L’EMPIRE BYZANTIN ET LA MONARCHIE FRANQUE

 

CHAPITRE III. — LE ROYAUME LOMBARD.

 

 

Les historiens qui ont raconté les origines du royaume des Lombards rapportent que l’exarque Narsès, après avoir détruit la puissance des Ostrogoths en Italie, encourut la disgrâce de l’impératrice Sophie, femme de Justin II, qui lui envoya, en signe de mépris, une quenouille et des fuseaux. Narsès répondit qu’il saurait ourdir une trame que toute l’habileté de l’impératrice ne réussirait pas à débrouiller, et il appela en Italie les Lombards, après avoir excité leurs convoitises, en leur envoyant les fruits exquis de la Campanie et les produits les plus raffinés de l’art italien[1]. Alors le roi des Lombards, Alboin, abandonna la Pannonie qu’il laissa en garde à ses alliés, les Huns, et avec toute sa nation descendit dans les riches prairies de la Cisalpine, appelée plus tard du nom des siens, Lombardie (568).

Nous n’examinerons pas ce que dans ces faits la légende a ajouté à l’histoire, ni si ce trait de noire perfidie convient au caractère élevé, au génie profond et prudent de Narsès[2]. Nous nous bornerons à constater que les Lombards n’étaient des étrangers ni pour l’empire ni pour l’Italie, qu’ils connaissaient les ressources et les richesses du pays et qu’il n’était pas besoin d’exciter leur convoitise pour qu’ils désirassent s’établir dans cette contrée privilégiée.

L’empereur Justinien les avait établis dans le Norique et dans la Pannonie, leur avait assigné des cantonnements et les avait traités en fédérés de l’empire[3]. Il entrait dans les desseins de ce prince, élevé si haut par Procope dans son histoire officielle, si durement traité par lui dans son histoire secrète, d’associer tous les peuples barbares aux destinées du monde romain, de faire servir à sa défense leurs vertus militaires, de paralyser leurs instincts de rapine et de turbulence en leur donnant des terres et en les fixant au sol, de neutraliser les dangers qu’ils pouvaient faire courir à l’empire en s’entremettant dans leurs différends, en se faisant l’arbitre de leurs querelles, en entretenant avec soin les jalousies et les inimitiés qu’ils nourrissaient les uns contre les autres. Il faisait de ces peuples non des tributaires, mais des pensionnés, et mesurait ses faveurs au degré d’attachement qu’ils témoignaient à l’empire. Son infatigable diplomatie ne négligeait aucun d’eux ; elle allait chercher ceux de l’Orient et ceux de l’Occident, ceux du Nord et ceux du Midi ; elle pénétrait jusqu’au fond de la Bretagne ; elle embrassait toute la terre habitée, et jusqu’à des peuplades dont personne auparavant ne connaissait le nom[4]. De tous les points du monde affluaient à Byzance les chefs barbares, empressés de déposer leurs hommages aux pieds de l’autocrator et de se disputer ses grâces. Justinien triomphait de leur empressement et ne leur ménageait pas ses libéralités ; le trésor impérial, dit l’historien, était à leur discrétion[5]. A ce prix, Justinien espérait assurer la sécurité des Romains impuissants à se défendre eux-mêmes, et déshabitués des fatigues de la guerre.

Les Lombards, établis dans la Pannonie, ne se montraient ni plus fiers ni plus farouches que les autres barbares. Ils avaient sans cesse recours à la justice de l’empereur. Voisins des Gépides, cantonnés dans la Dacie et qui avaient des titres plus anciens aux faveurs de Byzance[6], ils dénonçaient sans vergogne leurs incursions et leurs rapines, les oppressions qu’ils faisaient peser sur les hommes libres, leurs infidélités aux articles des traités[7]. Ils s’offraient à les mettre à la raison et à les asservir, si seulement l’empereur leur prêtait l’appui de quelques troupes. Justinien fit droit à leurs réclamations, retira aux Gépides les subsides en argent qui soldaient leur dévouement et seconda la vengeance des Lombards[8].

Du reste, ils tinrent à honneur de remplir leurs promesses de dévouement. Nous trouvons un corps d’élite de trois cents Lombards dans la garde impériale, d’autres incorporés aux légions, d’autres enfin admis à titre d'auxiliaires dans l’armée. Leur roi Audouin figurait avec cinq mille deux cents des siens dans l’armée disparate d’Hérules, de Huns, de Perses, de Gépides, que conduisit Narsès en Italie et qu’il sut si admirablement fondre et organiser pour la victoire[9]. Le général romain n’eut pas à se louer beaucoup de ces auxiliaires lombards, qui se conduisaient en Italie comme en terre ennemie, maltraitant indistinctement les Romains et les Goths, se signalant partout par l’incendie, le viol et le meurtre. Aussi dut-il se débarrasser d’eux et les renvoyer dans leurs cantonnements avant la fin de la guerre. Toutefois, il se garda bien d’aliéner à l’empire cette turbulente nation et continua à entretenir avec elle les plus amicales relations[10].

Depuis le règne d’Honorius, l’Italie n’avait cessé d’être gouvernée réellement par des barbares. Visigoths, Hérules, Ostrogoths, s’étaient succédé dans ce pays, où les attiraient la beauté du climat et la fécondité du sol. Depuis la défaite de Totila et de Teïas, elle se reposait sous la domination des exarques établis à Ravenne. Ce répit ne fut pas de longue durée. Les Lombards, trouvant la place vacante, se bâtèrent de la prendre. iL n’était pas besoin de beaucoup les solliciter pour qu’ils accourussent dans une contrée que le contraste avec la rude Pannonie faisait paraître plus enviable encore. Ces barbares, qui se prétendaient les chiens du troupeau, c’est-à-dire de l’empire, ne se faisaient pas faute de se changer à l’occasion en loups et de se jeter sur les brebis confiées à leur garde[11]. Ils résistaient difficilement à la séduction des trésors sur lesquels ils devaient veiller. C’était là le danger de celte politique byzantine qui exigeait non seulement beaucoup de dextérité et de souplesse dans le maniement de ces hommes rudes, aux instincts primitifs, mais encore beaucoup de fermeté et de vigueur dans la répression des désordres. Du moins, les Visigoths et les Ostrogoths avaient occupé l’Italie en vertu de contrats en règle et par une investiture officielle de l’empire. Les Lombards prétendaient se passer de cette investiture : ils se jetèrent sur la Cisalpine comme sur une proie, sans autre droit que celui de la force, et tentèrent de s’y maintenir tout d’abord par la force et malgré l’exarque.

 

I. — ÉTABLISSEMENT DES LOMBARDS EN ITALIE.

 

On s’imagine volontiers que, pénétrant en Italie par la brèche des Alpes, les Lombards eurent bientôt fait d’emporter une province, d’en chasser les fonctionnaires romains, d’installer à leur place des ducs de leur nation et de veiller sur la sûreté de leurs nouvelles frontières. Rien n’est moins exact. La conquête fut en réalité très lente. Un siècle après l’irruption de leurs bandes, ils ne possédaient pas encore toute la haute Italie. Ils se répandirent sur le plat pays, dans les campagnes ouvertes ; mais, pendant des années, les garnisons romaines réussirent à se maintenir clans les villes fermées et les forteresses intactes, surnageant comme des îlots au-dessus de l’inondation. En 577, un duc romain, Sisinnius, nous est signalé à Suze[12]. Verceil, après une longue et vigoureuse résistance, céda seulement au roi Autharis. Crémone, Padoue, Mantoue, ne se rendirent que du temps du roi Agilulf, qui fit reconduire honorablement les soldats romains jusque sur le territoire de Ravenne[13]. Rotharis soumit le littoral de la Ligurie, depuis Luna jusqu’à la frontière des Francs, et s’empara d’Opitergium, place forte située entre Trévise et le Frioul[14]. Venise et son territoire surent jusqu’au bout se protéger contre les entreprises des Lombards. Les limites du nouvel État restèrent toujours indécises et flottantes, empiétant peu à peu sur la province de Ravenne, l’Émilie, la Pentapole et le duché romain. Dans le premier élan de la conquête, les Lombards avaient poussé leurs avant postes jusque dans le sud de l’Italie, à Spolète et à Bénévent. C’étaient des territoires enclavés au milieu des petites principautés grecques. Au temps de Luitprand et d’Astolphe, ce mouvement de conquête continuait ; c’est pour avoir voulu le précipiter, en mettant la main d’un seul coup sur le domaine de l’exarchat, que ces princes furent arrêtés par la politique des évêques de Rome et par les armes des Francs.

Les empereurs de Constantinople ne pouvaient souffrir, au cœur de leurs possessions italiennes, l’établissement de barbares, violateurs des traités et qui prétendaient se passer de l’autorisation de Byzance pour gouverner à leur gré des provinces rachetées au prix de tant d’efforts et de tant de sang du joug des Ostrogoths. C’était la première fois que pareils faits se produisaient en Occident. Goths, Francs, Burgondes, qui avaient fondé des royaumes dans les limites du vieil empire, s’étaient empressés, du moins, de légitimer leur prise de possession en se mettant en règle avec la cour de Constantinople. Un tel mépris de coutumes jusqu’alors inviolées appelait une répression sévère. Tout d’abord, les empereurs espérèrent avoir bon marché de ces bandes de pillards indisciplinés, ils comptèrent pour les seconder sur l’alliance franque. Les Lombards, dans l’élan de leurs premiers succès, avaient franchi les Alpes et n’avaient pas craint de ravager la Provence et la Bourgogne. Ces incursions leur valurent d’écrasantes défaites, infligées par le patrice Mummolus, le général du roi Gontran[15]. Un fragment de Ménander Protector nous apprend qu’à la même époque, c’est-à-dire sous le règne de l’empereur Tibère, le sénat de Rome, effrayé du progrès des armées lombardes, envoya à Byzance une ambassade conduite par Pamphronius, afin de décider l’empereur à débarquer une armée en Italie. Les Romains s’offraient à faire les frais de l’expédition. Tibère, tout occupé de sa guerre contre les Perses, conseilla à Pamphronius de se servir de la somme que les Romains lui envoyaient pour séduire une partie des chefs lombards et les enrôler parmi les alliés de l’empire, et, à leur défaut, de s’entendre avec les Francs pour anéantir les barbares[16]. Trois ans plus tard, le sénat de Rome renouvela sa démarche auprès de l’empereur. Parmi les ambassadeurs se trouvaient le diacre Grégoire, légat du pape Pélage, et qui devait lui succéder sur le siège pontifical[17]. Cette fois, l’empereur se décida à envoyer quelques troupes en Italie ; mais surtout il employa toute son activité et son industrie à acheter les ducs lombards qu’il pouvait détacher du gros de l’armée conquérante. Il réussit, au moins temporairement. La plupart des chefs barbares, assure Ménander, se reconnurent les sujets de l'empire[18].

