HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XVI.

 

 

Les ouvriers dirigés sur les départements reviennent a Paris. — Plaintes qu'ils font entendre contre le gouvernement. —Troubles de Nantes à l'occasion du travail à la tâche. — Emeute de Puteaux pour le même motif. — Effet que ces nouvelles et les discours de tribune produisent sur les ouvriers. — Mesures sauvages qui blessent les travailleurs. — Décision de la Commission exécutive commentée par le peuple. — Il croit voir la République trahie. — Il veut en finir avec les traîtres. — Intervention pacifique. — Explications demandées au pouvoir. — Dernière pétition adressée par les ouvriers à l'Assemblée nationale. — Réunion des ouvriers le 22 au matin. — Leurs délibérations. — Du travail dans Paris ! — Délégués envoyés à la Commission exécutive. — Discussion entre les délégués et le citoyen Marie. — Les ouvriers se considèrent comme insultés. — Extrême irritation qui les domine. — Leurs promenades dans Paris. — Du travail ou du plomb ! — Pétition apportée à l'Assemblée nationale et déposée par Pierre Leroux. — L'Assemblée s'occupe des boissons et des chemins de fer. — Proposition du citoyen Latrade relative aux associations des ouvriers. — Coup d'œil sur l'Assemblée. —Détermination belliqueuse des ouvriers prise dans la soirée du 22 juin. — Mesures de précaution ordonnées par le gouvernement. — Les sympathies du peuple pour le gouvernement sont éteintes par les déceptions.

 

C'est le 20 juin au soir que l'Assemblée nationale avait voté les trois millions de francs destinés au service des ateliers nationaux : on a vu avec quelle mauvaise grâce ces fonds furent alloués par la Commission, et les réserves qu'elle y mit.

A cette époque, quelques détachements de travailleurs avaient été dirigés sur divers départements, et principalement sur les ingrates contrées de la Sologne. Malheureusement, rien ne se trouvait préparé pour les recevoir, ni même pour les occuper. Ce que le ministre des travaux publics avait prévu se trouva ainsi réalisé ; et les ouvriers, transportés dans ce pays sans ressources, prirent la détermination de retourner à Paris, où ils firent entendre les plaintes les plus amères sur le sort qu'on leur préparait en les éloignant de la capitale.

Le même jour on apprenait à Paris que des troubles graves avaient éclaté à Nantes, et que la cause de ces mouvements était le refus des ouvriers de cette ville d'accepter le travail à la tâche, comme trop improductif pour nourrir leurs familles. L'autorité, redoutant l'exaspération des ouvriers, n'avait trouvé rien de mieux à faire que de mettre sur pied la force armée, afin de cerner ceux des mécontents qui voulaient aller exposer leurs raisons à la mairie. Beaucoup de délégués des ateliers nationaux furent même arrêtés, et une collision funeste se serait engagée entre la force armée et les ouvriers, si les bons citoyens de la ville ne fussent accourus pour calmer les esprits de part et d'autre.

Une sorte d'émeute, ayant aussi pour cause la substitution du travail à la tâche, venait d'éclater à Puteaux, près Paris : les nombreux ouvriers occupés dans les ateliers de cette commune en étaient sortis pour se livrer aux plaintes les plus amères contre le traitement que l'Assemblée nationale leur infligeait. L'autorité s'était trouvée dans la nécessité d'appeler sur les lieux les trois bataillons de garde mobile casernés à Courbevoie, et de mettre ainsi en présence la force armée, avec le peuple. Heureusement, aucune collision ne s'engagea ; mais, dans la soirée, on arrêta plusieurs ouvriers présumés être les chefs du mouvement ; ce qui laissa beaucoup d'agitation dans le canton de Neuilly.

Comme on le comprend, ces nouvelles devinrent aussitôt le sujet des commentaires des travailleurs de Paris : ils crurent y voir un parti pris de ne plus faire droit à leurs justes griefs et de les livrer aux baïonnettes dirigées par les réactionnaires. Mais ce qui les blessait le plus profondément encore c'étaient les injures quotidiennes que leur adressaient les feuilles contre-révolutionnaires, et ces statistiques présentées à la tribune nationale, dans lesquelles, exagérant le nombre de malfaiteurs qui pouvaient s'être glissés parmi les cent dix mille véritables ouvriers, des représentants du peuple n'avaient pas craint d'affirmer que les ateliers nationaux étaient un ramassis de repris de justice, de forçats libérés, d'hommes dangereux, de fainéants, trouvant commode de ruiner l'Etat pour vivre dans l'oisiveté. Les propositions de M. Turck, les discours de MM. Hugo et Faucher, où l'on parlait à la fois et de lazzaroni et de janissaires, où l'on faisait sonner bien haut cette aumône que les repus laissaient tomber sur ceux que la faim avait enrôlés, pesaient sur le cœur des ouvriers, et ils ne demandaient pas mieux, plutôt que de rester en butte à toutes ces insultes, de se montrer dociles aux ordres et aux combinaisons du ministre des travaux publics, qui, seul ou presque seul, les avait chaleureusement défendus en face des réactionnaires.

