Les empereurs Dèce, Gallus, Émilien, Valérien et Gallien. Irruption générale des Barbares. Les trente tyrans.
DEPUIS les jeux séculaires célébrés avec tant de pompe par Philippe, jusqu’à la mort de l’empereur Gallien, vingt ans de calamites désolèrent et déshonorèrent l’univers romain. Durant cette période désastreuse, dont tous les instants furent marqués par la honte et par le malheur, les provinces restèrent exposées aux invasions des Barbares, et gémirent sous le despotisme des tyrans militaires : l’empire s’affaissait de tous côtés ; ce grand corps semblait toucher au moment de sa ruine. La confusion des temps et le manque de matériaux présentent d’égales difficultés à l’historien qui voudrait mettre un ordre suivi dans sa narration. Entouré de fragments imparfaits, toujours, concis, souvent obscurs, quelquefois contradictoires, il est réduit à recueillir, à comparer, à conjecturer ; et quoiqu’il ne lui soit pas permis de ranger ses conjectures dans la classe des faits, il peut suppléer au défaut des monuments historiques par la connaissance générale de l’homme et du jeu des passions, lorsque n’étant retenues par aucun frein, elles exercent toute leur violence. Ainsi l’on concevra, sans difficulté, que les massacres successifs de tant d’empereurs durent relâcher tous les liens de fidélité entre les princes et les sujets ; que les généraux de Philippe étaient disposés à imiter l’exemple de leur maître ; et que le caprice des armées, accoutumées depuis longtemps à de fréquentes et violentes évolutions, pouvait élever sur le trône le dernier des soldats. L’histoire se contente d’ajouter que la première rébellion contre l’empereur Philippe éclata parmi les légions de Mœsie, dans l’été de l’année 249. Le choix de ces troupes séditieuses tomba sur Marinus, officier subalterne[1]. Philippe prit l’alarme : il craignit que ces premières étincelles ne causassent un embrasement général. Déchiré par les remords d’une conscience coupable, et tremblant à la vue du danger qui le menaçait, il fit part au sénat de la révolte des légions. Le morne silence qui régna d’abord dans l’assemblée attestait la crainte, et peut-être le mécontentement général, jusqu’à ce qu’enfin Dèce, l’un des sénateurs, prenant un caractère conforme à la noblesse de son extraction, osât montrer plus de fermeté que le prince. Il parla de la conspiration comme d’un soulèvement passager et digne de mépris, et il traita Marinus de vain fantôme, qui serait détruit en peu de jours par la même inconstance qui l’avait créé. Le prompt accomplissement de la prophétie frappa l’empereur. Rempli d’une juste estime pour celui dont les conseils avaient été si utiles, il le crut seul capable de rétablir l’harmonie et la discipline dans une armée dont l’esprit inquiet n’avait pas été entièrement calmé après la mort du rival de Philippe. Dèce refusa longtemps d’accepter cet emploi ; il voulait faire entende au prince, combien il était dangereux de présenter un chef habile à des soldats animés par le ressentiment et par la crainte. L’événement justifia encore sa prédiction : les légions de Mœsie forcèrent leur juge à devenir leur complice ; elles ne lui laissèrent que l’alternative de la mort ou de la pourpre. Après une démarche si décisive, il n’avait plus à balancer ; il mena ou fait obligé de suivre son armée jusqu’aux confins de l’Italie, tandis que Philippe, rassemblant toutes ses forces pour repousser le compétiteur redoutable qu’il avait lui-même élevé, marchait à sa rencontre. Les troupes impériales étaient supérieures en nombre ; mais les rebelles formaient une armée de vétérans, commandés par un général habile et expérimenté[2]. Philippe fut ou tué dans le combat, ou mis à mort quelques jours après à Vérone. Les prétoriens massacrèrent à Rome son fils, qu’il avait associé à l’empire. L’heureux Dèce, moins criminel, que la plupart des usurpateurs de ce siècle, fut universellement reconnu par les provinces et par le sénat. On dit qu’immédiatement après avoir été forcé d’accepter le titre d’Auguste, il avait, par un message particulier, assuré Philippe de sa fidélité et de son innocence, déclarant solennellement qu’à son arrivée en Italie il quitterait les ornements impériaux, et reprendrait le rang d’un sujet soumis. Ses protestations pouvaient être sincères ; mais, dans la situation où la fortune l’avait placé, il lui aurait été difficile de recevoir ou d’accorder le pardon[3]. Le nouvel empereur avait à peine employé quelques mois au
rétablissement de la paix et à l’administration de la justice, lorsqu’il fut
tout à coup appelé sur les rivés du Danube par des cris de guerre et par l’invasion
des Goths. C’est ici la première occasion importante où l’histoire fasse
mention de ce grand peuple qui, bientôt après, renversa la monarchie romaine,
saccagea le Capitole, et donna des lois à Dans le commencement du sixième siècle, les Goths, maîtres
de l’Italie, et devenus souverains d’un puissant empire, se livrèrent au
plaisir de contempler leur ancienne gloire et l’avenir brillant qui s’offrait
à leurs yeux. Ils désirèrent de perpétuer le souvenir de leurs ancêtres, et
de transmettre leurs exploits aux siècles futurs. Le savant Cassiodore, principal
ministre de la cour de Ravenne, remplit les vœux des conquérants. Son
histoire des Goths consistait en douze livres ; elle est maintenant
réduite à l’abrégé imparfait de Jornandès[4]. Ces écrivains
ont en l’art de passer avec rapidité sur les malheurs de leur nation, de
célébrer son courage lorsqu’il était secondé par la fortune, et d’orner ses triomphes
de plusieurs trophées érigés en Asie par les Scythes. Sur la foi incertaine
de quelques poésies, les seules archives des Barbares, ils font venir
originairement les Goths[5] de la Scandinavie[6]. Cette vaste
péninsule, située à l’extrémité septentrionale de l’ancien continent, n’était
pas inconnue aux conquérants de Rome. De nouveaux liens d’amitié avaient
resserré les premiers nœuds du sang. On avait vu un roi scandinave abdiquer
volontairement sa sauvage dignité, et se rendre à Ravenne pour y passer le
reste de ses jours au milieu d’une cour tranquille et polie [Jornandès,
3]. Des vestiges, qui ne peuvent être attribués à la vanité
nationale, attestent l’ancienne résidence des Goths dans les contrées au nord
de Le célèbre temple d’Upsal subsistait encore à la fin du onzième siècle dans cette ville, la plus considérable de celles des Goths et des Suédois. L’or enlevé par les Scandinaves, dans leurs expéditions maritimes, en faisait le principal ornement ; et la superstition y avait consacré, sous des formes grossières, les trois principales divinités, le dieu de la guerre, la déesse de la génération et le dieu du tonnerre. Dans la fête générale que l’on célébrait chaque neuvième année, deux animaux de toute espèce, sans en excepter l’espèce humaine, étaient immolés avec la plus grande cérémonie, et leurs corps ensanglantés suspendus dans le bois sacré qui tenait au temple[9]. Les seules traces qui subsistent maintenant de ce culte barbare sont contenues dans l’Edda, système de mythologie compilé en Islande vers le treizième siècle, et que les savants de Suède et de Danemark ont étudié comme le geste le plus précieux de leurs anciennes traditions. Malgré l’obscurité mystérieuse de l’Edda, il est facile de
distinguer deux personnages confondus sous le nom d’Odin le dieu de la guerre
et le grand législateur de Le lieu de la naissance d’Odin et de sa résidence
habituelle est désigné sous le nom d’As-gard.
L’heureuse conformité de ce nom avec As-bourg ou As-of[11], mots dont la
signification est la même, sert de base à un système historique si ingénieux,
que nous souhaiterions qu’il fût vrai[12]. On suppose qu’Odin
était le chef d’une tribu de Barbares qui habitèrent les bords des
Palus-Méotides, jusqu’à ce que la chute de Mithridate et les armes
victorieuses de Pompée fissent trembler le Nord pour sa liberté. Odin, trop
faible pour résister à un pouvoir si formidable, ne céda qu’en frémissant :
forcé de quitter son pays natal, il conduisit sa tribu depuis les frontières
de Quand même tant de générations successives du peuple goth
auraient été capables de conserver quelques faibles traces de leur origine
des Scandinaves, ce n’est pas à des Barbares sans lettres que nous pourrions
demander un détail exact des temps et des circonstances de leurs migrations.