Mais, soit que cette fidélité ait été précaire, soit que le nouvel empereur, Maurice, eût résolu de châtier les injures passées, l’empire tenta un vigoureux effort. Maurice s’adressa au souverain de l’Austrasie, Childebert, et paya de cinquante mille sous d’or le concours des armées franques. Trois fois les Francs passèrent les Alpes et ravagèrent en tous sens la Lombardie ; mais, malgré des succès rapides, ils ne réussirent pas à exterminer cette race guerrière, comme Narsès avait exterminé les Ostrogoths[19].

Dans leur politique à l'égard des Lombards, les empereurs s’efforcèrent de mener constamment de front et la force et la ruse. Par l’intermédiaire des exarques, ils s’appliquèrent à nouer des intelligences avec les chefs lombards et à entretenir à la cour même de Pavie un parti impérial. Ravenne devint un foyer d’intrigues permanent, le marché des consciences vénales, le refuge de tous les mécontents et de tous les rebelles du royaume voisin[20]. Depuis Himilchis, le meurtrier d’Alboin, jusqu’au fils de Didier, Adalgise, qui se réfugia à Constantinople après la victoire de Charlemagne, l’histoire des Lombards se lie intimement à celle des Byzantins ; toutes deux s’éclairent l’une par l’autre. En même temps qu’ils s’efforçaient de ralentir l'envahissement des provinces italiennes et d’affaiblir les Lombards, en soldant chez eux la trahison de quelques ducs, les exarques se donnèrent pour tâche de rétablir les liens de subordination qui avaient existé autrefois entre les Lombards et l’empire, et de rattacher au moins nominalement les souverains de Pavie à Constantinople. Les Césars mirent leur point d’honneur à pouvoir compter la Lombardie parmi les provinces impériales, et à pouvoir traiter les Lombards, quand ils prendraient les armes contre l’exarque, non en étrangers, mais en rebelles.

De leur côté, les Lombards durent vite comprendre qu’ils ne parviendraient pas à maintenir leur indépendance nationale contre la double hostilité des Francs et des Grecs. Tant qu’ils resteraient isolés et sans supports, ils vivraient en Italie comme dans un camp provisoire, à la merci d’une surprise militaire ou de leurs discordes intérieures. Installés par un coup de force heureux au cœur du monde romain, il leur fallait se ranger bon gré mal gré dans la hiérarchie des peuples tributaires ou des peuples subventionnés, acheter une alliance onéreuse, ou se faire payer leur renoncement à une autonomie complète. De bonne heure, ils eurent conscience de leur situation ambiguë, et essayèrent de prendre des sûretés contre les revanches de leurs voisins.

À ces préoccupations répondent les démarches rapportées par Frédégaire : Cleph, leur roi, étant mort, ils passèrent douze ans soumis à douze ducs et sans rois. Dans ce temps, ils firent une irruption dans le royaume des Francs, et, en compensation de tant d’audace, ils cédèrent au roi Gontran les villes d’Aoste et de Suze, ainsi que leur territoire et leurs habitants. Ils envoyèrent ensuite une députation à l’empereur Maurice. Chacun des douze ducs dépêcha un ambassadeur pour demander à l’empereur la paix et le patronage impérial. D’autres députés furent envoyés vers Gontran et Childebert pour acheter la protection et le secours des Francs par un tribut de douze mille sous d’or, que ces douze ducs payaient tous les ans. Ils voulaient s’assurer par ces députés l’alliance qui leur conviendrait le mieux. Ils se mirent ensuite avec un entier dévouement sous la protection des Francs[21].

Cette vassalité acceptée leur imposait des devoirs envers les souverains d’Austrasie et de Bourgogne. Non seulement ils payaient régulièrement le tribut convenu et devaient, par des ambassades fréquentes, renouveler leur serment de fidélité et d’hommage ; mais ils semblent n’avoir pu rien changer dans leur vie politique intérieure sans le consentement des Francs. C’est ainsi qu’ils ne purent se donner des rois, Autharis et Agilulf, après la période de l’anarchie ducale, qu’avec l’approbation de leurs nouveaux suzerains[22]. Agilulf affranchit sa nation de cet humiliant tribut en payant une fois pour toutes aux rois francs trente-six mille sous d’or. Il avait pris d’abord la précaution de gagner par un magnifique présent de mille sous d’or les trois conseillers les plus influents du roi Clotaire II, Warnachaire, Gondeland et Chuc. A l’instigation de ces trois personnages, Clotaire remit aux Lombards le tribut annuel et s’unit à eux par serment d’une amitié éternelle[23]. En effet, à partir du VIIe siècle jusqu’à l’époque des derniers rois, la bonne harmonie ne paraît pas s’être jamais rompue entre les Francs et les Lombards.

Rassurés du côté des Alpes, les Lombards s’efforçaient de se mettre également en règle avec Byzance. C’est sous le règne de l’empereur Maurice, et après les longues guerres que soutint Agilulf contre l’exarque, secondé par les troupes de Childebert, que semblent avoir été réglées les conditions de l’alliance. Les documents nous font défaut pour en préciser les termes. Grégoire de Tours et Paul Diacre, qui mentionnent les traités conclus avec les Francs, sont muets sur les transactions survenues avec l’empire. Heureusement, la correspondance de Grégoire le Grand nous promet de projeter quelque lumière sur l’histoire si obscure des relations diplomatiques des Lombards et des empereurs.

Pour comprendre la difficulté du rôle de la papauté, il faut se rappeler que les pontifes de Rome étaient à la fois les sujets de l’empire, soumis à la juridiction d’un duc romain relevant de l’exarque, et les patriarches du diocèse de l’Occident. Cette double qualité leur imposait des devoirs envers l’empereur et avec l’église de la haute Italie, les mettait en relations à la fois avec les souverains de Constantinople et avec ceux de Pavie. Des deux côtés, ils avaient à redouter des inimitiés dangereuses ; car la défense de l’orthodoxie devait les mettre fréquemment aux prises avec les empereurs théologiens hérésiarques ; et si leurs obligations de pasteurs leur commandaient d’amener doucement les Lombards de l’arianisme au catholicisme, leur fidélité de Romains leur défendait de pactiser avec des rebelles et les exposait à tous les risques de la guerre.

Grégoire le Grand saisit avec beaucoup de clairvoyance et de netteté la difficulté et l’importance de ce rôle. Il se disait lui-même l’intermédiaire naturel, constitué par Dieu, entre les Lombards et l’exarque[24]. Tout occupé qu’il était de la conversion des Lombards, sur lesquels il agissait par l’influence de la reine Théodelinde, il remplissait de son mieux ses devoirs de sujet de l’empire en signalant au patrice les dispositions de ses ennemis et les mouvements de leurs troupes, surtout en apaisant les conflits et en travaillant à la pacification du pays[25]. Il s’efforçait d’effacer toute dissidence politique et religieuse dans la république chrétienne. Pour lui comme pour tous les hommes de son temps, l’unité politique était le gage de l’unité religieuse, et l’empire lui apparaissait comme la réunion des chrétiens sous le même sceptre. Il s’entremit donc, non sans que parfois l’empereur taxât son zèle d’indiscrétion, pour rappeler les Lombards à l’observation du pacte impérial et à l’exécution de leurs engagements, pour conjurer la rupture du lien si frôle qui les rattachait à l’empire[26].

Le bon gouvernement de l’Église était au plus haut point intéressé à cette union. Le pape, comme chef de l’Église d’Occident, avait à se mêler continuellement des affaires ecclésiastiques de la Lombardie, qui côtoyaient de très près les affaires politiques. Il ne pouvait le faire, sans de graves inconvénients, si la Lombardie restait une province ecclésiastique dépendant du patriarcat romain, tout en formant un royaume séparé de l’obédience impériale. C’est ainsi que Grégoire détermine l’élection du métropolitain de Milan, donne son approbation à l’élu du clergé et du peuple et envoie son légat pour le consacrer[27]. Il écrit au sous-diacre Jean, qu’il a délégué dans la métropole lombarde : Si les volontés de tous sont unanimes et leur consentement durable en faveur de notre cher fils Constantius, alors fais-le consacrer, selon la coutume, par les évêques de la région et avec l’appui de notre autorité, de telle façon que les droits du siège apostolique conservent leur pleine vigueur, et que ceux qu’il a cédés à d’autres ne diminuent pas les siens. Après la mort de Constantius, le pape avertit, par une circulaire adressée au peuple et au clergé du diocèse, qu’il ne consentira pas à l’élection du candidat d’Agilulf, mais seulement à celle d’un prêtre orthodoxe choisi parmi la population romaine, et qu’il a donné ses instructions au notaire apostolique Pantaléon pour ne laisser consacrer qu’un catholique digne de s’asseoir sur le siège de saint Ambroise[28]. Ce titulaire, le plus souvent désigné, et dans tous les cas approuvé par le pape, n’était-il pas parla force des choses un agent de la cour pontificale, et par suite de l’empire, installé au cœur du domaine lombard, un adversaire politique de ses diocésains, si le roi de Pavie s’obstinait dans ce schisme avec Constantinople ? N’était-il pas exposé lui et son clergé aux vengeances des Lombards et destiné à vivre comme un otage entre leurs mains[29] ?

Comme cour suprême de justice ecclésiastique, le Saint-Siège exerçait un droit de police et de coercition sur le clergé lombard. Le pape relègue le prêtre Vitalianus, sur la plainte de l’évêque de Milan, en Sicile, c’est-à-dire en pays d’empire. Il dépose de ses fonctions Jobin, abbé de Portus-Veneris, destitue trois sous-diacres dont les déportements lui sont signalés, maintient une sentence d’exil prononcée contre le prêtre Saturninus[30]. A son tribunal ressortissent tous les cas de discipline grave qui ne peuvent être réglés par les ordinaires.