Au milieu de leur exaspération contre les hommes qu'ils considéraient, avec raison, comme les ennemis de la République, et au moment où le vent de l'Ouest soufflait déjà l'insurrection sur la capitale, la Commission du pouvoir exécutif, assaillie par les exigences réactionnaires, crut qu'elle devait mettre à exécution l'une des dispositions arrêtées précédemment, l'enrôlement dans l'armée de tous les ouvriers embrigadés ayant l'âge de dix-sept à vingt-cinq ans, et ce, sous peine d'être renvoyés immédiatement des ateliers nationaux.

De toutes les mesures proposées pour fondre ces ateliers, deux entre autres avaient profondément blessé les travailleurs, parce qu'elles portaient en elles-mêmes le cachet de la violence et de l'iniquité. Ces deux mesures étaient celle du renvoi des ouvriers non domiciliés à Paris depuis six mois, et celle de l'enrôlement forcé dans l'armée.

Cette dernière surtout se montrait, à leurs yeux, sous les formes les plus tyranniques, les plus arbitraires : c'était, en quelque sorte, la presse que les Anglais font peser sur les matelots du commerce lorsque les besoins de la marine royale se font sentir impérieusement. Cette mesure liberticide, appliquée aux ouvriers français de toutes les professions, leur parut une chose monstrueuse. Aussi en avait-on retardé et même éludé l'exécution. Mais la Commission de gouvernement, dirigée en cela par l'un de ses membres, l'ancien ministre des travaux publics, et par les ennemis du peuple, crut enfin devoir essayer ce moyen, et fit placarder l'avis suivant, que les ouvriers lurent sur les murs de Paris, dans la soirée du 21 juin.

La Commission du pouvoir exécutif, y était-il dit, a donné des ordres pour que les enrôlements commencent demain dans les ateliers nationaux[1]. On a différé l'exécution de cette mesure, afin de laisser aux jeunes ouvriers le temps de faire leur choix avec la maturité nécessaire ; mais le public et les ouvriers eux-mêmes verraient avec plaisir que, par cette mesure, on commence enfin la solution de cette grave question du travail[2]. Les ateliers nationaux ont été une nécessité inévitable pour quelque temps ; maintenant ils sont un véritable obstacle au l'établissement de l'industrie et du travail. Il importe donc, dans l'intérêt le plus puissant des ouvriers eux-mêmes, que les ateliers soient dissous, et nous sommes persuadés que les travailleurs le comprendront sans peine, grâce au bon sens, au patriotisme intelligent dont ils ont fait preuve si souvent.

 

L'effet que la lecture de cet avis produisit sur les ouvriers des ateliers nationaux fut aussi prompt que douloureux. Pendant toute la soirée, des groupes considérables, réunis sur la place de l'Hôtel-de-Ville, sur celles Maubert, de l'Odéon et du Panthéon, sur le boulevard du Temple et à la Bastille, ne cessèrent de le commenter. Ce qu'ils y virent de plus digne de leur attention fut la condescendance de la Commission exécutive envers les contre-révolutionnaires.

Quoi ! s'écriaient ces ouvriers, dont la plupart avaient contribué à la révolution de Février ; quoi ! c'est au moment où la cause pour laquelle nous avons versé notre sang est attaquée, compromise par tous les partis ennemis de la liberté ; c'est lorsque les prétendants affichent hautement leurs prétentions, et que les factions dynastiques travaillent à relever le trône, c'est alors que le gouvernement de la République semble vouloir leur laisser le champ libre, en renvoyant de Paris les seuls hommes de dévouement, les seuls qui se feraient tuer pour la sainte République ! Le gouvernement la trahit donc aussi, puisqu'il seconde les vœux les plus ardents des hommes qui veulent la faire tomber !

Ne voyez-vous pas que tous les prétextes sont bons pour livrer le cœur de la France à la contre-révolution ? disait-on dans d'autres groupes. Et si encore, en nous mettant un fusil à la main, ils nous envoyaient secourir les Italiens qui vont succomber sous les coups de la trahison[3] ! Si le gouvernement de la République française n'était pas dominé par l'infâme réaction, aurait-il jamais eu la pensée d'éparpiller, comme il veut le faire, ceux qui peuvent le préserver des entreprises royalistes ?... Ils sont tous faits pour s'entendre ensemble ! ils veulent en finir avec nous, avec les plus fermes soutiens de la République ! Eh bien ! nous en finirons, nous aussi, avec les traîtres !

Telles étaient les réflexions et les déterminations qu'inspiraient aux ouvriers des ateliers nationaux et à tous les républicains sincères les déplorables mesures prises contre les ateliers nationaux. Il était évident pour tout le monde, tant l'agitation fut grande ce soir-là, que cette imprudente violence faite aux ouvriers allait être la cause déterminante d'une scission ouverte entre les travailleurs embrigadés ou non et le gouvernement, et peut-être la cause d'une levée de boucliers, non plus pacifique comme au 17 mars, mais sanglante comme en Février ; le peuple se considérait désormais comme trahi et par ses mandataires et par ceux qui tenaient les rênes du gouvernement.

