De l’état de
TOUTES les fois que Tacite abandonne son sujet pour faire paraître sur la scène les Germains ou les Parthes, il semble que ce grand écrivain se propose de détourner l’attention de ses lecteurs d’une scène monotone de vices et de misères. Depuis le règne d’Auguste jusqu’au temps d’Alexandre Sévère, Rome n’avait eu à redouter que les tyrans et les soldats, ennemis cruels qui déchiraient son sein. Sa prospérité n’était que bien faiblement intéressée dans les révolutions qui se passaient au-delà du Rhin et de l’Euphrate ; mais lorsque l’anarchie eut confondu tous les ordres de l’État, lorsque la puissance militaire eut anéanti l’autorité du prince, les lois du sénat, et même la discipline des camps, les Barbares de l’Orient et du Nord, qui avaient si longtemps menacé les frontières, attaquèrent ouvertement les provinces d’une monarchie qui s’écroulait. Leurs incursions, d’abord incommodes, devinrent bientôt des invasions formidables : enfin, après une longue suite de calamités réciproques, les conquérants s’établirent dans le centre de l’empire. Pour développer avec plus de clarté la chaîne de ces grands événements, nous commencerons par nous former une idée du caractère, des forces et des projets de ces nations, qui vengèrent la cause d’Annibal et de Mithridate. Dans les premiers siècles dont l’histoire fasse mention,
tandis que les forêts qui couvraient le sein de l’Europe servaient d’asile à
quelques hordes de sauvages errants, l’Asie comptait un grand nombre de
villes florissantes, renfermées dans de vastes empires, où régnaient le luxe,
les arts et le despotisme. Les Assyriens donnèrent des lois à l’Orient[1], jusqu’à ce que
le sceptre de Ninus et de Sémiramis s’échappât des mains de leurs successeurs
amollis. Les Mèdes et les Babyloniens se partagèrent leurs États, et furent
eux-mêmes engloutis dans la monarchie des Perses, dont les conquêtes s’étendirent
au-delà des limites de l’Asie. Un descendant de Cyrus, Xerxès, suivi, dit-on,
de deux millions d’hommes, fondit sur Artaxerxés avait acquis une grande réputation dans les armées d’Artaban, dernier roi des Parthes. Il parait que ses services ne furent payés que d’ingratitude, récompense ordinaire d’un mérite supérieur, et que, banni d’abord de la cour d’Artaban, il fut ensuite forcé de lever l’étendard de la révolte. Son origine est a peine connue, et l’obscurité de sa naissance a donné lieu également à la malignité de ses ennemis et à la flatterie de ses partisans. Les uns prétendent qu’il était le fruit illégitime du commerce d’un soldat avec la femme d’un tanneur[4]. Selon le rapport des autres, il descendait des anciens rois de Perse, quoique le temps et la fortune eussent insensiblement réduit ses ancêtres au rang de simples citoyens[5]. Artaxerxés s’empressa d’adopter cette dernière opinion. Comme héritier légitime de la monarchie, il résolut de faire saloir les droits qui l’appelaient. au trône ; et, rempli d’une noble ardeur, il forma le projet de délivrer les Perses de l’oppression sous laquelle ils avaient gémi plus de cinq siècles depuis la mort de Darius. Les Parthes furent vaincus ; trois grandes batailles décidèrent de leur sort. Dans la dernière, le roi Artaban perdit la vie, et le courage de la nation fut pour jamais anéanti[6]. Après une victoire si décisive, Artaxerxés fit reconnaître solennellement son autorité dans une assemblée tenue à Balk, ville du Khorasan. Deux jeunes princes de la maison des Arsacides restèrent confondus parmi les satrapes prosternés autour du vainqueur. Un troisième, plus animé par le sentiment de son ancienne grandeur que par celui d’une nécessité présente, voulut se réfugier, avec une suite nombreuse, à la cour de son parent le roi d’Arménie. Cette troupe de fuyards fut surprise et arrêtée par la vigilance des Perses. Ainsi le vainqueur[7] ceignit fièrement le double diadème, et prit, à l’exemple de son prédécesseur, le surnom de roi des rois. Loin de se laisser éblouir par l’éclat du trône, le nouveau monarque s’occupa des moyens de justifier le choix de sa nation. Tous les titres pompeux qu’il avait rassemblés sur sa tête ne servirent qu’à lui inspirer la noble ambition de rétablir la religion et l’empire de Cyrus, et de rendre à sa patrie son ancienne splendeur. Durant le long esclavage de Le grand article de la religion de Zoroastre, l’article qui sert de base à tout le système, est la fameuse doctrine des deux principes : effort hardi et al conçu de la philosophie orientale, pour concilier l’existence du mal moral et physique avec les attributs d’un créateur bienfaisant qui gouverne le monde. L’origine de toutes choses, le premier être, dans lequel ou par lequel l’univers existe, est appelé chez les Perses le temps sans bornes. Cependant, il faut l’avouer, cette substance infinie semble plutôt un être métaphysique, une abstraction de l’esprit, qu’un objet réel, animé par le sentiment intime de sa propre existence, et doué de perfections morales. Par l’opération aveugle ou par la volonté intelligente de ce temps infini, qui ne ressemble que trop au chaos des Grecs, Ormuzd et Ahriman sont engendrés de toute éternité : principes secondaires, mais les seuls actifs de l’univers, possédant tous les deux le pouvoir de créer, et chacun forcé par sa nature invariable, à exercer ce pouvoir selon des vues différentes[12]. Le principe du bien est éternellement adsorbé dans la lumière ; le principe du mal éternellement enseveli dans les ténèbres. Ormuzd tira l’homme du néant, le forma capable de vertu, et remplit son superbe séjour d’une foule de matériaux, sur lesquels devait s’élever l’édifice