Bien plus, comme suffragant de l'évêque de Rome et sujet ecclésiastique de ce siège, le titulaire de Milan peut être désigné par le pape pour remplir une mission extraordinaire hors de son diocèse. C'est ainsi que Constantius est appelé à Ravenne pour instruire, de concert avec son collègue de cette ville, l’affaire de Jean, évêque d'Istrie, et celle de Maxime de Salone[31]. L’évêque de Bénévent, Barbarus, après la mort de Victor de Païenne, est délégué en Sicile pour administrer le diocèse pendant la vacance et surveiller l’élection du successeur[32]. Les circonscriptions diocésaines ne coïncident pas avec les divisions politiques ; elles empiètent tantôt sur le territoire de l’exarque, tantôt sur le domaine des rois lombards. On en peut juger par l’exemple de Mantoue, qui appartint d’abord au diocèse de Milan ; sous le pontificat de Pélage Ier et à la demande de l’exarque Smaragde, la ville fut rattachée ii l’évêché de Ravenne, et resta sous cette juridiction de 580 à 729. Ce fut Grégoire II qui, pour complaire à Luitprand, sépara Mantoue de Ravenne et la fit dépendre du patriarcat d’Aquilée[33]. Cette immixtion continuelle du souverain pontife dans les affaires religieuses, et par suite dans le régime intérieur du royaume lombard, suppose dos rapports de subordination et de dépendance entre la cour de Pavie et celle de Constantinople ; il ne pouvait y avoir divorce absolu, quand tant d’intérêts communs réclamaient de l’entente entre les deux souverains. Cette dépendance, nous le répétons, n’était guère que de forme et n’empêchait pas des actes d’agression très fréquents de la part des Lombards à l’égard de l’exarque.

Une lettre très curieuse de Grégoire le Grand pourrait nous permettre de préciser davantage la nature des rapports entre les deux cours. Elle est adressée à l’évêque de Milan, Constantius : Le porteur des présentes, écrit le pape, Jean, homme magnifique (vir magnificus), doit venir dans votre ville remplir les fonctions de préfet, et il nous a demandé une lettre de recommandation. Que Votre Sainteté lui accorde, tant qu’il sera nécessaire et dans la mesure raisonnable, le secours de la faveur dont elle jouit. Efforcez-vous de lui prêter le concours que vos fonctions ecclésiastiques autorisent. Qu’il n’ait pas à souffrir dans votre résidence d’injustes oppressions ; mais que lui-même ne devienne pas outre mesure à charge aux autres, car nous savons quelles difficultés se sont élevées du temps que son prédécesseur Vigilius exerçait la charge de préfet[34]. Malheureusement ce document est isolé, et nous n’en connaissons aucun autre qui l’explique et l’éclaire. Quel était ce personnage et quelles fonctions pouvait-il exercer en vertu de sa charge ? C’était à coup sûr un haut dignitaire de la cour impériale, puisqu'il portait le titre de magnifions ; ce n’était pas un commissaire extraordinaire envoyé par l’empereur pour régler un litige ; il paraît être installé à demeure à Milan, et il lui est recommandé de ne pas suivre l’exemple de son prédécesseur. Il exerce une juridiction, puisque cette juridiction peut être onéreuse à ses subordonnés ; et en même temps son crédit et son pouvoir sont précaires, puisqu’il a besoin de s’appuyer sur l’évêque. Représentait-il l’empereur au milieu des Lombards ? Mais nulle part nous ne trouvons de tels personnages accrédités auprès des rois barbares. Était-il chargé de défendre les intérêts des Romains de la Cisalpine, et quels étaient ces intérêts ? Nous ne savons. Nous n’avons le texte ni la substance d’aucun des nombreux traités qui furent signés par Agilulf et les empereurs de Byzance[35]. Il semble bien pourtant que l’autorité impériale ne fut pas entièrement abolie dans le nord de l’Italie, puisque nous connaissons plusieurs monnaies de Maurice portant la marque de l’atelier de Milan, alors que les rois lombards jouissaient déjà d’un monnayage indépendant[36].

C’est également sous le règne de l’empereur Maurice que les rois lombards ajoutèrent à leurs titres celui de Flavius. On sait — et la coïncidence n’est pas fortuite — qu’à la même époque le roi des Visigoths d'Espagne, Reccarède, après sa conversion au catholicisme, prit aussi ce nom de Flavius. Ce fut Autharis qui le premier des rois lombards commença à le porter à cause de sa dignité, dit Paul Diacre[37]. Or ce titre, nous le rencontrons précisément parmi ceux que l’empereur Maurice affecte de prendre dans les suscriptions de ses lettres et de ses écrits. Il était attaché à la dignité impériale depuis Constance Chlore et Constantin, sans doute à cause des heureux souvenirs laissés par quelques-uns des princes de la dynastie Flavienne. L’empereur le communiquait, comme un des honneurs auliques les plus appréciés, à quelques-uns des plus hauts dignitaires de la cour. Les inscriptions l’attribuent à des patrices, à des personnages consulaires, à des préfets du prétoire[38]. Nous sommes donc amenés naturellement à conclure que les rois lombards furent, par l’octroi régulier de ce titre, rattachés à la hiérarchie byzantine, et reconnurent, comme tant d’autres rois barbares, la suprématie théorique de l’empereur. Le titre de Flavius les classait parmi les dignitaires de l’empire, comme jadis les titres de patrices, de consuls, d’hommes illustres, conférés aux princes bur- gondes et francs, les rangeaient officiellement parmi les sujets de César. Si les Lombards avaient eu pour l’empire celle aversion que nous leur supposons, ils n’auraient pas manqué de répudier, parmi les noms dont ils se paraient, celui qui par son origine pouvait faire douter de leur indépendance absolue. On ne voit pas qu’ils aient eu ce souci ; jusqu’à la chute du royaume lombard, ils continuèrent à le revendiquer. Ils le jugeaient donc plus utile que nuisible à leur prestige ; peut-être même lui devaient-ils la sécurité de leur domination sur les vieilles populations du nord de l’Italie, habituées à relever de Byzance.

Au surplus, ce lien de subordination ne devait pas peser aux Lombards ; les empereurs se contentaient à peu de frais, et demandaient peu de chose à de tels alliés. Ils se contentaient d’envoyer aux rois lombards leurs dons impériaux (imperialia dona) ; de leur faire parvenir, quand il était nécessaire, leurs lettres de jussion et très vraisemblablement leurs images laurées, à chaque avènement nouveau à Byzance. On ne peut guère douter que les Lombards jusqu’à la fin de la dynastie n’aient admis ces images sacrées[39]. On se demande en effet à qui s’appliqueraient, sinon aux princes lombards, ces paroles de Grégoire III adressées à Léon l’Isaurien : C’est grâce à moi que tes images ont ôté reçues par les rois barbares de l'Occident. Lorsque tes mercenaires étrangers, revenus dans leurs foyers, ont raconté tes fureurs sacrilèges, elles ont été jetées à terre et ton visage insulté. Les phrases qui suivent confirment ces conjectures : Les Lombards, les Sarmates et les autres peuples du Septentrion ont envahi le Décapole et se sont emparés de ta capitale Ravenne[40]. Du reste, le ton dont les prélats du concile de Francfort, à l’époque de Charlemagne, parlent de ces images montre assez que l’usage en était familier aux nations de l’Occident et que cet usage s’était continué jusqu’au milieu du VIIIe siècle.

Après le règne de Maurice, il devient de plus en plus difficile de démêler la suite des relations établies entre l’empire et le royaume lombard. A défaut de Grégoire de Tours, nous n’avons plus pour guide que Frédégaire, sans aucune indication qui nous permette d’éclairer les obscurités et de contrôler les invraisemblances de son récit. Or on sait avec quelles précautions on doit se servir de la chronique du moine bourguignon, et à quelle confusion de noms et de dates on s'expose en le suivant à la lettre. Son insouciance de l’exactitude historique n’a d’égale que sa crédulité et sa facilité à accueillir les légendes les plus singulières. A chaque ligne il faut interpréter son récit et deviner le sens des événements qu’il rapporte, plutôt que les accepter comme acquis à l'histoire. Il a cependant pour nous une qualité fort appréciable. Comme la plupart des chroniqueurs bourguignons, comme Marius d’Avenches qui le précède, il a conservé le souvenir de la domination impériale en Occident ; il se préoccupe des souverains de Constantinople ; il s’efforce de rattacher les faits de l’histoire locale à l’histoire générale du monde romain ; pour lui, l’empire est encore la grande communauté chrétienne, dont les royautés barbares forment une partie et dont le centre est à Byzance ; il n’y a pas divorce absolu et définitif entre l’Occident et l’Orient. Son point de vue dans l’appréciation générale des événements est le même que celui du pontificat de Rome. Par Frédégaire, on peut juger de l’état d’esprit de son époque et de ses contemporains ; car lui supposer sur le gouvernement du monde des vues indépendantes et personnelles, c’est faire trop d’honneur à sa valeur et à son originalité d’historien. A ce titre, il nous est encore précieux.

Nous devons à Frédégaire des détails intéressants sur l’ingérence des envoyés impériaux dans les affaires du royaume lombard. Voici ce qu’il rapporte touchant le successeur d’Agilulf, Adaloald. Il reçut de l’empereur Maurice — lisons Héraclius — un ambassadeur nommé Eusèbe. Il se laissa oindre dans son bain par cet Eusèbe de je ne sais quels onguents, et à partir de ce moment il ne put rien faire que par les conseils de l’ambassadeur. A son instigation, il fit périr les chefs et les plus nobles de la nation lombarde, et, après s’être débarrassé d’eux, il se livra lui et tout son peuple à l’empereur. Il est vrai qu’il paya plus tard de la vie ces exécutions. Les grands lui donnèrent pour successeur le duc de Turin Charoald[41].

Dépouillons ce récit du fatras légendaire qui le défigure. Frédégaire ne l’a pas inventé de toutes pièces ; il l’a reçu, ou l’a transcrit, obscurci par les commentaires que l’ignorance et la superstition suggéraient aux imaginations des hommes du VIIe siècle. N’en retenons que ce point. Un envoyé de Byzance s’est emparé de l’esprit du roi des Lombards et a exercé sur lui une telle influence, que ses sujets ont cru à la vertu magique de quelque philtre apporté d’Orient. Par ses conseils, Adaloald s’est défait par les supplices de l’opposition gênante des grands. Les rois lombards, depuis la mort de Cleph, étaient en effet les élus de l’aristocratie ducale. Cette féodalité orgueilleuse et remuante devait leur peser assez lourdement pour qu’ils aient cherché à s’affranchir d’un tel joug. Ils ne le pouvaient qu’en sollicitant l’appui et la protection de l’empereur. Donc cette mesure s’applique à l’intervention d’Héraclius et de son légat Eusèbe. Ajoutons que, si les Lombards se révoltèrent contre Adaloald, c’est qu’ils virent en lui, non le contempteur de l’indépendance lombarde, mais l’ennemi de l’aristocratie. Ils n’avaient aucun intérêt à repousser le patronage des Césars de Constantinople. Ils trouvaient, au contraire, profit à relever de leur suzeraineté. Au lieu de payer comme autrefois un tribut aux Francs, pour prix d’un acte d’hommage illusoire, ils en recevaient un de Byzance. Aussi bien, l’élu des grands, Charoald, ne dénonça pas les traités conclus par ses prédécesseurs. Lui aussi avait besoin des Romains pour se soutenir contre ceux même qui l’avaient porté au trône et dont la tutelle lui semblait maintenant onéreuse. Il eut donc recours à l’exarque de Ravenne. Charoald, dit Frédégaire, envoya secrètement des messagers au patrice Hisace, pour le prier de tuer, comme il pourrait, le duc de la province de Toscane, Taton. En retour de ce bienfait, Charoald promit de remettre à l’empire cent livres d’or du tribut annuel de trois cents livres que les Lombards recevaient du trésor public. Le patrice réussit à attirer Taton à Ravenne et le livra à des meurtriers. Le roi Charoald remit, comme il l’avait promis, à Hisace et à l’empire cent livres d’or. Tous les ans, le patrice romain ne paya plus aux Lombards que deux centeniers d’or. Un centenier vaut cent livres d'or[42].

