaient. Ils sont par là même utiles, car ils expriment les pensées et les sentiments de l'historien sur les faits racontés et donnent l'explication des événements. Constance, en guerre avec les Alamans, reçoit de ces barbares des propositions de paix, et il les soumet à l'acceptation de l'armée. Il conseille de les agréer pour éviter l'incertitude des combats, afin de s'adjoindre comme auxiliaires d'implacables ennemis et réprimer les élans d'un orgueil si souvent fatal aux provinces ; car il est également vaincu celui qui tombe frappé par l'ennemi en bataille rangée et celui qui, de lui-même, vient se mettre sous la domination de son adversaire[47]. Et les soldats, ajoute l'historien, se hâtèrent d'agréer les propositions de paix, parce que l'empereur Constance, toujours vainqueur dans les guerres civiles, était rarement heureux dans les campagnes contre les barbares. Ainsi, discours et récits' s'expliquent et s'achèvent réciproquement pour donner une complète intelligence des faits. Julien, proclamé auguste par les légions réunies à Lutèce, adresse un discours aux soldats. Il rappelle les timides accroissements de son pouvoir comme. César, ses premiers triomphes sur les barbares qu'il attribue au courage des siens, mêlant adroitement le souvenir des mérites du général à l'éloge de la valeur des légionnaires. Il termine en promettant, sous la foi du serment, de ne tenir compte dans la collation des grades que du mérite des candidats et des services rendus[48]. Ce dernier trait était à la fois une satire de la politique suivie par son rival, l'empereur Constance, et un heureux moyen de se concilier définitivement l'esprit des troupes. Peu de temps après, au moment de se lancer sur le cours du Danube afin de surprendre les places fortes de la Thrace et de s'emparer de l'Illyrie en prévenant Constance retardé en Orient, le même Julien sent encore le besoin de se concilier le dévouement des légions. Il les comble d'éloges, rappelle son attitude bienveillante dans la paix et ferme dans la guerre, exige le serment militaire pour démasquer les volontés hésitantes, et recommande de ne jamais porter atteinte, dans l'ardeur des combats, aux biens des citoyens privés[49]. Cette recommandation était bien faite pour gagner l'appui des populations déjà si fatiguées de la tyrannique versatilité de l'empereur Constance. Vraisemblables dans les circonstances qui les accompagnent, sérieux et utiles dans le fond par l'explication des faits, -les discours qu'Ammien Marcellin prête à ses personnages n'en portent pas moins les traces des défauts inévitables et propres à l'historien : la manie des allusions pédantes, l'exagération de la forme et les déclamations de rhéteur. C'est ainsi qu'au moment de partir pour son expédition en Perse, Julien adresse à ses soldats une harangue dont le ton, les rapprochements et les proportions dépassent les limites du genre. Il répond d'abord à de perfides insinuations propres à décourager l'armée. Il rappelle que ce n'est pas la première fois que les légions pénètrent dans l'Orient. Sans parler, dit-il, de Lucullus, de Pompée et du lieutenant d'Antoine, Ventidius, qui a remporté des victoires sans nombre dans ces contrées, Trajan, Verus et Sévère en sont revenus vainqueurs et couronnés de lauriers. Le jeune Gordien lui-même s'en serait retourné couvert de gloire, après avoir défait le roi des Perses, si la faction du préfet du prétoire, Philippe, ne l'avait indignement massacré. Or, ce ne fut que l'amour de la gloire qui, amena ces hommes à accomplir ces prodiges ; pour nous, c'est la destruction de nos villes, le massacre de nos armées, la prise de nos places fortes qui nous poussent à la vengeance. Réparons les maux passés et, assurant de ce côté le repos de l'empire, laissons à la postérité des sujets de parler dignement de nous. Jusque-là c'est fort bien, toutes ces raisons conviennent aux sentiments de ceux qui les écoutent ; mais pourquoi avoir ajouté les développements suivants, faux et inutiles ? Pour moi, continue Julien, je serai toujours à votre tête combattant avec vous, et non sans succès, je l'espère. Que si la fortune inconstante décide de mon sort et me fait succomber dans le combat, je mourrai content de m'être dévoué pour la patrie en marchant sur les traces des Curtius, des Mucius et de la race illustre des Decius. Nous avons à détruire une nation dangereuse dont les armes sont encore teintes du sang des nôtres. Nos ancêtres ont employé de longues années à surmonter ce qui les inquiétait. Carthage n'a été vaincue qu'après des guerres longues et douteuses ; l'illustre général qui en triompha craignit de la laisser survivre à sa victoire. Scipion, après les dangers et les hasards d'un long siège, a renversé Numance. Rome a détruit Fidènes, sa rivale, de peur qu'elle