Toutefois, avant de se laisser dominer par la passion si justement excitée, les ouvriers des ateliers nationaux, ramenés à la modération par quelques citoyens influents, décidèrent qu'ils iraient demander une dernière explication au pouvoir, en même temps qu'ils exposeraient leurs griefs à la représentation nationale, au moyen d'une pétition qu'ils feraient présenter par un ami du peuple.

L'agitation ne se calma que fort avant dans la nuit.

Dès le matin du 22 juin, les ouvriers des ateliers nationaux étaient déjà rassemblés par bandes nombreuses du côté du Jardin des Plantes, où ils allaient habituellement toucher leur paye. Là se trouvaient des employés de leur administration, avec des registres, pour y inscrire ceux qui auraient voulu s'enrôler : d'autres registres étaient ouverts par les commis du bureau central pour l'inscription des travailleurs destinés aux travaux des départements, déterminés par la Commission du travail. Mais ce fut vainement que l'on essaya ces enrôlements, personne ne s'inscrivit, et les ouvriers ne s'occupèrent d'autre chose que de leurs réclamations, ainsi que des moyens de les soumettre à la Commission exécutive et à l'Assemblée nationale.

N'ayant pu délibérer sur la place du Panthéon, occupée par une force armée nombreuse, les ouvriers se dirigèrent, par troupes considérables, sur celle de la Bastille, où se trouvait déjà une grande partie des travailleurs du faubourg Saint-Antoine, groupés autour d'orateurs développant leurs griefs. L'affluence y fut bientôt telle que, malgré leur nombre, les gardiens de Paris et la troupe n'osèrent opposer aucune résistance lorsque l'armée des travailleurs se mit en marche pour l'Hôtel-de-Ville. De ce moment, la circulation des voitures fut forcément interrompue ; les boutiques se fermèrent dans les quartiers de l'Hôtel-de-Ville, des Arcis, Saint-Martin et Saint-Denis : on y semblait à l'attente de quelque grand événement. L'attroupement, du reste, ne proférait aucun des cris qui s'étaient fait entendre récemment sur la place de la Concorde ; on ne prononçait d'autres mots que ceux-ci : — Du travail dans Paris !Nous ne quitterons pas Paris ! — auxquels se mêlaient de temps à autre le cri d'à bas Lamartine ! à bas Marie ! Le tout sur le rythme des Lampions.

Arrivée au pont au Change, cette foule prit la route du Luxembourg, par le Palais de justice et le pont Saint-Michel. Mais tous les aboutissants du palais de la Commission exécutive se trouvaient gardés, et le rassemblement dut s'arrêter. Les ouvriers déléguèrent alors huit d'entre eux pour aller exposer leurs griefs au gouvernement.

Soit que les membres de la Commission fussent occupés ou absents, les délégués furent reçus par le seul citoyen Marie, contre lequel les ouvriers croyaient avoir des griefs : la réception fut donc loin d'être cordiale ; ce qui n'empêcha pas le brigadier Pujol de porter la parole en ces termes :

Avant la révolution de Février, les travailleurs de la France, dit-il, étaient sous le joug des fabricants. Pour se soustraire à cette fatale exploitation, les travailleurs de Paris ont versé leur sang, afin de renverser le pouvoir qui contribuait à maintenir et avait même empiré cette homicide servitude. Les ouvriers de Paris n'ont quitté les barricades que lorsqu'ils eurent proclamé la République démocratique et sociale qui devait détruire l'exploitation de l'homme par l'homme. Aujourd'hui les ouvriers voient avec peine qu'ils ont été leurrés par des promesses mensongères ; ils aperçoivent trop le système de violence que l'on déploie à leur égard. Pendant plus de trois mois, ils ont fait tous les sacrifices possibles à la cause de nos libertés ; ils sont toujours prêts à en faire de nouveaux ; mais ils ne veulent point que ces sacrifices aboutissent à les rendre victimes du système qu'ils ont cru détruire. Avant qu'une meilleure organisation du travail soit résolue, ils demandent provisoirement l'organisation d'ateliers dans lesquels toutes les professions puissent être exercées librement, d'ateliers propres à servir de refuge aux ouvriers forcés de chômer une partie de l'année.

 

Le citoyen Marie, croyant apercevoir de l'arrogance dans le ton de celui qui portait la parole au nom des ouvriers, n'avait écouté ce discours qu'avec une impatience apparente : il s'était montré vivement contrarié, et prêt à interrompre l'orateur. Ses dispositions, après la lecture, se ressentirent de ses impressions : il répondit avec hauteur que la Commission exécutive n'avait pris la détermination dont on se plaignait qu'après y avoir mûrement réfléchi ; que les ateliers nationaux étant à la fois une institution ruineuse pour l'Etat et une arme dont les ennemis de la République pourraient se servir, il était du devoir du gouvernement de les dissoudre, avec les précautions que l'ordre et l'humanité indiquaient ; que la mesure arrêtée de renvoyer dans leur domicile les ouvriers non domiciliés à Paris, était aussi équitable que nécessaire à la tranquillité de la capitale, et que le gouvernement saurait bien se faire obéir par les ouvriers qui ne voudraient pas se soumettre au décret.