La politique de l’exarque, placé en observation à Ravenne, était nettement indiquée par les circonstances. Elle consistait à soutenir le roi contre la féodalité lombarde, à encourager en même temps les velléités d’indépendance de ces ducs turbulents, à profiter de cet antagonisme pour affaiblir les deux partis l’un par l’autre. Mais, si perfide et si souple que fût la diplomatie byzantine, l’exarque, sans le soutien matériel des armées grecques, était impuissant à faire respecter l’autorité impériale. Il devait laisser se relâcher de jour en jour le lien de dépendance qui rattachait à Byzance la royauté lombarde. Il ne fallait rien moins que les malheurs des derniers princes de la dynastie, pour leur rappeler les droits de suzeraineté, réclamés par les Césars. Dans l’intervalle, la dépendance théorique de Constantinople, admise en principe, ne fut jamais une chaîne pour les Lombards. Quelques milliers de sous d’or payés chaque année ne pouvaient solder leur fidélité ni acheter leur repos définitif. La concorde et la paix ne furent que très précaires et intermittentes entre Pavie et Ravenne. Aux périodes de halte et de trêve, généralement fort courtes, qui permettaient aux Lombards de reprendre haleine et de guetter une occasion nouvelle, succédaient de brusques retours à une politique d’agression. Les Lombards escomptaient la dépossession future de l’empire ; ils se conduisaient en héritiers présomptifs, pressés d’entrer en jouissance, et s’évertuaient à affaiblir le malade, dont ils convoitaient la succession. Le temps travaillait contre l’exarque. Pendant que les Lombards le tenaient sans cesse en échec dans la haute Italie, son influence morale sur les populations relevant directement de l’empire était tous les jours éclipsée davantage par l’extraordinaire ascendant que prirent sur elles les évêques de Rome du VIe au VIIIe siècle. Chaque crise rapprochait le moment où les souverains de Pavie et les papes allaient se trouver en présence, briguant concurremment l’héritage politique du patrice byzantin.

 

II. — LUITPRAND ET CHARLES MARTEL.

 

Les derniers rois lombards du VIIe siècle, Luitprand, Astolphe, Didier, ont ôté très maltraités par les annalistes francs, et à plus forte raison par les écrivains pontificaux ; à ce point que les accusations d’impiété et de barbarie dont on les a chargés ont pu donner le change à l’histoire officielle et suffire pour expliquer les appels adressés par les papes aux souverains francs.

A considérer de près les documents, ce point de vue n’est pas rigoureusement exact. Les rois lombards ne sont pas les monstres que nous dépeint la correspondance des papes ; ils ne le cèdent à aucun des princes de leur temps pour la bravoure, l’intelligence politique, leur attachement à la foi catholique. Ils ont depuis longtemps dépouillé la barbarie de leurs ancêtres au contact de populations plus civilisées. La fatalité des circonstances en fit les concurrents des pontifes de Rome à l’héritage des Grecs en Italie. Leur ambition n’avait rien d’excessif et se justifiait par le rôle prépondérant qu’ils avaient joué, grâce à leur puissance militaire, dans la lutte contre Constantinople. Ils semblaient tout naturellement désignés comme les successeurs éventuels des exarques, et ne pouvaient prévoir les prétentions rivales de la curie romaine. Vaincus par les alliés que la diplomatie des papes suscita contre eux, ils ont porté, dans l’histoire, la peine de leur imprévoyance et de leur défaite ; ils ont été à la fois vaincus et calomniés.

En ce qui concerne Luitprand, on doit se fier au témoignage peu suspect de Paul Diacre, un Lombard familier de Charlemagne. Or l’historien nous le dépeint comme un prince prudent et sage, ami de la paix, mais brave à la guerre, clément, pieux et chaste, généreux en aumônes et législateur éminent. Il fonda de nombreuses basiliques, dota nombre de monastères ; il préserva des outrages des musulmans les corps des saints déposés dans les églises de Sardaigne et fit transporter à Pavie les restes de saint Augustin. Enfin, les donations dont il enrichit à plusieurs reprises le patrimoine de Saint-Pierre devaient lui donner des titres particuliers à la reconnaissance du Saint-Siège[43].

D’impérieuses nécessités politiques en ordonnèrent autrement. Nous ne toucherons que quelques mots de la révolution capitale qui s’opéra, au commencement du VIIIe siècle, dans les rapports des papes avec l’empereur de Byzance. Léon l’Isaurien, fidèle à la tradition de ses devanciers, qui prétendaient à la direction religieuse en même temps qu’à la suprématie politique de la catholicité, avait, dès 726, publié un édit prescrivant la destruction des images de la divinité et des saints dans toutes les provinces de l’empire. Il avait présidé à l’exécution du décréta Constantinople et dirigé d’odieuses persécutions contre ceux qui désobéissaient à son ordre. Le pape Grégoire II avait reçu, comme les autres patriarches, un exemplaire de l’édit et était chargé de le promulguer dans toute l’Italie. Telle fut l’origine de la révolution qui devait avoir pour conséquence le schisme politique de l’Occident et de l’Orient. L’édit impérial provoqua une explosion spontanée d’indignation et de fureur parmi les populations italiennes, fort attachées au culte extérieur qu’elles rendaient aux patrons de leurs cités et de leurs paroisses. Cette fois, l’empereur s’attaquait, non aux formules abstraites ou à l’interprétation métaphysique d’un dogme défini par les conciles, mais à des habitudes d’esprit invétérées, à des sentiments infiniment respectables, à des scrupules de conscience, contre lesquels le devoir d’obéissance au prince ne pouvait prévaloir. Léon mit le comble à son impopularité en imposant à la province romaine un cens nouveau, semblable à celui qu’il faisait lever, à la même époque, dans la Sicile et la Calabre. Jamais occasion plus favorable ne s’était offerte jusqu’à ce jour au pontife de résister efficacement aux fantaisies théologiques de l’empereur, de s’affranchir d’une tutelle odieuse et de proclamer hautement la séparation des choses de la foi et de la politique. Il sentait derrière lui l’Italie tout entière armée pour sa querelle et complice de sa résistance. Il pouvait dire en toute vérité, comme il le fit plus tard dans les deux lettres écrites en 730 à Léon, que l’Italie regardait saint Pierre comme son patron national et que tout l’Occident inclinait en sa faveur[44].

A l’appel du pontife avait en effet immédiatement répondu l’insurrection des peuples de l’exarchat, de la Pentapole et du duché de Venise[45]. Les villes chassèrent les fonctionnaires impériaux et se donnèrent des ducs de leur choix. L’exarque Paul, chargé de se saisir de la personne du pape et même de le tuer, fut massacré. Le duc de Naples, Exhilaratus et son fils, associés à ces desseins homicides, eurent le même sort. On parlait d’élire un empereur orthodoxe et.de le conduire à Constantinople[46].

Luitprand n’était pas homme à négliger l’avantage que la fortune lui offrait. Le royaume lombard s’était formé pièce à pièce des annexions successives opérées au détriment de l’exarque, arrachées par la diplomatie ou imposées par la force. Comme de nos jours la maison de Savoie, les dynasties lombardes avaient lambeau par lambeau amoindri le patrimoine de l’empereur et remplacé son autorité par celle de leurs ducs. Le moment semblait enfin venu de réaliser d’un coup le rêve des princes de cette race, et de viser ouvertement à la domination de toute l’Italie. A la faveur des désordres qui déchiraient les cités grecques, et avec la complicité d’une partie des habitants, Luitprand s’empara des principales villes de l’Émilie et de la Pentapole, et menaça Ravenne[47]. L’intérêt de sa politique lui commandait d’unir sa querelle avec celle du pape et de paraître lui prêter seulement l’appui de ses armées. L’exarque Eutychius, envoyé par l’empereur pour remplacer le patrice Paul, essaya bien de le détacher du pontife et de le gagner par des présents. Il y perdit sa peine. Le Lombard avait ses raisons pour ne rien entendre à ces propositions. Il répondit que Lombards et Romains étaient unis comme des frères par les chaînes de la foi, qu’ils étaient prêts à répandre leur sang pour la défense du pape, que lui-même n’avait pris les armes que pour assurer le triomphe de l’orthodoxie et le salut des chrétiens[48]. En témoignage de ses sentiments de dévotion aux bienheureux apôtres Pierre et Paul, il fit don au Saint-Siège du territoire de Sutri, dont il venait de s’emparer.

Il est vrai que bientôt ces sentiments furent mis à une dangereuse épreuve. Les Lombards aimaient à prendre de toutes mains. Eutychius offrit à Luitprand, pour le gagner à ses desseins, les duchés de Spolète et de Bénévent, et vit ses offres agréées[49]. Luitprand s’empara des deux duchés, reçut les| serments et les otages de ses nouveaux sujets, puis, avec toute son armée, revint camper aux portes de Rome, dans le champ de Néron. Le pape Grégoire se décida à l’aller trouver dans son camp, et telle fut l’éloquence de ses paroles et de ses larmes, que le roi jura de ne plus rien faire contre Rome et que, détachant son manteau, son baudrier, son épée, sa couronne d’or et sa croix d’argent, il les déposa en signe de soumission sur l’autel de saint Pierre. Il s’entremit ensuite pour décider l’exarque à la paix.