de son bonheur. Les soins vigilants de ce sage génie ramènent l’ordre constant des saisons, font mouvoir les planètes dans leurs orbites, et entretiennent l’harmonie des éléments. Mais il y a longtemps que la méchanceté d’Ahriman a percé l’œuf d’Ormuzd, ou, pour nous servir d’une expression plus simple, a violé l’harmonie de ses ouvrages. Depuis cette fatale irruption, tout est bouleversé ; les particules les plus déliées du bien et du mal, sont intimement mêlées entre elles, et fermentent perpétuellement. Auprès des plantes les plus salubres croissent de funestes poisons. Les déluges, les embrasements, les tremblements de terre, attestent les combats de la nature ; et l’homme dans sa petite sphère est sans cesse tourmenté par les assauts du vice et du malheur. Que les mortels se traînent en esclaves à la suite du barbare Ahriman ; le fidèle Persan seul adore son ami, son protecteur, le grand Ormuzd. Il combat sous sa bannière éclatante ; il marche auprès de lui, dans la ferme conviction qu’au dernier jour il partagera la gloire de son triomphe. A cette époque décisive, la sagesse lumineuse de la souveraine bonté rendra la puissance d’Ormuzd supérieure à la méchanceté de son rival. Désarmés et soumis, Ahriman[13] et ceux qu’il enchaîne à son char seront précipités dans les ténèbres ; et la vertu maintiendra à jamais la paix et l’harmonie de l’univers[14]. La théologie de Zoroastre parût toujours obscure aux étrangers, et même au plus grand nombre de ses disciples. Cependant les observateurs les moins pénétrants ont été frappés de la simplicité vraiment philosophique qui caractérise la religion des Perses. Ce peuple, dit Hérodote[15], rejette l’usage des temples, des autels et des statues. Il sourit des folles idées de ces nations qui s’imaginent que les dieux peuvent être issus des hommes, ou participer à leur nature. C’est sur la cime des plus hautes montagnes que les Perses offrent des sacrifices. Leur culte consiste principalement dans des prières et dans des hymnes sacrés. L’objet qu’ils invoquent est cet être suprême dont l’immensité remplit la vaste étendue des cieux. » Mais on reconnaît dans l’historien grec les idées du polythéisme, lorsqu’il attribue, en même temps aux disciples de Zoroastre la coutume d’adorer la terre, l’eau, le feu, les vents, le soleil et la lune. De tout temps les Perses ont entrepris d’éloigner cette imputation, en expliquant les motifs d’une conduite un peu équivoque : s’il révéraient les éléments, et surtout le feu, la lumière et le soleil, en leur langue Mithra[16], c’est qu’ils les regardaient comme les symboles les plus purs, les productions les plus nobles, et les agents les plus actifs de la nature et de la puissante divine[17]. Pour faire une impression profonde et durable sur l’esprit humain, toute. religion doit exercer notre obéissance, en nous prescrivant des pratiques de dévotion dont il nous soit impossible d’assigner le motif. Elle doit encore gagner notre estime, en inculquant dans notre âme des devoirs de morale analogues aux mouvements de notre propre coeur. Zoroastre avait employé avec profusion le premier de ces moyens, et suffisamment le second. Dés que le fidèle Persan avait atteint l’âge de puberté, on lui donnât une ceinture mystérieuse, gage de la protection divine ; et depuis ce moment, toutes les actions de sa vie, les plus nécessaires comme les plus indifférentes, étaient également sanctifiées par des prières, des éjaculations ou des génuflexions. Aucune circonstance particulière ne devait le dispenser de ces cérémonies ; la plus légère omission l’aurait rendu aussi coupable que s’il eût manqué à la justice, à la compassion, à la libéralité et à tous les devoirs de la morale[18]. D’un autre côté, ces devoirs essentiels étaient indispensablement prescrits au disciple de Zoroastre, qui voulait échapper aux persécutions d’Ahriman, et qui aspirait à vivre avec Ormuzd dans une éternité bienheureuse, où le degré de félicité est exactement proportionné au degré de piété et de vertu dont on a donné l’exemple sur la terre[19]. Zoroastre ne s’exprime pas toujours en prophète ;
quelquefois il prend le ton de législateur. C’est alors qu’il paraît
s’occuper du bonheur des peuples, et laisse voir, sur ces différents sujets,
une élévation d’esprit que l’on découvre rarement dans les méprisables ou
extravagants systèmes de la superstition. Le jeûne et le célibat lui semblent
odieux ; il condamne ces moyens si ordinaires d’acheter la faveur divine :
selon lui, il n’est point de plus grand crime que de dédaigner ainsi les dons
précieux d’une providence bienfaisante. La religion des mages ordonne â
l’homme pieux d’engendrer des enfants, de planter des arbres utiles, de
détruire les animaux nuisibles, d’arroser le sol aride de Tous les ans on célébrait au printemps une fête destinée à
rappeler l’égalité primitive, et à représenter la dépendance réciproque du
genre humain. Les superbes monarques de Si toutes les institutions de Zoroastre eussent porté
l’empreinte de ce caractère élevé, son nom eût été digne d’être prononcé avec
ceux de Numa et de Confucius ; et ce serait à juste titre que l’on
donnerait à son système tous les éloges qui lui ont été prodigués par quelques-uns
de nos théologiens, et même de nos philosophes. Mais, dans ses productions bizarres,
fruit d’une passion aveugle et d’une raison éclairée, on reconnaît le langage
de l’enthousiasme et de l’intérêt personnel. Les vérités importantes et
sublimes qu’il annonce sont dégradées, par un mélange de superstition méprisable
et dangereuse. Les mages formaient une classe très considérable de l’État.