Ainsi, les ouvriers venant protester contre des mesures sauvages qui leur imposaient l'enrôlement, l'exil et la misère ; ces ouvriers, qui parlaient au nom du droit, au nom des promesses les plus solennelles, se trouvèrent cruellement désappointés. Leur réplique fut vive ; et, ce qui la rendit encore plus contrariante pour le citoyen Marie, c'est qu'il crut reconnaître dans ce même ouvrier Pujol, traitant de puissance à puissance, l'un des envahisseurs de la salle des députés le 15 mai.

Je ne puis reconnaître en vous l'organe des ouvriers, lui aurait dit le membre de la Commission exécutive ; nous vous connaissons, et le gouvernement a l'œil sur vous... Et, s'adressant aux autres ouvriers, l'ancien ministre des travaux publics leur demanda pourquoi ils n'exposaient pas eux-mêmes leurs griefs. Vous êtes donc des esclaves ? aurait-il ajouté.

Ce dernier mot, diversement interprété par les mandataires des ouvriers, les blessa profondément, et l'irritation s'ensuivit. Des paroles très-vives furent échangées. Pujol, qui s'était senti personnellement blessé, s'écria :

Vous insultez des citoyens investis du caractère sacré de délégués du peuple ; le peuple saura à quoi s'en tenir sur vos dispositions à son égard. Nous nous retirons avec la conviction sincère que vous ne voulez ni l'organisation du travail, ni la prospérité des travailleurs, et que vous n'avez nullement répondu à la confiance qu'ils avaient mise en vous. Nous allons rendre compte à ceux qui nous attendent de votre réception, citoyen Marie, et nous userons même de la publicité pour apprendre au peuple que vous avez oublié bien vite le rôle de défenseur de sa cause !...

 

Lorsque les délégués des ateliers nationaux se trouvèrent parmi leurs camarades, il ne fut pas difficile de lire sur leurs figures les impressions qu'ils rapportaient de leur message. Quelque impatience que la foule montrât de connaître le résultat de la mission, elle comprit, que le lieu où elle se trouvait exigeait la plus grande réserve ; et, sur un avis verbal qui circula de rang en rang, les ouvriers se dirigèrent vers la place de Saint-Sulpice. Là, Pujol rendit compte de ce qui venait de se passer au Luxembourg, et rapporta les paroles du citoyen Marie, au nom de la Commission exécutive : Si les ouvriers ne se soumettent pas volontairement au décret, ils seront renvoyés de Paris par la force !

Des cris violents accueillirent cet arrêt lancé contre les ateliers nationaux : les expressions du citoyen Marie, répétées de bouche en bouche, exagérées peut-être, comme cela se voit souvent lorsque la malveillance est aux aguets, portèrent l'indignation dans tous les lieux de réunion des ouvriers, dans tous les chantiers et ateliers : en quelques heures, elles avaient couru de barrière en barrière, de faubourg en faubourg. Ce malheureux mot esclave, prononcé par un membre du gouvernement en parlant des ouvriers, fut commenté, traduit, expliqué de mille manières, et acheva d'indisposer les travailleurs contre la Commission exécutive, considérée déjà comme complice des royalistes.

Nous ne serons jamais les esclaves de personne, s'écriaient les ouvriers. Nous voulons vivre en travaillant, ou mourir en combattant. On veut nous envoyer dans les départements pour y être traités comme des forçats en surveillance : nous resterons à Paris pour déjouer les manœuvres des contre-révolutionnaires. Ils nous ont déclaré la guerre ; eh bien ! nous relevons le gant. Ils veulent en finir avec nous ; eh bien ! nous avons hâte d'en finir avec eux. Aussi bien vaut-il mieux périr d'une balle que de mourir de faim, ou frappé d'un humiliant exil !...

Ces paroles, et beaucoup d'autres ayant le même sens, circulèrent toute la journée dans les rues populeuses de Paris, parcourues successivement par des groupes d'ouvriers, répandant partout sur leur passage les mauvaises nouvelles sorties du Luxembourg. Ces groupes, qui circulaient avec rapidité, bannières en tête, allaient conseiller à tous les travailleurs des chantiers la résistance, et empêcher tout enrôlement soit pour les travaux extérieurs, soit pour l'armée. Bientôt les chantiers se trouvèrent déserts, les places de la Bastille, de l'Hôtel-de-Ville, du Panthéon, de la Madeleine, les quais, les boulevards, les ponts, se couvrirent d'hommes du peuple, qui semblaient s'organiser et se donner un mot d'ordre. Dans la soirée, des bandes immenses sillonnent les rues, et se renforcent de tous les ouvriers qu'elles rencontrent. Les boutiques de quelques quartiers se ferment, tandis que dans d'autres on entend battre ce rappel qui contriste les âmes. Un seul cri retentit dans les groupes : Du travail ou du plomb ! et ce cri indique la gravité de la situation.