On s’étonne que le pontife, après avoir déchaîné l’insurrection, défendu aux Italiens de payer le tribut et rompu avec tant d’éclat avec l’empereur,, ait bientôt après reculé, comme effrayé de son audace, qu’il se soit efforcé d’apaiser la révolte que lui-même avait soulevée, et qu’il ait supplié les peuples de garder leur foi à l’empereur[50]. Bien plus, il lit saisir en Toscane un usurpateur du nom de Tibère, qui aspirait ouvertement à l’empire, et sa tête fut envoyée à Constantinople, comme pour témoigner de la fidélité des Romains envers le prince. Sans doute, comme le déclare l’auteur de la Vita Gregorii, le pontife ne désespérait pas de la conversion de Léon. Mais il est permis de penser que la conduite de Luitprand ne fut pas pour peu de chose dans cette volte-face. Le Lombard avait eu l’imprudence de démasquer trop précipitamment ses desseins et de dévoiler l’âpreté de ses convoitises. Le pape n’avait rien à gagner à changer de maître. Mieux valait pour lui relever de l’autorité lointaine et presque nominale de l’empereur que d’avoir à redouter l’humeur inquiète et dominatrice d’un barbare posté à demeure aux portes de Rome ; en conservant le statu quo, il avait chance de se protéger du Lombard en faisant appel à l’exarque, de conjurer les entreprises de l’exarque en faisant appel au Lombard. L’hostilité sans cesse en éveil de ces deux adversaires garantissait du moins au Saint-Siège une demi-indépendance.

L’édit de persécution de 730 enleva au pontife cette dernière illusion[51]. Il ne lui restait d’autre alternative que d’obéir aux décrets du prince ou de le séparer de la communion des fidèles. Après l’avoir averti par les deux lettres si connues, que rapporte Baronius, il lança l’anathème contre les persécuteurs des images dans le synode de 730[52]. Le schisme religieux était consommé entre les deux capitales de l’empire.

La papauté échappa à la vengeance de l’empereur grâce aux périls que courait Byzance, vers le même temps, et aux perpétuelles querelles de Luitprand avec l’exarque. Mais la situation n’était pas dénouée ; le pape se sentait perdu du jour où les Lombards et l’exarque s’entendraient contre lui. Grégoire III lit faire à la question un progrès décisif. Il alla chercher hors de l’Italie, pour en faire le défenseur officiel du Saint-Siège, l’homme qui venait de sauver à Poitiers lâ chrétienté, Charles Martel. Soutenu par un tel protecteur, le pape pouvait désormais braver les empereurs hérésiarques, se passer de la fidélité douteuse des Lombards, et il était rassuré contre un voisinage trop immédiat par l’obstacle des Alpes.

C’est seulement des Lombards que se plaint Grégoire III au maire de France, dans les lettres de 739 et de 740 conservées par le Codex Carolinus. Luitprand cherchait à se saisir de Trasimond et de Gotescalk, ducs de Spolète et de Bénévent, dont le pape s’était assuré la fidélité et le concours. Grégoire III voulait conjurer l’écrasement de ses alliés. Or Lombards et Francs vivaient depuis plus d’un siècle en bonne intelligence. Une étroite amitié unissait Charles Martel et Luitprand. En 737, le premier avait envoyé à Pavie son fils Pépin, pour que Luitprand l’adoptât, suivant la coutume, en lui coupant une mèche de cheveux[53]. L’année suivante, toute l’armée lombarde s’était portée au secours des Francs qui luttaient dans la Provence contre les Sarrasins, et cette intervention avait décidé la retraite des musulmans[54]. La politique pontificale allait faire de ces alliés des ennemis acharnés.

En même temps que la lettre du pape, une ambassade portait à Charles les clefs du saint-sépulcre avec les liens de saint Pierre et des présents nombreux, et l'invitait à intervenir en Italie contre les Lombards. La plupart des historiens qui se sont occupés récemment de ces négociations, interprétant le texte du continuateur de Frédégaire, soutiennent que le pape chercha à engager le Franc dans l’alliance impériale et lui proposa en son nom le patriciat[55]. Ils corrigent la leçon de D. Bouquet, ut a partibus imperatoris recederet, et adoptent celle de Le Cointe, ut ad partes imperatoris accederet[56]. Nous sommes pour la leçon de D. Bouquet. Elle est confirmée par le texte des Annales de Metz, qu’on rejette trop légèrement, sous prétexte que l’annaliste écrivait au temps de Charlemagne. Ce texte dit positivement que le peuple romain, c’est-à-dire le pape, venait de rejeter la domination de l’empereur et recourait, pour ce motif, à la protection des Francs[57]. A ce témoignage s’ajoute celui du Liber Pontificalis, qui atteste l’hostilité constante des rapports de Grégoire III et de Léon l’Isaurien[58]. Enfin, on ne comprend pas que le pape se soit occupé à conclure une alliance entre Charles Martel et les Byzantins au moment précis où l’empereur, débarrassé de ses ennemis en Orient, se décidait à vider par les armes son différend avec la papauté et dirigeait contre l’Italie une (lotte considérable, qu’il confiait au patrice Manès et qui fut dispersée par les tempêtes[59]. Loin de chercher un allié à l’empereur, c’était un défenseur qu’appelait Grégoire pour conjurer la vengeance des Byzantins.

Charles Martel ne fut pas sourd à cet appel. Il semble qu’il ait compris tout de suite le parti que lui-même et ses descendants pourraient retirer d’une alliance avec la papauté et du rôle de défenseur que le titre de patrice lui octroyait. Ce titre, tout porte à croire qu’il l’accepta, puisque Charlemagne et Louis le Pieux le reconnaissent formellement à leur aïeul[60]. Il n’eut pas à le justifier en repoussant l’invasion des troupes impériales, puisque celles-ci ne purent aborder en Italie. Il envoya du moins à Rome ses missi, Grimon et Sigebert, qui forcèrent Luitprand à évacuer le territoire du duché romain et à retourner dans sa capitale. Du reste, dans cette même année 741, la mort enleva les trois principaux acteurs de ce drame, l’empereur, le pape et Charles Martel.

Grégoire III laissait à son successeur Zacharie une situation très troublée[61]. Le nouveau pape était un prélat à la fois très courageux et très pacifique. Il se proposa de rendre la paix à l’Italie et réussit, au moins pendant quelques années, dans cette tâche presque impossible. Il se fit rendre par Luitprand quatre villes soustraites par ce prince au duché romain, l’aida à se rendre maître du duché de Spolète, détenu par l’ancien allié du Saint-Siège, Trasimond, et, à l’entrevue d’Interamne, obtint du roi lombard donation du territoire sabin de Narni, Auximanun, Ancône, etc. Supplié par l’exarque et par les Ravennates de les protéger contre ce prince, il alla chercher la paix à Pavie, et, à force d’instances, triompha des répugnances de Luitprand, qui consentit à ajourner ses espérances de conquêtes[62]. Pour prix de ces services, l’empereur Constantin suspendit les édits publiés par Léon contre les images et fit donation au Saint-Siège des territoires de Nymphæ et de Nonnies[63]. Mais Zacharie se garda de rompre les relations entamées par son prédécesseur avec les Francs ; il se créa un titre éternel à la reconnaissance des Carolingiens en favorisant par une décision apostolique la déposition du dernier roi mérovingien et l’exaltation de Pépin.

 

III. — ASTOLPIIE ET PÉPIN LE BREF.

 

Cette trêve, continuée sous le règne du pieux roi Ratchis, fut brusquement interrompue à l’avènement d’Astolphe, qui reprit tous les projets de Luitprand et visa ouvertement à la domination de l’Italie. La succession de l’exarque pouvait être considérée comme ouverte. Astolphe s’empara de la province de Ravenne, de la Pentapole, envahit le duché romain et prétendit, en signe de suzeraineté, imposer à tous les habitants le tribut qui était payé à l’empereur[64]. Ce n’était pas le compte du pontife Étienne III, qui, non seulement tenait à sauvegarder l’intégrité de la province de Rome, mais à qui il semblait légitime de succéder à l’exarque dans la possession de territoires que ses prédécesseurs avaient sauvés plusieurs fois de l’invasion et de la ruine, et dont les habitants regardaient le pape comme leur défenseur naturel. Les supplications des légats pontificaux se heurtèrent à une fin de non-recevoir absolue de la part d’Astolphe.

L’affaire cependant avait fait scandale à Byzance. Constantin dépêcha à Rome le Silentiaire Jean avec des lettres impériales de jussion pour le pontife et pour le roi. Il sommait Astolphe de restituer à la république les domaines qu’il avait usurpés sur elle[65]. L’entrevue eut lieu à Ravenne, mais n’aboutit pas. Astolphe cherchait à gagner du temps. Il demandait à comparaître dans la personne de son légat devant l’empereur. Dès que l’ambassade fut partie pour Constantinople, il se remit en campagne. Le pape éploré se hâte d’avertir l’empereur ; il le supplie comme son suzerain d’envoyer ses armées en Italie pour sauver Rome et l’exarchat[66]. La démarche était régulière, mais le succès incertain, et en tout cas devait trop se faire attendre. Les événements poussaient le pape, les tentes des Lombards entouraient la ville pontificale. Ne voyant rien venir de Constantinople, Étienne se résolut à imiter son prédécesseur Grégoire III ; il envoya un messager secret au roi Pépin[67]. En ce moment même, et pendant que le blocus de Rome se resserrait, arrivait de Byzance, au lieu de l’armée qu’on attendait, le diplomate impérial Jean. Il apportait au pape les pleins pouvoirs de l’empereur pour traiter avec Astolphe de la restitution de l’exarchat[68]. En même temps les envoyés de Pépin, l'abbé Chrodegang et le duc Autchaire, réussissaient à rejoindre le pape. Celui-ci demanda un sauf-conduit à Astolphe. Puis tous ensemble, le pontife, les Grecs et les Francs se rendirent à Pavie.

Supplications du pape, ordres formels de l’empereur, présents magnifiques, rien ne put fléchir Astolphe, qui tenait enfin sa proie et n’entendait pas celle fois encore s’en dessaisir. La négociation traînait sans avancer, quand le duc Autchaire éleva la voix et somma le Lombard de laisser le pape venir en France. Astolphe, étonné, se tourne vers Étienne et lui demande si telle est en effet sa volonté. C’est bien là ce que je veux, répondit le pape. Ce coup de théâtre jeta le roi dans la plus violente fureur. Il était comme un lion qui grince des dents en voyant sa victime soustraite à ses coups. Il sentait en effet que, si Pépin intervenait en faveur du pape et le rétablissait dans sa capitale, il ne pourrait s’emparer facilement ni de Rome ni de l’exarchat[69]. Étienne échappa aux pièges qui lui étaient tendus en traversant les Alpes, gagna enfin le monastère de Saint-Maurice. De là il se dirigea sur Ponthion, où l’attendait le roi Pépin.