Nous les avons déjà vus paraître, dans une assemblée au nombre de
quatre-vingt mille. La discipline multipliait leurs forces ; ils composaient,
une hiérarchie régulière répandue dans toutes les provinces de Ces maximes importantes de respect et d’une foi implicite étaient sans doute gravées avec le plus grand soin dans l’âme tendre des jeunes Perses, puisque l’éducation appartenait aux mages, et que l’on remettait entre leurs mains les enfants même de la famille royale[26]. Les prêtres, doués d’un génie spéculatif, étudiaient et dérobaient aux yeux de la multitude les secrets de la philosophie orientale. Ils acquéraient, par des connaissances profondes, ou par une grande habileté, là réputation d’être très versés dans quelques sciences occultes, qui, par la suite, ont tiré des mages leur dénomination[27]. Ceux qui avaient reçu de la nature des dispositions plus actives que les autres, passaient leur vie dans le monde, au milieu des intrigues des cours et du tumulte des villes ; et tant qu’Artaxerxés tint les rênes du gouvernement, la politique ou la superstition l’engagea à se laisser diriger par les avis de l’ordre sacerdotal, dont il rétablit la dignité dans tout son éclat[28]. Le premier conseil que les mages donnèrent à ce prince
était conforme au génie intolérant de leur religion[29], à la pratique
des anciens rois[30] ; et même à
l’exemple de leur législateur, qui, victime du fanatisme, avait perdu la vie
dans une guerre allumée par son zèle opiniâtre[31]. Artaxerxés
proscrivit, par un arrêt rigoureux, l’exercice de tout culte, excepté celui
de Zoroastre. Les temples des Parthes, et les statues de leurs monarques qui
avaient reçu les honneurs de l’apothéose, furent renversés avec ignominie[32]. On brisa
facilement l’épée d’Aristote[33], nom que les
Orientaux avaient imaginé pour désigner le polythéisme et la philosophie des
Grecs. Les flammes de la persécution enveloppèrent les juifs et les chrétiens[34] les plus
attachés à leurs dogmes ; elles n’épargnèrent pas même les hérétiques de
la nation : la majesté d’Ormuzd, qui ne pouvait reconnaître de rival, fut
secondée par le despotisme d’Artaxerxés, qui ne pouvait souffrir de rebelles,
et les schismatiques furent bientôt réduits au nombre de quatre vingt mille,
nombre peu considérable pour un si vaste empire[35]. Cet esprit de
persécution déshonore le culte de Zoroastre ; mais, comme il ne produisit
aucune dissension civile, il servit à resserrer les liens de la nouvelle
monarchie, en rassemblant tous les habitants de Artaxerxés, par sa valeur et par sa conduite, avait l’autorité
arraché le sceptre de l’Orient à la dynastie des Parthes. Lorsqu’il n’eut
plus d’ennemis à combattre, il lui resta la tâche, plus difficile, d’établir
dans toute l’étendue de Dans le dernier siècle, ce pays pouvait contenir cinq cent cinquante-quatre villes, soixante mille villages, et environ quarante millions d’âmes[41]. Si l’on compare l’administration des Sassanides avec le gouvernement de la maison de Sefi, l’influence politique des mages avec celle de la religion mahométane, on supposera facilement que les États d’Artaxerxés renfermaient au moins un aussi grand nombre de villes, de villages et d’habitants. Mais le défaut de ports sur les côtes, et dans l’intérieur la rareté de l’eau, ont toujours beaucoup nui au commerce et l’agriculture des Perses, qui semblent, en parlant de leur population, s’être laissés aller à l’une des prétentions les moins relevées, mais les plus ordinaires de la vanité nationale. Dés qu’Artaxerxés eut triomphé de ses rivaux, son ambition se porta vers les États voisins, qui, durant le sommeil léthargique de ses prédécesseurs, avaient insulté avec impunité un royaume affaibli. Il remporta quelques victoires faciles sur les Scythes indisciplinés et sur les Indiens amollis ; mais il trouva dans les Romains des ennemis formidables, dont les outrages réitérés l’excitaient à la vengeance, et avec lesquels il ne pouvait se mesurer, sans employer les plus grands efforts. Quarante ans de tranquillité, fruit de la valeur et de la
modération, avaient succédé aux conquêtes de Trajan. L’empire, depuis l’avènement
de Marc-Aurèle jusqu’au règne d’Alexandre Sévère, avait été deux fois en
guerre avec les Parthes ; et quoique les Arsacides eussent alors développé
toutes leurs forces contre une partie seulement des troupes romaines, les
Césars furent presque toujours victorieux. A la vérité, le timide Macrin,
enchaîné par une situation précaire, acheta la paix au prix de deux millions
sterling[42].
Mais les généraux de Marc-Aurèle, l’empereur Sévère, son fils même, avaient
érigé en Arménie, dans Séleucie , bâtie sur la rive occidentale du Tigre, à
quinze lieues environ au nord de l’ancienne Babylone, était la capitale des
Macédoniens, dans la Haute Asie[43]. Plusieurs
siècles après la chute de leur empire, cette ville avait conservé le
véritable caractère de ses fondateurs : on y retrouvait encore les arts, le
courage militaire et l’amour de la liberté, qui distinguaient les colonies
grecques. Un sénat, composé de trois cents nobles, gouvernait cette république
indépendante. Six cent mille citoyens y vivaient tranquillement à l’abri de
leurs remparts fortifiés ; et tant que les différents ordres de l’État demeurèrent
unis, ils n’eurent que du mépris pour la puissance des Parthes. Mais
quelquefois d’insensés factieux implorèrent le secours dangereux de l’ennemi
commun, qu’ils voyaient posté presque aux portes de la ville[44]. Les souverains
des Parthes se plaisaient, comme les monarques de l’Indoustan, à mener la vie
pastorale des Scythes leurs ancêtres. Ils campaient souvent dans la plaine de
Ctésiphon, sur la rive orientale du Tigre, à la distance seulement de trois
milles de Séleucie[45]. Le luxe et le
despotisme attiraient autour du prince une foule innombrable; et le petit
village de Ctésiphon devint insensiblement une grande ville[46]. Les Romains,
sous le règne de Marc-Aurèle, pénétrèrent jusque dans ces contrées [an 165].
Reçus en amis par la colonie grecque, ils attaquèrent, les armes à la main,
le siége de la grandeur des Parthes. Les deux villes éprouvèrent cependant le
même traitement. Les Romains flétrirent leurs lauriers[47] par le pillage de
Séleucie et par le massacre de trois cent mille habitants. Cette superbe cité,
qu’avait déjà épuisée le voisinage d’un rival trop puissant, succomba
sous le coup fatal [an 198].