Le passage de Dans le siècle des Antonins, les Goths habitaient encore Le bruit d’une grande entreprise, répandu dans Avant d’attaquer les provinces romaines, les Goths possédaient déjà l’Ukraine, pays d’une grande étendue et d’une rare fertilité. Il est partagé presque également par le Borysthène, qui reçoit des deux côtés les eaux de plusieurs rivières navigables. Cette vaste contrée renfermait en quelques endroits des bois immenses de chênes antiques et très élevés. L’abondance du gibier et du poisson, les ruches innombrables que l’on trouvait dans les cavités des rocs ou dans le creux des vieux arbres, et qui, même en ces temps grossiers, formaient une branche considérable du commerce, la beauté du bétail, la température de l’air, un sol propice à toute espèce de grains, la richesse de la végétation, tout attestait la libéralité de la nature, et invitait l’industrie de l’homme[26]. Les Goths dédaignèrent ces avantages : une vie de paresse, de pauvreté et de rapine, leur parut toujours préférable. Les hordes des Scythes, qui bordaient leurs nouveaux
établissements, du côté de l’Orient, ne leur offraient que le hasard
incertain d’une victoire inutile : l’aspect brillant des campagnes romaines
avait bien plus d’attraits pour eux. Les champs de Dèce trouva les Goths occupés au siège de Nicopolis [en 250], sur le Jatrus, un de ces monuments qui devaient perpétuer le souvenir des exploits de Trajan[29]. A son approche ils se retirèrent ; mais avec le projet de voler à une conquête plus importante, et d’attaquer Philippopolis[30], ville de Thrace bâtie par le père d’Alexandre, presque au pied du Mont Hémus[31]. L’empereur les suivit par des marches forcée dans un pays difficile ; mais lorsqu’il se croyait encore à une distance considérable de leur arrière garde, Cniva se tourna contre lui avec une violente impétuosité. Le camp des Romains fut pillé ; et, pour la première fois, leur souverain prit la fuite devant une troupe de Barbares à peine armés. Après, une grande résistance Philippopolis, privée de secours, fût emportée d’assaut. On assure que cent mille personnes perdirent la vie dans le sac de cette ville [Ammien, 31, 5]. Plusieurs prisonniers de marque ajoutèrent à l’importance
du butin, et Priscus, frère du dernier empereur Philippe, ne rougit point de
prendre la pourpre, sous la protection des plus cruels, ennemis de Rome [Aurelius
Victor, 29]. Cependant la longueur du siège avait donné le temps à
Dèce de ranimer le courage, de rétablir la discipline, et d’augmenter le
nombre de ses troupes. Il intercepta différents partis de Barbares, qui
accouraient de Dans le temps qu’il luttait contre la violence de la tempête, son esprit calme et réfléchi, au milieu du tumulte de la guerre, méditait sur les causes plus générales qui, depuis le siècle des Antonins, avaient précipité si impétueusement la décadence de la grandeur romaine. Il découvrit bientôt qu’il était impossible de replacer cette grandeur sur une base solide, sans rétablir la vertu publique, les principes fondamentaux de la constitution, les mœurs antiques de l’État, et la majesté opprimée des lois. Pour exécuter un projet si beau, mais si difficile, il résolut de faire revivre l’ancien office de censeur, magistrature importante qui avait beaucoup contribué à maintenir le gouvernement[35], jusqu’à ce qu’usurpée par les Césars, elle eût perdu son intégrité primitive, et fût tombée insensiblement en oubli[36]. Persuadé que la faveur, du souverain peut donner la puissance, mais que l’estime du peuple confère seule l’autorité, Dèce abandonna le choix d’un censeur au libre suffrage du sénat. Les voix unanimes, ou plutôt les acclamations de l’assemblée, nommèrent Valérien comme le plus digne de remplir cet auguste emploi [27 octobre 251]. Ce vertueux citoyen, qui fut depuis revêtu de la pourpre, servait alors avec distinction dans les troupes. Dès que l’empereur eut appris son élection, il assembla dans son camp un conseil général, et, avant de donner l’investiture au nouveau censeur, il crut devoir lui rappeler la difficulté et l’importance de sa charge. Heureux Valérien, dit le prince à son illustre sujet, heureux d’avoir mérité l’approbation du sénat et de la république ! acceptez la censure, et réformez les mœurs du genre humain. Vous choisirez parmi les sénateurs ceux qui méritent de conserver leur rang dans cette auguste assemblée. L’ordre équestre vous devra rétablissement de son ancienne splendeur. En augmentant les revenus de l’État, songez à diminuer les charges publiques. Partagez en plusieurs classes régulières la multitude confuse des citoyens. Que la puissance militaire, les richesses, les vertus et les ressources de Rome, soient l’objet constant, de votre attention. Vos décisions auront force de loi. L’armée, le palais, les ministres de la justice, les grands officiers de l’empire, sont soumis à votre tribunal : nul n’est excepté que les consuls ordinaires[37], le préfet de la ville, le roi des sacrifices et la première des vestales, aussi longtemps que cette vierge conservera sa chasteté ; et même ce petit nombre, qui peut ne pas redouter la sévérité du censeur romain, s’efforcera de gagner son estime[38]. Un magistrat revêtu d’un pouvoir si étendu aurait été moins le ministre que le collègue de son maître[39]. Valérien redoutait, avec raison, une place qui devait l’exposer aux soupçons et à l’envie. Sa modestie parut alarmée de la grandeur du poste où on voulait le placer. Après avoir insisté sur sa propre insuffisance et sur la corruption du siècle il représenta fort adroitement que l’office de censeur ne pouvait être séparé de la dignité impériale, et que les mains d’un sujet étaient trop faibles pour supporter l’énorme fardeau d’une telle administration[40]. Les événements de la guerre arrêtèrent bientôt l’exécution d’un projet séduisant, mais impraticable, mirent Valérien à l’abri du danger, et épargnèrent probablement au prince la honte de ne pas réussir. Un censeur peut maintenir les mœurs d’un État ; il ne saura jamais les rétablir. Il est impossible que l’autorité d’un pareil magistrat soit avantageuse, qu’elle produise même aucun effet, à moins qu’il ne trouve dans le cœur du peuple un sentiment vif d’honneur et de vertu, et qu’il ne soit soutenu par un respect religieux pour l’opinion publique, et par une foule de préjugés utiles favorisant les mœurs nationales. Dans un temps où ces principes sont anéantis, l’office de censeur doit dégénérer en vaine représentation, ou devenir un instrument d’oppression[41] et de despotisme. Il était plus aisé de vaincre les Goths que de déraciner les vices de l’État, et cependant la première de ces entreprises coûta à l’empereur son armée et la vie. Environnés des troupes romaines, les Goths se trouvaient
exposés à des attaques continuelles. Le siège de Philippopolis leur avait
coûté leurs meilleurs soldats, et le pays dévasté n’offrait plus de subsistance
à ce qui restait de cette multitude de Barbares indisciplinés. Dans cette
extrémité, ils auraient volontiers rendu leur butin et leurs prisonniers pour
avoir la permission de se retirer paisiblement ; mais l’empereur se croyait sûr
de la victoire, et résolu de répandre une terreur salutaire parmi toutes les
nations du Nord, il refusa d’écouter aucun accommodement. Les Barbares
intrépides préférèrent, la mort à l’esclavage. La bataille se donna sous les