Nous n’entrerons pas dans le détail des conférences de Ponthion et de Saint-Denis. Elles ont fourni la matière d’innombrables travaux en France et en Allemagne[70]. Nous n’insisterons que sur un point particulièrement délicat. Pépin et ses fils reçurent du pape le titre de patrices, qui impliquait la mission d’assurer la sauvegarde du Saint-Siège. Le patricial, qui était une dignité impériale, fut cette fois conféré au prince franc avec l’autorisation et l’aveu de l’empereur. Il ne s’agissait pas, en effet, comme au temps où Grégoire III traita avec Charles Martel, d’associer la France à la rébellion du pontife contre Constantinople. Le légat impérial avait assisté aux conférences de Pavie ; la proposition du duc Autchaire s’était produite en sa présence, sans soulever de sa part aucune protestation. Il semblait naturel que l’empereur chargeât le roi de France de ce rôle de défenseur, que lui-même se sentait incapable de remplir efficacement. A l’appui de ces présomptions, on a souvent cité la pièce apocryphe connue sous le nom de fragment de Fantuzzi, fabriquée vraisemblablement sous le pontificat d’Adrien[71]. Cette pièce a pour nous, malgré sa provenance suspecte, une grande valeur. Le faussaire n’avait pour but que de faire attester par Pépin l’étendue de la donation qu’il concédait au Saint-Siège. Il n’était d’aucun intérêt pour sa thèse de faire dériver le patriciat du roi de France de la collation impériale. Il n’en parle que comme d’un détail presque indifférent, mais connu de tous les contemporains, et propre à ajouter de la vraisemblance à sa fiction. Si le pontife avait pris sur lui de décerner au roi des Francs la dignité de patrice, l’auteur anonyme qui écrit pour glorifier le Saint-Siège n’aurait pas commis la faute de démentir cette usurpation. Il aurait craint que sa fraude ne fût par là découverte. II raisonne ainsi : Pépin a fait au Saint-Siège une donation de territoire fort étendue, et il avait le droit d’agir ainsi, puisque l’empereur lui-même, en le nommant patrice, lui avait délégué tous ses pouvoirs en Italie.

Ces présomptions, d’ailleurs, ne sont pas les seules. La Chronique du Mont-Cassin, bien informée des événements auxquels se trouva mêlé Carloman, et. qui essaye de justifier le frère de Pépin et l’abbé du monastère du rôle que leur prêtent les annalistes du Saint-Siège, ne suppose pas un instant que le pape ait agi sans le consentement de l’empereur. Elle mentionne les privilèges et la jussion impériale. En quittant Saint-Denis, elle représente le pontife appelant la protection de saint Benoît sur le siège apostolique, sur l’empire romain et les glorieux patrices[72]. Nulle part il n’apparaît que le pape ait pris sur lui de conférer de son plein droit une magistrature impériale.

L’empereur fut trompé, en ce sens qu’il ne s’attendait nullement à la donation de l’exarchat et de la province romaine au saint- siège. Mais, s’il garda un violent dépit contre le pape, qu’il put accuser d’avoir surpris la bonne foi du prince franc, il ne semble pas avoir vu un ennemi dans Pépin. Jamais, au contraire, les relations ne furent si cordiales entre Constantinople et la France. Deux ans après la fameuse donation, en 737, le roi Pépin, dit le continuateur de Frédégaire, envoya une ambassade à Byzance à l’empereur Constantin, pour s’assurer de son amitié et régler les intérêts de sa patrie. L’empereur lui renvoya des députés porteurs de beaucoup de présents, et tous deux se promirent foi et amitié[73]. Le pape finit même par s’émouvoir de cet échange d’ambassadeurs et de serments. Il supplia le roi de ne lui rien cacher des propositions de l’empereur et de tenir ferme sur les articles concernant la foi catholique et les donations faites à saint Pierre[74]. Il s’était agi dans les conférences tenues en France d’une négociation de nature plus intime. L’empereur demandait à Pépin, pour son jeune fils, la main de sa fille Gisèle, espérant attacher par cette alliance de famille la dynastie franque à l’empire[75]. Le pape fit tout pour conjurer ce mariage et réussit à le rompre, comme il réussit encore à faire repousser les propositions relatives au culte des images. Il eut gain de cause sur tous les points. Il n’en est pas moins vrai qu’un tel rapprochement éloigne toute idée d’une usurpation du titre de patrice. On connaît les suites du voyage d’Étienne III. Deux fois Pépin fut obligé de franchir les Alpes pour mettre Astolphe à la raison ; par deux fois il fit don à l’Église de Rome du territoire relevant de l’empire grec et dont Luitprand et Astolphe avaient si longtemps compté hériter. On comprend la surprise de la cour impériale, quand elle s’aperçoit que le pape a travaillé non pour l’empire, mais pour saint Pierre. La première donation, pensait-on, n’avait sans doute été arrachée qu’à l’ignorance de Pépin. Avant qu’il fît la seconde, ne convenait-il pas de le prévenir que l’empire avait des droits antérieurs à faire valoir sur l’exarchat ? Constantin envoie donc à Pépin deux ambassadeurs, le secrétaire Grégoire et le silentiaire Jean. A Rome, le pape leur apprend que les Francs se préparent à passer de nouveau les Alpes. Ils pressent donc leur route, suivis d’un légat pontifical qui s’attache à eux et ne doit pas les perdre de vue. Ils arrivent par mer à Marseille. Là ils reçoivent la nouvelle que Pépin a déjà pénétré sur le territoire lombard. Il leur faut redoubler de vitesse pour hâter leur entrevue avec le prince[76]. Le secrétaire Grégoire reste à Marseille pour y retenir le légat pontifical ; le silentiaire Jean réussit à atteindre Pépin sous les murs de Pavie. Il le conjure au nom de l’empereur de restituer à l’empire l’exarchat et les territoires qui en dépendent, lui offrant en échange de magnifiques présents. Mais Pépin déclara qu’il tenait la province du droit de la conquête, qu’il était libre par conséquent d’en faire don à l’Église ; que, du reste, aucune considération humaine n’aurait pu l’engager à cette guerre, sinon l’amour de saint Pierre et le pardon de ses péchés. Aussi confirma-t-il par un acte authentique sa première donation.

L’importance de ces événements a un peu fait perdre de vue aux historiens la rigueur des conditions imposées à Astolphe. Il avait voulu s’affranchir de la suprématie de l’empire, il tomba sous celle des Francs. C’est un véritable contrat de vasselage qu’il fut contraint de signer avec Pépin. Il demanda la paix par l’entremise des évêques et des seigneurs francs, accepta toutes les conditions exigées par Pépin, promit de réformer pleinement toutes les injustices qu’il avait commises contre l’Église et le Saint-Siège, s’engagea par serment et en donnant des otages à ne jamais se soustraire à la domination des Francs et à ne jamais attaquer par les armes le siège apostolique et la république. Après l’expédition de 755, l’acte de soumission fut encore plus complet. Il livra de nouveaux otages et s’engagea par serment à ne plus se révolter contre le roi Pépin et ses seigneurs francs et à leur envoyer chaque année avec une ambassade les tributs qu’autrefois les Lombards avaient coutume de payer au souverain des Francs[77]. Ainsi, le royaume des lombards avait perdu dans cette lutte, en même temps que ses annexions récentes et l’expectative de la succession impériale en Italie, son autonomie et son indépendance.

 

IV. — DIDIER ET CHARLEMAGNE.

 

Astolphe mourut en 756. Son frère Ratchis, appelé par une partie de la nation, sortit de son cloître et réclama l’héritage royal. Un duc toscan, Didier, se présenta pour lui disputer la couronne. Il importait avant tout au pape et au roi des Francs de ne pas compromettre les avantages si péniblement conquis dans les années 754 et 755. Ainsi s’entremirent-ils activement dans cette guerre de succession. Le diacre Paul, frère d’Étienne III, et l’abbé Pulrad, agent de Pépin, se rendirent auprès de Ratchis et lui persuadèrent de regagner sa cellule de moine. Ils promirent ensuite le trône à Didier, à condition qu’il souscrirait au pacte suivant : il devait reconnaître la suzeraineté de Pépin, restituer au pape les cités de l’exarchat qui n’avaient pas encore été rendues par son prédécesseur, et notamment Faventia, Imola et Ferrare, s’engager à ne jamais porter ses armes contre le Saint-Siège, mais, au contraire, à l’aider dans ses nécessités, c’est-à-dire, au besoin, contre l’empire grec[78]. Ces conditions consenties, les légats romains et francs n’eurent qu’à menacer les Lombards de l’armée de Pépin pour obtenir leur soumission à Didier. Le nouveau roi ne fut pas seul astreint au serment de fidélité ; les ducs de Spolète et de Bénévent furent rattachés par le même serment à la monarchie franque et, du même coup, soustraits à l’obédience immédiate de Didier[79].

Le souverain lombard devenait ainsi le vassal du roi des Francs. Il était tenu de souffrir la présence de ses missi dans son royaume, de recevoir ses jussions, et même de mettre en mouvement ses armées sur la réquisition de son suzerain. Lorsqu’en 761 le pape se crut menacé par un retour offensif de l’empereur grec en Italie, il avertit immédiatement Pépin de transmettre ses ordres à Didier et aux ducs de Spolète et de Bénévent, pour qu’ils couvrissent de leurs troupes Ravenne, la Pentapole et Rome[80]. Dans l’esprit du pontife, Didier ne devait se considérer désormais que comme le lieutenant de Pépin en Italie et le défenseur subrogé du Saint-Siège contre les Byzantins, sous peine d’être considéré comme un rebelle ; c’est le mot dont se sert le moine de Saint-Gall[81].

On comprend combien devait peser cette servitude à l’héritier de ces rois qui depuis longtemps avaient caressé l’ambition de dominer l’Italie. Ce n’est pas tant le tribut payé aux Francs qui leur semblait intolérable que la surveillance incessante et tracassière exercée sur tous leurs actes par les pontifes de Rome. La haine du Lombard remplit toute la correspondance du pape avec les princes francs. Il n’est pas une lettre qui ne renferme une accusation contre leur fidélité ou ne signale une conspiration ourdie par eux de concert avec les Grecs. Tantôt il s’agit de difficultés dans la reddition des dernières villes de l’exarchat, difficultés bientôt levées par l’intervention de l’abbé Fulrad ; tantôt de l’expulsion des ducs de Spolète et de Bénévent, qui ont rejeté la suzeraineté de Didier, et de leur remplacement par des ducs fidèles à sa dynastie, tantôt encore d’une intrigue pour introniser à Ravenne un évêque défavorable à la cause pontificale.