Ctésiphon seule sortit de ses ruines ; et, dans un espace de
trente-trois ans, elle avait repris assez de force pour soutenir un siège
opiniâtre contre l’empereur Sévère. Elle fut néanmoins emportée d’assaut, et
le roi qui la défendait en personne se sauva précipitamment. Cent mille
captifs et de riches dépouilles récompensèrent les travaux des soldats
romains[48].
Babylone, Séleucie, n’existaient plus : ainsi, malgré tant de malheurs,
Ctésiphon conserva le rang d’une des plus grandes capitales de l’Asie. En été,
les vents rafraîchissants qui sortent des montagnes de Les Romains, quoique victorieux, ne tirèrent aucun
avantage réel ni durable de leurs expéditions, et jamais ils ne songèrent à
conserver des conquêtes si éloignées, séparées de leur empire par de vastes
déserts. L’acquisition de l’Oshroène, moins brillante à la vérité, leur
devint bien plus importante. Ce petit État renfermait la partie
septentrionale et la plus fertile de Lorsque Artaxerxés prit les armes, la gloire et la
prudence auraient put le justifier, s’il eût borne ses vues à l’acquisition
ou à la défense d’une frontière utile. Mais l’ambition lui avait tracé un
plan de conquête bien plus vaste, et il se persuada qu’il pouvait employer la
raison, aussi bien que la force, pour soutenir ses prétentions excessives.
Cyrus était le modèle qu’il se proposait d’imiter. Ce héros, disait-il dans son
message à l’empereur Alexandre Sévère, subjugua le premier toute l’Asie, et
ses successeurs en restèrent longtemps les maîtres. Leurs domaines touchaient
à Quatre cents Perses, d’une beauté et d’une taille remarquables, furent chargés de ce fier message. Ils s’efforcèrent, par de superbes chevaux, par des armes magnifiques et par une suite brillante, de déployer l’orgueil et la grandeur de leur maître[53]. Une pareille ambassade était moins une offre de négociation, qu’une déclaration de guerre. Les deux monarques rassemblèrent aussitôt toutes leurs forces ; et prirent le parti de conduire leurs armées en personne. Il existe encore un discours de l’empereur lui-même, qui
fut prononcé à cette occasion, dans le sénat. Si nous en croyons ce monument
qui semblerait devoir être authentique, la victoire d’Alexandre Sévère égala
toutes celles que le fils de Philippe avait autrefois remportées sur les
Perses. L’armée du grand roi était composée de cent vingt mille chevaux tout enharnachés
en airain, de dix huit cents chariots armés de faux, et de sept cents éléphants
qui portaient des tours remplies d’archers. Les annales de l’Asie n’ont
jamais présenté de description si pompeuse : à peine même les Orientaux en
ont-ils imaginé de semblables dans leurs romans[54]. Malgré ce
redoutable appareil, l’ennemi fut entièrement vaincu dans une grande bataille
où l’empereur romain développa tout le courage d’un soldat intrépide, et les talents d’un général
expérimenté. Le grand, roi prit la fuite. Un butin immense et la conquête de Nos soupçons sont confirmés par l’autorité d’un historien
contemporain qui honore les vertus d’Alexandre et qui expose de bonne foi les
fautes de ce prince. Il trace d’abord le plan judicieux formé pour la
conduite de la guerre. Trois armées romaines devaient s’avancer par différents
chemins, et envahir Le règne d’Artaxerxés, qui, depuis la dernière défaite des
Parthes, gouverna A cette époque, la nation persane, depuis longtemps
civilisée et corrompue, était bien loin de posséder la valeur qu’inspirent
l’indépendance, la force du corps et l’impétuosité de l’âme, qui ont livré
l’empire de l’univers aux Barbares du septentrion. Les principes d’une tactique
éclairée, qui rendirent triomphantes, Rome et Mais les nobles de ce royaume conservèrent toujours, au sein de la mollesse et sous le joug du despotisme, un sentiment profond de courage personnel et d’honneur national. Dès qu’ils avaient atteint l’âge de sept ans, on leur enseignait à fuir le mensonge, tirer de l’arc et à monter à cheval : ils excellaient surtout dans ces deux derniers arts[63]. Les jeunes gens les plus distingués étaient élevés sous les yeux du monarque ; ils apprenaient leurs exercices dans l’enceinte du palais. On les accoutumait de bonne heure à la sobriété et à l’obéissance ; et leurs corps, endurcis par des chasses longues et pénibles, devenaient ensuite capables de supporter les plus grandes fatigues. Dans chaque province, le satrape avait à sa cour une école semblable. Les seigneurs persans étaient tenus au service militaire, en conséquence des terres et des maisons que la bonté du roi leur accordait, tant est naturelle l’idée du gouvernement féodal. Au premier signal, ils montaient à cheval et volaient aux armes, suivis d’une troupe brillante et remplie d’ardeur, qui se joignait aux corps nombreux des gardes, choisis avec soin parmi les esclaves les plus robustes et lest, aventuriers les. plus braves de l’Asie. Ces cavaliers, également redoutables par l’impétuosité du choc et par la rapidité des mouvements menaçaient sans cessé l’empire romain ; et les habitants des provinces orientales voyaient tous les jours se former les nuages qui présageaient les malheurs et la désolation de leur patrie[64]. |
[1] Un ancien chronologiste, cité par Velleius Paterculus (l. I, c. 6), observe que les Assyriens, les Mèdes, les Perses et les Macédoniens, régnèrent en Asie mille neuf cent quatre vingt quinze ans depuis l’avènement de Ninus jusqu’à la défaite d’Antiochus par les Romains. Comme le dernier de ces deux événements arriva cent quatre-vingt-neuf ans avant Jésus-Christ, le premier peut-être placé deux mille cent quatre-vingt-quatre ans avant la même époque. Les observations astronomiques trouvées à Babylone, par Alexandre, remontaient cinquante ans plus haut.