murs d’une ville obscure de Ce coup funeste abattit pour quelque temps l’insolence des légions. Il parait qu’elles attendirent patiemment et reçurent avec soumission le décret du sénat qui réglait la succession à l’empire. Un juste respect pour la mémoire de Dèce éleva sur le trône le seul fils qui lui survécut. Hostilien eut le titre d’empereur; mais, avec un rang égal, on donna une autorité plus réelle à Gallus, dont l’expérience et l’habileté parurent, proportionnées à l’importance des soins qui lui étaient confiés : la tutelle d’un jeune prince, et le gouvernement de l’empire en danger[48]. Le premier soin du nouvel empereur fut de délivrer les provinces illyriennes de l’oppression cruelle d’un ennemi victorieux. Il consentit à laisser entre les mains des Goths un butin immense, fruit de leur invasion ; et, ce qui ajoutait à la honte de l’État, il leur abandonna un grand nombre de prisonniers d’une naissance et d’un mérite distingués. Sacrifiant tout au désir d’apaiser le ressentiment de ces fiers vainqueurs, et de faciliter leur départ, il fournit abondamment leur camp de toutes les provisions qu’ils pouvaient désirer. Il s’engagea même à leur payer tous les ans une somme considérable, à condition qu’ils n’infesteraient plus les provinces romaines [Zonare, XII, p. 628]. Dans le siècle des Scipions, les rois, qui recherchaient la protection de la république ne dédaignaient pas de recevoir des présents de peu de valeur, mais auxquels la main d’un allié puissant attachait le plus grand prix. Une chaise d’ivoire, un simple manteau de pourpre, une coupe d’argent, ou quelques pièces de cuivre[49], satisfaisaient les souverains les plus opulents de la terre. Lorsque Rome eut englouti les trésors des nations, les Césars crurent qu’il était de leur grandeur, et même de leur politique, d’exercer envers les alliés de l’État une libéralité constante et réglée par une sage modération : ils secouraient la pauvreté des Barbares, honoraient leur mérite, et récompensaient leur fidélité. Ces marques volontaires de bonté ne paraissaient pas arrachées par la crainte ; elles venaient seulement de la générosité ou de la gratitude des Romains. Les amis et les suppliants avaient des droits aux présents et aux subsides de l’empereur : ceux qui les réclamaient comme une dette[50] essuyaient un dur refus. Mais la clause d’un paiement annuel à un ennemi vainqueur ne peut être regardée que comme un tribut ignominieux : les Romains, jusque-là maîtres du monde, n’avaient point encore été accoutumés à recevoir la loi d’une troupe de Barbares. Le prince qui, par une concession nécessaire, avait probablement sauvé sa patrie, devint l’objet du mépris et de l’aversion générale. Hostilien avait été enlevé au milieu des ravages de la peste ; on imputa sa mort à Gallus[51] ; le cri de la haine attribua même la défaite de Dèce aux conseils perfides de son odieux successeur[52]. La tranquillité que Rome goûta la première année de son administration[53] servit plus à enflammer qu’à apaiser le mécontentement public ; et, dès que le danger de la guerre eut été éloigné, on sentit plus fortement, et d’une manière bien plus vive l’infamie de la paix. Mais quel dût être, le ressentiment des Romains lorsqu’ils découvrirent qu’ils n’avaient point assuré leur repos, même au prix de leur honneur ? Le fatal secret de l’opulence et de la faiblesse de l’empire avait été révélé à l’univers. De nouveaux essaims de Barbares, enhardis par le succès de leurs compatriotes, et ne se croyant pas enchaînés par les mêmes traités, répandirent la désolation dans les provinces de l’Illyrie, et portèrent la terreur jusqu’au pied du Capitole. Un gouverneur de Pannonie et de Mœsie entreprit la défense de l’État, que paraissait abandonner le timide Gallus. Émilien rallia les troupes dispersées et ranima leur courage abattu. Tout à coup les Barbares sont attaqués, mis en déroute, chassés et poursuivis au delà du Danube. Le général victorieux distribua aux compagnons de ses exploits l’argent destiné pour le tribut, et les acclamations de l’armée le proclamèrent empereur sur le champ de bataille [Zozime, I, 25-26]. Gallus semblait avoir oublié les intérêts de l’État au milieu des plaisirs de l’Italie ; informé presque dans le même instant des succès, de la révolte et de la marche rapide de son ambitieux lieutenant, il s’avança au devant de lui jusqu’aux plaines de Spolète. Lorsque les armées furent en présence, les soldats de Gallus comparèrent la conduite ignominieuse de leur souverain avec la gloire de son rival : ils admiraient la valeur d’Émilien ; ils étaient attirés par la libéralité avec laquelle il offrait à tous les déserteurs une augmentation de paye considérable [Victor, in Cœsaribus]. Le meurtre de Gallus et de son fils. Volusien termina la guerre civile [mai 253] ; le sénat donna une sanction légale aux droits de la conquête. Les lettres d’Émilien à cette assemblée sont un mélange de modération et de vanité : il l’assurait qu’il remettrait à sa sagesse l’administration civile, et que, content de la qualité de général, il maintiendrait la gloire de la république, et délivrerait l’empire en peu de temps des Barbares de l’Orient, et du Nord [Zonare, XII]. Son orgueil eut lieu d’être satisfait des louanges des sénateurs. Il existe encore des médailles où il est représenté avec le nom et les attributs d’Hercule le victorieux et de Mars Vengeur [Banduri numismata, p. 94]. Si le nouveau monarque possédait les talents nécessaires pour
remplir ses magnifiques promesses, il n’en eut pas du moins le temps ; moins,
de quatre mois s’écoulèrent entre son élévation et sa chute[54]. Il avait vaincu
Gallus, et succomba sous un compétiteur plus formidable que Gallus. Cet
infortuné, prince avait chargé Valérien, déjà revêtu du titre honorable de
censeur, d’amener à son secours les légions de Valérien avait environ soixante ans[57] lorsqu’il commença son règne. Ce ne furent ni le caprice de la populace ni les clameurs de l’armée qui lui mirent la couronne sur la tête ; il semblait obéir à la voix unanime de l’univers. romain. Dans la carrière des honneurs qu’il avait successivement obtenus, il avait mérité la faveur des princes vertueux, et s’était montré l’ennemi des tyrans[58]. La noblesse de son extraction, la douceur et la pureté de ses mœurs, l’étendue de ses connaissances et la grande expérience qu’il avait acquise, lui attiraient la vénération du sénat et du peuple. Si le genre humain, selon la remarque d’un ancien auteur, eût été libre de se donner un maître, son choix serait tombe sur Valérien[59]. Peut-être le mérite de cet empereur ne répondait-il pas à sa réputation : son habileté ou du moins son courage se ressentait peut-être de la langueur et du refroidissement de l’âge. La conviction de sa propre faiblesse engagea Valérien à partager le trône avec un associé plus jeune et plus actif. Les circonstances ne demandaient pas moins un général qu’un monarque, et l’expérience du censeur romain aurait dû lui désigner le collègue le plus digne par ses talents militaires de recevoir la pourpre comme la récompense de son mérite. Au lieu de faire un choix judicieux, qui, en affermissant son règne, aurait rendu sa mémoire chère à la postérité, Valérien ne consulta que les mouvements de sa tendresse ou de sa vanité ; il conféra les honneurs suprêmes à son fils Gallien, jeune prince dont les vices efféminés avaient été jusqu’alors cachés dans l’obscurité d’une condition privée[60]. Le père et le fils gouvernèrent ensemble l’univers durant sept ans environ. Gallien régna seul pendant huit autres années ; mais toute cette période ne présente qu’une suite non interrompue de calamités et de confusion. L’empire romain attaqué de tous cotés, éprouva à la fois la fureur aveugle des Barbares du dehors, et l’ambition cruelle des usurpateurs domestiques. Pour mettre de l’ordre et de la clarté dans notre narration, nous suivrons moins la succession incertaine des dates, que la division plus naturelle des sujets. Les plus dangereux ennemis de Rome furent alors : 1° les Francs, 2° les Allemands, 3° les Goths, 4° les Perses. Sous ces dénominations générales nous comprendrons des tribus moins considérables, qui se sont aussi rendues célèbres par leurs exploits, mais dont les noms rudes et obscurs ne serviraient qu’à surcharger la mémoire et à fatiguer l’attention du lecteur. I. Comme la postérité des Francs forme une des
nations les plus grandes et les plus éclairées de l’Europe, l’érudition et le
génie se sont épuisés pour découvrir l’état primitif de ses barbares ancêtres.