Tout n’était pas vain dans ces plaintes. Il est clair que Didier, obsédé par l’espionnage incessant des émissaires du pape et tenu au courant par les légats francs des rapports envenimés qui parvenaient à la cour de Pépin sur sa conduite, devait regretter la suzeraineté illusoire et nominale dont se contentaient les souverains de Constantinople, la faiblesse militaire des exarques, qui promettaient aux rois lombards d’étendre tous les jours à leurs dépens les limites du royaume. À force de dénoncer la complicité des Lombards et des Grecs, les papes devaient créer fatalement celte complicité. Il était non moins inévitable que l’empereur cherchât tous les moyens de nouer partie avec Didier. Il paraissait habile d’oublier tous les griefs que l’empire devait avoir contre le plus constant ennemi des exarques, pour ne penser qu’aux intérêts que la cour de Constantinople avait à sauver en Italie d’un entier naufrage et qu’aux facilités qui s’offraient de tirer vengeance des évêques de Rome. Après avoir vainement tenté de détacher Pépin de la curie romaine et avoir constaté la force des liens qui l’unissaient au pape, la politique commandait à Constantin d’essayer si le vaincu n’agréerait pas plus volontiers que le vainqueur ses offres amicales. Aussi ne faut-il pas s’étonner des allées et venues des agents byzantins chargés de sonder les esprits des Vénitiens, des Ravennates, des Napolitains, des colloques secrets qui se tiennent entre Didier et le proto-secrétaire Georges[82]. En 789, il est question entre les deux alliés de bloquer Ravenne par terre et par mer, pendant que la flotte de Sicile doit enlever Otrante. En 760 ou 764, nouvelle alerte ; le pape tient de source sûre que trois cenls navires, commandés par six patrices, ont quitté la Corne d’or, et, après avoir rallié la flotte de Sicile, doivent faire voile vers Rome et de là jeter une armée sur les côtes de France[83]. L’oreille dressée à tous les bruits qui viennent de Pavie, de Naples ou de Constantinople, le pape vit dans une inquiétude continuelle, qu’il tâche de communiquer à son fidèle allié. Celui-ci ne paraît pas s’en émouvoir outre mesure. De fait, aucune de ces graves conspirations n’aboutit. Il suffit à Pépin, tout le temps qu’il régna, d’envoyer en Italie ses missi, son frère Remedius ou le duc Autchaire, pour être rassuré sur les velléités d’indépendance de Didier et pour maintenir les Lombards dans la crainte et dans le devoir.

D’autre part, les discordes et les luttes civiles dont Rome commence à être le théâtre chaque fois que s’ouvre la succession à la tiare devaient fournir à Didier l’occasion d’intervenir dans les affaires de la papauté et d’essayer, en influant sur le choix du pontife, de désarmer l’hostilité traditionnelle de la curie romaine. A la mort du pape Paul (28 juin 767), le duc de Nepe, Toto, s’empara d’une des portes de Rome, lit pénétrer dans la ville ses soldats, auxquels se joignirent des laboureurs et des pâtres accourus pour piller, et fit introniser de force son frère Constantin. Deux Romains, Christophore et son fils Sergius, officiers élevés de l’ancienne administration pontificale, parvinrent à s’échapper de la ville et à se rendre auprès de Didier. Ils le supplièrent de sauver Rome et le siège pontifical de la honte d’une pareille domination[84]. Le roi lombard comprit tout le parti qu’il pourrait tirer de celle intervention. Christophore et Sergius purent, grâce à lui, lever une petite armée de Lombards, recrutés en Toscane et à Spolète. Didier leur adjoignit son agent, le prêtre Waldipert. Les conjurés s’emparèrent de la porte de Saint-Pancrace, du pont Milvius, entrèrent dans la ville et appelèrent les Romains à la révolte[85].

Le récit de la Vita Stephani IV est ici curieux à suivre. Il en coûte à l’auteur de la biographie pontificale d’attribuer aux Lombards le succès de ce coup de main. Il n’épargne rien pour rabaisser leurs services et diminuer ainsi la dette de la papauté. Les Lombards tremblaient la peur, n’osaient s’engager dans le labyrinthe des rues et finirent même par tourner le dos. C’est à la trahison de son armée et aux intelligences que Sergius sut pratiquer dans son entourage que succomba le duc de Nepe.

Sitôt la ville prise, Waldipert, à l’insu de Sergius, se rendit au monastère de Saint-Vit, y prit le moine Philippe et le fit acclamer pape par une poignée de Romains. De la basilique du Saint-Sauveur, où le nouveau pape, suivant la coutume, fil l’oraison, on le conduisit au patriarcheion de Latran. Là il prit possession du siège pontifical avec les cérémonies accoutumées, entouré de quelques-uns des chefs du clergé et de la milice[86] (31 juillet 768).

Joués par la politique lombarde, Christophore et Sergius entrèrent dans une colère violente. Ils soulevèrent le peuple et une partie de l’armée contre l’élu de Didier, puis, profitant du petit nombre des Lombards, ils pénétrèrent dans le palais de Latran et en chassèrent Philippe, qui se sauva dans son monastère. Ils firent ensuite proclamer Étienne IV (1er août).

Rome fut souillée par des exécutions sanglantes. Les partisans des pseudo-papes Constantin et Philippe furent poursuivis sans pitié ; la plupart payèrent de leur vie leur complicité. Constantin et Waldipert périrent dans d’affreux supplices. Le chroniqueur pontifical a soin de rejeter tout l’odieux du sang ainsi répandu sur la férocité des paysans italiotes, maîtres de la ville depuis plusieurs mois. Ainsi se termina par un échec la tentative des Lombards.

Heureusement, après la mort de Pépin, Didier eut, auprès des jeunes princes Charles et Carloman, un protecteur efficace dans la personne de leur mère, Bertrade. C’est elle qui, pour mettre un terme aux alarmes de Didier et pour réconcilier les deux maisons, fit conclure le double mariage de Charles avec Desiderata, la fille du roi lombard, et de Gisèle avec le fils de Didier, Adalgise. Rien ne pouvait être plus désagréable au pape et l’inquiéter plus sérieusement que celle double union. Aussi s’employa-t-il de toutes ses forces à l’empêcher, puis à la rompre, quand elle fut accomplie. C’est à peine si l’on peut rendre l’énergie des termes dont il se sert pour qualifier cette machination diabolique : Quelle est cette idée, mes très chers fils, dont mes paroles ne sauraient exprimer toute la folie ? Quoi ! cette illustre race des Francs, qui brille entre tous les peuples, se polluerait, — ce qu’à Dieu ne plaise ! — au contact de cette race puante (fœtentissimæ) des Lombards, qui ne compte plus parmi les nations et d’où ne peut naître qu’une génération de lépreux ! Il n’est personne ayant le sens commun qui puisse soupçonner que des rois aussi réputés que vous l’êtes acceptent une contagion si détestable et si abominable. Quel rapport peut-il exister entre la lumière et les ténèbres, entre le fidèle et l’infidèle ?[87] Ces objurgations ne purent prévaloir contre la volonté de Bertrade, qui maria, malgré les résistances du pape, sa tille et son fils avec les enfants de Didier. Mais, pour rassurer le pontife sur les intérêts du Saint-Siège, la vieille reine prit la peine de faire le voyage de Rome et calma les appréhensions d’Étienne en obtenant de Didier la cession de quelque territoire à l’Église. Une lettre du pape à Bertrade, de 770-771, lui marque sa satisfaction et lui envoie ses remerciements.

On est cependant autorisé à penser que le pape ne se tint pas pour entièrement rassuré, que sa rancune contre Didier suivit sa fille à la cour de France et que son influence sur l’esprit politique de Charlemagne ne fut pas étrangère aux troubles qui divisèrent les deux époux et finirent par amener une répudiation. Le prétexte fut la stérilité de Desiderata. Il y eut en France un parti lombard et un parti papiste. Carloman se prononça, avec sa mère, pour sa belle-sœur. De graves dissentiments éclatèrent entre les deux frères, qui faillirent en venir aux mains[88]. La mort de Carloman conjura une lutte imminente, mais détermina la défaite du parti lombard. Bertrade, Gerberge, la veuve de Carloman, et ses deux fils, de nombreux abbés, des leudes, parmi lesquels le duc Autchaire, quittèrent la France et demandèrent asile à Didier.

Celui-ci, fort de ses droits de père outragé et du concours qui lui venait de France, prit vigoureusement en main la cause de Gerberge et de ses enfants. Il avait à venger son injure particulière et celle de son peuple, depuis seize ans humilié par le pape et par les Francs. Il entama des négociations avec Byzance et se jeta sur Ferrare, Faventia, Comiaclum, l’exarchat de Ravenne, et tint assiégée la vieille capitale de l’exarque. Le pape Adrien lui députa en vain ambassades sur ambassades. Il ne consentit à traiter qu’à condition que le pontife vînt lui-même le trouver et se résolût à donner Fonction royale aux deux fils de Carloman. Mais, remarque le Liber Pontificalis, il ne voulait ainsi que semer la discorde dans le royaume des Francs, brouiller le pape avec le très excellent roi Charles, patrice des Romains, et soumettre à son joug Rome et toute l'Italie[89]. Aussi le pape tint bon, refusant de se laisser gagner ni par menaces ni par prières. Seulement, quand il vit Didier marcher sur Rome avec son armée, conduisant les enfants qu’il voulait forcer Adrien à consacrer ; il avertit Charles du péril où allait se trouver Rome et des graves événements qui se préparaient. Le roi de France temporisa, épuisa toutes les ressources de la diplomatie la plus patiente, puis, désespérant de rien obtenir de l’aveuglement de Didier, il se décida à passer les Alpes au mont Cenis. Aussitôt Didier et son fils Adalgise se renfermèrent, le premier dans Pavie, le second dans Vérone avec la famille de Carloman. Charles établit le blocus devant la capitale lombarde, puis se dirigea sur Vérone. Désespérant de tenir dans la place, Gerberge et ses fils, accompagnés du duc Autchaire, vinrent d’eux-mêmes se remettre en la miséricorde de Charles, pendant qu’Adalgise s’embarquait furtivement pour Byzance. L’empereur, ménageant l’avenir, le reçut avec joie et lui décerna le titre et les honneurs de patrice. Quant au dernier roi lombard, après la reddition de Pavie, il fut déporté en France et finit ses jours au monastère de Corbie[90].