[2] L’histoire de Perse fait mention de quatre dynasties depuis les premiers âges jusqu’à l’invasion des Sarrasins celle des Pischdadides, celle des Céanides, celle des Aschkanides ou Arsacides, celle des Sassanides. La première commence à Kaiomaros, que l’on confond souvent avec Noé. C’est le temps fabuleux, on y trouve des règnes de sept cents et de neuf cents ans. Les combats de ces premiers rois contre les giels ou mauvais esprits, et leurs disputes subtiles avec les dews ou fées, sont aussi risibles que les combats de Jupiter, de Vénus, de Kirs et des autres divinités grecques.
L’histoire de la dynastie des Céanides rappelle les héros grecs ou nos paladins : elle renferme les actions héroïques de Rostam, et ses combats contre Affendiar, le fils aîné de Guschtasps. Le grand Cyrus fut, pendant la durée de cette dynastie, le véritable fondateur du royaume des Perses. Le dernier de ces rois, Iskander, confia les satrapies aux grands du pays : l’un d’eux, Aschek ou Arsaces, se fit roi, et fut la tige de la dynastie des Arsacides.
Les historiens perses n’ont conservé le nom que d’un très petit nombre de ces monarques, dont la race fut enfin chassée par Ardshir-Babekan ou Artaxerxés, fondateur de la dynastie des Sassanides, qui dura quatre cent vingt-cinq ans. Voyez une dissert. de Fréret, Mémoires de l’Acad. des Inscript. et Belles-Lettres, t. XVI (Note de l’Éditeur).
[3] Dans la cinq cent trente-huitième année de l’ère de Séleucus. Voyez Agathias, l. II, p. 63. Ce grand événement (tel est le peu d’exactitude des Orientaux) est avancé par Eutychius jusque dans la dixième année du règne de Commode, et reculé par Moïse de Chorène jusque sous l’empereur Philippe. Ammien Marcellin, a puisé dans de bonnes sources pour l’histoire de l’Asie ; mais il copie ses matériaux si servilement, qu’il représente les Arsacides encore assis sur le trône des Perses dans le milieu du quatrième siècle.
[4] Le nom du tanneur était Babek, celui du soldat, Sassan : d’où Artaxerxés fut nominé Babekan, et tous les descendants de ce prince ont été appelés Sassanides.
[5] D’Herbelot, Bibliothèque orientale, au mot Ardshir.
[6] Dion Cassius, l. LXXX ; Hérodien, l. VI, p. 20 ; Abulpharage Dyn, p. 80.
[7] Voyez Moïse de Chorène, l. II, c. 65-71.
[8] Hyde et Prideaux, qui ont composé, d’après les légendes persanes et leurs propres conjectures une histoire très agréable, prétendent que Zoroastre fut contemporain de Darius-Hystaspes ; mais il suffit de faire remarquer que les écrivains grecs, qui vivaient presque dans le même siècle, s’accordent à placer l’ère de Zoroastre quelques centaines d’années ou même mille ans plus haut. Cette observation n’a pas échappé à M. Moyle, qui, à l’aide d’une critique judicieuse, a soutenu contre le docteur Prideaux, son oncle, l’antiquité du prophète persan. Voyez son ouvrage, vol. II.
[9] Cet ancien idiome était appelé le zend. Le langage du commentaire, le pehlvi, quoique beaucoup plus moderne, a cessé, depuis plusieurs siècles, d’être une langue vivante. Ce seul fait, s’il est authentique, garantit suffisamment l’antiquité des ouvrages apportés en Europe par M. Anquetil, et que ce savant a traduits en français.
………………
Zend signifie vie, vivant.
Ce mot désigne, soit la collection des livres canoniques des disciples de
Zoroastre, soit la langue même dans laquelle ils sont écrits. Ce sont aussi les
livres qui renferment la parole de vie, soit que la langue ait porté
originairement le nom de zend, soit qu’on le lui ait donné à cause du contenu
des livrés. Avesta signifie parole, oracle, révélation, leçon : ce mot ne
désigne pas non plus le titre d’un ouvrage particulier, mais la collection des
livres de Zoroastre, comme Révélation d’Ormuzd. Cette collection se nomme ainsi
tantôt Zend-Avesta, tantôt Zend tout court.
Le zend était l’ancienne
langue de
1° Que le zend était
réellement une langue autrefois vivante et variée dans une partie de
2° Que la langue dans
laquelle sont écrits les livres qui renferment la doctrine de Zoroastre est
bien l’ancien zend; en sorte qu’ils n’ont pu être écrits que dans un temps où
cette langue était encore vivante et parlée;
3° Que le zend, depuis qu’il
est une langue parlée, n’a plus été eu usage comme langue écrite i de sorte que
les livres écrits en zend n’ont pu l’être que dans le temps où le zend tuait
langue vivante.
Quant à l’époque où le zend
a été langue parlée et où Zoroastre a vécu, elle est encore parmi les érudits
un objet de discussion : les uns, tels que Hyde et Anquetil lui-même, placent Zoroastre
sous la dynastie des rois perses, commencée par Cyrus, et le font contemporain
de Darnes-Hystaspes ; ce qui placerait sa vie au milieu du sixième siècle avant
Jésus-Christ ; les autres, tels que MM. Tychsen, Heeren, etc., le placent sous
la dynastie des Mèdes, et pensent que le roi Guschtasps, sous lequel Zoroastre
lui-même dit avoir vécu, est le même que Cyaxare Ier, de la race des Mèdes, qui
régnait soixante-dix ans avant Cyrus, et cent ans avant Darius-Hystaspes. Cette
opinion, appuyée sur plusieurs passages du Zend-Avesta, paraît la plus
vraisemblable : la description que donne Zoroastre lui-même, au commencement de
son Vendidad, des provinces et des principales villes du royaume de Guschtasps,
ne saurait convenir aux rois perses, et s’applique à la dynastie des Mèdes.