Aux contes de la crédulité ont succédé les systèmes de l’imagination. L’esprit
de recherche a scrupuleusement examiné tous les passages qui pouvaient
éclaircir cette matière, et s’est porté sur tous les lieux où il a cru apercevoir
de faibles traces d’une origine obscure. On a placé dans la Pannonie[61], dans Depuis longtemps les Romains éprouvaient la valeur entreprenante
des habitants de Mais un simple fait, le seul à la vérité dont nous ayons une connaissance certaine, renverse en grande partie ces monuments de la vanité et de l’adulation. Le Rhin, quoique décoré du titre de sauvegarde des provinces, fut une bien faible barrière contre l’esprit de conquête qui animait les Francs. Leurs dévastations rapides s’étendirent depuis ce fleuve jusqu’au pied des Pyrénées. Ils franchirent bientôt ces hautes montagnes que la nature semblait leur opposer. L’Espagne n’avait jamais redouté les incursions des Germains ; elle fut incapable de leur résister. Pendant douze ans, la plus grande partie du règne de Gallien, cette contrée opulente devint le théâtre des hostilités destructives auxquelles se livraient des ennemis inégaux en force. Tarragone, capitale florissante d’une province tranquille, fut saccagée et presque détruite[70] ; et du temps d’Orose, qui écrivait dans le cinquième siècle, de misérables cabanes, éparses au milieu des ruines d’un grand nombre de villes magnifiques, rappelaient encore la rage des Barbares[71]. Lorsque le pays épuisé n’offrit plus aucune espèce de butin, les Francs s’emparèrent de quelques vaisseaux dans les ports d’Espagne[72], et passèrent en Mauritanie. Quel dut être, à la vue de ces peuples féroces, l’étonnement d’une région si éloignée ? Lorsqu’ils abordèrent sur la côte d’Afrique, où l’on ne connaissait ni leur nom, ni leurs mœurs, ni leurs traits, ils parurent sans doute tomber tout à coup d’un nouveau monde [Aurelius Victor ; Eutrope, IX, 6]. II. Au-delà de l’Elbe, dans cette partie de Sous le règne de Caracalla, un nombreux essaim de Suèves, partit sur les rives du Mein et dans le voisinage des provinces romaines, attirés par l’espoir de trouver des vivres, du butin ou de la gloire[74]. Cette armée de volontaires levés à la hâte, forma par degrés une grande nation, et comme elle était composée d’une foule de tribus différentes, elle prit le nom d’Allemands (ou All-men, tous hommes)[75], pour désigner à la fois leurs différentes races et la bravoure qui leur était commune[76]. Ils se rendirent bientôt formidables aux Romains par leurs incursions. Les Allemands combattaient principalement à cheval ; et leur cavalerie tirait encore une nouvelle force d’un mélange d’infanterie légère, choisie parmi les jeunes guerriers les plus braves et les plus actifs, et accoutumés par de fréquents exercices à suivre les cavaliers dans les marches les plus longues, dans les chocs les plus furieux et dans les retraites les plus précipitées[77]. Ces fiers Germains, étonnés d’abord des préparatifs
immenses d’Alexandre Sévère, tremblèrent devant son successeur, Barbare qui les
égalait en courage et en férocité ; mais, toujours prêts à fondre sur
les frontières de l’empire, ils augmentèrent le désordre général qui le
déchira après la mort de Dèce. Les riches provinces de Lorsque Gallien eut appris que les Barbares avaient été forcés d’abandonner les murs de Rome, loin d’approuver la conduite du sénat il craignit que son courage ne le portât un jour à délivrer Rome de la tyrannie domestique, aussi bien que des invasions étrangères. Sa lâche ingratitude parut visiblement dans un édit qui défendait aux sénateurs d’exercer aucun emploi militaire, et même d’approcher du camp des légions : mais ces alarmes n’étaient pas fondées. Les patriciens, énervés par le luxe et par les richesses retombèrent bientôt dans leur caractère naturel ; ils acceptèrent comme une faveur cette exemption flétrissante de service ; et, contents pourvu qu’on les laissât jouir de leurs théâtres, de leurs bains et de leurs maisons de campagne, ils abandonnèrent avec joie les soins dangereux du gouvernement aux mains grossières des paysans et des soldats[79]. Un écrivain du Bas-Empire parle d’une autre invasion des Allemands, plus formidable, mais dont l’événement fut plus glorieux pour Rome. Trois cent mille de ces Barbares furent défaits, dit-on, prés de Milan, dans une bataille où Gallien combattit en personne avec dix mille Romains seulement [Zonare, XII]. Mais, selon toute probabilité, ce qu’il faut voir dans le récit de cette étonnante victoire, c’est la crédulité de l’historien, ou peut-être les exploits exagérés de quelque lieutenant de l’empereur. Gallien employa des armes d’une nature bien différente pour défendre l’Italie de la fureur des Germains. Il épousa Pipa, fille d’un roi des Marcomans, tribu suève souvent confondue avec les Allemands dans leurs guerres et dans leurs conquêtes[80] ; et il accorda au père, pour prix de son alliance, un établissement considérable en Pannonie. Il paraît que les charmes naturels d’une beauté sauvage fixèrent l’inconstance de l’empereur, et que les liens de la politique furent resserrés par ceux de l’amour. Mais l’orgueilleuse Rome conservait encore ses préjugés : elle refusa le nom de mariage à l’alliance profane d’un citoyen avec une Barbare, et l’épouse de Gallien ne fut jamais désignée que sous le titre flétrissant de sa concubine[81]. III. Nous avons déjà tracé la marche des Goths,
depuis Les rives du Borysthène ne sont qu’à vingt lieues du
passage étroit[83]
qui communique à La flotte des Goths laissa En suivant le contour de l’extrémité orientale du Pont-Euxin,
la navigation est d’environ trois cent milles[93] depuis Pityus jusqu’à
Trébisonde. Les Goths se portèrent à la vue de Lorsque les Goths se mirent une seconde fois en mer, ils
rassemblèrent des forces plus considérables en hommes et en bâtiments ;
mais ils prirent une route tout à fait différente ; et, dédaignant les provinces
épuisées du Pont, ils suivirent la côte occidentale de la mer Noire, passèrent
devant les bouches du Borysthène, du Niester et du Danube, prirent dans leurs
courses un grand nombre de bateaux de pécheurs, et s’approchèrent du canal
resserré où le Pont-Euxin verse ses eaux dans Lorsque Cyzique résista aux efforts de Mithridate[100], on y voyait trois
arsenaux remplis de blé, d’armes et de machines de guerre [Strabon,
XII] ; deux cents galères défendaient son port, et des lois sages
veillaient à sa conservation. Cette place n’avait rien perdu de son état florissant
; mais il ne lui restait de son ancienne force qu’une situation avantageuse
dans une petite île de Lorsque nous apprenons que la troisième flotte équipée par
les Goths, dans les ports de Cet exploit, quelque éclat qu’il ait pu jeter au milieu
des ténèbres qui couvraient alors la gloire d’Athènes, servit plutôt à
irriter qu’a abattre le caractère indomptable des conquérants du Nord. Un
incendie général ravagea dans le même temps toute Au milieu des calamités générales qui affligent le genre
humain, la mort d’un individu, quelque grand qu’il soit, est un événement peu
remarquable, et la destruction du plus superbe édifice semble ne devoir pas mériter
la moindre attention. Nous ne pouvons cependant oublier le sort du temple de Diane
à Éphèse, qui, après être sorti sept fois de ses ruines avec un nouvel éclat[109], fût enfin brûlé
par les Goths, dans leur troisième invasion navale. Les arts de On rapporte à cette époque une autre circonstance qui serait digne d’être remarquée, si nous n’étions fondés à croire qu’elle n’a jamais existé que dans l’imagination d’un sophiste. Lorsque les Goths saccagèrent Athènes, ils rassemblèrent, dit-on, toutes les bibliothèques de cette ville, et se disposèrent à livrer aux flammes tant de dépôts précieux des connaissances humaines. Ce qui les sauva du feu, ce fut cette opinion semée par un de leurs chefs, qu’il fallait laisser aux Grecs des meubles si propres à les détourner de l’exercice des armes, et à les amuser à des occupations oisives et sédentaires[114]. En admettant la vérité du fait, l’habile conseiller, quoique d’une politique plus raffinée que ses compatriotes, raisonnait comme un Barbare ignorant. Chez les nations, les plus puissantes et les plus civilisées, le génie s’est développé presque en même temps dans tous les genres, et le siècle des arts a généralement été le siècle de la gloire et de la vertu militaire. IV. Les nouveaux souverains de La perte d’une frontière importante, la ruine d’un allié naturel et fidèle, et les succès rapides de l’ambitieux Sapor, remplirent Rome d’indignation pour l’insulte faite à sa grandeur, et de crainte sur le danger qui la menaçait. Valérien, persuadé que la vigilance de ses lieutenants suffisait pour garder le Rhin et le Danube, résolut, malgré son âge avancé, de marcher en personne à la défense de l’Euphrate. Son passage dans l’Asie-Mineure suspendit les entreprises navales des Goths, et fit jouir cette province infortunée d’un calme passager et trompeur. L’empereur traversa l’Euphrate, rencontra les Perses près des murs d’Édesse, fût vaincu et fait prisonnier par Sapor. Les particularités de ce grand événement nous sont représentées d’une manière obscure et imparfaite : cependant, éclairés par une faible lueur, nous sommes en état d’apercevoir du côté de l’empereur romain une longue suite d’imprudences, de fautes et de malheurs mérités. Il se confiait aveuglément en Macrien, son préfet du prétoire[116]. Cet indigne ministre rendit son maître l’effroi des sujets opprimés, et le mépris des ennemis de Rome [Zozime, I]. Conduite par les conseils faibles ou perfides de Macrien, l’armée impériale se trouva dans une situation où la valeur et la science militaire devenaient également inutiles [Hist. Aug., p. 174]. En vain les Romains firent-ils les plus grands efforts pour s’ouvrir un chemin à travers l’armée persane ; ils furent repoussés avec une perte considérable[117]. Sapor, dont les troupes supérieures en nombre tenaient assiégé le camp de l’ennemi, attendit patiemment que les horreurs de la peste et de la famine eussent assuré sa victoire. Bientôt les légions murmurèrent hautement contre Valérien, et lui imputèrent les maux qu’elles éprouvaient ; leurs clameurs séditieuses demandaient une prompte capitulation. On offrait aux Perses des sommes immenses pour acheter la permission de faire une retraite honteuse : mais Sapor, sûr de vaincre, refusa l’argent avec dédain ; il retint même les députés, et, s’avançant en ordre de bataille jusqu’au pied du rempart des Romains, il insista pour avoir une conférence personnelle avec leur monarque. Valérien fut réduit à la nécessité de commettre sa dignité et sa vie à la foi du vainqueur. L’entrevue se termina comme on devait naturellement s’y attendre : l’empereur fut mis aux fers, et les troupes consternées, déposèrent leurs armes[118]. Dans ce moment de triomphe, l’orgueil et la politique engagèrent Sapor à placer sur le trône vacant de Rome un souverain dont il pût entièrement disposer. Un obscur fugitif d’Antioche, Cyriades, livré à toutes sortes de vices, fut choisi pour déshonorer la pourpre romaine. Les troupes captives obéirent aux ordres du superbe Persan, et ratifièrent, par des acclamations forcées, l’élection de leur indigne souverain[119]. L’esclave couronné s’empressa de gagner la faveur de son maître,
en trahissant son pays natal. Il conduisit Sapor à la capitale de l’Orient :
les Perses traversèrent l’Euphrate, prirent le chemin de Chalcis, et leur
cavalerie se porta vers Antioche avec une telle rapidité, que, si nous en
croyons un historien très judicieux[120], cette ville
fut surprise au moment où la multitude oisive assistait aux jeux du cirque. Les
magnifiques édifices d’Antioche, monuments publics et maisons particulières,
furent pillés ou détruits, et ses nombreux habitants mis à mort ou menés en
captivité [Zozime, I]. La fermeté du grand-prêtre d’Émèse
arrêta pour un instant l’impétuosité de ce torrent qui désolait toutes les
provinces de l’Asie. Revêtu de ses
habits sacerdotaux, et suivi d’une troupe considérable de paysans fanatiques,
armés seulement de frondes, il sauva son dieu et ses domaines des mains
sacrilèges des disciples de Zoroastre[121] : mais la destruction
de Tarse et de plusieurs autres villes prouve qu’excepté, dans cette seule
circonstance, la conquête de Dans le temps que l’Asie tremblait au nom de Sapor, ce prince reçut en présent un grand nombre de chameaux chargés des marchandises les plus précieuses et les plus rares ; ces richesses, dignes d’être offertes aux plus grands rois, étaient accompagnées d’une lettre noble à la fois et respectueuse de la part d’Odenat, l’un des plus illustres et des plus opulents sénateurs de Palmyre. Quel est cet Odenat ? dit le fier vainqueur, en faisant jeter ses présents dans l’Euphrate ; quel est ce vil esclave qui osé écrire si insolemment à son maître ? S’il veut conserver l’espoir d’adoucir son châtiment, qu’il vienne se prosterner au pied de nôtre trône, qu’il paraisse devant nous les mains liées derrière le dos : s’il hésite, une prompte destruction écrasera sa tête, sa race et son pays[124]. L’extrémité cruelle où le Palmyrénien se trouvait réduit développa les sentiments généreux cachés dans son âme. Odenat se rendit devant Sapor, mais il s’y rendit en armes, inspirant son courage à la petite armée qu’il avait levée dans les villages de la Syrie[125] et dans les tentes du désert[126]. Il voltigea autour des Perses, les harassa dans leur retraite, s’empara d’une partie de leurs richesses ; et, ce qui était infiniment plus précieux qu’aucun trésor, il enleva plusieurs des femmes du grand roi, qui fût enfin obligé de repasser l’Euphrate à la hâte, avec quelques marques de confusion [Pierre Patrice, p. 25]. Par cet exploit, Odenat jeta les fondements de la gloire et de la fortune dont il devait jouir dans la suite. La majesté de Rome, avilie par un Persan, fût vengée par un Syrien ou un Arabe de Palmyre. La voix de l’histoire, qui n’est souvent que l’organe de
la haine ou de la flatterie, reproche à Sapor d’avoir indignement abusé des
droits de la victoire. On prétend que le malheureux Valérien, chargé de fers
et couvert des ornements de la pourpre impériale, offrit longtemps aux
regards de la multitude le triste spectacle de la grandeur renversée. Toutes
les fois que le monarque persan montait à cheval, il plaçait son pied sur le
cou d’un empereur romain. Malgré toutes les remontrances de ses alliés, qui
ne cessaient de lui rappeler les vicissitudes de la fortune, qui lui
peignaient la puissance encore formidable de Rome, et qui l’exhortaient à faire
de son illustre captif le gage de la paix et non un objet d’insulte, Sapor
demeura toujours inflexible. Lorsque Valérien succomba sous le poids de la
honte et de la douleur, sa peau, garnie de paille, et conservant une forme
humaine, resta suspendue pendant plusieurs siècles dans le temple le plus célèbre
de Depuis longtemps Gallien supportait avec peine la censure sévère
d’un père et d’un collègue : il reçut la nouvelle de ses malheurs avec
un plaisir secret, et avec une indifférence marquée. Je
savais, dit-il, que mon père était homme ;
et puisqu’il s’est conduit avec courage, je suis satisfait. Tandis que
Rome consternée déplorait le sort de son souverain, de vils courtisans
applaudissaient à la dure insensibilité du fils de ce malheureux prince, et
le louaient d’être parvenu à la fermeté parfaite d’un héros et d’un
philosophe[129].