Cependant, ceux des ouvriers qui étaient restés sur la place Saint-Sulpice veulent encore essayer de faire revenir l'Assemblée nationale de ses dures décisions. Ils décident qu'une pétition lui sera apportée dans la journée ; et, sur-le-champ, ils se mettent à en arrêter la rédaction. Mais les cloches de Saint-Sulpice, qui sonnaient en ce moment-là, empêchant les ouvriers de s'entendre, ils vont prier le vicaire de les faire taire pour quelques instants ; ce qu'ils obtiennent. Leur pétition ayant enfin été formulée et rédigée, cette troupe de travailleurs se dirige vers l'Assemblée nationale, par les Tuileries. Un escadron de cavalerie accourt leur barrer le passage. Les délégués déclarent qu'ils ne se rendent à l'Assemblée que pour lui présenter une pétition : on laisse passer quelques-uns d'entre eux, qui s'empressent de confier leur pétition au représentant Pierre Leroux.

On était à la fin de la séance du 22 juin ; séance qui ne s'était point ressentie de l'émotion du dehors, puisqu'on avait pu s'y occuper paisiblement d'abolir le décret du 31 mars et de rétablir en partie les droits antérieurs sur les boissons. La question du rachat des chemins de fer y avait aussi été débattue : les citoyens Brunel, Cordier et Montalembert avaient exposé les motifs qui devaient s'opposer à ce qu'ils regardaient comme une spoliation. Mais le représentant Galy-Cazalat n'avait pas eu beaucoup de peine à démontrer la nécessité de confier au gouvernement l'administration du seul moyen de transport pour approvisionner les grands centres de population. Si cette question eût été abordée de bonne foi, il eût suffi du résumé historique des chemins de fer que fit le représentant Mathieu (de la Drôme), pour édifier tout le monde sur les manœuvres coupables auxquelles les compagnies avaient eu recours pour s'enrichir, et l'opinion eût été fixée sur l'opportunité de ce rachat. Mais, ainsi que nous l'avons déjà dit, c'était encore ici un duel entre l'aristocratie et la démocratie, duel où chaque lutteur ne voulait point reculer d'un pas.

Un seul député présenta, dans cette séance, une proposition qui se rattachait aux ateliers nationaux : elle était relative aux conditions auxquelles les associations d'ouvriers seraient admises dans la soumission des travaux publics.

Par un décret antérieur, dit le représentant Latrade, l'Assemblée a décidé que le travail à la journée serait aboli dans les ateliers nationaux et remplacé par le travail à la tâche. J'ai pensé que cette mesure devait être appliquée à tous les travaux de l'industrie privée.

Le principe de l'association, poursuivait-il, est de ceux dont l'application est le plus vivement désirée par les classes ouvrières, par tous les ouvriers s'en occupant. Je crois, pour mon compte, qu'il doit être fécond... Ce principe peut donner de bons résultats au point de vue moral et au point de vue politique ; au point de vue moral, car il développera partout les sentiments de fraternité, qui jusqu'ici sont restés trop étrangers à notre société ; au point de vue des intérêts matériels, car il fait disparaître les intermédiaires avides et souvent parasites qui existent entre l'ouvrier et le produit de son travail.

Par ces considérations, le citoyen Latrade demandait que sa proposition fût renvoyée à l'examen du Comité des travaux publics, avec lequel elle était concertée.

L'Assemblée venait d'adopter la prise en considération des idées du citoyen Latrade, quand Pierre Leroux monta à la tribune pour rendre compte de la mission qu'il avait reçue de la part des ouvriers des ateliers nationaux.

Je dépose sur le bureau de la présidence, dit ce représentant, une pétition signée par les délégués des ateliers nationaux. Cette pétition a pour but d'appeler l'attention de l'Assemblée nationale sur la situation que les mesures prises pour la dissolution des ateliers nationaux font aux travailleurs, et en particulier d'appeler quelques garanties pour ceux qui iront travailler dans les départements, sur la demande des industries particulières[4]. Je demande que cette pétition soit renvoyée à votre Comité des travailleurs, pour qu'il en fasse son rapport le plus promptement possible.

L'Assemblée nationale, qui devait apercevoir l'orage, et qui aurait peut-être pu le conjurer encore en prenant en prompte considération la dernière supplique des travailleurs, se borna à en ordonner le renvoi à son Comité, et ne daigna pas même demander la lecture de cette pétition, dont les termes devaient nécessairement lui apprendre les résolutions de ces cent mille ouvriers voués à l'animadversion des réactionnaires. La séance fut levée, parce que l'heure du dîner de l'aristocratie était sonnée depuis quelques minutes.