Quelques critiques, entre autres l’abbé Foucher, reconnaissent deux Zoroastre :
le plus ancien (autrement appelé Zerdusht), véritable fondateur de la religion
des mages, a dû vivre sous Cyaxare Ier ; et le second, simple réformateur, sous
Darius-Hystaspes. Cette opinion n’est fondée que sur un passage de Pline
l’Ancien, dont l’autorité est très douteuse, parce que les connaissances des
Grecs et des Latins sur Zoroastre sont pleines d’incertitudes et de
contradictions. Voyez Hyde, de Rel. vet.
Pers., p. 303, 312, 335 ; une dissertation du professeur Tychsen , de
Religionum zoroastricarum, apud veteres gentes, vestigiis. In comment. soc.
Goet. , t. II, p. 112 ; une dissertation de l’abbé Foucher sur la personne de
Zoroastre, Mémoires de l’Académie des
Inscript. et Belles-Lettres, t. XXVII, p. 253-394.
Le pehlvi était la langue des pays limitrophes de l’Assyrie, et vraisemblablement de l’Assyrie elle-même. Pehlvi signifie force, héroïsme; le pehlvi était aussi la langue des anciens héros et des rois de Perse, des forts. On y trouve une foule de racines araméennes. Anquetil le croit formé du zend ; Kleuker ne partage pas cette idée : Le pehlvi, dit-il, est beaucoup plus coulant et moins surchargé de voyelles que le zend. Les livres de Zoroastre, écrits d’abord en zend, furent traduits dans la suite en pehlvi et en parsi. Le pehlvi était déjà tombé en désuétude sous la dynastie des Sassanides, mais les savants l’écrivaient encore. Le parsi, originaire du Pars ou Farsistan, était alors le dialecte régnant. Voyez Kleukers Anliang zum Zend-Avesta, t. II, part. I, p. 158 ; part. II, p. 3 et sqq. (Note de l’Éditeur).
[10] Hyde, de Religione veterum Persarum, c. 21.
[11] J’ai principalement tiré ce tableau du Zend-Avesta de M. Anquetil, et du Sadder qui se trouve joint au traité du docteur Hyde ; cependant, il faut l’avouer, l’obscurité étudiée d’un prophète, le style figuré des Orientaux, et l’altération qu’a pu souffrir le texte dans une traduction française ou latine, nous ont peut-être induit en erreur, et peuvent avoir introduit quelques hérésies dans cet abrégé de la théologie des Perses.
[12] Il y a ici une erreur : Ahriman n’est point forcé, par sa nature invariable, à faire le mal ; le Zend-Avesta reconnaît expressément (voyez l’Izeschné) qu’il était né bon ; qu’à son origine il était lumière ; mais l’envie le rendit mauvais ; il devint jaloux de la puissance et des attributs d’Ormuzd : alors la lumière se changea en ténèbres, et Ahriman fut précipité dans l’abîme. Voyez l’Abrégé de la doctrine des anciens Perses, en tête du Zend-Avesta, par Anquetil, c. 22. (Note de l’Éditeur)
[13] D’après le Zend-Avesta, Ahriman ne sera point anéanti ou précipité pour jamais dans les ténèbres : à la résurrection des morts, il sera entièrement défait par Ormuzd ; sa puissance sera détruite, son royaume bouleversé jusque dans ses fondements : il sera purifié lui-même dans des torrents de métal embrasé ; il changera de cœur et de volonté, deviendra saint, céleste, établira dans son empire la loi et la parole d’Ormuzd ; se liera avec lui d’une amitié éternelle, et tous deux chanteront des hymnes de louange en l’honneur de l’Éternité par excellence. Voyez l’Abrégé précité, ibid. ; Kleukers Anhan, IIIe partie, p. 85, n° 36 ; l’Izeschné, l’un des livres du Zend-Avesta.
D’après le Sadder Bun-Dehesch, ouvrage plus moderne, Ahriman doit être anéanti ; mais cela est contraire et, au texte même du Zend-Avesta, et à l’idée que son auteur nous donne du royaume de l’Éternité tel qu’il doit être après les douze mille ans assignés à la durée de la lutte entre le bien et le final. (Note de l’Editeur)
[14] Aujourd’hui les Parsis (et en quelque façon le Sadder) érigent Ormuzd en cause première et toute-puissante, tandis qu’ils abaissent Ahriman, et le représentent comme un esprit inférieur, mais rebelle. Leur désir de plaire aux mahométans a peut-être contribué à épurer leur système théologique.
[15] Hérodote, l. I, c. 131 ; mais le docteur Prideaux pense, avec raison, que l’usage des temples fut permis par la suite dans la religion des mages.
[16] Mithra n’était point le Soleil chez les Perses : Anquetil a combattu et victorieusement réfuté l’opinion de ceux qui les confondent, et elle est évidemment contraire au texte du Zend-Avesta. Mithra est le premier des génies ou jzeds créés par Ormuzd ; c’est lui ‘qui veille sur toute la nature : de là est venue la croyance de quelques Grecs, qui ont dit que Mithra était le sumnius Deus des Perses. Il a mille oreilles et dix mille yeux. Les Chaldéens paraissent lui avoir assigné un rang plus élevé que les Perses. C’est lui qui a donné à la terre la lumière du Soleil : le Soleil, nommé Khor (éclat), est ainsi un génie inférieur, qui, avec plusieurs autres génies, prend part aux fonctions de Mithra. Ces génies collaborateurs d’un autre génie sont appelés ses kamkars ; mais ils ne sont jamais, confondus dans le Zend-Avesta. Dans les jours consacrés à un génie, le Persan doit réciter, non seulement les prières qui lui sont destinées, mais celles qui sont destinées à ses kamkars : ainsi l’hymne ou iescht de Mithra se récite dans le jour consacré au Soleil (Khor), et vice versa. C’est probablement là ce qui parfois les a fait confondre. Mais Anquetil avait lui-même relevé cette erreur, qu’ont signalée Kleuker et tous ceux qui ont étudié le Zend-Avesta. Voyez la huitième dissertation d’Anquetil ; Kleukers Anhang, part. III, p. 132. (Note de l’Éditeur)
[17] Hyde, de Rel. Pers., c. 8. Malgré toutes leurs distinctions et toutes leurs protestations, qui paraissent assez sincères, leurs tyrans, les mahométans, leur ont toujours reproché, d’être adorateurs idolâtres du feu.