Il serait difficile de saisir les traits du caractère léger, variable et
inconstant, que développât Gallien dès que devenu seul maître de l’empire, il
ne fut plus retenu par aucune contrainte. La vivacité de son esprit le
rendait propre à réussir dans tout ce qu’il entreprenait ; et, comme il
manquait de jugement, il embrassa tous les arts excepté les seuls dignes d’un
souverain, ceux de la guerre et du gouvernement. Il possédait plusieurs sciences
curieuses, mais inutiles : orateur facile, poète élégant[130], habile
jardinier, excellent cuisinier, il était le plus méprisable de tous les
princes. Tandis que les affaires les plus importantes de l’État exigeaient
ses soins et sa présence, il s’occupait à converser avec le philosophe Plotin[131], ou, plus
souvent encore, il passait son temps dans la débauche ou dans des amusements
frivoles, tantôt il se préparait à être initié aux mystères de Tandis que les rênes de l’État flottaient en de si faibles
mains, il n’est pas étonnant que toutes les provinces de l’empire aient vu s’élever
contre le fils de Valérien une foule d’usurpateurs. Les écrivains de l’Histoire Auguste ont cru jeter plus d’intérêt
dans leur récit en comparant les trente tyrans de Rome avec les trente tyrans
d’Athènes : cette idée est probablement ce qui les a engagés à choisir ce
nombre célèbre et connu[134]. Dans tous les
points, le parallèle est imparfait et ridicule. Quelle ressemblance
pouvons-nous apercevoir entre un conseil de trente personnes réunies pour opprimer
une seule ville, et une liste incertaine de rivaux indépendants, dont l’élévation
et la chute se succédaient sans aucun ordre dans l’étendue d’une vaste
monarchie ? Le nombre même de trente ne peut être complet qu’en
comprenant parmi ces tyrans les enfants et les femmes qui furent honorés du
titre impérial. Le règne de Gallien, au milieu des troubles qui le
déchirement ne produisit que dix-neuf prétendants au trône : Cyriades,
Macrien, Baliste, Odenat et Zénobie en Orient ; dans On sait que les anciens employaient souvent le nom de tyran pour désigner ceux qui s’emparaient de l’autorité suprême par des voies illégitimes. Cette dénomination odieuse n’avait alors aucun rapport avec l’abus du pouvoir. Plusieurs des prétendants qui levèrent l’étendard de la révolte contre l’empereur Gallien, étaient de brillants modèles de vertu ; ils possédaient presque tous beaucoup de talents et de fermeté. Leur mérite leur avait attiré la faveur de Valérien, et les avait insensiblement élevés aux premières dignités de l’État. Les généraux, qui prirent le titre d’Auguste, s’étaient concilié le respect de leur armée, par leur habileté à maintenir la discipline, ou son admiration par leur bravoure et leurs exploits, ou son affection par leur générosité et leur franchise : ils furent souvent proclamés sur le champ de la victoire. L’armurier Marius lui-même, le moins illustre de ces candidats, se distingua par l’intrépidité de son courage, par une force de corps extraordinaire et par l’honnêteté de ses mœurs grossières[137]. La médiocrité de la profession qu’il venait d’exercer jette, il est vrai, un air de ridicule sur son élévation soudaine ; mais sa naissance ne pouvait pas être plus obscure que celle de la plupart de ses rivaux, qui nés de paysans, étaient d’abord entrés au service comme simples soldats[138]. Dans les siècles de confusion, un génie actif trouve la place qui lui a été assignée par la nature : au milieu des troubles qu’enfante la guerre, le mérite militaire et la route qui mène à la gloire et à la grandeur. Parmi les dix-neuf tyrans, on ne voyait de sénateur que Tetricus ; Pison seul était noble. Le sang de Numa coulait, après vingt-huit générations successives dans les veines de Calphurnius Pison[139], qui, lié par les femmes aux plus illustres citoyens, avait le droit de décorer sa maison des images de Crassus et du grand Pompée[140]. Ses ancêtres avaient été constamment revêtus de tous les honneurs que pouvait accorder la république ; et les Calphurniens, seuls des anciennes familles de Rome, avaient échappé à la tyrannie cruelle des Césars. Les qualités personnelles de Pison ajoutaient un nouveau lustre à sa race. L’usurpateur Valens, qui le fit périr, avouait, avec de profonds remords, qu’un ennemi même aurait du respecter en Pison la sainte image de la vertu. Quoique Pison eût perdu la vie en portant les armes contre Gallien, le sénat, avec la généreuse permission de l’empereur, décerna les ornements du triomphe à la mémoire d’un si vertueux rebelle[141]. Les lieutenants de Valérien, sincèrement attachés à un prince qu’ils estimaient, ne pouvaient se résoudre à servir la molle indolence de son indigne fils. Le trône de l’univers romain n’était soutenu par aucun principe de fidélité, et la trahison paraissait, en quelque sorte, justifiée par le patriotisme. Cependant, si nous examinons attentivement la conduite de ces usurpateurs, nous verrons que la crainte a été plus souvent que l’ambition le motif qui les a poussés à la révolte. Ils redoutaient les soupçons cruels de Gallien ; la capricieuse violence de leurs troupes ne leur causait pas moins d’alarmes. Si la faveur dangereuse de l’armée les déclarait dignes de la pourpre, c’étaient autant de victimes condamnées à une mort certaine. La prudence même leur aurait conseillé de s’assurer pendant quelques instants la jouissance de l’empire, et de tenter la fortune des armes, plutôt que d’attendre la main d’un bourreau. Lorsque les clameurs des soldats forçaient un chef à prendre les marques de l’autorité souveraine, il déplorait quelquefois sa malheureuse destinée. Vous avez perdu, dit Saturnin à ses troupes le jour de son élévation, vous avez perdu un commandant utile, et vous avez fait un bien malheureux empereur [Hist. Aug., p. 196]. Les révolutions sans nombre dont il avait été témoin, justifiaient ses appréhensions. Des dix-neuf tyrans qui prirent les armes sous le règne de Gallien, il n’y en a aucun dont la vie ait été tranquille, ou la mort naturelle. Dès qu’ils avaient été revêtus de la pourpre ensanglantée, ils inspiraient à leurs partisans les mêmes craintes ou la même ambition qui avait occasionné leur révolte. Environnés de conspirations domestiques, de séditions militaires et de guerres civiles, ils tremblaient sur le bord de l’abîme dans lequel, après les anxiétés les plus cruelles, ils se voyaient tôt ou tard précipités. Ces monarques précaires recevaient cependant les honneurs dont pouvait disposer la flatterie des armées et des provinces qui leur obéissaient ; mais leurs droits, fondés sur la rébellion, n’ont jamais pu obtenir la sanction de la loi, ni être consignés dans l’histoire. L’Italie, Rome et le sénat embrassèrent constamment la cause de Gallien, qui, seul fut regardé comme le souverain de l’empire. A la vérité ce prince ne dédaigna point de reconnaître les armes victorieuses d’Odenat, qui méritait cette honorable distinction, par sa conduite respectueuse envers le fils de Valérien. Le sénat, avec l’approbation générale des Romains, et du consentement de l’empereur, conféra le titre d’Auguste au brave Palmyrénien et le gouvernement de l’Orient, qu’il possédait déjà, semble lui avoir été confié d’une manière si indépendante, qu’il le laissa comme une succession particulière à son illustre veuve Zénobie[142]. Le spectacle de ce passage rapide et continuel de la chaumière du trône et du trône au tombeau eût pu amuser un philosophe indifférent, s’il était possible à un philosophe de rester indifférent au milieu des calamités générales du genre humain. L’élévation de tant d’empereurs, leur puissance leur mort, devinrent également funestes à leurs sujets et à leurs partisans. Le peuple, écrasé par d’horribles exactions, leur fournissait les largesses immenses qu’ils distribuaient aux troupes pour prix de leur fatale grandeur. Quelque vertueux que fût leur caractère, quelle que pût être la pureté,de leurs intentions, ils se trouvèrent obligés de soutenir leur usurpation par des actes fréquents de rapines et d’inhumanité. Lorsqu’ils tombaient, ils enveloppaient des armées et des provinces dans leur chute : il existe encore un ordre affreux de Gallien à l’un de ses ministres après la perte d’Ingenuus, qui avait pris la pourpre en Illyrie. On ne peut lire sans frémir d’horreur la lettre de ce prince, qui joignait à la mollesse la férocité d’un tyran cruel. Il ne suffit pas, dit-il, d’exterminer ceux qui ont porté les armes ; le hasard de la guerre aurait pu m’être aussi utile. Que tous les mâles, sans respect pour l’âge, périssent ; pourvu que dans l’exécution des enfants et des vieillards vous trouviez le moyen de sauver notre réputation. Faites mourir quiconque a laissé échapper une expression, s’est permis une pensée contre moi ; contre moi, le fils de Valérien, le frère et le père de tant de princes[143]. Songez qu’Ingenuus fut empereur. Déchirez, tuez, mettez en pièces. Je vous écris de ma propre main : je voudrais vous inspirer mes propres sentiments [H. Aug., p.188]. Tandis que les forces de l’État se dissipaient en querelles particulières, les provinces sans défense restaient exposées aux attaques de quiconque voulait les envahir. Les plus courageux d’entre les usurpateurs, luttant sans cesse contre les dangers de leur situation, se trouvaient obligés de conclure avec l’ennemi commun des traités ignominieux, de payer aux Barbares des tributs oppressifs pour acheter leur neutralité ou leurs services, et d’introduire des nations guerrières et indépendantes jusque dans le centre de la monarchie romaine[144]. Tels étaient les Barbares ; tels les tyrans qui, sous les
règnes de Valérien et de Gallien, démembrèrent les provinces, et réduisirent
l’empire à un état d’abaissement et de désolation d’où il semblait ne pouvoir
jamais se relever. Autant que nous l’a permis la disette des matériaux, nous
avons essayé de tracer avec ordre et avec clarté les événements généraux de
cette période désastreuse ; il nous reste encore à parler des désordres
de I. Toutes les fois que de nombreuses troupes de
brigands, multipliées par le succès et par l’impunité, osent braver
publiquement les lois de leur pays, au lieu de chercher à s’y soustraire, c’est
une preuve certaine que la dernière classe de la société s’aperçoit et abuse
de la faiblesse du gouvernement. La situation de II. La fondation d’Alexandrie, projet noble, conçu et exécuté par le fils de Philippe, était un monument de son génie. Bâtie sur un plan magnifique et régulier, cette grande ville, qui ne le cédait qu’à Rome elle-même, avait quinze milles de circonférence [Pline, H. N., 10]. On y comptait trois cent mille habitants libres, outre un nombre au moins égal d’esclaves [Diod. Sic., XVII]. Son port servait d’entrepôt aux riches marchandises de l’Arabie et de l’Inde, qui affluaient dans la capitale et dans les provinces de l’empire. L’oisiveté y était inconnu ; les différentes manufactures de verre, de lin et de papyrus, employaient une quantité prodigieuse de bras. Hommes, femmes, vieillards enfants, tous subsistaient par leur industrie ; le boiteux même ou l’aveugle ne manquait pas d’occupations convenables à son état[146]. Mais le peuple d’Alexandrie, composé de plusieurs nations, réunissait à la vanité et à l’inconstance des Grecs, l’opiniâtreté et la superstition des Égyptiens. Le plus léger motif, une disette momentanée de poisson ou de lentilles, l’oubli d’un salut accoutumé, une méprise pour quelque préséance dans les bains publics, quelquefois même une dispute de religion[147], suffisait, en tout temps, pour exciter des orages au milieu de cette grande multitude, et y élever des ressentiments furieux et implacables[148]. Lorsque la captivité de Valérien et l’indolence de son fils eurent relâché l’autorité des lois, les Alexandrins s’abandonnèrent à la rage effrénée de leurs passions ; leur malheureuse patrie devint le théâtre d’une guerre civile qui, pendant près de douze ans, fut à peine suspendue[149] par un petit nombre de trêves courtes, et mal observées. On avait coupé toute communication entre les différents quartiers de la ville ; toutes les rues étaient teintes de sang ; tous les édifices considérables avaient été convertis en autant de citadelles ; enfin, le tumulte ne s’apaisa que lorsqu’une grande partie d’Alexandrie eut été entièrement détruite. Cent ans après, la vaste et magnifique enceinte du Bruchion[150], avec ses palais et son muséum, résidence des rois et des philosophes, présentait déjà, compte aujourd’hui, une affreuse solitude[151]. III. La rébellion obscure de Trebellianus, proclamé
en Isaurie, petite province de l’Asie-Mineure, eut des suites singulières et
mémorables. Un officier de Gallien détruisit bientôt ce fantôme de roi ;
mais ses partisans, désespérant d’obtenir leur pardon, résolurent de se soustraire
à l’obéissance non seulement de l’empereur, mais encore de l’empire ; et
ils reprirent tout à coup leurs mœurs sauvages, dont les traits primitifs n’avaient
jamais été entièrement effacés. Ils trouvèrent une retraite inaccessible dans
leurs rochers escarpés, branche de cette grande chaîne de montagnes connue sous le nom de mont Taurus. La
culture de quelques vallées fertiles [Strabon, XII] leur
procura les nécessités de la vie, et leur brigandage les objets de luxe.
Situés au centre de la monarchie romaine, ils restèrent longtemps dans la barbarie.