Ainsi finit le royaume lombard, tombé au rang de simple province de la monarchie franque, après avoir été, sous les deux derniers règnes, son tributaire. Il périt victime sans doute de la politique des papes, qui ne pouvaient souffrir aux portes de Rome l’établissement d’une dynastie puissante, capable de réaliser à son profit l’unité italienne. Mais d’autres causes concoururent à sa ruine. Placés entre les Francs, les papes et les Grecs, ces rois ne pouvaient se maintenir en Italie sans se déclarer franchement les lieutenants de l’empire. Sous ce couvert, comme jadis les Ostrogoths, mais avec plus de chances de réussite, ils auraient pu propager leur domination sans obstacle jusque dans la Pouille et dans la Calabre. Ils aimèrent mieux aspirer ouvertement à remplacer en Italie les Byzantins et se donnèrent la tâche de démolir pièce à pièce l’édifice fragile élevé par Justinien après la victoire de ses généraux Bélisaire et Narsès. Par là, ils travaillèrent à leur propre perte. Les papes, dans l’ordre spirituel, les Francs, dans l’ordre temporel, étaient mieux en situation que les Lombards pour recueillir cette succession. Ils avaient l’avantage de pouvoir s’allier entre eux, sans risquer de se porter mutuellement préjudice. Leur entente était dictée par les circonstances et commandée par leurs intérêts. Les Lombards se trouvèrent pris entre deux forces conjurées, dont l’expansion nécessaire réclamait la disparition des souverains de Pavie. Ils ne songèrent à revenir à l’alliance grecque que la catastrophe accomplie et quand il était trop lard pour que l’empire pût intervenir utilement en leur faveur dans la péninsule.

 

 

 



[1] V. Paulus Diacon., de Gestis Langob., lib. II, cap. V.

[2] D’après une autre version, les Lombards auraient été appelés en Italie par le pape. Nous en trouvons la trace dans le Libellus de imperatoria potestate in urbe Roma (Watterich, Vitæ pontificum, t. I, p. 626).

[3] Procope, de Bello goth., lib. III, cap. XXXIII.

[4] Procope, Histor secret., cap. XX. — Voir aussi chap. XXII.

[5] Procope, Histor secret., cap. XX.

[6] Procope, de Bello Gothic., lib. III, cap. XXXIV.

[7] Procope, de Bello Gothic., lib. III. Lire tout le plaidoyer des ambassadeurs lombards et celui des Gépides, chap. XXXIII et XXXIV.

[8] Procope, de Bello Gothic., lib. III, chap. LIII.

[9] Procope, de Bello Gothic., lib. IV, cap. XXVI.

[10] Paulus Diacon., lib. II, cap. I.

[11] Procope, de Bello Gothico, lib. IV, cap. 19.

[12] Paulus Diacon., lib. III, cap. VIII.

[13] Paulus Diacon., lib. IV, cap. XXV.

[14] Paulus Diacon., lib. IV, cap. XLV.

[15] Paulus Diacon., lib. III, cap. XVII.

[16] Menander Protector, Excerpta de légat., cap. XXV.

[17] Johannes Diaconus, Vita Gregorii Magni, lib. I, cap. XXXII.

[18] Menander Protector, Excerpta de legat., cap. XXIX.

[19] Paulus Diaconus, lib. III, cap. XVII. Sur les relations de Maurice avec Childebert, voir Grégoire de Tours. Se reporter pour le récit de ces campagnes au chapitre précédent.

[20] Sur l’existence d’un parti grec chez les Lombards, voir Paul Diacre, lib. IV, cap. III, cap. XXVIII ; Frédégaire, Chron., cap. XIV.

[21] Frédégaire, Chron., cap. XIV.

[22] Frédégaire, Chron., cap. XIV.

[23] Frédégaire, Chron., cap. XIV.

[24] Gregorii Magni epistolæ (Migne, Patrologia latina), lib. IX, ep. XCVIII.

[25] Voir, entre autres, lib. II, ep. III, XXIX, XXX, XXXVI.

[26] Gregor. Magni ep., lib. V, ep. XL, ad Mauritium. Lib. IX, ep. XLIII, ad Theodelindam.

[27] Lib. III, ep. XXX, ad Joannem subdiaconum. Voir aussi ep. XXIX et XXXI.

[28] Lib. XI, ep. IV.

[29] Voir lib. IV. ep. II.

[30] Nous empruntons tous ces cas à une seule lettre de la correspondance de Grégoire le Grand (lib. V, ep. IV, ad Constantium).

[31] Lib. IX, ep. X, LXVII.

[32] Lib. XIII, ep. XIII.

[33] Ughellus, Italia sacra, t. I (In episc. Mantuan.).

[34] Greg. Magni epist., lib. Il, ep. XXXV.

[35] Paulus Diacon., tib. IV, cap. VIII, XII, XX, XXVIII, XXXV, XL.

[36] M. de Saulcy (Essai de classification des séries byzantines) signale deux de ces monnaies de Maurice, avec le différent MDS (p. 58).

[37] Paulus Diacon., lib. III, cap. XVI.

[38] Du Cange, Glossarium mediæ latinitatis [Dissertatio XLIV : De inférions ævi numismatibus].

[39] Sur les images laurées, lire les notes rassemblées par du Cange (Glossariumi, ad Lauratum) ; Labbe, Actes du concile de Nicée (act. I, page 58). V. aussi les Libri Carolini.

[40] Annal. Baronii, ad ann. 726. Pagi a prouvé que cette lettre était de 730.

[41] Frédégaire, Chron., cap. XLIX.

[42] Frédégaire, Chron., cap. XLIX.

[43] Paul. Diacon., de Gestis Langob., lib. VI, cap. LVII et LVIII. Sur la translation des saints de Sardaigne, voyez chap. XLVIII. Sur ces donations au Saint-Siège, voyez chap. XLIII, et Liber Pontificalis, Vita Zachariæ.

[44] Baronius assigne à ces lettres la date de 726. Pagi a prouvé qu’elles sont, en réalité de 730, puisque le pape y mentionne la déposition du patriarche Germanus.

[45] Lib. Pontif., Vita Gregorii II, n° 184 et la suite.

[46] Lib. Pontific., Vita Gregorii II, n° 184.) Voir aussi Paul. Diacon., de Gestis Langob., lib. VI, cap. XLIX.

[47] Liber Pontif., Vita Gregorii II, n° 185.

[48] Liber Pontif., Vita Gregorii II, n° 185.

[49] Liber Pontif., Vita Gregorii II, n° 186.

[50] Liber Pontif., Vita Gregorii II, n° 185.

[51] Lib. Pontif., Vita Gregorii, n° 188.

[52] Un fragment des décisions de ce synode est rapporté dans l’apologie qu’Adrien envoya à Charlemagne en réponse aux Livres Carolins.

[53] Paul. Diacon., lib. VI, cap. LIII.

[54] Paul. Diacon., lib. VI, cap. LIV.

[55] V. Bayet, le Voyage d’Étienne III en France, dans Rev. histor., sept. 1882. M. Bayet cite l’opinion de Veltman, de Karoli Martelli patriciatu, et de Breysig, Karl Martell.

[56] Voir comment est établi le texte du continuateur de Frédégaire dans D. Bouquet.

[57] Annales Mettenses, an. 141.

[58] Vita Gregorii III, n° 191 à 193.

[59] V. Théophane, Chronographia.

[60] On lit dans le texte du partage de Thionville, 806 : Super omnia autem jubemus, ut ipsi tres fratres curam et defensionem Ecclesiæ sancti Petri simul suscipiant, sicut quondam ab avo nostro Carolo, et beatæ memoriæ genitore Pippino rege, et a nobis postea suscepta est. Les mêmes termes sont reproduits dans les partages postérieurs.

[61] Remarquer les termes singuliers dont se sert l’auteur de la Vie de Zacharie (Lib. Pontif., n° 208).

[62] Voir ces scènes éloquemment racontées dans la Vita Zachariæ, n° 213 à 216.

[63] Vita Zachariæ, n° 220.

[64] Lib. Pontif., Vita Stephani, n° 230. Paul. Diac., Contin. tertia., cap. XXIII.

[65] Vita Stephani, n° 232.

[66] Vita Stephani, n° 232.

[67] Vita Stephani, n° 235.

[68] C’est ainsi que nous entendons le passage de la Vita Stephani, n° 237.

[69] Vita Stephani, n° 237. Paul. Diac., Contin. tertia, cap. XXXIII.

[70] Voir spécialement Bayet, le Voyage d’Étienne III en France (Rev. hist., XX, 88), et Martens, die Rœmische Frage.

[71] Martens, oper. citat., chap. VII, 2.

[72] Muratori, Epit. Chronic, Casinensium, p. 362.

[73] Contin. Fredegar., cap. CXXIII ; Annales Lauresh. Maj. Ann. Einhardi, ad ann. 757.

[74] Voir cette curieuse lettre dans Jaffé, Cod. Carolinus, ep. XI, Stephani III, mars ou avril 737.

[75] Codex Carolinus, ep. XLVIII, Stephani IV.

[76] Lib. Pontif., Vita Stephani III, n° 230.

[77] Cont. Fredegar., cap. CXX et CXXI.

[78] Voir, sur ces événements : Codex Carol., ep. XI, Stephani III, an. 157 ; Paul Diac., Continuatio tertia, cap. XLIV ; Contin. Fredegar., cap. CXXII. Chron. Moissac., an. 772 et 773. Le moine de Saint-Gall, qui brouille les noms, n’affirme pas moins nettement le fait (Lib. II, 17.)

[79] Cod. Carol., ep. XI, Stephani III. Voir aussi Codex Carol., ep. Pauli, XVII.

[80] Cod. Carol., ep. Pauli, XXXI.

[81] Monach. Sangallensis, lib. II, cap. XVII.

[82] Codex Carol., ep. Pauli, XVII.

[83] Codex Carol., ep. Pauli, XX.

[84] Vita Stephani IV, n° 266.

[85] Vita Stephani IV, n° 267, 268.

[86] Vita Stephani IV, n° 270.

[87] Codex Carol., ep. Stephani IV, 47.

[88] Eginhard, Vita Karoli, cap. III ; Annales Einhardi, ad ann. 711.

[89] Liber Pontificalis, Vita Adriani, n° 296. Voyez aussi Paul. Diac., Continuat, tertia, cap. XLVIII.

[90] Liber Pontificalis, Vita Adriani ; Paulus Diac., Continuatio tertia, cap. LII-LVI ; Annales Einhardi, ad ann. 774.