[18] Zoroastre était beaucoup moins exigeant en fait de cérémonies, que ne le furent dans la suite les prêtres de sa doctrine : telle a été la marche de toutes les religions ; leur culte, simple dans l’origine, s’est graduellement surchargé de pratiques minutieuses. La maxime du Zend-Avesta, rapportée ci-après, prouve que Zoroastre n’avait pas attaché à ces pratiques autant, d’importance que Gibbon parait le croire. C’est ce que prouve cette maxime, citée par Gibbon lui-même : Celui qui sème des grains avec soin et avec activité, amasse plus de mérites que s’il avait répété dix mille prières. Aussi n’est-ce point du Zend-Avesta que Gibbon a tiré la preuve de ce qu’il avance, mais du Sadder, ouvrage très postérieur. (Note de l’Éditeur)
[19] Voyez le Sadder, dont la moindre partie consiste en préceptes de morale : les cérémonies prescrites sont infinies, et la plupart ridicules. Le fidèle Persan est obligé à quinze génuflexions, prières, etc., lorsqu’il coupe ses ongles ou satisfait à des besoins naturels, etc., ou toutes les fois qu’il met la ceinture sacrée. Sadder, art. 14, 50, 60.
[20] Zend-Avesta, tome I, p. 224 ; et Précis du système de Zoroastre, tome III.
[21] Hyde, de Rel. Pers., c. 19.
[22] Le même, c. 28. Hyde et Prideaux affectent d’appliquer à la hiérarchie des mages les termes consacrés à la hiérarchie chrétienne.
[23] Ammien Marcellin, XXIII, 6. Il nous apprend (si cependant nous pouvons croire cet auteur) deux particularités curieuses : la première, que les mages tenaient des brames de l’Inde quelques-uns de leurs dogmes les plus secrets ; la seconde, que les mages étaient une tribu ou une famille aussi bien qu’un ordre.
[24] N’est-il pas surprenant que les dîmes soient d’institution divine dans la loi de Zoroastre comme dans celle de Moïse ? Ceux qui ne savent pas comment expliquer cette conformité peuvent supposer, si cela leur convient, que dans des temps moins reculés, les mages ont inséré un précepte si utile dans les écrits de leur prophète.
……………
Le passage que cité Gibbon n’est point tiré des écrits de Zoroastre lui-même, mais du Sadder, ouvrage, comme je l’ai déjà dit, fort postérieur aux livres qui composent le Zend-Avesta, et fait par un mage pour servir au peuple : il ne faut donc pas attribuer à Zoroastre ce qu’il contient. Il est singulier que Gibbon paraisse s’y tromper car Hyde lui-même n’a pas attribué le Sadder â Zoroastre, et fait remarquer qu’il est écrit en vers, tandis que Zoroastre a toujours écrit en prose (Hyde, c. I, p. 27). Quoiqu’il en soit de cette dernière assertion, qui parait peu fondée, la postériorité du Sadder est incontestable : l’abbé Foucher ne croit pas même que ce soit un extrait des livres de Zoroastre. Voyez sa dissertation déjà citée, Mém. de d’Acad. des Inscript. et Belles-Lettres, t. XXVII. (Note de l’Éditeur)
[25] Sadder, art. 8.
[26] Platon, dans l’Alcibiade.
[27] Pline (Hist. nat., l. XXX, c. I) observe que les magiciens tenaient le genre humain sous la triple chaîne de la religion, de la médecine et de l’astronomie.
[28] Agathias, l. IV, p. 134.
[29] M. Hume, dans l’Histoire naturelle de
[30] Cicéron, de Legibus, II, 10. Ce furent les mages
qui conseillèrent à Xerxès de détruire les temples de
[31] Hyde, de Rel. Pers., c. 23, 24 ; d’Herbelot, Bibliothèque orientale, au mot Zerdusht ; Vie de Zoroastre, t. II, du Zend-Avesta.
[32] Comparez Moïse de Chorène, l. II, c. 74, avec Ammien Marcellin, XXIII, 6. Je ferai usage par la suite de ces passages.
[33] Rabbi, Abraham, dans le Tanickh-Schickard, p. 108, 109.
[34] Basnage, Histoire des Juifs, l. VIII, c. 3. Sozomèrne, l. II, c. I. Manès, qui souffrit une mort ignominieuse, peut être regardé comme hérétique de la religions mages aussi bien que comme hérétique de la religion chrétienne.
[35] Hyde, de Rel. Pers., c. 21.
[36] Ces colonies étaient extrêmement nombreuses. Séleucus-Nicator fonda trente-neuf villes, qu’il appela de son nom ou de celui de ses parents. (Voyez Appien, in Syriac, p. 124) L’ère de Séleucus, toujours en usage parmi les chrétiens de l’Orient, paraît, jusque dans l’année 508, la cent quatre-vingt-seizième de Jésus-Christ, sur les médailles des villes grecques renfermées dans l’empire des Parthes. Voyez les Œuvres de Moyle, vol. I, p. 273 ,etc., et M. Fréret, Mém. de l’Académie, t. XIX.
[37] Les Perses modernes appellent cette période la dynastie des rois des nations. Voyez Pline, Hist. nat., VI, 25.
[38] Eutychius (tome I, p. 367 , 371, 375) rapporte le siège de l’île de Mesène dans le Tigre, avec des circonstances assez semblables à l’histoire de Nisus et de Scylla.
[39] Agathias, II, 164. Les princes du Segestan défendirent leur indépendance pendant quelques années. Comme les romanciers en général, placent dans une période reculée les événements de leur temps, cette histoire véritable a peut-être donné lieu aux exploits fabuleux de Rostam, prince du Segestan.