Les successeurs de Gallien, incapables de les soumettre par la force ou par
la politique, élevèrent des forteresses autour de leur pays [H.
Aug., p. 197]. Ces précautions, qui décelaient la faiblesse de
l’État, ne furent pas toujours suffisantes pour réprimer les incursions de
ces ennemis domestiques : les Isauriens, étendant par degrés leur territoire
jusqu’au rivage de la mer, s’emparèrent de l’occident de Nos préjugés lient si étroitement l’ordre de l’univers avec le destin de l’homme, que cette sombre période de l’histoire a été ornée d’inondations, de tremblements de terre, de météores, de ténèbres surnaturelles et d’une foule de prodiges faux ou de faits exagéré [H. Aug., p. 177]. Une famine longue et générale offrit une calamité d’un genre plus sérieux. Celle qui se fit sentir alors était une suite inévitable de la tyrannie et de l’oppression qui, en détruisant les moissons, enlevaient les productions présentes et l’espoir d’une nouvelle récolte. La famine est presque toujours accompagnée de maladies épidémiques, effet ordinaire d’une nourriture peu abondante et malsaine. D’autres causes doivent cependant avoir contribué à cette peste cruelle, qui, depuis 250 jusqu’en 265, ravagea sans interruption toutes les provinces, toutes les villes et presque toutes les familles de l’empire romain. Pendant quelque temps on vit mourir, à Rome cinq mille personnes par jour, et plusieurs villes qui avaient échappé aux mains des Barbares furent entièrement dépeuplées[153]. Il nous est parvenu une circonstance très curieuse, qui n’est peut-être pas inutile à remarquer dans le triste calcul des calamités humaines. On conservait dans la ville d’Alexandrie un registre exact des citoyens qui avaient droit à une distribution de blé. On trouva que, sous le règne de Gallien, le nombre des individus de quatorze à quatre-vingts ans qui avaient part à cette rétribution, ne s’éleva pas au-dessus de celui des hommes de quarante à soixante-dix ans, qui la recevaient dans des temps antérieurs[154]. Ce fait authentique, en y appliquant les meilleures tables de mortalité, prouve évidemment qu’Alexandrie avait perdu plus de la moitié de ses habitants. Si nous osions étendre l’analogie aux autres provinces, nous pourrions soupçonner que la guerre, la peste et la famine avaient emporté en peu d’années la moitié de l’espèce humaine[155]. |
[1] L’expression dont se servent Zozime et Zonare peut signifier également que Marinus commandait une centurie, une cohorte ou une légion.
[2] Il naquit à
Bubalie, petit village de
[3] Zozime, I, p. 20 ; Zonare, XII, p. 624, édition du Louvre.
[4] Voyez les préfaces de Cassiodore et de Jornandès. Il est surprenant que la dernière ait été omise dans l’excellente édition des écrivains goths, donnée par Grotius.
[5] Les Goths ont habité
[6] Jornandès cite, d’après l’autorité d’Ablavius, quelques anciennes chroniques des Goths composées en vers. De Rb. geticus, c. 4.
[7] Voyez les extraits assez étendus des ouvrages d’Adam de Brème, et de Saxon le Grammairien, qui se trouvent dans les Prolégomènes de Grotius. Adam de Brème écrivait en 1077 ; et Saxon le Grammairien vers l’année 1200.
[8] Voltaire, Histoire de Charles XII, III. Lorsque les Autrichiens demandaient du secours à Rome contre Gustave-Adolphe, ils ne manquaient jamais, de représenter ce conquérant comme le successeur; direct d’Alaric. Harte, Hist. de Gustave, vol. II, p, 123.
[9] Voyez Adam de
Brême, dans les Prolégomènes de
Grotius, p. 10. Le temple d’Upsal fut détruit par Ingo, roi de Suède, qui monta
sur le trône en 1075 ; et environ quatre-vingts ans après, on éleva sur ses
ruines une cathédrale chrétienne. Voyez l’Histoire
de Suède, par Dalin, dans
[10] Mallet, Introduction à l’Histoire du Danemark.
[11] Mallet, IV, p.
[12] Il ne peut l’être : Bayer a prouvé que la ville d’Asof ne
paraissait que dans le douzième siècle de l’histoire. Voyez sa dissertation sur
l’histoire d’Asof, dans le deuxième volume de la collection de l’Histoire russe (Note de l’Éditeur).
[13] Il est difficile
d’admettre comme un fait authentique l’expédition merveilleuse d’Odin, qui
pourrait fournir le sujet d’un beau poème épique, en faisant remonter à une
époque si mémorable l’inimitié des Goths et des Romains. Selon le sens le plus
naturel de l’Edda, et
l’interprétation des plus habiles critiques, As-gard n’est point réellement une
ville de
On peut consulter sur ce
sujet une lettre curieuse du Suédois Ihre, conseiller de chancellerie à Upsal,
imprimée à Upsal, chez Edmau, en 1772, et traduite en allemand par M. Schlœzer
; à Gœttingue, chez Dieterichs, 1773 (Note
de l’Éditeur).
[14] Tacite, Ann., II, 62. Si l’on pouvait ajouter foi aux voyages de Pythéas de Marseille, il faudrait convenir que les Goths avaient passé la mer Baltique au moins trois cents ans avant Jésus-Christ.
[15] Par les colonies
allemandes qui suivirent les armes des chevaliers teutoniques. Ces aventuriers
terminèrent, dans le treizième siècle, la conquête et la conversion de
[16] Pline (Hist. nat., IV, 14) et Procope (in Bell. vand., I, 1) ont suivi la même opinion. Ces deux auteurs vivaient dans des siècles éloignés, et ils employèrent différentes voies pour chercher la vérité.
Cette opinion est peu
vraisemblable. Les Vandales et les Goths appartenaient également à la grande
division des Suives, mais ces deux tribus étaient très différentes. Ceux qui
ont traité cette partie de l’histoire me paraissent avoir négligé de remarquer
que les anciens donnaient presque toujours le nom du peuple puissant et
vainqueur à toutes les tribus faibles et vaincues ; ainsi Pline appelle Vindili, Vandales, tous les peuples du
nord-est de l’Europe, parce qu’à cette époque les Vandales étaient sans doute
la tribu conquérante. César, au contraire, rangeait sous le nom de Suèves plusieurs des tribus que Pline
met sous celui de Vandales, parce que les Suèves proprement dits étaient alors
la tribu la plus puissante de
[17] Les Ostrogoths et
les Visigoths, ou les Goths orientaux et occidentaux, avaient été ainsi
désignés lorsqu’ils habitaient
(*) Ce n’est point en Scandinavie que les Goths ont été
divisés en Ostrogoths et Visigoths ; cette division eut lieu après leur
irruption en Dacie, au troisième siècle : ceux qui venaient du Mecklembourg et
de
[18] Voyez un fragment de Pierre Patrice, dans l’ouvrage intitulé, Excerpta legationum ; et pour la date la plus probable, voyez Tillemont, Histoire des Empereurs, t. III, p. 346.
[19] Omnium harum gentium insigne, rotunda scuta, breves gladii, et erga reges obsequium. Tacite, Germ., 43. Le commerce de l’ambre procura vraisemblablement du fer à la nation des Goths.
[20] Les Hérules et les Bourguignons sont particulièrement nommés. Voyez l’Histoire des Germains, par Mascou, V. Un passage de l’Histoire Auguste, p. 28, parait faire allusion à cette grande migration. La guerre des Marcomans fut occasionnée en partie par la pression des tribus barbares, qui fuyaient, devant les armes de Barbares plus septentrionaux.
[21] D’Anville, Géographie ancienne, et la troisième partie de son incomparable carte d’Europe.
[22] Les Bastarnes ne sauraient être regardés comme
originaires de
Les Carpiens paraissent en
237 comme une tribu suève qui fit une irruption dans
[23] Les Vénèdes, les Slaves et les Antes étaient trois grandes tribus du même peuple. Jornandès, 24.
Ces trois tribus formaient
la grande nation ces Slaves (Note de
l’Éditeur).
[24] Tacite mérite certainement ce titre, et même sa prudente incertitude prouve l’exactitude de ses recherches.
[25] Jac. Reineggs croit avoir trouvé dans les montagnes du Caucase quelques descendants de la nation des Alains ; les Tartares les appellent Edeki-Alan : ils parlent un dialecte particulier de l’ancienne langue des Tartares du Caucase. V. J. Reineegs, Descr. du Caucase (en allemand) p. II, p. 15 (Note de l’Éditeur).
[26] Histoire généalogique des Tartares, p.
[27] Aujourd’hui Prebislaw, chez les Bulgares. D’Anville, Géogr. Anc., t. I, p. 311 (Note de l’Éditeur).
[28] Dans le seizième chapitre de Jornandès, au lieu de secundo Mœsiam, on peut substituer secundam, la seconde Mœsie, dont Marcianopolis était certainement la capitale (Voyez Hiéroclès, de Provincus, et Wesseling, ad locum, p. 636, Itineraria). Il est étonnant qu’une faute si palpable du copiste ait échappé à la correction judicieuse de Grotius.
[29] Le lieu qu’occupait cette ville est encore appelé Nicop. La petite rivière sur les bords de laquelle elle était située tombe dans le Danube. D’Anville, Géogr. Anc., I, p. 307.
[30] Aujourd’hui Philippopolis ou Philiba ; sa situation entre des collines la faisait aussi appeler Trimontium. D’Anville, Géogr. anc., t. I , p. 295 (Note de l’Éditeur).
[31] Etienne de Byzance, de Urbibus, p. 740 ; Wesseling, Itineraria, p. 136. Zonare, par une méprise singulière, attribue la fondation de Philippopolis au prédécesseur immédiat de l’empereur Dèce.
[32] Les mots victoriœ carpicœ, qui se trouvent sur quelques médailles de l’empereur Dèce, insinuent ces avantages.
[33] Claude, qui régna depuis avec tant de gloire, gardait les Thermopyles avec deux cents Dardaniens, cent hommes de cavalerie pesante et cent soixante de cavalerie légère, soixante archers crétois, et mille hommes de nouvelles troupes bien armées. Voyez une lettre originale de l’empereur à cet officier, dans l’Histoire Auguste, p. 200.
[34] Jornandès, 16-18 ; Zozime, I, p. 22. Il est aisé de découvrir, dans le récit général de cette guerre, les préjugés opposés de l’auteur grec et de l’historien des Goths. Ils ne se ressemblent que par le manque d’exactitude.
[35] Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, c. 8. Il parle de la nature et de l’usage de la censure avec sa sagacité ordinaire et avec une précision peu commune.