C'est que dans l'Assemblée, comme au dehors, les seuls républicains sincères redoutaient un soulèvement, une collision quelconque ; car ils voyaient le parti contre-révolutionnaire, les partis dynastique et impérialiste prêts à s'emparer de l'irritation du peuple pour faire servir sa colère à la réalisation de leurs coupables manœuvres. Les républicains ne pouvaient oublier sitôt que quelques jours auparavant les cris de vive Napoléon ! avaient été poussés par des hommes suspects, par des écrivains de qui la plume s'était mise au service d'un nom dont ils exploitaient la popularité contre la République ; ils ne pouvaient oublier que l'aristocratie et le royalisme tenaient leurs fétiches prêts, et qu'ils ne manqueraient pas de lever le masque le jour où le peuple, trompé par ses ressentiments envers des hommes, oublierait un instant qu'il a toujours combattu pour les principes. Les républicains ne cessaient donc, par leurs discours et par leurs journaux, de dire aux ouvriers : Méfiez-vous de ceux qui vous exciteraient à prendre le fusil pour appuyer vos griefs ; les circonstances sont, il est vrai, pénibles pour le peuple, pour tous les amis de la liberté ; la réaction devient insolente, provocatrice ; mais vous avez pour la vaincre une arme plus sûre que le mousquet ; vous avez le suffrage universel : travaillons à éclairer les campagnes, que dominent encore les prêtres elles aristocrates, et bientôt le triomphe de la République que vous avez rêvée arrivera pacifiquement.

Mais les ouvriers, découragés en présence des tristes essais du vote général, irrités par ce qui se passait sous leurs yeux, travaillés par les faux amis, ne voient que les souffrances actuelles du prolétaire, les humiliations qui tombent sur sa tête du haut de la tribune nationale et les injures des journaux ; les ouvriers, poussés au désespoir par la tournure des affaires publiques plus encore que par la misère qui les frappe, ne sont plus dans une situation d'esprit qui leur permette d'écouter les sages avis des chefs démocrates : les provocations incessantes dont ils sont l'objet stimulent la colère des ateliers nationaux, et l'impatience d'en finir avec les ennemis de la Révolution les pousse vers le précipice préparé par la main cachée qui organise la guerre civile.

Pendant la journée du 22, un placard couvrit les murs de Paris : il contenait une adresse des ouvriers à M. Goudchaux, dans laquelle on répondait aux assertions des orateurs qui avaient frappé de réprobation les ateliers nationaux comme étant le produit d'une idée détestable.

Loin d'être une mauvaise institution, disait-on dans cette affiche, les ateliers nationaux sont une création admirablement philanthropique, qui peut avoir les meilleurs résultats sous une administration sage et habile. C'est l'organisation qui leur a manqué.

Après avoir ainsi protesté avec énergie contre les discours de la tribune nationale, les ouvriers, réunis en une colonne considérable, se dirigèrent sur la place du Panthéon ; quelques torches jetant une lueur sinistre sur la foule, éclairent pâlement un orateur qui, d'une voix éclatante, donne lecture d'une note où se trouvent résumés les griefs que les ouvriers ont exposés à l'Assemblée dans leur pétition. Il la termine par ces mots, d'où vont sortir les tempêtes :

Citoyens, vous le voyez ; la République que vous avez fondée court les plus grands dangers : les démocrates, les hommes de cœur, la laisseront-ils étouffer sans protestation et sans résistance !

— Non ! non ! répondent six mille voix.

— Eh bien ! reprend le tribun, que les travailleurs se rendent sur cette même place, demain à six heures du matin ; leur volonté avisera.

 

Pareil appel aux mesures extrêmes, inconsidérées, avait lieu, au même instant, sur la place de la Bastille, sur celle du Châtelet, à la Porte-Saint-Denis, au boulevard du Temple : la colère du peuple avait des ailes, elle planait sur toutes les parties industrieuses de la ville ; et, partout, les ouvriers au désespoir criaient : Du pain ou du plomb ! menace terrible, qui indiquait non plus une émeute, non plus une agression accidentelle comme au 15 mai, mais une insurrection formidable, amenée progressivement et décidée au grand jour, par les souffrances, les déceptions et les moyens brutaux employés contre les travailleurs.

La Commission exécutive, la mairie, la police, qui avaient de nombreux agents partout, ne manquèrent pas d'être prévenues de ce qui se passait sur la place publique. Mais la Commission, craignant d'encourir, comme elle l'avait fait au 16 avril, le ridicule de se mettre en arrêt contre des moulins à vent, se borna à prescrire des mesures de prudence, qui eussent pu être efficaces s'il ne se fût agi que d'une émeute ou d'une de ces démonstrations populaires qui se calment d'elles-mêmes. Ces mesures de précaution, arrêtées dans la nuit, entre la Commission exécutive et une partie de la représentation nationale réunie à la présidence, furent : la consigne des troupes dans les casernes, chaque soldat prêt à marcher ; la convocation de la garde nationale à domicile, dans tous les arrondissements ; la concentration de toutes les forces entre les mains d'un chef éprouvé, et enfin l'arrestation décidée de plusieurs brigadiers des ateliers nationaux, nommément de celui qui avait porté la parole au Luxembourg[5].