[40] On peut à peine
comprendre dans la monarchie persane la côte maritime de Gedrosie ou Mekran,
qui s’étend le long de l’océan Indien, depuis le cap de Jask (le promontoire
Capella) jusqu’au cap Goadel. Du temps d’Alexandre, et probablement plusieurs
siècles après, ce pays n’avait pour habitants que quelques tribus de sauvages ichtiophages, qui ne possédaient aucun
art, qui ne reconnaissaient aucun maître, et que d’affreux déserts séparaient
d’avec le reste du monde (Voyez Arrien, de
Reb. indicis). Dans le douzième siècle, la petite ville de Taiz, que M.
d’Anville suppose être
[41] Pour l’étendue et
pour la population de
[42] Dion, l. XXVIII, p. 335.
[43] Pour connaître la situation exacte de Babylone, de Séleucie, de Ctésiphon, de Modain et de Bagdad, villes souvent confondues l’une avec l’autre, voyez une excellente dissertation de M. d’Anville, Mémoires de l’Académie, tome XXX.
[44] Tacite, Ann., XI, 42 ; Pline, Hist. nat., VI, 26.
[45] C’est ce que l’on peut inférer de Strabon, l. VI, p. 743.
[46] Bernier, ce voyageur curieux qui suivit le camp d’Aurengzeh depuis Delhi jusqu’à Cachemire (voyez Hist. des Voyages, tome X), décrit avec une grande exactitude cette immense ville mouvante. Les gardes à cheval consistaient en trente-cinq mille hommes, les gardes à pied en dix mille. On compta que le camp renfermait cent cinquante mille chevaux, mulets et éléphants, cinquante mille chameaux, cinquante mille bœufs, et entre trois et quatre cent mille personnes. Presque tout Delhi suivait la cour, dont la magnificence soutenait l’industrie de cette grande capitale.
[47] Dion, l. LXXI, p. 1178 ; Histoire Auguste, p. 38. Eutrope, VIII, 10. Eusèbe, in Chron. Quadratus (cité dans l’Histoire Auguste) entreprend d’excuser les Romains, en assurant que les habitants de Séleucie s’étaient d’abord rendus coupables de trahison.
[48] Dion, l. LXXV, p. 1263 ; Hérodien, l. III, p. 120 ; Hist. Auguste, p. 70.
[49] Les habitants policés d’Antioche appelaient ceux d’Édesse un mélange de Barbares. Il faut cependant dire, en faveur de ceux-ci, qu’on parlait à Édesse l’araméen, le plus pur et le plus élégant des trois dialectes du syriaque. M. Bayer a tiré cette remarque (Hist. Edess., p. 5) de George de Malatie, auteur syrien.
[50] Dion, l. LXXV, p.
1248, 1249,
[51] Depuis Oshroès, qui donna un nouveau nom au pays, jusqu’au dernier Abgare, ce royaume à duré trois cent cinquante-trois ans. Voyez le savant ouvrage de M. Bayer : Historia Oshrocna et Edessena.
[52] Xénophon, dans la
préface de
[53] Hérodien, VI, 209, 212.
[54] À la bataille d’Arbelle, Darius avait deux cents chariots armés de faux. Dans l’armée nombreuse de Tigrane, qui fut vaincu par Lucullus, on ne comptait que soixante-dix mille chevaux complètement armés. Antiochus mena cinquante-quatre éléphants contre les Romains. Ce prince, au moyen des guerres et des négociations fréquentes qu’il avait eues avec les souverains de l’Inde, était parvenu à rassembler cent cinquante de ces animaux ; mais on peut douter que le plus puissant monarque de l’Indoustan ait formé sur le champ de bataille une ligne de sept cents éléphants. Au lieu de trois ou quatre mille éléphants que le grand Mogol avait, comme on le prétendait, Tavernier (Voyages, part. II, 1. I, p. 198) découvrit, après des recherches exactes, que ce prince en avait seulement, cinq cents pour son bagage, et quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour le service de la guerre. Les Grecs ont varié sur le nombre de ceux que Portas mena sur le champ de bataille ; mais Quinte-Curce (VIII, 13), qui, dans cet endroit, est judicieux et modéré, se contente de quatre-vingt-cinq éléphants remarquables par leur force et par leur grandeur. Dans le royaume de Siam, où ces animaux sont le plus nombreux et le plus estimés, dix-huit éléphants paraissent suffisants pour chacune des neuf brigades dont est composée une armée complète. Le nombre entier qui est de cent soixante-deux éléphants de guerre, peut quelquefois être doublé. Histoire des Voyages, tome IX, p. 260.
[55] Histoire Auguste, p. 133.
[56] Voyez une note ajoutée au chap. 6, sur le règne d’Alexandre-Sévère et sur cet événement (Note de l’Éditeur).
[57] M. de Tillemont a déjà observé que la géographie d’Hérodien est un peu confuse.
[58] Moïse de Chorène (Hist. d’Arménie, l. II, c. 71) explique cette
invasion de
[59] Voyez pour le détail de cette guerre, Hérodien, l. VI, p. 209, 212. Les anciens abréviateurs et les compilateurs modernes ont aveuglément suivi l’Histoire Auguste.
[60] Eutychius, tome II, p. 180, publié par Prococke. Le grand Chosroès-Noushirwan envoya le code d’Artaxerxés à tous ses satrapes, comme la règle invariable de leur conduite.
[61] D’Herbelot, Bib. of orient., au mot Ardshir. Nous pouvons observer qu’après une ancienne période remplie de fables, et un long intervalle d’obscurité, les annales de Perse ont commencé, avec la dynastie des Sassanides, à prendre un air de vérité.
[62] Hérodien, l. VI, p. 214 ; Ammien Marcellin, l. XXIII, c. 6. On peut observer entre ces deux historiens quelque différence ; effet naturel des changements produits par un siècle et demi.
[63] Les Perses sont encore les cavaliers les plus habiles, et leurs chevaux les plus renommés de l’Orient.
[64] Hérodote, Xénophon, Hérodien, Ammien, Chardin, etc., m’ont fourni des données probables sur la noblesse persane. J’ai tiré de ces auteurs les détails, qui m’ont paru convenir généralement à tous les siècles, ou en particulier à celui des Sassanides.