[36] Vespasien et Titus furent les derniers censeurs (Pline, Hist. nat., VII, 49; Censorin, de Die natali.). La modestie de Trajan ne lui permit pas d’accepter un honneur dont il était digne, et son exemple fut une loi pour les Antonins. Voyez le Panégyrique de Pline, c. 45 et 60.
[37] Malgré cette exemption Pompée parut rependant devant le tribunal du censeur pendant son consulat. L’occasion était, à la vérité, également singulière et honorable. Plutarque, Vie de Pompée, p. 630.
[38] Voyez le discours original dans l’Histoire Auguste, p. 173-174.
[39] C’est peut-être ce qui a trompé Zonare. Cet auteur suppose que Valérien fut alors déclaré le collègue de Dèce. L. XII, p. 625.
[40] Histoire Auguste, p. 174. La réponse de l’empereur est omise.
[41] Telles que les tentatives d’Auguste pour la réforme des mœurs. Tacite, Annales, III, 24.
[42] Tillemont, Histoire des Empereurs, tome III, p.
593. Comme Zozime et quelques-uns de ceux qui l’ont suivi prennent le Danube
pour le Tanaïs, ils placent le champ de bataille dans les plaines de
[43] Aurelius Victor place la mort des deux Dèce dans deux actions différentes ; mais j’ai préféré le récit de Jornandès.
[44] J’ai hasardé de
tirer de Tacite (Ann., I, 64) le
tableau d’une action semblable entre une armée romaine et une tribu germanique.
La traduction est de l’abbé de
[45] Jornandès, 18 ; Zozime, I, p. 22 ; Zonare, XII, p. 627 ; Aurelius Victor.
[46] Les Dèce furent tués avant la fin de l’année 251, puisque les nouveaux princes prirent possession du consulat dans les calendes de janvier qui suivirent.
[47] L’Histoire Auguste, p. 223, leur donne une place très honorable parmi le petit nombre des bons princes qui régnèrent entre Auguste et Dioclétien.
[48] Hœc ubi patres compercre …… decernunt. Victor, in Cœsaribus.
[49] Le riche monarque d’Égypte accepta avec joie et avec reconnaissance une chaise (sella), une robe (toga), et une coupe (patera) d’or du poids de cinq livres (Tite-Live, XXVII, 4). Quina millia œris (qui valaient environ dix huit livres st. en monnaie de cuivre) étaient le présent ordinaire que la république donnait aux ambassadeurs étrangers. Tite-Live, XXXI, 9.
[50] Voyez quelle fut encore la fermeté d’un général romain sous le règne d’Alexandre-Sévère. Excerpta legationum, p. 25, édition du Louvre.
[51] Pour la peste, voyez Jornandés, c. 19, et Victor, in Cœsaribus.
[52] Ces accusations improbables sont rapportées par Zozime, I, p. 23-24.
[53] Jornandés, c. 19. L’écrivain goth a du moins observé la paix, que ses compatriotes victorieux avaient jurée à Gallus.
[54] Eutrope, IX, 6, dit tertio mense, Eusèbe ne parle pas de cet empereur.
[55] Zozime, I, p. 28.
Eutrope et Victor placent l’armée de Valérien dans
[56] Aurelius Victor dit qu’Emilien mourut de maladie ; Eutrope, en parlant de sa mort, ne dit point qu’il fut assassiné (Note de l’Éditeur).
[57] Il avait environ soixante-dix ans lorsqu’il fut pris par les Perses, ou, comme il est plus probable, lorsqu’il mourut. Hist. Auguste, p. 173 ; Tillemont, Hist. des Empereurs, t. III, p. 893, n° 1.
[58] Inimicus tyrannorum, Hist. Auguste, p. 173. Dans la lette glorieuse du sénat contre Maximin, Valérien se montra de la manière la plus courageuse. Hist. Auguste, p. 156.
[59] Selon la distinction de Victor, il paraît que Valérien reçut de l’armée le titre d’Imperator, et du sénat, celui d’Auguste.
[60] D’après Victor et quelques médailles, M. de Tillemont (tome III, p. 710) conclut, avec raison, que Gallien fut associé à l’empire vers le mois d’août de l’année 253.
[61] On a formé différents systèmes pour expliquer un passage difficile de Grégoire de Tours, l. II, c. 9.
[62] Le géographe de Ravenne (I, II), en parlant de Mauringania, sur les confins du Danemark, comme de l’ancienne demeure des Francs, a fourni à Leibnitz la base d’un système ingénieux.
[63] Voyez Cluvier, Germ. ant., III, c. 20 ; M. Freret, Mém. de l’Académie, tome XVIII.
[64] Vraisemblablement sous le règne de Gordien. La circonstance particulière qui y donna lieu a été pleinement examinée par Tillemont, tome III, p. 710, 1181.
[65] Pline, Hist. nat., XVI, 1. Les panégyristes font souvent allusion aux marais des Francs.
[66] La confédération des Francs paraît avoir été formée, 1°
des Chauques (Chauci) ; 2° des
Sicambres, habitants du duché de Berg ; 3° des Attuariens, au nord des
Sicambres, dans la principauté de Waldeck, entre
[67] On voit paraître la plupart de ses anciens noms dans une période moins éloignée. Voyez-en des vestiges dans Cluvier, Germ. ant., III.
[68] Simler, de Repub. helv., cum notis Fuselin.
[69] M. de Bréquigny (Mémoires de l’Académie, t. XXX) nous a
donné une vie très curieuse de Posthume. On a formé plusieurs fois le projet
d’écrire
M. Éckhel, conservateur du
cabinet des médailles, et professeur d’antiquités à Vienne et mort
dernièrement, a rempli cette lacune par son excellent ouvrage : Doctrina numorum veterum conscripta a Jos.
Éckhel, 8 vol. in-4°. Vindobonœ, 1797 (Note
de l’Éditeur).
[70] Aurelius Victor, c. 33. Au lieu de penè direpto, le sens et l’expression demandent deleto, quoiqu’à la vérité il soit également difficile, par des raisons fort différentes, de corriger le texte des meilleurs écrivains et des plus mauvais.
[71] Du temps d’Ausone (à la fin du quatrième siècle), Herda ou Lerida était dans un état de ruine, suite vraisemblablement de cette invasion. Ausone, épit. XXV, 58.
[72] M. Valois se trompe donc lorsqu’il suppose que les Francs ont envahi l’Espagne par mer.
[73] Sic Suevi à cæteris Germanis, sic Suevorum ingenui à servis separantur. Quelle orgueilleuse distinction !
[74] Victor, in Caracalla ; Dion Cassius, LXVII, p. 1350.
[75] La nation des Allemands
n’a point été formée originairement par les Suèves proprement dits ; ceux-ci
ont toujours conservé leur nom particulier : ils firent peu après l’an de
Jésus-Christ 357, une irruption dans
Les Tenctères et les
Usipiens, habitants de l’intérieur et du nord de
[76] Cette étymologie, bien différente de celles qui amusent l’imagination des savants, nous a été conservée, par Asinius Quadratus, historien original cité par Agathias, I, c. 5.
[77] Ce fut ainsi que les Suèves combattirent contre César, et cette manœuvre mérita l’approbation du vainqueur. In Bell. gall., I, 48.
[78] Histoire Auguste, p. 215-216 ; Dexippus, Excerpta legationum, p. 8 ; saint Jérôme, Chron. ; Orose, VII, 22.
[79] Aurelius Victor, in Gallieno et Probo. Ses plaintes respirent un grand esprit de liberté.
[80] L’un des Victor l’appelle roi des Marcomans ; l’autre, roi des Germains.
[81] Voyez Tillemont, Histoire des Empereurs, tome III, p. 398, etc.
[82] Voyez les Vies de Claude, d’Aurélien et de Probus, dans l’Histoire Auguste.
[83] Sa largeur est environ d’une demi lieue. Hist. générale des Tartares, p. 598.
[84] M. de Peyssonnel, qui avait été consul français à Gaffa, dans ses Observations sur les peuples barbares qui ont habité les bords du Danube.
[85] Euripide, dans sa tragédie d’Iphigénie en Tauride.
[86] Strabon, VII, p. 309. Les premiers rois du Bosphore furent alliés d’Athènes.
[87] Ce royaume fut réduit par les armes d’Agrippa. Orose, VI, 21 ; Eutrope, VII, 9. Les Romains s’avancèrent une fois à trois journées du Tanaïs. Tacite, Ann., XII, 17.
[88] Voyez le Toxaris de Lucien, s’il est possible de croire à la sincérité et aux vertus du Scythe qui raconte une grande guerre de sa nation contre les rois du Bosphore.
[89] Strabon, XI ; Tacite, Hist., III, 47. On les appelait camarœ.
[90] Voyez une peinture très naturelle de la navigation du Pont-Euxin, dans la seizième lettre de Tournefort.
[91] Aujourd’hui Pitchinda. D’Anville, Géogr. anc., t. II, p. 115 (Note de l’Éditeur).
[92] Arrien place la garnison frontière à Dioscurias ou Sebastopolis (*), à quarante-quatre milles à l’est de Pityus. De son temps, la garnison du Phase ne consistait qu’en quatre cents hommes d’infanterie. Voyez le Périple du Pont-Euxin.
(*) Aujourd’hui Iskuriah. D’Anville, Géogr. anc., t. I, p. 115 (Note de l’Éditeur).
[93] Arrien (in Periplo maris Eux., 130) dit que la distance est de deux mille six cent dix stades.
[94] Xénophon, Retraite des dix mille, IV, p. 343, édit. de Hutchinson.
[95] Arrien, p. 129. L’observation générale est de Tournefort.
[96] Voyez une lettre de saint Grégoire Thaumaturge, évêque de Néo-Césarée, citée par Mascou, v. 37.
[97] Elle a conservé son nom joint à la préposition de lieu dans celui d’Is-Nikmid. D’Anville, Géogr. anc., t. II, p. 23 (Note de l’Éditeur).
[98] Itiner. Hierosolym., p. 572 ; Wesseling.
[99] Aujourd’hui Is-nik, Bursa, Mondania, Ghio ou Kemlik. D’Anville, Géogr. anc., t. II, p. 21-22 (Note de l’Éditeur).
[100] Il assiégea la place avec quatre cents galères, cent cinquante mille hommes de pied et une nombreuse cavalerie. Voyez Plutarque, in Lucullus ; Appien, in Mithridate ; Cicéron , pro lege Maniliâ, c. 8.
[101] Pococke, Description de l’Orient, II, 23-24.
[102] George Syncelle rapporte une histoire inintelligible du prince Odenat, qui défit les Goths, et qui fut tué par le prince Odenat.
[103] Voyages de Chardin, I, p. 45. Il navigua avec les Turcs, de Constantinople à Gaffa.