ne prît de nouveaux accroissements. Elle a tellement opprimé les Falisques et les Véiens, qu'à peine pouvons-nous croire, malgré les monuments qui nous restent, que ces peuples aient été autrefois redoutables[50]. Toute cette seconde partie du discours était, on l'avouera, assez inutile, et ces longs développements peu propres à enflammer des soldats grossiers. La promesse d'un bon donativum, et même une distribution donnée en acompte aurait bien mieux fait leur affaire. C'est ce que fit en réalité Julien qui connaissait bien ses hommes[51]. Mais dans Ammien Marcellin, l'orateur, ou plutôt le déclamateur des lectures publiques, se surajoute toujours à l'historien pour le corrompre et le défigurer. Un des meilleurs discours imaginés par l'historien est celui qu'il prête à Julien blessé et mourant, sous une tente, à l'extrémité de l'Orient. C'est bien le langage d'un soldat philosophe, heureux d'échapper par une mort prématurée aux souffrances de la maladie. et d'échanger contre une vie meilleure une vie de peines et de fatigues. D'ailleurs, Julien s'en rapporte aux dieux du sort qui lui est fait, car il n'est pas moins lâche et timide celui qui regimbe contre la mort quand elle se présente que celui qui la désire quand il ne le faut pas[52]. Mais, observe judicieusement M. de Broglie, ce discours n'est pas exempt d'affectation, et il en a pris plus encore sous la plume d'Ammien[53]. S'il faut conclure et dire en un mot notre pensée sur Ammien Marcellin écrivain, nous dirons que jamais historien, avec des facultés natives réellement puissantes, n'a produit une œuvre aussi informe et incorrecte ; et cela par le défaut ou le vice de l'éducation reçue, par le fait de la profonde et irrémédiable décadence de l'époque où vécut l'auteur, du mauvais goût de l'auditoire qui entendit la lecture de ses livres. œuvre très imparfaite par sa langue mêlée et tourmentée, par son style exagéré et mal approprié, cette histoire n'en trahit pas moins par des jets soudains et des élans imprévus une forte raison et une imagination puissante. Le caractère général de ses récits comme le secret de l'attrait réel que l'on éprouve à la lecture de ces pages se trouve justement dans le contraste que présente une pensée souvent élevée, mâle et vigoureuse, mais mal contenue, mal exprimée sous une forme grossière et inachevée. Ce défaut de proportion, de justesse et d'harmonie se retrouve dans l'ordre général de la composition, dans l'agencement des récits, dont les uns sont surabondants de détails interminables, les autres à peine esquissés, secs et brefs comme une page des annales du grand pontife ou les notes de carnet d'un voyageur. Ce n'est pas de l'histoire à la façon de Salluste et de César, si sobres et si sévères dans leur composition, ni à la manière de Tite-Live et de Tacite, si maîtres d'eux-mêmes dans la conduite d'une œuvre aux vastes proportions ; c'est plutôt, s'il est permis de descendre jusqu'à notre seizième siècle, une collection de récits dans le genre de ceux de l'historien-soldat Blaise de Montluc, récits pleins de sève et de vigueur, offrant d'étranges rencontres et des développements oiseux, écourtés et mutilés, incomplets ou prolixes jusqu'à la fatigue, intempérants jusqu'à la satiété. De fait, il y a déjà longtemps que l'on a cru surprendre tous les caractères des mémoires dans les livres de notre historien[54]. En résumé, par la langue, le style et le ton général de la composition, l'œuvre d'Ammien Marcellin est moins une histoire, dans la juste et sévère entente du mot, qu'une collection de documents pour servir à l'histoire du quatrième siècle. Nous allons étudier ces pièces ou témoignages, les vérifier en les comparant à ceux de la même époque, en apprécier l'importance et la valeur. Si Ammien Marcellin ne mérite pas tout à fait le nom d'historien comme écrivain, le mérite-t-il davantage comme critique et ami de la vérité ? |
[1] Strabon nous apprend que, dès le premier siècle, Marseille était non seulement la grande école des barbares mais encore celle des jeunes patriciens de Rome, qui renonçaient au voyage d'Athènes et se rendaient dans cette ville pour perfectionner leurs études. (IV, 1, 5.)
[2] C'est ainsi qu'on a pu faire en Allemagne des travaux particuliers sur les études d'Ammien Marcellin : Hugo Michaël, De studiis Ciceronianis Ammien Marc., Wratislaviæ, 1864. — Martinus Herz, De Ammien Marc. studiis Sallustianis dissertatio. Wœlflin assure qu'il imita surtout Tacite, Philologus, XXIX, 537.
[3] Ammien Marc., XVI, 5, 7. Saint Augustin nous dit qu'on admira beaucoup le philosophe Hierius parce qu'il savait à la fois le grec et le latin (Confess., IV, 14, 21).
[4] Ammien Marc., XXII, 15, 4 ; XXV, 2, 5 ; XIX, 4, 7.
[5] Ammien Marc., XVI, 12, 51, XXVI, 6, 3. — V. de Valois, pp. 148, 562.