Depuis les agitations dynastiques qui avaient si fortement ému la Commission gouvernementale, il avait été décidé que la garnison de Paris et de ses alentours serait portée au chiffre énorme de cinquante mille hommes. Le ministre de la guerre avait été chargé de prendre les mesures nécessaires pour que ce nombre de baïonnettes se trouvât sous sa main, dans le cas où quelque faction dynastique eût essayé de renverser la République. Mais les dispositions que nécessite, dans les temps ordinaires, le mouvement de concentration de corps souvent fort éloignés les uns des autres, n'avaient point encore permis à cette masse de troupes de s'agglomérer autour de Paris. Vingt mille hommes seulement s'y trouvaient le 22 juin au soir. C'était une force considérable, surtout si l'on y ajoute les gardes nationaux convoqués. Aussi se crut-on en mesure de maîtriser toute insurrection que tenteraient de faire les mécontents ou les royalistes.

Dans l'opinion de la Commission exécutive, les ateliers nationaux étaient moins à craindre pour la cause de la liberté que les factions dynastiques, royales ou impérialiste, que l'on avait vues tout récemment agiter la population de Paris pour des noms. Les ateliers nationaux ne se composaient-ils pas de ces hommes du peuple que le pouvoir issu de la Révolution avait toujours trouvés sublimes de dévouement pour la République ; de ce peuple dont le gouvernement provisoire avait eu tant à se louer, et qu'il ne cessa d'exalter sur tous les tons ! Le peuple, se dit la Commission, ne se soulèvera pas contre le gouvernement de la République : quelque dures qu'il trouve les dispositions qui atteignent les ateliers nationaux, il s'y soumettra par dévouement ; et si quelques hommes cherchent à exciter des troubles, les masses ne s'agiteront pas, dans la crainte de compromettre leur conquête de Février. Quant au surplus de la population de Paris, la Commission exécutive était persuadée qu'elle se montrerait indifférente, sinon hostile à ces ateliers nationaux, responsables, aux yeux des commerçants, des agitations de la rue et du chômage des travaux de l'industrie parisienne. Tel fut à peu près le sens du raisonnement que fit la Commission exécutive en présence des symptômes alarmants que décela la soirée du 22.

Mais la Commission s'abusait sur l'opinion de ces mêmes ouvriers qui avaient prêté un si puissant appui au gouvernement provisoire. En mars et avril, le peuple de Paris, les ouvriers surtout, étaient cordialement attachés au gouvernement provisoire, auquel ils tenaient compte de ses bonnes intentions. Mais la désaffection, la méfiance même n'avaient pas tardé à succéder à cette vie commune d'où vint la force de ce gouvernement. Confondant les membres de la Commission avec ceux de l'Assemblée nationale, le peuple avait pu croire, dès le mois de mai, que le gouvernement de la République s'était insensiblement éloigné de lui, pour se rallier à la bourgeoisie, généralement contre-révolutionnaire ; et il avait retiré son puissant appui à la Commission exécutive. Epiant, avec une sorte de suspicion, chaque pas que le gouvernement faisait pour se rapprocher de l'opinion soi-disant modérée qui cherchait à dominer dans l'Assemblée nationale, le peuple de Février avait vu avec une vive douleur convertir en lois de la République cette foule de mesures réactionnaires qui se succédaient depuis le 4 mai, sans que la Commission protestât contre la démolition de son œuvre : il avait senti bouillonner son indignation lorsque le gouvernement était venu lui-même présenter des lois restrictives des libertés publiques les plus précieuses, des lois draconiennes contre l'exercice des imprescriptibles droits de l'homme réuni en société. La Commission exécutive, quoique composée de diverses fractions du gouvernement provisoire, s'était donc aliéné sans retour l'immense popularité dont ce gouvernement avait joui pendant deux mois. Les sympathies du peuple ne soutenaient pas plus les hommes placés au gouvernail que l'Assemblée nationale ; elles s'étaient éteintes au milieu de déceptions cruelles ; car les souffrances des travailleurs n'étaient pas les seules causes du désespoir qui les torturait : ils récapitulaient les reproches fondés qu'ils se croyaient en droit d'adresser à la plupart des hommes en qui ils avaient placé leurs plus chères espérances, et ces griefs ils les puisaient surtout dans la marche rétrograde du gouvernement, dans ses tendances contre-révolutionnaires, dans les lois liberticides portées récemment, et enfin dans la politique couarde qu'il suivait à l'égard de l'extérieur. Avec son instinct admirable, le peuple français avait compris que l'abandon de la Pologne, de l'Italie et de l'Allemagne démocratiques était une faute immense qui ne tarderait pas à rejaillir sur la République française et à la compromettre. Or, la République étant l'objet de son affection, de son culte, le peuple ne pouvait pas plus pardonner à ceux qui l'avaient compromise par leur faiblesse, qu'à ceux qui travaillaient à la perdre ouvertement.