[104] George Syncelle, p. 382, parle de cette expédition comme si elle eût été entreprise par les Hérules.
[105] Histoire Auguste, p. 181 ; Victor, c. 33 ; Orose, VII, 42 ; Zozime, I, p. 35 ; Zonare, XII, p. 635 ; George Syncelle, p. 382. Ce n’est pas sans quelque attention que nous pouvons expliquer et concilier leurs récits imparfaits : on aperçoit toujours des traces de la partialité de Dexippus dans la relation de ses exploits et de ceux de ses compatriotes.
[106] Georges Syncelle, p. 382. Ce corps d’Hérules fut pendant longtemps fidèle et fameux.
[107] Claude, qui commandait sur le Danube, avait des vues très justes, et se conduisait avec courage. Son collègue fut jaloux de sa réputation. Histoire Auguste, p. 181.
[108] Zozime et les autres Grecs (tels que l’auteur du Philopatris) donnent le nom de Scythes aux peuples que Jornandès et les auteurs latins appellent constamment du nom de Goths.
[109] Histoire Auguste, p. 178 ; Jornandès, 20.
[110] Strabon, XIV, p. 640 ; Vitruve, I, 1 ; préface, VII ; Tacite, Annal., III, 61 ; Pline, Hist. nat., XXXVI, 14.
[111] La longueur de Saint-Pierre de Rome est de huit cent quarante palmes romaines : chaque palme est de huit pouces, trois lignes. Voyez les Mélanges de Greave, vol. I, p. 233, sur le pied romain.
[112] Au reste, la politique des Romains les avait engagés, à resserrer les limites du sanctuaire, ou asile que différents privilèges avaient successivement étendu jusqu’à deux stades autour du temple. Strabon, XIV, p. 641 ; Tacite, Annal., III, 60, etc.
[113] Ils n’offraient
aucun sacrifice aux dieux de
[114] Zonare, XII, p. 635. Une pareille anecdote convenait parfaitement au goût de Montaigne : il en fait usagé dans son agréable chapitre sur le pédantisme, I, 24.
[115] Moïse de Chorène, II, 71, 73, 74 ; Zonare, XII, p. 628. La relation authentique de l’auteur arménien sert à rectifier le récit confus de l’historien grec. Celui-ci parle des enfants de Tiridate, qui alors était lui-même un enfant.
[116] Hist. Auguste, p. 191. Comme Macrien était ennemi des chrétiens, ils l’accusèrent de magie.
[117] Victor, in Cœsaribus ; Eutrope, IX, 7.
[118] Zozime, I, p. 33 ; Zonard, XII, p. 630 ; Pierre Patrice, Excerpta legationum, p. 29.
[119] Hist. Auguste, p. 185. Le règne de Cyriades est placé dans cette collection avant la mort de Valérien ; mais j’ai préféré une suite probable, d’événements à la chronologie douteuse d’un écrivain très peu exact.
[120] Le témoignage décisif d’Ammien Marcellin (XXIII, 5) fixe sous le règne de Gallien le sac d’Antioche, que plusieurs auteurs placent quelque temps plus haut.
[121] Malala (t. I, p. 391) dénature ce qu’il y a de probable dans cet événement par quelques circonstances fabuleuses.
[122] Zonare, XII, 630. Les corps de ceux qui avaient été massacrés remplissaient de profondes vallées. Des troupes de prisonniers étaient conduites à l’eau comme des bêtes, et un grand nombre de ces infortunés périssaient faute de nourriture.
[123] Zozime (I, p. 25) assure que Sapor aurait pu rester maître de l’Asie s’il n’eût point préféré le butin aux conquêtes.
[124] Pierre Patrice, Excerpta legat., p. 29.
[125] Syrorum agrestium manu. Sextus Rufus, c. 23. Selon Rufus, Victor, l’Hist. Auguste (p. 192), en plusieurs inscriptions, Odenat était un citoyen de Palmyre.
[126] Il jouissait d’une si grande considération parmi les tribus errantes, que Procope (de Bell. pers., II, 5) et Jean Malala (t. I, p. 391) l’appellent prince des Sarrasins.
[127] Les auteurs
chrétiens insultent aux malheurs de Valérien ; les païens le plaignent. M. de
Tillemont à rassemblé avec soin leurs divers témoignages, tome III, p. 739,
etc. L’histoire orientale, avant Mahomet, est si peu connue, que les Perses
modernes ignorent entièrement la victoire de Sapor, événement si glorieux pour
la nation. Voyez
[128] Une de ces lettres est d’Artavasdes, roi d’Arménie. Comme l’Arménie était alors une province de Perse, le roi, le royaume ni la lettre ne peuvent avoir existé.
[129] Voyez sa Vie dans l’Histoire Auguste.
[130] Il existe encore un très joli épithalame composé par Gallien pour le mariage de ses neveux :
Ite ait, o
juvenes, pariter sudate medillis.
Omnibus inter vos
; non murmura vestra columbœ,
Brachia, non hederæ, nota vincant oscula conchœ.
[131] Il était sur le
point de donner à Plotin une ville ruinée de
[132] Une médaille, qui porte la tête de Gallien, a fort embarrassé les antiquaires, par les mots de la légende, Gallienœ Augustæ, et par ceux qu’on voit sur le revers, Ubique pax. M. Spanheim suppose que cette médaille fut frappée par quelques ennemis de Gallien, et que c’était une satire sévère de la conduite efféminée de ce prince. Mais comme l’ironie paraît indigne de la gravité de la monnaie romaine, M. de Vallemont a tiré d’un passage de Trebellius Pollion (Hist. Auguste, p. 198) une explication ingénieuse et naturelle. Galliena était la cousine germaine de l’empereur ; en délivrant l’Afrique de l’usurpateur Celsus, elle mérita le titre d’Augusta. On voit sur une médaille de la collection du cabinet du roi, une pareille inscription de Faustina Augusta autour de la tète de Marc-Aurèle. Pour les mots ubique pax, il est facile de les expliquer par la vanité de Gallien, qui aura peut-être saisi quelque calme momentané. Voyez Nouvelles de la république des lettres, janvier 1700, p. 21-34.
[133] Je crois que ce caractère singulier nous a été fidèlement transmis. Le règne de son successeur immédiat fut court et agité ; et les historiens, qui écrivirent avant l’élévation de la famille de Constantin, ne pouvaient avoir aucune espèce d’intérêt à représenter sous de fausses couleurs le caractère de Gallien.
[134] Pollion paraît singulièrement embarrassé pour compléter le nombre.
[135] L’histoire n’a pas désigné d’une manière précise le pays où Saturnin prit la pourpre ; mais il y avait un tyran dans le Pont, et l’on connaît les provinces qui furent le théâtre de la rébellion de tous les autres.
[136] Tillemont (tome III, p. 1163) les compte d’une manière un peu différente.
[137] Voyez le discours de Marius, dans l’Histoire Auguste, p. 197. La conformité des noms a pu seule engagé Pollion à imiter Salluste.
[138] Marius fut tué par un soldat qui lui avait jadis servi
d’ouvrier dans sa boutique, et qui lui dit en le frappant : Voilà le glaive que tu as forgé toi-même.
Treb. in ejus vitâ (Note de l’Éditeur).
[139] Vos ô Pompilius sanguis ! C’est ainsi que s’exprime Horace en s’adressant aux Pisons. Voyez l’Art poétique, v. 292, avec les notes de Dacier et de Sanadon.
[140] Tacite, Ann., XV, 48, Hist., I, 15. Dans le premier de ces passages, on peut hasarder de changer paterna en materna. Depuis Auguste jusqu’au règne d’Alexandre-Sévère, chaque génération a vu un ou plusieurs Pisons revêtus du consulat. Un Pison fut jugé digne du trône par Auguste (Tacite, Annal., I, 13). Un autre fut le chef d’une conspiration formidable contre Néron. Un troisième fut adopté et déclaré César par Galba.
[141] Hist. Auguste, p. 195. Le sénat, dans un moment d’enthousiasme, semble avoir compté sur l’approbation de Gallien.
[142] L’association du brave Palmyrénien fut l’acte. le plus populaire de tout le règne de Gallien. Hist. Auguste, p. 180.
[143] Gallien avait donné le titre de César et d’Auguste à son fils Salonin ; tué dans la ville de Cologne par l’usurpateur Posthume. Un second fils de Gallien prit le nom et le rang de son frère aîné. Valérien, frère de Gallien, fut aussi associé à l’empire. D’autres frères, des sœurs, des neveux et des nièces de l’empereur formaient une famille royale très nombreuse. Voyez Tillemont, tome III et M. de Brequigny, dans les Mém. de l’Académie, tome XXXII, p. 262.
[144] Régilien avait quelques bandes de Roxolans a son service ; Posthume, un corps de Francs. Ce fut peut-être en qualité d’auxiliaires que ces derniers pénétrèrent en Espagne.
[145] L’Hist. Auguste, p. 177, l’appelle servile bellum. Voyez Diodore de Sicile, XXXIV.
[146] Voyez une lettre très curieuse d’Adrien dans l’Histoire Auguste, p. 245.
[147] Tel que le meurtre d’un chat sacré. Voyez Diodore de Sicile, I.
[148] Histoire Auguste, p. 195. Cette longue et terrible sédition fut occasionnée par une dispute qui s’éleva entre un soldat et un bourgeois, au sujet de souliers.
[149] Denis, apud Eusèbe, Hist. Ecclés., vol. VII, p. 21 ; Ammien, XXII, 16.
[150] Le Bruchion était un quartier d’Alexandrie qui s’étendait sur le plus grand des deux ports, et qui renfermait plusieurs palais qu’habitèrent les Ptolémées. D’Anville, Géogr. anc., tome III, p. 10 (Note de l’Éditeur).
[151] Scaliger, Animadvers. ad Euseb. chron., p. 258. Trois dissertations de M. Bonamy, dans les Mém. de l’Acad., tome IX.
[152] Voyez Cellarius, Géogr. anc., tome II, p. 137, sur les limites de l’Isaurie.
[153] Hist. Auguste, p. 177 ; Zozime, I, p. 24, Zonare, XII, p. 623 ; Eusèbe, Chronicon ; Victor, in Epitom. ; Victor, in Cœsar.; Eutrope, IX, 5 ; Orose, VII, 21.
[154] Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 21. Le fait est tiré des lettres de Denis, qui, dans le temps de ces troubles, était évêque d’Alexandrie.
[155] Dans un grand nombre de paroisses, onze mille personnes ont été trouvées entre les âges de quatorze et de quatre-vingts ; cinq mille trois cent soixante-cinq entre ceux de quarante et de soixante-dix. Voyez M de Buffon, Hist. nat., tome II, p. 590.