[6] Teuffel, Hist. de la littér. rom., traduct., III, pp. 180-181.
[7] Cette hypothèse explique les divers travaux qui ont été faits en Allemagne pour affirmer qu'Ammien Marcellin a imité tantôt Cicéron, tantôt Salluste, tantôt Tacite ou Tite-Live.
[8] Ammien Marc., XXXI, 16, 9.
[9] Ammien Marc., XIV, 6, 20.
[10] Ammien Marc., XXVI, 10, 1.
[11] Ammien Marc., XXXI, 2, 2.
[12] Ammien Marc., XXXI, 4, 6.
[13] Ammien Marc., XXXI, 13, 2.
[14] Ammien Marc., XVI, 12, 41 ; XIX, 4, 1 ; XXIV, 6, 14, etc.
[15] Ammien Marc. : Non omnia narratu digna, XXVIII, 1, 15 ; sufficiet ipsas rerum digerere summitates, XXXI, 5, 10 ; nec historiam producere per minutias ignobiles decet, XXVII, 2, 11 ; tunc laudanda est brevitas cum moras rumpens intempestivas nihil subtrahit cognitioni gestorum, XV, 1, 1.
[16] Vivès : Ammiani quod superest opus nec oratoris omnino, nec historici.
[17] Ammien Marc., XVI, 10, 10.
[18] Ammien Marc., XX, 1, 2.
[19] Ammien Marc., XXVII, 3, 5.
[20] Ammien Marc., XXVIII, 1, 7 ; 41.
[21] Ammien Marc., XXVI, 6, 15.
[22] Ammien Marc., XXVIII, 1, 12.
[23] Ammien Marc., XXVIII, 1, 45.
[24] Ammien Marc., XXVIII, 1, 43.
[25] Ammien Marc., XXX, 4, 2.
[26] Ammien Marc., XXVII, 11.
[27] Ammien Marc., XXV, 4.
[28] Ammien Marc., XIV, 6, et XXVIII, 4 ; XVI, 10, 13. L'historien a consacré deux chapitres à ce portrait, mais dans le second il ne fait que répéter ce qu'il a dit dans le premier en donnant quelques détails nouveaux.
[29] Ammien Marc., XXII, 4, 3.
[30] Ammien Marc., XIV, 6, 12, 14, 19, 21 ; XXVIII, 4, 10, 17.
[31] Ammien Marc., XXII, 4, 2.
[32] Ammien Marc., XVI, 7, 7.
[33] Ammien Marc., XXX, 4, 17.
[34] Ammien Marc., XXII, 4, 6.
[35] Ammien Marc., XVI, 12, 2, 3, 24, 34, 47, 61 et passim ; XXXI, 2, 4, 10, 11, 23 ; 10, 3 ; 16, 8.
[36] Ammien Marc., XVI, 12, 1-27.
[37] Ammien Marc., XVI, 12, 27-36.
[38] Ammien Marc, XVI, 12, 36, 42. — Plutarque, dans la Vie de Sylla, rapporte ce fait, mais non dans les mêmes termes ; l'historien citait de mémoire, selon son habitude.
[39] Ammien Marc., XVI, 12, 42-49.
[40] Ammien Marc., XVI, 12, 49-58.
[41] Ammien Marc., XVI, 12, 58-62.
[42] Ammien Marc., XVI 12, 62 à la fin.
[43] Ammien Marc., XVI, 12, 51 : Quod voti magis quam spei fuisse fatebitur quilibet tune prœsens. Nous avons déjà dit qu'Ammien Marcellin ne dut pas assister à cette bataille.
[44] Ammien Marc., XVI, 12 ;, XX, 4 ; XXVIII, 6 ; XXIX, 5 ; XXVI, 6-10.
[45] Gibbon, Hist. de la décadence de l'Empire romain, t. V, pp. 121, 173, 188 de la traduction Guizot. Voir la note à propos de : statim ut accensi malleoli (Ammien Marc., XXXI, 7, 7). Gibbon parle de ces ornements trompeurs qui défigurent perpétuellement le style d'Ammien Marcellin.
[46] Ammien Marc., XXVIII, 1 ; XXIX, 1, 2.
[47] Ammien Marc., XIV, 10, 11.
[48] Ammien Marc., XX, 5, 3-8.
[49] Ammien Marc., XXI, 5, 3-9.
[50] Ammien Marc., XXIII, 5, 16 -21.
[51] Zosime, III, 13. Ammien Marcellin ne parle pas ici de ce donativum, mais il est vraisemblable que Zosime ne se trompe. pas, car il écrivait d'après Eunape, et ce dernier d'après les notes d'Oribase, un intime ami de Julien.
[52] Ammien Marc., XXV, 3, 15.
[53] De Broglie, l'Église a l'Empire romain au quatrième siècle. — Julien, II, p. 399.
[54] C. C. Heyne, Censura ingenii Ammiani Marcellini.