Ceux-ci, pressentant que la lutte préparée par eux depuis si longtemps était devenue imminente, redoublèrent d'efforts pour qu'elle éclatât enfin. Tandis que les chefs de la réaction siégeant à l'Assemblée détournaient les yeux du dernier placet des ateliers nationaux pour être dispensés de concourir à calmer l'effervescence des travailleurs, les agents actifs de la contre-révolution parcouraient les groupes populaires pour les exciter encore davantage contre le gouvernement. Ils ne parvinrent que trop à faire crier : A bas l'Assemblée ! à bas la Commission exécutive !

D'un autre côté, les partisans dynastiques, toujours aux aguets des émeutes qui pouvaient les servir, ne manquèrent pas d'embrouiller les affaires de la République : l'or fut même répandu par des agents étrangers[6], dans le but d'acheter des partisans aux prétendants ; et l'on entendit, dans la même soirée, quelques cris de vive Napoléon ! mêlés à ceux proférés contre l'Assemblée nationale.

Nous venons de dire que les républicains sincères furent les seuls qui vissent avec peine les apprêts d'une insurrection pouvant prendre le déplorable caractère de la guerre civile. Entre mille preuves que nous pourrions citer de cette louable disposition, nous parlerons de ce qui se passa pendant cette soirée dans la salle des Spectacles-Concerts transformée en club populaire. Là, en présence de deux mille citoyens appartenant à l'opinion démocratique la plus avancée, on vit le journaliste Alphonse Esquiros employer toute son éloquence à prêcher le calme et à faire entendre des paroles de conciliation, que tous les spectateurs applaudirent fortement. D'autres orateurs, après avoir rappelé au peuple qu'il a lui-même inauguré son triomphe et son avènement à la souveraineté en brûlant l'échafaud et en abolissant la peine de mort en matière politique, engagent le peuple à se défier de ceux qui le poussent à la lutte que les souffrances et le désespoir pourraient enfanter, et que les ennemis de la liberté semblent provoquer par tous les moyens. Ainsi, dans ces clubs démocratiques, représentés comme des ateliers d'insurrection, pas une parole n'est prononcée pour échauffer le peuple, pour le pousser à prendre les armes ; tandis que tous les hommes se disant modérés l'excitent, par tous les moyens, à un combat qu'ils croient devoir être funeste à la République.

 

 

 



[1] L'avis inséré au Moniteur du 22 juin contenait, de plus que celui placardé, la phrase suivante, placée après ces derniers mots : On se rappelle qu'une décision récente a prescrit que les ouvriers de dix-sept à vingt-cinq ans auraient à contracter des engagements dans l'année. Cette phrase, qui contenait une violation formelle des lois sur le recrutement, fut supprimée dans le placard, et le Moniteur du 23 la fit considérer comme une erreur. Mais le lendemain, un projet de décret fut présenté par le citoyen Ambert, pour admettre à contracter un engagement militaire dès l'âge de dix-sept ans.

[2] Singulier moyen de résoudre cette immense question du travail que de vouloir remplacer les outils de l'ouvrier par le fusil ! La multiplicité des fusils fut la grande faute du gouvernement provisoire, puisqu'il ne voulait pas faire la guerre aux rois.

[3] Depuis quelques jours, on ne cessait de recevoir les plus mauvaises nouvelles du côté de l'Italie : les tergiversations, les menées royales de Charles-Albert portaient leurs fruits ; les corps autrichiens, après avoir eu le temps de se renforcer, venaient de prendre l'offensive dans les Etats Vénitiens de la terre ferme ; Venise était de nouveau menacée, et la Lombardie allait être jouée dans une bataille devenue inévitable. Nous ne tarderons pas à raconter ces événements désastreux pour la cause de la liberté.

[4] Malgré toutes les recherches et les démarches que nous avons faites pour nous procurer le texte de cette pétition, dernière supplique des travailleurs, il nous a été impossible de l'ajouter ici. Peut-être serons-nous plus heureux dans les recherches que l'on fait aux archives de l'Assemblée nationale, et alors nous nous ferons un devoir de placer cette pétition sous les yeux de nos lecteurs ; car elle doit avoir une certaine importance dans le drame qui va se dérouler. La pétition des ouvriers des ateliers nationaux, disait le journal la Réforme du 23, est grave. Nous la donnerons demain. — Hélas ! voilà le drame !

[5] Ces arrestations ne purent avoir lieu ; lorsqu'on avisa de les mettre à exécution, les brigadiers désignés se trouvaient aux barricades.

[6] L'un des faits les plus avérés qui aient servi à constater la présence d'une grande quantité d'or étranger à Paris depuis la résurrection des partis dynastiques, est, sans contredit, l'apparition subite, chez les changeurs, d'une grande quantité de pièces de monnaie russes. D'où vient cet or ? se demandaient les journaux. La réponse était facile à faire, puisque le propos attribué à l'empereur Nicolas : Je consacrerai, s'il le faut, cent millions pour détruire la République française, n'avait jamais été démenti.